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AGROALIMENTAIRE Montréal, producteur maraîcher et vigneron

MONTRÉAL, PRODUCTEUR MARAÎCHER ET VIGNERON!

PAR PIERRE THÉROUX, JOURNALISTE

La récolte s’est révélée particulièrement bonne l’été dernier: un peu plus de 2,5 tonnes de tomates, aubergines, poivrons, piments, haricots, courgettes, laitues, bok choy, choux-raves, radis, concombres, pois, carottes et fenouil ont été cueillies… sur le toit du Palais des congrès, en plein centre-ville!

C

ette production, qui s’étend sur une petite superficie de moins de 660 m2 (environ 6500 pi2), montre que le développement de l’agriculture urbaine à Montréal va bon train. Si la ville a une longue tradition en matière de jardins communautaires, l’agriculture urbaine n’est plus seulement un simple loisir et elle s’inscrit aujourd’hui dans une démarche plus commerciale.

D’autant, comme l’ont démontré la pandémie et son confinement, qu’elle s’avère «un élément clé pour rapprocher les lieux de production et de consommation et assurer une plus grande sécurité alimentaire locale», fait valoir Jean-Philippe Vermette, cofondateur et directeur intervention et politiques publiques du Laboratoire agriculture urbaine qui supervise l’exploitation de la ferme expérimentale du Palais des congrès. La majeure partie de la récolte a été livrée au Carrefour alimentaire Centre-Sud, un organisme qui soutient «le développement d’un système alimentaire local, écologique et solidaire», selon son site Internet. Les produits ont ensuite été vendus au Marché solidaire Frontenac.

DES PRODUITS FRAIS DIRECTEMENT… DU TOIT

Montréal est l’une des métropoles où l’agriculture urbaine serait la plus pratiquée, grâce notamment aux Fermes Lufa qui ont fait la preuve depuis 10 ans que cette forme d’agriculture est viable et qui lui ont donné une impulsion.

En 2011, le jeune entrepreneur montréalais Mohamed Hage, alors âgé de 30 ans, fondait Lufa et implantait la toute première serre commerciale sur toit au monde, d’une superficie de près de 2880 m2 (31 000 pi2) dans le secteur District central de l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville. Depuis, la firme a construit trois autres serres encore plus grandes, dont celle de l’arrondissement Saint-Laurent inaugurée à l’été 2020 et qui totalise 15 236 m2 (164 000 pi2), soit l’équivalent de trois terrains de football.

C’est aussi dans cet arrondissement montréalais que se trouve le plus grand potager biologique sur un toit de supermarché au pays. Un marché d’alimentation IGA,

LABORATOIRE AGRICULTURE URBAINE

ouvert en 2017, offre en effet dans ses étals des légumes certifiés Ecocert qui poussent sur son toit vert de 2 323 m2 (25 000 pi2).

À plus petite échelle, des restaurateurs montréalais ont aussi leur propre production maraîchère, comme Toqué qui a aménagé son potager sur le toit de l’édifice de la Caisse de dépôt et placement du Québec. De même, «il y a de plus en plus de propriétaires et de gestionnaires d’immeubles qui décident de verdir leurs toits avec un potager», constate Jean-Philippe Vermette; celui-ci estime que ce sont de nombreux immeubles des parcs industriels dispersés sur le territoire montréalais qui offrent le plus grand potentiel de développement de cultures sur les toits.

UN COMPLEXE DE SERRES

Le Laboratoire sur l’agriculture urbaine mènera sous peu une étude, en collaboration avec l’Institut de recherche en biologie végétale, visant l’implantation d’un complexe de serres dans l’arrondissement montréalais de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, qui fut le premier à se doter d’une politique d’agriculture urbaine.

Ce projet permettra non seulement de contribuer à la revitalisation de l’est de Montréal, mais aussi d’accroître la sécurité alimentaire de la population de la région métropolitaine. La Ville a d’ailleurs annoncé, en réponse aux impacts de la pandémie, que l’agriculture urbaine constituait l’un des secteurs stratégiques pour relancer son économie.

Montréal compterait environ 40 entreprises agricoles urbaines. Une dizaine d’entre elles sont installées à la Centrale Agricole, située dans les locaux d’un bâtiment industriel près du Marché central dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville. On y trouve entre autres des éleveurs d’insectes comestibles ainsi que des producteurs maraîchers et de champignons.

Depuis l’été dernier, le toit de la Centrale Agricole accueille même le plus récent vignoble à s’implanter à Montréal, et le plus grand sur un toit au monde! Cet ajout de 200 pieds de vigne s’additionne aux 345 pieds déjà cultivés sur les toits du Palais des congrès de Montréal (2017), de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (2018), d’Ubisoft Montréal (2019) ainsi qu’à un vignoble au sol au Campus SAQ (2018) dans l’arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve. Ces vignobles urbains ont jusqu’à présent produit une centaine de bouteilles, et ce n’est qu’un début.

DES CORRIDORS VERTS

Le verdissement de Montréal ne passe pas uniquement par le développement d’une agriculture urbaine. En décembre dernier, Hydro-Québec et la Ville de Montréal annonçaient la création d’un corridor vert de 27 km qui

TOIT DE LA CENTRALE AGRICOLE

reliera d’ici 10 ans le parc-nature du Bois-de-Saraguay et le parc Angrignon. Ce corridor sera implanté en partie sous des lignes électriques d’Hydro-Québec qui traversent plusieurs arrondissements de l’ouest de Montréal. D’autres corridors verts doivent également voir le jour ces prochaines années, en collaboration notamment avec le Canadien National et la firme Lafarge qui se sont engagés à planter des milliers d’arbres sur leurs emprises.

Ces corridors verts «permettent de revitaliser des quartiers tout en offrant une protection contre le bruit, la poussière et les odeurs», indique Malin Anagrius, directrice générale de la Société de verdissement du Montréal métropolitain (Soverdi), un organisme qui œuvre à verdir la ville principalement grâce à la plantation d’arbres.

SOVERDI

EVE LORTIE-FOURNIER

Directrice adjointe REQ

REQ

PIERRE DAGENAIS

Cofondateur et pdg Aménagement Côté Jardin

AMÉNAGEMENT CÔTÉ JARDIN

Soverdi travaille au projet de plantation de 300 000 arbres sur l’île de Montréal entre 2015 et 2025, dont 180 000 sur des sites d’entreprises et d’établissements. Les citoyens sont aussi mis à contribution puisque Soverdi et le Regroupement des éco-quartiers (REQ) invitent chaque printemps les Montréalais à planter des arbres sur leurs terrains. Le programme Un arbre pour mon quartier leur permet de s’en procurer à très bas prix. Les citoyens ont ainsi planté eux-mêmes plus de 17000 arbres depuis 2013, dont près de 4400 l’an dernier. «Il y a un engouement croissant chaque année, et nous devrions surpasser ce nombre cette année», souligne Eve Lortie-Fournier, directrice adjointe du REQ.

DES RUELLES PLUS VERTES

Les nombreuses ruelles de la ville, si caractéristiques de l’urbanisme et de certains quartiers montréalais, sont un autre exemple de verdissement croissant de Montréal. On y compte en effet plus de 450 ruelles «vertes» qui ont été aménagées à l’initiative de résidents, dont certains ont reçu l’appui financier du REQ.

Le paysage urbain de Montréal a donc changé ces dernières années, laissant davantage de place à l’aménagement d’une ville, de quartiers et d’édifices plus verts, note d’ailleurs Pierre Dagenais, cofondateur et pdg de la firme Aménagement Côté Jardin. «Il y a de plus en plus d’intérêt et d’efforts de la part de la Ville et des promoteurs immobiliers pour créer des milieux de vie plus intégrés avec la nature», constate-t-il.

Cette entreprise montréalaise spécialisée dans l’aménagement paysager a elle-même mis son empreinte sur plusieurs projets d’envergure ces dernières années, comme le parc Frédéric-Back, situé dans l’ancienne carrière Miron de l’arrondissement Saint-Michel qui avait ensuite été convertie en site d’enfouissement.

L’entreprise est aussi impliquée dans le projet de réaménagement du square Viger et a transformé le square Cabot, un parc centenaire situé dans l’ouest de Montréal devant l’ancien Forum de Montréal, en une mini forêt urbaine. Voilà autant de projets qui favorisent «l’émergence de nouveaux milieux de vie pour les citoyens d’un quartier», se réjouit Pierre Dagenais.

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