Actuel
n°2
de l’Estampe.
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Actuel
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de l’Estampe.
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(4) Pascale Hémery (10) Pascal Jaminet 1
(16) Dalibor Tanko (22) Arnaud Rochard (28) Milos Djordjevic
i e n t
(34) Marie Boralevi (40) Joëlle Arnut Hanebali (44) Sylvie Chapuis, encadreuse d’art (46) Triénnale de Chamalière
Actuel de l’estampe est une émanation de la page Facebook ‘Parlons Gravure’. Comité de sélection : Jean-Michel Uyttersprot Catho Hensmans Jana Lottenburgher Sophie Domont Sophie Courtant Loli Pougidet comité de rédaction: : Jean-Michel Uyttersprot Pascale De Nève Jérôme Duwa François Liénard Sylvie Arnaud ratsdeville Pour toutes informations: magazine.actuel@gmail.com http://magazineactuel.weebly. com. Éditeur responsable : K1l a.s.b.l
Imprimé par: Hengen Print & More G.D.L Prix de vente: 20 € N°Issn : 0774-6008
La gravure en 1ère de couverture est de Pascale Hémery Titre : Vue du Flatiron Bois gravé imprimé en quatre couleurs sur papier coréen. La gravure en 4ème de couverture est de Milos Djordjevic Titre : Cascade 3 Technique : pointe sèche
PASCALE HÉMERy Ce n’est pas incidemment que l’on grave la forme d’un individu à la démarche chaloupée traversant un pont, qui mène ou qui ne mène pas rue de Rome. Cette figure est celle du promeneur. Pas n’importe lequel : celui qui parcourt sans cesse les rues des grandes villes. La figure humaine n’est pas si fréquente dans les œuvres gravées de Pascale Hémery depuis 2008 ; on ne voit personne du haut de Flatiron building ou sur les toits quasi orientaux qu’elle nous montre dans Washington Heights. Et sur St Katharine Docks, dans la City de Londres, les lampes des deux puissants voiliers mêlant leurs filins à la structure de l’architecture contemporaine inondée de lumière laissent seulement deviner une humanité invisible. Sur la linogravure intitulée Tous les chemins mènent rue de Rome, notre promeneur est vu de dos et sur le point de disparaître. L’ombre qui le précède a déjà, pour partie, été engloutie. Sur son trajet, les grilles de fer forgé noir surplombant la gare Saint-Lazare rayent l’espace et le rythme tant verticalement qu’horizontalement en se projetant en chaos sur le trottoir. Le soleil, à cette heure du jour de plein été, redessine la ville, lui invente de nouveaux contours, la teinte en une, deux, trois couleurs, l’analyse. La lumière travaille comme le graveur par couches successives ; lentement, elle imprime ses formes sur les toits de zinc, sur les pans de murs à nu ; elle livre ses interprétations, essaie des compositions inédites auxquelles elle renonce quelque temps plus tard.
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Baudelaire, le flâneur, nous convainc sans peine. Oui, “la forme d’une ville change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel “ (Le Cygne), mais ces bouleversements ne sont pas seulement l’effet de destructions de vieux quartiers, de rénovations ou d’aménagements. La métamorphose est le mode d’être ordinaire de la réalité urbaine, ce lieu si spécifique que Georg Simmel avait caractérisé dans un essai de 1902 comme celui d’une “intensification de la vie nerveuse” du “changement rapide et ininterrompu des impressions externes et internes” (Les grandes villes et la vie de l’esprit). C’était hier ou presque ; le long de cette même grille jouxtant Saint-Lazare se tenait une petite fille vêtue d’une élégante robe blanche ceinturée par un imposant nœud de tons bleus. D’une main, elle s’accrochait à l’un des barreaux métalliques et regardait l’agitation de la gare. Elle était accompagnée de sa jeune préceptrice, qui avait apporté un livre pour tromper son ennui. La fumée des locomotives de l’époque de Manet s’est dissipée : ni plus, ni moins. Paris est là, dans l’estampe de Pascale Hémery, le même et aussi un autre, tapi derrière la grille. Avec l’ombre de l’inconnu qui va peut-être rue de Rome passe ce cœur d’un mortel, identique et changeant.
TROIS PASSAGES DANS LA VILLE POUR LE CœUR D’UN
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Autre décor, autre format. La voilà prise cette fois en flagrant délit de mutation, de surgissement vertical, cette grande ville toujours hésitante entre plusieurs temporalités. Montrer ce qui occulte l’architecture, tel est le jeu subtil auquel se livre Couverture de façade (2008). C’est aussi, du reste, le propre du travail du graveur de penser et produire une image dans une forme d’aveuglement. Finalement, ce grand bois gravé ne présente que ce que l’on ne regarde habituellement pas, parce qu’il n’y a littéralement rien à voir : rien, bien sûr, pour le promeneur amoureux du pittoresque affadi mais, surtout, ce que Pascale Hémery nous montre est en quelque sorte un inventaire des revers de la ville. Ses faces en retrait plutôt que cachées, celles qui s’exposent sans ostentation : toits, terrasses désertes, plaques de zinc formant carapace, façades aveugles. Et rien n’est plus ordinaire et anti-spectaculaire que ces échafaudages apparemment si fragiles, recouverts plus ou moins parfaitement de vastes bâches protectrices qui préparent, dans le secret le plus complet, une nouvelle apparence. Ces constructions temporaires ajoutent leur propre complexité à celle du bâti initial et font naître dans un puissant mouvement de plis, en une ombre, de
couverture: Vue du Flatiron, Bois gravé imprimé en quatre couleurs sur papier coréen - 120 X 80 cm - 2010. page 5: Borderline, Bois et linogravure imprimés en 4 couleurs - 55 x 40 cm - 2008. page 6: La médiathèque de Nevers Bois gravé imprimé en 4 couleurs sur papier japon - 120 x 80 cm - 2013. page 7: “29, rue du Louvre” Linogravure imprimée en 3 couleurs sur papier vélin - 46 x 25,5 cm - 2008 . page 7: Washington Heights, Bois gravé imprimé en 4 couleurs sur papier coréen- 120 x 80 cm - 2010 . page 7: Marché Saint-Honoré
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n le retrouve enfin en repassant au format paysage. Il est là sur la passerelle du Marché Saint-Honoré, bandeau noir qui divise, avec la radicalité d’un zip horizontal, la lithographie de 2013 : le promeneur ou son double. Je veux dire et son double. Cette construction transparente constitue un passage moderne à sa façon : un entre-deux, un lieu de coexistence. La passerelle sur laquelle il se tient dans un temps et dans un espace donné - le nôtre -, le projette aussi hors de ce temps, hors de cet espace. Il est probable que notre promeneur de Saint Lazare soit devenu au Marché Saint-Honoré un prosaïque homme d’affaires, l’oreille rivée à son téléphone portable. Tant pis : c’est bien là aussi notre réalité. Cependant, son double est tout à fait quelqu’un d’autre et sa physionomie plus indistincte en témoigne.
Pascale Hemery 142, bd Berthier 75017 Paris Tél : 06 73 47 44 87 La structure architecturale de métal et de verre du Marché met littéralement la ville haussmanienne au carreau, comme pour la rendre indéfini ment disponible aux diverses relectures.
La nostalgie baudelairienne ne rôde pas dans les estampes urbaines de Pascale Hémery.
01 42 27 36 01 pascale.hemery@laposte. net www.pascale-hemery.com
Peintre et graveur, née en 1965, elle vit et travaille à Paris. Catalogue raisonné,
Cependant, la grande ville telle qu’elle la voit demeure une réserve à ciel ouvert de décors complexes traversés par des ombres et le long travail de la gravure, si contraire à toute précipitation, en fixe les états d’incertitude. Ces états si appropriés au cœur
“ Pascale Hémery, oeuvre gravé et lithographie 1988–2005.” Editions Malbodium Muséum 2006 . ISBN : 2-912473-22-5.
d’un mortel. Jérôme Duwa (Nevers, 20
LE MUSÉE DU DESSIN ET DE L’ESTAMPE ORIGINALE DE GRAVELINES A CONSACRÉ UNE EXPOSITION RÉTROSPECTIVE ET UN CATALOGUE RAISONNÉ DE L’œUVRE GRAVÉ ET LITHOGRAPHIÉ DE PASCALE HÉMERy, PRÉFACÉ PAR MICHAEL EDWARDS DE L’ACADÉMIE FRANçAISE, EN 2006. U N E E X PO S I T I O N M O N O G RA P H I q U E “ V E RT I G E S U R B A I N S” A É T É P R É S E N T É E à L’E S PAC E C U LT U R E L CO N T E M PO RA I N D E S DOMINICAINES DE PONT- L’EVêqUE. ELLE PRÉPARE ACTUELLEMENT UN CATALOGUE DE SES OEUVRES RÉCENTES, PRÉFACÉ PAR ALAIN MADELEINE PERDRILLAT DE L’INHA. SES OEUVRES FONT PARTIE DES COLLECTIONS PUBLIqUES, LE MUSÉE CARNAVALET, LA BIBLIOTHèqUE HISTORIqUE, LA BNF à PARIS, LE MUSÉE DES BEAUX- ARTS DE BELFORT, BEAUVAIS, SAINT- MAUR, LE MUSÉE DU DESSIN ET DE L’ESTAMPE ORIGINALE DE GRAVELINES ET DE NOMBREUSES COLLECTIONS PRIVÉES EN FRANCE ET à L’ÉTRANGER. 8
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PASCAL JAMINET 10
“La manière noire est un art de griffeur acharné”
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page 10-11-12-13 et 14: manière noire
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l y a une légèreté très XVIIIème, là, dans ce frissonnant fourré gravé par Pascal Jaminet. Grâce à la manière noire qui graine le cuivre jusqu’à des veloutés de noirs inaccessibles avec d’autres techniques, il va chercher un peu de lumière dans la nuit. La manière noire est un art de griffeur acharné, de dessinateur mécanique, d’imagier maniaque. Il faut bercer les plaques pour faire venir les noirs en question, puis les moduler jusque dans les gris les plus ténus. Tailler dans le jour pour ouvrir les nuits, bercer d’illusions le métal. Car le plus ingrat en cette manière est qu’il faut travailler en aveugle dans le cuivre, seule l’impression du papier dira si le graveur a fait bonne route. Les sujets choisis par Pascal Jaminet sont des arbres et des fougères, un point d’eau autour de Beckerich, petit village du Luxembourg dans le canton de Redange. Il y a une sacrée lumière dans ces feuillages, et derrière le sousbois se cache parfois un haut fourneau surgi tout droit de Eschsur-Alzette ou d’autres sites en friche des Terres Rouges. Entre deux arbres, deux aubes, un crépuscule : une clairière industrielle émerge, si fraîche en ces lumières métalliques. Le trait répété palpite, vrombit ou volète, cela dépendra du motif, s’il est naturel ou bien fabriqué par l’homme.
Dans son monumental Barrage de Clairefontaine, dix mètres de dessin sur deux, vous avez bien vu – il faudra montrer ce spectacle un jour –, Pascal Jaminet a tapissé un papier panoramique de noirs et les a gommés ensuite pour faire venir la lumière dans les fusains. L’idée de soustraire du noir pour éclairer la représentation est la même qu’en gravure. Et notre regard se perd dans un bosquet, juste au-dessus de l’eau frémissante. Et l’on rêve de nymphéas, les yeux en immersion dans la représentation de ce long moment fixé. Des nymphéas noirs, frais, étonnamment vivants comme le sont ces cuves, ces cheminées ou ces tuyères habitées par le geste d’une main qui a encore le pouvoir de nous faire croire aux images. François Liénard, avril 2014.
Pascal Jaminet 52, rue de Huusch 6700 Barnich-Arlon 0032 63 22 39 32 0032 477 753 446 pascaljaminet@gmail.com www.wix.com/pascaljaminet/accueil
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DALIBOR TANKO
Les gravures érotiques, tremplin pour laisser libre cours aux fantasmes.
L’inventaire de mes gravures
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our paraphraser Shiko Munakata, l’un des plus grands graveurs japonais du XXème siècle : “ Je ne suis pas responsable de mon œuvre, mais participe d’une sorte de principe créateur universel, au-delà du bien et du mal et profondément enraciné dans la réalité. “ Voilà la façon dont Dalibor aborde la gravure. Il a envie de créer. Les thèmes et les images viennent à lui, suite à une promenade, une visite d’expo. Curieux de tout ce qui l’entoure, Dalibor Tanko transforme du premier coup d’oeil l’image vécue en estampe. Et les techniques s’imposent d’elles-mêmes. Actuellement, Dalibor Tanko travaille sur l’inventaire de ses gravures : il en a recensé près de 800 depuis 1990. La moitié de celles-ci à été imprimée à un exemplaire seulement. Jusqu’a présent, Dalibor imprimait ses tirages lui- même. Actuellement, il collabore avec un ami imprimeur. L’expérience et le savoir-faire de celui-ci, subliment son travail.
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Plusieurs thèmes lui sont chers. Ceux-ci reviennent cycliquement dans son oeuvre. Parmi eux, on retrouve une série d’autoportraits, des paysages, une longue série de mini-portraits (deux cent cinquante, actuellement) qu’il intitule « tous les gens que je connais ». Des gravures érotiques, tremplin pour laisser libre cours aux fantasmes, Des livres gravés (les images sortent du texte), des gravures en couleur, qui sont des références à ses peintures, et enfin des gravures sur bois, qui sont pour lui des sculptures aplaties et imprimées.
Il aime travailler sur le vif, à la pointe sèche, dans les bistrots, sur les quais de métro ou dans des gares. Il travaille aussi en supermarché et au marché. (quelquefois ses plaques de cuivre ont une dimension de cinquante centimètres sur septante).
Ses scènes érotiques sont souvent réalisées en un coup de pinceau, en utilisant la technique du sucre puis en dispersant un grain d’aquatinte très fin, en dégradés, ou un bon coup de pointe sèche. Ses portraits sont réalisés à la pointe sèche. Dalibor se définirait plutôt comme un p e i n t r e s c u l p t e u r d e s s i n a t e u r g r a v e u r.
“ ….mais aussi, parce que en dehors de la matière, j’ai la sensation de ralentir le temps : cette technique ancienne me donne l’impression de créer des énergies de ralentissement du temps, le temps d’une gravure est pour moi un temps différent de celui qui est hors de cette gravure. “
page 17: Gare de Lyon, pointe- sèche, aquatine, 30X40cm, page 18: gravure érotique n°18, aquatinte, 33X25cm, page 19: gravure érotique n°28, aquatinte, 33X25cm, page 20: gravure érotique n°49 et 48, carborundum et pointe-sèche, 33X25cm, page 21:La mise au tombeau, d’après Titien, pointe-sèche, 20X25cm, page 21: La mort de Sardanapale, pointe-sèche d’après Delacroix, 44X41 cm,
1991 1996 1996 1996 1991 1991
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Né en 1971 à Virovitica en Croatie, Dalibor
Il est diplômé des Métiers d’Arts de l’Ecole
TANKO étudie à Paris où il a suivi une forma-
Estienne, diplômé des Arts Décoratifs de Paris
tion en peinture à l’huile, à la gravure à l’eau-
et diplômé des Beaux-Arts.
forte et à la sculpture sur bois.
“Je ne suis pas responsable de mon œuvre, mais participe d’une sorte de principe créateur universel, au-delà du bien et du mal et profondément enraciné dans la
Dalibor TANKO 278, boulevard Raspail 75014 Paris
réalité.”
06 47 55 72 11
Shiko Munakata
dalibortanko@yahoo.fr
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ARNAUD ROCHARD
Arnaud Rochard Né en 1986 à Saint Nazaire, vit et travaille à Bruxelles rochardarnaud@gmail.com
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arnaudrochard.unblog.fr galeriemaiamuller.com
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rnaud Rochard est un artiste fasciné par l’histoire et les images avec un caractère graphique : les gravures satiriques, les images et affiches de propagande, les photos de guerre. Il s’intéresse au côté sombre et macabre de l’historiographie des cultures européennes, qui selon lui illustre encore le monde dans lequel nous vivons. “Cette combinaison de séduction et de révulsion me donne envie de créer des images crues et sauvages avec une technique précise et maîtrisée.” Il utilise des planches de bois, des gravures, de l’eau forte et aquatinte, dessine à la plume et à l’encre de chine, sculpte des oeuvres suivant des thèmes bibliques et mythologiques comportant une violence exacerbée. Sa technique est très maîtrisée, incisive et puissante, dénotant concentration, absorption de la matière, grande précision, geste sûr et forte maturité. Son exercice est lent et assidu.
Tout dans sa technique et son travail s’inspire et se réfère à l’histoire de l’art, notamment, l’histoire de la gravure, du Moyen-âge, de Schongauer à l’expressionnisme allemand qu’il absorbe avec énergie et passion. Son intérêt se porte sur la figuration libre des années 80, aussi sur l’art figuratif, les paysages, les jungles, les décors chargés, laissant peu de place au vide, habités par des personnages sombres et mortifères raccordés au contexte.
Ses thèmes récurrents : natures mortes, bestiaires fantastiques, centaures, vanités, complètement empreints des épopées légendaires transportant inexorablement vers l’imagerie apocalyptique des siècles passés. Ils percutent encore l’imaginaire aujourd’hui, bouleversent et rassurent. De l’ensemble de cet héritage composite, Arnaud Rochard a su développer un traitement de l’image et un style singulier qui lui sont propres. Il ne finira pas de faire rêver ou cauchemarder ; en tous les cas, on ne sort pas totalement indemne à la vue de son travail. Sylvie Arnaud
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pages 22-23 et 25: Bois gravé Arnaud Rochard Né en 1986 à Saint Nazaire, vit et travaille à Bruxelles rochardarnaud@gmail.com arnaudrochard.unblog.fr galeriemaiamuller.com
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ne série de gravures à la pointe sèche qui explorent avec force les possibilités visuelles inhérentes à ce médium. Avec le respect des techniques traditionnelles, l’artiste dépeint, tantôt avec minutie, tantôt avec une facture graphique, des poteaux téléphoniques et électriques qui semblent à la fois fragiles et monolithiques. Isolés, dépouillés, réduits à leur silhouette, entourés par le vide, les poteaux évoquent la solitude inhérente à la condition humaine. Déconnectés de leur fonction, les câbles emmêlés, sectionnés ou totalement absents, ces poteaux ont perdu leur sens. L’artiste se questionne sur la fragilité de l’existence de l’objet utilitaire une fois qu’il a perdu sa fonction. S’ils ont perdu leur utilité, cessentils alors d’exister ? Sommesnous encore en présence de poteaux ? Les objets représentés sont solitaires. Même lorsqu’ils sont groupés, les lignes qui semblent être des câbles ne les relieront jamais. La ligne nous dirige au-delà de l’image, vers quelque chose d’invisible pour nous ramener à nous-mêmes et nous inviter à nous questionner. L’individu sans relations
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MILOS interpersonnelles cesse-t-il lui aussi d’exister? Empreintes de l’anxiété des temps modernes, les estampes réalistes et symboliques de Milos Djordjevic expriment ce qu’on pourrait appeler le ‘cri du silence’. Milos Djordjevic a obtenu une maîtrise en art imprimé de la Faculté des BeauxArts à Belgrade et suit actuellement un doctorat en études interdisciplinaires à l’Université des Arts de Belgrade. Il a reçu plusieurs prix et reconnaissances pour son travail et a poursuivi une résidence de recherche à la Cité Internationale des Arts à Paris en 2009. Il a participé à de nombreuses expositions et biennales en arts imprimés en Serbie et à travers le monde (Pologne, Chine, France, Belgique, États-Unis, Venezuela, Malaisie, Portugal, Lituanie, Italie, etc.). Son processus intègre les valeurs et le savoir-faire des techniques traditionnelles de création tout en s’inscrivant dans la contemporanéité par son expérimentation audacieuse et l’exploration intuitive du médium imprimé. ratsdeville
DJORDJEVIC
Milos DJORDJEVIC B. 1978. in Cuprija, Serbia. Prvomajska 31/9, 11080 Zemun, Serbia +381693100120 E-mail: djordjevicmilos@yahoo.com
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pages 26-27, Cascade variation 0,10, 30X50 pages 28-29, Cascade variation 6, 50X100 pages 30-31, Cascade variation 8, 50X100 pages 32-33, Cascade variation 1, 50X100 4ème de couverture : Cascade variation 0,9, 30X50
cm, cm, cm, cm, cm,
pointe pointe pointe pointe pointe
sèche, sèche, sèche, sèche, sèche,
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MARIE BORALEV Les animaux en procession rôdent aux environs d’une terre dont je dessine les seuils. Dans leur hâte de se rendre ailleurs, ils se jettent hors d’eux-mêmes et haranguent les peuples. Des perceptions de ce monde renversé, jaillissent les mystères d’une rêverie nouvelle et de sa destinée. Pas de scénarios
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établis, mais une légende à pénétrer, qui se dresse et se vide dans les scènes représentées. Invasion des solitudes, des meutes souterraines du corps. Loin, dans le nu du métal, dans la peau de ses frontières, dans une plaie ouverte sur ses profondeurs, éclate le bruit des bêtes en devenir.
VI Près, tout près, amassant la lumière, je confie l’entaille à la lame qui déferle en scintillant sur la chair cuivrée d’une joue. Le blanc perce le noir et irrigue la vie. Enfin, les corps occupent leurs formes et prétendent à l’existence. Ni de peau, ni de sang, ils en portent pourtant la profonde connivence, de sorte que ma main tente inlassablement d’en convertir la substance et de rendre la chair présente pour l’œil qui regarde. quelquefois, comme la jalousie qui conduit Seth à démanteler le corps de son frère, puis comme la force qui fait naître ève de la côte d’Adam, l’imprévu se joue et une forme jaillit de la débâcle et des ruines. Féconde, elle porte en elle quelque chose qu’elle m’incite à venir cueillir : la pousse frêle d’une image à venir, différente et semblable à sa génitrice. Conglomérat d’éclats de gravures, de jambes plurielles et de paroles lues. Dans le chaos nécessaire,
déposséder les fragments de leurs mémoires, de la trace de leurs origines. Démanteler puis rebâtir. En désignant une place définitive aux membres d’un corps, cimenter l’architecture d’un ensemble naissant. Je m’abandonne à la mise en relation des forces entre elles et médite un monde qui se construit dans la sensation. Là, les violences aveugles habitent mon bras qui danse soudain de manière intuitive : désossant ce qui doit être brisé et offrant ce qui doit être offert. Au fil des invocations successives de visages identiques, de gestes dupliqués, l’esthétique du multiple et de la série se déploie. Les semblables se jouxtent et s’inversent dans les images dispersées. Et leurs mains, dont les intentions semblent pieuses, paraissent tracer, par leur immobilité silencieuse et répétée, les signes votifs d’un rite inconnu. Litanie visuelle. Liturgie profane. Chœur savamment orchestré qui résiste pourtant à confesser ses intentions ou sa logique, mes formes récurrentes, mi-humaines ou mibêtes, se montrent puis se dérobent ; leur mystère prend racine dans la trame d’un récit inavoué et latent, qui ne peut se lire que de l’intérieur et me demeure inaccessible.
Mondes dans le monde ? Rémanence des rêves, des folies enfantines ? Reliques d’un nouveau temps ? Comment se vit l’inexplicable ? Parfois, quittant le corps d’une bête, je retrouve le mien et, troublée par cette récente métamorphose, je flotte un moment dans le sillage de ma conscience ; l’esprit encore persuadé de pouvoir faire battre les ailes brûlantes qui perçaient mon dos. Passant instantanément du sommeil à la veille ; les vertèbres vidées, je m’écroule dans l’absence, dans la lumière vacillante, dans l’endroit rétabli et inconnu d’une chambre ; suspendue à la seule des sensations qui subsiste encore en moi : le saisissement pur et brutal de l’existence. Dans ce vertige, exempt des repères de l’habitude, semble se rétablir un état du commencement : ce moment où la perception inachevée d’une jambe peut la rendre liquide ou temporairement inexistante, tandis que la conviction d’habiter un crâne étreint l’âme entière. Naissance de l’entendement. Assister, en un éclair, à l’émergence de sa propre vie et, comme le nourrisson, naufragé anonyme dans les eaux de l’éveil, en découvrir l’écrin. Un bras puis une main...
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Au cœur du papier ; couleur pâle et cassée ; je tente de m’ouvrir à une compréhension alternative du monde. D’en dépouiller le sens et les certitudes pour rétablir par la sensation, cet instant presque flou dans lequel on se sent éclore. J’effleure la violence et les secrets primitifs qui se déploient dans le rêve. Je plonge dans sa matière énigmatique et en extrais la sève. Puis, je tente sans relâche, dans l’image, de provoquer chez l’autre ce tournis de l’éclosion qui ébranle la mémoire et rend les paroles impuissantes. Dans ces constellations où les bêtes abondent, j’erre, je traque et je voyage. Doucement, les visions que mes entrailles enfantent, se dilatent dans une chevelure infinie. Je me tiens là où se forme, sous le ciel de la conscience, l’étendue d’un territoire.
page 34 : “Ils dansent les os broyés” Gravure sur cuivre, eauforte, aquatinte, vernis mou et pointe sèche sur papier Tosa Washi. 40cmx50cm. page 36 : “ Présence empêchée” Gravure sur cuivre, eau-forte, aquatinte, et pointe sèche sur papier Japon. 30cmx40cm. page 37 : “La femme ermite” Gravure sur cuivre, eau-forte, aquatinte, vernis mou et pointe sèche sur papier Tosa Washi. 40cmx50cm.
Marie Boralevi
17 rue Pierre Leroux
page 38 : “Camisole amoureuse” Gravure sur cuivre, eau-forte, aquatinte, vernis mou et pointe sèche sur papier Japon Tosa Washi. 40cmx50cm. page 39 : “Vendanges tardives” Gravure sur cuivre, eau-forte, aquatinte, vernis mou et pointe sèche sur papier Tosa Washi. 40cmx50cm. Marie Boralevi
75007 Paris contact@marieboralevi.fr http://marieboralevi.fr
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LE TEMPS, LA FIGURE ET LES GESTES . JOËLLE ARNUT HANEBALI “Je me sers de la particularité de la gravure à produire des multiples pour en jouer sur un même papier. Nombre de mes peintures sont réalisées à partir d’estampes juxtaposées et marouflées sur toile. L’ensemble est retravaillé ou pas. Mes estampes naissent de l’impression manuelle de matrices de natures diverses : bois, argile, écorce de liège, tige de feuille de palmier... sur des supports légers comme le papier de soie. Bien sûr, il m’arrive de travailler la gravure en utilisant les techniques courantes (cuivre, eau-forte, aquatinte, presse, impression sur des papiers souples, riches...) mais j’aime également me confronter à la contrainte de supports à graver ou à tailler, de natures et de dimensions variées. Cela m’oblige à trouver une réponse adaptée avec un
résultat inattendu qui n’aurait pu exister si j’avais dessiné ou peint une image directement, sans passer par ces intermédiaires.
quelquefois, rarement, je reprends d’anciennes réalisations qui n’avaient pas supporté l’épreuve du temps et de mon regard porté sur elles.”
à Tétouan, Joëlle Arnut Hanebali.
Joëlle Arnut Hanebali, B.P. : 1034, poste principale, 93000 Tétouan, Maroc. joellearnut@yahoo.fr http://www.joellearnuthanebali.net
Page 41 : “Corps/Cases 4” Gravure sur une plaque d’argile (22 cm x 29,5 cm) cuite ensuite dans un four traditionnel. Les impressions manuelles sur papier de soie sont marouflées sur toile (105 cm x 89 cm). 1999. Page 42 : ”Portrait 1” Aquatinte sur zinc, Impression sur Velin d’Arches 250g (30 cm x 22 cm). 1993. Page 43 :“Corps/Cases 5”2003/2007. Gravure sur bois (16 x 11 cm). Impressions sur papier de soie marouflées sur toile (105 x 89 cm). Rehaussée à l’huile.
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Née en 1959. École des Beaux Arts de Bordeaux (France). Vit et travaille à Tétouan (Maroc).
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SyLVIE
CHAPUIS, ENCADREUSE D’ART N’ayant pu faire les Arts Décoratifs -études inenvisageables dans sa familleSylvie Chapuis s’est dirigée vers des études en espagnol à la Sorbonne/Paris. Son diplôme en poche, Sylvie n’a aucune envie de travailler pour l’éducation nationale. Elle se retrouve assistante de fabrication puis chef de fabrication dans une boîte de pub. Après une dizaine d’années, elle met sa carrière en ‘pause’ pour élever ses trois enfants. à son retour, son métier s’est totalement transformé, le passage au numérique…
Après une belle rencontre avec Michèle Dhont, encadreuse et formatrice au Cap
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encadreur, la reconversion s’est alors révélée à Sylvie. Encadreuse diplômée, Sylvie Chapuis s’installe en tant qu’encadreuse d’ Art à son atelier/ domicile en 2005.
Après le départ à la retraite de son ancien professeur, Sylvie se retrouve formatrice adultes au Cap encadreur. En parallèle, elle se forme à la restauration de documents graphiques au CFRPE (centre de formation restauration patrimoine graphique) près d’Olivier Maupin.
Depuis, Sylvie forme une vingtaine d’élèves par an au métier d’encadreur. Parallèlement à son métier d’enseignante, Sylvie développe une clientèle de particuliers et de graveurs, mais surtout de collectionneurs parisiens. La reconnaissance de son savoir-faire lui a valu un référencement dans l’Annuaire officiel des Métiers d’Art de France.
estampes de Marie Alloy
sylvie.f.chapuis@wanadoo.fr 9, rue Tramelay Commanderie des templiers II 78990 - Elancourt 01 30 51 06 20
“LA PASSION, LA MISE EN VALEUR, LA CONSERVATION DU PATRIMOINE GRAPHIQUE.”
Horaires d’ouverture Du lundi au vendredi sur rendezvous. Fermé le samedi et le dimanche.
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9Ème triennale
de chamaliÈre
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u XIXe sièc l e , d e s moulins à papier avaient été bâtis à Chamalières sur la rivière « La Tiretaine », ce qui explique notamment que la Banque de France y ait institué la fabrication des billets. C’est en raison de cette tradition d’imprimerie que les Triennales Mondiales de l’Estampe ont été initiées par l’artiste Slobo et la Municipalité de Chamalières. La Triennale Mondiale de l’Estampe offre un accès exceptionnel à la création contemporaine ; elle permet d’accueillir des centaines d’artistes provenant du monde entier. Depuis sa création en 1988, la manifestation a très vite acquis une renommée internationale. Le catalogue des expositions, très apprécié des amateurs d’art, est aujourd’hui considéré par les professionnels de l’estampe comme une précieuse source d’information.
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La compétition intern a t i o n a l e d ’e s t a m p e s de petit format.
La compétition internationale d’estampes de petit format, exposée à Chamalières, rassemblera pour cette 9e édition 200 graveurs des 5 continents. En outre, la Triennale permet au public de voir des expositions de graveurs contemporains ou anciens et d’admirer des œuvres de prestigieuses collections dans les nombreuses villes de la région, partenaires de la manifestation.
Par ailleurs, des animations seront organisées pendant la Triennale, avec des démonstrations de gravure, des stages d’initiation à l’estampe, des conférences…. afin de mieux faire connaître l’art de l’estampe
En raison de la restructuration des lieux d’exposition à Chamalières, la partie en concours d’estampes de petit format aura lieu dans un espace plus réduit que lors des précédentes éditions de la Triennale. Par conséquent, la sélection des artistes sera encore plus exigeante au regard de la qualité du travail. Pour sélectionner les 200 artistes, il est fait appel à une vingtaine de délégués compétents dans le domaine de la gravure, qui ont pour mission essentielle de rechercher des graveurs de talent dans un ou plusieurs pays. Les estampes de petit format en compétition sont soumises à un jury, composé de professionnels de l’art et de la gravure, qui se réunit pour décerner 8 prix. Chaque lauréat a la possibilité de présenter ses estampes de plus grand format dans une exposition personnelle lors de la Triennale suivante. Ainsi, chacun des 8 primés de la 8e Triennale aura son exposition pour la 9e Triennale à Chamalières ou dans les Villes partenaires de la manifestation.
Les Villes partenaires La Triennale, c’est aussi le libre accès du public à une trentaine d’expositions de graveurs de talent, qu’ils soient contemporains ou anciens, et la possibilité d’admirer des œuvres issues de prestigieuses collections publiques ou privées. Ces expositions sont présentées non seulement à Chamalières, mais aussi dans de nombreuses villes de l’agglomération et de la région. Ainsi, des expositions seront proposées à Beaumont, ClermontFerrand, Cournon, Pont-duChâteau, Issoire, Romagnat, Saint-Genès-Champanelle, Tauves, Ussel, etc.
Ainsi, le cabinet d’estampes de la 3e Triennale a été présenté à Kuala Lumpur en Malaisie, celui de la 6e à Prague en République Tchèque, celui de la 7e, puis celui de la 8e à Wittstock en Allemagne.
Honoré Daumier Après les gravures de Francisco de Goya en 2010, Chamalières présentera pour la Triennale de 2014 à la galerie municipale d’art contem-
Des estampes à offrir Les estampes, qu’il s’agisse des estampes de petit format ou des estampes exposées dans les villes partenaires, sont à la vente. La Triennale, c’est donc aussi la possibilité de faire l’acquisition d’une estampe ou d’offrir une gravure à l’approche des fêtes de fin d’année. Les animations Des animations sont proposées au public pendant la Triennale. Seront au programme de la 9e Triennale des démonstrations de gravure, des stages d’initiation à l’estampe, des visites guidées, des conférences etc. Le catalogue de la Triennale La Triennale est l’occasion de nombreux échanges, notamment à travers la diffusion du catalogue de la Triennale, qui retrace toutes les expositions de la manifestation et qui est envoyé dans le monde entier. Le cabinet d’estampes Comme pour chaque édition, un cabinet d’estampes sera constitué grâce aux donations de chaque artiste participant à la compétition de petits formats. Ce cabinet d’estampes est appelé à voyager.
porain un autre grand artiste, critique de son époque, Honoré Daumier, avec une exposition exceptionnelle de lithographies, extraites du journal satirique Le Charivari, issues d’une collection privée, qui l’ont rendu célèbre en tant que caricaturiste et dessinateur de presse. Un catalogue de l’exposition sera édité.
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