Editions K1L
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(4) Pierre Muckensturm (12) Gladys Brégeon (18) Mathieu Van Assche
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(22) Florence Bernard
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(38) Carole Texier
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(28) Chantal Harvey (34) Pascal Hémery (42) Louis Daliers (46) David Yaron (50) Amandine Vervloet (54) Shirley Sharoff (56) ArtPontiac (58) Atelier Marie-Sol Parant (62) Philippe Dessein (64) Patrick Corillon et un vagabondage blésois (66) L’association GRIFE (70) Monique Dohy
Ont collaboré à l’écriture de ce numéro : Chantal Harvey, Pierre Muckensturm, Michel Verlinden, Marc-Williams Debono, Béatrice Comte, Christophe Corp, Patrick Corillon, Gladys Brégeon, Pascal Hémery, Louis Daliers, Chirley Zezzos, Morgane Chauveaux, Grégoire Von Muckensturm, Pascale De Nève, Pierre Guérin. Merci à Gladys Brégeon et à Pierre Guérin, pour tous leurs bons conseils.
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En couverture Pierre Muckensturm
Légère densité Pierre Muckensturm nous livre son œuvre par fragments linéaires qui se rejoignent à l’infini. Les points deviennent traits. Les traits deviennent contours. Les contours deviennent densité. Une densité circulaire qui s’ouvre sur la légèreté qui l’entoure, dans une réinterprétation de l’enso japonais. Son propos ? La temporalité. Et une invitation au calme intérieur. Bon voyage dans la quintessence des lignes.
Actuel est une émanation du groupe Facebook « Parlons Gravure ». Comité de sélection : Jean-Michel Uyttersprot Catho Hensmans Comité de rédaction : Jean-Michel Uyttersprot Pascale De Nève Les estampes en 1er, 2e et 4e de couverture sont de Pierre Muckensturm
Pascale De Nève
Pour toutes informations : magazine.actuel@gmail.com www.actueldelestampe.com
Éditeur responsable : K1L éditions. Imprimé par : Hengen Print & More G.D.L Prix de vente : 20 € N° Issn : 0774-6008
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Pierre Muckensturm
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N
é en1970 à Strasbourg. Pierre Muckensturm vit et travaille en Alsace à proximité de Colmar (France). Peintre et graveur autodidacte, il est actuellement représenté par les galeries : L’estampe (Strasbourg. F), Empreintes (Paris. F), Leizorovici (Paris. F), Michèle Champetier (Cannes. F), Gaïa (Nantes. F), Lazarew (Paris. F), Ideelart (Londres. GB). Depuis 1995, Pierre Muckensturm mène un travail plastique avec constance, dans lequel apparaît la volonté de réfléchir le tableau comme une clé de compréhension du rapport que nous pouvons avoir à notre propre temporalité. Le processus fondateur du travail de Pierre Muckensturm trouve son origine dans une visite de la chapelle de Ronchamp, œuvre maîtresse de l’architecte Charles Edouard Jeanneret. Là, il comprend qu’une justesse
peut être puisée dans un subtil dialogue entre massivité et élévation, entre plein et vides. Dès lors, il décide d’adopter un langage formel simple : un tracé massif s’allégeant par sa juxtaposition à des vides. Cette simplicité formelle sera associée à une matérialité très dépouillée, qui inscrira l’œuvre dans un temps indicible. Il a franchi un pas important dans ses recherches par une pratique assidue de la gravure au sein des ateliers Rémy Bucciali dans un premier temps puis dans son propre atelier d’édition. Pierre Muckensturm veille depuis toujours à ce que ses réalisations tant gravées que peintes soient des objets tranquilles, des formes silencieuses. Il appuie ses recherches sur la certitude que, comme a pu l’affirmer Julius Bissier : « le calme est plus grand que la tempête ». http://www.estampe.fr
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ne rencontre avec le travail de Pierre Muckensturm vous plonge dans un état de questionnement méditatif. Ses séries qui forment des ensembles. Qu’évoquentelles ? Pourquoi ? Questionnement, car l’on s’interroge sur ces formes qui se répètent en se mouvant sur ellesmêmes. Et les formes qui apparaissent entre les formes. Quelles sont les plus importantes dans l’œil de l’artiste ? Les formes primaires, ou les formes « flottantes » ? On réalise alors que tous les états possibles de la forme n’existent pas concrètement sous nos yeux. Par contre, elles prennent vie dans notre esprit grâce à la suggestion de l’artiste, démultipliant ainsi l’œuvre de Pierre Muckensturm, prenant tout à coup un espace virtuel immense, qui ne saurait être limité par la taille réelle de l’œuvre. Méditatif, car le travail de Pierre Muckensturm, par sa
simplicité apparente, nous renvoie à une introspection personnelle complexe. En effet, chacun ressentira alors sa propre expérience devant ses formes évocatrices de ressenti personnel. Pierre Muckensturm est en quête permanente de simplicité et d’absolu. Comment véhiculer le même message en en modifiant le moins possible ? Ou comment en modifiant le moins d’éléments possible, l’œuvre s’en trouve toute chamboulée. Il va à l’encontre de certains qui en ajoutent toujours plus afin de valoriser leur travail au risque de nous étouffer. Pierre s’inscrit dans un dénuement complexe où chaque courbe, ligne, croisement prend toute son importance dans le poème visuel qu’il nous propose. Morgane Chauveaux http://galerie-empreintes. com/
Pores reports
et
Tant dans mon approche de la peinture que dans celle de la gravure, j’accorde une grande importance à la notion de porosité qui est à mon sens systématiquement active lorsqu’il s’agit de tracer et de délimiter. Il est intéressant de remarquer que la science distingue la porosité de pores, dite primaire et la porosité de fissures, dite secondaire. Un pore est alors un espace vide dont les dimensions dans les trois directions de l’espace sont similaires. Une fissure est un espace vide dont la dimension dans une direction de l’espace est nettement inférieure à celle dans les deux autres. Nos porosités primaires, à nous les graveurs, seraient donc l’aquatinte, la manière noire, le carborundum, capables d’exprimer nos plénitudes ; quant à nos fissures, elles se matérialiseraient par nos pointes sèches ou nos burins qui rendent possible l’effleurement de l’intime par la captation des infimes. La gravure m’attire tant, car elle me permet cette poésie du lisse et du poreux et ainsi la radicalité du vide et du plein. Force
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est
de
constater
que dans sa plus simple acception, le graveur peut être défini comme un préparateur de vides, qu’ils soient pores ou fissures, capables de rétention dans l’intention du report. Il utilise ainsi la porosité tel un contexte, un espace de possibles et sa tâche consiste alors à manier le vide, pour donner à voir à travers lui. Souvent je relis ces mots de François Cheng : « Par le Vide, le cœur de l’Homme peut devenir la règle ou le miroir de soi-même et du monde, car possédant le Vide et s’identifiant au Vide originel, l’Homme se trouve à la source des images et des formes. Il saisit le rythme de l’Espace et du Temps ; il maîtrise la loi de la transformation », et je mesure alors la fascinante charge qui nous incombe, à nous les graveurs, possibles possesseurs du Vide.
Pierre Muckensturm décembre 2017 pour la revue Actuel de l’Estampe http://pierre.muckensturm. free.fr
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Page 2 : 14C1-2, 2014, Aquatinte sur cuivre, 50x50cm, Papier BFK Rives, Éditions Rémy Bucciali. Page 4 : 176S121211, 2017, Carborundum et pointe sèche sur zinc, 24x29 cm, Papier BFK Rives. Page 7 : 175J041211, 2017, Carborundum et eau forte sur zinc, 56 x 76 cm, Papier BFK Rives. Page 8 : 12.5.3 2012, Aquatinte sur cuivre, 65x50cm Papier BFK Rives, Éditions Rémy Bucciali. Page 9 : 174C091018, 2017, Carborundum sur cuivre, 50x50 cm, visuel : 1 élément d’un polyptyque de 9 éléments Papier BFK Rives. Page 10 : 170S140511, Édition exclusive pour la revue Actuel, l’Estampe Contemporaine, 2017, Carborundum et pointe sèche sur cuivre, 26x19cm, Papier BFK Rives. Page 11 : 176S241211, 2017, Carborundum, et pointe sèche sur zinc, 24x29 cm, Papier BFK Rives.
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Exister au risque de disparaître Une forme en expansion. Sa volonté d’exister pleinement change la discussion avec le cadre-support en une confrontation. Occuper ou échapper sont ses moyens d’exister. Le cadre-support est une matrice qui permet à la forme d’exister, mais la contraint. La forme cherchera à détourner cette contrainte. L’occupation advient lorsque le cadre-support oblige la forme à se recroqueviller sur elle-même, tout développement est alors réservé à l’espace circonscrit. L’échappée est quant à elle l’expérience du détachement maximum de la contrainte du cadre-support pour tenter d’exister hors de ses limites. L’existence n’est possible que jusqu’à un certain seuil. Que ce soit par l’occupation ou l’échappée, la forme ne pourra jamais se défaire complètement de son cadre-support, car le remplir ou en sortir complètement serait ne plus exister. Grégoire Von Muckensturm https://unphilosophe.com
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Gladys Brégeon
Pages 12 et 13 :
Du fer oxyde une source, 2016 (planches VII, III et VI).
Gravures extraites d’un livre d’artiste composé de 20 gravures de Gladys Brégeon et de 20 poèmes de Régis Roux, imprimés sur BFK Rives, 38x50 cm, coffret. Édition du livre en 5 exemplaires et 5 exemplaires des gravures tirées à part. L’organe du coeur et son arborescence, l’appareil vasculaire et ses composants, nous projettent par-delà la peau au seuil de la vie comme de la vision, celle d’une intériorité concrète, crue ou fantasmée.
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Lèvres névroptiques, 2013 (planche III).
Gravure extraite d’une série de 5 eaux-fortes imprimées sur BFK Rives, 38x39 cm. Édition en 6 exemplaires. Conjugaison de l’appareil génital féminin avec l’appareil optique.
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L’OE. En pleine plaie terre, 2007 (planche XIII) Estampe numérique extraite d’un livre d’artiste composé de 60 planches de calligrammes imprimés sur Rivoli Vélin blanc, 18x24 cm, coffret. Deuxième édition originale en 10 exemplaires, 2017. Dans cette version de L’OE, le texte se libère du sens ou tente de faire corps avec lui ; les mots se dissipent dans l’espace, opérant sur eux-mêmes distorsions, multiplications, recouvrement, donnant forme à des calligrammes, parfois anthropomorphes.
L’OE. En pleine plaie terre est issu de L’OE, texte poétique à l’origine d’une série d’œuvres protéiformes. Le texte met en scène L’endormie, figure fictionnelle habitant le globe oculaire, couloir dans lequel les images pénètrent, passant l’obturateur de la paupière, pour venir prendre corps sur l’écran de chair, palimpseste de la rétine. S’ensuit un questionnement sur la matérialité, l’origine et l’issue des images, ainsi que sur la réalité des corps présents devant et dans l’image, pris au piège du manège de la vision, entre lumière et chair. Depuis le récit poétique dont il procède, traité comme image vectorielle, L’OE poursuit ses méditations dans l’espace numérique pour se mettre a l’épreuve de lui-même, pris au piège de ce qu’il questionne, se métamorphosant au gré de son introspection : le texte se décline en différentes variations de mise en page et de typographies allant du texte brut à la composition purement graphique. Entre matière et représentation, objet et sujet, le texte devient image, matière en mouvement, jusqu’à s’émanciper de l’espace physique du livre pour se projeter dans une installation in situ sur des murs à l’échelle des corps ou encore se contraindre à celui de négatifs argentiques 24x36.
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De l’ineffable allant à l’invisible, 2016
Manière noire et gaufrage imprimés sur BFK Rives, 25x25 cm. Gravure extraite de Ombre, livre d’artiste collectif accompagné de textes de Victor Hugo extraits du Promontoire du songe. Édité en 20 exemplaires par les Éditions alma.encrage (Gleizé, Rhône).
Page 17 :Impression, 2015. Textes et gravures (pointe sèche et gaufrage) imprimés sur Magnani Pescia et Tengujo, 15x15 cm, 8 pages, reliure 2 plis. Édition en 25 exemplaires. Du papier comme un corps. Opuscule sur le frisson.
Vue de quelques livres d’artistes réalisés entre 2007 et 2017.
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A
rtiste plasticienne et auteure, Gladys Brégeon pratique l’estampe et conçoit des livres d’artiste depuis 2006. Depuis la danse contemporaine, le butô et la photographie argentique, les expériences liées au corps et à l’image se poursuivent dans le trait à travers les techniques traditionnelles et contemporaines de l’estampe, dans les géographies du corps humain, par-delà la dimension chimique de l’image. Elle façonne ses livres comme des espaces plastiques et performatifs d’écritures graphiques et poétiques. Mots et formes se (dé)composent en un champ organique, d’une archéologie du corps en une chirurgie de l’image. Gladys Brégeon est née à Tours en 1981, elle vit et travaille dans le Rhône. Diplômée d’un DNSAP aux Beaux-Arts de Paris en 2007 et d’une maîtrise d’arts plastiques à l’université Paris 8 en 2004, son travail est présenté en France et à l’étranger en bibliothèques, salons et galeries depuis 2001. http://www.gladysbregeon.net
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Mathieu Van Assche Perte et profusion Où et quand sommes-nous ? Le Bruxelles de Breughel ou celui d’aujourd’hui ? Ni l’un ni l’autre. Les gravures de Mathieu Van Assche nous transposent dans des univers parallèles difficiles à situer dans le temps et l’espace. Face à eux, nous perdons nos repères. Entre l’image de départ et le résultat final, il opère un véritable brouillage de pistes. De l’une à l’autre, une alchimie qui sacre la perte et la profusion : tel élément a disparu en cours de route, tel a surgi de façon inattendue. Quand on lui pose la question, l’intéressé pointe un décalage : “Il y a souvent une différence entre l’image que j’imagine et l’image que j’obtiens. La technique et la façon dont je travaille provoquent ou suscitent parfois l’accident. Même si c’est parfois un exercice compliqué, l’idée de ne pas toujours avoir le contrôle sur ce qui se passe sur la plaque de cuivre et de travailler parfois un peu à l’instinct — techniquement, mais aussi dans la construction de la composition — me plaît bien.” Le tout pour un savant brouillage panachant les techniques, les textures et les sources visuelles pour faire naître la confusion. La démarche évoque Michel Foucault qui affirmait pratiquer l’écriture parce qu’il ne savait pas où celle-ci allait le mener. C’est pareil pour Van Assche qui n’aime rien tant que se confronter à la matière et aux acidités. Il provoque l’accident pour que
celui-ci vienne conférer une teinte imprévue à son travail. Chaque pièce s’écrit entre hasard et nécessité, maîtrise et aléatoire. Son œuvre est traversée de “yokai”, les fameux démons de l’imagerie nippone, de spectres et d’autres silhouettes aux contours monstrueux… tout ce bestiaire renforce l’inquiétante étrangeté — la fameuse “Unheimlichkeit — du quotidien. On aime tout particulièrement les gravures inspirées par le Carnaval sauvage, cet évènement annuel, autonome et marginal qui se déroule dans son fief, le quartier des Marolles. S’inspirant d’images prises à l’occasion de ce cortège désorganisé, Mathieu sublime le caractère monstrueux de cette fête païenne en l’emmenant vers — encore — plus de chaos et de désobéissance. Les visages et les présences humaines sont gommés au profit d’un univers enflé et grimaçant dont Bruxelles constitue la toile de fond. Le lien qui s’établit spontanément entre les déguisements de fortune et la référence qui frappe l’esprit — l’esthétique pratiquée par le photographe Charles Fréger, notamment à travers sa série Wilder Mann — n’en est que plus évident. Les compositions en aquatinte ne font pas seulement de remonter les siècles, elles font également toucher à une dimension d’onirisme. Il n’en faut pas plus pour approcher avec ces rêveries éveillées de l’enfance, parenthèses lors desquelles le réel retrouve sa magie première. Michel Verlinden
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Graphiste, illustrateur, graveur, Mathieu Van Assche vit et travaille Ă Bruxelles en Belgique. http://www.mathieuvanassche.com
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Page 18 : Fanfarons sauvages. 2016. transfert photocopie thinner, aquatinte, eau forte (40x50cm). Page 19 : Sauvage. 2016. transfert photocopie thinner, aquatinte, eau forte (50x70cm). Page 26 : Sauvage#1. 2016. Eau forte et aquatinte (30x40cm). Jeu de balle, jeu de vilains, 2016. Eau forte et aquatinte (30x40cm). Page 21 : Sabbat aux Marolles. 2017. photopolymère, aquatinte (40x50cm). Sorcières. 2017 : Photopolymère, aquatinte (50x40cm). Dia de Muertos. 2017 : Eau forte et aquatinte (30x40cm).
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Florence Bernard nĂŠe en 1985, vit et travaille Ă Paris, France. http://cargocollective.com/florencebernard
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Florence Bernard NEUROGENÈSES Lorsqu’on pénètre dans l’univers de l’artiste, c’est en premier lieu le relief qui vous prend et progressivement vous emmène à la découverte d’êtres mythiques ou peut-être existants… La question se pose en réalité tant qu’on n’est pas pris dans la toile et que l’on épouse la gravure dans ses courbes et ses sillons. Et force est de constater qu’on est en permanence tenté de le faire, qu’on s’accroche à la raison plus qu’on ne la sollicite, qu’on croit reconnaître tantôt un elfe, tantôt un corps calleux reliant deux hémisphères chimériques, qu’on essaye de s’en extirper pour mieux replonger dans ces bleus profonds ou ces ocres lancinants. Là émerge l’ombre larvée d’un tyrannosaure. Ici à coup sûr des connexions nerveuses, et ailleurs des têtards, juste après l’éclosion. Mais ces œuvres fossilisées qui s’étirent parfois à l’infini sont-elles le fruit de l’imaginaire ou un lent travail de recomposition d’images de la science ? C’est là que la magie opère. Que l’objet artistique se fonde dans une anatomie qui nous porte plus qu’elle nous révèle, qu’il est assujetti à un regard et à une posture desquels on ne peut s’extraire. Le spectateur oscille entre deux choix : se fondre dans une neurogenèse fossile, qu’elle ait trait à l’organe de la pensée ou à l’organe cosmique, ou ne pas se régénérer. Ce second choix le privant de découvrir tout de la mythologie stellaire et neurale, si tant est qu’elles aient un lien pyriforme aboutissant à des formes chaotiques voisines. Car c’est là tout l’enjeu d’une approche contemporaine de la biodiversité et du sens des mémoires de la vie que l’art hybride de Florence Bernard met en relief au plus haut.
Évoquer sans figer. Défrayer sans caricaturer. Oser sans imposer. Graver sans grever. Photographier à nu. Jouer avec les limites et les imaginaires, sans jamais outrepasser son rôle d’observatrice, d’artiste, de chercheuse en art. Tel est l’univers dans lequel nous pénétrons. Un univers feutré et aigu à la fois, tant le relief imprime de puissance là où l’image tend à fuir, tant la couleur adoucit là où le sceau grave en profondeur, tant la troisième dimension s’ouvre sur ce bestiaire mythologique où à l’aune d’une mutabilité, nous nous reconnaissons. Questions béantes sur le trait évolutif empreintes de la marque de l’homme. De ses déités passées c o m m e à v e n i r. D e s o n anthropomorphisme qui conduisit à ôter toute âme à l’animalité pour après la déifier et ensuite l’instrumentaliser. Abords sournois et comme pris dans l’estampe, ne revendiquant rien d’autre que le squelette d’un questionnement. Là plus encore, ces résonnances sibyllines qui au siècle de la neuroimagerie prennent une tournure surréaliste, tant on ne sait si c’est un axolotl qui habite le cerveau d’un homme ou si c’est sa corne d’Ammon qui a poussé et déformé ses structures centrales pour les rendre malléables et hallucinatoires. Quoiqu’il en soit, il s’agit indéniablement de la découverte du plus ancien fossile du monde : un neurofossile ! Et ici la trame fictionnelle l’emporte sur la trame mémorielle. - On se souvient de milliers de neurones étoilés, mais qui des étoiles ou des neurones étaient en plus grand nombre ? Assurément, les premières… - On se souvient de la trace hippocampique, mais qui de la forme ou de la sculpture l’emportât ? Assurément la
seconde… - Peut-on vraiment remonter à ces temps préhistoriques et antédiluviens où l’hominidé prenait naissance, et plus encore à un originel informé ? Assurément, non. L’idée même d’informé ou de source totipotente des formes est une énigme en soi car elle contient un sens qui nous échappe si on n’y descelle pas la valeur intrinsèque de sa plasticité. Florence Bernard s’en saisit pour faire transparaître, disparaître, réapparaître des êtres structuraux qui habitent l’espace cérébral et interpellent au premier regard. On perçoit plus qu’on ne reconnaît l’intérieur de la boite crânienne, et ce n’est qu’en seconde lecture qu’on peut réellement l’identifier. Là, le mythe apparaît et nous fait oublier les vrais contours anatomiques des noyaux centraux du cerveau. Ici s’insinue une créature venue des profondeurs. Là encore, ce sont « les étoiles naissantes d’un système stellaire imaginaire » qui prennent vie dans un espace sidéral transfiguré. Et toute cette neurogenèse est porteuse d’espoir dans un monde en proie à l’irrationalité et aux peurs fratricides. Chaque trace synaptique s’étend jusqu’à la lie, jusqu’aux confins du vivant, pour nous rappeler notre condition de trace d’étoile. La boucle est bouclée. Et l’artiste l’affirme en gravant son sceau pour l’éternité. MARC-WILLIAMS DEBONO 08 AVRIL 2017
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Page 22 : Grand neurofossile, 2015, macrophotographie de gaufrage sur papier, 90 x 60 cm. Page 24 et 25 : Bestiaire mythologique, 2016-2017, série de douze macrophotographies de gaufrages sur papier, 60 x 60 cm. Page 26 : Série de neurofossiles, 2015, macrophotographie de gaufrage sur papier, 122 x 76 cm. Page 27 : Bestiaire mythologique, 2016-2017, série de douze linogravures, 20 x 20 cm.
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Chantal Harvey
Artiste graveur, Chantal Harvey est établie à Baie-Johan-Beetz sur la Côte-Nord du Québec au Canada, où elle poursuit sa recherche en estampe. Elle a présenté son travail lors d’expositions individuelles et collectives au Québec et à l’étranger, notamment au Japon, en Pologne, au Brésil, en Yougoslavie, en Hongrie, en Finlande, en Australie, en France et au Mexique. Membre active d’Engramme, centre de production et de création en estampe actuelle de Québec, elle est également l’une des fondatrices du regroupement d’artistes professionnels en art
http://www.chantalharvey.com
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actuel de la Côte-Nord, PANACHE art actuel. En 2006, elle recevait le Prix à la création artistique du CALQ, et en 2005, 2008 et 2016, le prix de la Personnalité artistique du Conseil de la culture et des communications de la Côte-Nord. En 2014, Chantal Harvey recevait le prix du CALQ — œuvre de l’année en Côte-Nord, pour le premier volet du corpus Forêt-Noire.
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Page 28: Ours extrait de la série Entre chien et loup, réalisée en 2011, 56 cm x 76 cm, tirage de 4 épreuves. Page 29 : Quétachou, BFKRives, 76 cm x 115 cm, Xylogravure. Page 30 et 31 : Œuvre panoramique réalisée en duo avec René Derouin. L’ensemble compte 23 xylogravures monochromes imprimées sur papier BFK Rives, 56 cm x 76 cm. Page 32: Nitassinan Rocca, 2008-2009. Corpus présenté dans un environnement sonore, 240 x 240 cm.
Collections privées et publiques : • Musée d’art contemporain de Chamalières, France. • Bibliothèque nationale du Québec. • Bibliothèque nationale du Canada. • Fédération des Caisses Desjardins. • Air Canada, Montréal. • Loto-Québec, Montréal. • Bibliothèque Gabrielle-Roy, Québec.
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Pascal Hémery Graveur et plasticien, mon travail est centré sur la représentation de l’Homme, de son rapport à la Terre et à son origine. Ainsi, tout en développant l’usage des nouvelles technologies (imagerie numérique, informatique, vidéo, etc.), j’utilise les matériaux fondamentaux qui ont toujours accompagné l’homme dans son évolution : l’eau, la terre, le fer et le feu. De même que la terre et l’eau renvoient à l’origine de la vie, le fer et le feu renvoient à celle de l’organisation sociale et du sacré. Pascal Hémery, 2017
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Oxygraphie estampe par le fer et le feu
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Parallèlement à mon activité de graveur, je développe depuis 1994 avec la complicité de l’artificier Jean-Marc Vannier, une technique singulière d’estampage basée sur le principe physico-chimique de l’oxydo-réduction et qui me permet d’obtenir des estampes colorées, des oxygraphies, sans apport d’encre ni autre colorant et dont la phase finale est une réduction par le feu à l’aide d’explosif. Ces estampes ignées, sur papier ou sur textile, sont le résultat des énergies combinées du fer, de l’eau et du feu, pour exprimer la figure humaine. Chacun des exemplaires conserve son originalité liée à l’énergie propre des matériaux utilisés, le fer et le feu et aux nombreux paramètres impliqués dans le processus de fabrication. Ce sont des estampes au sens propre du terme, exclusivement réalisées à partir de matrices originales en acier.
Pascal HEMERY vit et travail à la Laiterie, à Gif-surYvette en France. De 1975 à 1980, il étudie aux Beaux-Arts de Paris. En 1994, il rencontre l’artificier Jean-Marc Vannier, avec qui il élabore une technique singulière d’estampage par le feu : l’Oxygraphie. Depuis 1995, Pascal Hemery travaille avec les Ateliers MORET (Paris) et développe un système de gravure monumentale sur acier dans le cadre de commandes publiques (Suresnes, Privas). Il participe à de nombreuses manifestations d’estampe et de gravure en France et à l’étranger. En 2012, il entame le cycle 100 Figures pour Anthony avec Anthony MUNGIN, poète et condamné à mort en Floride, USA. http://www.art-scenique.org
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La figure Ce travail basé sur l’énergie des matériaux fondamentaux est indissociable de l’aventure de l’homme, c’est pourquoi je présente des portraits intimement liés à mes expériences humaines et artistiques. Depuis 2012, je travaille essentiellement sur le portrait d’Anthony Mungin, poète noir américain, injustement condamné à mort depuis 24 ans en Floride aux USA et avec qui j’entretiens une relation fraternelle et artistique avec le cycle 100 figures pour Anthony. Cette dernière année, pour les 10 ans de sa disparition en 2006, j’ai réalisé également plusieurs estampes sur la figure de mon ami artificier, Jean-Marc Vannier avec qui j’ai finalisé le procédé de l’oxygraphie.
Extrait d’un texte de Béatrice Comte « Silhouettes et visages émergent du magma, brûlant d’un feu intérieur. Violente, la sensation n’est pas trompeuse. Hemery expose en effet des oxygraphies, estampes dont les ocres déclinés ne doivent rien au pigment et tout à l’oxydation, et dont les formes ultimes furent révélées par une mise à feu sous poudre d’artificier. Cette technique sophistiquée laisse généreusement la part au hasard et compte avec les forces obscures. Des multiples savoirs dont elle représente la conjonction — dessin, chimie, chorégraphie, anthropologie, métaphysique —, voici le plus précieux : l’abandon, lors d’étapes cruciales, de l’acte de faire au temps, au métal, à l’eau, au feu. La fusion révèle et modifie les formes existantes, les détruit, en crée de nouvelles. La proposition d’origine s’infléchit sous la puissance à peine maîtrisée des quatre éléments. L’œuvre achevée garde sensible la trace de sa genèse démiurgique. “ Béatrice Comte
Page 34 :Figure, profile, oxygraphie sur papier, 135 cm x 101 cm, 2017. Lettres pour Anthony, oxygraphie sur textile, 202 cm x 101 cm, 2015. Page 35 Mise à feu d’une oxygraphie. Page 36:. Figure 1, profile, oxygraphie sur papier, 30 cm x 30 cm, 2016. Figure 2, face, oxygraphie sur papier, 30 cm x 30 cm, 2016. Figure 3, face, oxygraphie sur papier, 30 cm x 30 cm, 2016. Page 37: Figures magnétiques, oxygraphie sur papier, 135 cm x 101 cm, 2017.
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La gravure de Carole Texier L
’on déchiffre avec un vif intérêt ces gravures authentiques, singulières, réalisées au burin sur papier japon dans la diversité d’une écriture cependant toujours reconnaissable. Rencontrer Carole Texier, c’est découvrir une artiste passionnée par ce travail patient, incertain qu’est la gravure. D’emblée on devine une détermination à évoquer des thèmes personnels entre le spirituel et l’humain. En des lignes décisives, un graphisme volontaire, une certaine gestualité et la spontanéité vibrante du dessin aussi libre que juste, souvent elliptique, l’artiste crée une œuvre à la forte charge expressive. Avec ardeur et rigueur, elle conduit sa pointe sur le métal et mène ainsi son aventure dans l’aisance du geste en un tracé sensible qui traduit l’émotion. Si l’être humain est un sujet récurrent, il y a dans cette création une part de divin.
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Carole Texier est née en 1972 et débute la gravure en 2010 à l’Estampe de Chaville.
Quelques expositions collectives récentes : 2016-17 : Guanlan (Chine), Awagami et TKO (Japon), Erevan (Arménie), Séville (Espagne). Saint Maur, Chaville, Dreux, Garches, Salon d’Automne, Pointe & Burin, Galerie Vivienne (Paris), salon Pages (Paris). Distinctions : 2017 : Prix Paul Gonnand, Print Biennale Yerevan (mention honorable). 2016 : Prix Taylor, Prix Robert Beltz (livre d’artiste), Prix ADAGP (livre d’artiste), Prix Charbonnel. 2013 & 2015 : Awagami Miniprint (mentions honorables).
Page 38 : Foule 1, linogravure, 100 x 70 cm. Page 39 : Têtes, burin, 12 x 12 cm chacune. Page 40 : “Têtes, burin sur papier japon, 38 x 20 cm. série signica, burin, 24 x 18 cm. Page 41: Foule 3, linogravure, 65x 45 cm. Photos: Philippe Contal / Jean-Marc Lailheugue. http://www.caroletexier.com/
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Dans ses premières gravures sur bois de pénitents, figures puissantes, schématiques, la vibration des noirs suggère le contour des corps en de forts contrastes avec le blanc du support.
CaroleTexier
par le dessin de modèles vivants.
a commencé sa vie artistique
Elle n’a pas perdu ce goût de la ligne et elle exécute de nombreux dessins préparatoires, à l’encre de Chine, avant d’entreprendre une gravure. Son œuvre se nourrit de ses observations, à Séville en particulier, où elle séjourne longuement chaque année. Procession des pénitents, découverte d’orants ibériques dans les musées et de crucifiés dans les églises, mais aussi elle saisit l’atmosphère de la ville. Carole Texier réalise une œuvre résolument contemporaine, proposant des créations souvent composées de fragments allusifs d’une réalité décantée et qui, cependant, n’oublie pas l’héritage du passé.
Plus on observe l’œuvre de cette artiste, plus on perçoit qu’elle est porteuse de la recherche entre l’homme et le divin. Une question essentielle, posée par le graveur qui évoque toujours cette quête dans ses créations récentes. Par l’étirement des corps, leur verticalité, lien entre terre et ciel, bras levés parfois ; en signe d’appel ? En dépit de la démesure de leur taille, ces êtres filiformes, animés de vie, conservent leur humanité dans une grande souplesse du trait. Émouvants les Christs au visage peu lisible, libérés de leur Croix, mais expressifs, ils sont images de la douleur, de l’abandon, réalisées en une stylisation non privée d’émotion. Certains semblent danser ou voler. Que veulent nous dire ces figures sculpturales, simplifiées, presque des crânes, si fortement expressives et cependant réduites à l’essentiel ? Crient-elles leur souffrance ou sontelles en attente du meilleur ? Elles impressionnent par leur présence et le mystère, la vérité qui s’en dégagent. L’artiste révèle une empathie avec ces êtres démunis autant qu’avec les foules anonymes qu’elle évoque en un ensemble compact et harmonieux. Serrés, multiples, ils ne forment qu’une masse vivante, émouvante. Dans ces compositions, Carole Texier oppose plein et vide, communiquant plus de force encore à son sujet. Ses dernières créations de foule deviennent plus contrastées encore par les aplats de noirs vigoureux éclairés du blanc du papier ; vie et mouvement apparaissent plus intenses et conservent cette belle liberté du geste initial. Si personnelle dans sa pensée, sa concision et son expression, cette œuvre suscite la réflexion dans une beauté plastique toute en retenue.
Nicole Lamothe Critique d’art
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Louis Daliers É
crire au sujet de mon travail de graveur est difficile.
Le mot travail ne me convient pas. Il me semble qu’il s’agit de quelque chose de plus profond, une activité indispensable qui permet de matérialiser les projets que j’ai en tête, en toute liberté.
Surtout j’aime imprimer.
Né le 18 août 1936. Sortit diplômé de la Cambre en juin 1957 avec distinction. Architecte d’intérieur toute sa vie professionnelle. Depuis une quinzaine d’années, Louis Daliers a repris ses études artistiques. Louis Daliers est présent dans différentes collections publiques et privées. Musée de U.LB Bruxelles, Musée de la Boverie Liège, Centre de la gravure et de l’image imprimée La Louvière, Galerie K1L, Belgique Il vit et travaille à Lasne et à l’Ecole des Arts de Wavre, dans le Brabant Wallon, en Belgique. –
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C
es deux dernières années, Louis Daliers a principalement travaillé le monotype sur carton ondulé.
« Cette pratique permet l’improvisation en toute liberté, la technique étant simple et presque immédiate. Elle oblige à imprimer soi-même chaque œuvre, ce qui lui donne toute sa valeur. » Avant impression, les cartons ondulés sont travaillés, défoncés.... Selon le graphique souhaité, ils sont en quelque sorte gravés. Les plaques sont encrées selon l’intensité désirée et imprimées en un ou plusieurs passages sur les cartons.
Cela donne trois types d’œuvres : – Des monotypes, résultant des traces laissées sur la plaque, puis imprimées sur papier Awagami. Certaines pièces sont complétées par une seconde impression au pochoir. – Les cartons ondulés imprimés sont eux-mêmes présentés collés sur carton, certains sont complétés par des collages. – D’autres pièces sont marouflées sur toile ; elles sont parfois retravaillées par collages de nouveaux éléments en carton imprimé. Louis Daliers .
Page 42 : Carton ondulé imprimé collé sur carton 50 x 70. Page 45 : Monotype imprimé sur papier Awagami format 70 x 50. Carton ondulé imprimé marouflé sur toile format 70 x 70 et boîte garnie de différents cartons ondulés imprimés, collage 15 x 22.
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David Yaron
David Yaron est né en Israël dans les années 1950. Depuis une quarantaine d’années, David vit en Belgique. Il fréquente l’école des Arts de Wavre et est diplômé de l’atelier de dessin, peinture, céramique et gravure. Une publication lui sera consacrée, par les éditions K1L, en 2018.
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Tous les travaux prĂŠsentĂŠs sont des monotypes sur textes manuscrits.
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Amandine Vervloet enneit tnemerdneT Je ne te vois pas. Tu m’effleures, Je t’aperçois. Je te découvre. Je caresse. À la recherche de tes formes. Je parcours. Timide. Ton visage est doux. Ton corps est infini. Ta peau frissonne. Tu m’inspires. Je dévore tout ton corps. Ton goût sucré. Je t’inspire. Je crois que tu souris. Ton souffle me tend, tendrement Durement. Tu murmures. Tu susurres. Tu t’essouffle. Je te tiens. Tu m’échappes. Je ne te touche plus. Tu n’es plus. L’univers rapetisse. Ton nom s’efface.
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C
e travail s’inscrit dans une démarche artistique dédiée aux personnes non voyantes. L’objectif final était, pour mon mémoire, la mise en place d’un événement qui serait entièrement consacré aux non-voyants : la création d’une exposition composée d’une dizaine de gravures grand format portant sur le thème du partage et de la sensualité. Qui s’est déroulée en finalité à la galerie CDLT. Pour mieux comprendre et appréhender les besoins spécifiques liés au projet, j’ai effectué de nombreuses recherches et récolté plusieurs témoignages qui m’ont beaucoup touchée et qui m’ont d’autant plus donné envie de m’y investir. Ce projet est conséquent et prend tout son sens dans la formation que j’ai reçue. C’est pourquoi j’y ai consacré ma dernière année d’étude artistique et je souhaite, si possible, le développer encore par la suite. Le souhait de monter une exposition grands formats destinée aux personnes non voyantes a mûri suite à un premier travail effectué dans le cadre du cours de gravure en début année scolaire : l’élaboration d’un livre pour nonvoyants en braille et gaufrage. Cette idée m’est venue naturellement quand une amie logopède, Constance Martin, m’a dit qu’elle faisait une formation complémentaire dans l’apprentissage du braille et de la langue des signes. Je cherchais un projet de gravure et lors d’une discussion où elle évoquait ses cours, je lui ai proposé de m’aider à réaliser un premier
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livre de textes poétiques illustrés destiné aux non-voyants. Ce recueil d’une quinzaine de pages est composé de courts textes personnels traduits en braille et illustrés par des gravures en gaufrage. Il aborde les thèmes de la sensualité et de l’échange entre deux personnes, dans une atmosphère que je voudrais douce et intime. Ce modèle a donné suite à deux déclinaisons : un livre pour personnes malvoyantes et un livre pour voyants dont les caractéristiques visuelles et la démarche tant technique qu’artistique sont complètement différentes. C’est un exercice assez compliqué dans un premier temps, mais qui s’est avéré très ludique également. J’ai tenu à traiter les textes de la même manière en mettant l’accent sur la perception et la vision que pourraient avoir ces trois groupes de personnes. Cet exercice de déclinaisons d’un même projet en trois livres pour des publics différents a nécessité une réelle prise de distance dans la créativité et un œil neuf sur mon propre travail. Ce projet n’aurait pas été possible sans l’aise précieuse de mon amie Constance Martin, logopède de formation (braille et langue des signes).
Amandine Vervloet vit, étudie et travaille à Liège en Belgique.
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Shirley Sharoff « Le tout est plus grand que la somme de ses parties » (Aristote) résume ma conception du livre d’artiste. Le texte, les visuels, la typographie, la mise en page, la forme du livre, l’emboîtage, tout contribue à faire une œuvre. Ce qui me pousse à faire des livres d’artiste, c’est la flexibilité et l’invention sans limites qu’on peut porter à ce médium. Le livre se situe au fil du temps à travers l’ouverture et la fermeture des pages. On ouvre et on commence le voyage qui a une certaine durée. Aucune page ne ressemble à une autre, comme le paysage, vu par la fenêtre d’un train, qui se déroule devant nos yeux. La forme est inspirée par le sujet ou le texte. Par exemple, « La Marelle » (Hopscotch) basée sur un texte de Raymond Queneau est l’équivalent en papier de ce jeu, crayonné sur le trottoir par les enfants. Dans les « Vagues » (The Waves) de Virginia Woolf, les pages sont découpées pour ressembler à des vagues qui déferlent sur la plage. Pour les « Bruits », j’ai découpé 5 lamelles de papier portant chacune l’écriture d’un son qu’on peut entendre dans la ville : les voitures, les trains, les chats, les pas des piétons, les objets qui se heurtent.
Originaire de Brooklyn, New York, je vis et travaille à Paris et Montreuil depuis des années. J’ai étudié la gravure à l’atelier Friedlaender et à l’École des Beaux Arts. Pendant les années 80, j’ai découvert le livre d’artiste contemporain, une forme d’art qui a un passé glorieux en France, mais limité à un certain concept. En 1987-88, j’ai passé une année à Pékin comme enseignante de langue anglaise, ce qui dès mon retour m’a amené à créer « La Grande Muraille », et a encouragé ma fascination pour la culture et la langue chinoise. Shirley Sharoff
Au début, quand j’ai commencé à faire des livres, j’utilisais seulement la gravure comme visuel, mais aujourd’hui, je mélange gravure, découpage, pop-up, chiffres et photos. Les textes sont tous composés en plomb mobile.
Shirley Sharoff vit et travaille à Montreuil en France Elle a étudié l’Histoire et les Beaux Arts au Brooklyn College, Université de la Ville de New York ; Atelier de gravure Friedlaender (1967 – 70), École des Beaux Arts, Paris, section gravure (1970 – 77) En tant que graveur et editeur de ses propres livres d’artiste, elle essaie d’élargir le champ du livre. Certains se plient, déplient et se mettent debout. Elle utilise découpages, collages, photos et gravures comme support graphique. Ses livres les plus récents ont comme sujets la marelle (La Marelle à Trois Temps), les bruits de la ville, un abécédaire prophétique, et les aphorismes. Ses œuvres se trouvent dans des bibliothèques et des collections en France, UK, Allemagne et aux États-Unis. http://shirleysharoff.free.fr/
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ArtPontiac
Une gravure canadienne innovante dans un lieu surprenant. Installé dans le village historique de Portage-du-Fort (Québec), ArtPontiac est une école qui attire des graveurs sous l’accompagnement de Robert Hinchley pour explorer les limites de cette forme d’art. Les médiums utilisés à ArtPontiac sont le monoprint, l’eauforte, la gravure sur bois et sur linoléum, la pointe sèche, le collagraphe et le chine encollé. On y fait aussi des expériences à partir d’acides non toxiques et écologiques pour y développer des plaques d’aluminium (beaucoup moins cher que le cuivre et le zinc) en se basant sur les recherches de l’Américain Nik Semenoffe. Les travaux sont souvent inspirés par la découverte et l’expérimentation des différents médiums. Les tirages sont exécutés en petit nombre ou sont développés en tant qu’image unique (au lieu de plus grandes éditions). ArtPontiac offre aussi des cours sur divers médiums et présente des expositions dans deux galeries. Un programme de résidence qui inclut l’estampe est offert chaque année au mois de juillet.
Dans cet environnement créatif, Sylvia Bretzloff tente de capturer les qualités physiques et spirituelles du paysage de la vallée de l’Outaouais. Les forêts, les montagnes, les lacs et les rivières sont exprimés en traits larges en utilisant la technique du sucre pour graver les images sur des plaques de zinc. Puis ils sont imprimés à la poupée. Vivre près de la nature inspire Valerie Bridgeman. La région du Pontiac offre une large variété de sources pour les matériaux. Pour ceux qui recherchent l’inspiration créatrice dans leur environnement, la terre, les plantes, le ciel et l’eau sont abondants ici, ainsi que les forêts verdoyantes et les villages pittoresques. Elle a recours à ses compétences avec la gravure pour introduire ces influences. Louise Guay aime en particulier la flexibilité et la variété de techniques que la gravure offre. Elle explore les liens entre les couleurs, les lignes, les formes pour tout ce qu’elle voit dans la nature ou dans les objets créés par l’homme. Elle reproduit ce qu’elle sent sous forme abstraite, toujours en quête de l’inattendu. Dale Shutt travaille dans le milieu de la peinture à la main sur soie depuis 40 ans. Ces dernières années, après avoir suivi des cours de gravure offerts par ArtPontiac, son travail a pris une nouvelle direction. Elle a combiné les techniques d’impression sur bois et peinture sur soie pour créer des impressions uniques. L’instructeur Robert Hinchley est peintre et graveur. Il est diplômé de l’Ontario College of Art (OCAD U) à Toronto. Son travail récent est lié à l’environnement naturel qu’il trouve en vivant et travaillant dans la vallée de l’Outaouais et à la qualité expressive du médium. Il est garant de plusieurs prix et ses œuvres sont exposées dans plusieurs galeries. ArtPontiac Box 1063 Shawville (Québec) J0X 2Y0 819-647-2291 info@artpontiac.com http://www.artpontiac.com
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Page 56 : Dale Shutt, From a canoe Moonlight Ride, Xylogravure sur peinture sur soie, 50 x 60 cm, 2017. Robert Hichley , On the River, pointe sèche sur papier, 30 x 50 cm, 2014. Page 57: Louise Guay Échange, collagraphie, 18 x 14 cm, 2014. Valerie Bridgeman, Grasses, Pointe sèche, 22 x 30.5 cm, 2015. Robert Hichley, Lake, xylogravure et chine collé, 60.1 x 60.1 cm, 2012 Sylvia Bretzloff, La Tempête, eau-forte, sucre sur zinc, 30 x 23 cm, 2016.
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Jean-Luc Parant, « La nuit les yeux ont disparu du visage », 2014, linogravure-typographique, 12 exemplaires. Titi et Jean-Luc Parant, « La nuit est-elle un miroir à travers lequel nous nous regardons de dos ? », 2015, gravure, 25 exemplaires. Valère Novarina, livre d’artiste « 8 Personnages du drame de la vie », 2013, 35 exemplaires comportant chacun 8 gravures.
Atelier Marie-Sol Parant
Pierre Pinoncelli, « CORPS à CORPS avec l’âme », 2016, 25 exemplaires.
Un livre, c’est un texte qui prend corps, c’est la matière de chacun des auteurs, nous donnant à voir un nouvel angle de vue sur leurs recherches : Michel Butor explore le texte jusqu’à parler du texte lui-même pris dans la page. Valère Novarina explore le langage. Pierre Tilman explore le mot SYSTÈME. Virgile Novarina explore les profondeurs du sommeil. Titi Parant explore l’espace qui l’éclaire. Jean-Luc Parant explore la vue et le toucher. Pierre Pinoncelli explore son corps « né malgré lui ». Eduardo Kac explore le vivant. Mettre au monde des livres d’artiste c’est voyager au centre de l’homme. Marie-Sol Parant Marie-Sol Parant vit et travaille à Fresnay le Samson, en France. http://www.ateliermariesolparant.com/
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En Somme livre-boîte réalisé à l’occasion de la performance de Virgile Novarina intitulée En Somme, qui a eu lieu dans la vitrine de l’Inlassable Galerie, à Paris, en 2013. Sous la forme d’une vitrine miniature (25 x 35 x 9 cm), la boîte contient tout ce qu’il s’est passé pendant la semaine de la performance : un CD (Ouvert la nuit , émission de radio sur France Inter), un DVD des films Autour du sommeil de Virgile Novarina (2005, 12’) et Virgile dort, 6 esquisses pour un film de Jean Seban (2013, 21’), un livret de 32 pages (entretien, photos, articles de presse), un masque bleu, une boîte de boules Quiès, et un écrit de nuit original. Cette édition se limite à 25 exemplaires signés et numérotés. Conçu et réalisé par l’atelier Marie-Sol Parant et l’Inlassable Galerie en 2013.
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ENCHÂSSEMENT & VERTU DE L’ENCHÂSSÉ à propos des réalisations de Marie-Sol Parant par Christophe CORP
Dans les rêves de Marie-Sol Parant, il y a toujours de petites boîtes, des boîtes petites qui grandissent au gré du temps, une forêt de boîtes comme pour cacher l’arbre, l’arbre invisible et bleu qui dit la condition humaine, celle qui n’a pas besoin d’aller à l’école pour côtoyer la littérature et les hommes de lettres les plus grands, comme en témoignent les réalisations multiples de son atelier avec les plus grands noms de la littérature. Dans les rêves de Marie-Sol Parant, l’âne n’est jamais très loin, cendré et doux comme une caresse donnée à voir, au gré suave et légèrement velu d’un papier mis au service du mot. Dans les rêves de Marie-Sol Parant, la main approche toujours la main, celle de l’artiste dont elle a décidé d’embrasser l’œuvre et pour ainsi dire l’enchâsser, en une communion faite de papiers, de couleurs et de dessins. Cette main c’est la même main que celle du paysan, la main terreuse de l’humble qui vient de bêcher la terre ou de ramasser les œufs frais à son poulailler. C’est cette même main qui sait façonner le livre d’artiste comme on laboure une planche avant de l’ensemencer d’étoiles. L’imaginaire de Marie-Sol Parant n’est pas seulement boîte, il est aussi fourmi, menue fourmi rêveuse qui va son chemin de solitude entre les papiers jusqu’à la source humide du désir de faire, de toucher, d’exhausser. La fourmi y construit toujours au milieu du papier, les rêves endormis
du passé, lorsque l’enfant caracole au milieu des forêts de signes, sans encore savoir lire leurs sons, comme au milieu d’un grand lac bleu émeraude, voguant à construire l’innocence. C’est toujours ce souvenir intact d’un monde d’avant la lecture et pour ainsi dire d’avant la civilisation, un monde sauvage d’innocence vraie, que vous découvrirez au gré savamment furieux et sauvage des livres d’artiste de celle qui marie toujours le soleil à elle, au gré de circonvolutions fécondes. Car on se perd souvent dans les livres d’artiste de Marie-Sol, comme en un labyrinthe, ou mieux comme en un enchâssement. C’est d’ailleurs le mot qui convient le mieux à cet imaginaire, un imaginaire à l’œuvre de ses mains, qui aime sertir et enchâsser comme qui dirait adouber l’œuvre de celui qui d’un regard, d’un geste ou d’un mot écrit sur la page, plus sensuel ou matériel que les autres, l’adouba pour l’éternité. Acceptez donc de vous laisser perdre un moment, au gré de ces réalisations d’artiste communiant avec des artistes choisis ; vous ne vous y retrouverez que mieux, sauvage et toujours solaire. Frontignan, au gré bleu de la Méditerranée, 22 mai 2017
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Philippe Dessein
Fissures, craquelures et autres écaillures Vit et travaille à Tours Membre de l’association des joyeux graveurs de La CAGE D’ESCALIER « et de la galerie associative “LYEUXCOMMUNS ‘, il coorganise ‘La P’tit’ Edit’ qui propose la découverte de livres d’artiste dans divers lieux du Vieux Tours, en septembre. Il découvre la gravure aux Beaux-Arts de Toulouse dans l’atelier de Jean-Luc Fauvel et poursuit son apprentissage avec YvesMarie Heude à Paris I Sorbonne. Son attrait pour l’estampe se confirme à l’école Estienne grâce à Caroline Bouyer. ‘À bon escient, à mon insu‘. Sa démarche se résume ainsi : ‘Comment graver sans inconnu devant soi ? ‘Réponse : l’utilisation, à bon escient, des outils et techniques se doit de préserver l’inattendu dans l’image, l’insu. Méthode et aléa. Tantôt labo, tantôt cuisine, l’atelier est lieu du rituel et de l’imprévu. Des recherches fructueuses ou non, sous les langes de la presse, surgit la surprise. Les eaux fortes : ‘Outre passé – Le grave mémoire ‘exposées à la galerie LYEUXCOMMUNS en 2014 ont fait l’objet d’une vidéo parue sur le blog poésie de’ La Quinzaine Littéraire’, consultable sur philippedessein.eklablog.fr ou lyeuxcommuns.fr
Philippe Dessein nous offre quelques recettes issues de son nouveau traité des ‘fissures, craquelures et autres écaillures.
Il vit et travaille à La Riche, dans le département d’Indre et Loire dans le centre de la France . http://philippedessein.eklablog.fr
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Patrick Corillon et un vagabondage blésois Pour fêter dignement son quarantième anniversaire, l’association Grife a demandé à Patrick Corillon de se joindre à nos regards. Blois est alors devenu pour lui un lieu magique vécu dans les pas de Robert-Houdin. Il a créé pour nous le guide que le célèbre magicien blésois Jean-Eugène Robert-Houdin a toujours rêvé de réaliser sans avoir eu le temps de le concrétiser. C’est maintenant chose faite sous la forme d’un coffret comprenant six livrets de promenade, exercices à remplir, et un livret de texte, L’Escalier magique de Robert-Houdin, exercice de reconstitution - L’Ombre du scarabée, accompagné d’un leporello. « On raconte – même si cela reste encore à prouver – que, durant ses années d’enfance à Blois, Robert-Houdin, lorsqu’il se promenait dans la ville, ressentait d’étranges impressions qui modifiaient son rapport à la réalité. Parfois, il s’imaginait marcher dans la rue comme s’il était un véritable fantôme mort depuis des centaines années ; d’autres fois, à l’inverse, c’était comme si la ville et ses habitants appartenaient au futur ou que lui-même n’était pas encore né ; à d’autres moments, il avait la
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sensation de n’être pas l’auteur des pensées qui s’agitaient dans sa tête, mais qu’une présence extérieure les lui imposait. Dans son journal, Robert-Houdin aurait attribué à ces impressions la naissance de sa vocation de magicien. Petit à petit, il se serait rendu compte que ces sensations étaient provoquées par la nature même de la ville de Blois : l’architecture de ses maisons, la forme des rues, la présence de la Loire, la disposition des coteaux, la fréquence des escaliers publics. Devenu conscient du “charme” exercé sur lui par la ville, RobertHoudin aurait cherché à en déterminer les causes particulières. Quels effets d’optique produit le puissant brouillard dû à la Loire ? Dans quels états psychologiques me mettent les ombres enchevêtrées des maisons aux pignons si caractéristiques ? Et l’étrange miroitement du soleil à travers les fenêtres en verre soufflé, que déclenche-t-il ? Et l’écho des cloches tournoyant au creux de la ville ?… »
Les Enfants rêveurs de Robert-Houdin (recto-verso du leporello, extrait) : L’Enfant au dragon mou, L’Enfant à l’Hercule tuyauté. livret7Recto_P5405C.pdf
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PROMENADE DES MOTIFS exercice de peinture
L’Escalier magique de Robert-Houdin, exercice de reconstitution L’Ombre du scarabée
Se promener au hasard dans la ville en ne gardant en mémoire que les motifs de papier peint entr’aperçus dans les maisons. À la fin de la promenade, ouvrir ce cahier et tenter d’y composer le dessin d’un motif qui fusionnerait tous ceux que l’on a gardés en tête. Pour les plus déterminés dans le projet, il est également possible d’imprimer ce motif commun, d’en tapisser les murs de son salon et de laisser entrouverte, été comme hiver, la fenêtre donnant sur la rue pour donner aux promeneurs l’impression de découvrir l’intérieur d’une maison typique, chargée du pur esprit de la ville de Blois.
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En me basant sur l’unique gravure d’époque qu’il nous reste de l’Escalier des âges de Robert-Houdin, j’ai pu en reconstruire une réplique. Par sa proximité avec son modèle, ce nouvel exemplaire est exactement comme je l’avais imaginé. Mais cela ne veut pas dire que je suis plus heureux pour la cause. Cela veut seulement dire qu’une période vient de se terminer : celle où je rêvais de cet escalier ; et qu’une nouvelle période s’ouvre à moi : celle de sa réalité. Passer du rêve à la réalité n’est pas donné à tout le monde. Si certains possèdent naturellement cette faculté, d’autres – et c’est mon cas – peuvent le vivre comme un véritable combat. C’est un combat contre soi-même, une déchirure entre la part de nous qui voudrait tant rester dans ses rêves et celle qui cherche à s’enraciner dans la réalité. Cet affrontement, je l’ai vraiment découvert lorsqu’à vingt ans, j’ai quitté Blois pour entreprendre mes études à Paris. Paris me faisait tellement rêver que quand je m’y suis retrouvé physiquement, j’ai eu peur d’être déçu par sa réalité. Je suis resté cloîtré dans ma chambre plus d’une semaine. Et puis un jour, je me suis jeté à l’eau. J’avais cependant pris la précaution de me rendre là où il était impossible de connaître la moindre désillusion : la Foire du Trône. Depuis tout petit, j’ai toujours adoré les fêtes foraines, leurs jeux de lumière, la musique qui résonne au lointain, le nom des attractions. Mais ce soir-là, ce qui m’avait fasciné, c’étaient les bonimenteurs. Je n’en avais jamais vu autant, ni d’aussi expressifs. À cette époque, subsistait encore une série d’attractions dont le succès reposait avant tout sur le talent des bonimenteurs pour appâter le public. […] Je me souviens… Patrick Corillon
N.B. : Il est important de renouveler régulièrement ces promenades afin de se tenir au courant des nouvelles tendances des motifs de papier peint, et d’en varier le parcours afin d’obtenir le point de vue le plus exhaustif (ne pas hésiter à noter et dater ses parcours sur le plan présenté dans les pages intérieures).
PROMENADE DES MOTIFS exercice de peinture Se promener au hasard dans la ville en ne gardant en mémoire que les motifs de papier peint entr’aperçus dans les maisons. À la fin de la promenade, ouvrir ce cahier et tenter d’y composer le dessin d’un motif qui fusionnerait tous ceux que l’on a gardés en tête. Pour les plus déterminés dans le projet, il est également possible d’imprimer ce motif commun, d’en tapisser les murs de son salon et de laisser entrouverte, été comme hiver, la fenêtre donnant sur la rue pour donner aux promeneurs l’impression de découvrir l’intérieur d’une maison typique, chargée du pur esprit de la ville de Blois. N.B. : Il est important de renouveler régulièrement ces promenades afin de se tenir au courant des nouvelles tendances des motifs de papier peint, et d’en varier le parcours afin d’obtenir le point de vue le plus exhaustif (ne pas hésiter à noter et dater ses parcours sur le plan présenté dans les pages intérieures). Patrick Corillon http://www.corillon.net
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l’association Grife
groupe de recherche d’initiation et de formation esthétique
L’association Grife est née de la rencontre de personnes qui, pour continuer un travail commun mené depuis 1971, décident d’unir leurs compétences dans les domaines artistiques et de les partager. Quarante ans d’amitié, d’échanges, de découvertes, d’ateliers, de stages, de voyages découvertes, d’expositions ont façonné le Grife et l’ont emmené dans de nombreuses directions. Après de multiples expériences et de réalisations de murs peints (à partir de 1976, plus de 1 000 m2 en cinq ans), l’association ouvrira à Chambord des ateliers pour enfants et pour adultes à Blois. En 1980, exposition Grandeur, Puissance et Rêves à Chambord ; en 1985, exposition Cerfs-volants du monde pour l’inauguration de la Halle aux grains à Blois, centre de congrès et scène nationale nouvellement créée ; en 1989, également à la Halle aux grains, exposition Nounours vivant, du grand fauve au confident, suivie d’expositions de groupe Nous avons tous 20 ans en 1997 et Polyptyques pour les 25 ans de l’association. Pour fêter son quarantième anniversaire, l’association revient vers Blois. Cette fois, il s’agit de proposer des regards, des émotions, des sensibilités sur cette ville que tous connaissent et parcourent quotidiennement. Ce seront deux expositions à la bibliothèque Abbé-Grégoire, Vagabondages 1 et 2, pour la fin de l’année. Il y a presque quinze ans, le hasard fait se croiser AnneMarie Piaulet, déléguée de l’association, et Dominique Mantel, peintre et graveur, qui a une presse à céder. La même année, nous pouvons aménager un rez-de-chaussée, installer une première presse et enfin réaliser le vieux rêve d’ouvrir un atelier de gravure. Avec Dominique pour faire remonter les vieux souvenirs de tirages, Jean-Marie Lemaire assure le début de l’atelier en 2004. Pierre Guérin reprendra le flambeau, rejoint par Marc Cosson, cette équipe toujours soutenue par Anne-Marie. Une quinzaine de personnes se répartissent autour de deux presses, en taille-douce comme en taille d’épargne. 2016 voit l’ouverture d’un atelier de collagraphie à l’initiative de Colette Papadopoulos avec Annie Caron.
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Du 15 décembre 2017 au 20 janvier 2018 Vagabondages blésois 1 Exposition de groupe : voir, revoir, redécouvrir, revisiter Blois (dessins, gravures, livres, peintures) ; créations de Patrick Corillon pour l’ouvrage ; Vagabondage historique : évocation de la création de l’association, des palissades de Paris à celles de Blois. Du 25 janvier au 17 février 2018 Vagabondages blésois 2 Fictions à partir de la ville de Blois et Vagabondages graphiques : présentation des créations graphiques, affiches et éditions de l’association réalisées durant les 40 années. Dany Baussier, Tissu urbain, collagraphie, 50 × 50 cm (feuille). Françoise Roullier, Vestiges, coffret en cuir peint 35 × 28 cm fermé, contenant une dizaine de planches gravées : eau-forte, gravure au sucre, complétées à l’aquarelle ou gaufrage pour certains feuillets. Anne-Marie Piaulet/Pierre Guérin, Déodat, bois, 10 × 10 cm. Marie-Claude Bousquet-Mélou, « 10 on-dit », Silure, Loire nucléaire, Les Éléphants, Crue centennale, linogravure, 20 × 42 cm (feuille). Pierre Guérin, Série ×10 : Déodat, bois, 38 × 38 cm au coup de planche. Marc Cosson, En attendant Élise, burin, 15 × 15 cm (cuvette). Christine Bouclet, Jeux d’impressions, bois imprimés sur voile de lin, 3 panneaux de 65 × 190 cm. Henri Leroux, Au fil des styles, bois, 8 × 18 cm chaque. Pascale Soulé, Au bout de ma rue, lino, 39,5 × 17,5 cm. Colette Papadopoulos, Cerfs-volants, collagraphie rebrodée, 15 × 30 cm. Annie Caron, Déchirures, collagraphie aquarellée, 12 × 15 cm.
La Magie du lieu – Sept promenades fantastiques à travers Blois d’après les illusions de Robert-Houdin, de Patrick Corillon, est en vente à l’association, 17, rue du Bourg-Neuf, 41000 Blois, France, 33 (0)2 54 74 40 01 association-grife@wanadoo.fr https://sites.google.com/site/grifeblois/ ainsi que dans les galeries K1L à Jodoigne et Brock’n’roll à La Louvière, en Belgique.
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La Fondation Taylor présente du jeudi 4 au samedi 26 janvier :
André Bongibault, graveur – lauréat du Grand Prix L. G. Baudry invite Hélène Danville, Lauréate du prix Jean Asselbergs 2017 et Carole Texier, Lauréate du prix Paul Gonnand 2017
La Fondation Taylor présente du jeudi 4 au samedi 27 janvier : LA TAILLE ET LE CRAYON Invitée d’honneur : Christine Gendre-Bergère Boucraut-Canini-Dumas-Guillet-laurent-Deneil
Page 68 : autoportarit issu d’une série de 12 gravures, 2014, 54 cm x 93 cm, eau-forte, 9 exemplaires dont 3 HC. 68
Fondation Taylor 1 rue La Bruyère 75009 Paris • Tél. 01 48 74 85 24 contact@taylor.fr • Ouverture des salles d’exposition du mardi au samedi de 13 h à 19 h
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Petits paysages d’écritures chaotiques, Monique Dohy „Voyager en train m’a souvent donné l’impression d’être dans les coulisses du monde. Quand il neige, je prends le train. L’épaisse mousse blanche recouvre le paysage. Émergent alors de petits débris épars, des morceaux de bois solitaires. La boue aussi recouvre tout quand un barrage cède. La terre trempée déferle sur les vallées et laisse derrière elle des villes et des villages dévastés. Et puis, il y a Alep et d’autres lieux ravagés, qui ne sont plus que des ruines. Les maisons éventrées, si encore debout écartèlent leurs charpentes sur une terre ramollie. Parfois, je lève les yeux vers un ciel serein où flottent des preuves d’atmosphère, des silences épais, et des agrès pendants. Parfois, le regard se règle sur l’horizon.“ M Dohy (extraits)
Petits paysages d’écritures chaotiques est édité par Eranthis éditions et Livre et Art. 150 exemplaires. Disponible à la libraire Livre et Art, Place des Sciences, 3, 1348 Louvainla-Neuve https://livre-et-art.be
Monique Dohy est diplômée de l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, section graphisme et image. Elle enseigne la gravure depuis 1997 à l’École d’art de Wavre et, depuis 2008, à l’Académie d’Anderlecht.
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Sérigraphie La sérigraphie est la méthode d’impression la plus populaire au monde. Elle permet d’imprimer sur une variété quasi infinie de supports avec une variété quasi infinie d’encres. L’univers visuel de la sérigraphie est incroyablement riche, et la diversité des effets et des textures fait de cette technique le véhicule parfait pour s’exprimer et laisser libre cours à sa créativité. Très facile d’utilisation, abordable et polyvalente, la sérigraphie séduit les amateurs comme les professionnels. L’ouvrage édité par les éditions Pyramid présente les conseils des plus grands maîtres de la discipline. De l’aménagement de son espace de travail au séchage, en passant par les différentes étapes de préparation et d’impression, les outils et les techniques sont détaillés et illustrés par des schémas et des photographies. Les studios experts de la discipline sont mis à l’honneur à travers une galerie de portraits et de créations. De Toronto à Berlin en passant par Athènes et Paris, c’est toute la modernité et l’incroyable diversité de la sérigraphie qui se dévoile au fil des pages.
Sérigraphie Livre cartonné — 240 pages, 20,5 x 25,5 cm 28,90 €
ISBN 978-2-35017-413-6
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