journal des avocats - N째20
La nouvelle Audi Q7 e-tron Le premier plug-in hybrid avec quattro et technologie TDI. Durabilité et dynamique d’exception. L’Audi Q7 e-tron quattro allie moteur électrique et moteur à combustion TDI, associant habilement le meilleur des deux mondes. Une voiture qui bouscule les normes. Change le monde. Pas le quotidien.
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Georg Flegel (1566-1638)
Printemps 2016 - LE NUMÉRO 20 - SPÉCIAL SAVEURS
« Il n’y a qu’une seule façon d’éviter les critiques : Ne dis rien, ne fais rien, ne sois rien ! » Aristote
Nul n'est plus heureux que
le gourmand. Jean-Jacques Rousseau
Floris van Dyck, aussi appelé Floris van Dijck ou Floris Claesz. van Dyck (Delft c.1575 – Haarlem 1651) Nature morte - 1610 - huile sur panneaux de chêne - Collection privée
EDITORIAL Croquer les mots ! Arrêtez quelque peu le temps pour vous repaître de ce numéro délicieux. Dès l’ENTRÉE, nos Grandes Conversations vous offriront toute la saveur littéraire authentique obtenue par le talent et le travail de leurs auteurs. Ensuite, commencez votre exploration des PLATS DE RESISTANCE par de vrais souvenirs d’enfance, d’envie de paix et de douceur. Un sommelier pas si bien intentionné vous dira d’en boire… ! Ils seront là dans 8 jours, généreusement, et en bonne compagnie, pour la tournée des restaurants. Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons… cela vous rappelle sûrement quelque chose ! Un weekend de débarras qui vous mettra certainement en grand appétit. Saupoudrée de technologie la soupe du barreau… une génération à déguster. Et puis..Tais-toi et mange ! Des croustillants plaisirs de la table aux joies de la bécasse, dans un article si bien mitonné que vous y succomberez. Mais quel lien y a-t-il entre cuisine et justice ? C’est tout simplement « savoureux » ! Un insatiable photographe vous a accomodé en français un feuilleté allemand remarquable. Nostradamus vous offre ses recettes… de confitures et pas seulement ! A se délecter, un nuage de lait dans une tasse d’eau chaude… Vous allez vous régaler avec le texte acidulé du jour des femmes. Un verre d’anisette, de rhum ou de cognac et la gâterie délicieuse d’un pâtissier automate, une illusion ? Boulimique Bibendum, oui, mais léger et envolé dans les étoiles pour vous régaler. Vous voici déjà aux ENTREMETS : ils sont généralement frais, parfois glacés, mais ici ce sont deux histoires, vécues avec optimisme, qui vous donneront envie de croquer à nouveau la vie à belle dents ! Après tout cela, nos DESSERTS pour les gourmands… c’est de la gloutonnerie, le savoureux. Bon appétit ! Myriam Robert-César Alligators & Cie S.A.
Menu Entrées : Les Grandes Conversations du journal des avocats François Dessy nous invite au coeur de son prochain livre… en compagnie de Paul Lombard Christian Jassogne interviewé…En cause de : Alfred Dreyfus contre la légion du déshonneur
Plats Mitonnés par : Philippe Balleux
BAL
Ah Dieu ! Que la guerre est jolie !
Olivier Bonfond
BON
Prenez, et buvez-en tous…
Jean-Pierre Buyle
BUY
Les Noirauds
Olivier Collon
COL
Le retour de l’enfant prodigue…en…absurdie.
Martine Delierneux
DEL
Chronique d'un week-end de rangement
Maxime Fabry
FAB
La soupe du Barreau
Michel Forges
FOR
Tais-toi et mange !
Patrick Geelhand de Merxerm
GEE
Des bécassines rôties et autres plaisirs de la table
Delphine Heritier
HER
Le savoureux, un lien entre cuisine et justice
Guido Imfeld
INF
Une ou deux remarques sur la photographie
Gérard Leroy
LER
Quelques variations autours de Nostradamus
Myriam Rémion
REM
Les Nuages
Jehanne Sosson
SOS
Le jour des femmes
Cavit Yurt
YUR
Le pâtissier du Palais-Royal
Onur Yurt
YURT
Constellation Bibendum
Entremets : Out of context ! Histoires vécues Anne Gruwez - Les très pauvres heures d’un sein, selon celles très riches du duc de Berry,… Benoît Stévart - Mon adversaire n'a pas conclu !
Desserts : Tous en récré - Savoureux - Où retrouver tous nos auteurs - Photos des auteurs
La tombola des auteurs LE PREMIER PRIX
PARIS PRESTIGE
Pour ce numéro SAVOUREUX, le journal des avocats offre au gagnant un premier prix formidable. Le Pavillon de la Reine & Spa l’accueillera dans le Marais, sur la célèbre place des Vosges, une adresse hors du temps, un havre de paix au cœur de la capitale française, entouré de jardins ombragés. Une parenthèse enchantée dans cet hôtel de luxe, une escale appréciée des voyageurs du monde entier en quête de discrétion et de charme. Deux nuits en Suite Junior avec petits déjeuners offerts. (Voir annonce)
LE DEUXIÈME PRIX
« DETENTE et GASTRONOMIE »
Nous offrirons au gagnant du deuxième prix un séjour « DETENTE et GASTRONOMIE » pour deux personnes AU SANGLIER DES ARDENNES, Hôstellerie **** à Durbuy. Pour 2 personnes : une nuitée en chambre Tradition double, un repas gastronomique avec les apéritifs, les vins adaptés, les eaux à table et la café, le petit déjeuner du lendemain, le lunch 3 services avec eaux à table, 2 verres de vin et café et l’accès au magnifique Centre Wellness… (Voir annonce)
LE TROISIÈME PRIX
ALASKA Peugeot High Tech SAVEURS
Nous offrons au gagnant du troisième prix un coffret Peugeot High Tech SAVEURS en trio, un cadeau prestigieux pour faire sensation ! Sur un design résolument contemporain, ces moulins jouent le ludique, le vintage, et affiche l’insolite dans un ensemble harmonieux. Son ergonomie fera le bonheur des cordons bleus qui peuvent l’utiliser d’une seule main, tout en cuisinant de l’autre. A la base, une lampe permet de contrôler le dosage. Peugeot, acteur incontournable dans la fabrication de moulins de table et d’accessoires dédiés à la dégustation du vin, vous propose pour un gourmet, épicurien ou amateur, de très beaux objets. (Voir annonce)
Notre tombola est organisée tous les trimestres pour les auteurs du numéro, en remerciement de leur amicale et gracieuse contribution au beau succès de notre magazine! Les résultats du tirage sont envoyés par email à tous nos auteurs et les heureux gagnants sont aussi contactés par téléphone pour la remise de leur prix. La tombola est toujours aimablement contrôlée par notre huissier de Justice, Maître Frank SPRUYT, que nous remercions chaleureusement. Nous souhaitons BONNE CHANCE A TOUS !
Le Pavillon de la Reine & Spa vous accueille dans le Marais, sur la célèbre place des Vosges. Découvrez une adresse hors du temps, un havre de paix au cœur de la capitale française, entouré de jardins ombragés. Laissez-vous séduire par la décoration de nos 54 chambres et suites entièrement personnalisées, tantôt contemporaine tantôt classique. Offrez-vous une parenthèse enchantée dans cet hôtel de luxe, une escale appréciée des voyageurs du monde entier en quête de discrétion et de charme.
www.pavillon-de-la-reine.com 28 Place des Vosges 75003 PARIS +33(0)1 40 29 19 19 contact@pdlr.fr
L'histoire L’hôtel Le Pavillon de la Reine doit son nom à Anne d’Autriche, reine de France qui, au 17e siècle, vécut dans l’aile qui séparait la demeure de l’actuelle place des Vosges. Ce fut d’ailleurs à l’occasion de ses fiançailles avec Louis XIII, en 1612, que la place fut inaugurée. Elle prend alors le nom de « place Royale ». En 1800, après avoir connu plusieurs autres noms, elle est baptisée « place des Vosges ». Il s’agit de la plus ancienne place de Paris.
Au cours des siècles, elle a accueilli de nombreux résidents célèbres tels que Georges Simenon, Colette ou Victor Hugo. Elle a ainsi contribué à l’aura du Marais, quartier dont elle fait en partie la renommée. A votre tour, découvrez ce lieu historique de la capitale, un site préservé occupé aujourd’hui par un agréable parc, des fontaines, des pelouses et des arbres. La place des Vosges, le Marais, la Bastille, l’Ile de la Cité... Dans le 3e arrondissement et à la limite du 4e, le Pavillon de la Reine vous ouvre les portes du centre historique de Paris.
Flânez sous les arcades de la place des Vosges, occupées par les galeries d’art, antiquaires et autres restaurants. Découvrez également le Marais, quartier animé de Paris où vous aurez toujours une occasion de faire du shopping, de vous installer sur la terrasse d’un café ou de simplement vous promener... La place de la Bastille et son opéra se situent également à proximité de notre hôtel de luxe. Visitez les musées du quartier tels que le Musée Picasso...
Au pied du château de Durbuy, le long de la rivière, le restaurant gastronomique « Le Sanglier des Ardennes » propose une table savoureuse. La carte fait la part belle aux produits locaux : gibiers, charcuteries ardennaises, fromages achetés des fermes environnantes, poissons et crustacés de la rivière (sandre, truite, écrevisses…). On retrouve avec bonheur des recettes historiques telles la poularde au gros sel, la côte de sanglier en panure de poivre ou encore la truite au bleu. La Brasserie Fred, modernité et tradition. Une atmosphère lounge aérée et accueillante. Une carte de bistronomie savoureuse, à des prix doux, mariant les saveurs et les origines : jambon d’Ardennes, côte de sanglier, queue de boeuf braisée au vin rouge, terrines… Et bien entendu une belle sélection de gibiers en saison et de poissons de rivière. Deux salles côtes à côte encadrent le bar et un comptoircuisine. Enfin, à flanc de rue, une chaleureuse terrasse donne à l’ensemble un petit air de vacances, dès les premiers rayons du soleil… Conviviale et accueillante, l’Hostellerie Le Sanglier des Ardennes possède le charme des vieilles demeures. Depuis plus de 70 ans, ses hôtes hébergent touristes et hommes d’affaires, le temps d’un weekend, d’un séminaire, pour des vacances ou une petite pause dans le tumulte de la semaine… Forte de ses quatre étoiles, elle propose des chambres mariant charme et confort… Et elle est restée fidèle à la devise de ses débuts, qui garantissait « le confort moderne, l’eau courante et le chauffage central » ! Avec leur parquet ciré et leurs meubles d’époque, les 18 chambres « tradition » s’alignent sur deux étages. Par ailleurs, des chambres et suites contemporaines ont été conçues lors de la rénovation du bâtiment. Toutes agrémentées de magnifiques terrasses avec vue sur le château ou sur la rivière.
Le Sanglier des Ardennes, côté bien-être. Dédié à l’harmonie du corps et de l’esprit, un hammam, un sauna, un « paradis des eaux », trois cabines de soin (dont une cabine duo pour les massages destinés aux couples), une cabine de thermospa avec son lit de flottaison et une salle de détente. Massages rituels du monde, du Brésil à l’Afrique en passant par l’Orient, soins du visage et du corps, cures silhouette, le centre offre une carte complète d’instants de bien-être pour tous - à la carte ou sur base de forfaits. Une ambiance douce et relaxante, pour des moments de pleine sérénité…
L’Hostellerie Le Sanglier des Ardennes Rue du Comte d’Ursel, 14 - B-6940 DURBUY Tél. : +32 86 21 32 62 Fax. : +32 86 21 24 65 info@sanglier-des-ardennes.be - www.sanglier-des-ardennes.be
Le Grand Diner
-le journal des avocatsPartenaire du Salon des Artistes Animaliers
Le Journal des Avocats fait désormais partie des Partenaires Officiels du prestigieux
Salon des Artistes Animaliers, de Chasse et de la Nature, lancé avec succès en 2015 au Cercle Gaulois à Bruxelles, organisé en France en 2011 à la Maison de la Chasse et de la Nature, et depuis 2012 à l'hippodrome d'Auteuil. Nous sommes heureux de vous annoncer que tous nos lecteurs sont conviés à la deuxième édition en Belgique de cette exposition, qui se tiendra du vendredi 18 au dimanche 20 mars 2016 et toujours au
Cercle Royal Gaulois, Artistique et Littéraire Bienvenue à tous les avocats Attention : la demande d'invitation et l’inscription préalable sont obligatoires à l'adresse www.salon-artistes-animaliers.com
Dessins de Jean-Yves du Boispean
LES GRANDES CONVERSATIONS DU JOURNAL DES AVOCATS
Propos choisis par François Dessy pour le journal des avocats.
« Paul Lombard, The French Lawyer » Walking dreamer. Membre du Barreau de Huy et de Liège ; orateur de rentrée (2011), membre du conseil de l’ordre (depuis 2012), membre du comité de rédaction du Pli juridique, lauréat de divers concours d’écriture, collaborateur de la Revue Barreau de Liège,… Rat de palais, de bibliothèque, rat des villes animées et des champs aérés, toutes latitudes confondues. Renard des surfaces engazonnées ou brique pillée, la bonne saison revenue. Et des livres-entretien : deux parus en automne 2014 « Jacques Vergès, l’ultime plaidoyer », 140 p et « Roland Dumas, le Virtuose diplomate », 270 p ; à paraître « Jean-Denis Bredin les prouesses de la sagesse » et « Paul Lombard, The French Lawyer », tous aux éditions de l’Aube dont il co-dirige la collection « Conversations entre confrères ».
le journal des avocats
Livre-entretien écrit avec Paul Lombard, qui sera publié en avril 2016 aux Editions de l’Aube, « Paul Lombard, The French Lawyer »
« Que je puisse représenter à cette auguste audience l'incomparable beauté d'une âme ... » Oraison funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche, reine de France. « Fussiez-vous demi-pourris dans le tombeau, il vous ressuscitera » (…) « Il est véritable que qui ôte l’esprit à la réflexion en ôte toute la force ». Sermons sur la pénitence. Jacques Bénigne Bossuet.
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Louis XV avait fait ériger par Vauban les forts Saint-Nicolas et Saint-Jean et en avait tourné les canons, non vers la mer mais vers la terre, pour tenir la ville de Marseille en respect. Louis XVI s’est toujours méfié de l’indépendance de Marseille, vertu portuaire qu’aura cultivée Maître Paul Lombard jusqu’à l’humiliation. Descendre les marches du palais d’Aix contre vents et marées humaines réprobatrices, Lombard sait assurément ce qu’il en coûte. Braver une foule déchaînée qui, projectile en main, lui barre la route en présence de CRS qui font la fine bouche ou braver une foule s’écartant devant son passage - non par adulation, devant un prophète écouté, un Moïse prêchant la bonne vérité judiciaire, mue plutôt par le dégoût qu’inspirerait un pestiféré dont la plaidoirie a remplacé la crécelle. Il sait aussi ce que c’est. Mais peu lui chaut. Arrimé à ses convictions, à son intime conviction, ainsi qu’il intitula un de ses livres, l’enfant du vieux port n’a jamais accepté de n’avoir pu épargner l’âme de Ranucci mais in petto ne supporterait pas de vendre la sienne à l’opinion publique. Non, vox populi n’est pas vox dei, pour Lombard ! Difficile de lui trouver sa généalogie dans l’arborescence luxuriante de l’Histoire de France, dans l’arbre à « palabres sacrées… », qui confère une charge presque poétique à ces deux mots contre la banalisation desquels il nous faut lutter aujourd’hui - non par vanité - par lucidité : deux mots, deux clés qui donnent accès à des millions d’autres, deux mots et un patrimoine : la langue française. Puis eurêka ! Une branche s’en détache. Bossuet ! Bossuet connu pour son indépendance de robe (épiscopale) : pas de langue de bois même devant le Roi. Bossuet, raillant les plaisirs somptuaires, amoraux de Cour, Lombard raillant parfois son injustice, la ressemblance ne semble pas saugrenue1. Dernier praticien de la « plaidoirie-homélie », Paul Lombard la renierait-il ? Issus tous deux des jésuites, aux manières policées, au phrasé vernissé, deux crinières d’Absalon - ne l’affublait-on pas d’un « sainte tignace de Loyola » ? -, foisonnement capillaire et passion langagière, connaissance de l’homme de bien et défense de l’homme de peu, clairvoyance sur notre devenir puisée dans l’expérience. Et, ne l’oublions pas, une foi - partagée ? – le Non s’impose ! Bien plus, l’un et l’autre se sont ingéniés à étudier et faire changer les lois : Bossuet rédigea les Quatre Articles et Lombard, pour édifier plusieurs recueils juridiques, légistiques novateurs, entrecroisa, occasionnellement, sa … plume avec les plus nobles huiles de la Cour de cassation2. L’un et l’autre se sont piqués d’une même lignée, les Condés, d’un même Duc, celui d’Enghien : l’un en assura l’oraison, l’autre, trois siècles plus tard, la réhabilitation3. Mondains, ils ont tous 1. Tout anti-judéité affleurant mise à part, on la prêta à Bossuet, elle hérisserait Lombard dans les veines duquel coule du sang de Judée. 2. Le procès de la Justice avec Jean-François Burgelin, procureur général de la Cour de cassation, de la Haute Cour et de la Cour de Justice de la République et Paul Lombard, « Le Procès de la justice », Plon, 2003, 161 P. ; Simone Rozès, premier président de la Cour de cassation et Paul Lombard, « Le juge et l’avocat », Dialogue sur la justice, Robert Laffont, 1992, 170 p. 3. Quatre générations dynastiques plus tard, les Condés, le Grand Condé, Louis, duc d’Enghien, dédicataire de l’oraison de Bossuet (1621-1686) ouvrant la généalogie simplifiée des Condés dont fit partie Louis-Antoine
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les deux fréquenté les Grands et donc les grandes tables. Maxim’s, dont Lombard est l’habitué, n’était-il pas, à la grande époque, le Versailles d’alors ? L’ortolan servi ne cachant pas chez eux le fretin du pauvre de leur « paroisse » respective, dont ils n’ignoraient aucune réalité. Les confessions irrésistiblement décillent… Certains plaidoyers et prédications de Lombard constitueront-ils, comme Bossuet, la musique subliminale du grand délibéré de l’histoire ? Elle seule en jugera. Toujours est-il que les derniers mots du requiem poignant qu’il réserva à Fourniret - in cauda venenum ! - font encore trembler les mémoires : « Vous Fourniret, qui avez vu la Vierge, puisse-t-elle intercéder auprès de son fils pour qu’après la perpétuité que prononceront les hommes, vous échappiez à la damnation éternelle » … Toujours-est-il que pour Ranucci – dont le procès fut la grand-messe de la vengeance ; il en suivit hélas toute l’effroyable liturgie - ce fut aussi, somme toute, une oraison « funèbre », transformant les esprits, pour y susciter d’autres idées, ressusciter un homme que l’on dit, ou prédit mort, et sauver son âme. Là en vain vox clamantis in desterto ! Ranucci « se meurt, Ranucci est mort ». Quant à la garde de Ranucci, à sa défense, elle n’est pas morte avec lui et ne s’est jamais rendue... Comme à son cousin l’aigle de Meaux, l’amour du verbe, des lois et des codes (chacun ses bréviaires) donnent des ailes. Qu’importe si d’autres oiseaux métropolitains, de piteux augures ceux-là, fustigent le vol de l’aigle noir de Phocée pour nicher désormais à Lutèce au-dessus de son nid (doré) de coucou. Il ne s’y est pas étiolé, loin s’en faut ! Il s’est même merveilleusement acclimaté à son nouveau « biotope ». Et de longue date. Son plumage, son CV judiciaire, n’en est que plus beau : celui d’un rara avis in terris comme cette somptueuse volière qu’est le Barreau en compte … par siècle sur les doigts d’une main. Nul besoin pour cet imposant planeur parisiano-marseillais de se parer des plumes du paon. Ni de celles de l’aigle royal. Il en a l’envergure, l’œil acéré. Il en a les serres faussement émoussées chez lui, l'allure, rapace sans en générer l’aversion, sans laisser deviner son féroce appétit, « sa capacité d’élimination » de l’adversaire ; loin de rester altier sur ces cimes, sur ces hauteurs de vue, de tournoyer ostensiblement, avant de fondre sur sa proie, il s’en approche, lui, délicatement, enjôleur, avec une redoutable douceur… pour mieux la cerner. En témoigne le tableau de chasse de l’aigle du Prado, du Bossuet de la Cannebière pour le moins fourni : avocat et ami du peintre Balthus, de la succession des peintres Bonnard, Matta, Chagall, Picasso, Matisse, avocat de l’OM, du milliardaire Onassis, de Bernadette Chirac, du prix Nobel Gao Xinjiang, avocat de Ranucci ou dans l’affaire du drame du Heysel, Kerviel - le trader qui fit vaciller la Société Générale - du Petit Grégory ou Fourniret,… et oserions-nous le passer sous silence, avocat de César, bien sûr, extraordinaire sculpteur, grand compresseur de clichés, - il y a matière ! -, son grand ami, à qui il inspira – qui sait- son « Flying Birdman », bronze d’envergure ornant une place à Hong-Kong.
(1772) Henri, duc d’Enghien, né en 1772 avant d’être sommairement exécuté en 1804. A qui Paul Lombard consacra un livre : voy Lombard, Paul. Par le sang d’un prince, le Duc d’Enghien, Paris, Grasset, 1986, 340 p. (prix Femina en 1986).
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The Flying Frenchman is a sculpture created by French sculptor César Baldaccini. The monument is located at Hong Kong Cultural Centre in Tsim Sha Tsui. It was donated by the Cartier Foundation to Hong Kong in April 1992.
Lombard batifole, s’ébroue acrobatiquement, folâtre gaiement dans les eaux salines, agitées parfois, de son éternelle jeunesse, dans les eaux toujours cristallines, de sa mémoire, maraudant, ça et là, dans cette bouillabaisse – onctueuse peuchère ! - de souvenirs, jamais pêchés à la criée mais portés par cette douce voix, chantonnante qui exhale, en un dernier grand souffle et à elle seule, tous les parfums méridionaux. Ce souffle se confond avec la brise de mer, tant il lave l’amertume, rafraîchit l’atmosphère, y transporte mille senteurs; ce souffle se confond avec les embruns qui chargent la rade de thym, de romarin sauvage, de lavande, d’ailloli, de salicorne et d’écume… ou de mousse d’écume médiatique, c’est selon. Les souvenirs affluent dans le cœur. Les étincelles, dans les yeux. Comme une allumette – ici marseillaise - craquée en pleine garrigue d’été finissant, asséchée par le cagnard de la vie, ses yeux attendris s’embrasent, à l’évocation de toutes « ces choses vues », vécues, qui n’ont jamais cessé de l’émouvoir - comment pourrait-on, il est vrai, sans cela, en faire profession ? - Au point que se fait jour une hypothèse : architecte du langage royal, comme le Nôtre le fut du paysage, ne peut-on pas dire de lui, à la suite de Louis XIV : « Vous avez été heureux n’est-ce pas ? ». « Oh non, vous êtes loin du compte », rectifie Lombard avec une pointe d’accent des calanques… L’objection (retenue) qu’il développe nous invite séance tenante à reparcourir cette vallée de larmes au fond de laquelle il a, en homme engagé, aussi roulé son rocher et au fond de laquelle, pour cette même raison, il est tant de fois redescendu – Sisyphe judiciaire de première main depuis…1952 - pour répondre aux appels de l’infortune. Des larmes (serait-ce
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pour éteindre le feu dans ses yeux, sous une sorte d’effet canadair lacrymal immuno-défensif, typique du midi) percent irrépressiblement, et coulent le long des petites nervures creusées, dans l’effeuillage des années, à flanc de joue. Ces larmes se mêlent au sel de sa vie… C’est que le temps, qui forge et perfore les cuirasses, n’a pu, complètement, les attiédir. Si le vol de l’aigle impérial, martial – non ecclésial ici - jusqu’à Paris, fut suivi d’un funeste Waterloo, le plongeon de l’aigle des mers (de la mare Nostrum, ah la bonne mèr(e) ) , de clocher en clocher - sans en avoir l’esprit- que dis-je, de palais en palais, en robe noire, sans escale, ni rebuffade, s’accompagne, en dépit de ses l-âme-s de fond, et de ses vagues (à l’âme, toujours) humainement compréhensibles, d’une remontée maitrisée. Sans surprise victorieuse.
La mer de souvenirs est poissonneuse, leur pêche presque miraculeuse. Maître Lombard a ceci de beau, de vrai… de rare qu’il ne reste pas, comprenons-le d’emblée, en surface. Serait-ce la qualité première d’un avocat : se mettre à hauteur du Naufrage ? Tutoyer les grands fonds, ces degrés zéro de l’espoir sous les déferlantes déshumanisantes? Immersion, en piqué, dans ces 20 000 feux sous les mers, escorté d’une cohorte d’atlantes judiciaires de toute sorte… A couper le souffle. Forcément.
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(Extrait relatif à La Grâce refusée à Ranucci (Chapitre XIII - Défendre Ranucci et se défendre de désespérer ? et chapitre XIV- Ni fleur, ni couronne au jardin des suppliciés ? Mort où est ta victoire ?) .
« Pour qu’une justice soit injuste il n’est pas besoin qu’elle se trompe de coupable. Il suffit qu’elle ne juge pas comme il faut. » Michel Foucault. L'avocat Paul Baudet plaide : « Jacques Fesch est un être que le hasard a pris dans une action tragique. Il a agi dans l'affolement. Il a tiré dans la folie de la poursuite. Estce que, vraiment, il doit être promis à la mort ? La mort que l'on souhaite pour lui estelle proportionnée à celle qu'il a donnée ? Hier, lorsqu'on le poursuivait, c'était la mort dans le tumulte, dans la déraison. Demain, à l'échafaud, ce sera la mort raisonnée et froide. Hier, c'était la faillite de la volonté trompée par l'instinct animal. Demain, ce sera la froide détermination de vos volontés qui conduira à la guillotine. » Paul Baudet. Extrait de prétoire. (…) FD- Toutes ses passions furent chauffées à blanc par une certaine et fausse "bien-pensance", incarnée, en chanson. Michel Sardou, en 1976, y allant de son couplet « Je suis pour (la peine de mort) / Tu as volé mon enfant / Versé le sang de mon sang / Aucun Dieu ne m'apaisera / J'aurai ta peau / Tu périras Tu m'as retiré du cœur / Et la pitié et la peur / Tu n'as plus besoin d'avocat /J'aurai ta peau / Tu périras […]». Avant que Julien Clerc, ne veuille après vous, redresser la barre…. Dans L’assassin, assassiné, une année plus tard ! « Si je demande qu'on me permette / À la place d'une chanson / D'amour peut-être / De vous chanter un silence / C'est que ce souvenir me hante / Lorsque le couteau est tombé / Le crime a changé de côté / Ci-gît ce soir dans ma mémoire / Un assassin assassiné ... » PL- Et avivées par les circonstances ! On a arrêté Patrick Henry, moins d’un mois avant le procès Ranucci, la tension passionnelle était à son comble, le
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10 mars, Ranucci est condamné à la peine capitale. Je venais de m’entretenir avec Valéry Giscard d’Estaing… lorsqu'un flash info me foudroya d’angoisse : la disparition et le meurtre d’un enfant au Pradet hantaient les esprits, le maire du Pradet avait envoyé un télégramme à l’Élysée réclamant la peine capitale. Cela amincissait encore nos espoirs de grâce. FD- Malgré cela, y avez-vous cru ? PL- Oui, je suis sorti de l’Elysée persuadé que l’énergie de l’espoir - non celle du désespoir, avait taillé une zone de doute et fissuré, brisé définitivement le couperet de Ranucci. Je me suis toujours gardé de le dire. Jamais je n’avais révélé ce sentiment durant ma vie d’avocat. Bien plus que cela. Le lendemain, j’ai même été absolument certain qu’il était gracié. Nous sommes à l’aéroport de Marignane, avec Jean-François Leforsenney. Deux journalistes nous alpaguent. Félicitations ! Sous nos yeux interloqués. « Ranucci est gracié ». Ma secrétaire me confirma l’info qui tournait sur FR3 et radio Monte-Carlo. Nous étions tous fous de bonheur, Héloïse, la maman, versait toutes les larmes de joie de son corps. J’ai proposé de se réunir autour d’une bonne table pour fêter la fin du calvaire. Avant d’essuyer la plus grande désillusion. Le Parquet Général d’Aix venait d’appeler pour démentir cette fausse information. La réponse présidentielle, diffusée le lendemain, allait tuer dans l’œuf nos espoirs et Ranucci avec. FD- Il y a cette lettre de Marie Dolores, adressée à l’Elysée, évoquée dans les mémoires de VGE4, lui demandant instamment de ne pas le gracier, sans quoi elle « ne croirait plus jamais à la justice »… Aussi compréhensible soit-il, ce cri de détresse pose avec acuité une question : peut-on marchander au palais de l’Elysée en soufflant sur les braises du sentiment victimaire ? PL- Ce chantage affectif, pour humain qu’il soit, n’est qu’illusion. La mort n’apporte jamais l’apaisement. C’est toute la question de la subjectivité, de la partialité totale qui entache le droit de grâce prévu à l’article 17 de la Constitution. La grâce suffit à sa propre légitimité. Le président ne doit pas en modifier ni l’octroi ni le refus. Le président, irrécusable, reste perméable à tout ce qui l’atteint. La grâce de Ranucci ne pouvait être une fête nationale, un 14 juillet réussi ! FD- Valéry Giscard d’Estaing a néanmoins accordé un entretien à Franz-Olivier Gisbert et Renaud Gubert5, en 2014, dans lequel il étaye rétrospectivement son point… de vue : la gendarmerie avait retrouvé, sur les indications du coupable, l’arme du crime tachée du sang de la victime… Que lui répond Maître Lombard rétrospectivement ? PL- Les arguments articulés sont techniquement réfutables6 et fondamentalement irrecevables. Si l’Elysée se fonde essentiellement sur la culpabilité pour conduire
4. Valéry Giscard d'Estaing, Le Pouvoir et la Vie, tome 1 : « La rencontre », VII « La peine de mort », Compagnie 12, 1988, p. 295, p. 297-299 5. F.-O. Gisbert et R. Gubert, le Point, 13 mai 2014. 6. Gilles Perrault, Le Déshonneur de Valéry Giscard D’Estaing, Fayard, 2004, 86 p.
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le condamné au gibet, elle se transforme en une simple chambre funèbre d’entérinement, au mieux de vérification. La justification a posteriori inquiète. Je pense, en mon for intérieur, que la mort de Ranucci est due à l’emportement impitoyable et haineux de la masse. La masse aiguise elle-même son appétit, encouragée par la passivité, la fausse clémence, le scepticisme d’intérêts, par calcul, du monde politique, bénie par certaines personnes influentes, stars de la chanson ou d’ailleurs, aimées, et voulant encore l’être… le droit de vie ou de mort, vestige monarchique et même antique, le pouce que tend César dans l’arène a repris vigueur entre les mains de la masse : démos-cratein7. Et les journalistes n’y purent plus rien - la haine enfantée, la presse ne reconnaîtra pas sa progéniture homicide : la tribune parue dans Libé, sous forme d’une « Lettre ouverte au Président de la République» ne fit plus trembler la main et le cœur de VGE. FD- L’honneur de la République et l’étendard de la victoire étaient déjà en berne. Morituri te salutant. C’est sur le sable et au cœur de la foule excitée du Colysée judicaire, plus que dans l’isolement de l’Elysée, que se prennent les décisions. PL- Là se situe ma défaite. Tout le reste - les éléments à charge, à décharge montrent que la complexité du dossier autorisait tous les verdicts, c’est le lot de la Cour d’assises - ma peine suprême est la peine capitale, désirée et exécutée. Le 28 juillet 1976, à 4 heures du matin, j’arrive à la prison des Baumettes. Le reste dépasse, en ignominie et en tristesse, tout ce que l’on peut imaginer. Je prends Christian Ranucci par le cou et le conduis vers l’échafaud. On a déroulé un tapis de vieux sacs. Le tapis de l’indécence pour étouffer le bruit funèbre de nos pas. Seul lui doit être réveillé, surpris dans son réveil avant son dernier endormissement. Aucun autre détenu. La lâcheté sonore devant l’inavouable. Je lui parle comme à un bébé, en tête de l’hideux cortège. Que dois-je lui murmurer, l’espoir n’est plus qu’un mensonge ? Je ne veux pas lui mentir, me mêler à ce concert-là. Je lui parle de sa mère. Je lui dis qu’elle ne souffrira pas. Il réplique par des protestations une énième fois soulevées. Ne lui avait-il pas écrit: « Je préfère mourir innocent que d’avouer un crime que je n’ai pas commis. J’ai ma conscience pour moi. Mais tu sais, maman, je suis fatigué. Mais tu sais, c’est trop injuste. Je pense constamment à toi et au temps passé. Baisers affectueux. Christian ». Dans une autre lettre, « j’ai tiré le gros lot du malheur sans même avoir acheté de billet ». Il s'est débattu, au moment de le sangler définitivement. J’essuie ce sang avec mon mouchoir, ce sang qui, tout à l’heure, explosera à la gueule du bourreau. Il est assis sur la chaise, le dos tourné à la guillotine dont le couperet luit sous l’ampoule du soussol. Tout le monde est blême, figé. Lorsque le curé lui demande de se confesser, il lui répond d’un simple mot « négatif » (de quoi se confesserait-il?). Tout n’est que silence. Un silence de pierre que saigne le bourreau (André Obrecht, bourreau de la République, Samson du XXème siècle, aux états de services éloquents : 322 exécutions, dont Petiot, Fesch, Bontemps, Buffet,…) en disant : « Et si on y allait ? » Avec des accents de paysan se dirigeant vers le pressoir. Lorsqu’il s’est levé pour aller à la guillotine, son dernier mot a été pour moi « Réhabilitez-moi ! » Ranucci fut, ce jour-là, le seul à sortir grandi de cette ignominie. Il y eut quelque chose de sublime chez cet homme. Le sang du supplicié, que nous avions sur les 7. Le terme démocratie vient du grec ancien δημοκρατία / dēmokratía, aujourd'hui souvent interprété comme « souveraineté du peuple », combinaison de δῆμος / démos, « peuple » et κράτος / krátos, « pouvoir », ou encore kratein, « commander »,
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mains, eut de la noblesse… Ce jour-là, c’était le sang des martyres d’une cause universelle, l’abolition. Le nôtre, dans nos veines, fut, ce jour-là, ignominieux au lieu d’être généreux. L’histoire se répétait : bon sang ne peut mentir. FD- Vient ensuite le triple tintement de l’horreur, l’effroyable son de la « veuve » ? PL- Trois bruits terrifiants. Le premier, sec et froid : l’installation du corps en bonne position. Le second, semblable à celui d’une hache : le couperet. Le troisième : celui d’un seau d’eau jeté sur la guillotine pour empêcher le sang de cailler. Tant que la peine de mort existera dans le monde, toute l’eau de la mer ne suffira pas à laver la honte des hommes. Le Président de la Cour d’assises, le Procureur Général et bien sûr, le Président de la République, désertant leur honte, comme ils n’en avaient pas rigoureusement le devoir, n’osèrent pas regarder mourir leur victime… Ils furent remplacés par le juge Michel : « Ce sera votre honneur d’avoir défendu Ranucci », me chuchote-t-il – Ce sera ma douleur, Monsieur le juge. FD- Qu’avez-vous ressenti ? PL- Ces aubes terribles réunissent l’horreur, la honte et l’impuissance. Pour la première fois, je touchais le fond du désespoir. Dans les yeux de Christian Ranucci, j’ai vu toute la peur du monde avant de se fermer. Je revis mon grand-père qui avait pris part à un aussi sombre pèlerinage. Ne sachant plus fuir devant l’insoutenable, il avait vu un homme se débattre, appeler sa mère comme un perroquet fou, supplier l’exécuteur et maudire ceux qui assistaient à ses derniers instants. Vous assistez à l’enterrement d’un vivant dont vous êtes les seuls témoins, le sang et le bruit de l’horreur en plus. FD- Comme le souligne Gilles Perrault8, vos amis et intimes l’affirment : depuis ce 28 juillet 1976, vous n’êtes plus le même. PL- Il n’y a pas de rituel plus bas et plus déshonorant : il abaisse tous les yeux de ceux qui en sont les servants. Un homme qui, quelles que soient ses motivations, participe calmement à la mort d’un autre homme, quelque impardonnables que soient ses actions, n’est plus et ne peut plus être intact. Si l’on avait légalement exigé que les jurés assistent avant de juger à une exécution, s’il avaient assisté à l’échancrage de la chemise, au ficelage du condamné, à l’hideuse toilette, s’ils avaient entendu les bruits de l’horreur, mêlés d’un dernier hurlement affolé, et contemplé la tête coupée qui tombe, étrangement préservée avant de se rétrécir, en une seconde, comme une pomme marquée des 1000 rides de la souffrance et de l’épouvante, la peine de mort aurait été abolie bien avant. FD- Et ce jour-là, vous plaidiez à 9h00 ? Pour exorciser ce désamour judiciaire ? Remettre l’armure, même irréparablement fendue, était une nécessité …vitale ? PL- J’en ai, depuis ce jour-là, fait le serment : jamais, je ne refuserai mon secours à une autre personne qui risque sa tête. 8. Gilles Perrault, Le Pull-over rouge, Paris, Le Livre de poche, coll. « Littérature et Documents » (no 5 043), 14 mai 1980, p. 94.
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FD- Pour compléter le déshonneur du spectacle et du châtiment. Le condamné à mort est inhumé au Carré des suppliciés. Ajouter l’oubli à l’horreur, au Jardin de l’innommable au sens le plus tristement littéral du terme. N’est-ce pas là le comble de l’infamie - in fama (renommée) plus de renom, de nom, l’horreur du néant, les limbes ? Cette résurgence de la « Damnatio memoriae » à Florence, à Rome9, réservée à Messaline notamment, - frapper le décapité d’inexistence tombale, posthume, après le châtiment, ne serait-ce pas la pire indignité nationale ? PL – Le Carré des suppliciés, sans fleur, ni couronne, sans les fleurs de ceux qui vous aiment, sans même une couronne d’épines symbolisant votre calvaire, viole le respect dû aux morts. Ce devoir de mémoire minimal, appartient à l’avocat. Refuser de me taire, dire tout ce que Ranucci avait vécu, était une manière de l’accomplir. Requiescat ad pace FD- D’où vient cette pulsion de mort qui anime les consciences, encore majoritaires dans d’autres sociétés, ce votum mortis toujours prêt à ressurgir comme au lendemain des attentats de Paris, le 7 janvier 2015, dans la bouche du front national ? PL- Les Français ont choisi historiquement la mort. Peut-être parce qu’ils étaient atteints d’un étrange mal. Qu’on l’appelle contestation, morosité, je l’appelle inquiétude. Les racines en sont profondes : elles se situent aux confins de la solitude, au carrefour dans le désert de sel d’une civilisation qui cherche désespérément son Dieu, à défaut de le défendre, ailleurs, avec la même désespérance parfois. La montée de la violence, qui n’est le plus souvent qu’apparence, n’est qu’un prétexte à cette sévérité désespérée; les véritables raisons sont d’un ordre plus essentiel : en faisant choix de la mort, l’homme du XXème siècle n’a fait qu’exprimer son manque de confiance envers la vie. De tout temps, et le précepte est d’une brûlante actualité, gardons-nous de prendre notre revanche sur la mort. Prenons-la sur la vie. 9. La damnatio memoriae (littéralement : « damnation de la mémoire ») est à l'origine un ensemble de condamnations post mortem à l'oubli, utilisée dans la Rome antique. Par extension le mot est utilisé pour toutes condamnations post mortem. Son exact contraire est la consécration (en latin : « consecratio ») ou apothéose, jusqu'à la divinisation. La damnatio memoriae est votée par le Sénat romain à l'encontre d'un personnage politique. Elle consiste par exemple en l'annulation de ses honneurs, l'effacement de son nom des monuments publics, la déclaration de son anniversaire comme jour néfaste ou le renversement de ses statues. En furent frappés Marc Antoine ; Livie Julie, dite Livilla, nièce et bru de Tibère3 ; Caligula (de fait, mais non de droit)4 ; Messaline ; Néron (de fait, mais non de droit)5 ; Domitien6,7,8 ; Commode (mais il a été partiellement réhabilité par Septime Sévère) ; Geta ; Héliogabale ; Maximin le Thrace ; Maximien ; Aurélien, empereur romain qui fut victime d'une conspiration visant à faire disparaître sa lignée] ; et peut-être Caius Cornelius Gallus, le premier préfet d'Égypte. La damnatio rappelle étymologiquement la Du latin classique condemnatio (« sentence, peine »). condamnation \kɔ̃.dɑ.na.sjɔ̃\ ou \kɔ̃.da.na.sjɔ̃\ féminin ; Action de condamner ; jugement qui condamne, ou par lequel on est condamné. Ces aspects notionnels sont tirés de wikipédia.
LES GRANDES CONVERSATIONS DU JOURNAL DES AVOCATS
Interview de Christian Jassogne En cause de : Alfred Dreyfus contre la légion du déshonneur Des questions et des réponses qui nous invitent à explorer l’histoire d’un homme et d’une affaire, d’un livre et d’une photo.
Photographie Aron GERSCHEL [Aaron Alfred Gerschel] - Niederroedern, 1832 - Dreyfus et la haie du déshonneur Paris/ France, 1899 - Propriété MAHJ - Don des petits-enfants du capitaine Dreyfus - Epreuve au gélatino-bromure d'argent sur papier - le document original n’est pas connu - description : retirage récent / dimensions : Feuille : H. 9 - L. 12,1 / Photographie : H. 8,1 - L. 11,3 cm
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Question : Vous êtes connu en tant que magistrat –vous avez notamment été Premier président de la cour d’appel de Mons pendant onze années – ainsi qu’en tant que professeur de droit commercial à l’Université de Mons – vous avez beaucoup publié dans ce domaine – mais nous découvrons que vous êtes aussi, à l’heure de votre retraite, un apprenti historien. Réponse : Mes ambitions en tant qu’apprenti historien sont modestes car mes disponibilités sont limitées même à l’heure de ma retraite. En effet, indépendamment d’un appui que j’apporte encore bénévolement à la cour d’appel de Mons, je suis resté Président du conseil de direction de l’Ecole de droit de l’Université de Mons. Il s’agit d’un bachelier universitaire en droit créé il y a dix ans, conjointement par l’Université de Mons et l’Université Libre de Bruxelles. Il y a désormais quatre cents étudiants et en plus des impératifs de l’organisation, auxquels je m’efforce de faire face, j’essaie d’apporter aux étudiants, notamment par des conférences, une culture historicojudiciaire. C’est ce qui m’a amené à me replonger dans l’affaire Dreyfus. Q. : Nous supposons que cette affaire avait retenu depuis un certain temps votre attention ? R. : Pas vraiment. Je n’avais gardé de cette affaire que des souvenirs très imprécis. J’avais lu quelques articles sur le sujet, en pensant à mon grand-père, qui me parlait de l’affaire Dreyfus en des termes qui, quand j’étais tout jeune, me stupéfiaient par leur force. Il était en effet scandalisé par ce qui s’était passé et me le faisait comprendre. Lorsque j’ai voulu organiser une conférence à l’Université sur l’affaire Dreyfus, je me suis adressé à un ami de longue date, Roger Lorent, qui termine une brillante carrière d’avocat à Charleroi, à 88 ans ! Je le savais passionné depuis longtemps par l’affaire Dreyfus. C’est lui qui me fit découvrir un imposant livre publié en 2006 par la Cour de cassation de France sous le titre « De la justice dans l’affaire Dreyfus ». Q. : C’est donc la Cour de cassation elle-même qui a écrit ce livre ? R. : Derrière l’indication « Cour de cassation » comme auteur, il y a nécessairement des hommes qui ont pris la plume. Les chefs de corps de la Cour de cassation notamment, ainsi que des bâtonniers et des historiens qui se sont consacrés spécialement à l’étude de l’affaire Dreyfus. Ce livre, publié à l’occasion du centenaire de l’arrêt dit de réhabilitation de cet officier juif, est prodigieusement intéressant pour un juriste. Toutefois, sa lecture implique de très bien connaître l’affaire par avance. Q. : Vos étudiants étaient-ils capables de percevoir toute la complexité de cette affaire, telle que décrite par la Cour de cassation ? R. : Bien sûr que non. Toutefois, enseigner c’est transmettre et non étaler des connaissances. J’y suis d’ailleurs toujours attentif lorsqu’il s’agit de désigner un nouveau professeur dans le bachelier dont je m’occupe. J’ai donc de concert avec Roger Lorent, entrepris un vaste travail ayant pour objectif de rendre les données juridiques de l’affaire compréhensibles à un très large public. C’est ainsi que progressivement un livre s’est élaboré. Roger Lorent m’a fourni une somme considérable d’informations, nous les avons décodées et tout cela a abouti à un ouvrage de 250 pages que nous venons de publier. En nous inspirant de la présentation habituelle des dossiers d’un avocat, nous lui avons donné pour titre « En cause de : Alfred Dreyfus contre la légion du déshonneur ».
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Q. : La légion du déshonneur, c’est un titre original. Pourquoi l’avoir choisi ? R. : Il y a deux raisons. La première est un jeu de mots qui met en évidence que les comploteurs, ministres ou hauts militaires, qui se sont obstinés – poussés le plus souvent par antisémitisme – à ne pas reconnaître l’erreur judiciaire qui avait été commise, étaient tous, vu leur « rang », porteurs de la légion d’honneur, mais ne la méritaient pas. Ils ont déshonoré cette vénérable institution à laquelle la France tient tant. Mais ce n’est pas tout. J’avais été particulièrement impressionné par une photographie prise lors du procès de Rennes en août 1899. Q. : Peut-être pourriez-vous nous rappeler ce qui s’est passé à Rennes ? R. : Dreyfus avait été une première fois condamné par le conseil de guerre de Paris, à l’unanimité des sept juges militaires, le 22 décembre 1894 et avait été envoyé au bagne sans attendre. Tout avait été fait pour qu’il y meure, mais par miracle il a pu survivre. Pendant quatre ans il a totalement ignoré ce qui se passait en France puisqu’il fut maintenu dans un isolement absolument complet ; même les lettres de son épouse, Lucie, étaient censurées. Mais diverses personnalités célèbres, comme Zola, avaient rapidement compris que Dreyfus avait été victime d’un véritable complot orchestré par le ministre de la Guerre, le général Mercier, et ses comparses de l’état-major ainsi que du Service de Renseignement. Ceux-ci, au lieu de reconnaître rapidement l’absence de preuves de la culpabilité de Dreyfus, s’étaient ligués pour fabriquer un dossier secret, sournoisement remis aux juges militaires pendant leur délibéré, à l’insu de la défense. Après plusieurs années de lutte du clan, très minoritaire, des « dreyfusards », le gouvernement ne put plus résister à la demande d’introduire une procédure en révision et dut, bon gré mal gré, soumettre le problème à la Cour de cassation. Après diverses péripéties, celle-ci décida qu’une révision s’imposait. Elle renvoya donc vers un nouveau conseil de guerre. L’arrêt délimitait la saisine de ce conseil de guerre et divers motifs de l’arrêt de cassation avaient valeur de chose définitivement jugée en faveur de Dreyfus. Le nouveau conseil de guerre devait siéger à Rennes. Mais à Rennes, tout fut organisé sans aucun souci du respect ni de l’arrêt de la Cour de cassation ni même des droits élémentaires de la défense. La présomption d’innocence fut constamment bafouée, et une photo le démontre. Q. : Quelle est donc cette photo ? R. : On voit sur la photo, à la sortie du conseil de guerre le long des marches d’escaliers, qu’il y a des soldats formant « la haie » mais tournant le dos à Dreyfus lorsqu’il quitte le bâtiment. Ils ne faisaient qu’exécuter les ordres reçus de l’état-major, qui leur ordonnait de former « la haie du déshonneur » au passage de Dreyfus, dont la condamnation de 1894 était pourtant annulée. Malheureusement, à Rennes, il n’y eut pas que des dérapages « de forme », il y eut un catastrophique dérapage de fond qui aboutit à une seconde condamnation de Dreyfus. Q. : Comment est-ce possible ? R. : A vrai dire tout était possible dès lors que les conseils de guerre – en fait inféodés à l’étatmajor et dépourvus d’une formation juridique adéquate – rendaient des décisions selon une procédure analogue à celle d’une cour d’assises, donc sous la forme d’un simple vote coupable ou non-coupable qui dispensait de réponses aux arguments de la défense. Cette condamnation a scandalisé toute l’intelligentsia des autres pays européens de l’époque.
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Q. : Qui par exemple ? R. : La reine Victoria avait pris la peine d’envoyer comme observateur au procès de Rennes le plus haut magistrat britannique, le lord chief justice. Il fit un tel rapport à la Reine que celle-ci en fut atterrée et, par voie diplomatique, le fit savoir aux autorités françaises en menaçant, comme d’autres pays européens, de boycotter l’exposition universelle de Paris qui devait peu après ouvrir ses portes. Q. : Cela a-t-il eu de l’effet ? R. : Oui, mais pas pour des raisons d’honnêteté intellectuelle ni de respect de Dreyfus. Cela a eu de l’effet parce que l’exposition avait été financée principalement par un emprunt public. Les Parisiens tout particulièrement avaient largement souscrit et le gouvernement était effrayé de la réaction des Parisiens au cas où l’exposition se révèlerait un gouffre financier par suite du boycott des autres pays européens industrialisés. Le gouvernement trouva donc une solution en graciant Dreyfus. On ne gracie pas un innocent… Dreyfus restait donc coupable et exclu de l’armée, mais échappait à un retour au bagne. Ce n’est que longtemps plus tard en 1906 et dans des circonstances que Roger Lorent et moi-même exposons longuement dans le livre, que la Cour de cassation sera de nouveau saisie d’une procédure en révision, qui a abouti cette fois à un véritable acquittement de Dreyfus, sans recourir à un troisième conseil de guerre. Plus personne à la Cour suprême n’avait alors la moindre confiance en la fiabilité des juridictions militaires… Q. : Mais tout cela est bien connu, qu’avez-vous donc trouvé de neuf à exposer dans ce livre de plus de 200 pages ? R. : Nous nous sommes replongés dans les aspects judiciaires de l’affaire, dans les arcanes de la procédure et parfois dans les couloirs secrets de la Cour de cassation de l’époque. De tout cela les historiens ne parlent guère sans doute parce qu’ils maîtrisent moins bien les règles juridiques complexes qui s’appliquaient.Nous l’avons fait avec le souci, après l’attentat du musée juif de Bruxelles, de contribuer à la lutte contre la résurgence de tout racisme, d’inspiration antisémite ou autre. Pour nos étudiants le message était important. A vrai dire nous espérons qu’il va atteindre un bien plus large public que celui des étudiants en droit ou même des juristes aguerris comme le sont certainement les lecteurs du Journal des Avocats. Pour atteindre cet objectif, nous avons non seulement expliqué les difficultés procédurales de l’affaire mais nous y avons ajouté un ensemble d’analyses historiques ou sociologiques qui expliquent le déchaînement des passions. Nous avons fait souvent la connexion avec ce que l’on peut encore craindre aujourd’hui. Si un tel complot est actuellement peu probable, il y a malheureusement d’autres errements qui restent possibles autour d’une affaire judiciaire lorsqu’elle déchaîne les passions. C’est d’ailleurs ce qu’ont voulu aussi démontrer en 2006 le Premier Président et le Procureur général de la Cour de cassation de France en publiant cet ouvrage avec l’aide de toute une équipe rédactionnelle. Q. : Nous comprenons bien que vous ne pouvez pas relater ici tout ce qui est dans cet ouvrage mais pouvez-vous choisir un aspect de celui-ci qui pourrait spécialement intéresser nos lecteurs ? Nous vous rappelons que nos objectifs éditoriaux sont tout autres que ceux d’une revue juridique. R. : C’est possible, mais j’admets qu’il faut quand même quelques explications procédurales pour que le récit soit intelligible. Je vais vous parler de ce qui s’est passé en 1898 lorsque, enfin, le gouvernement, après des années de refus, accepta de soumettre à la Cour de cassation la demande
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en révision formulée par Lucie Dreyfus, l’épouse d’Alfred, agissant au nom de celui-ci. Ignorant tout de cette demande vu son isolement complet depuis quatre ans, Dreyfus envisageait alors de se suicider. S’il ne le fit pas, c’est parce qu’il y avait en lui une forme de rigidité psychologique sur laquelle il s’appuyait. A mon avis, s’il avait encore dû passer plus d’un an au bagne, il aurait mis fin à ses jours. Heureusement le vent va tourner favorablement … Q. : Qu’avez-vous donc appris sur ce qui s’est passé à la Cour de cassation en 1898 et qui serait mal connu du public en dépit des nombreux livres qui ont traité de l’affaire Dreyfus ? R. : Je dois d’abord rappeler que la Cour de cassation ne pouvait se saisir d’office de la question de la révision. Seul le gouvernement pouvait introduire la procédure. Vos lecteurs penseront sans doute qu’un argument à lui seul déterminant était la remise d’un dossier secret au conseil de guerre lors du délibéré et à l’insu de la défense. En outre, ce dossier secret avait été composé avec une consternante mauvaise foi. Cette argumentation aurait pu en effet être déterminante puisque, déjà à l’époque, il y avait des principes généraux hérités de la Révolution française en vertu desquels un accusé devait se voir présenter tous les éléments à sa charge, et au demeurant le Code de procédure militaire le prévoyait aussi explicitement. Pourtant, jamais la Cour de cassation ne fut saisie sur une telle base. Q : Pourquoi donc ? R. : Parce que le gouvernement était bien trop embarrassé par cette forfaiture (crime au sens légal de l’époque) imputable au ministre-général Mercier et à quelques autres officiers de haut rang, forfaiture dont les intervenants les plus éminents du monde politique, y compris le Président de la République, avaient été informés peu après, suite à diverses indiscrétions, mais qu’ils n’avaient pas dénoncée. Cette complicité passive déshonorait trop de monde. Alors le gouvernement préféra saisir la Cour de cassation seulement de « quelques faits nouveaux » susceptibles d’entraîner la révision, mais tout en espérant manifestement que la Cour de cassation rejetterait tout cela. C’était bien « calculé » car il ne faisait aucun doute qu’au cas où la Cour aurait été saisie de la violation gravissime des droits de la défense, il y aurait eu cassation ; par contre, à propos des « faits nouveaux » le gouvernement pouvait espérer le rejet de la demande de Lucie Dreyfus. Mais cette odieuse spéculation s’est heurtée, au sein de la Cour de cassation, à quelques personnalités aussi honnêtes que courageuses, qui se distinguèrent parfois d’autres collègues qui, au contraire, se sont déshonorés professionnellement. Q. : Il y eut donc de l’ambiance à la Cour de cassation ? R. : Et comment ! Je ne vais pas ici répéter tout ce qui est dans le livre, mais je peux néanmoins résumer ce que l’on y trouve à ce sujet. Il y avait d’abord un procureur général – Jean-Pierre Manau – qui mériterait d’être la vedette d’un film. Méridional octogénaire, il était l’un des derniers survivants de la génération radicalement républicaine de 1848 qui avait porté des illusions illimitées de justice et – à ce titre – c’est un ancien proscrit. Il n’hésitait pas, même dans ses réquisitions, à clamer ses convictions et il avait souligné son respect pour Zola, Picquart, Clémenceau, et autres dreyfusards qui, à son estime, s’étaient sacrifiés noblement pour l’honneur de la France. Dès qu’il fut saisi de la procédure par le gouvernement, tout en respectant les limites de cette saisine, il fit comprendre qu’il était favorable à la révision, sans même qu’il faille procéder à une enquête complémentaire assumée par la Cour de cassation. Et il eut l’audace inouïe à ce moment d’affronter non seulement l’opinion publique majoritaire, mais le monde politique, les chefs de l’armée, l’Eglise catholique (qui avait à sa grande majorité décidé de combattre les dreyfusards
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parce qu’ils protégeaient un juif) en demandant la mise en liberté provisoire de Dreyfus, son retour du bagne, pour qu’il puisse correctement assumer sa défense. Jamais la Cour n’alla aussi loin et surtout aussi vite en besogne. Au début de la procédure de révision, celle-ci est de la compétence exclusive de la chambre criminelle de la Cour. Cette chambre est présidée par un vieil Alsacien (comme Dreyfus), non catholique (il est protestant) et d’une intégrité morale qui s’avéra exemplaire. Lui aussi est âgé et comme la préparation du dossier s’avère une lourde tâche, il recherche un conseiller rapporteur à la mesure. Il va s’adresser à Alphonse Bard parce que celui-ci était moins âgé, célibataire, sans véritable famille, parfaitement libre y compris d’une Eglise quelconque. Loew n’aurait pas voulu exposer un père de famille à des réactions populaires éventuellement violentes pour les siens. Dès le début, donc dès la discussion sur la recevabilité, tout s’est avéré difficile, mais finalement par six voix contre quatre, la procédure est déclarée recevable dans son principe et une enquête complémentaire est décidée. C’est toute la chambre criminelle qui en est chargée sous la présidence de Louis Loew et cette fois c’est la panique chez tous les comploteurs. Alors ceux-ci vont tout faire – par presse interposée – pour salir la réputation de Louis Loew et d’Alphonse Bard. Les journaux les traînent dans la boue en colportant n’importe quoi, on nage dans l’ignoble. Q. : Mais on peut supposer qu’au sein de la Cour de cassation on soutient Loew et Bard de même que le procureur général, car manifestement il y a matière à révision ? R. : Malheureusement non et il est des membres importants de la Cour de cassation qui vont franchement se déshonorer.
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J’offre ici à vos lecteurs quelques pages du livre mais sans les références infrapaginales bien qu’elles apportent parfois des détails intéressants. « La grande offensive contre la chambre criminelle fut lancée précisément le jour de Noël 1898 par le Président de la chambre civile de la Cour de cassation, Quesnay de Beaurepaire. Quesnay de Beaurepaire était un homme au passé fort curieux pour un magistrat de la Cour de cassation. Il avait déjà une première fois quitté la magistrature et avait été condamné en 1873 pour diffamation envers un député. On comprendra donc que le 21 mars 1878 le premier président de la Cour d’appel de Caen ait pu dire, sans hésitation « impossible la rentrée de Monsieur de Beaurepaire dans la magistrature ». Il n’empêche qu’il y était revenu et qu’il y recommença une carrière, en devenant notamment procureur général à Rennes puis à Paris, avant d’accéder, en 1892, à la Cour de cassation. De Beaurepaire écrit le 28 décembre 1898 au Premier président de la Cour de cassation, Charles Mazeau, qu’il a entendu le conseiller Bard parler au colonel Picquart (témoin essentiel qui avait découvert l’innocence de Dreyfus) ou encore garantit que le Président Loew s’est excusé auprès de Picquart de l’avoir fait attendre et qu’il lui a fait porter un grog chaud (fait exact compte tenu de l’état grippal dans lequel Picquart se trouvait au moment où il devait être interrogé par la Cour). Ce n’est que le début d’un chapelet de calomnies. Le Président Loew et le conseiller Bard sont contraints de répondre à cette accusation. Tout cela n’avance cependant pas au goût de Quesnay de Beaurepaire, qui démissionne une nouvelle fois de la magistrature le 8 janvier 1899. Il va par la suite continuer à se déchaîner contre ses collègues, allant jusqu’à alléguer qu’il y a eu des rencontres inattendues entre ses collègues et Picquart dans les urinoirs de la Cour de cassation. Dans le monde politique des antidreyfusards, on s’empare de tout ce que colporte Quesnay de Beaurepaire. Certains demandent la révocation du Procureur général Manau, d’autres demandent au Premier président Mazeau une nouvelle enquête sur les faits signalés par de Beaurepaire. A vrai dire, le Premier président lui-même ne s’honore pas dans cette affaire. Dès le lendemain de la démission de Beaurepaire, il demande à Bard et à Loew de se récuser pour la suite de la procédure, ce que ceux-ci refusent évidemment. Quoi qu’il en soit, sur incitation du gouvernement, une enquête va être ouverte contre les principaux intervenants de la chambre criminelle par le Premier président. Celui-ci présidera lui-même la commission chargée de cette enquête. Mazeau se choisit pour assesseurs deux collègues qui sont, par un merveilleux hasard, des adversaires radicaux de la révision. Pour Bard spécialement, la rupture avec le Premier président Mazeau sera irréversible et il dira par la suite, avec infiniment de raison : Il faut faire respecter ce qu’on représente et savoir, au besoin, résister au nom du droit. Monsieur Mazeau en était incapable…il était hors d’état d’assumer la responsabilité d’une résistance quelconque à n’importe qui ou à n’importe quoi. Il était de ces gens qui suivent le courant, et qui lui obéissent d’autant plus qu’il est violent. Il s’y laissa volontairement entraîner. Il savait ses collègues calomniés et le disait, à l’occasion, dans l’intimité ; mais plus ils étaient attaqués plus il s’éloignait d’eux. Quand il fut question de les sacrifier, il n’hésita pas, et désigna lui-même aux
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passions surexcitées les magistrats irréprochables dont il avait l’honneur immérité d’être le chef… Premier magistrat de France, au lieu de personnifier la justice, il était destiné à ne personnifier que le manque de courage. Les magistrats de la chambre criminelle visés par cette commission se défendront énergiquement. Si les trois magistrats antidreyfusards qui composent « la commission Mazeau » n’arriveront pas à démontrer des griefs contre leurs collègues les plus actifs au sein de la chambre criminelle, il n’empêche que le 27 janvier le premier président écrivit au ministre de la Justice qu’il craignait que les magistrats de la chambre criminelle « n’aient plus, après l’instruction terminée, le calme et la liberté morale indispensables pour faire l’office des juges ». Il en tire pour conclusion « qu’il serait sage, dans les circonstances exceptionnelles que traverse le Pays, de ne pas laisser à la chambre criminelle toute la responsabilité de la sentence définitive ». Le Premier président Mazeau reprend ainsi une idée préconisée par le fameux antidreyfusard Cavaignac (ancien ministre de la Guerre) mais à laquelle le ministre de la Justice en poste en novembre 1898 s’était opposé, de même que le président du Conseil des ministres, au motif qu’il « paraît impossible qu’on dessaisisse à un moment donné une juridiction déjà saisie ». Cette fois le gouvernement va changer d’avis, du moins la majorité des ministres qui le composent, et profiter de l’opportunité que constitue la suggestion du premier président de la Cour de cassation. On n’ose pas carrément exclure toute la chambre criminelle des délibérations finales, mais on va confier à l’ensemble de la Cour de cassation, toutes chambres réunies, le soin de décider. On spécule manifestement sur la possibilité d’obtenir une autre majorité que celle que l’on devine, favorable à la révision, au sein de la chambre criminelle. A la chambre des députés ce projet de loi doit passer par la commission de la justice et, sur les onze membres de celle-ci, neuf désapprouvent le projet au motif que : « Ce n’est pas impunément que l’on viole les principes. Si la compétence des tribunaux peut être modifiée au gré des passions qui s’agitent, quelle est donc la juridiction qui peut résister ? ». Le rapporteur à la séance plénière de la chambre des députés (Renault-Morlière, avocat à la Cour de cassation) s’insurge contre le projet. Les personnalités républicaines les plus connues vont voter contre ce projet mais il passera néanmoins à la Chambre des députés par 324 voix pour contre 207 contre. Au Sénat le débat fut tout aussi âpre et finalement le projet fut approuvé avec 158 voix contre 121. La raison d’Etat l’emporta scandaleusement sur l’Etat de droit, ce qui n’est malheureusement pas historiquement rare. Mais entre-temps, la chambre criminelle a poursuivi en toute hâte ses travaux et rédigé un rapport solidement argumenté, qui est déposé le 9 février 1899. Il en découle notamment que le bordereau a été écrit par quelqu’un d’autre que Dreyfus. Le président Loew veille à ce que ce rapport soit rapidement imprimé et, même si ce document n’aurait pas dû ensuite quitter la Cour de cassation, il circule rapidement. La loi de dessaisissement, aussi contraire aux principes soit elle, fut promulguée le 1er mars 1899 et entra en application immédiatement. Nous avons vu que le premier président Mazeau aurait voulu que Loew et Bard se récusent et ne participent donc pas au délibéré en audience plénière. Mais il avait dû y renoncer car il n’y avait pas de motif autre que des ragots.
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En vue de l’audience « toutes chambres réunies », le premier président désigna un nouveau rapporteur, qui est le nouveau président de la chambre civile. Il se nomme Alexis Ballot-Beaupré. Le premier président exigea de lui un travail très rapide ; un vrai piège ! La défense de Dreyfus protesta. Il se confirma être un homme d’une parfaite honnêteté intellectuelle et finalement, après avoir détaillé les arguments dans un sens et dans l’autre, il proposa d’ordonner le renvoi devant un autre conseil de guerre, en entourant ses propos de considérations qui se voudraient apaisantes. Il précisa notamment : « non l’armée, devant nous, n’est pas en cause ; elle n’est pas notre justiciable ; elle est, Dieu merci ! bien au-dessus de ces discussions qui ne sauraient l’atteindre et son honneur assurément n’exige pas que l’on maintienne à l’île du Diable un condamné innocent ». On relèvera qu’à propos de la communication du dossier secret aux juges du conseil de guerre – qui embarrasse tant le gouvernement et l’état-major – le rapporteur la considère établie, mais hésite quant aux conséquences qu’il faut en tirer. Est-ce bien un « fait nouveau » donc un moyen de révision ? Car si les pièces secrètement communiquées n’établissent pas la culpabilité de Dreyfus, elles ne prouvent pas davantage qu’il soit innocent. Il ne faut pas oublier que la Cour n’a pas été saisie d’un problème de nullité ! Par conséquent, le Procureur général Manau dira à ce sujet que « l’on n’a pas à tenir compte de ce problème, pas même au point de vue d’une nullité de forme ». Dans ses réquisitions, le procureur général retient, en synthèse, dix autres arguments « qui constituent des faits nouveaux ou des pièces nouvelles inconnues lors des débats initiaux et de nature à établir l’innocence du condamné ». Dans le dispositif de ses réquisitions, il demande à la Cour de « casser et annuler ledit jugement et renvoyer la cause et Dreyfus, en l’état d’accusé, devant tel conseil de guerre qu’il lui plaira de désigner ». Ces réquisitions pouvaient convenir à la défense, à l’exception toutefois de ce qui concernait les pièces non communiquées à celle-ci lors du procès initial. La défense considérait que ce moyen était bien un moyen de révision au premier chef. Les journaux se livrèrent à des décomptes prévisionnels à propos des votes des magistrats. Le journal L’Aurore estima qu’il y aurait 24 magistrats pour la révision et 23 contre, mais d’autres journaux estimèrent qu’il y avait beaucoup d’indécis, jusqu’à 12. Pendant les travaux de la chambre plénière, le premier président eut beaucoup de difficultés à gérer les discussions. Le délibéré étant secret, on n’en connaît que le résultat. Manifestement, la motivation de l’arrêt reflète un compromis minimaliste, car la Cour aurait pu retenir bien d’autres arguments. Il y eut certainement des opposants irréductibles à la révision, mais en constatant qu’ils étaient minorité, ils ont eu la bienséance de se rallier à la majorité. Il y eut, le 3 juin 1899, juste avant l’ouverture de l’audience solennelle au cours de laquelle le résultat du délibéré allait être révélé, une scène particulière. Le premier président s’est adressé à ses collègues pour tenter d’apaiser les esprits. Louis Loew lui répondit solennellement en proclamant qu’il fallait effectivement oublier toutes les dissensions. La communication secrète fera l’objet d’un attendu subtil ainsi libellé : « la révélation, postérieure au jugement, de la communication aux juges d’un document qui a pu produire sur leur esprit une impression décisive et qui est aujourd’hui
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considéré comme inapplicable au condamné constitue un fait nouveau de nature à établir l’innocence de celui-ci ». L’arrêt s’écarte ainsi un peu du point de vue, plus hésitant à ce sujet, du rapporteur Ballot-Beaupré. L’arrêt s’écarte aussi des réquisitions du procureur général, qui avait relevé dix arguments de révision – en commençant par le « faux Henry » – mais sans retenir la communication d’un petit dossier à l’insu de la défense. La Cour ne dit rien du scandaleux « faux Henry » et de la suspicion qui pouvait en résulter sur le témoignage décisif de cet officier lors du conseil de guerre de 1894. Ceci s’explique sans doute par le fait que ce faux est postérieur au premier conseil de guerre, mais il n’empêche que la Cour aurait pu considérer que sa découverte affectait la crédibilité du témoin Henry (promu ensuite chef du Service de Renseignement) , dont l’influence avait été évidente sur le conseil de guerre, et qui s’est suicidé immédiatement lorsque « son faux » fut découvert. L’arrêt utilise la formule « sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens » et évacue ainsi ce sujet hautement embarrassant pour l’état-major, comme l’avait d’ailleurs fait le ministre de la Justice en saisissant la Cour de cassation. En dépit de la modération de l’arrêt, il va – en principe – falloir en assumer les enseignements. Le ministre de la Justice, Lebrun, veut que le président de l’assemblée saisisse les députés de la question de savoir s’il y a lieu de renvoyer le général Mercier, en tant qu’ancien ministre, en Haute Cour (c’est-à-dire le Sénat transformé en juridiction). Mais la majorité des politiciens tergiversent et décident qu’on en reparlera après le nouveau conseil de guerre, ce qui aura pour effet de permettre à Mercier d’y être témoin … et de peser de son autorité sur le conseil de guerre. Pourtant il aurait été plus normal de donner priorité à la « Haute Cour ». Désormais l’enjeu c’est « Dreyfus ou les grands chefs ». Malheureusement, l’âme militaire dominera l’âme judiciaire, et ce n’était pas imprévisible ! »
R. : Tous les auteurs espèrent être lus, c’est normal. Roger Lorent et moi le souhaitons d’autant plus que nous avons accompagné le récit de l’affaire de beaucoup de réflexions personnelles. Pour faciliter la diffusion de l’ouvrage, nous avons renoncé à tous droits d’auteurs et finalement le livre est vendu au prix très accessible de 10 €.
* * * Tout particulier qui souhaite commander ce livre peut le faire en s’adressant aux Editions du CIPA, Soit par courrier postal, 12 place du Parc, 7000 Mons soit par courriel : CIPA@umons.ac.be soit par télécopie : 00/32/65/37 30 54 Le prix, franco de port, de 10 € est payable anticipativement au compte du CIPA : IBAN BE57 3100 2184 9035 – BIC BBRUBEBB Le livre sera expédié dans les 8 jours de la réception du paiement à l’adresse indiquée par l’acheteur.
JAS
Cornelis de Heem - Nature morte (c.1665)
Cornelis de Heem est le fils du célèbre peintre de natures mortes Jan Davidszoon de Heem (1606-1684) et le demi frère de Jan Jansz. de Heem. On connaît très peu de choses de sa vie. Il arrive à Anvers enfant, en 1635 ou 1636, lorsque son père vient s'y installer. En 1661, il devient membre de la guilde des peintres d’Anvers. En 1678, il habite La Haye où il est membre de la société des artistes connue sous le nom de Pictura. Il semble qu'il ait également été actif à IJsselstein et à Utrecht pendant le années 1670 et 1680.
Pieter de Ring - Le goblet d’or
Pieter de Ring travaille à Leyde comme maçon durant la journée et peint des natures mortes le soir. Il étudie la peinture auprès du peintre Jan Davidsz. de Heem. Il est l'un des membres fondateurs de la guilde de Saint-Luc de Leyde en 1648. Ses premières œuvres sont influencées par le style du peintre Willem Claesz Heda. Ses natures mortes sont marquées par un style opulent et flamboyant, avec l'utilisation de fruits, homards, huîtres, porcelaine de Chine. Sa signature est souvente peinte sous forme d'anneau, ou bien sous forme latinisée, "P. Ab. Annulo". Pieter de Ring est mort et enterré en septembre 1660 à l'église Pieterskerk de Leyde.
Texte de Philippe BALLEUX
«Ah Dieu! Que la Quand j’étais petit garçon, la guerre était affaire de chevaliers. Ils étaient beaux et nobles, montaient fiers destriers, le bon peuple suivait leur écu étincelant. Ils épargnaient parfois, grand seigneur, l’ennemi à terre, déjà vaincu. Parfois, sans pitié, ils faisaient semer le sel pour rendre stérile la terre hostile. Ils étaient amoureux courtois. Le sang coulait quand il fallait, les larmes d’amour aussi, plus souvent de leur plume que de leurs yeux, c’était l’époque épique. Que la guerre était jolie… Quand je devins jeune garçon, la guerre régnait entre cow-boys et indiens. Les premiers étaient propres sur eux, courageux, ne massacraient pas les seconds et mourraient glorieusement d’une flèche en plein cœur qui leur laissait quand même le temps de murmurer à leur amoureuse un dernier mot d’amour. L’indien quant à lui, musclé et couvert d’amulettes et de colliers rituels, avait grand sens de l’honneur. Il maîtrisait son bronco, souriait rarement, pensait à ses ancêtres et aux forces de la nature. Naïf face à l’envahisseur, il succombait toujours à la fin. Dans l’honneur. Ah Dieu ! Que la guerre était jolie ! Adolescent, le marine d’Omaha Beach avait tout pour me plaire… Il mâchait du chewing gum, dégommait de cruels nazis, blonds, souriants et impitoyables, fourbes et superbes sanglés dans leurs uniformes noirs. Il séduisait la rubiconde Normande et Bourvil qui tenait enfin sa revanche. Il gardait le sens de l’humour en toutes circonstances, et dédramatisait les plus tragiques. Quand il était blessé, c’était noble blessure à l’épaule ou à la cuisse ? Jamais au ventre mou ou la face arrachée ou brûlée, jamais, ça n’arrive qu’aux ennemis. A la fin, il gagnait toujours. La guerre restait jolie …
Philippe Balleux : Bouclier pour les damnés, Blanc comme une arme, Fol comme Goupil, Et libre comme la flibuste. Mais,… Mais envolé comme un baiser
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BAL
guerre est jolie!» Adultescent, je me suis intéressé à la guerre d’Indochine, du Viêt-Nam, d’Algérie, de Corée, du Yom Kippour et tant d’autres, la mémoire me manque, puis d’Irak, et puis et puis… Entre des armées et d’autres armées ou des guerrillas… Tortures, civils, gaz, intox, propagande, otages,… Je ne savais pas très bien si l’un ou l’autre avait raison. Ni qui… Je voyais seulement qu’on était loin du Moyen-Âge et de la chevaleresque geste guerrière. Diable ! La guerre … Maintenant, il paraît que je deviens adulte. Il paraît, il faut se méfier des apparences… Maintenant, l’ennemi, si fort pour torturer et exécuter sa proie, ne s’attaque pas à une caserne de la Légion ou des Royal Marines. Ce serait, contrairement au millénaire dernier ou au valeureux Don Quichotte et son fidèle Sancho, preuve de courage et volonté de légende, de force de conviction. Non, maintenant, on égorge des journalistes, des moines bienfaiteurs, des gens dévoués à la cause humanitaire, de passionnés archéologues. Ils sont désarmés, parfois vieux, toujours dans l’idéal. On tue des écrivains et des dessinateurs qui nous faisaient rire, pleurer et rêver. On tire sur des terrasses de bistrots qui respirent la joie de vivre, on tire dans une salle de concert ou dans un stade. Bientôt on brûlera les bibliothèques, les églises et les maternités ? On vendra les femmes et les esclaves, on louera les jeunes filles. On écrira à l’entrée des villes, en lettres clignotantes, comme à Las Vegas : « Bienvenue en Barbarie ». Ah Dieu… Oh Diable… Cette guerre… Elle a même tué les images d’enfance… Quand je vois le temps présent, je me sens adulte, je me sens vieux, je ne me sens pas bien.
Philippe Balleux
Titre : « Ah Dieu ! Que la guerre est jolie » - Guillaume APOLLINAIRE in « L’adieu du cavalier »
Texte d'Olivier BONFOND
Prenez, et buvez-en tous…
Licencié en droit de l’Université de Liège et titulaire d’un D.E.A. en relations internationales et intégration européenne de la même université. Avocat au Barreau de Liège depuis 2000. Associé au sein du cabinet Draps & Oosterbosch. Président de la Commission internationale du Barreau de Liège entre septembre 2009 et août 2011. Orateur de rentrée du Barreau de Liège en 2014.
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Dire des vampires qu’ils vivent aujourd’hui en pleine lumière ne relève pas de l'exagération. Sur la base d'un travail scénaristique plus ou moins élaboré selon les cas, les suceurs de sang ont envahi les différents domaines de la fiction depuis plusieurs années et leur succès ne semble pas près de s’éteindre. Qu’il s’agisse de séries télévisées (Buffy contre les vampires, True Blood, Dracula, Vampire Diaries), de bandes dessinées (Le prince de la nuit d’Y. Swolfs, Rapaces de J. Dufaux et E. Marini) ou de cinéma (Dracula de F. F. Coppola, What we do in the shadows de T. Waititi et J. Clemens ou encore Underworld de L. Wiseman), les auteurs surfent sur la vague du vampirisme comme les chauves-souris survolent les clochers et la liste qui précède n'a rien d'exhaustif. La littérature n’est évidemment pas en reste, et ce depuis Entretien avec un vampire d’Anne Rice, paru en 1978, jusqu’au succès planétaire de Twilight (plus de cent millions de livres vendus à ce jour). Le goût de la littérature pour un phénomène vampirique vieux comme le monde ou presque remonte à l’époque dite "du roman gothique", caractérisée par une volonté de réaction contre la philosophie des lumières et une attirance particulière pour le sentimental et le macabre (ou, pour paraître plus savant, pour une combinaison détonante entre Eros et Thanatos).
BON
Bram Stoker
La référence ultime en la matière est évidemment le Dracula de Bram Stoker, publié en 1897. Après L’étrange cas du Docteur Jekyll et Mister Hyde de R.L. Stevenson (1886) et Le portrait de Dorian Gray d'O. Wilde (1890), la littérature fantastique vivait une période dorée. Cette même époque fut par ailleurs marquée par les meurtres sanglants commis dans le quartier londonien de Whitechapel en 1888… Tout a sans doute déjà été écrit sur le plus célèbre aristocrate des Carpates et sur la façon dont Stoker s’est inspiré des deux Voïvodes de Valachie, Vlad "Dracul" ("le Dragon") et son fils Vlad "Tepes" ("l’Empaleur") également surnommé "Draculea" ("le Dragonneau"), seigneurs de guerre violents et impitoyables impliqués dans une lutte sans merci avec l’Empire ottoman au 15ème siècle. On ignore par contre généralement que l’œuvre de l’auteur dublinois n’est pas la première à mettre en scène des vampires. Avant Stoker, J.W. Polidori (Le Vampire, paru en 1819) et S. Le Fanu (Carmilla, paru en 1872) avaient déjà fait des créatures à longues canines les principaux protagonistes de leurs récits. Tel était également le cas de l'écrivain allemand Karl Von Wachsmann dans son livre Der Fremde, paru en 1844. Il aura fallu attendre 2013 pour que cet ouvrage soit traduit pour la première fois en français et publié sous le titre L'étranger des Carpathes par la maison d'édition "Le Castor Astral". "Dans une forêt sauvage secouée de vents terribles, un convoi de nobles seigneurs est pourchassé par des loups affamés. Dans leur course folle, les fugitifs parviennent aux abords du château maudit de Klatka, où ils sont secourus par un homme aux allures étranges. Peu de temps après, la jeune Franziska commence à souffrir d'un mal mystérieux, qu'aucun médecin ne parvient à guérir"…
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Quand on sait en plus que cet "homme aux allures étranges" est un noble, qu'il vit dans un château en ruines, brille par son charisme et son mépris des conventions sociales et qu'il dort dans un cercueil, on comprend que la maison d'édition qui a publié l'ouvrage fasse figurer sur le bandeau la mention "le livre que Dracula a vampirisé" et que la quatrième de couverture affirme que les similitudes entre les deux œuvres "sont telles qu'elles ne laissent aucun doute sur le fait que Stoker l'a lu et s'en est inspiré". Mais attention, si Stoker s'en est très vraisemblablement inspiré, il n'est pas question de parler de plagiat. L'œuvre de Von Wachsmann plafonne à 60 pages, celle de Stoker atteint les 500. Et si Dracula demeure un ouvrage de référence, c'est parce que personne n'a pu, mieux que Stoker, dresser du vampire un portrait complexe et passionnant et en faire, selon la formule consacrée, un damné à plaindre autant qu'à craindre. Cela étant, près de 170 ans après la parution de son œuvre en allemand, il était temps que les mérites de Von Wachsmann soient reconnus et que cette édition française lui rende l'hommage auquel il avait droit, évitant ainsi qu'il sombre dans l'oubli… Une publication en mémoire de l'outre-tombe, en quelque sorte… Bonne lecture!
Olivier Bonfond
1. Pour en savoir plus sur le sujet, on consultera La petite encyclopédie des vampires de P. Moquet et J. Petitin (Paris, Le Castor Astral, 2013); F. Ferrand, Dracula, Au cœur de l'histoire, 12 février 2014, disponible sur http://www.europe1.fr/mediacenter/emissions/au-coeur-de-l-histoire/sons/l-integraledracula-1799511
BON
Texte de Jean-Pierre BUYLE
LES
NOIRAUDS La plus ancienne œuvre caritative de Belgique - 140 ans
Jean-Pierre Buyle Ancien bâtonnier du barreau de Bruxelles Vice-président de avocats.be
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Affiche d’Ever Meulen©
En 1876, Bruxelles connait un hiver particulièrement rude. L’œuvre sociale est surtout l’apanage d’œuvres philanthropiques plutôt que celui des autorités publiques.
Cette réunion majeure réunit une trentaine de savants de toute l’Europe. Il s’agit de relancer l’exploration du continent noir et de lutter contre la traite des noirs par les musulmans.
Une crèche des marolles située Rue du Sureau est en difficulté et au bord de la faillite. Quelques bourgeois se rassemblent et organisent une collecte dans leur entourage.
C’est l’époque où le dirigeants européens veulent tous être les premiers à planter un drapeau sur les dernières terres libres de la planète. Cette conférence se conclut par la création d’une « association internationale Africaine » (AIA). Elle se donne un drapeau bleu étoilé d’or, comparable à celui de l’Union européenne. C’est l’entrée en scène de Léopold II en Afrique.
Pour qu’on ne les reconnaissent pas et pour que les donateurs restent libres dans leur générosité, ils se griment en noir. Ils parcourent les restaurants de la ville où ils ont leurs habitudes. Ils parviennent à récolter suffisamment de fonds pour sauver la pouponnière. La crèche est sauvée.
Les Noirauds prennent le nom de « Conservatoire de Zanzibar », d’abord, parce que l’AIA a choisi cette ville comme point de départ de l’exploration vers le Tanganyika.
Pourquoi se maquiller le visage en noir ? En 1877, ils se transforment en Conservatoire africain. D’abord pour préserver son anonymat mais aussi parce qu’à l’époque, l’Afrique est au cœur de tous les débats. Le 12 septembre 1876, le Roi Léopold II prend l’initiative d’organiser au palais Royal une conférence de géographie consacrée à l’Afrique.
Ils se constituent en asbl en 1925. « Conservatoire », aussi parce que le cortège est accompagné d’une fanfare burlesque, aujourd’hui celle des amis de Manneken Pis. Ce membre d’honneur depuis 1959 endosse le costume de noiraud chaque année lors de la sortie de ses confrères.
BUY
En 1961, les Noirauds sont rejoints par la Princesse Paola, très sensible à la petite enfance en difficulté. D’où la dénomination « œuvre royale des Berceaux Princesse Paola ». A l’époque, on remet en rigueur la coutume selon laquelle les donateurs assument les frais d’une pension dans une institution de solidarité. Des entreprises tiennent par ailleurs à doter l’une ou l’autre crèche d’un berceau. A chaque carnaval, les Noirauds défilent dans le cœur historique de Bruxelles : Manneken Pis, Grand Place, rue des Bouchers, Galeries Saint Hubert, Sablon, Rue de Rollebeek. Beaucoup de personnalités y défilent : Robert Catteau, Lucien Cooremans, Les Princes Philippe et Laurent lors du centenaire de l’association, Yvan Mayeur, Didier Reynders… Le public leur réserve toujours un accueil très chaleureux. La marche à pied mène au paradis. Le costume combine un chapeau haut de forme blanc, une collerette blanche, une veste d’habit noir, un gilet blanc, des gants noirs, un pantalon court en soie, de teintes différentes à chaque sortie.
Les troncs collecteurs ont la forme d’un bébé. Les collectes ont toujours lieu dans les restaurants de la ville, avec l’accord des restaurateurs. D’autres activités philanthropiques sont organisées tout au long de l’année. Beaucoup d’artistes ont offert des spectacles au profit des œuvres soutenues par les Noirauds: Maurice Chevalier, Josephine Baker, Maurice Béjart, Raymond Devos, Guy Bedos, Sophie Daumier, Joe Dassin, Francis Cabrel, Alexandre Bouglione… La totalité des fonds récoltés est distribuée à l’enfance défavorisée de moins de 14 ans, partout en Belgique ( intervention dans les frais de nourriture, médicaux, dépenses vestimentaires, chaises roulantes, appareils auditifs…). Les Noirauds possèdent d’ailleurs deux trésoriers. L’un est le trésorier – charité, qui gère les fonds destinés à la bienfaisance. Le second est le trésorier du cercle qui gère les fonds provenant des cotisations des membres et les fonds propres destinés à assurer le fonctionnement de l’Asbl. Il n’y a pas de confusion entre les avoirs propres et les dons reçus.
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Lorsque j’étais Bâtonnier, nous avons noué un partenariat avec le bureau d’aide juridique pour repérer les enfants qui pouvaient bénéficier de telles aides. Nous avons aussi conclu un accord avec la prison des femmes de Berkendael. Cela nous a permis d’aider les bébés démunis de moins de 1 an et demi qui logent en prison avec leur maman et qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins. La devise des Noirauds est « Plaisir et charité » et l’emblème représente une tête de noiraud inscrite dans une lyre. Les Noirauds entretiennent des liens étroits avec la musique, le bien –manger ( les banquets annuels ont lieu à la Sainte Cécile, « déesse de la musique », les collectes ont lieu dans les restaurants, des instruments culinaires provenant du Vlecophone, groupe carnavalesque dissout en 1980, sont utilisés dans des cortèges) et le sport ( liens avec les clubs d’avirons, de football, et d’amateurs de vélo). Le mot « charité » est sans doute démodé et désuet. Toute expression a ses doutes et son époque. On utilise plus volontiers les mots de « philanthropique, générosité ou solidarité », toutes les vertus du don. Une façon simple d’aimer l’autre, en quelque sorte.
Jean-Pierre Buyle
Texte d'Olivier COLLON
Le retour de
l'enfant
prodigue… en…
absurdie. Olivier Collon est avocat au barreau de Bruxelles depuis 1966. Généraliste, il dispense le cours CAPA de droit judiciaire depuis plus de trente ans. Il est aussi médiateur civil et commercial et médiateur familial. Il est, par ailleurs, membre de L’Union de la critique de cinéma et administrateur de la Cinémathèque royale de Belgique.
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Le Coran, je ne sais pas. Mais la Bible ! On ne lit pas (ou plus) assez la Bible. J’y ai pensé, c’était exactement le mardi 24 novembre 2015, dans l’après-midi. Le passage au niveau 4 avait provoqué la fermeture des diverses annexes du Palais de justice, le Commerce, le Travail, le 13 rue Quatre-Bras, mais pas nécessairement l’annulation des audiences qui y étaient prévues. En ce qui concerne notamment le bâtiment Montesquieu, l’audience de la 141ème chambre avait-elle été « dépaysée », pour être transportée dans ce qu’on appelle maintenant le vieux palais, recouvert d’échafaudages incrustés dans la pierre, de mousses où poussent de petits végétaux ligneux, au péristyle masqué par des palissades, parfois taguées, pas toujours, dominé par une coupole qui, la nuit et de loin, fait penser aux « Rencontres du troisième type », le palais Poelaert, quoi… J’ai pensé à cette parabole de l’évangile selon Saint Luc, la parabole dite de l’enfant prodigue. « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : « Père, donne-moi la part de ma fortune qui me revient ». Et le père partagea son bien. Peu de jours après, rassemblant tout son avoir, le plus jeune fils partit pour un pays lointain et y dissipa son bien en vivant dans l’inconduite. Quand il eut tout dépensé, une famine sévère survînt en cette contrée et il commença à sentir la privation. Il alla se mettre au service d’un des habitants de la contrée, qui l’envoya dans ses champs pour garder les cochons. Il aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubes que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait…
COL
Le Retour de L'Enfant Prodigue - David Teniers the Younger
Rentrant alors en lui-même, il se dit : « … je suis ici à périr de faim ! Je veux partir, aller vers mon père et lui dire : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi ; je ne mérite plus d’être appelé ton fils… ». Il partit donc et s’en alla vers son père. Tandis qu’il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié ; il courut se jeter à son cou et l’embrassa tendrement. Le père dit à ses serviteurs : « Vite, apportez la plus belle robe et l’en revêtez, mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds. Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé ! »… C’est une belle histoire. Et qui a inspiré les peintres : Rembrandt, évidemment, Murillo, Rubens, Gustave Moreau, Lionello Spada… J’y ai pensé pourquoi ? Parce que le bâtiment Montesquieu, qui abrite la section civile du tribunal de première instance, et, notamment, le tribunal de la famille où, de fausses chambres du conseil en vrais huis-clos, les portes n’arrêtent pas de claquer avec le plus désagréable
Bruxelles - Le Palais de Justice
des bruits d’huisserie métallique, ce Montequieu, c’est e fils prodigue. Il l’a pris de très haut depuis qu’après un lifting poussé et un désamiantage ravageur, il a cessé d’être l’extension du palais de justice pour changer de nom et se faire appeler prétentieusement Montesquieu justement. Il devait offrir la sécurité, le confort, l’accueil du justiciable, l’espace, la modernité. Et le 24 novembre 2015, il s’est retrouvé fermé comme un moins que rien, malgré la protection des militaires et des policiers encagoulés. Ce jour-là, le fils prodigue est retourné chez son père, le palais Poelaert. Pas fier, la queue entre les jambes. Ce jour-là, j’ai croisé une juge qui cherchait sa chambre dans les couloirs obscurs, lugubres et déserts du vieux Palais. Elle ne devait s’y rendre que pour renvoyer au rôle, la mine navrée, toutes les affaires qui devaient y être introduites. On s’est parlé un peu. Entre âmes errantes. Pas du retour de l’enfant prodigue, je n’y ai pensé qu’après, tout de suite après. Du retour aux origines, à « dans le temps ». Du retour à la case départ. Du retour en absurdie. C’est elle, la juge, qui a prononcé le mot. Le mot juste.
O. C.
Rembrandt, Le Retour du Fils Prodigue
Voir article de Gérard Leroy jourbal des avocats n°17
Très connue, cette œuvre a souvent été reproduite. Elle sert souvent de support catéchétique pour aborder le sacrement de la réconciliation. Quelquefois, et même assez souvent, on n’en regarde qu’une partie, se concentrant sur le père et son fils, oubliant les autres personnages. Rembrandt a une soixantaine d’années quand il peint cette œuvre. C’est un homme usé par les faillites et les deuils. C’est un homme sans fard, sans masque. Sa pâte picturale est à son image : brute, épaisse, creusée et recreusée, sans chercher un rendu lisse. Cet homme qui pleure encore son propre fils, Titus, va mettre toute son intériorité à peindre ce père généreux et miséricorde. Peinte en 1668, cette huile sur toile de grandes dimensions (262 × 205 cm), est depuis 1766 conservée au musée de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg.
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Texte de Martine DELIERNEUX
Chronique d’un week-end de rangement Aujourd’hui est le premier jour du reste de ma vie, demain on « brocante »
Juriste d’entreprise, membre du conseil de l’Institut des Juristes d’Entreprise, et conférencière, Martine Delierneux aime la pratique et l’enseignement du droit, les voyages, la marche, la lecture, l’écriture, le théâtre, le rire et les rêves...
le journal des avocats
Samedi 9H : La porte du grenier grince de soulagement en pivotant sur ses gongs soumis depuis trop longtemps à trop forte pression. Devant nous se dresse un mur convexe d’objets divers, le marteau piqueur est introuvable, il va nous falloir travailler à mains nues.
Mari chéri s’affaire au milieu du fatras tel Howard Carter devant le trésor de Toutankhamon. Il pose un regard humide sur le lecteur de cassettes usé quarante années plus tôt au son du festival de Woodstock et disparait illico la précieuse relique sous le bras.
11H. : Nous avons réussi à percer une étroite galerie dans la masse compacte de nos souvenirs enfuis et nombre d’intéressants spécimens produits au cours d’un demi-siècle de surconsommation s’entassent maintenant au milieu du salon : électroménager hors d’usage, décorations ternies des Noëls d’antan, de Pâques ou d’Halloween, souvenirs de voyage – comment avons-nous pu acheter ça ? Vêtements démodés – comment avons-nous pu porter cela ? – Bottes en caoutchouc pointure 47 – à qui peuvent-elles bien appartenir ?...
12H. : Ses cris enthousiastes m’arrachent à la lecture d’un vieux Tintin m’enjoignant de le rejoindre séance tenante dans le bureau. A première vue, le spectacle est plutôt navrant : le vieux K7ophone git éventré sur une couche de paperasse en attente de traitement. « Ecoute! » fait le mélomane la voix étranglée par l’émotion. Il appuie un index impérial sur la touche « Play » du vénérable objet : Kriiizwoingnnnntzingwiiiiiingzwing » fait la chose. – « Ça marche ! » exulte l’inventif bricoleur; il semblerait que ce que j’ai pris pour les cris d’agonie
DEL
de l’appareil soient en fait un solo de Santana…Il va sans dire qu’on ne saurait envisager ne serait-ce qu’un instant de se séparer d’un tel instrument : un son pareil, on en fait plus – Qui a dit heureusement ? 14H. : Ayant repris des forces et rendus optimistes par quelques verres de rosé, nous envisageons de remonter du sous-sol un vieux vaisselier aussi déglingué que vermoulu. Un premier écueil se présente : le meuble pèse une tonne et, malgré sa fragilité apparente refuse de se laisser démonter. Mon Hercule pas d’avantage, il bombe le torse et balaye d’un bras musclé mes réserves les plus véhémentes : « On y arrivera pas… » - « Mais si, mais si !» Il pousse, je fais semblant de tirer, nous nous engageons témérairement dans l’escalier obscur et étroit. 14H.05 : M’étant retourné un ongle, je lâche précipitamment l’encombrant objet qui en profite pour glisser sans somations plusieurs marches plus bas. 14H.051 : Une bordée de jurons fort disgracieux se fait entendre … « Tu t’es fait mal ? » Il s’est fait mal… Pire, le meuble récalcitrant est maintenant bel et bien coincé dans le tournant de l’escalier. Je savais que cela ne passerait pas…Il me semble néanmoins préférable de ne pas souligner à cet instant la justesse de mes prédictions… 14H.40 : Une grosse demi-heure a été nécessaire pour désenclaver l’armoire et lui faire intégrer le salon. Quant à la hisser sur le toit de la voiture pour l’emmener vers un avenir meilleur… Mon chéri le cœur gorgé de haine, part en quête de sa scie électrique pendant que je me traîne jusqu’au téléphone pour prendre rendez-vous chez l’ostéopathe. 15H. Le moteur de la scie a rendu l’âme, l’outil repose, en pièces détachées sur la table de la salle à manger transformée en bloc opératoire. N’est pas Christiaan Barnard qui veut… 16H.30 De très méchante humeur, l’homme renonce à retrouver le mode d’emploi de la scie dont la dépouille écartelée attendra dans un sac
d’improbables progrès de sa science réparatrice. Un monceau de notices diverses se rapportant à une variété d’instruments depuis longtemps disparus dissimule maintenant la table de salon. Je lime un deuxième ongle sacrifié sur l’hôtel du rangement. 18H. Une manne à linge, un peu de vaisselle dépareillée, une caisse de vieux bouquins et quelques 33-tours ont trouvé place dans le coffre de la voiture direction brocante. L’essentiel du produit de nos excavations reste toutefois dans le no man’s land encombré aux frontières de notre indécision. Selon mon seigneur et maître, il est urgent de ne pas se précipiter : avant de songer à éliminer, il convient de mener une étude approfondie sur la valeur de chaque objet exhumé. Le timing de cette enquête reste flou… En attendant le séjour prend des allures de marché aux puces.
Dimanche 8H.30
Des voitures tournent dans tous les sens d’un carrousel devenu fou, chacun tentant avec une obstination aussi vaine que désespérée de se rapprocher au maximum de la foire aux vides greniers. Quelques policiers communaux agitent les bras sans que personne ne leur prête la moindre attention. Seule solution : abandonner le véhicule et continuer à pied en portant nos caisses. 9H.15 Nous voilà installés devant le petit tapis exposant nos merveilles. Le temps est couvert et le thermomètre ne doit guère dépasser les 12 degrés. Pour un premier mai…Mari chéri est allé faire le tour des autres stands. Je tente de me réchauffer cramponnée à un gobelet de café tiède en contemplant tristement le troisième ongle qui vient de casser. Je ferais mieux de les couper tous à ras… 9H.30 Arrivée intempestive de fille adorée qu’un instinct très sûr a avertie du danger. La manne à linge exerce sur son regard méfiant l’effet d’un aimant accélérateur de particules… Elle se précipite
le journal des avocats
sur le corpus delicti en poussant des cris perçants où se mêlent détresse et indignation : comment avons-nous la cruauté d’envisager de disperser aux quatre vents de la misère tous ces souvenirs d’enfance si chers à son cœur ? La chemise qu’elle a déchirée lors de son premier camp de louveteaux ? Celle qu’elle a brûlée au cours de son premier camp scout ? La robe de sa première boum ? Son déguisement de Schtroumf ?...L’interminable liste des reliques arrachées par traitrise à son affection fait vaciller ma détermination, l’émotion me gagne et la culpabilité s’en mêle… Notre « bébé »... Sommes-nous des monstres ? Et sous son regard aussi sévère que meurtri, je promets de restituer les émouvants vestiges au tendre enfouissement dont nous n’aurions jamais dû les extraire – il va sans dire qu’elle, elle ne dispose pas d’un espace suffisant pour les prendre en dépôt… 10H. J’ai vendu un coquetier à 10 centimes – Je le regrette : il s’agissait d’un cadeau de fêtes des mères fabriqué de mes blanches mains une cinquantaine d’années plus tôt. J’essuie une larme – « Pardon Maman »… 10H. Une ondée ramène l’homme de ma vie les bras chargés de vieux 45 tours – « Toute sa jeunesse », d’un bizarre instrument à une corde – « Rigolo non ? », de trois revues de comics américains et d’un couteau vaguement ethnique et clairement rouillé. On ne discute pas avec un homme armé surtout s’il est maladroit. De toute façon il y a plus urgent, nous nous empressons d’étendre quelques bâches et nous abritons comme nous pouvons sous notre K-way pour deux. 10H.45 Fin de l’averse. Notre voisin affiche un sourire radieux : il a vendu tout son stock de vieux parapluies… 11H. Alerte ! Un client potentiel s’approche de mes vieux Tintin. On repère tout de suite l’œil averti de l’amateur éclairé : il va s’extasier et m’offrir le pactole…- « Un Euro » laisse-t-il dédaigneusement tomber en agitant une édition 1955 d’Objectif lune. – « Mais, mais c’est une très vieille édition… » bégaieje outrée. C’est l’édition 64 qui est recherchée en fait, pour la faute d’orthographe que contient la
page 27... Pour un Euro, je préfère livrer l’ouvrage aux mains poisseuses de mes petits-enfants – Ils vont apprendre à aimer Tintin, c’est moi qui vous le dit ! 11H.30 J’ai failli faire un heureux : un petit vieillard au teint jaunâtre se déclare intéressé par les souvenirs de la Sabena. Cela tombe bien, je possède quelques revues et prospectus et même un vieux menu promettant caviar et foie gras aux passagers d’un DC9 – on savait vivre en 1952…Mais mon amateur est déçu : - « En réalité, je fais surtout collection des sacs à vomi » s’excuse-t-il tristement avant de s’éloigner avec mes illusions. 11H.45 Une clochette retenti annonçant la fin de la brocante. Le carrousel des voitures reprend dans un concert de klaxons actionnés par les vendeurs dont la hargne est décuplée par la déception. 12H.30 Le mari parti chercher la voiture revient à pied – non seulement il a dû renoncer à se rapprocher mais il est garé maintenant plus loin qu’avant… Nous repartons en tirant nos caisses dans un silence aussi pesant qu’elles… 15H. : Réconforté par un déjeuner roboratif, l’homme de ma vie a entrepris de brûler quelques vieux cartons – et ce qui reste du vaisselier. Tel Néron, il entretient le brasier en chantonnant - faux. Le chat échappe de justesse au sort funeste de Jeanne d’Arc lorsque l’homo ignitus projette dans son feu de joie, la caisse dans laquelle l’imprudent félidé avait élu temporairement domicile. Dans une réaction de révolte bien compréhensible la pauvre bête plante une vingtaine de griffes acérées et 4 dents pointues dans l’avant-bras de l’irresponsable humain. 17H. : Le viril pyromane vient de passer la dernière de ses égratignures à la teinture d’iode et se remet de ses émotions devant quelques biscuits. 80% de nos exhumations ont retrouvé le chemin du grenier, 19 des 20% restant ont été répartis équitablement entre caves, placards, garage, et abris de jardin. Reste un sac poubelle d’un peu moins de 5 litres que j’ai réussi à dissimuler derrière le canapé. Dussé-je me lever la nuit pour aller le perdre dans la forêt, ce sac- là partira, je le jure !
DEL
19H. : L’arrivée de Monsieur mon Père interrompt un apéritif bien mérité. Il aborde un sourire triomphant, les bras chargés d’une caisse aux dimensions respectables qui déborde d’objets aussi vétustes que divers: - « J’ai fait un peu de rangement à la maison. Je me suis dit que cela pourrait peut-être vous intéresser… » Ca va chercher dans les combien un parricide ???
Martine Delierneux
Mieux vaut se fier à la saveur qu'à l'odeur. Citation de l'Italie ; Proverbes et dictons italiens (1882)
René Magritte (1898-1967) - Ceci est un morceau de fomage, 1963 ou 1964, huile sur masonite sous cloche de verre.
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Texte de Maxime FABRY
Un brassage de générations saupoudré de nouvelles technologies :
La soupe du barreau
1
Maxime Fabry est avocat au barreau de Bruxelles (Sybarius). Après avoir découvert la vie du barreau au sein de la cité ardente, Maxime clôture son stage à la capitale. La Zinnebir a donc remplacé la Curtius, tandis que la potée liégeoise a laissé place aux choux de Bruxelles… 1. L’auteur remercie vivement Arnaud Moulin, doctorant au sein de la faculté de sociologie de l’ULB, pour ses éclaircissements, ses sources doctrinales, ses idées et son enthousiasme.
le journal des avocats
« On ne possède rien, jamais, qu’un peu de temps » Eugène Guillevic
Après de nombreuses années consacrées à user sa toge, un confrère clôture sa dernière plaidoirie en ma compagnie. L’on devine une pointe d’émotion lorsqu’il salue pour la dernière fois le magistrat. Rideau. J’ai le temps d’un co-voiturage pour recueillir le témoignage d’une carrière… « Il n’y a rien à faire, il faut beaucoup travailler. Pour assurer une solide clientèle et développer un cabinet, il faut travailler. Les jeunes d’aujourd’hui oublient ça ». Je souris poliment. Ces propos illustrent parfaitement le clivage, largement admis dans notre société occidentale, entre d’une part la génération des baby-boomers et la génération intermédiaire dite « génération X » et, d’autre part, la « génération Y » leur succédant. La question est posée : les jeunes sont-ils vraiment aussi impatients que gourmands ? Ces adulescents ont-ils la prétention de vouloir déguster la crème avant même de devoir battre les œufs ?
1. La génération Y Les baby-boomers (nés entre 1943 et 1959), ont laissé place à la génération X (19591977). Tandis que les premiers avaient un fort sentiment d’appartenance à leur entreprise - d’où la fidélité à vie à l’employeur – les seconds se montrent plus ouverts aux changements et aux défis. Il demeure que le travail est considéré comme la clé de l’épanouissement. La génération Y (1978-1994) a quant à elle rapidement vécu l’émergence d’Internet et plus généralement des « NTIC » (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication). Ces « Digital Natives » (selon les anglo-saxons) ont été élevés dans un monde aux changements aussi rapides que profonds. Privilégiant l’épanouissement personnel et le travail collaboratif, aux méthodes directives et aux hiérarchies trop formalistes, sa culture est celle de l’instantanéité et de l’apprentissage par l’action. On attribue donc à cette dernière génération diverses caractéristiques qui lui seraient propres (et dont la véracité reste matière à débats). L’on se concentre ici sur deux d’entre elles : - Le besoin d’évolution, de changement ; - Le souhait de protéger sa vie privée par rapport au cadre professionnel.
FAB
le journal des avocats
La première aspiration colle plutôt bien avec l’ère du temps. Après les golden sixties, le travail n’est plus synonyme de « job à vie » mais consiste d’avantage en une succession d’expériences pertinentes. La génération Y s’est écartée de la relation affective à l’entreprise pour laisser place à la rationalité. La fidélité a vu sa valeur diminuer au profit des qualités de débrouillardise et d’adaptation. Le jeune avocat qui souhaiterait travailler avec une certaine autonomie sur des missions transversales et variées devrait trouver son bonheur au barreau. Le stage, considéré comme une véritable école de vie, est régulièrement exercé au sein de divers cabinets constituant autant d’expériences. Il apparaît par contre que la seconde aspiration, relative à la vie privée, tombe plutôt mal…
2. Smartphone, vie privée et rythme de travail L’homme, acteur de sa société, crée les structures qui le contraignent dans ses actions. A côté des successions de générations, les évolutions technologiques n’ont pas manqué de modifier profondément le cadre du travail et les relations entre ce monde et l’extérieur. Maître X recevait ses correspondances par courrier, puis par télécopieur, et enfin par courriel. Son petit-fils, Maître Y, sent vibrer sa poche au moindre courriel reçu (ce qui a le don de l’agacer lorsqu’il est à table). Peu importe donc qu’il ait pris garde de ne jamais donner son numéro de téléphone portable dès lors que son smartphone est en permanence connecté à la toile. Cette toile, rendue omniprésente par le smartphone, a de manière certaine entrainé une perturbation, un brouillage, de la séparation entre vie privée et vie professionnelle. Les New Ways of Working (notamment le télétravail) matérialisent ce changement radical. Inutile de se rendre sur son lieu de travail dès lors que tout est accessible via le téléphone, l’ordinateur, le cloud. Si elle donne l’illusion d’une certaine liberté physique, cette ère de l’ultra-connectivité peut cependant s’avérer contraignante pour la génération qui tend précisément à protéger un certain cloisonnement entre ses sphères de vie. En outre, l’on exige de l’avocat une réactivité toujours plus immédiate à chaque impulsion du réseau. Bien qu’indépendant, celui-ci s’est doucement vu subordonné à un rythme imposé par une communication instantanée. Les anciens approuvent : la technologie a irrémédiablement accéléré le rythme du travail, augmenté l’exigence d’efficacité et, par conséquent, renforcé une tension déjà propre à cette profession.
FAB
3. Conclusion L’on peut donc parler de collision entre l’évolution technologique et la génération qu’elle a en partie influencée. Les NTIC ont sensiblement fissuré la séparation vie privée - vie professionnelle et accéléré le rythme du travail. D’un autre côté, la génération Y aspire à d’avantage de temps libre et est friande d’évolution professionnelle. S’il est vrai que l’avocat-stagiaire peut apparaître plus exigeant que l’était son prédécesseur, son impatience s’explique par les changements rapides qui ont depuis toujours jalonné son existence. En outre, Internet lui a toujours donné un accès aisé aux opportunités qui l’entourent, ce qui répond à son aspiration de changement. Pour le reste, il apparaît que le besoin d’équilibre des jeunes avocats ne coïncide pas franchement avec l’environnement du barreau tel qu’il leur apparaît aujourd’hui. D’avantage qu’hier, le métier d’avocat nécessite un véritable travail de gestion. Il faut en effet garder à l’esprit que le travailleur indépendant est au moins partiellement responsable du cadre qui le contraint. Le tempo doit être gardé sous contrôle afin d’éviter de se noyer dans un verre d’eau avant de pouvoir goûter à la crème de son labeur. PS : Il paraît qu’une génération Z est en train d’émerger… Nouvelles aspirations... Bigre, on n’est pas sorti de l’auberge…
Maxime Fabry
Sources : POUGET, J., Intégrer et manager la génération Y, Vuibert, Paris, 2010. BRILLET, F., et al., Quelles trajectoires professionnelles pour la génération Y ?, 2005, Gestion, Vol. 29, no. 5, pp. 69-88. PICHAULT, F., PLEYERS, M., Pour en finir avec la génération Y… enquête sur une représentation managériale, 2012, Annales des Mines, Gérer et comprendre, Vol. 2, no. 108, pp. 39-54. SABA, T., Les différences intergénérationnelles au travail : faire la part des choses, 2009, Gestion, Vol. 34, no. 3, pp. 25-37.
Texte de Michel FORGES
TAIS-TOI ET MANGE !
Homme de verbe (prix Boels, prix Janson, prix de la Francophonie, …), Michel Forges est avocat depuis 1982 et ancien membre du Conseil de l’Ordre. Mêlant souvent l’impertinence à l’humour, il a la passion de l’enseignement et de la communication.
Ardent défenseur de l’indépendance de l’avocat et du droit d’exercer la profession dans la structure de son choix, il présentera sa candidature comme bâtonnier aux élections de juin 2016
le journal des avocats
Libres propos sur les rapports entre la nourriture, l’obéissance, l’amour, le respect et le plaisir.
A l’inverse, le partage d’un repas n’est-il pas le meilleur signe de la connivence ?
Quand le vin est tiré, il faut le boire … et tu mangeras toute ton assiette ! Voilà la première pensée qui me vient à l’esprit à l’heure d’évoquer le thème de ce numéro : dame ! Je dois à ma mère, qui est une sainte femme et une fine cuisinière, mais aussi une maman qui a su maîtriser son fiston -une main de fer dans un gant de velours- de manger de tout et, surtout, de tout manger.
Manger est ainsi d’abord une question d’obéissance, et la grève de la faim est l’expression ultime de la révolte et de l’insoumission.
Manger en compagnie, ce n’est plus manger. Dans la boulangerie du village d’Hantes-Wihéries que je fréquentais gamin, et où nous nous rendions après la messe, on pouvait lire : « la saveur du pain partagé n’a pas d’égal ». Comme il devait être triste, ce veuf solitaire qui achetait une couque pour la manger tout seul. Les amoureux ne s’y trompent pas, et ils trouvent rarement mieux qu’un resto comme activité originale de Saint-Valentin : manger et partager, cela va ensemble. Je préfère mal manger -entendons manger des sandwiches, se faire un quick, …- en bonne compagnie que bien manger tout seul. Plus clair : il ne me viendrait pas à l’idée de me rendre seul dans un restaurant étoilé. Et on peut vivre longtemps d’amour et d’eau fraîche, alors que le caviar en solo lasse bien vite.
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Comme le chantait Yvan-Chrysostome Dolto, plus connu sous le nom de Carlos : « Je préfère manger à la cantine Avec les copains et les copines Et même si la viande est dure comme du caoutchouc Au moins je suis sûr de rigoler un bon coup Je préfère manger à la cantine Même si le beurre c'est d'la margarine Tant pis s'il y a des cailloux dans les épinards Je préfère manger au réfectoire »
Dans nos contrées, l’expression « long comme un jour sans pain » ne veut plus rien dire, le sens d’« avoir mangé son pain noir » , ou « trouver un gagnepain » est perdu: on mange des mets bien plus délicats, voyons, et au quotidien, bien sûr !
Manger, c’est aussi une question de respect ; rendre grâce, nous émerveiller, pour cette manne, notre pitance, qui est là, chaque jour, comme l’eau chaude de notre douche, pour nous, vernis de la terre qui n’avons pas fait grand-chose pour mériter cette situation confortable de sur-nutrition, dont notre obésité latente est le signe le plus visible ; au moment de se mettre à table, les louveteaux se lèvent et chantent : « bénissez-nous, Seigneur, bénissez, ce repas, cette table accueillante, et procurez du pain, à ceux qui n’en ont pas, ainsi soit-il » ; leurs parents (et leurs grands-parents, plus sûrement) ajoutent encore parfois, et sans trop y penser, « donne-nous notre pain de ce jour… ».
Respect pour celui qui fait à manger : que d’efforts, de préparations subtiles, de recettes, pour faire un repas de fête, parfois englouti avec mépris par des gargantuas ingrats, en un temps inversement proportionnel au temps de préparation ! Chapeau bas pour la maîtresse de maison, le chef, le cuistot, pour tous ces efforts, parfois ignorés, voire même bafoués si le repas se passe mal et tourne en querelles de convives ou en dernier repas (ce qui n’exclut pas qu’on finisse ripaille ailleurs, ainsi que chacun sait).
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On ne peut pas avaler un paquet de chips par jour sans éprouver une certaine culpabilité ; vite, donnons-nous bonne conscience en installant des distributeurs de pommes et de poires -belges, bien sûr !- dans nos écoles ! Faisons régime, carême et ramadan ! Respect pour la nourriture elle-même ; on ne joue pas avec la nourriture ! Et s’il y en a de trop, on la donne à ceux qui en manquent : bravo aux restos du cœur et autres collectes, ne boudons pas la soupe populaire ! Ils sont indignes, ces versements d’eau de Javel sur les surplus soustraits à toute consommation.
Les rapports entre la bouffe et le politique sont étroits ; manger du choco à l’huile de palme, c’est un geste engagé, presque aussi marqué que l’achat d’une boîte de biscuits dont le fabriquant diffuse une publicité qualifiée de sexiste.
Et c’est pareil pour l’achat de bananes non certifiées « commerce équitable », ou de fruits qui viennent du bout du monde, lourds, trop lourds d’une insupportable empreinte anti écologique, destructrice d’un climat qu’on ne voudrait pas changer.
Et le plaisir de manger, alors ? Faut-il en parler, alors que les pages de ce numéro feront la part belle aux gastronomes, aux goûteurs et autres œnologues, ignorants volontaires du dicton de Molière, « il faut manger pour vivre et non vivre pour manger » : au diable, l’avarice ? Faut-il en rajouter une couche ?
Allez, lâchons-nous un dernier instant, pour rendre hommage à la saveur, à l’originalité et à tout ce qui a du goût : pour la nourriture comme pour les personnes, c’est ce qui les fait ressortir de la masse qui fascine, ce petit détail qui rend unique et précieux ! Et tenez, même si cela n’a rien à voir : pour moi, être avocat, c’est refuser la triade insipide/inodore/ incolore !
Quand « ça manque de sel », on perd la frite.
Michel Forges
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Texte de Patrick GEELHAND de MERXEM
Des bécassines rôties & autres plaisirs de la table Patrick Geelhand de Merxem est né à Poperinge (Poperingse Keikop) le vendredi 13 février 1959 et descendant de Pieter Paul RUBENS. Lorsqu’il ne travaille pas, il chasse, et paradoxalement, l’inverse est vrai également. Chasseur, bibliophile, joueur d’échecs, conférencier, mais également, avocat depuis 1986, Bâtonnier du Barreau d’Ypres (2004-2006), traducteur juré, Juge de Paix suppléant (canton de Wervik). Avocat spécialisé en droit de la chasse, associé du cabinet Ver Elst & Geelhand de Merxem (Ieper), généraliste avec une préférence pour le droit civil. Enseignant le droit et le droit de la chasse. Orateur et conférencier sur les thèmes de la chasse, la noblesse et l’héraldique. Devise : « Animo et Fortitudine »
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discrète décoration florale, des chandeliers, des couverts armoriés, des bols assortis, tout cela est bien plus essentiel que superflu. Mais qu’est-ce donc un bon, voire un excellent repas ? Jean-Baptiste Siméon Chardin, 1732 Douai, Musée de la Chartreuse - Nature morte au vanneau huppé, perdrix grise, bécasse et bigarade –
Les plaisirs de la table ! Quel sujet délectable. Un bon vivant n’appréciant pas un bon repas, c’est une contradictio in terminis. Les Belges apprécient-ils les restaurants ? Plus de 56.000 établissements horéca en Belgique : la réponse est sans équivoque. Un bon repas, c’est une fête en soi. Se nourrir est un besoin primaire, absolu, existentiel. Mais les pandas et les koalas ne sont-ils pas à plaindre, eux qui ne varient jamais leur nourriture ? Bambous pour les premiers, feuilles d’eucalyptus pour les seconds. Rien que l’idée aurait de quoi vous rendre dépressif. Les gouts et les couleurs ne se discutent pas. Mais Dieu merci, la variété culinaire est quasiment infinie, et c’est le cas de le dire, il y en a vraiment pour tous les gouts. Une énumération exhaustive étant impossible, nous nous contenterons de vous mettre l’eau à la bouche en approchant le sujet par différents côtés, plus délicieux les uns que les autres. Tout comme un joli tableau mérite un beau cadre, les bons plats méritent de beaux plats. Avant de flatter le palais gustatif, n’oublions pas de plaire à l’œil. Une bonne table s’apprécie mieux autour d’une belle table. Une ravissante nappe rehaussée de broderies fines, une plaisante mais
Chacun aura son idée, sa réponse, sa vérité. Les préférences de l’un n’étant pas celles de l’autre. L’idéal n’étant pas de ce monde, et le mieux étant l’ennemi du bien, cela ne doit toutefois pas nous empêcher de le rechercher. Etonnamment, à table, l’élément primordial, ce ne sont pas les plats bien cuisinés, mais la bonne compagnie. L’appréciation du repas est en relation directe avec la bonne ambiance, et dès lors une réunion de bons vieux amis permettra d’atteindre des sommets de satisfaction. Paradoxalement le repas romantique entre jeunes amoureux ne requiert pas une haute cuisine, car non seulement l’amour rend aveugle, mais distrait trop des autres plaisirs. Bon, nous voilà autour d’une belle table. Comment sera constitué le repas idéal ? Entre vieux copains, on connaît les gouts et les préférences. Eviter de servir ce que l’invité n’aime pas, c’est l’évidence, encore faut il y penser. Ce que tout le monde apprécie toujours, ce sont les petites attentions. Tel plat choisi spécialement pour celui-ci, un autre pour celui-là, voilà ce qui est une garantie de succès. L’originalité n’est pas une nécessité, certains se réjouissent à l’avance à l’idée que le repas annuel sera la copie de celui de l’année passée, et même parfois invariablement la même chose depuis des années, cela s’appelle la tradition. Quel plaisir également de se replonger, par le biais de l’histoire ou de la littérature, dans les originalités des repas d’antan.
GEE
Antiquité Romaine. Si certains ont connaissance du personnage de Lucullus (115 av. J.C. – 57 av J.C.) qui se souvient qu’il servait entre autres des langues de rossignols ? Plutarque lui attribue d’avoir fait reproche à son cuisinier qui n’avait préparé qu’un repas simple en l’absence d’invitées, en lui déclarant : « ce soir, Lucullus dîne chez Lucullus ».
1532. Pantagruel est le premier livre de François Rabelais. Pantagruélique est resté synonyme d’un appétit gigantesque, sans limites. A lire ou à relire, avant le repas évidemment.
Marie-Antoine Carême (1784 – 1833) Le roi des chefs et le chef des rois. Il est le premier à porter cette appellation de « chef ». Pâtissier de Talleyrand et de divers monarques par la suite, et finalement pour James de Rothschild. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise. Et malgré sa carrière époustouflante dans le domaine gastronomique, cela reste un parcours curieux pour un dénommé « Carème ». Anecdotiquement je me plais à rappeler le défi que lui lança Talleyrand de créer une année entière de menus, sans répétition et en utilisant uniquement des produits de saison.
1826. La physiologie du goût de Jean-Anthelme Brillat-Savarin avec ses délicieux aphorismes connaît un succès immense et immédiat. J’en cite une seule : « ceux qui s’indigèrent ou qui s’enivrent ne savent ni boire ni manger » , belle pondération qui n’aurait déplu à Epicure.
1871. (Babette fuit la commune de Paris) Je ne vous ferais pas l’injure de vous rappeler la merveilleuse nouvelle de Karen Blixen, « Le festin de Babette », mais je ne résiste pas à vous remémorer l’extraordinaire menu faisant l’objet principal de cette délicieuse histoire : (voir également le film de Gabriel Axel). -- Potage de tortue géante. -- Blinis Demidoff (blinis au caviar et à la crème). -- Cailles en sarcophage au foie gras et sauce aux truffes. -- Salade d’endives aux noix. -- Fromages. -- Savarin et salade de fruits glacés. -- Fruits frais (raisins, figues, ananas …) Vins. -- Xérès amontillado avec le potage. -- Champagne Veuve Clicquot 1860, accompagne les blinis. -- Clos de Vougeot 1845 avec les cailles et les fromages. -- Fine Champagne. -- Eau avec les fruits. -- Café accompagné de baba au rhum.
le journal des avocats
1883. Les contes de la bécasse de Guy de Maupassant. Durant la période de la chasse à la bécasse, le vieux baron des Ravots, amateur de chasse et d’histoires, organise des dîners au cours desquels la cérémonie du « conte de la bécasse » désigne celui qui aura le privilège de manger toutes les têtes de bécasse ; l’heureux élu doit ensuite conter une histoire pour « indemniser les déshérités ». Les nouvelles suivantes sont censées être quelques-unes de ces histoires, toutes plus savoureuses l’une que l’autre.
Auguste Escoffier (1846 – 1935). Il a codifié la cuisine raffinée de Marc-Antoine Carême. Il a fait œuvre d’écrivain culinaire influençant les générations suivantes. On lui doit le concept de ‘brigade’ de cuisine, en rationalisant la répartition des tâches dans l’équipe et en veillant à l’image de marque du cuisinier. Le plus célèbre chef de son temps a été le premier cuisinier à devenir officier de la Légion d’Honneur. **** Nous avons dès lors une belle table, nous sommes entourés de nos meilleurs amis, enrichis des connaissances de l’histoire gastronomique, reste à décider : que (faire) préparer, que servir ce soir ? Quel est le meilleur repas possible ? En d’autres termes, quel est le meilleur menu, quelles recettes retenir ? L’élection de miss univers ne faisant jamais l’unanimité, il en va de même pour le choix du repas. Sachant qu’il faut privilégier les produits du terroir, et mieux encore, les produits de saison, et que la rareté, voir l’exclusivité, rajoutent à l’attrait, je me propose de façon bien réfléchie, mais néanmoins subjective, le menu suivant. -- Apéritif : champagne brut accompagné de petits toasts de mousse de bécasse. -- Bisque de homard. -- Cardons à la moelle. (Viognier) -- Bécassines rôties sur croutons, airelles, compote de pommes, pleurotes, gratin dauphinois. (Margaux) -- Gâteau au citron et sorbets : assortiments de parfums. (Eiswein). -- Café et pousse café - chocolats et massepains. Cigare si l’on ose encore. Cognac, si l’on ose plus encore.
GEE
Chers lecteurs, soyez néanmoins avertis que parvenir à servir le repas précité à vos amis tiendra de la gageure, sinon du véritable exploit. Les cardons sont rares et difficiles à trouver, les bécassines sont protégées en Belgique, les bécasses sont hors commerce en France. Il ne vous restera ensuite plus qu’à trouver le cuisinier, que dis-je, le chef qui sera à la hauteur de vos espérances. Mais il est toujours permis de rêver et l’eau vous viendra à la bouche. Drôle d’expression d’ailleurs, car nombreux sont les gourmets à ne pas apprécier l’eau, préférant le vin d’ici à l’au-delà.
L’on nous a appris qu’au paradis, l’on mange du riz avec des cuillères en or. J’aurais sans hésitation une nette préférence pour notre repas, en ayant le privilège de choisir tant mes amis que le menu. Bon, je vous ai servi un repas. Pour la diversité des 364 autres jours de l’année, faisons confiance à Carême. Curieux de découvrir ce qu’il servait en période de ...... carême.
Terminons par quelques dictons. Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger. Molière. Becasse sur Canapé Jean-Yves du Boispean
Je me suis remis au régime : en quatorze jours j’ai perdu deux semaines. Joe Lewis. La découverte d’un mets nouveau fait plus pour le genre humain que la découverte d’une étoile. (Anthelme Brillat-Savarin). Hâtons-nous de succomber à la tentation, avant qu’elle ne s’éloigne. Epicure. Les bons crus font les bonnes cuites. Pierre Dac. Au Paradis : les policiers sont anglais, les garagistes sont allemands, les cuisiniers sont français, les amants sont italiens et tout est organisé par les suisses. En Enfer : les policiers sont allemands, les garagistes sont français, les cuisiniers sont anglais, les amants sont suisses et tout est organisé par les italiens.
Délicieusement et savoureusement vôtre.
Patrick Geelhand de Merxem
Jean-François de Troy – Déjeuner d’huîtres - Die Austernmahlzeit – 1734 Musée Condé, Chantilly -Il illustre l'art de vivre du XVIIIe siècle ; sur ce tableau, la première représentation picturale de bouteilles de champagne, au premier plan dans le rafraichissoir.
Texte de Delphine HERITIER
savoureux ... un lien entre cuisine et justice ? Le
Delphine Héritier avocate au barreau de Dijon, Présidente du réseau d’avocats MULTIJURIS EUROPE et accessoirement mère de famille. Aime le ski, la Corse et la Bretagne. Apprécie les moments de convivialité entre amis autour d’un bon vin.
le journal des avocats
Quelle saveur donner à un article sur le « Savoureux » lorsque l’on est française et épicurienne. Après moult réflexions, et plusieurs nuits d’insomnie à réfléchir à cette savoureuse mais néanmoins dangereuse tentation de prendre la plume, je choisis d’associer art culinaire et savoureux ou à tout le moins c’est ce que je pense. Mais très vite, je comprends que je ne suis pas la seule à associer saveur et cuisine. En France, en Europe et partout dans le monde, saveur et cuisine ne sont pas une association de mots mais tout simplement une redondance. Tout l’art culinaire est saveur et toute saveur se retrouve dans l’art culinaire. Pas un article, pas une recette, pas un blog dans lequel on ne peut lire une recette savoureuse, une cuisine pleine de saveur, de savoureux desserts… Mais cette saveur culinaire est-elle réelle ou est-elle simplement un fantasme de l’être humain dont les papilles sont perpétuellement insatisfaites ? Est-ce sage de trouver savoureux tous ces plaisirs de la chair ? Mais au fait, quelle est l'étymologie de "savoureux" dont nous discutons depuis quelques minutes? Savourer, saveurs, savoureuses, proviennent du latin sapio qui signifie, mais n’est-ce pas savoureux, être sage, bien juger, prendre de bonnes décisions. Étymologiquement, saveur et sagesse ont la même racine latine. Pour autant savoure-t-on un bœuf bourguignon comme nous savourons un arrêt de principe de la Cour de Cassation ?
HER
Bien sûr que non, seuls les hommes de lois peuvent appréhender la saveur d'un bon jugement ; le cercle restreint de personnes capables de partager cette saveur limite le plaisir de partager quelque chose de savoureux. Au contraire, le partage à plusieurs d'un savoureux repas accroît le plaisir. Et même si les arrêts de la Cour suprême, savourés entre connaisseurs, sont parfois très savoureux, leur saveur est parfois plus amère que celle du Savoureux. Mais au fait, c'est quoi le Savoureux ? Une marque de thon (française), un sandwich composé de pain français ? Que nenni. Le Savoureux est tout simplement un gâteau au chocolat dont vous trouverez, ci-joint, la recette. Le chocolat est le plus savoureux des mets ; malgré mes digressions sur l’étymologie de la saveur et la proximité de la cuisine avec la justice, il est impossible d'assimiler le plaisir du palais avec la satisfaction que l'homme (ou la femme) de loi peut obtenir d'une décision satisfaisante. Toutefois je me demande toujours, si savourer, saveur, savoureuse signifient être sage et bien juger en latin, pourquoi ne retrouve-t-on pas ces termes dans le vocabulaire juridique ? Les procès ne relèvent-ils pas d'une savoureuse petite cuisine entre initiés ? Voici comment en quelques mots les savoureuses saveurs culinaires permettent de savourer non seulement de bons gâteaux en chocolat mais également de bonnes décisions.
Delphine Heritier
Ein paar Bemerkungen 端ber die Street Photography Text von Guido IMFELD
Une ou deux remarques sur la photographie de rue
le journal des avocats
1967 Guido Imfeld nait à Münster en Allemagne. Etudie le droit à Münster et Paris 1996 Débute sa carrière dans un cabinet d’avocats international à Düsseldorf 1998 Se marie à son épouse originaire de Liège, se domicilie donc en Belgique 1999 Rejoint un cabinet d’Aix-laChapelle 2000 S’inscrit parallèlement au barreau de Liège pour developper son activité principale, le droit des affaires internationales, notamment entre la Belgique et l’Allemagne. Étant Rechtsanwalt allemand et avocat belge, il plaide régulièrement devant les juridictions des deux pays. Entre 2008 et 2014, Guido Imfeld était inscrit au barreau d’Eupen ce qui permit à ses deux enfants Sarah (13) et Maximilien (15) de fréquenter une école primaire germanophone. 2012, il rejoint le cabinet aixois DHK et en 2014, se réinscrit au barreau de Liège. Ses langues de travail sont l’allemand, le français, l’anglais et le néerlandais. Depuis 2012 Il est Vice-Président du barreau de Cologne qui regroupe les 13.000 avocats des arrondissements judiciaires de Cologne, Bonn et Aix-la-Chapelle. Il est aussi président de sa commission internationale depuis 2012, membre de la commission internationale (Comex) du barreau de Liège ainsi que des commissions du Droit Européen et du Droit International du barreau fédéral allemand. Dans sa vie privée, il pratique la photographie (www.imfeld-photo.com), organisant chaque année une exposition avec le club ISO83 de Welkenraedt. Côté sport, il fait de l’aviron au sein du très sympathique Royal Club Nautique de Visé.
IMF
Einen Artikel für dieses Magazin zu schreiben war für mich eine interessante Erfahrung. Die Anfrage, ob ich nicht einmal für dieses Magazin schreiben könnte, war schnell beantwortet. Gerne. Über was denn? Was Sie wollen, nur nichts Juristisches und Politisches. Aha ... 22 Jahre anwaltliche Tätigkeit hinterlassen ihre Spuren, oder auch nicht. Aber das ist ein anderes Thema und ein weites Feld. Mein Interesse für Sportwagen mit amerikanischer Notrufnummer in der Typenbezeichnung ist politisch zu unkorrekt. Meine Frau riet ab (sie mag keine Autos). Ich koche nicht gerne und laufe auch keine Marathons, obwohl vorzügliche Themen. Ehrlich gesagt, meistens praktiziere ich Sport zur Erhaltung meiner Lebensfunktionen, also eher aus Pflichterfüllung, vielleicht mit Ausnahme vom Rudern. Aber auch da interessieren mich weder die Höchstleistung noch der Wettkampf, sondern etwas, das man als flow bezeichnen kann: Die perfekte Trainingseinheit ist, wenn ich weder an die Technik noch an mich oder etwas anderes denke, sondern nur rudere. Das ist nicht einfach. Der Leiter der in Deutschland sehr bekannten Ernst Busch Hochschule für Schauspielkunst, Prof. Michael Keller sagte mir einmal bei einem Workshop: Die Probleme fangen an, wenn Du Dich mit Dir selbst beschäftigt, dann bist Du raus aus der Beziehung. So ist es auch beim Rudern. Und beim Fotografieren.
Jahrhunderts. Georges Braques hatte es ihm gegeben. Cartier-Bresson bezeichnete es als Gebrauchsanweisung für das Fotografieren: The archer ceases to be conscious of himself as the one who is engaged in hitting the bull’s-eye which confronts him. This state of unconscious is realized only when, completely empty and rid of the self, he becomes one with the perfecting of his technical skill, though there is in it something of a quite different order which cannot be attained by any progressive study oft he art (...). Clément Chéroux betitelte sein lesenswertes Buch über Cartier-Bresson deshalb mit Le tir photographique4.
Mir fiel 1989 in der Pariser Buchhandlung Shakespeare and Company ein kleines Buch in die Hände: Zen in the Art of Photography von Robert Leverant1. In vordigitaler Zeit hatte ich, wie so viele meiner Generation, Robert Pirsig’s Zen and the Art of Motorcycle Maintenance2 gelesen. In dem Buch geht es nicht um Zen im eigentlichen Sinne, der Titel war ein wenig dem Zeitgeist geschuldet. Denn Eugen Herrigel’s Zen in the Art of Archery3 war - nicht umsonst - eines der Kultbücher der Hippie Bewegung. Da ich schon damals fotografierte, nahm ich das Buch von Leverant selbstredend mit. Der französische Fotograf Henri Cartier-Bresson las Herrigel’s Buch in den 40er Jahren des letzten 1. Images Press, Kalifornien, 1969 2. New York 1974 3. 1948
4. Gallimard, 2008
le journal des avocats
Écrire un article pour ce magazine fut une expérience singulière pour moi. La question si je ne voulais pas rédiger un article pour ce magazine, fut vite répondue par l´affirmative. Volontiers. Sur quel sujet ? Ce que vous voulez, mais rien de juridique ou de politique. Ah oui… 22 années d´activité professionnelle comme avocat laissent des traces, ou peut-être pas. Mais c´est un autre et d’ailleurs vaste sujet. Mon intérêt pour des voitures de sport qui sont désignées par le numéro d´appel d´urgence américain ne me semblai pas politiquement correct. Mon épouse déconseilla (elle n´aime pas les voitures). Je n´aime pas faire la cuisine et ne cours pas de marathons, bien que des sujets excellents. À vrai dire, la plupart du temps, je pratique le sport afin de maintenir mes fonctions vitales en état, donc plutôt par obligation, peut-être à l´exception de l´aviron. Mais je ne suis motivé ni par une performance maximale ni par la compétition, mais par quelque chose que l´on pourrait désigner par le terme anglais flow : l’entraînement est parfait quand je ne pense ni à la technique ni à quelque chose d´autre, mais quand je ne fais que ramer (dans le bon sens du terme). Cela n´est point facile. Le directeur de l´école d´art dramatique Ernst Busch à Berlin, le professeur Michael Keller m´avait dit une fois lors d´un atelier : Les problèmes commencent au moment où tu t´occupes de toi-même, car tu quittes la relation5. C´est aussi le cas pour l´aviron ou pour la photographie.
dernier. C´est Georges Braque qui le lui donna. Cartier-Bresson le considéra comme un mode d´emploi pour la photographie : The archer ceases to be conscious of himself as the one who is engaged in hitting the bull’s-eye which confronts him. This state of unconscious is realized only when, completely empty and rid of the self, he becomes one with the perfecting of his technical skill, though there is in it something of a quite different order which cannot be attained by any progressive study oft he art (...). Clément Chéroux donna, non sans raison, à son beau livre sur Cartier-Bresson le titre Le tir photographique8.
En 1989, dans la librairie parisienne Shakespeare & Co., je tombai sur un petit fascicule Zen in the Art of Photography de l´auteur Robert Leverant6. À l´époque prénumérique, j´avais lu, comme beaucoup de ma génération, le livre Zen and the Art of Motorcyle Maintenance de Robert Pirsig7. Ce livre ne traite pas du zen au sens propre, le titre était plutôt dû à l’esprit du temps. Car le livre d’Eugen Herrigel Zen in the Art of Archery était – non pas pour rien – un des livres cultes du mouvement hippie. Puisqu´à l´époque, je pratiquais déjà la photographie, il va de soi que je pris le livre de Leverant. Le photographe français Henri Cartier-Bresson avait lu le livre de Herrigel dans les années 40 du siècle 5. Traduction littérale de: Du verlässt die Beziehung. 6. Images Press, La Californie, 1969 7. New York 1974
8. Gallimard, 2008
IMF
Leverant schreibt: Knipsen kann jeder. Aber nicht jeder Mensch, der eine Kamera in der Hand hält, ist ein Fotograf. Der Zugang liegt nicht in der Ausrüstung. Es gibt heute eigentlich keine schlechten Fotoapparate mehr, angefangen bei Smartphones. Jede digitale Kamera hat mehrere zehntausend Fotografien in ihrer Bildbearbeitungssoftware gespeichert, die mit den vom Sensor gemessenen Lichtwerten verglichen werden, um ein optimales Ergebnis zu produzieren. Die Ausrüstung ist nur wichtig für freiberuflich tätige Amateurfotografen, die in den Marketingabteilungen der Kamerahersteller eine wichtige Rolle spielen: Je weniger Zeit zum Fotografieren bleibt, desto besser und neuer muss die Ausrüstung sein... Die Gleichung ist universell9. Man kommt sich dann immer ein wenig albern vor, wenn der bekannte Fotograf in einem Workshop mit einer digitalen Kompaktkamera oder dem vorletzten 8Megapixel-Modell auftaucht, während die Teilnehmer das jeweils neueste Modell von Nikon, Canon oder Hasselblad mit bis zu 50 Megapixeln haben. Oder eine Leica, damit auch jeder versteht: Das wird jetzt ernst. Elliot Erwitt stellte einmal dem ihn interviewenden Journalisten, der fragte, womit er fotografiere, die Gegenfrage: Mit was für einem Stift schreiben Sie denn? Bei einer meiner Ausstellungen, vor etwa 8 Jahren, bedankte sich ein älterer Fotograf dafür, dass wenigstens einer – also ich – die Tradition wahre, weil ich analog, d.h. mit Film, fotografiere und auf Barytpapier (riecht nach Maggi) entwickele. Man sehe sofort den Qualitätsunterschied! Ich musste ihn enttäuschen. Das Landschaftsfoto entstand bei einer Fahrradtour in den Alpen mit einer 4Megapixel-Kompaktkamera, ausgedruckt auf A3+ Inkjet-Papier, mit Baryt behandelt. Die Ausrüstung ist nicht wirklich wichtig, sondern das Foto. Heutzutage ein technisch schlechtes Foto zu machen, ist eine Herausforderung. Ein nichtssagendes Foto ist da schon einfacher herzustellen. Schöne Bilder können heute viele Menschen machen. Es dürfte in 2016 schwierig werden, das Matterhorn oder den Mont St. Michel bei gutem Licht schlecht 9. Douglas Kennedy, The Big Picture, London, 1997 10. Penguin Books, London 1977
abzubilden. Wahrscheinlich wird an einem schönen Tag das gleiche Foto am gleichen Ort tausendfach gemacht. Wahrscheinlich ist das Foto auch schon als Sample in der Kamerasoftware gespeichert. Man müsste vielleicht einmal ein Programm entwickeln, bei dem die Kamera die Auslösung verweigert, wenn es das Bild zu oft gibt.
Susan Sontag kritisierte in ihrem Essay-Band On Photography10 die Allgegenwart von Fotos, die unsere voyeuristischen Instinkte befriedigten. Dahinter verschwinde dann das Abgebildete, das Original werde in seiner Einzigartigkeit durch millionenhafte Reproduktion zerstört - so wie Warhol es wollte und Walter Benjamin in Das Kunstwerk im Zeitalter seiner technischen Reproduzierbarkeit11 konstatierte: Noch bei der höchstvollendeten Reproduktion fällt eines aus: das Hier und Jetzt des Kunstwerks – sein einmaliges Dasein an dem Ort, an dem es sich befindet. 11. Zeitschrift für Sozialforschung, Paris, 1936
le journal des avocats
Leverant nous dit: Chacun peut prendre des photos. Mais il ne suffit pas de tenir un appareil photo dans ses mains pour être photographe. L´accès ne passe pas par l´équipement. Aujourd´hui, il n´y a plus de mauvais appareils photo, à commencer par les GSM dits intelligents. Chaque caméra digitale dispose, dans son logiciel de traitement d´images plusieurs dizaines de milliers de photos stockées qui sont comparées avec les valeurs mesurées par le capteur optique afin d´obtenir un résultat optimal. L´équipement a seulement son importance pour des photographes amateurs qui exercent une profession libérale et sont de la plus grande importance dans les départements marketing des fabricants: Moins ils ont le temps de faire des photos, plus cher et plus neuf doit être leur équipement… Cette équation est universelle12.
insignifiante est plutôt facile en revanche. Tout le monde peut faire de belles photos. Il est difficile de rater le Cervin ou le Mont St. Michel si la lumière est bonne. Probablement, pendant une belle journée, la même photo est faite plusieurs milliers de fois au même endroit. Probablement, cette photo fait déjà partie des spécimens enregistrés dans le logiciel de traitement d´images de l´appareil photo. Il faudrait peut-être programmer un logiciel qui refuse de déclencher si la photo est prise trop souvent.
On a toujours l´air un peu stupide quand, lors d´un atelier de photo, le photographe, souvent quelqu´un de connu, arrive avec un appareil digital compact ou l´avant-dernier modèle de 8 mégapixels tandis que les participants possèdent le modèle le plus neuf de Nikon, Canon ou Hasselblad avec jusqu´à 50 mégapixels. Ou un Leica pour que tout le monde comprenne : C´est du sérieux. Elliot Erwitt posa une fois, lors d´une interview, cette question au journaliste qui l´interrogea sur l`appareil photo qu’il utilisait : Et avec quel stylo écrivez-vous ? A l´occasion d´une de mes expositions, il y a environ huit ans, un photographe plus âgé me remercia qu´au moins un des exposants – en l´occurrence moi – respectait la tradition en faisant des photos analogues, à savoir avec de la pellicule et développées sur du papier baryté (cela sent le Maggi). On voit la différence de qualité instantanément. Je dus le décevoir. La photo de paysage avait été faite lors d´un tour en vélo dans les Alpes avec un appareil digital compact 4 mégapixels, imprimés sur du papier A3+ baryté. L´équipement n´est vraiment pas important, mais la photo. Faire une mauvaise photo à l´heure actuelle est un challenge. Faire une photo quelconque et 12. Douglas Kennedy, The Big Picture, Londres, 1997
Susan Sontag critiqua, dans son livre On photography13 l´omniprésence d’images qui ne feraient que satisfaire nos instincts de voyeur. Derrière ce qui est représenté, l´original disparaîtrait dans sa singularité par la reproduction à l´infini - ainsi que Warhol le souhaitait et Walter Benjamin dans L’œuvre d´art à l´époque de sa reproduction mécanisée le constata: A la reproduction même la plus perfectionnée d´une œuvre d´art, un facteur fait toujours défaut - son hic et nunc, son existence unique au lieu où elle se trouve.14 13. Penguin Books, Londres 1977 14. Walter Benjamin, L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée, Zeitschrift für Sozialforschung, Paris, 1936
IMF
wir nicht wegen einer Aufnahme zum Kilimandscharo fahren, es sei denn, wir wollen Urlaub machen. Sehen ist wichtig.
Robert Cappa, Mitgründer (neben CartierBresson und Seymour) der Agentur Magnum15, schrieb in seiner Autobiographie Slightly out of Focus16: If your photographs aren’t good enough, you’re not close enough. Er meinte nicht nur die Entfernung. Sebastiao Salgado erzählt in Wim Wender’s Film Das Salz der Erde17, wie er für sein Werk Genesis18 mehrere Tage brauchte, um ein Bild von einer Galapagos Schildkröte zu machen. Er musste sie erst verstehen, eine Beziehung aufbauen. Das sieht man auf dem Bild. Für Leverant ist die Fotografie die Kunst des Zuhörens, des Lauschens, die Kunst, ES nicht zu suchen, sondern des Wartens. Degas sagte einmal, dass er nicht malte, was er sah, sondern was dem Betrachter ermöglichen würde, das Objekt zu sehen, das er vor sich hatte. Eine Fotografie soll nicht sagen: Kilroy was here! Es geht nicht um das beste Bild. Es geht nicht um das Spektakuläre, Exotische. Es geht um den Ausdruck des Fotografen. Es geht um den Zusammenhang der Dinge. Leverant schreibt: Und deshalb müssen 15. www.magnumphotos.com 16. New York, 1947 17. 2014 18. Taschen, 2013 19. Michel Maiofiss, Fotograf
Neben der Landschaftsfotografie – die die Konzentration auf das Wesentliche in völliger Einsamkeit erlaubt - mag ich deshalb die Street Photography, das Eintauchen in eine Stadt, ihre Menschen, diese Menschen fotografisch in eine Beziehung zu ihrer Umgebung zu setzen, etwas zu zeigen, was nur einmal geschehen ist und so nie wieder sein wird. Aufmerksam sein, den Augenblick – den Cartier-Bresson’schen moment décisif – zu sehen, darauf zu warten, ihn zu begleiten, zu improvisieren: Quand une image me parle, par politesse, je lui réponds par un clin d’oeil d’obturateur complice19. Street photography kann auch eine Art Meditation sein, ein flow, wie beim Rudern oder Bogenschießen. Ich will das nicht philosophisch überhöhen. Das Konzept des flow ist ein psychologisches und so alt wie die zivilisierte Welt. Es ist daher keineswegs der fernöstlichen Philosophie vorbehalten20. Es gibt aber einen wesentlichen Unterschied: Die westliche Lebensweise ist allgemein eher auf das Erreichen eines Ziels gerichtet. Bei dem Flow ist aber der berühmte Weg das Ziel. Im Deutschen wird flow mit Schaffens- oder Tätigkeitsrausch übersetzt. Das erscheint eher suspekt. Im Englischen ist es mehr ein Fließen, ein Mitfließen. Wie Lou Reed schon sagte: Just a perfect day, you made me forget myself21. Man könnte es auch Entspannung nennen, wenn Entspannung nicht häufig synonym für Ablenkung wäre. Ablenkung bedeutet, jemanden auf andere Gedanken zu bringen. Street Photography ist nach Eric Kim: Loose yourself in the moment22.
Guido Imfeld Die Fotografien in diesem Artikel sind solche „verlorenen“ Momente aus meinen Spaziergängen zwischen 1989 und 2015. 20. s. Mihály Csíkszentmihályi, Flow: The Psychologie of Optimal Experience, 1990 21. Lou Reed, Perfect Day. 22. Eric Kim, Zen in the Art of Street Photography, Seattle 2015
Robert Cappa, cofondateur de l´agence Magnum23 avec Cartier-Bresson et Seymour, écrivit dans son autobiographie Slightly24 out of focus : If your photographs aren’t good enough, you are not close enough. Cette remarque n´était pas limitée à la question de la bonne distance. Sebastiao Salgado raconta dans le film de Wim Wender Le sel de la terre25, comment il lui fallut plusieurs jours pour faire une photo d´une tortue Galápagos pour son œuvre Genesis26. Il avait besoin de la comprendre, d`établir une relation avant de déclencher. Cela se voit dans l´image. Pour Leverant, la photographie est l´art d´écouter, l´art non pas de LE chercher, mais de l´attendre. Degas disait qu´il ne peignait pas ce qu´il voyait, mais ce qui devait rendre possible aux spectateurs de voir l´objet qu´il avait devant lui. Une photo ne doit pas dire : Kilroy was here ! Il ne s´agit pas de faire la meilleure photo. Il ne va pas du spectaculaire, de l´exotique. Il s´agit de l´expression du photographe. Il y va du rapport entre les choses. Leverant écrit : Par conséquent, il n´est pas nécessaire d´aller au Kilimandscharo pour faire une photo, à moins que nous voulions partir en vacances. Il est important de voir. Il a raison. C´est pour cette raison que j’aime, à côté de la photographie de paysage – réduite à l`essentiel dans une solitude totale - la photographie de rue que l’on désigne souvent par son terme anglais: street photography. Elle me permet de me plonger dans une ville et ses gens, d`établir un rapport entre les hommes et leur environnement, montrer quelque chose qui n´a eu lieu qu´une seule fois et ne se produira plus jamais de la même manière. Être attentif, saisir le moment -le célèbre moment décisif de Cartier-Bresson, l´accompagner, improviser : Quand une image me parle, par politesse, je lui réponds par un clin d´œil d´obturateur complice27. La photographie de rue peut être une sorte de méditation, un flow, tout comme l´aviron ou le tir à l`arc. Je ne veux pas 23. www.magnumphotos.com 24. New York, 1947 25. 2014 26. Taschen, 2013 27. Michel Maiofiss, photographe
en faire un concept philosophique28. Le concept du flow est plutôt de l`ordre du psychologique et aussi vieux que le monde civilisé. Il n´est pas réservé à la philosophie orientale. Mais il y a une différence essentielle : notre mode de vie occidental est caractérisé par l´obtention du résultat avant tout. Dans le concept du flow, c’est cependant le chemin qui est un but en soi. En allemand, flow est souvent traduit par Schaffens- ou Tätigkeitsrausch ce qui signifie littéralement une sorte de frénésie ou une jubilation créative. Cela paraît suspect, n’est-ce pas ? En anglais, il s´agit plutôt d’un fleuve, un fleuve communicatif. Comme disait déjà Lou Red : Just a perfect day, you made me forget myself29. On pourrait aussi dire détente, si ce terme n´était pas très souvent synonyme de divertissement ou de distraction. Distraction signifie de changer les idées de quelqu'un. Street photography signifie selon Eric Kim : Lose yourself in the moment30. Guido Imfeld Les photographies dans cet article proviennent de ces moments perdus de mes promenades entre 1989 et 2015. 28. cf. Mihály Csíkszentmihályi, Flow: The Psychologie of Optimal Experience, 1990 29. Lou Reed, Perfect Day 30. Eric Kim, Zen in the Art of Street Photography, Seattle 2015
“Pour la gestion de mon portefeuille, mon Private Banker et moi sommes bien entourés.” “On ne change jamais une équipe qui gagne”, c’est un fait. Pour gérer au mieux votre patrimoine, votre Private Banker ING peut en effet compter sur de nombreux experts au sein de notre banque privée. Ensemble, ils forment une équipe efficace qui analyse votre situation sous tous ses aspects. Et vous avez tout à y gagner. A titre d’exemple, nos clients ont bénéficié d’un rendement net de 6,45% par année au cours d’une période de 5 ans (pour un mandat discrétionnaire profil balanced ING Private Banking*). Vous voyez, chez ING, être bien entouré n’est pas une vaine promesse. ing.be/privatebanking *Rendement actuariel exprimé sur base annuelle moyenne pour la période du 30/11/2010 au 30/11/2015 en suivant la stratégie d’investissement d’ING Private Banking sous la forme du mandat discrétionnaire Ceres Balanced. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures et ne tiennent pas compte de taxes éventuelles, mais les frais en sont déjà déduits. Tenez compte du fait que le rendement est également dépendant de votre profil d’investisseur. Ce document est un document promotionnel, établi et distribué par ING Belgique. Il ne comporte aucun conseil d’investissement et/ou une recommandation pour souscrire et/ou effectuer une quelconque opération et ne peut être considéré comme tel. ING Belgique SA – Banque/Prêteur – Avenue Marnix 24, B-1000 Bruxelles – RPM Bruxelles – TVA BE 0403.200.393 - BIC (SWIFT) : BBRUBEBB – IBAN : BE45 3109 1560 2789. Editeur responsable : Inge Ampe – Cours Saint-Michel 60, B-1040 Bruxelles.
Texte de Gérard LEROY
QUELQUES VARIATIONS AUTOUR DE
NOSTRADAMUS
Avocat honoraire après 50 ans passés au barreau de Bruxelles, Gérard Leroy peut maintenant se consacrer davantage à son hobby, étant des conférences avec projections sur des sujets historiques ou artistiques.
le journal des avocats
Michel de Nostre-Dame, dit Nostradamus, est né à Saint-Remy de Provence en 1503 et décédé à Salon de Provence en 1566. Astrologue et médecin, il rédigea des traités d'hygiène et des almanachs qui le firent remarquer à la cour de Catherine de Médicis. On lui reconnait les Centuries, soit, groupés par cent, près de mille quatrains en décasyllabes. La césure après le quatrième pied donne le rythme et la légèreté. La publication commença en 1555. Le style est obscur et le narrateur emploie le futur. Il n'en fallait pas plus pour exciter la sagacité des interprètes qui, pour la plupart, entrevoient des prédictions qu'il leur appartient de déchiffrer... Nous verrons qu'il existe une autre approche. Quelques exemples...
Le quatrain 1.35 se lit:
Le Lyon jeune le vieux surmontera En champ bellique par singulier duelle Dans cage d'or les yeux lui crèvera Deux classes une puis mourir mort cruelle.
Pour ceux que nous appellerons les historiens du futur, Jean-Charles de FONTBRUNE ou Paul de SAINT-HILAIRE, il s'agit, annoncé en 1555, du tournoi qui coûtera la vie à Henri II en juillet 1559. Dans son Nostradamus, historien et prophète, ses prophéties de 1555 à l'an 2000, paru en 1980 aux éditions de Rocher, FONTBRUNE traduit ce quatrain: "Le jeune Lyon l'emportera sur le vieux lors d'un tournoi dans la lice. Il lui crèvera l'œil dans le heaume doré dans l'un des deux combats, puis il mourra de mort cruelle." L'auteur explique qu'à l'occasion d'un tournoi, la lance de Gabriel de LORGES, comte de Montgomery, commandant de la garde écossaise, pénétra le heaume du roi, lui crevant l'œil. HENRI II mourra le 10 juillet. Le "Deux classes une" est étonnant; FONTBRUNE explique que le roi, qui a déjà combattu, "pourrait s'arrêter mais veut rompre une nouvelle lance (deux classes une)".
LER
La lecture des vieilles chroniques nous apprend qu'après le tournoi fatal survenu en 1559, ni Nostradamus, ni Catherine de Médicis, ni aucun participant au tournoi n'a opéré le rapprochement avec le quatrain publié quatre ans plus tôt. En 1594, Jean-Aimé de CHAVIGNY, premier interprète des quatrains, n'y fait aucune allusion. C'est en 1696, qu'Etienne JAUBERT, le premier, opéra le rapprochement que beaucoup de commentateurs reprendront par la suite. Roger PREVOST explique dans son Nostradamus, le mythe et la réalité, un historien au temps des astrologues, paru en 1999 chez Robert Laffont, qu'à Byzance, suivant la coutume, on crevait rituellement les yeux de l'empereur déchu. C'est ce qui s'est passé en 1204, quand le jeune Ange a supplanté son aîné. Les deux empereurs étaient aux prises avec les croisés qui ont uni leur flotte - classis en latin - à celle de Venise "deux classes une" pour donner l'assaut à Byzance. Peut-on envisager qu'au 16e siècle un écrivain emploie le futur pour raconter un événement qui s'est déroulé trois cent cinquante ans plus tôt ? Les Centuries seraient-elles donc non pas un recueil de prophéties mais une chronique du temps passé ? Nous connaissons tous l'imparfait ludique des enfants qui, pour jouer, se donnent un rôle: "Si on jouait à l'hôpital ? Moi j'étais le docteur et toi la malade." De la même manière, il existe un futur narratif que nous étudierons. Mais voyons un autre quatrain. Le quatrain II.97 se lit:
Romain pontife, garde de t'approcher De la cité que deux fleuves arrose: Ton sang viendra auprès de là cracher Toy et les tiens quand fleurira la rose.
Pour FONTBRUNE, qui écrivait en 1980, il s'agit de la mort de Jean-Paul II à Lyon lorsque la gauche sera au pouvoir en France. Sa traduction se lit: "Pape romain, ne t'approche pas de la ville que deux fleuves arrosent (Lyon). Ton sang et celui des tiens viendra couler près de ce lieu quand la gauche arrivera au pouvoir". En 1986, le pape est venu à Lyon et il ne s'est rien passé. François MITTERAND, donc la gauche, était au pouvoir. Pour Roger PREVOST, ce quatrain évoque le couronnement à Lyon, le 5 juin 1305, de Bertrand de GOT, archevêque de Bordeaux, élu pape sous le nom de CLEMENT V, celui qui le 3 avril 1312 supprimera l'ordre du Temple. Dans son Siècle de Philippe le Bel, paru en 1954, le duc de LEVIS-MIREPOIX, qui sera de l'Académie française et que cite Roger PREVOST, raconte que la cérémonie du couronnement tourna au drame. "Un vieux mur sur lequel la foule s'épanouissait en grappes retentissait d'acclamations. Tout à coup, ce sont des cris de détresse! Il s'écroule. Et quand chacun, au milieu des gémissements, commence à reprendre ses esprits, on voit une quantité de corps ensanglantés parmi les débris, et le pontife, tête-nue, qui ramasse la tiare dans la poussière. On entend murmurer que parmi les morts il y a le duc de Bretagne ! Inévitablement les augures se mirent à composer de sinistres présages qui ne se réalisèrent pas." Quant à la rose qui fleurira, il s'agit du Roman de la rose dont
Jean de MEUNG a composé la seconde partie en 1275, peu avant le drame de Lyon, et dont Clément MAROT et les rhétoriqueurs s'inspireront dans les années 1515-1530, peu avant que Nostradamus ne compose ses Centuries. Dans mon explication au paragraphe précédent, j'ai écrit supprimera pour une action qui s'est déroulée il y a sept siècles et j'ai écrit s'inspireront pour une action qui s'est déroulée il y a cinq siècles. Comme Nostradamus dans ses quatrains, j'ai utilisé le futur narratif.
Le quatrain IX.89 se lit:
Sept ans fera Philip fortune prospère, Rabaissera des Arabes l'effort, puis son mydi perplex rebors affaire Ieune ognyon abysmera son sort.
Dans son Ainsi parla Nostradamus, paru chez Rossel en 1982, SAINT-HILAIRE, respectant ce qu'il appelle la loi des destins parallèles, applique ce quatrain à LOUISPHILIPPE I, roi des Français en 1830, et à son descendant à la sixième génération, PHILIPPE I de Belgique. L'histoire n'a pas donné raison à SAINT-HILAIRE pour ce quatrain, ni pour d'autres qu'il traduit en annonçant des événements postérieurs à 1982, date à laquelle il a rédigé son livre. C'est en effet sous le titre Les arcanes du futur 19912000 que dans son chapitre 4 il tente de parler de Philippe Ier qui ne deviendra roi qu'en 2013. Roger PREVOST estime que ce quatrain concerne PHILIPPE II d'Espagne qui, à partir de 1554, date de son mariage avec Marie TUDOR, vivra sept années prospères durant lesquelles il battra les pirates arabes à Oran et Tripoli avant que sa flotte ne soit détruite par les Turcs à Djerba. Il a alors 34 ans et se trouve à son midi. Il sera opposé au roi de France, l'Hercule gaulois. Le lecteur constatera que je viens d'employer trois fois le futur narratif. D'autres exemples encore nous montrent que la thèse de PREVOST, relative à une chronique ancienne, racontée par Nostradamus en employant le futur narratif, l'emporte sur la thèse de ceux qui croient trouver dans les Centuries des prophéties. Certains commentateurs de Nostradamus ont essayé de trouver dans ses vers la preuve de ce qu'ils sont "l'élu", appelé de longue date à déchiffrer l'énigme
des Centuries. C'est le cas de P.V. PIOBB, que l'on présente comme l'annonciateur de DE GAULLE. Il verra son nom dans les majuscules des deuxième et troisième vers de l'avertissement en latin qui précède la septième Centurie. P rofanum vulgus & I nscium ne attrectato. O mnesq. astrologi, B lennis, B arbari procul sunto que l'on peut traduire: Que le vulgaire profane et ignorant n'approche pas: Arrière tous les astrologues, les sots, les barbares. D'autres utilisent les ressources de l'anagramme parfait, ou hermétique si une lettre est ajoutée ou retranchée. Si vous vous appelez Dubois, Dupont ou Lenoir et que votre prénom est Pierre ou André, ce n'est pas très difficile. On peut même en faire un jeu de société. Cette méthode me permet de signer alors que je n'ai rien créé mais n'ai fait que commenter. Dans le troisième vers du quatrain X 72,
Ressuscit e r l e g r a n d r o y 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12,
la partie numérotée est l'anagramme hermétique de
G e r a r d
L e r o y
5 1 2 7 6 9
3 4 10 11 12,
le N nasal du mot grand étant élidé.
Gérard Leroy
d'Angoumois
Texte de Myriam REMION
Les nuages Avocat honoraire Conseiller à la cour d’appel de Bruxelles Chargée de conférences à l’Executive Master en gestion fiscale, Solvay Brussels School of Economic & Management
le journal des avocats
Eh ! Qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ? J’aime les nuages… les nuages qui passent…là-bas…là-bas… les merveilleux nuages ! » Baudelaire, L’étranger, Petits poèmes en prose, I (1869)
Dans la présentation de l’exposition Clouds organisée dans le cadre de Mons 20151, je lis que le nuage est pour tout être humain, la plus fantastique des machines à rêves et le plus humain des corps célestes. Il n’en faut pas davantage à ma pensée vagabonde pour s’accrocher au merveilleux nuage qui passe devant mes yeux et flotter dans cet entre-deux où l’imagination est au pouvoir et conduit ma plume, très haut, au-dessus d’un océan de nuages blancs et multiformes, près du ciel bleu, dans les rayons lumineux du soleil, l’autre monde que l’on observe depuis la lucarne de l’avion et où j’aime me perdre en toute liberté… Mais depuis quelques temps, très vite, devant mes yeux, ce sont d’autres yeux noirs profonds mais au regard vide qui me saisissent, tantôt au milieu de marées humaines en marche vers l’Europe, tantôt au rythme des soubresauts d’une embarcation de fortune, une plume sur la déferlante des vagues de l’océan tumultueux qui rejette sans pitié ceux qui n’ont pas eu la force de lui résister…
REM
Où trouvent-ils leur force de braver tous les dangers ? Peuvent-ils apercevoir comme l’étranger de Baudelaire, les merveilleux nuages qui passent au loin ? Ou bien sont-ils rivés à leur icloud sur leurs portables, livrés aux artifices du monde virtuel ? Savent-ils que dans nos contrées, les nuages gris sont souvent de mise et qu’il nous faut beaucoup de volonté et de personnalité pour nous élever au-dessus de cette chape faite de pollution matérielle et intellectuelle qui pèse sur notre monde ? Je veux croire avec Magritte que la Victoire2 passera la porte entrouverte par un nuage vers la liberté de penser, de vivre et d’aimer, vers un nouveau monde de solidarité humaine… A toi, merveilleux étranger, mon billet d’humeur … à savourer, la tête dans les nuages, les souvenirs dans le iCloud, et au bord des lèvres…
« Une tasse d’eau chaude avec un nuage de lait » Astérix chez les Bretons, Goscinny et Uderzo, 1966
Myriam Rémion
1. Exposition Château du Roeulx www.expo-clouds.com 2. La Victoire de Magritte, 1939
La Victoire de Magritte, 1939
Texte de Jehanne SOSSON
Le
jour
des femmes Notice auto-biographique (déf.) : « exercice de style où l’auteur est censé expliquer en quelques mots pourquoi il est quelqu’un de remarquable ». Il ou elle (comme en l’espèce) y mentionne ses qualités professionnelles (« elle est avocat depuis près de trente ans au barreau de Bruxelles et professeur de droit de la famille à l’UCL »). Suit un petit mot modeste (mais pas trop) sur ses activités extra-professionnelles (comme par exemple « elle écrit des nouvelles et un roman, Le siècle de Juliette, aux éditions Thélès ; elle a créé le site courteslignes.com »). Le tout agrémenté de quelques qualificatifs modérément prétentieux (« enthousiaste, à l’humour décalé », etc…) : il faut toujours dire du bien de soi-même ; ça se répète et on finit par ne plus savoir d’où ça vient…
le journal des avocats
Frans Snyders - Fruits et Légumes - Musée des Beaux Arts de Valenciennes
Tous les ans, le 8 mars, c’est la même chose... Que se passe-t-il le 8 mars ? Si vous donnez votre langue au chat, a priori, c’est que vous êtes un homme. Si vous êtes une femme, vous êtes impardonnable : c’est la journée internationale des femmes. Et quoi ? Cela veut dire que les 364 autres jours de l’année sont les jours de l’homme ? Réaction primaire, assurément primaire. Mais de bon sens ! Enfin, 363 jours, car il faut logiquement retirer le 20 novembre qui est officiellement la « journée internationale du souvenir trans » (transgenre, au cas où vous ne l’auriez pas compris). Donc, cela fait 363 jours pour les hommes et un pour les femmes. C’est intolérable ! Quelle discrimination ! En instaurant une (et une seule) journée de la femme, on a créé une inégalité patente, et ce alors même que l’objectif de cette journée est précisément de dénoncer et lutter
contre les inégalités hommes-femmes ! Voilà un paradoxe qui n’échappera à personne et auquel il conviendrait de mettre fin au plus vite. Mais comment ? Il y a plusieurs solutions. La première est de partager équitablement les jours : 182 pour les femmes, 182 pour les hommes, et un pour les trans (ce n’est pas très juste pour les trans, j’en conviens, mais bon…). Plus une répartition en alternance du jour complémentaire des années bissextiles pour respecter la parité, cela va de soi. Mais cette méthode pose un problème de taille : où placer toutes les autres journées internationales d’ores et déjà reconnues, telles que la journée internationale de la plomberie le 11 mars, de la procrastination le 25 mars (et pas le 26 même si la procrastination consiste à remettre au lendemain ce qui peut être fait le jour même), de la photographie au sténopé (procédé bien connu, qui méritait donc amplement une journée mondiale) le 24 avril, du pied le 18 mai, du tricot le 11 juin, du parler pirate le 19 septembre (capital, mille sabords !) ou encore du lavage de mains le
SOS
15 octobre ? Nous conviendrons tous qu’il n’est pas pensable, même au nom d’un principe aussi important que l’égalité hommes-femmes, de les supprimer tant leur utilité est évidente. Ne faudrait-il dès lors pas plutôt, et c’est la deuxième solution, supprimer la journée de la femme ? Mais ne serait-ce pas considérer comme acquise la suppression des inégalités pourtant encore existantes dans la société, le monde du travail ou le couple ? N’est-il pas utile qu’on nous les rappelle, dans tous les médias, une fois par an ? Car on ne peut douter de l’efficacité de la mesure : le patron qui ne donne pas à ses ouvrières un salaire égal pour un travail égal et qui se l’entend dire au journal radiophonique du matin pendant qu’il se rase ne manquera certes pas d’augmenter illico celles-ci. Le mari, assis dans son fauteuil pendant que sa femme fait la vaisselle après avoir, dès qu’elle est rentrée du boulot, donné le bain aux enfants et préparé le repas, ne manquera pas, après avoir lu en gros titre dans son journal que l’égalité passe aussi par un partage des tâches domestiques, de lui proposer de repasser la montagne de linge qui se trouve dans la manne à ses pieds. Non, on ne peut priver ainsi injustement les femmes de cette journée bénie où leurs maris se transforment en fées du logis ! Mais que faire, alors ? C’est simple : instaurer une journée de l’homme. Je n’ai pas la maternité (si je puis dire) de cette idée : certains y ont pensé avant moi. Une telle journée existerait même déjà : ce serait le 19 novembre. Mais, étrangement, elle ne fait l’objet d’aucun battage médiatique, contrairement à son homologue féminin. En voilà une discrimination ! Pourquoi les hommes n’ont-ils pas réellement droit à un jour où on les chouchoute, on les cajole, où les femmes changent les pneus de la voiture, réparent le lave-vaisselle, attaquent le mur à la foreuse ? Promouvoir cette journée-là aurait autant d’utilité que la journée de la femme, car finalement, l’équilibre entre les sexes n’est-il pas aussi souvent rompu au détriment des hommes ? En effet, qui décide aujourd’hui ? Les hommes ? Dans les sphères du pouvoir et de l’entreprise, peut-être ; mais à la maison, quel homme oserait prétendre qu’il gouverne ? L’intimité
n’est-elle pas soumise au pouvoir des femmes ? Ne sont-elles pas les despotes très éclairées des chaumières ? Les femmes n’ont-elles pas aujourd’hui reçu, dans nos contrées en tout cas, le pouvoir de décider des choses intimes, tantôt dans les faits, tantôt avec l’active complicité de la loi ? Un exemple parmi d’autres : elles maîtrisent désormais quasi de bout en bout la procréation. Elles décident seules d’avoir ou non des enfants : elles n’ont nul besoin du consentement de l’homme pour la contraception ou l’avortement. Elles peuvent aisément « faire un enfant toute seule » (comme le claironnait en son temps un chanteur à la mode) avec l’aide de la science et d’un tiers donneur, voire, plus simplement, d’un amical donneur auquel elles peuvent prendre une part de lui-même sans rien dire ; une part qui, en d’autres circonstances constituerait, ou constituera, si elles le décident, une paternité… Sans parler, en amont, du pouvoir finalement féminin aujourd’hui d’entrouvrir ou non la porte de la sexualité, que ce soit hors mais aussi au sein même de l’alcôve conjugale ou paraconjugale ; car les hommes doivent aujourd’hui être d’une prudence de Sioux avant d’oser franchir le Rubicon, tant le risque d’une plainte pour harcèlement sexuel ou absence de consentement à la relation leur pend au nez en permanence... Propos sacrilèges sous la plume d’une femme, me direz-vous. Oh, vile traîtresse de la cause féminine qui ose penser, et plus encore écrire, que l’homme n’est pas un mâle éperdument dominateur et qu’il puisse, en tout cas, mériter qu’on lui consacre officiellement une journée par an ! Mais que les héroïnes de ce jour se rassurent : c’était « pour rire ». Tant il est vrai que la femme qui se veut l’égale de l’homme manque en fait d’ambition.
Jehanne Sosson
Frans Snyders - Table de cuisine Musée des Beaux Arts de Valenciennes
Peintre spécialisé dans la nature morte, Frans Snyders réalisa l'essentiel de son œuvre dans sa ville natale, Anvers. Ses compositions s'organisent en général autour d'un élément horizontal stable, comme une table, sur laquelle sont exposés des éléments désordonnées. Sur ces deux tableaux, le foisonnement des objets peut rappeler l'abondance et la prospérité des Flandres au XVIIe siècle. Appartenant à l'important atelier de Rubens, même s'il ne fut pas son élève, il collabora avec lui dans plusieurs tableaux, comme Philopœmène reconnu par ses hôtes (musée du Prado, Madrid). Il forma aussi lui-même plusieurs élèves, notamment Jan Fyt. Son œuvre se compose essentiellement de natures mortes et de scènes de chasses, auxquelles il conféra une monumentalité nouvelle. Ses étals de commerçants, notamment de poissonniers (plusieurs exemplaires, conservés au Musée royal des beaux-arts et à la Rockoxhuis d'Anvers, au musée du Prado de Madrid, au musée de l'Ermitage à Saint Petersbourg, au Musée Duplessis de Carpentras, etc.) constituent peut-être la partie la plus originale de son répertoire. Sa touche est très proche de celle de Rubens, en jouant sur des empâtements et des glacis dilués.
Texte de Cavit YURT
Le Pâtissier du Palais-Royal
Cavit Yurt est avocat au barreau de Bruxelles. Connaisseur averti du droit de la procédure pénale, il s'est spécialisé en droit pénal du roulage et en cassation pénale. Il consacre l'autre moitié de sa vie à l'illusionnisme. c.yurt@avocat.be
le journal des avocats
Il était un temps où des automates magiques affrontaient des impératrices aux échecs, voltigeaient au trapèze ou faisaient fleurir un oranger. C’était au XIXe siècle, du temps où JeanEugène Robert-Houdin, père de l’illusionnisme moderne, exhibait certains de ces automates lors de ses Soirées fantastiques au 11 de la rue de Valois, au Palais-Royal. Parmi ces automates, il en était un qui ne manquait pas de piment : je veux vous parler du Pâtissier du Palais-Royal. Dans ses mémoires, Robert-Houdin décrit l’automate comme « un petit pâtissier sortant à commandement d’une élégante boutique et venant apporter, selon le goût des spectateurs, des gâteaux chauds et des rafraîchissements de toute espèce ». Dans la pâtisserie, on pouvait apercevoir « des aides-pâtissiers pilant, roulant la pâte et la mettant au four ». Mes errances magiques m’ont permis de mettre la main sur un exemplaire du Bulletin de l’ami des arts remontant à 1845 décrivant une performance, au Palais-Royal, du miracle pâtissier… « Je laisse de côté toutes les surprises de cartes pour arriver au petit pâtissier de Louis XV. Que demandez-vous? une brioche? un vol au vent? une tarte aux amandes ou aux confitures? un verre d’anisette, de rhum ou de cognac? une brioche! soit! apportez! et, posée sur une table sans tapis, une charmante boutique de pâtissier ouvre ses portes, et le pâtissier, le bonnet de coton sur l’oreille, vous apporte la brioche demandée; mangez, elle est chaude, elle brûle; un verre d’anisette! et la pâtissière se présente portant un grand verre sur un plateau; et tour à tour, à l’appel des spectateurs, se succèdent les tartes et les verres de liqueurs. D’où cela sort-il? comment, dans cette boutique où ces pâtissiers travaillent avec tant ardeur, peut-on faire ce service aussi rapide et aussi exact ? » Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir, dans cette revue d’époque, quelque chose que
ne renseignent pas les diverses descriptions de l’automate: une tombola. Comme un écho à travers les siècles… « Ce n’est pas tout: une tombola s’annonce, les trois premiers numéros gagnent successivement un objet de denrées coloniales, un sucrier d’argent et un dé en or. Tâchez surtout de gagner le dé en or et défiez-vous des escamoteurs! Les lots sont tour à tour apportés par le pâtissier à l’appel de son maître. Voulez-vous plus du petit automate? Désirez-vous lui voir changer une pièce de monnaie? Dites lui de prendre 17 francs sur 20 francs et il vous rapportera avec exactitude le reste de votre argent. Comment tout cela peut-il se faire ? Tout cela nous passe. Allez le voir, lecteur, peut-être serez-vous plus intelligent que nous. Mais, ce qui est certain, c’est qu’ayant compris ou non, vous sortirez de ce charmant théâtre entièrement satisfait. »
YUR
La littérature magique révèle en outre que des bagues de spectatrices se volatilisaient pour se retrouver dans des brioches servies par le pâtissier! Robert-Houdin, véritable poète conférant une âme à l’inanimé, savait aussi promouvoir, en vers, ses effets les plus retentissants, dont le Pâtissier du Palais-Royal qui nous occupe :
Pour les consommateurs allumant mes fourneaux, Je fais des échaudes, des tartes, des gâteaux Mes brioches surtout prouvent mon savoir faire Par leur goût savoureux, leur fumet engageant. Goûtez-y donc : en les mangeant, Vous serez sûrs de n’en pas faire.
Le Pâtissier du Palais-Royal un l’un des plus beaux automates du Maître français, et sans doute une de ses plus difficiles créations. Malgré le progrès technique accompli depuis l’époque de Robert-Houdin, force m’est de constater que mes gadgets modernes (téléphone intelligent, écrans ultrafins, dossiers dans les nuages) demeurent incapables de me livrer une brioche ou une liqueur au premier signe de tête. C’est que la magie suppose davantage qu’un progrès technique: elle pose, en condition de l’émerveillement, la nécessité d’un propos additionnel, l’exigence d’une épaisseur inimitable que seul confère le travail poétique, qui est le lot des artistes et des rêveurs éveillés.
Cy
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Texte de Onur YURT
Constellation Bibendum
Onur Yurt est avocat au barreau de Bruxelles. Il s'est spécialisé en droit pénal et en droit de la circulation routière, ainsi qu'en droit de la protection de la personne des malades mentaux. Il aime les voyages, les avions et les grands hôtels. o.yurt@avocat.be
le journal des avocats
En quittant le Mercedes House après l’une des agréables Petites Rencontres du journal des avocats, je me suis vu offrir le fameux Guide rouge de Michelin. De retour chez moi, j’ai commencé à le feuilleter avec curiosité. La page dix-huit du Guide a retenu mon attention : elle parlait des étoiles.
LES ETOILES : LES MEILLEURES TABLES
Les étoiles distinguent les établissements, tous styles de cuisine confondus, qui proposent la meilleure qualité de cuisine. Les critères retenus sont : la qualité des produits, la personnalité de la cuisine, la maîtrise des cuissons et des saveurs, le rapport qualité/prix ainsi que la régularité. Le Guide détaille ensuite les trois niveaux d’étoiles : *** Cuisine remarquable, cette table vaut le voyage. On y mange toujours très bien, parfois merveilleusement. ** Cuisine excellente, cette table mérite un détour. * Une très bonne cuisine dans sa catégorie. Je me suis alors demandé depuis quand on parlait d’étoiles pour rehausser ainsi une table. Flash-back en 1920, où je découvre justement que le guide cessa d’être donné, pour être vendu, quand André Michelin constata, avec indignation, que « les guides envoyés à un stockiste servaient à caler les pieds d’une table ». Au début des années 20, le guide conseillait des restaurants par des indications comme « mérite un détour » ou « vaut le voyage ». Mais les gens n’achetaient pas ce qu’ils avaient pris l’habitude de recevoir. Michelin eut alors l’idée de distribuer gratuitement son guide dans les écoles : l’idée était de récompenser les élèves les plus méritants ! Autres temps, autres mœurs…
YURT
Le premier guide Michelin, publié à l’occasion de l’exposition universelle de 1900, ne reprenait pas les restaurants. C’était un guide publicitaire offert à l’achat de pneus. Le marché automobile n’en était qu’à ses balbutiements, le lectorat du guide était fait de cyclistes et de pionniers automobiles qui pouvaient y trouver une liste des rares garagistes, des cartes routières, des plans, des médecins,… Il fallut attendre 1926 pour voir apparaître les « étoiles de bonne table » qui recommandaient les meilleures tables. Cinq ans plus tard, le classement se précisa pour distinguer une, deux et trois étoiles. Si le terme « macaron » est également utilisé, en lieu et place d’ « étoile », c’est à tort. Certains pensent que les étoiles sont des avatars de macarons, mais c’est faux. L’origine du terme « macaron » pour désigner une « étoile » au Michelin n’est dû qu’à la règle scolaire consistant à ne pas répéter un même mot dans un texte, règle qu’avait jadis suivie un journaliste dans l’un de ses articles, provoquant une confusion se perpétuant au fil des décennies… Quoi qu’il en soit, nous savons le pouvoir de ces étoiles du Michelin : elles peuvent consacrer ou bannir, flatter ou blâmer, faire briller ou oublier. Elles sont convoitées et craintes, suivies ou snobées. Certains chefs refusent même de « jouer le jeu » en indiquant ne pas vouloir d’étoiles, d’aucuns prétendant même « les rendre » (Michelin précise qu’une table peut refuser d’être reprise dans le guide mais qu’il est impossible de « retirer ses étoiles »). Quoi qu’il en soit, une étoile a une qualité qui fait rêver : elle est inaccessible. Et un défaut : elle est morte depuis longtemps, seule sa lumière nous parvenant avec un retard considérable. Belle leçon d’humilité : il faut sans cesse se réinventer. Et puis, mortes ou non, les étoiles agrémentent la nuit, dessinent des animaux dans le ciel et parfois, se font filantes pour rappeler qu’il faut savoir saisir l’instant présent. A table !
Onur Yurt
Francisco Barrera - La primavera (Le Printemps)
Francisco Barrera - El verano (L'Été)
Francisco Barrera est né en 1595 à Madrid ville où il est mort en 1658). Peintre du siècle d'or espagnol il doit sa renommée à ses bodegones, natures mortes et scènes de genre, très typiques de l'Espagne du XVIIe siècle. Si, de son vivant, Francisco Barrera est un peintre célèbre et au succès indéniable, au vu du nombre de ses tableaux vendus, son œuvre, aujourd'hui confrontée à celle de ses contemporains, tels Diego Vélasquez, Francisco de Zurbarán, Alonzo Cano, Vicente Carducho, Juan van der Hamen, est reléguée au second plan. Il est également très connu dans le milieu artistique pour avoir gagné un procès contre les finances royales, en 1640; il refuse de payer à ces dernières une taxe de 1 % dont les peintres, au même titre que les artisans, sont assujettis sur leurs ventes. Il est le peintre le plus taxé pour l'exercice de l'année 1637, avec une somme due de 800 réaux, quand Vélasquez et
Francisco Barrera - El otoño (L'Automne)
Francisco Barrera - El invierno (L'Hiver)
Carducho en doivent chacun 400. Au cours du procès, il convainc les juges que le travail de l'artiste peintre est intellectuel et doit être, comme celui des auteurs, exempté de cette taxe. Francisco Barrera a abordé différents thèmes picturaux comme les sujets religieux, les portraits mais ses œuvres connues et qui nous sont parvenues sont exclusivement des bodegones, majoritairement consacrés aux mois et aux saisons, avec la traditionnelle représentation de fruits, fleurs, légumes, viandes, poissons. L'une de ses principales œuvres est la série de quatre tableaux relative aux quatre stations, peinte en 1638 et exposée au Musée des beaux-arts de Séville. La structure est semblable pour chacun des quatre tableaux, avec un personnage, les produits, étagés sur deux ou trois niveaux, et un paysage, propres à la saison.
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tex of con Out
Histoire vécue par ANNE GRUWEZ
Les très pauvres heures d’un sein, selon celles très riches du duc de B erry,. . mais sans les enluminures !
Avocat honoraire, Anne Gruwez est juge d’instruction depuis 23 ans. Elle roule exclusivement en 2CV depuis plus longtemps. Le temps où elle participait aux négociations gouvernementales de 1988. Seuls les plus vieux s’en souviennent : Sire, donnez-moi 100 jours, disait Jean Luc Dehaene ! 100 jours, on en rit aujourd’hui. Elle aime les boucles d’oreilles, les brocantes et l’architecture à Bruxelles. Nageant ou naviguant, elle aime l’eau qui l’apaise. Et aussi, elle aime les gens, pas tous mais beaucoup.
le journal des avocats
Cher Cahier,
Bruxelles, le 17 juillet 2015
Je rejoins le Zodiaque de ce jour : Cancer. J’avais une poitrine jumelle, née sous le signe des Gémeaux. Elle Balance aujourd’hui à gauche, le sein droit est atteint.
Cher Cahier,
Bruxelles, le 14 août
Le temps superbe de cette semaine à Vittel m’a permis d’aborder les tests de mardi où je me suis promenée sur la route 131. Les couloirs d’hôpitaux sont sans doute appelés « routes » parce qu’ils permettent la circulation de véhicules à roues : lits, voiturettes, … le personnel ne se déplace pas encore à trottinette. Chance, Mon Cher Cahier, m’a dit le médecin, le cancer est limité au sein droit. C’aurait pu être en plus « le cancer du bras droit ». Quoiqu’ici aussi, on n’en meurt pas nécessairement mais il faut être courageux. T’ais-je dit que ce médecin est également un ami d’enfance retrouvé ? A ce titre, il me prodigue ses soins au tarif mutuel. Très embêtant, cela, parce que j’ai une assurance soins de santé, moi, qui aurait pris en charge ses compléments d’honoraires mais pas l’imagination, le temps et le prix qu’il me faudra consacrer au cadeau adéquat ! Chance encore, on peut risquer une mastectomie partielle. Le médecin prévoit trois à quatre mois de congé et me console par ces mots : Nul n’est indispensable, le bureau se débrouillera sans toi ! De quoi m’affoler complètement. Je sais bien que je ne suis pas indispensable mais je ne veux pas donner aux collègues le temps de s’en apercevoir …
GRU
Cher Cahier, Bruxelles, le 18 septembre J’entre en clinique il y a 10 jours pour un cancer du sein où la mastectomie est partielle. J’en sors avec un orgelet qui contagionne l’autre œil. On m’enlève les fils de l’aisselle et on trouve un furoncle sous le pansement. Le volume est resté le même, la nature est différente. Là-dessus, j’apprends que je dois repasser sur le billard parce qu’il y a trop de cellules cancéreuses dans les prélèvements … Joué et perdu. Mon Cher Cahier, je te parlerai parfois de « notre héroïne ». Tu sais, toi, qu’il s’agit de moi mais il me faut mettre de la distance par rapport à ce que je vis. Je crois que je ne m’en sortirai que par l’humour qui m’oblige à cette schizophrénie.
Cher Cahier,
Bruxelles, le 28 septembre
« Notre héroïne » regarde son corps se délabrer. Elle entre dans le cabinet médical. Sa poitrine à droite tient de la balle de pétanque, le médecin s’approche, une énorme seringue en main et il ponctionne. Elle apprend que la douleur et la longueur de la ponction dépendent de la masse du liquide extrait. Elle qui était pétée en chimie, repense au prix des cours particuliers pour la faire réussir, alors qu’il suffisait d’un bête cancer remboursé par la sécurité sociale pour tout comprendre ...…
Cher Cahier
Bruxelles, le 30 septembre
Je peux ici te parler au singulier puisqu’il s’agit de ce qui me fait vivre. Il s’agit de moi. J’ai participé aujourd’hui à une commission de concertation, juste pour emm… ceux qui veulent construire une méga-prison à Haren. Je ne suis pas d’accord. J’ai ensuite rendu visite à un tuberculeux de mes clients à la prison de St Gilles pour lui expliquer gentiment qu’on peut le libérer, lui et ses cadavres de bacilles (ils n’ont pas résisté au traitement carcéral) mais qu’il n’a pas intérêt à récidiver pendant les trois mois qui viennent parce que les collègues qui assument momentanément mon boulot sont noyés et que ça me gênerait de leur en mettre encore plus sur le dos. Il a promis et m’a embrassée sur le front en signe de respect.
Cher Cahier,
Bruxelles, le 2 octobre
Comme le cafard quand on l’écrase, le cancer a essaimé. Voilà quatre semaines que « notre héroïne » a quitté le bureau et elle se retrouve à la case-départ, un morceau de poitrine en moins juste de quoi sertir un pruneau grillé d’apéritif (Mon Cher Cahier, tu ne les verra plus pareils). « Notre héroïne » s’en va par petits morceaux : les amygdales d’abord, l’appendice ensuite et quelques doigts, enfin le sein ; j’en
le journal des avocats
passe, certaine toutefois que tous ces lambeaux ont été à la crémation. Aussi : pas d’incinération de ce qui subsistera … récupère plutôt … s’il en reste !
Cher Cahier,
Bruxelles, 5 octobre
Je dois être ré-opérée mercredi . C’est un jour de grève générale et j’entrerai en clinique la veille, mardi, pour éviter les piquets de grève qui me renverraient aux urgences. Cette scène, je la vois, Mon Cher Cahier : Bonjour, je viens pour un cancer ! Ah et c’est urgent ? Cela fait deux mois que je sais être atteinte. Dans ce cas, revenez dans 6 mois, quand le risque létal sera avéré …. C’est vrai quoi, « tant qu’il n’y pas danger de mort, il n’y a pas risque pour la vie » (réfléchis, Mon Cher Cahier, et mets 100 lignes sur le sujet, comme à l’école). La semaine prochaine, je suis à plat ….
Cher Cahier,
Bruxelles, 6 octobre
Je suis à la veille de cette opération que je redoute tellement. Le vin est tiré. Ce sera une horrible piquette mais il me fera peut-être centenaire s’il ne me tourne pas la tête (quant à la piquette qui fait des centenaires, vois plutôt J.Ferrat que « Jésus en croix » selon St Luc qui pourtant était médecin). Je sais vers quoi je vais puisque j’ai vu des corps amputés sur la table d’autopsie mais pas à cause de l’autopsie ; là, on les rend complets, un peu en désordre au niveau des viscères, mais complets. Je n’ai pas vraiment peur quoique Sartre écrive dans Le Sursis et il n’y a pas de meilleure citation en l’occurrence, que : « Tous les hommes ont peur. Tous (…) ça n’a rien à voir avec le courage ». J’ai juste envie d’être un enfant qu’on prend par la main pour l’emmener vers demain en lui disant : je suis là, tout ira bien. Et après ? Parce qu’avant le temps de la reconstruction, il y a celui de l’assainissement (vois les sols pollués). Comment aménager le chantier provisoire ? Je prépare ma valise et je songe à une broche, fleur ou couronne qui garnirait l’endroit du cher disparu. Un peu, mais en plus modeste, ce qui se fait sur les ruines ! Il est temps, Mon Cher Cahier, j’y vais.
Cher Cahier,
Bruxelles, 11 octobre
Mardi, « notre héroïne » était à l’admission. La dame dit : Oui, je connais votre nom. Et merde, tu comprendras que compte tenu de sa profession, « notre héroïne » qui remet sa seule vie entre les mains de la clinique, préférerait être une quidam inconnue … Le
GRU
lendemain, mercredi, c’est grève. Personne dans la salle d’attente du bloc opératoire. Pour elle seule un charmant anesthésiste et deux infirmières tout autant. Alors, « Comme dormait Jacob, comme dormait Judith, Booz (Mon Cher Cahier, c’est « notre héroïne »), les yeux fermés, a gît sous le scalpel (vois V.Hugo, La Légende des Siècles, et excuse du peu). Quelques heures plus tard, « notre héroïne » pense : « On est plus près du cœur quand la poitrine est plate » (c’est d’un nommé Bouilhet et je ne te dis pas le nom de l’Ode dont cette phrase est tirée). Curieusement, Mon Cher Cahier, on entre en clinique « pour » la santé, ce qui se traduit par des « anti » … antidouleur, antibiotique, antiinflammatoire. Jeudi, Yvette a empli la chambre. Il paraît que le magistrat idéal « est à l’écoute du justiciable » (tu auras lu, comme moi Forum, septembre 2015). Ainsi « notre héroïne » est-elle à l’écoute d’Yvette qui entreprend de la laver en lui vantant les mérites de la propreté dont, dans ces circonstances, on se fout comme de sa première chemise sale, en lui racontant le nettoyage de sa maison. Quand elle en arrive au raclage du barbecue, « notre héroïne » cède à la peur. Pour le mal, elle croira en crever plus tard dans la journée quand le drain se fichera dans ses chairs à vif : une douleur qui laisse sans souffle et fait sourdre les pleurs. Vendredi, on lui parlera de reconstruction, soit un implant, soit la peau du dos retournée (?), soit un prélèvement de la graisse du ventre. Là, cela devient intéressant, « notre héroïne » entrevoit de possibles donneurs. Et si, en écho à certaines croyances, son corps devenait le fruit des dons de onze mille puceaux … (sans comparaison, Mon Cher Cahier, tu référeras à G.Apollinaire). Je t’offre encore cette phrase d’une amie à l’esprit cartésien, Mon Cher Cahier : si par hasard, le tout n'avait pas de sens, alors, une partie en a encore moins ; et le tout, n'est pas la somme des parties ! Si tu entends quelqu’un chercher un sujet de TFE, je prends des royalties et je m’arrange avec l’amie. Certains ont bien des dents en or, pourquoi « notre héroïne » ne s’offrirait-elle pas des seins en or alors que les mecs n’hésitent pas à parler de se faire des c… en or.
Cher Cahier,
Bruxelles, 18 octobre
« Notre héroïne » n’est qu’à moitié vaillante. Sans doute, lorsqu’elle était enfant, le service scolaire de santé publique la qualifiait-il de : « robuste et de bonne constitution »… Les cons ! Cela veut juste dire qu’on n’est pas obligé de s’en occuper, une condamnation à la mort affective qui, à cet âge doit précisément passer par le soin apporté aux petits bobos. « Notre héroïne » a donc subi deux anesthésies générales en cinq semaines. Entre les deux, elle a vu mourir le sein dont elle devra se séparer. Après la deuxième opération, un moment où la souffrance la déchirait, elle a fait appel à l’infirmière de nuit pour un Dafalgan bien tassé … L’infirmière entre et jette le comprimé emballé sur la table. Elle demande de le mettre dans un verre d’eau.
le journal des avocats
L’infirmière avise un verre où reste un peu de liquide, ignorant que ce liquide était du champagne ; eh oui, Mon Cher Cahier, même dans les pires moments, surtout dans ceux-là, c’est ma boisson favorite. Et plouf, Dafalgan dans un fond de champagne sur quoi « notre héroïne » parvient à ajouter un peu d’eau. Tu sais comme moi que certaines « maisons » escroquaient le client en servant pour champagne un mélange vodka/tonic/coca ; bien glacé c’est assez réussi. Quant au mélange Dafalgan/ champagne/Perrier, c’est fou aussi … « Notre héroïne » tombe dans le sommeil : autant de pris sur l’éternité. Vendredi, le médecin vérifie la cicatrice et « notre héroïne » demande benoîtement si c’est propre et beau. En réponse : non c’est propre mais ce n’est pas beau. Merde alors, il n’a jamais fait un beau mandat d’arrêt bien propre celui-là, qui envoie croupir un quidam sur les paillasses de la taule pendant un temps incertain … C’est quand même une consolation, non ? Un beau mandat d’arrêt bien propre … « Notre héroïne » regarde. Vu de profil, le mamelon gauche est un comme un point sur la cicatrice droite, « un point rose sur l’i du verbe aimer » (de mon préféré E.Rostand, Cyrano de Bergerac).
Cher Cahier,
Bruxelles, 20 octobre
Rendez-vous chez le médecin pour s’entendre dire que des traitements invasifs complémentaires ne devraient pas être indispensables. Le cancer est donc derrière moi, sauf observation de l’état de santé général ! C’est un peu comme la fin du blocus et des examens. Pendant trois mois, j’ai vécu tendue vers ce but et quand il arrive, je reste là, vidée comme un bonnet de soutien … Quoi, je n’aurais pas eu le temps de créer un séisme que je serais guérie ? Et je reste plantée là à devoir me reconstruire. Mon Cher Cahier, dans trois semaines, je vais sous le soleil d’Agadir. Le médecin m’a dit : Grand air, calme, farniente, voilà mon ordonnance. Mange, dors, vis au maximum comme un légume.
Cher Cahier,
Agadir, 14 novembre
Le légume se déplace. De grand matin, je sors de l’hôtel pour une promenade sur la plage. Le gardien m’apostrophe : la catastrophe, hier soir à Paris et moi de comprendre qu’un match de football n’a pas été gagné par l’équipe favorite. Mon Cher Cahier,… Il m’a fallu un temps pour comprendre que certes, le stade de France était concerné mais pour un jeu sinistre où la mort fut le suprême abus, exhalant l’injustice. Ce carnage d’un moment qui annonce peut-être la douleur d’un siècle que je ne vivrai pas.
GRU
Cher Cahier,
Bruxelles, 3 décembre
J’ai la grippe. J’ai pris un rhume à Agadir. Maintenant, toute la machine est grippée. Heureusement qu’il n’a pas fait à Agadir la température extérieure de l’intérieur de moi aujourd’hui, j’aurais connu le désert et je suis allergique à l’air conditionné. Je suis au lit.
Cher Cahier
Bruxelles, 6 décembre
C’est la Saint Nicolas ! Pour certains, ce sont des sucres, pour moi, ce grand Saint a déposé des staphylocoques dans ma poitrine amputée, dorés quand même les staphylocoques, il ne m’a pas traitée en pauvresse.
Cher Cahier,
Bruxelles, 11 décembre
Deuxième visite post staphylocoxienne chez le médecin. Je ressemble toujours à une œuvre d’Andy Warhol où sur le poumon droit (gauche pour toi qui me fait face) il aurait jeté une de ses boîtes de soupe Campbell, l’ayant au préalable ouverte et faite bouillir. Le médecin semble pourtant soulagé. Il se dit moins inquiet que lors de son premier examen. Tu noteras, Mon Cher Cahier, qu’alors, j’ai entendu qu’il était « ennuyé par la situation » … Tout est donc bien une question de vocabulaire. Ennuyé dans le jargon médical signifie inquiet, un peu comme à l’Université, 8/20 ne signifie pas vraiment un échec.
Cher Cahier,
Bruxelles, 21 décembre
J’en suis à ma troisième boîte d’antibiotiques. Là, permets moi de te servir encore V.Hugo (Waterloo) : "Carnage affreux ! moment fatal ! Le staphylocoque Sent que la bataille entre ses griffes plie. Derrière le sillon creux, est massé l'antibiotique," Je commence à respirer. Il est temps donc d’entrer en convalescence et de t’adresser mes vœux de bonne santé, à toi, Mon Cher Cahier, qui a su accueillir ma thérapie littéraire :
le journal des avocats
Merci donc à toi pour tes précieuses attentions en 2015. Elles sont les gouttes dont je me suis abreuvée et je n’aurais pu les inventer. Si 2016 m’était conté, je le voudrais beau et aimant pour chacun, Fait de rires et de leurs éclats lancés au Ciel comme autant de diamants, Ils sont éternels.
Cher Cahier,
Bruxelles, 9 janvier
A l’avant-veille de la reprise, je reçois les copains ce soir. Je fais les achats nécessaires à les servir dignement. A la caisse, je rencontre une amie de ma sœur qui me dit en manière de confidences funèbres, qu’elle a appris pour moi … Tu auras observé que les gens parlent à voix basse des maladies dites graves, un peu comme s’ils craignaient de leur donner réalité. Mais enfin, si le cancer est une maladie dite grave, elle n’est pourtant pas dite honteuse. Ca a de la classe un cancer. Alors, lorsque l’amie me félicite pour ma bonne mine, j’articule que rien de tel qu’un petit cancer pour donner cette bonne mine ! Sa tête et celle de la caissière … Lundi donc, je reprendrai le chemin du Palais en me racontant, selon Bossuet, pour respecter ce que je viens de te dire : Il faut laisser le passé dans l’oubli et l’avenir à la Providence et selon Cocteau, parce que j’aime ça : j’existe, c’est un fait, je veux vivre parce c’est un art.
Anne
GRU
Les Très Riches Heures du duc de Berry est un livre d'heures commandé par le duc Jean Ier de Berry et actuellement conservé au musée Condé à Chantilly (France) sous la cote Ms. 65. Il est commandé par le duc de Berry aux frères Paul, Jean et Herman de Limbourg vers 1410-1411.Inachevé à la mort des trois peintres et de leur commanditaire en 1416, le manuscrit est probablement complété, dans certaines miniatures du calendrier, par un peintre anonyme dans les années 1440. Certains historiens de l'art y voient la main de Barthélemy d'Eyck. En 1485-1486, il est achevé dans son état actuel par le peintre Jean Colombe pour le compte du duc de Savoie. Acquis par le duc d'Aumale en 1856, il est toujours conservé dans son château de Chantilly, dont il ne peut sortir, en raison des conditions du legs du duc. Sur un total de 206 feuillets, le manuscrit contient 66 grandes miniatures et 65 petites. La conception du livre, longue et complexe, a fait l'objet de multiples modifications et revirements.
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tex of con Out
Histoire vécue
MON ADVERSAIRE N’A PAS CONCLU ! par Benoît STÉVART
Benoît Stévart est avocat depuis 1983 Juge-Suppléant au Tribunal de Commerce depuis 1994 Capitaine-Commandant de réserve Bâtonnier de Huy de 2010 à 2012 Depuis quelques mois, pêcheur d’un vilain crabe…
le journal des avocats
Modeste commercialiste, ma vie au barreau s’est écoulée, somme toute, sans histoire. Le métier nécessite un tel investissement en temps que, malheureusement, il n’y a plus beaucoup de place pour l’aventure. Pourtant, il n’en n’a pas toujours été ainsi. Ma jeunesse a été marquée par les compétitions de natation, les courses en montagne avec le club alpin belge. Mais aussi les voyages en Amazonie, aux Iles Galapagos, au Sahara à plusieurs reprises, que j’ai même traversé « en stop ». L’aventure, l’ouverture à d’autres horizons pour fuir la morosité ambiante, finalement, me manque. J’ignorais que question « aventure », j’allais être copieusement servi. Comme chaque année, à la Toussaint, nous prenons, mon épouse et moi, de courtes vacances de 3 à 4 jours. Nous choisissons de visiter une région ou une ville. En 2014, nous avons choisi l’Alsace. Visite de Strasbourg ; du Haut-Koenigsbourg, château médiéval restauré par Guillaume II où j’aperçois le prof. Coipel et son épouse. Je souris : « Tiens ils ont eu la même idée que nous. » Puis vient la visite des pittoresques villages aux maisons à colombages dans les vignes : Ribeauvillé, Riquewihr, Kaysersberg. Notre escapade se termine par Colmar. Nous arrivons vers 17h. L’hôtelier nous conseille de ranger la voiture dans une rue calme proche. Une pomme dans le panier me tente. Mais sa dégustation se passe mal, et m’amène à une impression d’étouffement ; de sorte que je suis amené à m’en séparer ! Le tout atterrit dans un arbuste public. Un peu gêné, je regarde dans la direction des immeubles si personne ne m’a vu. Puis, je me rassure en pensant que mon forfait est biodégradable. Et bien plus, je me prends à penser que cet écart est une aubaine pour les oiseaux locaux. Le soir, nous parcourons les rues de Colmar aux jolies maisons à colombages et nous dînons dans un sympathique restaurant. Le lendemain, visites de quelques monuments recommandés et notamment du remarquable retable d’Issenheim et du très intéressant musée Bartholdi, qui est situé dans la maison natale de l’auteur et sculpteur de la Statue de la Liberté à New York. Ensuite retour en Belgique. Peu avant la fin de l’année, un nouvel incident intervient cette fois à mon bureau. J’ai pour habitude de manger
un fruit aux environs de 10h00 du matin lors d’une pause. Les poires Durondeau sont particulièrement savoureuses en cet automne 2014. J’avais bien remarqué qu’elles avaient du mal « à passer » malgré leur fonte en bouche. Je suis sensible à l’une ou l’autre allergie, et une gorgée d’eau permet d’aider le passage aisément. Mais ce jour-là, les choses se compliquent, car l’apport d’eau, au lieu de faciliter le transit de la poire, a au contraire pour effet de boucher complètement le passage dans l’œsophage avec poussée sur la trachée artère, ce qui entraine un désagréable effet d’étouffement. Ne sachant comment me sortir de cette situation d’apnée quasi-totale, je me suis précipité dans le bureau de ma collaboratrice en réunion avec un client. Embarras, appel téléphonique à un médecin. Quand à l’instant, entra dans le secrétariat, un jeune facteur que je n’avais jamais vu. Me voyant, il conseilla immédiatement : « Monsieur, Monsieur, levez les bras en l’air ! » Par instinct de survie, sans essayer de comprendre, je m’exécutai immédiatement. Ce fut salutaire, car je me mis à rejeter et la poire et l’eau, et je pus enfin respirer. Entretemps, le médecin appelé arriva. Il pensa, tout d’abord, qu’il s’agissait d’un incident cardiaque. Je lui dis que je penchais plutôt pour des problèmes allergiques. Il me confirma qu’il ne s’agissait pas d’un incident cardiaque et me conseilla de prendre au plus tôt contact avec mon médecin-traitant pour des examens complémentaires.
STE
Une fibroscopie, consistant à introduire une petite caméra dans l’arrière-bouche et au début de l’œsophage fut pratiquée chez un ORL ne révélant rien d’anormal. Faute de temps, et pensant que les choses se résoudraient d’elles-mêmes, on passa à autre chose. Au mois de mars 2015, une nouvelle alerte sérieuse se révéla dans un restaurant où mon bureau avait eu l’agréable surprise de fêter mon anniversaire. Etouffements, et sortie précipitée sur le parking. Cette fois, c’était décidé. Il fallait aller au fond des choses. Une radiographie de l’œsophage fut pratiquée à Saint-Luc à Woluwé. Rien d’alarmant n’apparaît si ce n’est des zones de couleurs différentes (peut-être un corps étranger ?). Le 19 mai 2015, une gastroscopie fut décidée consistant à descendre une caméra par la bouche jusqu’à l’estomac. Au réveil, je fais la connaissance du Dr Horsmans (fils du prof. Guy Horsmans, sympathique contributeur dans d’autres numéros (3-4) de la présente revue), chargé de faire le point de la situation. La nouvelle n’est toutefois pas réjouissante puisqu’il m’apprend que je suis affecté d’un cancer du basœsophage du type adénocarcinome à la jonction œsophage-estomac. Ne pensez pas qu’apprendre une telle nouvelle vous pousse à émettre un cri d’horreur, ou autre manifestation excessive, et même à pleurer. En fait, on reste étrangement calme. On souhaite seulement en savoir plus : obtenir des précisions. Mais le médecin nous explique, à juste titre, qu’à ce stade, personne n’est en mesure de donner plus de précisions. De nombreux examens doivent être menés. Un scanner est aussitôt programmé pour le vendredi 22 mai 2015, et une réunion avec l’oncologue, le Dr Marc Van Den Eynde, le mardi 26 mai. Au cours de cette réunion, nous apprenons que le cancer est très important dans la région du bas œsophage et de l’entrée de l’estomac ; et que plus inquiétant, le scanner fait apparaître deux taches suspectes au foie. Il nous est expliqué que ces taches sont
probablement des métastases. Mais aucune conclusion définitive n’est tirée. La situation va être clarifiée par un I.R.M. et un Pet-Scan. Le Dr Van Den Eynde, très humain, mais souhaitant expliquer les choses comme elles sont, indique que s’il se confirme qu’il s’agit de métastases, la situation sera très délicate, et il faudra vérifier si un traitement curatif est possible. A défaut, des chimiothérapies de confort seront administrées. Je demande dans cette hypothèse après combien de temps peut survenir le décès. Il nous dit qu’il n’est pas en mesure de répondre. Cela dépend de beaucoup de choses. Quelques semaines ou parfois quelques années. L’I.R.M. est pratiqué le lundi 1er juin et le PetScan, faute de place rapide à Saint Luc, à Cavell le mercredi 3 juin. Naturellement, nous ne nous faisons aucune illusion. Les taches suspectes sur le foie sont certainement des métastases, d’autant qu’il est clair que je suis affecté depuis de très nombreux mois. Le problème de ce cancer est qu’il est indétectable aux analyses habituelles sur prises de sang. Son origine résulte d’un problème de reflux gastroœsophagien sans symptôme ou douleur. Mes jours de vie sont donc comptés. Question aventure, je suis servi : on sait comment commence l’histoire et pas comment elle va se terminer. Nous revoyons le Dr Van Den Eynde le jeudi 4 juin au lendemain du Pet-Scan à Cavell. Il nous rassure immédiatement en nous annonçant que les deux taches aperçues sur le foie sont bénignes et ne sont donc pas des métastases. Nous nous regardons avec mon épouse, et tout d’un coup nous nous rendons compte que notre histoire ne s’arrêtera pas avec ce cancer. Le Dr Van Den Eynde indique tout de suite que je suis opérable. C’est tout léger que nous quittons le service. Plusieurs examens sont programmés pour affiner la situation. Une première opération est prévue le jeudi
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25 juin : une laparoscopie consistant à pratiquer de petites ouvertures dans le ventre et y injecter de l’air, pour vérifier si, au niveau du péritoine, il n’y a pas de métastases. Le chirurgien en profite pour placer un Port-à-Cath, qui est un boitier (de la taille d’une pièce d’un euro) sous la peau en contact par un tuyau souple avec une grosse veine.
Mon hospitalisation dure 4 jours et demi. Tout se déroule sans surprise. Au mois de juillet, débutent les campagnes de chimiothérapie tous les lundis ; et de radiothérapie, tous les jours de la semaine, pour se terminer le vendredi 14 août. Ces traitements se déroulent beaucoup mieux que prévu. Le déplacement journalier à Bruxelles a relativement peu pesé. De la fatigue, certes, mais assez peu de nausée, et même pas de perte de cheveux. Le but de ces traitements n’est pas de supprimer le cancer, mais de le circonscrire avant d’affronter une lourde opération qui consiste à enlever les zones atteintes. Le Pet-Scan du lundi 14 septembre démontre que le cancer a été réduit de 55%. Tout est favorable pour mener l’opération chirurgicale, prévue le lundi 5 octobre 2015. Arrivée à Saint-Luc le samedi 3 octobre par une journée ensoleillée. En effet, avant l’opération, l’intestin grêle doit être vidé et nettoyé, car une partie pourrait être prélevée pour assurer la transition entre l’estomac et l’œsophage resté en place, s’il n’est pas possible d’étirer suffisamment l’estomac.
Le Chat de Geluck : « La table d’opération » Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur
Ce boitier permettra d’administrer les produits de chimiothérapie en évitant de piquer à chaque fois dans les bras, ce qui pourrait entrainer à la longue de fortes douleurs ou complications. L’opération permet également de mettre en place une jéjunostomie c’est-à-dire une sonde placée directement dans l’intestin grêle permettant une alimentation entérale. Le jour de cette première opération, je rencontre avec plaisir le Bâtonnier Eugène-Charles Dijon à 7 heures du matin dans le hall de Saint-Luc, même si l’endroit est inattendu et l’heure matinale.
Il est prévu d’être réveillé le lundi 5 octobre par une infirmière à 6h du matin pour me permettre de prendre la douche de désinfection à l’isobétadine et enfiler la chemise d’opéré pendant que les draps du lit sont changés. J’étais réveillé à 6h au passage de l’infirmière qui m’informe que l’opération n’aura pas lieu à 7h-7h15 mais à 10h, à cause d’un changement d’assistant. Elle s’excuse de ne pas m’avoir averti plus tôt n’ayant pas vu le message. Je suis tout d’un coup contrarié et inquiet. Je sais que l’opération sera lourde et difficile. En effet, la région du bas-œsophage et de l’estomac se trouve derrière la colonne vertébrale. Impossible d’accéder par là. Et devant, se trouve le système
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respiratoire. Deux chirurgiens sont prévus, que j’ai rencontrés. Tout d’abord le Dr M. Thoma, de l’UCL St Luc, et le prof. El Nakadi, de Bordet / Erasme, tous deux spécialistes en chirurgie digestive. Une ouverture doit être pratiquée sur le côté droit permettant, après avoir écarté les côtes jusqu’au point de rupture, et avoir dégonflé le poumon droit, d’accéder à la zone à opérer.
Pour poser cette péridurale lombaire, le patient ne doit pas être endormi et doit arquer son dos pour permettre la pénétration de l’aiguille qui injectera le produit antidouleur durant l’opération et dans les jours qui suivent. Cette intervention étant effectuée, il est demandé de m’allonger sur la table d’opération. Un masque est placé sur mon visage, et l’endormissement est instantané.
Ne me cache-t-on pas qu’en fait un des deux chirurgiens prévus ne sera pas présent ?
J’apprends plus tard que l’opération a duré 10 heures.
Ne tenant plus, je bondis hors du lit, pour obtenir des précisions auprès de l’infirmière : « Rassurezvous, Monsieur, c’est un changement d’assistant ; mais les deux « professeurs » seront bien là. »
La partie de l’œsophage affectée et retirée est envoyée au laboratoire. Le bout tant de l’œsophage que celui côté entrée de l’estomac doivent être sains de toute trace de cancer, puisque le but de l’opération est d’enlever toute la tumeur. Tant que les deux bouts ne sont pas parfaitement sains, on coupe, et on présente le morceau au laboratoire pour analyse.
Pour l’anecdote, j’apprends plus tard que la presse a annoncé que le Roi Albert II a subi une intervention chirurgicale à Saint-Luc ce même lundi 5 octobre 2015. Le brancardier arrive vers 10h. Je suis descendu sur mon lit au -1, l’étage où se trouve le bloc opératoire. Je reconnais les lieux que j’avais parcourus au mois de juin lors de la première intervention. Cette fois, il n’y a pas d’attente dans différents sas. Je suis amené directement dans la salle d’opération qui m’est destinée. Salle toute neuve, matériel flambant neuf. Je suis immédiatement pris en mains par l’équipe des anesthésistes uniquement des femmes et particulièrement jeunes. Très souriantes et douces, mais au ton ferme toutefois qui traduit une haute compétence : pas de place à l’hésitation. Une des médecins anesthésistes, jolie et qui ne semble pas avoir 30 ans, me demande si je suis d’accord pour la pose d’une péridurale. Cette question m’avait déjà été posée et j’avais répondu par l’affirmative, ce que je fais à nouveau. J’ajoutai, sur le ton de la plaisanterie : « J’espère que je ne serai pas paralysé ». Elle me répondit : « N’ayez aucune inquiétude Monsieur. » Le souvenir d’une amie médecin, excellente joueuse de tennis, me revient. A la naissance de son premier enfant, la péridurale administrée a mal tourné, entrainant une lourde paralysie, les déplacements devant être assurés dorénavant en fauteuil roulant.
Tout cela prend du temps, ce qui explique la longueur de l’opération. En outre, les chirurgiens ont enlevé 22 ganglions suspects de la zone de l’estomac. Au réveil, je m’aperçois que partout dans la pièce, je suis entouré d’appareillages, me disant avec une certaine angoisse « Quoi, l’opération n’est pas encore terminée. Il a dû y avoir des complications. » On me rassure. Je suis aux soins intensifs. J’y resterai deux jours. Mon attention est attirée par une horloge ronde. Il est 9 h 30. Je pense tout de suite qu’on est le soir du lundi 5 octobre à 21 h 30. En réalité, nous sommes déjà le mardi 6 octobre à 9 h 30 du matin. J’ai été endormi pendant 23 heures ! Ne croyez pas que c’est l’endroit où vous pouvez vous reposer, car il y a du bruit et des mouvements nuit et jour. Des appareils surveillent en permanence votre état. Le mercredi 7 octobre, dans le courant de l’aprèsmidi, je regagne ma chambre à l’étage. Le spectacle que je dois offrir aux visiteurs dans les couloirs où je déambule avec mon énergique brancardier est particulier puisque sortent de mon corps pas moins de 9 tuyaux dont l’oxygène, la voie centrale fixée dans une grosse veine du cou pour administrer
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les médicaments, une sonde gastrique, pour vider systématiquement l’estomac de tout liquide, l’épidurale, et les sondes et drains. Mes pyjamas étant usés jusqu’à la corde, nous avions acheté deux pyjamas élégants avant d’entrer à la clinique pour faire bonne figure. Toutefois suite à la présence de ces multiples tuyaux, la chemise de nuit d’opéré continua à s’imposer, même pendant mes déambulations dans les couloirs avec mon kiné pour les exercices. Equipé en outre d’un grand « pampers », je devais certainement avoir l’air parfaitement ridicule ; mais je vous avoue qu’à l’instant, ce fut le dernier de mes soucis. Un des chirurgiens m’avait expliqué que cette opération délicate peut amener plus fréquemment deux risques : tout d’abord un risque d’infection. Ce risque heureusement ne s’est pas produit. Un autre risque peut survenir : une fuite au point de suture entre l’estomac et l’œsophage. C’est 10 jours après l’opération que je suis descendu à la radiographie pour vérifier s’il y a des fuites ou non, après avoir absorbé un liquide de contraste. Et heureusement, aucun problème n’est à signaler ! Ce constat rassurant amène le chirurgien à enlever la sonde gastrique qui entre par le nez, et qui est assez inconfortable. Par ailleurs, cette bonne nouvelle permet de recommencer à manger petit à petit de manière naturelle, la sonde entérale assurant de toute façon l’apport alimentaire complémentaire nécessaire. Il faut noter que l’alimentation naturelle est partielle pendant un long délai, puisque deux mois et demi après l’opération, je suis encore nourri la nuit au moyen de poches alimentaires. Passionné de lecture, j’étais venu à la clinique avec plusieurs livres, mais aucun ne fut ouvert, vu sans doute une certaine fatigue. Par contre, je n’ai jamais consacré autant de temps à la télévision. J’ai même découvert que pendant la journée, d’excellents programmes sont diffusés notamment sur ARTE et France 5. Ma sortie de clinique est prévue le mardi 20 octobre. Ce matin-là est enlevée la voie centrale.
Dorénavant, les médicaments sont administrés par voie buccale. Ne croyez pas que je sois, au moment du départ, soit quinze jours après l’opération, tout d’un coup tout fringant. En vérité, je tiens à peine sur les jambes ! Le système veut que dès que le patient n’a plus besoin d’une assistance indispensable de la clinique, il est renvoyé chez lui. Le milieu hospitalier connaît également le système de l’enveloppe fermée. Pour tel type d’intervention, la clinique reçoit forfaitairement telle ou telle somme ; peu importe que le patient reste 15 jours ou 3 semaines ! La péridurale a été enlevée huit jours après l’opération. D’un coup, vous passez d’un système où l’antidouleur est administré de manière continue avec faculté d’intensification individuelle au moyen d’une petite « pompe à morphine », à un système « à la demande », beaucoup moins confortable, car quand vous demandez un nouveau médicament parce que vous avez mal, il faut encore attendre une demi-heure pour que le produit agisse. Au retour à la maison, je décide vite de me passer des antidouleurs qui ont des effets irréguliers. J’ai découvert qu’en m’allongeant dans un fauteuil électrique qu’un cousin nous a apporté, et en ne bougeant pas, la douleur disparaît assez vite. La sensation la plus curieuse une fois que vous recommencez à manger, après une telle opération, est l’absence totale d’appétit. Vous mangez ce qu’on vous présente mais on se passerait de manger sans aucune difficulté. Par ailleurs, vous perdez également le goût. Vous devinez les aliments par leur couleur. Dès lors vous vous demandez devant un potage de couleur verte s’il s’agit de persil, de cresson ou autre chose. Médicalement, je dois me promener. Cela m’arrange, car j’adore cela. Je fais deux promenades par jour d’au moins une demi-heure chacune. La saison d’automne est magnifique. Je retrouve les érables américains et asiatiques dont certains étaient déjà tellement beaux à mon départ pour la clinique. Jusqu’à la fin du mois de novembre, j’assiste à
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un véritable festival de couleurs qui se modifient chaque jour. Outre les érables, cet exceptionnel été indien de l’automne 2015 nous donne des feuilles magnifiques couvrant les chênes américains, les nyssas, les hêtres et beaucoup d’autres plantes. C’est la première fois depuis mon enfance que j’ai l’occasion de profiter de la nature jour après jour. La convalescence est beaucoup plus lente qu’espéré. Je retourne au bureau deux fois par semaine aux environs du mois de décembre. Mais après deux heures de présence, la fatigue m’envahit vite. J’ai la chance d’avoir sur place une petite équipe qui fait un travail remarquable, me permettant de consacrer le temps nécessaire à l’amélioration de ma santé. J’espère au plus vite laisser de côté ma modeste personne pour consacrer le maximum de mon temps aux autres. Les douleurs toujours présentes sont expliquées par des frottements de la plèvre (la membrane qui entoure le poumon) contre la cage thoracique. Les semaines passent et la situation va s’améliorer. Mon adversaire, le cancer, n’a pas conclu. Mais l’appel est toujours possible… et la décision définitive n’a pas été rendue. Des scanners de contrôle sont prévus tous les trois mois, puis plus espacés les années suivantes. Après cinq ans, si plus aucune tumeur n’est signalée, on est considéré comme guéri. Je suis résolument confiant et optimiste soutenu par mon adorable épouse, mes attentionnés enfants et proches. Abonné de longue date à l’hebdomadaire économique Trends Tendances, je reçois avec surprise le numéro du 10 décembre 2015 où je lis en couverture « Avocats, une espèce menacée ». Voilà un nouvel adversaire qui se profile et qui nous concernerait tous ! L’« ubérisation » de la profession d’avocat ! Mais cela est une autre histoire …
Benoît Stévart Décembre 2015.
Offert par le journal des avocats
Les Cliniques universitaires Saint-Luc figurent parmi les acteurs clés de la lutte contre le cancer en Belgique. Aux Cliniques Saint-Luc, les activités en cancérologie et en hématologie sont regroupées au sein de l’Institut Roi Albert II. Ce centre d’excellence réunit d’éminents spécialistes et des chercheurs mondialement reconnus. L’Institut Roi Albert II est le seul centre en Belgique à traiter tous les types de cancer de l’adulte et de l’enfant, il est également reconnu comme centre de référence en Europe. Les équipes de l’Institut Roi Albert II des Cliniques universitaires Saint-Luc diagnostiquent et traitent près de 4.500 patients chaque année. Sa particularité : être le seul dans notre pays à traiter tous les types de cancer de l’adulte et de l’enfant, tout en étant un centre de référence pour les pathologies tumorales rares. Sur le plan de la recherche, l’Institut Roi Albert II est un acteur important, tant en Belgique qu’à l’international.
Chiffres clés L’activité cancérologique représente 25% de l’activité des Cliniques universitaires Saint-Luc. ------------- Près de 4.500 patients par an, dont 3.000 nouveaux -- 16 groupes multidisciplinaires, chacun étant spécialisé dans un type de cancer en particulier -- 140 médecins issus de 22 Services médicaux différents -- 20 coordinateurs de soins en oncologie -- 4 esthéticiennes et massothérapeutes -- 10 psycho-oncologues -- 6 diététiciennes -- 25 coordinateurs de recherche clinique médicale
Vous souhaitez soutenir la lutte contre le cancer ? Faites un don sur le compte bancaire de la Fondation Saint-Luc et offrez aux malades du cancer les meilleures chances de guérison ! IBAN : BE41 1910 3677 7110 / BIC : CREGBEBB / Communication : cancer-avocats Les dons de 40 euros et plus sont déductibles fiscalement. En tant que fondation d’utilité publique, la Fondation Saint-Luc est habilitée à recevoir des donations, legs et assurances-vie (à taux réduits). La Fondation Saint-Luc est la référence du mécénat aux Cliniques universitaires Saint-Luc Depuis 1986, la Fondation Saint-Luc finance l’excellence et l’humanisme aux Cliniques universitaires Saint-Luc. Elle récolte des fonds au profit de la recherche de très haut niveau, de l’acquisition d’équipements et de technologies de pointe, ainsi que pour la formation des médecins spécialistes et des professionnels de la santé des Cliniques Saint-Luc. www.fondationsaintluc.be
Votre soutien est précieux, du fond du cœur, MERCI !
Tous en récré… Prière "Habile à préparer d’ardentes victuailles, Des vivres savoureux et d’exquises douceurs, A décorer d’œillets des saumons et des cailles, Comme à rousseurs ;
teindre
un
coulis
d’alléchantes
D’oiseaux ayant parlé j’ai cuisiné les langues Pour des Apicius et des Trimalcions ; J’ai fait faire un sorbet et confire des mangues Et dans l’eau de la mer bouilli des alcyons. Pour ce savoir profond, aride et délectable Qui décuple et varie à l’infini la faim, Vous dédaignerez, Seigneur, m’admettre à votre table Où ma science aspire à rompre un peu de pain !" Robert de Montesquiou, Prière du cuisinier, 1902.
"Le Glouton" (1804) - "Der Völler"
Le lien entre obésité et santé est évoqué par ce tableau de l’aquarelliste Georg Emanuel Opiz (ou Opitz, Prague 1775- Leipzig 1841, peintre et graveur emblématique du Paris tumultueux des années 1813 et 1814. En tant que romancier, il a publié sous le pseudonyme de "Bohemus".
Gourmandise "Parbleu ! Il n'y a que les imbéciles qui ne soient pas gourmands. On est gourmand conme on est artiste, comme on est instruit, comme on est poète. Le goût, mon cher, c'est un organe délicat, perfectible et respectable comme l'œil et l'oreille. Manquer de goût, c'est être privé d'une faculté exquise, de la faculté de discerner la qualité des aliments, comme on peut être privé de celle de discerner les qualités d'un livre ou d'une œuvre d'art; c'est être privé d'un sens essentiel, d'une partie de la supériorité humaine; c'est appartenir à une des innombrables classes d'infirmes, de disgraciés et de sots dont se compose notre race; c'est avoir la bouche bête, en un mot, comme on a l'esprit bête. Un homme qui ne distingue pas une langouste d'un homard, d’un hareng, cet admirable poisson qui porte en lui toutes les saveurs, tous les aromes de la mer, d'un maquereau ou d'un merlan, et une poire crassane d'une duchesse, est comparable à celui qui confondrait Balzac avec Eugène Sue, une symphonie de Beethoven avec une marche militaire d'un chef de musique de régiment, et l'Apollon du Belvédère avec la statue du général de Blanmont!" Guy de Maupassant, Le Rosier de madame Husson, 1888.
Tous en récré...
Cuisine "La réthorique correspond pour l'âme à ce qu'est la cuisine pour le corps" Platon, Gorgias. "C'est une mélodie que l'on déguste par la bouche" G.Rossini (1792-1868). "La bonne cuisine, c'est le souvenir" Georges Simenon (1966), 1903-1989. "C'est l'art de transformer instantanément en joie des produits chargés d'histoire" Guy Savoy, Savourer la vie, Flammarion, 2015.
Le gourmand "On naît gourmand. Le vrai gourmet est celui qui se délecte d'une tartine de beurre comme d'un homard grillé, si le beurre est fin et le pain bien pétri" Colette, Marie-Claire, 1939. "De toutes les passions, la seule vraiment respectable me paraît être la gourmandise" Guy de Maupassant, Amoureux et primeurs, 1881.
Cuisine et sorcellerie. Pensée magique. "Si vous n'êtes pas capable d'un peu de sorcellerie, ce n'est pas la peine de vous mêler de cuisine". Sidonie Gabrielle Colette (1873-1954). "L'alimentation constitue une voie royale pour accéder aux manifestations de la pensée magique". Claude Fischler, 1994. "Dieu a fait l'aliment ; le diable l'assaisonnement", James Joyce, Ulysse, 1922.
Manger "Les animaux se repaissent, l'homme mange, l'homme d'esprit seul sait manger" Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826). "Pour un homme bien né, manger mal et boire mauvais est une humiliation comparable à un duel perdu" Raymond Dumay, Le guide du vin, 1967. "Si j'avais un fils à marier, je lui dirais : Méfie-toi de la jeune fille qui n'aime ni le vin, ni la truffe, ni le fromage, ni la musique" Colette, Paysages et portraits, 1958. Art et Créativité "La découverte d'un mets nouveau fait plus pour le genre humain que la découverte d'une étoile" Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826). "De tous les arts, l'art culinaire est celui qui nourrit le mieux son homme" Pierre Dac. "Un poète et un cuisinier se ressemblent bien : c'est le génie qui fait l'âme de leur art particulier..." Athénée de Naucratis, Le banquet des sophistes, T1, chap 7. Vers 228.
Accrochez-vous !... Tombée de la toile - La lettre de Christophe Labarde à Monsieur Jean-Yves Le Drian, Ministre français de la Défense. Cette lettre a été réellement envoyée à son destinataire. Le parcours de Christophe Labarde, journaliste, réalisateur et consultant, diplômé d’HEC, l’amène avec passion dans un tour du monde « multimédia » qui l’a conduit à visiter plus de 50 pays à ce jour. www.bvoltaire.fr/auteur/christophelabarde
du cahier de l'éditeur
Monsieur le Ministre, En ces temps troublés de guerre sur le front extérieur (contre le djihad au Mali) mais aussi sur le front intérieur (contre le mariage en France), alors que notre pays se prépare, d’un côté, à former une armée malienne forcément exemplaire et, de l’autre, à renoncer aux concepts de « père » et de « mère » forcément rétrogrades, je me permets d’attirer votre attention sur un carambolage imprévu entre ces deux événements et sur ses conséquences potentielles. Bien avant qu’il ne circule largement sur internet, figurez-vous que je tiens le texte suivant d’un jeune… Malien ! Ce jeune garçon, rencontré au début des années 90 à l’occasion d’un reportage dans la brousse sénégalaise sur les à-côtés peu glorieux du Paris-Dakar, était venu un matin frapper à ma tente (si j’ose dire…) pour me demander conseil. Il voulait échapper à l‘armée de son pays et avait donc recopié une lettre à l’attention de votre homologue malien. Ce texte savoureux était visiblement déjà connu en Afrique et ce jeune illettré, un peu timide, un peu perdu, en possédait une mauvaise photocopie ! Je me souviens de l’avoir recopié à mon tour et de l’avoir conservé précieusement dans mes archives personnelles, loin de me douter, à l’époque, que la situation de mon propre pays ajouterait un jour, au comique de ces lignes, non seulement un peu d’actualité mais aussi beaucoup de pertinence. C’est donc bien volontiers que je le livre aujourd’hui à votre réflexion, ne doutant pas qu’il alimentera de nombreux débats d’experts au sein de vos services, juridiques notamment, sur le thème : « Des conséquences imprévues de la recomposition (ou de la décomposition, c’est comme on voudra…) des familles modernes sur la prospective militaire ». La notion de filiation, au cœur des polémiques actuelles, y est en effet largement développée, y compris sous ses angles les plus inattendus. Voici ce fameux texte :
« Monsieur le ministre de la Défense nationale, permettez-moi de prendre la respectueuse liberté de vous exposer ce qui suit, et de solliciter de votre bienveillance l’appui nécessaire pour obtenir une démobilisation rapide. Je suis sursitaire, âgé de 24 ans, et je suis marié à une veuve de 44 ans, laquelle a une fille qui en a 25. Mon père a épousé cette fille. À cette heure, mon père est donc devenu mon gendre, puisqu’il a épousé ma belle-fille. De ce fait, ma belle-fille est devenue ma belle-mère, puisqu’elle est la femme de mon père. Ma femme et moi avons eu la joie de donner naissance à un fils en janvier dernier. Cet enfant est donc devenu le frère de la femme de mon père, donc le beaufrère de mon père et, en conséquence, mon oncle, puisqu’il est le frère de ma belle-mère. Mon fils est donc mon oncle. Autre bonne nouvelle : la femme de mon père a eu, à Noël dernier, un garçon qui est donc à la fois mon frère (puisqu’il est le fils de mon père) et mon petit-fils (puisqu’il est le fils de la fille de ma femme). Je suis ainsi le frère de mon petit-fils. Et comme le mari de la mère d’une personne est le père de celle-ci, il s’avère que je suis à la fois le père de ma femme, et le frère de mon fils. Je suis donc mon propre grand-père. De ce fait, Monsieur le Ministre, ayez l’obligeance de bien vouloir me renvoyer dans mes foyers : la loi interdit interdit en effet que le père, le fils et le petitfils soient mobilisés en même temps. » À la lumière de l’actualité récente, je reste pour ma part curieux des commentaires que vous inspirera ce texte formidable recopié en plein désert, dans un campement de fortune, un beau jour de 1992… Dans la tente (!), je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’expression de mes meilleurs sentiments.
Georg Flegel est un peintre allemand, né en 1566 à Olmütz et mort le 23 mars 1638 à Francfort-sur-le-Main. Il est le premier peintre allemand réaliste et l'un des plus grands peintres du XVIIe siècle. Il travaille dans l'atelier du peintre flamand Lucas van Valckenborch, à sa mort en 1597, il acquiert le titre de citoyen de Francfort. Flegel se spécialise alors dans des peintures d'intérieurs – avec des repas et des bouquets de fleurs – et continua à collaborer avec des peintres pour l'exécution des personnages. Autoportrait
Première page
Ils ont prêté leur plume et leurs images…
Philippe BALLEUX
Olivier BONFOND
Jean-Pierre BUYLE
Maxime FABRY
Olivier COLLON
Martine DELIERNEUX
François DESSY
Michel FORGES
Patrick GEELHAND DE MERXEM
Anne GRUWEZ
Delphine HERITIER
le journal des avocats
Le temps est compté, cependant il faut tout faire, bien le faire et... laisser lire ! N’est-il pas vrai ? Pour réaliser ces ensembles de lectures, chaque trimestre nos auteurs, Présidents, Bâtonniers, Vice-Bâtonniers, Avocats ou Etudiants nous offrent leur temps précieux. Nos plus chaleureux remerciements vont donc à tous pour leur toujours sympathique et talentueuse collaboration, passée, présente et future.
Guido IMFELD
Christian JASSOGNE
Gérard LEROY
Jehanne SOSSON
Myriam RÉMION
Benoit STÉVART
Cavit YURT
Onur YURT
OÙ RETROUVER TOUS NOS AUTEURS Dans vos numéros 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 du -journal des avocats- vous retrouverez, classés par ordre alphabétique, les avocats, auteurs et artistes suivants :
A
Michel Amas Roman Aydogdu
15 4 - 18
B
Jean-Pierre Babut du Marès Philippe Balleux Jochen Bauerreis (DE) Robrecht Bauwens Alain Berenboom Marina Blitz Julie Bockourt Pierre Bogaerts Olivier Bonfond Thierry Bontinck Stéphane Boonen Jacques Borlée (Coach) Xavier Born Pierre Bouchat (expert) Martine Bourmanne Jean-Pierre Bours Jean-Paul Brilmacker Christine Brüls Jean-Pierre Buyle
1 - 12 9 - 16 - 17 - 20 14 11 - 17 12 6 15
Sylvie Callewaert François Canonica Sandrine Carneroli Jean-Marc Carnicé Benoît Cerexhe Roger Chaidron Françoise Chauvaux Thérèse Chotteaux (sculptrice) Michel Claise Jérôme Cochart Daniela Coco Philippe Coenraets Marteen Colette (OVB) François Collon Olivier Collon Jean-Philippe Cordier Sébastien Courtoy Guillaume Croissant
10 15 4 15 11 8 - 11 - 12 - 18 - 19 4 11 9 13 8 - 9 - 10 3 - 19 4 7 1 - 20 17 15 9
C
D
19
4 - 8 - 12 - 20 16 6 11 8 11
19
12 - 15 - 17 7 10 1-2-3-4-5-6 7 - 11 - 14 - 16 - 20
E
Georges-Albert Dal Marc Dal Christian Dalne Jérôme Dayez Bruno Dayez Robert De Baerdemaecker Jérôme de Brouwer Stefaan De Clerck Jean de Codt Herman De Croo Jean-Pierre De Cuyper Jacques De Dobbeleer Vincent Defraiteur Isabelle De Jaegere Caroline Delaude (FR) Romain Delcoigne Caroline Delesie (FR) Stéphane de Lobkowicz Anna Dejonckheere Martine Delierneux Francis Delpérée Willy Demeyer Nicole Deprez Guy De Reytere Yves Derwahl Charline Desmecht François Dessy Xavier Dewaide Patrick Dewael Bernard Dewit Marie-Fraçoise Dubuffet Roland Dumas (Fr) Aimery de Schoutheete Denis Dobelstein Caroline Dubois Axel Dumont Marie Dupont Véronique Drehsen
3 1 7 1 1-2-9 4 - 19 4 12 18 12 - 17 12 4 1-3 17 14 11 11 14 8 6 - 20 2 7 12 4 2 - 5 - 19 10 5 - 6 - 7 - 9 - 12 - 14 15 - 16 - 17 - 20 11 11 15 6 11 4 2 4 3 7 1 - 2 - 10
Isabelle Ekierman Elie Elkaim (CH) Marie-Céline Elleboudt Vincent Engel (écrivain) Alexis Ewbank
4 14 8 11 18
le journal des avocats
K
F
Marine Fabbricotti Maxime Fabry Julien Feltz Christiane Féral-Schuhl Benoît Feron Jérôme Flahaut Nathalie Fonsny Roland Forestini Michel Forges
10 13 - 20 13 9 2 - 11 13 18 5 - 19 15 - 20
Patrick Geelhand de Merxem François Glansdorff Didier Goeminne Jean-Marc Gollier Michel Graindorge Vincent Grévy Simon Gronowsky Anne Gruwez Emmanuel Gueulette
18 - 19 - 20 4 11 - 18 1-2-5 16 11 2
Andrea Haas Olivier Hamal Bernard Hanotiau Paul Hautecler (architecte) Klaus Heinemann Marie-Paule Helpens Patrick Henry Delphine Heritier Guy Horsmans Jean-Damien Huberty
16 11 9 11 12 5 - 18 5 - 12
I
Guido Imfeld
20
J
Valentin Jadot Alain Jacobs-von Arnauld Christian Jassogne Ingrid Jodocy Dominique Jossart
9 4 - 9 - 12 - 18
G
H
L
20
2
20
3-4 3
20
8 4
M
Axel Kittel Charles Kaisin Michel Kaiser Charles Kaufhold Philippe Kenel Andreas Keutgen
3 11 4 14 17
Vinciane Labeye Marie-Jo Lafontaine (artiste) Karl-Heinz Lambertz France Lambinet Hugo Lamont Frédéric Laurent Véronique Laurent Mathieu Lavens Marc Lazarus Juan Le Clercq Cédric Lefèbvre Pierre Legros Eric Lemmens Rolf Lennertz Serge Léonard Antoine Leroy Gérard Leroy
5 11 1-9 13
19
19
Luc Lethé Laurent Liégeois Vincent Lurquin Aurelia Luypaerts
16 3 - 10 13 - 17 1 4 3 3 4-8 8 2 - 11 3 1-2-3-5-6-7-8 9-15-17-20 2-5 14 5 12
Xavier Magnée Michel Mahieu Bernard Mairiaux Jacques Malherbe Dominique Matthys Christophe Marchand Bee Marique Paul Martens Amandine Martin Christine Matray Cécile Meert Jean-Pol Meynaert Wilfried Meynet Yola Minatchy Xavier Miny Luc Misson Stéphanie Moor Pierre Moreau François Motulsky Céline Mouthuy
4 - 16 4 8 9 18 9 13 1 13 2 - 10 6 1 14 5-6 7 - 13 - 15 - 17 1 3-7 18 9 16
ABC
O
Judith Orban Martin Orban Yves Oschinsky Marco Ossena Cantara
13 4 4 8 - 9 - 15
P
Mathieu Parret Alice Pastor (MC) Pierre Paulus de Châtelet Jean-Baptiste Petitat Alix Philippe Marie-Françoise Plissart Marie-Andrée Pieters Alexandre Pirson Claude Pirson Damien Poncelet Corinne Poncin Andrée Puttemans
13 14 2-4 19 5 5 16 13 10 13 1-2 10
Carole Raabe Frédéric Reard Myriam Rémion Bernard Renson Pierre-Jean Richard Jean-Marc Rigaux Yohann Rimokh Jacqueline Rousseaux Ghislain Royen
7 11 - 19
R
S
T
Alex Tallon Patrick Thevissen Nicolas Thieltgen (GDL) Pierre-Yves Thoumsin Miguel Troncoso Ferrer
14 1 14 13 7
V
Gauthier Vael Louis Van Bunnen Tamar Van Colenberghe Dirk Van Gerven Catherine Van Gheluwe Xavier Van Gils Jozef Van Waeyenberge Séverine Vandekerkove Claude Vanwelde Benjamin Venet Kathleen Vercraeye Benjamin Verheye Guy Verhofstadt Liliane Versluys Kati Verstrepen Samuel Vieslet François Vincke Michel Vlies Olivier Vrins
19 2-3-6 13 11 - 16 4 - 17 4 11 3 7 3 16 19 11 9 - 10 - 19 19 13 17 8 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 15
W
Jean-Paul Wahl Jennifer Waldron Alexandre Wattiez-Raemaekers Vincent Wauthoz Pierre Winand Hippolyte Wouters
5 - 18 2 15 6 4 1
Y
Cavit Yurt Onur Yurt
3-5-6-11-14-16-17-18- 20 4 - 11 - 17 - 18 - 20
Z
Marie Zagheden
6
20
Myriam Royen (son épouse) Anne-Sophie Rutsaert
11 1 - 2 - 5 - 15 16 - 18 6 - 11 - 19 2 3-4-6-8-9-11-12 17 - 19 11 11
Jean Saint-Ghislain Arianne Salve Nicolas Saspi (photographe) Vincent Sauvage Frank Samson André-Marie Servais Pierre-Dominique Schupp (CH) Pierre Sculier Alain Smetryns (Magistrat) Luc Simonet Jehanne Sosson Pierre-Marie Sproockeels Marcel Siraut Frank Spruyt Benoît Stévart Jo Stevens (OVB)
4 13 - 15 11 8 17 4 14 16 11 3-6 1 - 10 - 20 9 1 8 4 - 20 4
Les opinions exprimées par les auteurs n’engagent qu’eux-mêmes et ne reflètent pas nécessairement celles des éditeurs. La présentation de nos auteurs est toujours rédigée par chacun d’eux.
Editeur responsable : Myriam Robert-César Conception Coordination générale Direction artistique : Myriam Robert-César +32 475 907 901 Ont collaboré à ce numéro : les Présidents, Bâtonniers, et avocats suivants : - Philippe Balleux - Olivier Bonfond - Jean-Pierre Buyle - Olivier Collon - Martine Delierneux - François Dessy - Maxime Fabry - Michel Forges - Patrick Geelhand de Merxerm - Anne Gruwez - Delphine Heritier - Guido Imfeld - Christian Jassogne - Gérard Leroy - Myriam Rémion - Jehanne Sosson - Benoit Stévart - Cavit Yurt - Onur Yurt Pour proposer votre collaboration rédactionnelle En cas de changement d’adresse Pour commander des exemplaires supplémentaires Pour vous abonner aux 4 prochains numéros 60 € tous frais compris Pour toute insertion publicitaire Envoyez simplement un email à info@journaldesavocats.com ou téléphonez au 02 688 15 57 Mise au net Anthony Lackner Peek's +32 (0)495 340 590 Imprimé en Belgique Dépôt légal Année 2016 - 1er trimestre Edité par Alligators & Cie S.A. Boulevard du Souverain, 47/2 1160 Bruxelles +32 (0)2 688 15 57
le journal des avocats 20 - NUMÉRO SPÉCIAL
Pour un PRINTEMPS savoureux