2014
EDITORIAL L’homme sur Mars : science et persévérance André Deschamps
Numéro
1
ENTRETIEN AVEC Fabrice Dambrine Ingénieur général des mines Président de la section Innovation, compétitivité et modernisation au Conseil général de l’économie
ÉNERGIE
TELECOMMUNICATIONS
SIGNAL
COMPOSANTS
AUTOMATIQUE
INFORMATIQUE
Cette aperçu gratuit permet aux lecteurs ou aux futurs lecteurs de la REE de découvrir le sommaire et les principaux articles du numéro 2014-1 de la revue, publié en mars 2014. Pour acheter le numéro ou s'abonner, se rendre à la dernière page.
ISSN 1265-6534
DOSSIERS
www.see.asso.fr
EDITORIAL
I
ANDRÉ DESCHAMPS
L’homme sur Mars : science et persévérance
l y a quatre mille ans, les mages babyloniens s’intéressaient déjà à cet objet du ciel qu’ils appelaient « Nirgual », du nom du dieu de la mort. En 1858, l’italien Angello Secchi observa pour la première fois ce qu’il prit pour des traits foncés sur la surface de la planète et qu’il baptisa « canale ». De là, naquit toute une controverse sur l’existence d’une vie intelligente sur Mars, appuyée par des observations rigoureuses mais dont les interprétations l’étaient moins. Les croyances et les mythes portés par des écrits de valeur assez diverse continuèrent pendant longtemps à exciter les fantasmes sur la vie martienne. Le 21 juillet 1969, l’homme faisait ses premiers pas sur la Lune et chacun envisageait alors le premier pas sur Mars dans la décennie… Mais la pression politique suivit le chemin descendant de l’économie et les projets de débarquement humain sur Mars furent reportés de plusieurs décennies. Le premier atterrisseur, en 1971, fut soviétique mais fut perdu au bout de vingt secondes. Les missions américaines Viking fournirent en 1976 une moisson de renseignements, mais la recherche de vie primitive ne donna rien. Cependant, si la vie n’existe pas sur Mars, il n’est pas exclu qu’elle y ait existé et l’étude du passé de cette planète est aujourd’hui devenue la préoccupation principale des investigations vers Mars. Un progrès déterminant fut apporté par un petit robot mobile “Sojourner” largué par l’engin “Mars Pathfinder” qui s’était posé le 4 juillet 1997. Pratiquement simultanément, en 1996, la mission “Global Mars Surveyor” était lancée et allait détecter suffisamment de preuves de présence d’eau et de vie rudimentaire passée pour relancer l’intérêt autour de la planète. Les quelques quarante sondes américaines et soviétiques envoyées vers Mars et les robots déposés sur sa surface ont depuis révélé une planète sans vie apparente, sans champ magnétique, avec une intense activité volcanique, mais ayant peut-être un jour contenu de l’eau liquide et donc la vie. Le 26 novembre 2011, la NASA a lancé le robot le plus sophistiqué jamais utilisé sur Mars qui s’est posé le 6 aout 2012. Le véhicule de 899 kg, baptisé “Curiosity” emporte 75 kg de matériel scientifique. Cette mission dont le coût a été estimé à 2,5 milliards de dollars est la dernière mission de cette envergure avant longtemps. Même si les missions habitées vers Mars ont été repoussées aux années 2030-2040, elles ne sont pas abandonnées
pour autant. Les objectifs d’une telle mission sont multiples mais un tel projet dépasse la capacité d’une seule agence spatiale et la fédération de plusieurs pays est indispensable. La NASA pour les USA, Roskosmos pour la Russie, l’ESA pour l’Europe sont aujourd’hui engagées mais compte tenu de l’échéance lointaine il faudra compter avec la Chine qui pour le moment se concentre sur la Lune. Il faut évidemment se poser la question du retour sur investissement de tels projets. Les informations recueillies sur la planète rouge sont d’une importance scientifique capitale mais leur valeur financière est difficile à quantifier. Un bénéfice peu connu mais spectaculaire est le développement de panneaux solaires autonettoyants, créés pour lutter contre les dépôts de poussière martienne et qui limitent la perte de rendement. D’autres retombées plus évidentes sont à retenir : s SUR 4ERRE LES TECHNIQUES DE PROPULSION ET DE GESTION DE l’énergie au sol ou embarquée ; l’électronique embarquée, les logiciels de contrôle des appareils, les radars de recherche de nappes phréatiques en grande profondeur, etc. ; s DANS L ESPACE LES DISPOSITIFS AUTONOMES D ENTRÏE DANS l’atmosphère et d’atterrissage, les nouvelles sources de propulsion ; les véhicules autonomes et intelligents ; l’étude des environnements sévères, etc. Certains peuvent penser que le retour économique est faible face aux milliards d’euros dépensés mais ce retour profite aux entreprises qui ont pris le risque de participer à cette aventure. La fascination qu’exerce Mars sur l’humanité continue à être le moteur d’une aventure dont le but final est le débarquement sur son sol. Les difficultés humaines et techniques, liées à la mauvaise conjoncture économique n’ont fait que ralentir le processus. Le jour ou l’homme aura gravi l’Olympe, sera-ce la fin du mythe avec tout ce qu’il comporte ? Ce sera en tout cas une grande victoire de la science et de la persévérance.
André Deschamps est ingénieur de recherche honoraire hors classe à l’Observatoire de Paris. Il a fait sa carrière dans la radioastronomie spatiale et participé entre autres aux missions Rosetta et Herschel. Il est membre du Comité Editorial de la REE.
REE N°1/2014 1
sommaire Numéro 1
1
EDITORIAL L’homme sur Mars : science et persévérance Par André Deschamps
2
p. 1
5 8 10 13 16
SOMMAIRE FLASH INFOS Communications haut débit sur les réseaux d’énergie La robotique de service Une formule d’Erlang pour l’Internet Un atome artificiel dans le diamant comme magnétomètre à haute résolution Le projet CAILabs : de l’imagerie quantique aux télécommunications et aux lasers de puissance
20 A RETENIR Congrès et manifestations p. 25
22 VIENT DE PARAÎTRE La REE vous recommande
25 LES GRANDS DOSSSIERS Les TIC et la lutte contre la perte d’autonomie Introduction : Pourra-t-on demain, vieillir dignement dans son domicile ? Par André Thépaut
29
La révolution du Bien Vieillir en France. Les technologies numériques au cœur de la transformation de l’action sociale Par Thierry Zylberberg, Nadia Frontigny
36
Fusion de données pour la télévigilance médicale Par Jérôme Boudy
p. 66
44
L’acceptabilité et l’adoption de la télémédecine par les personnes atteintes d’affections de longue durée. Perspective sur les enjeux technologiques, sociaux et éthiques Par Patrick Boissy, Vanessa Chenel, Johane Patenaude
53
Les robots compagnons, nos amis de demain ? Par Brigitte Le Pévédic, Céline Jost
61 p. 89
Credit photo couverture : Nao©Ed Alcock 2013
2
REE N°1/2014
p. 100
Encadré 1 : Le CSTB et les services numériques innovants dans l’habitat Par Alain Anfosso
64
Encadré 2 : Le GIE Handiservice, promoteur de la domotique adaptative Par Fernand Rigola
ECOC is the largest conference on optical communication in Europe, and one of the most prestigious and longworldwide. ECOC 2014 will be the 40th edition, showing the unbroken attractiveness of this conference.
66
La TV connectée Introduction : La télévision connectée, nouvelle révolution télévisuelle Par Patrice Collet
67
La télévision connectée, nouvelle révolution télévisuelle : L’aspect technique Par Muriel Sangouard, Jean-Pierre Lacotte, Frédéric Tapissier
79
La télévision connectée, nouvelle révolution télévisuelle : Les services Par Muriel Sangouard, Jean-Pierre Lacotte, Frédéric Tapissier
89 ENTRETIEN AVEC... Fabrice Dambrine Ingénieur général des mines Président de la section Innovation, compétitivité et modernisation au Conseil général de l’économie
92 ENSEIGNEMENT & RECHERCHE Une autre vision de l’orientation. Comment imaginer de nouvelles approches pour donner envie aux jeunes de choisir des études et des carrières scientifiques ? Par Claude Maury
96
Echos de l’enseignement supérieur Par Bernard Ayrault
99 CHRONIQUE A quoi tient la postérité des savants ?
Topical areas — 1 Fibres, Fibre Devices and Fibre Amplifiers 2 Waveguide and Optoelectronic Devices 3 Digital and Optical Signal Processing 4 Subsystems for Optical Networking and Datacoms 5 Point-to-Point Transmission Systems 6 Core, Metro and Data Center Networks 7 Access, Local Area and Home Networks
co-organized wiTh special cleo Focus : FundamenTal phoTonics For FuTure TelecommunicaTions — Following on from successful conferences held since 2006, the European Physical Society and CLEO Europe-EQEC in collaboration with the Chairs of ECOC 2014 are delighted to announce the organisation of a special CLEO Focus Meeting on Fundamental Photonics for Future Telecommunications, to be held as part of ECOC 2014.
40th European Conference on Optical Communication
21-25 September 2014 PalaiS deS FeStivalS, CanneS, FranCe
Par Bernard Ayrault organized by
100 LIBRES PROPOS A propos de l’anglais à l’Université Par Bernard Ayrault
103 SEE EN DIRECT
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La vie de l'association REE N°1/2014 3
FLASHINFOS
La SEE décerne chaque année un certain nombre de Grands Prix destinés à récompenser et à faire connaître des travaux scientifiques et techniques de premier plan réalisés en France dans les domaines de sa compétence. Dans certains cas, la SEE s’allie à d’autres organismes pour sélectionner et honorer les lauréats. La Cérémonie annuelle des Grands Prix 2013 s’est tenue le 9 décembre 2013 et a été présidée par François Gerin, président de la SEE et Erich Spitz, membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie des Technologies, président du Comité des Grades et des Distinctions. La REE est heureuse de publier ci-après un ensemble de Flash Infos écrits par les lauréats et destinés à présenter les travaux qui leur ont valu d’être distingués.
électrique. Dans les années 1900-1930 apparaissent en
Communication haut débit sur les réseaux d’énergie
effet des applications de télé-relevé de compteurs et
Pascal Pagani Grand Prix de l'Electronique Général Ferrié 2013 décerné par la SEE
à des fréquences de l’ordre de 15 à 500 kHz. Dans la
Le Grand Prix de l’Electronique Général Ferrié récompense des travaux ayant contribué aux progrès de la radioélectricité, de l’électronique et de leurs applications. Décerné depuis 1949, il commémore les travaux du Général Ferrié, pionnier de l’utilisation de la radio auquel on doit des réalisations remarquables telles que la liaison Côte d’Azur-Corse dès 1901 et la première station radiophonique commerciale de la Tour Eiffel.
de téléphonie, qui utilisent des signaux à bande étroite seconde moitié du XXe siècle, cette technique se développe surtout à des fins de gestion du réseau de distribution d'énergie, pour la maintenance et la mesure à distance ainsi que la détection des coupures. Vers les années 1980-1990 apparaissent les premiers systèmes de domotique modernes, fournissant des débits de l’ordre du kbit/s. Depuis les années 2000, un regain d’intérêt est observé pour cette technologie, désormais appelée « Courants Porteurs en Ligne (CPL) », dans le cadre du réseau local domestique. Avec des débits effectifs de plusieurs dizaines de Mbit/s, elle apporte un compromis intéres-
La technologie des courants porteurs en ligne (CPL)
sant entre les réseaux Ethernet qui nécessitent l’instal-
L’idée de transmettre des informations en utilisant les
lation de câbles supplémentaires, et les réseaux sans-fil
réseaux d’énergie en tant que support de propagation
qui peuvent poser des problèmes de couverture. Des
a émergé dès les premiers développements du réseau
modems CPL sont ainsi proposés par de nombreux opé-
Figure 1 : Principe de fonctionnement des communications haut débit sur les réseaux d’énergie.
REE N°1/2014 5
FLASHINFOS
rateurs de télécommunication, en particulier pour ache-
la modélisation du canal et du bruit électromagnétique,
miner les services Internet et de télévision en tout point
notamment au sein de projets collaboratifs comme le
de la maison (figure 1). La demande toujours croissante
projet FUI Techim@ges (2006-2008) et le projet euro-
pour des services à haut débit motive la communauté
péen FP7 OMEGA (2008-2010).
industrielle et académique pour développer des systèmes offrant une capacité plus élevée et une meilleure
Application des techniques de capteurs multiples
robustesse. Par ailleurs, un effort de recherche particulier
De nombreuses recherches sont menées actuelle-
est mis sur la compatibilité électromagnétique (CEM) de
ment dans le but d’augmenter le débit et la couverture
ces systèmes.
des systèmes CPL. L’une des avancées majeures dans
Notons que plusieurs types de réseaux sont consi-
ce domaine concerne l’application de la technologie Mul-
dérés pour les communications CPL, ayant chacun leurs
tiple Input Multiple Output (MIMO) aux communications
particularités. Cet article se concentre sur les réseaux
sur réseaux d’énergie. La technique MIMO a été initiale-
électriques domestiques pour les communications à haut
ment conçue dans le domaine de la radio. Elle consiste à
débit à des fréquences de l’ordre de la dizaine de MHz.
utiliser plusieurs antennes à l’émission et à la réception,
L’utilisation des CPL sur les réseaux de distribution basse
ce qui offre un gain important en termes de capacité de
et moyenne tension à l’extérieur des bâtiments est éga-
transmission.
lement possible à des fréquences inférieures à 500 kHz.
Une transmission CPL classique utilise deux câbles
Ces systèmes permettent la commande et le contrôle
électriques, la phase et le neutre, pour réaliser une
des réseaux d’énergie intelligents, dits smart grids, qui
transmission différentielle. En utilisant de façon complé-
suscitent aujourd’hui un intérêt croissant.
mentaire le câble de terre, il est possible d’exploiter plusieurs modes de transmission à l’émetteur et au récep-
Un milieu de transmission difficile
teur, créant ainsi un canal MIMO. Plus précisément, au
Les réseaux d’énergie sont des environnements diffi-
niveau de l’émetteur, la loi de Kirchhoff limite à deux le
ciles pour les communications à haut débit, car ils n’ont
nombre de signaux différentiels simultanés. En injectant
pas été conçus pour la transmission d’un signal à haute
par exemple un premier signal sur la paire phase-neutre
fréquence. Par ailleurs, la présence de courants forts sur le
et un second signal sur la paire phase-terre, la tension
support de transmission induit des perturbations capables
neutre-terre est complètement déterminée. A la récep-
de corrompre le signal de courant faible à transmettre.
tion, les trois signaux différentiels peuvent être exploités.
Les systèmes CPL à haut débit actuels utilisent la
De plus, les asymétries du réseau génèrent un signal de
bande 2 MHz – 68 MHz. La propagation du signal sur
mode commun, qui peut être mesuré en réception. Le
les câbles de cuivre entraîne une forte atténuation avec
canal de propagation s’exprime donc sous la forme d’une
la distance et la fréquence ainsi que l’apparition de trajets
matrice 2 × 4.
multiples. A ce titre, le réseau électrique est assez similaire au canal de propagation radio. Une particularité du réseau électrique reste sa susceptibilité au bruit électromagnétique. Le bruit de fond observé par un modem CPL est ainsi constitué d’un bruit stationnaire coloré (les faibles fréquences étant les plus affectées) et de bruit à bande étroite, principalement dû à la réception de signaux de radiodiffusion (ondes courtes et radio amateur). De plus, les divers appareils connectés au réseau électrique génèrent
Figure. 2 : Les différents modes d’émission et de réception des signaux CPL MIMO : modes différentiels (1, 2 et 3) et mode commun (4).
des phénomènes transitoires, appelés bruit impulsif, qui perturbent fortement les communications CPL.
6
La faisabilité de cette idée, présente dans de rares ar-
Afin de dimensionner les futurs systèmes CPL et de
ticles scientifiques, n’avait pas été démontrée de manière
les évaluer par des simulations précises et reproductibles,
expérimentale. Les premières validations de ce concept
il est primordial pour la communauté scientifique de dis-
par la mesure ont été réalisées en 2008 par les cher-
poser de modèles réalistes du canal de propagation. Mes
cheurs de Sony en Allemagne sur la bande 1-30 MHz,
premières contributions dans ce domaine ont concerné
puis par notre équipe de chercheurs d’Orange Labs et de
REE N°1/2014
FLASHINFOS
tance permettra le développement de smart grids, pour
matique de iRobot, le Roomba, comme l’un des arché-
la gestion et le contrôle du réseau d’énergie. D’autre part,
types de cette nouvelle robotique, mais de nombreux
des efforts sont à mener pour l’amélioration de l’efficacité
autres succès commerciaux existent dans le domaine de
énergétique des systèmes de communication et en par-
la télé-présence, de la logistique, de la robotique médi-
ticulier pour les équipements de transmission filaire. ■
cale, de la robotique d’intervention en milieu hostile ou de la robotique ludo-éducative.
Pascal Pagani est maître de Conférences dans le département micro-ondes de Telecom Bretagne et est membre du laboratoire Lab-STICC (UMR CNRS 6285). Diplômé de Telecom Bretagne et de l’université de Bristol (2002), il a obtenu un doctorat en électronique de l’INSA de Rennes en 2005. De 2002 à 2012, il a mené des travaux de recherche au sein d’Orange Labs dans les domaines de la modélisation du canal de propagation et du développement de systèmes de communication pour les réseaux résidentiels, en particulier par courants porteurs en ligne. Dans ce domaine, il a travaillé à l’édition de l’ouvrage de référence “MIMO Power Line Communications” (CRC Press, 2014). Ses travaux se concentrent aujourd’hui sur la transmission sur réseaux d’énergie ainsi que sur la propagation radio de la bande HF aux ondes millimétriques.
Comme
souvent
lorsqu’une
nouvelle
industrie
émerge, elle exige de nouvelles approches en termes de conception logicielle, de nouveaux outils et de nouveaux paradigmes. La nature événementielle et parallèle des traitements à réaliser pour contrôler un robot en temps réel se prête mal aux paradigmes de programmation hérités des langages classiques tels que C++ ou Java. De même, de nouvelles architectures de systèmes d’exploitation sont nécessaires pour supporter la nature fondamentalement multimodale des entrées/sorties d’un système robotique. En 2002, lorsque j’ai rejoint l’ENSTA ParisTech comme enseignant chercheur afin de démarrer un pôle d’activité robotique (http://cogrob.ensta-paristech.fr), les technologies logicielles disponibles pour la robotique étaient encore à leurs balbutiements. J’avais besoin a minima
La robotique de service Jean-Christophe Baillie Prix Brillouin-Glavieux 2013 décerné par la SEE et l’IEEE Le Prix Brillouin-Glavieux est décerné conjointement par l’IEEE et la SEE. Il a pour but de promouvoir l’interaction entre recherche fondamentale, enseignement supérieur et industrie et de contribuer ainsi au triangle de la connaissance : sciences, technologie et innovation.
d’un langage adapté à la gestion des événements et des traitements parallèles que je souhaitais réaliser de manière flexible sur des robots Sony Aibo (robot « chiens » assez sophistiqués pour permettre une utilisation dans un contexte de recherche). J’ai commencé alors la conception du langage urbiscript, puis de l’architecture modulaire d’objets distribués Urbi qui sont devenus la base de la startup Gostai que j’ai fondée en 2006. Le langage urbiscript permet d’exprimer très facilement la notion de parallélisme explicite entre deux portions de code via le séparateur « & ». Il dispose également de constructions de captations événementielles telles que « whenever » ou « at ».
8
La robotique de service est un nouvel espace indus-
L’exemple ci-dessous donne une illustration simple du
triel. Il s’ouvre en tirant parti des progrès réalisés ces
type de programmes qui mêlent ces différents éléments,
dernières années en traitement du signal, en machine
pour réaliser ici un suivi de balle par la tête du robot :
learning et dans une certaine mesure en intelligence arti-
whenever (ball.visible?)
ficielle, et en s’appuyant par ailleurs sur les réductions de
{headYaw.val += camera.xfov * ball.x
coût matériel rendues possibles par le développement
&
fulgurant de l’industrie du mobile (batteries, processeurs,
headTilt.val += camera.yfov * ball.y};
caméra, etc.). La robotique de service se concentre non
« ball.visible? », suivi d’un point d’interrogation, est ici un
pas sur la robotique traditionnelle que l’on trouve au-
événement qui sera déclenché à chaque fois que le robot
jourd’hui dans les usines mais sur de nouvelles applica-
détecte la balle de couleur rouge. Le mot clef « whenever »
tions où le robot est amené à interagir avec un utilisateur,
permet de spécifier que le code qui suit doit être exécuté
dans un environnement familial ou professionnel, afin
en boucle à chaque fois que l’événement devient vrai.
d’apporter une aide, une information ou parfois réaliser
L’objet « ball » qui apparaît ici est en réalité implémenté en
des tâches simples. On pense au fameux aspirateur auto-
C++ dans un composant grâce à la bibliothèque UObject
REE N°1/2014
FLASHINFOS
Figure 1 : Les robots chiens de divertissement AIBO ERS-7. qui permet de connecter n’importe quel objet C++ dans
Figure 2 : Environnement graphique de la Gostail Studio suite.
urbiscript et de le rendre visible comme un objet natif du langage. A noter que cette connexion peut se faire via le
tants. Ses adeptes : des laboratoires de recherche, des en-
réseau, permettant ainsi très facilement de déployer l’objet
treprises, des passionnés. Des outils graphiques viennent
« ball » sur une machine distante plus puissante, sans pour
compléter la solution logicielle comme un éditeur de
autant changer la logique du code urbiscript qui pilote le
graphes d’états finis hiérarchiques qui permet de structu-
comportement du robot. L’événement « ball.visible? » – le
rer des interactions de manière visuelle puis de compiler
point d’interrogation signifie qu’il s’agit d’un événement et
du code urbiscript qui va les exécuter en temps réel, ainsi
non d’une variable – est donc implémenté entièrement
qu’un éditeur d’interface permettant de disposer graphi-
en C++. De même, les variables « ball.x » et « ball.y » ne
quement des widgets de contrôle pour divers variables ou
sont en réalité que des reflets de calculs effectués en C++
objets de contrôle visibles depuis urbiscript. Ces logiciels
par l’objet « ball » et qui donnent la position de la balle
graphiques constituent la suite « Gostai Studio ».
détectée dans l’image. « camera.xfov » et « camera.yfov »
Urbi a remporté un franc succès dans la communauté
sont des coefficients de conversion entre la position x/y
robotique et a été rapidement étendu à d’autres robots
et l’angle de rotation de la tête, qui est contrôlé par les
dont le robot humanoïde Nao, développé par la société
variable « headYaw.val » et « headTilt.val ». Là encore, les
parisienne Aldebaran Robotics. Fort de ce succès, la so-
objets « headYaw » et « headTilt » sont des objets C++
ciété Gostai a rejoint en 2012 le groupe Aldebaran, afin
« pluggés » dans urbiscript et qui font en l’occurrence
de lui permettre de renforcer son pôle logiciel à l’aide
l’interface avec le hardware bas niveau et le contrôle des
des technologies que nous avions développées pendant
asservissements moteurs. Enfin, le séparateur « & » est uti-
six ans. La version 3.0 d’Urbi est actuellement en pré-
lisé entre les deux commandes d’affectation de position
paration chez Aldebaran Robotics et devrait être mise à
afin de signifier explicitement que l’on souhaite bouger les
disposition du public rapidement. La licence de diffusion
deux moteurs simultanément et non pas l’un après l’autre.
BSD open source permet à chaque acteur du monde
Le langage urbiscript, et l’architecture Urbi qui l’entoure
robotique de contribuer et de bénéficier de l’écosystème
et qui permet de déployer des UObjects de manière
logiciel développé autour d’Urbi, et nous poursuivons nos
transparente sur le réseau, constitue un outil d’orches-
efforts pour faire de ces technologies un des outils-clé
tration de composants, permettant de séparer d’une part
pour relever le défi de la robotique de service. ■
la logique du code, exprimé dans le langage de script,
Pour plus d’information sur Urbi : http://www.urbiforge.org,
et d’autre part l’expertise métier, telle que le traitement
Aldebaran Robotics : http://www.aldebaran-robotics.com.
du signal, exprimée en C++ dans des objets « pluggés ». Urbi intègre au cœur du langage urbiscript le parallélisme
Jean-Christophe Baillie a débuté son
indispensable à la robotique ainsi que des mécanismes
activité de chercheur en robotique au sein
de contrôle temporel et des séparateurs pour sérialiser
du Sony Computer Science Lab de Paris puis
ou paralléliser les commandes, des possibilités de trajec-
a fondé et dirigé le Laboratoire de robotique
toires complexes et de gestion événementielle adaptés à
cognitive à l’ENSTA/ParisTech, où il a travaillé
l’Intelligence Artificielle. Avant tout conçu dans un souci de
sur l’émergence du langage chez les robots,
simplicité, il est facile d’utilisation même pour des débu-
tout en développant un ensemble de technologies logicielles pour
REE N°1/2014 9
Introduction
LES GRANDS DOSSIERS
Les TIC et la lutte contre la perte d’autonomie
Pourra-t-on, demain, vieillir dignement dans son domicile ? Toutes les données statistiques montrent que
progrès réalisés dans l’informatique enfouie,
le vieillissement de la population, déjà sensible
les objets connectés, la robotique d’assistance
dans notre pays et dans tous les pays occiden-
permettent d’envisager le déploiement de
taux, s’accentuera considérablement dans les
nouveaux services qui correspondent vraiment
prochaines années. Ce vieillissement induit une
aux besoins des habitants.
demande croissante de la part des personnes
Lors du dernier Consumer Electronics Show
âgées pour bien vivre et ceci pose un défi à
de Las Vegas, les visiteurs ont pu avoir un
nos sociétés. Les technologies de l’information et de la communication peuvent apporter des réponses au besoin d’autonomie, de communi-
André Thépaut Directeur d’Etudes à Télécom Bretagne
cation, de sécurité, d’intégration ou de réintégration dans la société, qu’éprouvent les personnes âgées.
aperçu de la déferlante des objets connectés bientôt présents à nos domiciles : gestion des ouvrants ou du chauffage à partir de son smartphone, serrures télécommandables, porte-clés
« intelligents », etc. Google, généralement bien au fait des tendances du marché, vient par exemple de racheter la
Comment bien vieillir ?
société Nest, spécialisée dans les thermostats connectés.
Les personnes âgées souhaitent majoritairement vieillir di-
Si de nombreux équipements permettant d’améliorer la
gnement dans leur domicile. Celui-ci devra s’adapter et évo-
vie des personnes fragiles sont déjà disponibles, nous as-
luer afin d’accompagner la personne, lui faciliter le maintien
sistons depuis quelques années à l’émergence de la « do-
de ses activités, compenser ses éventuelles dépendances...
momédecine ». Ce concept, proposé par l’Académie des
Le dernier terme, utilisé surtout en gériatrie, renvoie à des
technologies2, montre comment le domicile accompagnera
incapacités physiques ou cognitives, qui dans l’esprit courant
la personne fragile...
sont synonymes de perte d’autonomie. Mais une personne
Ainsi grâce à des dispositifs intégrés dans l’environne-
en situation de handicap physique, dont l’acuité visuelle ou
ment, connectés et d’un coût abordable, le domicile sera
auditive diminue, dont les déplacements deviennent plus
le lieu privilégié pour mesurer ses paramètres biologiques,
difficiles peut néanmoins rester autonome. Le présent dos-
physiologiques, actimétriques. Des systèmes permettant
sier n’aborde pas les problèmes liés aux handicaps physiques
l’analyse de la qualité du sommeil, l’aide à l’endormis-
pour lesquels il est bien connu que les TIC peuvent appor-
sement, la mesure de poids (balances connectées), le
ter des solutions palliatives efficaces. Il n’aborde pas non
contrôle des habitudes alimentaires par une fourchette et
plus les pathologies liées à la maladie, un état temporaire,
une assiette connectées, sont déjà disponibles ; ils laissent
pour lequel les soins bénéficient d’avancées technologiques
présager une généralisation de services liés au bien-être et
majeures. Ces sujets feront peut-être l’objet d’un dossier
même à la santé.
dans un numéro ultérieur de la REE. Nous traitons ici de la
Du fait de l’allongement de la durée de vie, le nombre de
perte d’autonomie liée au vieillissement des personnes et au
personnes souffrant de déficiences (audition, vision, mobi-
moyen de la pallier grâce au recours à des solutions techno-
lité, etc.) ou de maladies (cancer, diabète, arthrose, etc.) est
logiques nouvelles.
en forte augmentation. Si les soins étaient de qualité équi-
L’apparition de produits technologiques adaptés, intégrés dans le domicile ou au design travaillé s’ils sont visibles,
valente à ceux proposés en milieu hospitalier, de nombreux patients accepteraient d’être soignés à domicile.
permettra de proposer de véritables orthèses1 physiques
En France des services seront imaginés, réalisés et tes-
ou même cognitives qui viendront compenser une fonction
tés dans des Living Labs Santé Autonomie3. Cette initiative,
déficiente. La maison deviendra « intelligente ». Le concept “smart home” va remplacer l’ancienne domotique. Les 1
Une orthèse est un appareillage qui compense une fonction absente ou déficitaire, assiste une structure articulaire ou musculaire, stabilise un segment corporel pendant une phase de réadaptation ou de repos, par opposition à la prothèse qui remplace un élément manquant (Wikipedia).
« Le patient, les technologies et la médecine ambulatoire », sous la direction de Francis Lévi et Christian Saguez, rapport de l’Académie des technologies, 2008. 3 « Pertinence et valeur du concept de « Laboratoire vivant » (Living Lab) en santé et autonomie », R. Picard, Conseil Général de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies, juillet 2011. 2
REE N°1/2014 25
Introduction
LES GRANDS DOSSIERS
portée au niveau national par Robert Picard et Antoine Vial,
10 à 25 % chez les personnes de plus de 65 ans. Plus de
vise à rassembler dans des mêmes lieux et surtout dans une
450 000 chutes de personnes âgées nécessitent chaque
même démarche, les différents acteurs de la conception du
année un recours aux services d’urgence. Plus de 4 000
nouveau produit ou du nouveau service. L’association, dès
décès sont directement liés à ces chutes. Les conséquences
le début du projet, de toutes les parties prenantes (les usa-
(physiques, psychologiques) de la chute sont d’autant plus
gers, leur famille, les professionnels de santé, les ingénieurs,
importantes que la personne a passé plus de temps au sol
les spécialistes des sciences humaines, les économistes de
avant l’arrivée des secours. L’enjeu pour détecter, anticiper ou
la santé, les collectivités, etc.) permettra de répondre aux
même prévenir la chute est donc important. Jérôme Boudy et son équipe travaillent depuis une di-
vrais besoins des personnes âgées en évitant de réaliser des « ruines technologiques ».
zaine d’années sur le traitement multimodal des données
Enfin il faut noter que l’économie liée au vieillissement
hétérogènes issues de capteurs portés par la personne ou
peut être une opportunité porteuse de nouveaux emplois
répartis dans le domicile. L’article présenté dans ce dossier
pour notre pays. Plusieurs rapports récents (en particulier le
décrit plusieurs méthodes de fusion de données et met en
rapport de la commission « Innovation 2030 » présenté par
avant plusieurs pistes de recherche prometteuses.
Anne Lauvergeon en octobre 2013) montrent l’intérêt pour
L’article de Patrick Boissy et al. souligne que l’impact
notre pays de fournir des réponses au besoin de person-
de la médecine à domicile est encore trop faible. Outre
nalisation de l’assistance à domicile par l’intermédiaire des
les contraintes juridiques et organisationnelles, les auteurs
technologies de l’information et de la communication. Cette
montrent que le principal obstacle au développement géné-
filière, baptisée Silver Economie, est appelée à se développer
ralisé des actes médicaux à distance provient des usagers
très fortement dans les prochaines années ; elle regroupe
eux-mêmes. Quelques pistes pour améliorer l’acceptabilité
tous les acteurs chargés de créer des services ou des pro-
de cette pratique dans le cas d’affection de longue durée
duits pour l’autonomie des plus fragiles.
sont présentées.
4
Comme on le voit, le sujet est très vaste et ce dossier de la
La robotique, moins onéreuse que les aides à domicile,
REE ne peut prétendre à l’exhaustivité. Nous nous focalisons
assistera les personnes dans leur tâche quotidienne. Par
dans ce numéro sur l’habitat du futur, lequel devra faciliter la
exemple, le Japon, confronté au vieillissement de sa popula-
vie des personnes en perte d’autonomie, en apportant des
tion avant les autres pays, est devenu un vrai laboratoire de
services liés aux loisirs, à la sécurité, à la santé et plus géné-
mise au point d’innovation destiné aux seniors. Dans ce pays,
ralement au bien-être.
où les plus de 65 ans représentent déjà 20 % de la popu-
Orange, opérateur historique des télécommunications, a
lation (soit 25 millions de personnes), les industriels font le
l’ambition d’être un acteur important du domaine et nous
pari de la robotique de service, qui après avoir répondu aux
présente plusieurs solutions destinées aux personnes fra-
demandes de l’industrie automobile, pourrait satisfaire celles
giles. Nous avons ensuite donné la parole à plusieurs ac-
des personnes dépendantes.
teurs académiques afin qu’ils nous exposent les recherches menées actuellement dans les laboratoires et les conditions
Mais qu’en est -il de la France ? Dans un article sur « Les robots compagnons », Brigitte Le
d’acception de ces produits innovants. Thierry Zylberberg et Nadia Frontigny, de la branche
Pévédic et Céline Jost nous montrent comment les robots
Orange Healthcare, rappellent l’implication de l’opérateur
humanoïdes ou animaliers pourraient assister prochainement
historique dans l’accompagnement des personnes fragiles.
les personnes en situation de dépendance. En effet, si les
Ils soulignent que, face à la complexité de l’organisation des
robots domestiques, comme les aspirateurs mobiles, com-
services à la personne en France, les entreprises innovantes
mencent à être largement déployés, la diffusion de robots
éprouvent les plus grandes difficultés à déployer largement
humanoïdes rencontre à présent un succès croissant. Ainsi la
leurs produits et services. L’identification d’un opérateur de
société Aldebaran Robotics, créée en 2005 par Bruno Mai-
services, qui servirait de coordinateur entre les nombreux
sonnier et dont le directeur technique Jean-Christophe Baillie
acteurs de la filière et les instances publiques, permettrait,
a obtenu le prix Alain Glavieux en 20135, a-t-elle déjà vendu
enfin, d’accélérer la diffusion des services vers les personnes
plus de 5 000 exemplaires de NAO (cf. photo de couverture
âgées.
du présent numéro de REE). Ce robot humanoïde, program-
La chute est le principal risque que rencontre une per-
mable, embarque des technologies innovantes en matière de
sonne âgée dans son domicile, avec une prévalence de
vision, de suivi de visage, de reconnaissance et de synthèse
4
« Un principe et sept ambitions pour la France », Rapport de Anne Lauvergeon, 11/10/2013 accessible sous http://www.innovation2030. org/pdf/Rapport_Innovation_BDV4.pdf
26
REE N°1/2014
vocales, de capacité de mouvement et tactile qui en font une 5
Voir la rubrique Flash Infos dans ce numéro.
LES TIC ET LA LUTTE CONTRE LA PERTE D’AUTONOMIE
La révolution du Bien vieillir en France Les technologies numériques au cœur de la transformation de l’action sociale Thierry Zylberberg, Nadia Frontigny Orange Healthcare
2030, c’est-à-dire demain à l’échelle des politiques publiques, le tiers des français aura plus de 60 ans. Des plus de 60 ans pour la plupart indépendants et
Le vieillissement de la France, une révolution
en forme mais souffrant de maladies, autrefois non curables, qui sont aujourd’hui devenues chroniques grâce aux progrès de la médecine.
En France, les personnes de plus de 65 ans de-
Le vieillissement de la population française met
vraient passer de 11 millions en 2010 à 16 millions en
ainsi sous tension le système social, médico-social et
2030. Il y aura à ce moment là plus de huit millions de
sanitaire français qui s’est organisé autour des hôpi-
Français de plus de 75 ans dont 13 000 centenaires.
taux et des maisons de retraite après guerre, à une
L’allongement de la durée de vie est une bonne nou-
époque où les maladies infectieuses étaient prépon-
velle en soi mais, pour notre société, c’est une véri-
dérantes et où la longévité était d’environ 60 ans.
table révolution. Les « commissions Bachelot », dont les analyses
Selon les travaux de la commission Bachelot – Accueil et accompagnement des personnes âgées
et chiffrages n’ont pas été remis en cause, ont évalué le coût en 2010 de la dépendance à 24 Md . Si on prend en compte l’apport des familles, estimé entre 11 et 15 Md
le coût pour la société se situe entre
30 et 45 Md . C’est une masse financière colossale que la société mobilise pour le bénéfice d’un peu plus d’un million de personnes dépendantes et qui est peu en rapport avec la qualité de vie réelle de ces personnes. Mais le vrai challenge pour notre société n’est pas forcément ce seul aspect financier de la dépendance qui, somme toute et heureusement, ne touche que 8 % des personnes âgées. En effet, à l’horizon
Quelques chiffres s DES PERSONNES ÊGÏES SOUHAITENT RESTER chez elles quand elles vieillissent ; s LE COßT DU MAINTIEN Ì DOMICILE POUR DES PERsonnes dépendantes est quatre fois moins élevé qu’une hospitalisation ; s DES SENIORS EUROPÏENS SE SENTENT PLUS rassurés avec un appareil de téléassistance qui détecte les chutes et appelle au secours ; s DES SENIORS SONT ATTEINTS D AU MOINS deux pathologies chroniques.
ABSTRACT The Ageing Well revolution: digital technology at the heart of the transformation of social action. Due to global medical progress, the French population is living longer and that’s good news. Within a few years, one third of the population will be over 60 years old. Because of the prevalence of chronic diseases and dependency for the over 60, the French social and medical system will be under dramatic pressure. The global efficiency of the system is in question: with split structures, complex public and private funding, and entities supporting the elderly being too small to finance new technology, digital solutions are still poorly used. Capitalizing on experiments and products launched in the social field, and as a digital transformation expert, Orange is putting forward a new organizational model. There is a lack of a single point of contact for each fragile or dependent person, with a consolidated view on finances and a commitment to ensuring their well-being. Orange calls this new organization the “missing link”. Under the ”Silver Economy” project launched in 2013 by the Ministry for the Elderly, the complete reengineering of the social field is on the table, along with the digital transformation this entails.
REE N°1/2014 29
LES TIC ET LA LUTTE CONTRE LA PERTE D’AUTONOMIE
– 80 % des personnes âgées souhaitent rester le plus longtemps possible à domicile. Par ailleurs, économiquement, ce choix représente pour la collectivité un coût quatre fois moindre qu’un hébergement en institution… pour une fois le souhait des personnes rejoint l’intérêt économique de tous !
Le marché de la fragilité et de la dépendance pour Orange Orange Healthcare a beaucoup œuvré dans le domaine de l’accompagnement de la fragilité et de la dépendance en lançant des produits et en finançant beaucoup d’expérimentations pour : s réassurer les personnes en perte d’autonomie avec, par exemple, l’offre de Téléassistance Mobile via mobile simplifié (de la téléassistance même hors de chez soi) ou Optimal Service (service de convivialité et de réassurance sur le téléphone fixe) ; s faciliter la coordination des équipes médicales et sociales et des aidants autour de ces personnes au domicile (expérimentation « tablette-lien social » – Conseil Général du Cantal, lauréat du prix Territoria du Sénat en 2009) ; s dématérialiser les financements de la dépendance et améliorer la gestion des aides à domicile (expérimentation Tiers Payant Social – Conseil Général du Loiret avec 12 % de gain d’efficacité, meilleure allocation des subventions APA par les départements et optimisation des flux financiers avec les prestataires) ; s faciliter le pilotage et le contrôle de l’effectivité des prestations à domicile grâce a un service d’horodatage, l’application « Mobile et Badge » ;
Solution Résidences Seniors Orange a beaucoup travaillé avec les EHPAD en fournissant des services de communication et d’assistance aux résidents et au personnel soignant dans les établissements accueillant des personnes dépendantes. Plusieurs dizaines d’établissements en France sont aujourd’hui « connectés ». Les résidents sont dotés d’équipements communicants qui permettent aux équipes soignantes d’être alertées quand les résidents ont besoin d’assistance : s UN BRACELET MUNI D UN SYSTÒME DE LOCALISATION QUI SE déclenche lorsque le résident entre dans une zone non autorisée ; s UN MÏDAILLON MUNI D UN BOUTON QUI PERMET AU RÏsident, dans l’enceinte de l’établissement, de demander de l’aide ; s LES CHAMBRES SONT ÏQUIPÏES D UN DISPOSITIF DE SÏCUrité qui permet au résident de contacter le personnel soignant. A tout moment, il peut entrer en communication avec le résident pour connaître l’objet de son appel. Les équipes soignantes reçoivent une alerte par un message, sur leur PC, téléphone ou pager, qui indique le nom et la localisation du patient. Certains personnels ont un système de protection du travailleur isolé (PTI). Muni d’un téléphone ou d’un pager, le soignant peut déclencher à tout moment une demande d’assistance (bouton d’appel sur le terminal ou alarme automatique).
s faciliter le suivi non intrusif des personnes fragiles à leur domicile : c’est l’expérimentation MAPA dans la Sarthe
De l’ensemble de ces actions, nous tirons les enseigne-
avec Mondial Assistance qui grâce à la signature des équi-
ments suivants :
pements électriques (ouverture, fermeture du réfrigérateur,
s LES TECHNOLOGIES QUI VISENT Ì RENDRE PLUS EFlCACE L AIDE PHY-
des lumières des pièces d’habitation, …) permet d’identi-
sique et financière apportée à ces personnes, sont matures
fier l’évolution de la fragilité de la personne suivie et déterminer des seuils d’alerte.
et ont prouvé leur pertinence ; s UN PUBLIC MÐME TRÒS ÊGÏ BIEN ACCOMPAGNÏ EST TOUT Ì FAIT
Nous équipons d’ores et déjà les établissements d’héber-
à même d’utiliser des produits technologiques avec une er-
gement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) avec
gonomie adaptée et apprécie ce soutien complémentaire ;
la solution « Résidences Seniors ». Par ailleurs Orange met en place des solutions de télésurveillance, qu’elles soient médicales ou non pour le compte
s LE GRAND PUBLIC SURTOUT FRAGILE N EST PAS PRÐT Ì PAYER Ì SA juste valeur l’aide apportée par les technologies, privilégiant sans surprise l’accompagnement humain ;
d’hôpitaux et de réseaux de soins. Le réseau de soins Car-
s LES PROFESSIONNELS DU DOMAINE UTILISENT EUX MÐMES FORT
diauvergne en Auvergne en est un exemple et permet le suivi
peu les nouvelles technologies et sont parfois dans l’inca-
à domicile plus de 500 patients âgés cardiaques.
pacité d’accompagner les personnes âgées dans l’usage
Orange met ainsi à disposition de ses clients une offre complète de gestion d’équipements connectés et d’applica-
d’équipement connectés. Nous avons évalué le marché global pour l’ensemble des
tions à domicile : tablettes, cahiers de liaison électronique,
opérateurs de télécommunication entre 1,5 et 2,4 Md
mobilier permettant d’avoir des offres de secours, etc.
an. Nous constatons cependant que le déploiement mas-
30
REE N°1/2014
par
Introduction
LES GRANDS DOSSIERS
La télévision connectée, nouvelle révolution télévisuelle Ces dernières années, la télévision s’est
ment la tablette permettent d’accéder à des
considérablement transformée : elle est passée
contenus audiovisuels et concurrencent le télé-
de l’analogique au numérique et de la simple
viseur traditionnel tout en modifiant la consom-
définition à la haute définition avec notamment
mation de ce type de contenus.
le déploiement de la TNT qui a fait disparaître
Rendre la télévision interactive n’est pas
la télévision analogique dans au moins 22 des
une idée récente mais la diffusion hertzienne,
28 pays de l’UE. Cette évolution essentielle a fait l’objet d’un numéro hors série de la REE en
Patrice Collet
notamment, ne permet pas facilement l’interaction entre le téléspectateur et le fournisseur
2005. Parallèlement, les écrans plats haute définition ont
de contenu, alors que le Web est par construction orienté
remplacé très largement les écrans cathodiques qui équi-
vers l’interaction entre le client et les serveurs de l’Internet.
paient les foyers du monde occidental.
Le risque était donc grand pour les acteurs du monde de
Comme pour beaucoup d’autres domaines, le dévelop-
la télévision traditionnelle de voir peu à peu leur échapper
pement de l’accès à Internet a profondément modifié le
les innovations en matière audiovisuelle au profit des acteurs
paysage de la télévision. L’accès à des contenus audiovisuels
de l’Internet. C’est ainsi qu’est apparu le concept de télévi-
est maintenant, en volume, un des principaux usages grand
sion connectée que décrivent Muriel Sangouard, Jean-Pierre
public de l’Internet. La croissance des débits de raccorde-
Lacotte et Frédéric Tapissier dans les deux articles du présent
ment des clients, raccordement fixe d’abord puis plus récem-
dossier. Le premier article revient sur l’historique de la télé-
ment raccordement mobile, a rendu possible cet accès dans
vision connectée, et des différentes tentatives de fourniture
des conditions de qualité voisines de celles de la télévision
de services interactifs et décrit les principes qui ont sous-ten-
diffusée. De nouveaux acteurs, la plupart du temps étrangers
du la normalisation en matière de télévision connectée. Le
au monde de la production et de la diffusion audiovisuelle,
deuxième article décrit les principaux usages que les acteurs
sont ainsi apparus dans ces domaines. Les grands opérateurs
de l’audiovisuel peuvent faire de la télévision connectée en
de service de l’Internet sont maintenant
s’appuyant sur des exemples de services
fournisseurs de contenus audiovisuels
Patrice Collet est ancien élève
aujourd’hui fournis et discute de l’environ-
en téléchargement et en streaming. Les
de l’École polytechnique et ingénieur
nement concurrentiel dans le domaine.
fournisseurs d’accès à Internet ont ajouté
des télécommunications. Sa carrière
à leur offre d’accès à Internet des offres
l’a conduit de la recherche et dévelop-
sion connectée, la concurrence aussi bien
de télévision diffusée constituant ainsi ce
pement au CNET qui était alors
que la coopération entre les acteurs de
qu’on appelle des offres triple play, accès
le centre de recherches de la Direction
l’audiovisuel et ceux de l’Internet peuvent
à Internet, accès à des programmes de télévision ou à la télévision à la demande et fourniture de services de téléphonie sur IP. Le PC, le smartphone et évidem-
Générale des Télécommunications à la Direction Générale de France Télécom où il a eu la responsabilité de l’architecture du réseau fixe et son évolution.
Grâce à la normalisation de la télévi-
à présent se développer pour offrir aux téléspectateurs un ensemble de services interactifs nouveaux tirant le meilleur parti des deux approches.
LES ARTICLES
La télévision connectée, nouvelle révolution télévisuelle : l’aspect technique Par Muriel Sangouard, Jean-Pierre Lacotte, Frédéric Tapissier ................................................................................... p. 67 La télévision connectée, nouvelle révolution télévisuelle : les services Par Muriel Sangouard, Jean-Pierre Lacotte, Frédéric Tapissier .................................................................................. p. 79
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REE N°1/2014
LA TV CONNECTÉE
La télévision connectée, nouvelle révolution télévisuelle : L’aspect technique Muriel Sangouard1, Jean-Pierre Lacotte2, Frédéric Tapissier3 Consultante télévision connectée1, Directeur affaires institutionnelles Europe Technicolor2, Chef du département Innovation Technologique TF13
de données numériques dans un signal analogique vidéo pour fournir du télétexte, des essais de passage du format d’image classique 4/3 à un format plus large, plus proche du cinéma, le 16/9, unanimement retenu pour une télévision haute définition. A la fin des années 80, une véritable révolution technique commence, le studio se numérise complètement, tous les matériels de production mettent en
Introduction
œuvre les standards numériques adoptés internationalement3 en 1981-82, entraînant une réelle interopéra-
Depuis la première démonstration de transmission
bilité des équipements ainsi qu’une forte amélioration
d’une image et sa visualisation sur un écran, en 1924,
de la qualité des images et ouvrant la voie aux effets
avec une modeste résolution de 30 lignes, dans le
spéciaux4 de la génération post-Mélies. Durant cette
laboratoire de l’anglais John Logie Baird et son adop-
même période, la partie diffusion a commencé à évo-
tion comme un véritable média après la deuxième
luer. En plus de la transmission terrestre analogique,
guerre mondiale, les progrès en matière de télévision
la télévision a pu être transmise via les satellites et
n’ont jamais cessé.
le câble ; mais c’est vraiment début 1990 que, grâce
L’évolution de la télévision en France aura été mar-
aux progrès de la compression numérique des images
quée dans le passé par les travaux de deux équipes
et des sons, cette évolution s’est accélérée. Le signal
concurrentes, l’une autour de René Barthélémy1 et
de télévision numérique compressé est entièrement
l’autre autour d’Henri de France2. Leurs travaux ont
numérisé et diffusé avec une modulation elle-même
conduit au standard 819 lignes pour le N&B en 1948
numérique (DVB–T et T2 pour le terrestre, DVB-S et
et pour la couleur, au standard 625 lignes SECAM en
S2 pour le satellite, DVB-C et C2 pour le câble et enfin
1967. Par la suite, les points les plus marquants ont été l’introduction du son stéréophonique, l’adjonction
3 4
Histoire de la télévision française - 819 Lignes. http://819lignes. free.fr/Histoire_de_la_television_francaise.html 2 http://radio-piffret.pagesperso-orange.fr/Histoire_de_la_Television. htm 1
Avis 601 et 656 du CCIR. Le réalisateur et précurseur de l’art vidéo, Jean-Christophe Averty a été l’un de ceux dont l’imagination était très pénalisée par la dégradation rapide du signal analogique en multi-générations ou effets spéciaux et pour qui le numérique a été une grande ouverture pour la création.
ABSTRACT Since the first demonstration of transmission and display of a television signal in 1924 by the British John Logie Baird and the last generation of connected TV in 2014, there have been many technical developments with some major steps, B&W, color evolving from analog to digital and high definition. The broadcast itself diversified its offering, terrestrial, cable, satellite and recently ADSL. In addition to these technological developments, content has also evolved, offering additional services such as teletext and more interactive services. Up till now, these additional services never reached a market success. The ultimate interactive standard HbbTV combining broadcast and broadband will be the solution that will convince the viewer, all technical ingredients are gathered to make it so.
REE N°1/2014 67
LA TV CONNECTÉE
avec la généralisation du numérique sur les réseaux télépho-
En France à la mi-2013 plus de 14 millions d’accès DSL dispo-
niques, et les progrès de l’ADSL avec DVB-IP5 pour l’IPTV).
saient d’un abonnement offrant la télévision SD ou HD. C’est
Enfin en France, c’est en novembre 2008, que la télévi-
ce que l’on appellera dans la suite l’IPTV. La possibilité de dis-
sion devient haute définition et arrive sur le réseau terrestre.
poser d’un débit permanent de plus en plus élevé pour rac-
Pour mémoire, les études sur le sujet avaient commencé au
corder les internautes a également stimulé les grands acteurs
moins 30 ans plus tôt, puisque dès 1981, la NHK japonaise
dits OTT6 de l’Internet et les éditeurs de chaîne qui mettent
associée à tous les industriels nippons était capable de mon-
à disposition des contenus vidéos en téléchargement ou de
trer une chaîne complète, certes analogique, mais quand
plus en plus en streaming à partir de leurs sites Web. La
même très impressionnante. Il a fallu toutes ces années pour
consommation de programmes de télévision devient donc
que tous les éléments techniques mais aussi économiques
possible non seulement sur l’écran du téléviseur mais aussi
[1] contribuant à la chaîne de l’image soient rassemblés, pro-
sur l’écran du PC ou de la tablette ou du mobile. Par ailleurs
duction, post-production, diffusion, compression, modula-
la télévision interactive permet de visualiser des pages du
tion, réception, décodage et affichage sur un écran de taille
Web sur l’écran du téléviseur. Se pose donc une probléma-
suffisante, pour que le marché de masse puisse enfin réel-
tique nouvelle celle de la meilleure adaptation du contenu
lement décoller. Le passage à la télévision numérique puis
au type d’écran : c’est ce que l’on nomme la problématique
à la télévision haute définition a été rendu possible par les
du multi-écran.
progrès en matière de compression d’images et de sons : à l’heure actuelle avec la norme MPEG-4 utilisée entre autre en
Les premières approches de l’interactivité
télévision numérique terrestre, un programme simple défini-
L’absence de canal de retour dans la plupart des configu-
tion (SD) ne nécessite que 2 Mbit/s de bande passante et
rations fait que l’on doit se limiter à des interactions locales
un programme haute définition 5 à 8 Mbit/s : au début des
entre le téléspectateur et son téléviseur ce dernier recevant
années 2000 avec la norme MPEG-2 les débits requis étaient
en temps réel les éléments sur lesquels il peut interagir, c’est
deux fois plus élevés
le télétexte qui existe toujours chez un certain nombre de
L’accès aux programmes télévisuels a été profondément
diffuseurs (voir encadré 1). Les services audiovisuels visés
modifié avec, dans les années 1980, le développement de
par les chaînes de télévision qui les diffusaient étaient des
réseaux coaxiaux et de réseaux de diffusion directe par satel-
services purement graphiques sous la forme de pages pro-
lite qui viennent étendre le choix de programmes par rapport
posant des guides des programmes, les cours de la bourse,
à la diffusion hertzienne terrestre. La perspective de services
la météo, des nouvelles sous la forme de flash, mais les pos-
interactifs où le client peut agir sur le programme qui lui est
sibilités graphiques demeuraient très rustiques.
proposé ou interagir avec le fournisseur de services com-
Une alternative est de s’appuyer sur une voie remontante
mence à apparaître. Un point de blocage à lever est celui du
fournie par un autre réseau : on essaiera le réseau télépho-
canal de retour qui permet de véhiculer les actions requises
nique commuté. Mais la commutation de circuit télépho-
par le client : la télévision analogique et en général la TV par
nique n’est pas bien adaptée en termes de performance,
satellite n’offrent pas directement cette possibilité. A partir
délai d’établissement des circuits, mode de tarification,…
du début des années 2000, la généralisation de l’accès per-
pour rendre un service de ce type, même si l’on utilise de la
manent à Internet (always on) avec l’ADSL chez le téléspec-
transmission de données sur l’accès téléphonique. La géné-
tateur va changer beaucoup le paysage : l’utilisation de la
ralisation de l’accès permanent à Internet via ADSL va évi-
connectivité Internet comme moyen d’interaction va rendre
demment changer la donne en offrant la disponibilité d’un
l’interaction beaucoup plus performante
canal de commande de retour accessible en permanence et
Le développement de l’accès DSL va également beau-
beaucoup mieux adapté.
coup faire évoluer le rôle des différents acteurs du monde de
L’existence de ce canal de retour ne suffit évidemment
la télévision. En effet, la disponibilité d’un débit descendant
pas au développement de services de télévision interactive.
supérieur à 6 Mbit/s sur plus de 60 % des lignes de cuivre de
L’interactivité impose de nouvelles fonctions à loger dans le
France a permis aux opérateurs de réseaux fixes de fournir à
téléviseur ou dans une boîte annexe (set top box) :
leurs clients l’accès à des bouquets de programme en TV dif-
s INSERTION ET AFlCHAGE DES DONNÏES RE¥UES DE L )NTERNET SUR l’écran du téléviseur ;
fusée ou l’accès à des services de vidéo à la demande (VoD). 5
IP Internet Protocol et IPTV Internet Protocole appliqué à la télévision à ne pas confondre avec TV over IP qui est l’utilisation de l’Internet pour diffuser des flux de télévision (cf. encadré 3).
68
REE N°1/2014
6
OTT : Over The Top ; caractérise les acteurs de l’Internet qui fournissent des contenus sans l’intervention d’autres acteurs. Apple, Google, Netflix… entrent dans cette catégorie.
ENTRETIEN AVEC FABRICE DAMBRINE
IngÊnieur gÊnÊral des mines PrÊsident de la section Innovation, compÊtitivitÊ et modernisation au Conseil gÊnÊral de l’Êconomie
Innovation, compĂŠtitivitĂŠ et modernisation REE : Pouvez-vous nous rappeler en
le corps des tĂŠlĂŠcommunications et celui
sions ont ĂŠtĂŠ ĂŠtendues en 2012 suite Ă la
quelques mots la mission du Conseil
du corps de contrĂ´le des assurances. Le
rĂŠforme du contrĂ´le prudentiel des orga-
gÊnÊral de l’Êconomie et son mode
corps des mines est composÊ aujourd’hui
NISMES lNANCIERS ET IL EST ALORS DEVENU LE
de fonctionnement ?
d’environ 1 350 ingÊnieurs qui exercent
F. D : Le Conseil gÊnÊral de l’Êcono-
des responsabilitÊs dans l’ensemble des
mie est un organe d’Êvaluation et de
services de l’Etat, dans ses agences et
conseil Ă la disposition des ministres
Êtablissements publics ou au sein d’auto-
sous l’autoritÊ desquels il est placÊ : le
ritĂŠs administratives. Environ un tiers des
ministre chargÊ de l’Êconomie qui en
membres du corps est en disponibilitĂŠ
est institutionnellement le prĂŠsident et
auprès d’entreprises.
les ministres chargÊs de l’industrie et des communications Êlectroniques. Le Conseil est Êgalement à la disposition des ministres chargÊs des secteurs qui relèvent de sa compÊtence et notamment du ministre de l’Êcologie, du dÊveloppement durable et de l’Ênergie. Il apporte aux pouvoirs publics une capacitÊ d’audit et de conseil sur tous les sujets en relation avec sa compÊtence, en
Un Conseil au service du dÊveloppement, du contrôle et de la rÊgulation des activitÊs Êconomiques CGEIET. Cet intitulÊ, de même que son acronyme, se sont rÊvÊlÊs à l’usage très
Un organe d’Êvaluation, d’inspection et de conseil au service des ministres chargÊs de l’Êconomie, de l’industrie et des communications Êlectroniques et plus gÊnÊralement des ministres chargÊs des secteurs relevant de sa compÊtence
vue d’Êclairer la dÊcision publique. C’est
lourds et peu comprÊhensibles à l’extÊrieur. Il a donc ÊtÊ dÊcidÊ de les simplilER .OUS SOMMES DONC DEVENUS DANS le langage courant le Conseil gÊnÊral de l’Êconomie, l’Êconomie constituant le facteur commun de toutes nos actions : c’est L AFlCHAGE D UN ANCRAGE CLAIR MAIS �CONOmie doit s’entendre essentiellement au sens de dÊveloppement Êconomique et d’Êconomie de l’entreprise.
Êgalement un organisme d’inspection et
%NlN LE #ONSEIL GĂ?NĂ?RAL EXERCE LA TUTELLE
de contrĂ´le des services et des ĂŠtablis-
des grandes Êcoles d’ingÊnieurs ratta-
REE : Dans la pratique, comment
sements publics rattachĂŠs aux ministres
chÊes aux ministres chargÊs de l’industrie
fonctionnez-vous ?
Ă qui il rend compte. Le Vice-prĂŠsident
et des communications ĂŠlectroniques et
F. D : Le Conseil gĂŠnĂŠral est divisĂŠ en
du Conseil gĂŠnĂŠral dirige les travaux des
assure la publication de la revue des An-
quatre sections correspondant Ă quatre
membres du Conseil et des fonction-
nales des mines.
grands domaines transversaux de com-
naires qui y sont affectÊs. Ses domaines d’intervention couvrent
Le Conseil gĂŠnĂŠral comprend, en
pĂŠtences :
tant que membres permanents, environ
s TECHNOLOGIES ET SOCIĂ?TĂ?
quatre grands secteurs :
45 ingĂŠnieurs gĂŠnĂŠraux des mines et
s INNOVATION COMPĂ?TITIVITĂ? ET MODERNI-
s LE DĂ?VELOPPEMENT Ă?CONOMIQUE ET L IN-
CONTRÙLEURS G�N�RAUX �CONOMIQUES ET l-
dustrie ;
nanciers. Ils sont assistĂŠs par une dizaine
s LES SERVICES lNANCIERS LES BANQUES ET de chargĂŠs de mission. les assurances ;
sation ; s RĂ?GULATION ET RESSOURCES s SĂ?CURITĂ? ET RISQUES .OUS INTERVENONS USUELLEMENT ĂŒ PARTIR
s LES TECHNOLOGIES DE L INFORMATION LES REE : Le Conseil gÊnÊral de l’Êconomie,
de lettres de saisine qui nous sont adres-
communications Êlectroniques, l’infor-
de l’industrie, de l’Ênergie et des tech-
sĂŠes par un ou plusieurs de nos ministres
matique, les techniques audiovisuelles,
nologies est devenu le Conseil gĂŠnĂŠral
de rattachement. Les membres du Conseil
l’espace et le secteur postal ;
de l’Êconomie. Quelle signification faut-
travaillent gĂŠnĂŠralement en binĂ´me, par-
s L Ă?NERGIE LES RESSOURCES MINIĂ’RES ET il voir dans cette transformation ?
fois en ĂŠquipes interministĂŠrielles avec des
F. D : Le Conseil gÊnÊral de l’Êconomie,
reprÊsentants d’autres institutions, Inspec-
Il faut noter que le Vice-prĂŠsident du
de l’industrie, de l’Ênergie et des techno-
TION GĂ?NĂ?RALE DES lNANCES #ONSEIL GĂ?NĂ?RAL
Conseil gĂŠnĂŠral assure ĂŠgalement la ges-
logies rĂŠsulte de la fusion en 2009 du
de l’environnement et du dÊveloppement
tion du corps des ingĂŠnieurs des mines,
Conseil gĂŠnĂŠral des mines et du Conseil
durable, Inspection gÊnÊrale de l’adminis-
grand corps technique de l’Etat qui rÊsulte
gÊnÊral des technologies de l’information
tration, Inspection gÊnÊrale de l’adminis-
de la fusion encore rĂŠcente du corps des
au sein du Conseil gÊnÊral de l’industrie,
tration de l’Êducation nationale et de la
mines au sens historique du terme avec
de l’Ênergie et des technologies. Ses mis-
recherche, par exemple.
minÊrales et l’utilisation du sous-sol.
REE N°1/2014 89
.OUS AVONS AUSSI UN POUVOIR DE
QU IL NOUS FAUDRAIT AMĂ?LIORER AlN D Ă?LAR-
proposition : dans le cadre de notre
gir notre ouverture internationale. Il est Ă
programme de travail, nous proposons
noter que le Conseil gĂŠnĂŠral a passĂŠ rĂŠ-
à nos ministres des sujets d’investiga-
cemment une convention de partenariat
tion sur des thèmes qui nous semblent
avec l’universitÊ de Paris Dauphine qui
importants. De la même manière, nous
devrait ĂŠlargir le champ de nos contacts,
sommes amenĂŠs Ă leur transmettre des
dans sa dimension acadĂŠmique, notam-
notes d’alerte sur des sujets d’actualitÊ.
ment sur les problĂŠmatiques ĂŠcono-
.OS RAPPORTS SONT DESTINĂ?S ĂŒ NOS ministres donneurs d’ordres. A ce titre, IL SONT SOUVENT CONlDENTIELS DE FAÂĽON Ă nous assurer une grande libertĂŠ d’ex-
miques et de ressources.
Les ĂŠnergies renouvelables doivent rentrer davantage dans une logique de marchĂŠ
REE : La restauration de la compĂŠtitivitĂŠ de notre industrie est une prĂŠoccupation jugĂŠe prioritaire par les
pression et de proposition. Pour autant beaucoup sont rendus publics après
REE : Travaillez-vous ĂŠgalement sur les
responsables politiques. Quel regard
accord des ministres
questions de l’Ênergie et du climat ?
portez-vous sur l’industrie française ?
F. D : Oui, c’est clairement l’une des
F. D : C’est un fait que nous avons dÊcro-
REE : Vous prĂŠsidez la section ÂŤ Inno-
grandes prĂŠoccupations du moment. Et
chĂŠ tant en termes de part de PIB que
vation, compĂŠtitivitĂŠ et modernisa-
puis nous sommes aussi Conseil gĂŠnĂŠ-
d’emplois. Il faut enrayer cela. Je ne crois
tion Âť. Quels sont les grands dossiers
RAL DE L Ă?NERGIE .OUS RĂ?mĂ?CHISSONS AUX pas du tout Ă la sociĂŠtĂŠ sans usine Ă
dont vous avez eu Ă connaĂŽtre au
consĂŠquences de la dĂŠrĂŠgulation sur le
laquelle certains aspiraient naguère. Le
cours de l’annÊe 2013 et quel est
système Êlectrique, nous travaillons sur
problème du dÊsÊquilibre du commerce
votre programme pour l’annÊe 2014 ?
l’incidence du dÊveloppement des Êner-
extĂŠrieur est aussi une prĂŠoccupation
F. D : .OTRE PR�OCCUPATION MAJEURE EST gies renouvelables et sur l’Êvolution du
majeure ; il faut pouvoir le combler et
clairement aujourd’hui la compÊtitivitÊ des
SOUTIEN QUI DOIT LEUR Ă?TRE APPORTĂ? .OUS pour cela parvenir Ă exporter davantage.
entreprises et leur capacitĂŠ Ă se moderni-
pensons par exemple que les ĂŠner-
-AIS LES POSSIBILITĂ?S D EXPORTATION DE
ser et Ă innover. Pour ce qui concerne plus
gies renouvelables devraient, Ă prĂŠsent
services sont limitĂŠes. Il nous faut expor-
directement la section Innovation, com-
qu’elles reprÊsentent une part non nÊgli-
ter davantage de biens industriels ; mais
geable de notre production ĂŠlectrique,
ceci n’est possible qu’à la condition qu’ils
rentrer davantage dans une logique de
soient compĂŠtitifs en prix et en qualitĂŠ.
Notre prÊoccupation majeure est aujourd’hui la compÊtitivitÊ des entreprises
marchĂŠ et du fait de leur intermittence
Le choix de la dĂŠvaluation ne nous est
mieux intĂŠgrer la composante ÂŤ backup Âť
plus ouvert. Il nous reste l’innovation qui
qui leur est nĂŠcessaire.
est un impĂŠratif majeur.
pĂŠtitivitĂŠ et modernisation, cela implique
position de Haut fonctionnaire chargĂŠ du
notamment des travaux sur :
dĂŠveloppent durable au sein du minis-
Bien ĂŠvidemment, et surtout en ma
s , AD�QUATION DU SYSTÒME lNANCIER AU tère de l’Êconomie, nous suivons avec service de l’Êconomie rÊelle (rôle de
la plus grande attention les nĂŠgociations
la Banque publique d’investissement,
sur l’Êvolution du système europÊen des
lNANCEMENT DES 0-% s , Ă?NERGIE ET LA COMPĂ?TITIVITĂ? DES ENTRE-
quotas de CO2 et plus gĂŠnĂŠralement les discussions internationales sur le sujet
prises, les effets de la rĂŠgulation ; niveau europĂŠen, avec les autoritĂŠs
s ,A SIMPLIlCATION ADMINISTRATIVE POUR LES de Bruxelles ou avec d’autres instituentreprises ;
tions des Etats membres ?
s ,A NORMALISATION ET LES M�CANISMES F. D : Il n’y a pas d’institutions directed’aide à l’innovation ;
Vous connaissez le rapport  un principe et sept ambitions pour l’innovation 
s ,A lSCALITĂ? Ă?COLOGIQUE L Ă?VOLUTION DE LA REE : Avez-vous des contacts au politique du CO2 ;
Nous avons dĂŠcrochĂŠ : il nous faut une politique de R&D davantage orientĂŠe vers la mise au point de produits nouveaux
visant à stimuler l’innovation au sein des entreprises de toutes tailles qui a ÊtÊ remis au PrÊsident de la RÊpublique par Anne Lauvergeon en octobre 2013. Ce rapport, auquel un membre du Conseil
ment ĂŠquivalentes au Conseil gĂŠnĂŠral
gĂŠnĂŠral a activement participĂŠ, met en
s , ORIENTATION DE LA COMMANDE PUBLIQUE AU dans les autres pays europĂŠens et ceci
Êvidence sept secteurs oÚ l’industrie fran-
PROlT DES ENTREPRISES ET DE L INNOVATION
ne facilite pas le travail en rĂŠseau au
ÂĽAISE A DE BONS ATOUTS POUR SE REDĂ?PLOYER
s ,A FORMATION DES CADRES SCIENTIlQUES NIVEAU EUROP�EN .OS COOP�RATIONS SONT * AJOUTERAIS QUE D UNE FA¼ON G�N�RALE IL et techniques pour l’industrie.
90
REE N°1/2014
aujourd’hui ponctuelles. C’est un point
nous faut une culture de recherche-dĂŠ-
ENSEIGNEMENT & RECHERCHE
Une autre vision de l’orientation Comment imaginer de nouvelles approches pour donner envie aux jeunes de choisir des études Claude Maury Responsable au CEFI et aux IESF du projet « Fabrique des Vocations »
Sur l’importance nouvelle de l’orientation La question de l’orientation apparaît désormais comme un volet à part entière de toute politique éducative
L
a montée du niveau général d’étude dans les sociétés développées conduit de plus en plus de jeunes à s’engager dans des études supérieures (il est devenu peu concevable de chercher à entrer dans la vie active avec un simple baccalauréat général) et à faire face, à un moment ou un autre, à des choix d’études déterminants pour leur avenir. Tout jeune lycéen, ou jeune étudiant, a ainsi potentiellement à exprimer des préférences, dont il n’est pas souvent à même d’appréhender le sens ou les conséquences à court ou long terme (exigences pour ses études, perspectives professionnelles). Faute de bien maîtriser tous les paramètres en jeu, le jeune lycéen en restera souvent, faute de mieux, à une forme de conformisme social et assez largement aux indications de sa famille. On comprend mieux dans ce contexte l’attention croissante portée aux dispositifs d’aide à l’orientation, que ce soit en fin d’études secondaires (lycée) ou désormais dans tous les établissements d’enseignement supérieur, au travers d’une obligation actée par la loi, d’autant que s’y ajoutent des enjeux politiques : s CELUI D AMÏLIORER EN PROFONDEUR LES CONDITIONS D INSERTION DES jeunes et d’éviter un chômage prolongé (effet supposé d’une orientation mal traitée) ; s CELUI DE COMBATTRE TOUTE TENDANCE Ì LA DÏSAFFECTION DE lLIÒRES scientifiques et techniques jugées déterminantes pour notre compétitivité économique. La conjonction de toutes ces attentes, aussi nécessaires et légitimes qu’elles puissent être, pose néanmoins de réels problèmes, que nous allons évoquer ici. Malgré l’importance des efforts accomplis et la réalité d’une volonté politique, on voit s’exprimer de nombreux doutes et critiques Nul ne peut mettre en cause la réalité des efforts faits pour mettre en place des dispositifs variés d’aide à l’orientation ou de
92
REE N°1/2014
la qualité des personnes mobilisées, qu’il s’agisse de structures ou d’organismes publics (ONISEP, CIO), d’initiatives portées par les acteurs locaux (maisons des métiers) ou privées (organisation de foires) ou professionnelles. Selon les cas les interventions de ces structures (sites internet, organisation de salons, brochures) sont plus orientées sur le choix des études en amont (exemple des CIO) ou sur les questions relatives à l’insertion et à l’orientation professionnelle. Mais cet effort incontestable ne peut dispenser d’une analyse critique de son impact. Or de nombreuses enquêtes1, menées auprès des élèves et des étudiants, font apparaître que l’influence de ces interventions reste objectivement faible, par rapport aux avis recueillis dans le cercle familial ou auprès des proches. Si les jeunes « consomment » sous diverses formes ces aides à l’orientation et les apprécient, leurs choix ultimes restent principalement déterminés par des tiers de confiance, amis proches, famille. Le poids des relations personnelles l’emporte clairement sur toute intervention extérieure, même bien argumentée. On observe par exemple que l’orientation des jeunes filles vers les sciences dérive généralement d’une « histoire » familiale… Des analyses globales conduites avec un sérieux indiscutable (rapport 2013 de lGAS, de l’IGEN et de l’IGAENR) aboutissent également à des conclusions assez critiques, portant cette fois sur la dispersion des acteurs publics, sur fond de relations d’incompréhension partielle entre régions et structures centrales, sans parler des structures professionnelles, avec par surcroît une faiblesse préoccupante de réflexion stratégique. De fait l’intérêt manifesté pour le développement de services à l’orientation, ne peut masquer les ambiguïtés résultant de la multiplicité des buts poursuivis face à des publics hétérogènes et les hésitations entre une vision libérale centrée sur la personne ou la recherche d’inflexion des choix personnels en fonction de priorités collectives. Que répondre ainsi à ces interrogations : s L APPORT D UNE INFORMATION FOURNIE ET RICHE EST ELLE SUFlSANT EN SOI pour contrecarrer l’expression de préférences irréfléchies, débouchant sur des problèmes d’insertion ? s QUEL DEGRÏ DE VOLONTARISME DOIT ON ACCEPTER POUR RÏDUIRE AU DÏTRIment d’une pleine liberté des choix, certains déséquilibres observés (ex : le taux de féminisation) dans les filières scientifiques et techniques ? 1
Exemple d’une enquête du CEFI sur les déterminants des choix des étudiants master et écoles.
ENSEIGNEMENT & RECHERCHE
Le paradigme de l’orientation a profondément évolué ces dernières années avec de nouveaux rapports entre « orientés » et « conseillers » Les analyses précédentes occultent une évolution en profondeur de l’aide à l’orientation. Traditionnellement « l’orienteur » s’appliquait, après un diagnostic préalable, à transmettre une information détaillée sur les filières d’études ou sur les métiers. La vision idéale était de fournir, dans une logique de rationalisation des décisions, une information pertinente, supposée suggérer un cap « réaliste » accompagné de « bonnes » raisons. On s’est clairement écarté ces dernières années de ce schéma de tonalité paternaliste pour se protéger par principe de tout effet d’influence directe : le jeune demandeur, déjà supposé prendre de lui-même l’initiative d’un contact, se voit désormais proposer un accompagnement pour construire lui-même son orientation. Il est alors exclu de lui proposer une réponse (en forme d’une vérité qui aurait vocation à s’imposer à lui). On lui demande de gérer lui-même sa démarche et de chercher de lui-même des informations ou des témoignages sur la réalité du monde professionnel ou des études, avant de prendre parti. Si ce changement d’approche dérive en partie de la facilité extraordinaire apportée par Internet pour l’accès à l’information de base, il est plus encore l’expression d’une évolution sociétale, associant une reconnaissance affirmée de l’autonomie des jeunes, et une défiance vis-à-vis de tout discours d’autorité.
en observant que tous les individus avaient généralement une latitude très supérieure à la moyenne pour telle ou telle activité et que cette dimension méritait d’être prise en compte dans tout choix de trajectoires. Sur cette base, une action a été prévue sur trois plans : s APPORT AUX PRESCRIPTEURS DE RESSOURCES DE QUALITÏ APTES Ì APPUYER leurs interventions, moins descriptives ou d’informatives que fondées sur des analyses en profondeur des réalités professionnelles ; s ÏLABORATION DE SYNTHÒSES SUR DE GRANDES lLIÒRES DÏSIGNÏES COMME stratégiques, visant à apporter, à partir de l’expertise des quatre partenaires, une intelligence nouvelle de la réalité présente et surtout de sa dynamique, sur les plans complémentaires : - des évolutions technologiques et des défis à relever ; - des problématiques industrielles (stratégies, alliances…) dans le contexte mondialisé et très concurrentiel des années à venir ; - du monde professionnel et des métiers. s OFFRIR AUX PRESCRIPTEURS L ACCÒS Ì DES TÏMOIGNAGES DE TERRAIN ET LA possibilité d’échanger entre eux sur ces apports (communautés de pratiques) qu’il s’agisse de méthodes et d’outils (analyse des profils, représentation des métiers). L’ambition du dispositif est de mettre un accent fort sur une compréhension au sens large de l’environnement des emplois et de contextualiser pleinement la question de l’orientation, bien au-delà de toute l’information analytique déjà disponible.
Explorer des démarches non-conventionnelles
Le travail engagé a déjà confirmé une hétérogénéité des prescripteurs, avec un contraste marqué entre : s DES PROFESSIONNELS DE L INFORMATION ET DE L ORIENTATION PEU AVERTIS en règle générale des réalités de l’entreprise et des métiers scientifiques mais bien formés aux techniques de l’accompagnement (la pédagogie prime sur le sujet) ; s LES RESPONSABLES DES INSTITUTIONS DE FORMATIONS )54 UNIVERSITÏS écoles), globalement bien informés de la situation immédiate des entreprises mais manquant d’ouverture sur les évolutions à moyen terme et parfois enfermés dans des visions technicistes. Les contacts pris ont également montré qu’il existait bien au niveau des prescripteurs une réelle attente d’échanges sur les pratiques, chacun souhaitant bénéficier du regard des autres sur ses démarches. Il a enfin été constaté, ce qui était moins attendu, qu’il y avait un souhait pour l’identification de situations de niche (débouchés délimités liés à une expertise très spécifique), traduisant la sensibilité des étudiants à des propositions valorisant clairement leurs compétences dans des espaces professionnels perçus comme relativement préservés.
Comment imaginer une démarche originale, ou la naissance d’une « fabrique des vocations » ? Dans le cadre d’un appel d’offre des investissements d’avenir relatif à la culture scientifique et technique, l’Académie des technologies, l’APEC, l’IESF et le CEFI ont présenté un projet conjoint destiné au premier niveau à promouvoir des orientations vers les filières scientifiques et techniques, au second niveau à proposer des approches non-conventionnelles des processus d’aide à l’orientation. Cette démarche, en passe de concrétisation début 2014, a été fondée sur trois postulats, qui auront naturellement à être validés ou ajustés à la lumière de l’expérience : 1. le premier est prendre pour cible principale les « prescripteurs » (on devrait plutôt parler de « relais »), en cherchant à ouvrir une relation de confiance avec toutes les personnes (enseignants), structures (centres d’orientation) ou institutions intervenant comme conseils et, dans la mesure du possible, d’ajuster tous les messages produits et les interventions à leurs attentes ; 2. le second a été de mettre en avant la dimension de la vocation, en considérant que dans les pratiques actuelles on rapportait à l’excès les choix aux capacités scolaires, en délaissant l’implication profonde vers tel ou tel sujet, ou telle activité. Or l’expérience montrait que toute personne qui parvenait à concrétiser ses envies profondes réussissait toujours beaucoup mieux ; 3. le troisième était d’accepter de tenir un discours sur les talents
Premiers constats et perspectives du projet
Que peut-on attendre d’une telle approche? Il ne faut pas se dissimuler que les options prises vont, en partie, à contre-courant des pratiques dominantes, où le message principal reste centré sur le lien fort entre choix d’études et aptitudes scolaires, l’ambition essentielle étant d’obtenir le diplôme le plus coté,
REE N°1/2014 93
CHRONIQUE
D
A quoi tient la postérité des savants ? eux excellents ouvrages récents
ce météore de la science, qui à 32 ans organisa
mite…), la misanthropie et la mélancolie de ses
permettent de poser cette ques-
sa mystérieuse disparition. Démarrée comme
dernières années malgré un bref sursaut, tout cela
tion et de réfléchir à ce qui fait la
un roman policier, la recherche d’Etienne Klein
constitue la trame d’un récit captivant.
notoriété des hommes de science
tient le lecteur en haleine, mais sans pouvoir
A lire ces deux biographies passionnantes,
et sa permanence au fil du temps. L’auteur de
nous donner le mot de la fin, en dépit des talents
on trouve même un point commun à La Caille et
cette chronique avoue qu’il a pu vivre quelques
de détective et de romancier qu’elle révèle ou
Majorana : ils furent l’un et l’autre des calculateurs
décennies sans même connaître les noms des
confirme ! On retrouve l’atmosphère des années
hors pair, l’un pour analyser finement les données
grands savants que furent Nicolas-Louis de La
30 au sein des plus prestigieuses équipes, Fermi
de la triangulation, l’autre pour concrétiser d’éton-
Caille, sous Louis XV, puis Ettore Majorana, sous
à Rome, Heisenberg à Leipzig, Bohr à Copen-
nantes capacités d’abstraction.
Mussolini : il présume que beaucoup de lec-
hague, qu’Ettore Majorana visita et illumina de
teurs lui ressemblent à cet égard ! Ian S. Glass et
ses fulgurances. Alors que le formalisme de la
*** La Patrie reconnaissante honore ses grands
James Lequeux d’une part, Etienne Klein d’autre
hommes, mais seulement une dizaine d'hommes
part, leur consacrent deux biographies passion-
de science reposent au Panthéon. Les noms des
nantes, dont la lecture est gratifiante car les deux
rues ou des établissements scolaires (collèges, ly-
savants sont avec talent bien resitués dans leurs
cées et universités) contribuent à la mémoire col-
contextes historique et scientifique.
lective, ainsi que les manuels scolaires, qui peuvent
L’abbé de La Caille (1713-1762) eut une car-
évoquer les auteurs de théorèmes ou de théories
rière brève et brillante, représentative de cette
importantes. Mais les honneurs posthumes et la
période des Lumières ; il consacra l’essentiel de
gloire sont chichement distribués aux savants : les
ses efforts à la promotion de la science, à la fois professeur de mathématiques au Collège Mazarin (l’actuel Institut de France) et membre de l’Académie des Sciences. Contemporain de La Condamine, Delambre et Maupertuis, La Caille se consacra à la mesure du méridien et à la détermination du géoïde, ce qui conduisit quelques décennies
Ian S. Glas Nicolas-Louis de La Caille Astronome et géodésien Traduction de James Lequeux Éditions EDP Sciences & Observatoire de Paris juillet 2013 - 248 p. - 25
grands lycées parisiens portent plutôt les noms de grands monarques (Charlemagne, Saint Louis ou Louis le Grand) que ceux de savants (Condorcet, Sophie Germain). Si depuis la Troisième République on perpétue la mémoire de Pasteur et celle des Curie, rares sont les rues honorant de grands mathématiciens… sauf à Liévin (Pas-de-Calais)
plus tard à la définition du mètre. Il a largement
qui connaît à la fois Elie Cartan et Bourbaki !
mérité la modeste rue parisienne qui porte son
André Weil a plus marqué les mathématiques que
nom (d’ailleurs orthographié Lacaille). La Caille
sa sœur Simone la philosophie et pourtant, il ne
avec Maupertuis donna raison à Newton qui pen-
reste connu que de ses pairs.
sait que notre planète est un ellipsoïde aplati et
Risquons une hypothèse : les hommages pu-
non pas allongé. Mais sa contribution essentielle
blics concernent souvent ceux qui à leurs grands
vient de ses lointains et studieux séjours en Afrique
mérites scientifiques ajoutèrent un autre motif
du Sud, où il créa l’observatoire du Cap. Outre ses
Étienne Klein
de postérité : engagement public comme Arago,
En cherchant Majorana le physicien absolu
Langevin ou Joliot-Curie, œuvre philosophique
une description précise du ciel austral ; grâce à des
comme Descartes, Pascal ou Poincaré, destin
observations quasi simultanées en Europe, il put
Éditions des Équateurs/ Flammarion
tragique comme Condorcet. Et la technique est à
observations relevant des sciences naturelles, il fit
déterminer avec une précision inédite la distance
septembre 2013 - 170 p. - 17
de la Terre aux planètes essentielles.
peine mieux considérée que la science : le grand public ne mémorise guère, depuis Diderot et
Pour cette excellente biographie, largement
mécanique quantique continue à s’élaborer, les
l’Encyclopédie, que les pionniers de l’automobile
illustrée, I.S. Glass, astronome au Cap, a collecté
plus hardis comme lui commencent à l’appliquer
ou de l’aviation…
force documents contemporains, par exemple
à l’étude des noyaux ; les Joliot-Curie découvrent
Formulons pour conclure le souhait ardent
une lettre très respectueusement indignée de
la radioactivité artificielle mais « loupent » celle du
que soit étudiée dans les nouvelles ESP (Ecoles
La Caille à Euler, soupçonnant des erreurs de me-
neutron, pour laquelle Majorana aurait pu parta-
Supérieures du Professorat), puis enseignée
sure ! James Lequeux, qui depuis son éméritat
ger le prix Nobel et la gloire de Chadwick !
au collège et au lycée l’histoire conjointe de la
nous donne d’excellents ouvrages (par exemple
Etienne Klein s'est passionné à renouer les fils
science et de ceux qui l’ont faite : avec l’His-
chez EDP Sciences, ses biographies de Arago et
épars de cette existence tragique et féconde ; il
toire de la physique et des physiciens de J-C
de Le Verrier), a assuré une belle et précise tra-
est même possible que Majorana ait eu l’intuition
Boudenot (cf. la rubrique « Vient de paraître »),
duction ; peut-être aurait-il pu ajouter ici ou là
de réponses possibles à des problèmes encore
les deux ouvrages qui inspirent cette chronique
quelques schémas explicatifs.
inconnus à son époque tels l'énergie noire. Les
doivent y avoir une place de choix.
Très différent est l’ouvrage consacré par
enthousiasmes de Majorana, ses cécités poli-
Etienne Klein à Ettore Majorana (1906-1938),
tiques (il était à Leipzig en 1933 et fut antisé-
B. Ay.
REE N°1/2014 99
PROPOS
LIBRES
Bernard Ayrault Ancien directeur de TĂŠlĂŠcom Bretagne Ancien membre de la CTI Chroniqueur Ă REE
semaine : le stock des affiches ĂŠtait ĂŠpuisĂŠ Ă force d'avoir
E
fait sourire et depuis dĂŠjĂ belle lurette Monsieur Toubon,
satisfait la curiositÊ des diverses autoritÊs, quelques sièges avaient chancelÊ, mais seul avait vraiment trÊbuchÊ celui du responsable des mastères. 25 ans plus tard, l’affaire
st-ce une de ces querelles franco-française
auteur de la cÊlèbre loi de dÊfense du Français n'est plus
qu'a provoquĂŠe, une nouvelle fois, la ques-
dĂŠputĂŠ-maire du 13e arrondissement, celui prĂŠcisĂŠment
tion des cours en anglais dans l'enseigne-
de TĂŠlĂŠcom Paris !
ment supĂŠrieur ? A nouveau, des Anciens
La fameuse loi Toubon (loi n° 94-665 du 4 aoÝt 1994
et des Modernes se sont affrontĂŠs comme ils le font
relative à l’emploi de la langue française) aura bientôt 20
chaque fois qu'est ĂŠvoquĂŠe cette question, dont on
ans ; s’appuyant sur une disposition de la Constitution,
peut penser qu’elle n’est pourtant pas vraiment dÊcisive
suivant laquelle ÂŤ La langue de la RĂŠpublique est le fran-
pour l'avenir de la RĂŠpublique !
çais , elle visait trois objectifs principaux :
Le temps n'est plus oĂš notre langue ĂŠtait dans toute
s L ENRICHISSEMENT DE LA LANGUE
l'Europe celle de la diplomatie et de la culture. On peut
s L OBLIGATION D UTILISER LA LANGUE FRANÂĽAISE
le regretter mais depuis Colbert, la Marine a bien chan-
s LA DĂ?FENSE DU FRANÂĽAIS EN TANT QUE LANGUE DE LA 2Ă?PU-
gĂŠ. Il revient aussi en mĂŠmoire Ă l'auteur de ces lignes, dont les souvenirs sont beaucoup plus rĂŠcents, qu'il a
blique. C’est au titre de ce deuxième objectif qu’elle s’est
naguère failli perdre son Directeur, celui de
largement, et sans doute excessivement,
TĂŠlĂŠcom Paris (actuellement TĂŠlĂŠcom Paris-
appliquÊe à assurer l’usage de termes
Tech) oĂš il travaillait alors ; l'anecdote vaut d'ĂŞtre comptĂŠe, tant elle illustre la crispation de certains et les ĂŠvolutions indiscutables enregistrĂŠes depuis.
A propos de l'anglais Ă l'UniversitĂŠ
cismes et à imposer l’exclusivitÊ du français en France, du moins dans l’espace public. Dans l’enseignement supÊrieur, elle a immÊdiatement dÊclenchÊ de vives polÊ-
L’affaire se passe il y a une bonne vingtaine d'annÊes ; un soir, les tÊlÊspectateurs assoupis devant l'Êdition de la nuit du journal voient
francophones traditionnels face aux angli-
miques et protestations, en particulier du cĂ´tĂŠ des scientifiques.
apparaĂŽtre un illustre inconnu, au titre important de
Quand il y a quelques mois, Madame Fioraso, mi-
Haut-Commissaire à la dÊfense de la langue française :
nistre de l’enseignement supÊrieur et de la recherche,
il brandit en s'indignant une affiche, rĂŠdigĂŠe en anglais,
a reconnu la possibilitĂŠ d’enseignements en anglais (Ă
mais qui n'est autre que la traduction conforme d'une
l’occasion de la loi dite ESR), ce sont plutôt des littÊraires
promotion en faveur des mastères de TÊlÊcom Paris,
Êminents, et très souvent bilingues !, qui tels Claude
dont ce sont alors, comme dans les grandes ĂŠcoles, les
Hagege ont protestĂŠ contre cette forme de renonce-
timides dĂŠbuts. On sait que la formule a depuis fait lar-
ment face à l’impÊrialisme culturel de l’anglais ; c’est
gement son chemin et que l'audience internationale des
dÊjà en soi le signe d’une forte Êvolution en un quart
universitÊs et Êcoles françaises s'est largement dÊvelop-
de siècle !
pÊe, grâce en particulier à ces formations spÊcialisÊes.
Il nous paraĂŽt raisonnable, surtout en fonction des
Ce qui n'aurait pu être qu'un ÊpiphÊnomène tÊlÊvisuel
responsabilitĂŠs exercĂŠes Ă la direction de TĂŠlĂŠcom Bre-
eut quelques suites : dès le lendemain matin, le directeur
tagne (une Êcole qui s’est voulue ab initio très ouverte
de l’Ecole est sommÊ de fournir, avec quelques exem-
aux Êtudiants Êtrangers comme à l’apprentissage des
plaires de l'affiche si noblement prĂŠsentĂŠe Ă la vindicte
langues Êtrangères par les Êtudiants français) de formu-
des tĂŠlĂŠspectateurs, quelques explications. Puis au fil des
ler quelques remarques que nous croyons importantes
jours, l’affaire enfle ; le directeur gÊnÊral des tÊlÊcommu-
et qui concernent d’abord les Êtudiants français, ensuite
nications, qui n'avait pas attachĂŠ trop d'importance Ă l'in-
les ĂŠtudiants ĂŠtrangers en France :
cident, doit Ă son tour fournir moult prĂŠcisions et justifica-
100
tions au ministre, dont le cabinet se fait exigeant, puis me-
1°. Tout d’abord il n’est pas raisonnable de parler glo-
naçant. Le calme revient, heureusement, au bout d'une
balement de l’ensemble de l’enseignement et de la
REE N°1/2014
LIBRES
recherche. L’enseignement supérieur comporte des
PROPOS
121-3 précise que « la maîtrise de la langue française et
champs disciplinaires très variés et comporte trois cycles
de deux autres, langues font partie des objectifs fonda-
successifs – au total une dizaine d’années d’études ! –
mentaux de l’enseignement ».
pour lesquels les objectifs ne sauraient être uniformes. Comment confondre dans une même loi, une même
4°. La question de l’anglais ne doit pas occulter d’autres
directive, ou une même protestation, un étudiant en
problèmes qui concernent actuellement beaucoup de
première année d’IUT, en thèse scientifique ou en LEA
néo-bacheliers, français ou issus de pays traditionnel-
(Langues Etrangères Appliquées) ? On ne voit pas en
lement francophones et poursuivant des études supé-
effet de raison à ce que le premier se voie imposer juste
rieures dans le système français :
après le bac (pour lequel l’anglais n’est pas obligatoire !)
s LA MAÔTRISE DU FRAN¥AIS EST SOUVENT MÏDIOCRE ET DANS
des cours en anglais alors que les deux autres ont un
bien des cas il serait important de développer l’expres-
intérêt (pré)professionnel à se féliciter d’en fréquenter !
sion tant orale qu’écrite, ne serait-ce qu’au titre de la communication qui est un objectif essentiel mais trop
2°. Il importe de distinguer la connaissance de l’anglais
souvent négligé, parce que jugé implicitement atteint ;
comme langue de « circulation internationale » de sa
s L APPRENTISSAGE Ì UN BON NIVEAU DE DEUX LANGUES VI-
Vous voulez... vantes, à l’heure de l’Europe et de la mondialisation, est un objectif dit plus prosaïquement, les exigences et objectifs ne Vous abonner à la REE ? incontournable : l’insistance mise sur la seconde langue contribuera sans doute à apaiser ceux sauraient être identiques pour un futur professeur de Acheter un numéro ? Cliquer ICI qui craignent, à tort ou à raison, la dilution de notre langues, un diplomate ou un technicien informatique ! culture devant L’anglais est une langue de travail, banale et souvent mal Ou bien téléphoner au 01 l’impérialisme 56 90de l’anglais… 37 04 maîtrise comme langue de « culture internationale », ou,
parlée. Il y a longtemps que la Commission des titres d’ingénieurs (CTI) exige, avec succès, que tout diplômé
5°. De façon plus insidieuse, la cécité devant ces ques-
ait un niveau minimum… ce qui n’interdit pas le bilin-
tions de langues vivantes et les objectifs souvent impli-
guisme à ceux qui sont allés passer l’année terminale de
cites qu’elles soulèvent, est aussi un manque de respon-
leur cursus dans une université anglophone !
sabilité, voire de courage, devant un autre enjeu essentiel de l’enseignement supérieur, celui d’améliorer, avec
3°. Pour ceux, très majoritaires, qui l’ont étudié, la
ses « performances », l’insertion non discriminatoire
connaissance de l’anglais n’est pas satisfaisante à la
de ses diplômés. Or il est bien connu que la maîtrise
sortie de l’enseignement secondaire ; ce constat (qui,
à bon niveau des outils de la réussite professionnelle
soit dit en passant, s’applique aussi souvent à la maîtrise
est essentielle ; à côté d’autres impératifs, également
orale ou écrite du français !) a un corollaire immédiat :
importants tels que la communication, l’informatique
c’est à l’enseignement supérieur d’en prendre acte et
comme outil, le rapport aux règles du droit, la connais-
d’agir en conséquence en fonction des objectifs qu’il
sance de l’entreprise et/ou des réalités économiques
s’assigne, notamment au regard de l’insertion profes-
et sociales…, la capacité de comprendre et de se faire
sionnelle des étudiants.
comprendre en anglais est devenu une nécessité.
Ceux qui s’engagent dans des études conduisant à
Il y a fort à faire pour progresser dans ce sens, dans
des secteurs où l’anglais est indispensable, devraient
l’enseignement secondaire, puis dans le supérieur ;
en commencer l’étude au plus vite. Nous sommes
quand on aura atteint dans cette direction le niveau sou-
partisan de rendre l’anglais obligatoire dans toutes les
haité, plus personne ne s’offusquera qu’un universitaire
classes préparatoires aux écoles d’ingénieurs ou de
anglophone soit invité à faire des cours dans la langue
commerce et, pour que cette obligation soit effective,
qu’il maîtrise le mieux ! Mais de grâce, n’invoquons pas,
d’instituer aux plus vite une double épreuve de langues
avant le niveau du master, la sensibilisation à la recherche,
dans les concours, l’une au niveau actuel, l’autre à un
traditionnel argument pour réclamer le droit de faire des
niveau « débutant » ; aux spécialistes d’en déterminer
cours en anglais ; mettons-nous dans la situation effec-
les modalités : il semble qu’un simple oral dans cette
tive de pouvoir faire profiter les étudiants, de toutes les
seconde langue irait bien, pour les études à venir, dans
compétences locales, permanentes ou occasionnelles !
le sens souhaité par le Code de l’Education dont l’article
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REE N°1/2014 101