La Laiterie - Journal à Part 10

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A PA R T É S C U L I N A I R E S

Gautier Nicolas

Les saisons passent, avec elles les créations se suivent. Chacune d’elle a laissé une empreinte, des créations devenues des classiques…

© Thomas Muselet

Interview par Yannick Hornez


© La Laiterie

Nicolas Gautier et son équipe en cuisine

Le ton est donné sur le site de La Laiterie, restaurant étoilé de Lambersart, gastronomique désormais emblématique grâce aux célèbres chefs qui s’y sont succédés. Depuis trois ans, les créations et les classiques sont l’œuvre de Nicolas Gautier et de son équipe, comptant parmi elle le nouveau talent Gault et Millau de la pâtisserie, Anne-Sophie Bercet.

Comment es-tu arrivé à La Laiterie ? Je suis arrivé il y a trois ans, avec l’impression que j’avais un peu fait le tour des choses dans les autres établissements. J’ai eu plusieurs propositions dans toute la France, mais celle du Nord à La Laiterie était le challenge que j’attendais. Pourquoi ?

Voilà trois ans qu’à La Laiterie, il souffle un vent de renouveau. D’abord en salle, où le propriétaire Pascal Boulanger a effectué d’importants travaux, requinquant dans un esprit épuré le restaurant, qui a conservé son cadre zen et délicat aux larges baies vitrées donnant sur une terrasse en bois verdoyante ; mais il propose désormais au sein même des cuisines, une table d’hôte teintée d’authenticité scandinave : un portail vers une nouvelle parenthèse enchantée, une étrange aventure gastronomique! Ce vent de liberté, qui se retrouve aussi dans les saveurs, est l’œuvre de Nicolas Gautier, qui conserve l’étoile depuis son arrivée, et en vise une deuxième. Cet amoureux du Nord, de son ambiance et de sa gastronomie, est un « locavore », infatigable dénicheur des meilleurs produits locaux. Sa cuisine délicate mais naturelle, élaborée avec gourmandise, se présente tout en raffinement, séduction et surprise : entrée de homard à la réglisse, plat aux navets des Flandres et dessert à la betterave… ça fleure bon de par chez nous !

D’abord, étant de l’Aisne, j’avais envie de retrouver le Nord de la France, ensuite parce que je connaissais bien sûr la réputation du restaurant. Les chefs de La Laiterie avant toi étaient de fortes personnalités ; est-ce difficile d’enfiler leurs pantoufles ? Évidemment que c’est difficile et tant mieux ! Dans ce métier, il faut être ambitieux. Dan Barber, un chef américain, dit que si à la fin de ta carrière tu as l’impression d’avoir accompli tous tes challenges, c’est que tu n’étais pas assez ambitieux. C’est ma philosophie. C’est une réussite pour toi ; le restaurant affiche complet, tu as gardé l’étoile… Oui ; c’est la première année qui est difficile car il faut faire ses preuves auprès de la clientèle : Qui est-il ? Que va-t-il proposer ? Va-t-il rester ?

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LE JOURNAL À PART - #10

© La Laiterie

Ambiance délicate et feutrée pour vos repas gastronomiques

© La Laiterie

Une table d’hôtes dressée au sein de la cuisine pour une nouvelle expérience culinaire


A PA R T É S C U L I N A I R E S

Quels sont les changements depuis ton arrivée ? © La Laiterie

On a d’abord effectué beaucoup de travaux en salle et en cuisine ; embellissement épuré, isolation… Le service classe mais décontracté a été gardé, comme la cuisine de mon équipe. C’est une cuisine travaillée et une cuisine d’histoire familiale.

Aux beaux jours, la terrasse vous accueille dans un écrin de verdure

Quelle est ton histoire ? Mon père a fait l’école hôtelière de Lausanne et a été chef de cuisine pendant cinquante ans. Mes parents sont devenus propriétaires de leur restaurant et j’ai été élevé entre la sole meunière et les profiteroles au chocolat, avec le maître d’hôtel qui me mettait la cuillère dans la bouche. Quand j’ai choisi ce métier, mon père m’a fait faire trois stages en cuisine : une cantine, une pizzeria et un restaurant étoilé, pour découvrir les différentes facettes du métier. Et quand je suis sorti de la Toque Blanche à Chauny, le seul étoilé de l’Aisne à l’époque, j’ai su que je voulais travailler dans la gastronomie. Mon père m’a fait quitter le restaurant familial pour que j’avance le plus loin possible dans le métier. J’ai intégré le Château de Fère aux côtés de plusieurs chefs emblématiques comme Éric Briffard. Après mon CAP, j’ai fait deux ans en Suisse dans un magnifique hôtel à Genève, puis je suis revenu auprès de mon père malade et j’ai passé un BEP de service en salle.

D’accord ! Ça explique l’amélioration du service depuis ton arrivée. La cohérence entre l’équipe de cuisine et l’équipe de salle est primordiale pour moi. Qu’as-tu fait ensuite ? J’ai travaillé dans plusieurs restaurants importants, intégrant entre autres l’équipe de Michel Del Burgo au Bristol à Paris, puis j’ai racheté le restaurant familial que j’ai tenu cinq ans avec mon épouse. Mais la clientèle n’était pas au niveau gastronomique que j’attendais. J’ai donc travaillé dans un grand établissement avant de choisir La Laiterie. Comment tu définirais ta cuisine ? On te dit locavore… Pour moi ce n’est pas une particularité, il est normal pour un chef aujourd’hui de privilégier les produits de sa région, ou en tout cas avec le moins de transport possible. Si je ne trouve pas de citron dans le Nord, je les achète à Menton, pas au Pérou.

Tartare de Canard des Challans, déclinaison de petits pois et origan

Tu privilégies aussi la qualité du produit, y compris pour le vin ? Le bon vin participe à la bonne table, à la bonne chère, au plaisir du partage. J’aime beaucoup le Vacqueyras. Et mon père m’a initié au Châteauneuf-du-Pape, rien que ça !

© TLa Laiterie

Comment tu vois l’avenir ? Je me sens bien à La Laiterie, le cadre me plaît, je m’entends bien avec les propriétaires, mon équipe et la clientèle. Vous visez la deuxième étoile ?

Homard d’Audresselles, betteraves et jus de cerises Montmorency

Pourquoi pas ? En tout cas aujourd’hui la première brille, l’établissement tourne à merveille, les clients sont contents et les finances vont bien, ce qui n’est pas toujours le cas des restaurants étoilés. La deuxième étoile, ce serait la cerise sur le gâteau !

© TLa Laiterie

Propos recueillis par Yannick Hornez

Restaurant La Laiterie 138, avenue de l’Hippodrome 59130 Lambersart Tél : 03 20 92 79 73 Fermé le dimanche soir et le lundi www.lalaiterie.fr #10 - LE JOURNAL À PART

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© Thomas Muselet

Anne-Sophie Bercet, Pâtissière de la Laiterie

Les menus de Nicolas Gautier sont sublimés par les desserts d’Anne-Sophie Bercet, élue « Jeune pâtissière de l’année » par le Gault & Millau 2017, qui met son talent et son inventivité au service de la fraîcheur et du goût. Interview d’une pâtissière qui n’aime pas le sucre ! Anne-Sophie, en quoi consiste le poste de chef pâtissière dans un restaurant étoilé ?

Ça c’est une particularité ! Et le vin, est-ce que tu t’y intéresses ?

Il s’agit d’abord d’être fidèle à l’esprit du chef et au ton qu’il a choisi pour composer ses menus. Ensuite, il faut se montrer à la hauteur de son talent.

Un vin peut sublimer un dessert, mais il faut s’y connaître, c’est donc notre sommelier qui s’en occupe.

Tu t’occupes donc de toutes les notes sucrées ?

As-tu souvenir d’un vin qui t’ait marquée ?

Oui, le pré-dessert, le dessert et les mignardises en fin de repas.

Oui, un vin rosé effervescent, le Cerdon.

Tu viens de recevoir le titre de « Jeune pâtissière de l’année » par le Gault & Millau ; c’est un prestige pour toi ?

Ça t’a donné des idées de recettes ? Pourquoi pas, oui ! Comment se décline ton avenir ?

Oui, c’est un honneur d’obtenir la reconnaissance de tous ses pairs à travers la France.

Me maintenir à la même hauteur, et pourquoi pas viser plus haut.

Tu savais qu’ils venaient te découvrir ici ?

Tu as des créations en tête ?

Je l’ai su quand ils m’ont appelée pour m’annoncer la nouvelle.

Oui, un dessert à l’endive verra bientôt le jour sur la carte, pour rester local.

Comment devient-on chef pâtissière ?

Propos recueillis par Yannick Hornez

Comment peut-on définir ta pâtisserie ? Je limite au maximum l’utilisation du sucre ! Je n’aime pas trop ça.

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LE JOURNAL À PART - #10

© Thomas Muselet

Mon père était restaurateur mais je voulais devenir professeur des écoles. J’ai changé d’avis au cours de mes études, j’ai rattrapé la filière hôtellerie et restauration, et le BTS en poche, je me suis perfectionnée un an en pâtisserie au lycée hôtelier du Touquet. Ça a été la révélation grâce à mon professeur qui m’a transmis son savoir-faire et surtout sa passion.


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