2017
EDITORIAL Quelques questions de la transition énergétique Sébastien Candel Président de l’Académie des sciences
Numéro
3
ÉNERGIE
ENTRETIEN AVEC Alain Bravo Président de l'Académie des technologies
TELECOMMUNICATIONS
SIGNAL
COMPOSANTS
AUTOMATIQUE
INFORMATIQUE
Cet aperçu gratuit permet aux lecteurs ou aux futurs lecteurs de la REE de découvrir le sommaire et les principaux articles du numéro 2017-3 de la revue, publié en juillet 2017. Pour acheter le numéro ou s'abonner, se rendre à la dernière page.
DOSSIERS
ISSN 1265-6534
L'ARTICLE INVITÉ
www.see.asso.fr
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EDITORIAL
L
SÉBASTIEN CANDEL
Quelques questions de la transition énergétique
a gestion du risque climatique anticipé passe par la mise en œuvre d’une stratégie sans regrets qui consiste à rechercher, développer et déployer des solutions qui pourraient conduire à une réduction importante des émissions de gaz à effet de serre. Mais à ce stade, on peut rappeler que la tendance au niveau mondial est celle d’une hausse de la demande énergétique associée à la croissance démographique, au développement économique et à l’augmentation des besoins des pays émergents ou en voie de développement. En 40 ans la consommation mondiale a doublé. Il sera difficile d’infléchir la demande d’énergie, qui conduit dans beaucoup de pays à l’utilisation accrue des énergies fossiles et notamment du charbon. La réduction des émissions globales de gaz à effet de serre, justifiée par son impact climatique, par les effets d’acidification des océans et par la nécessaire réduction de l’exploitation des énergies fossiles, ne pourra être réalisée sans la participation de tous les pays et notamment de ceux qui sont les plus gros émetteurs, une question d’actualité après le retrait annoncé des Etats-Unis de l’accord issu de la COP21. Le problème de l’énergie et de sa relation avec l’environnement est désormais au centre de nombreux débats mais il est généralement mal posé et traité de façon superficielle. L’impression diffuse, est que les solutions existent et qu’il suffirait de les appliquer pour obtenir toute l’énergie nécessaire. L’idée que l’énergie pose un défi majeur n’est pas comprise. L’échelle des défis à relever pour remplacer les énergies fossiles (80 % de l’énergie primaire) par d’autres énergies est immense. Les difficultés méritent d’être soulignées car elles sont sous-estimées par les décideurs, les médias et le public. On sait qu’il n’y a pas de solution unique, que les solutions clés en main n’apportent que des réponses partielles et enfin qu’il y a beaucoup de questions difficiles qui ne pourront être traitées sans faire des progrès scientifiques, technologiques, sans des innovations et des développements industriels. Parmi toutes les questions posées, on va évoquer trois d’entre elles, celle du
réseau électrique et de son évolution, celle de l’insertion des renouvelables intermittents et celle de la place du nucléaire dans le mix énergétique. Ces trois sujets ne couvrent qu’une petite partie des problèmes. Le réseau électrique est un élément essentiel dans le système électrique. L’évolution actuelle consiste à mettre en place des capacités d’estimation de son état pour tirer parti des possibilités nouvelles issues du numérique. L’objectif est d’assurer la sécurité du réseau et l’utilisation optimale des capacités de production et d’utilisation de l’énergie électrique. Le «réseau intelligent», incluant de nombreux capteurs, peut permettre une plus grande flexibilité, l’intégration de la production diffuse intermittente, réduire la déstabilisation du système électrique, maîtriser la courbe de consommation, faire des économies d’énergie et limiter le niveau de la pointe. Mais le développement du réseau intelligent pose des questions techniques difficiles comme celles de la répartition de l’intelligence du système entre gestion locale et globale, de son optimisation et de son contrôle entre les différents niveaux et des questions majeures de cybersécurité du fait de sa plus grande dépendance à l’échange d’information. Au-delà de ces problèmes, le réseau intelligent soulève des questions relatives à la liberté individuelle des citoyens et à l’exploitation des flux de données massives issues des compteurs communicants. Il y a donc ici beaucoup de sujets ouverts qui demandent un effort soutenu de recherche et d’innovation. Le remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables éolienne et solaire soulève beaucoup d’espoirs et aussi beaucoup de questions. Pour certains il faudrait développer ces énergies à marche forcée sans se préoccuper de leur effets sur la stabilité du réseau ou des problèmes posés par l’intermittence de ces énergies. On pourrait ainsi atteindre 100 % de renouvelables pour assurer la totalité de l’énergie électrique en France. Malheureusement, cette option ne traiterait pas la question centrale qui est celle du remplacement des énergies fossiles qui constituent plus de 50 % de l’énergie primaire en France. L’inser-
REE N°3/2017 Z 1
tion dans le réseau de grandes quantités d’énergies intermittentes (éolienne ou photovoltaïque) ne peut se faire sans que soit résolu le difficile problème de leur compensation en l’absence de vent ou de soleil. La variabilité des énergies renouvelables éoliennes et solaires nécessite la mise en œuvre d’énergies alternatives pour pallier cette intermittence et compenser les chutes de production. On pourrait penser que les échanges d’énergie au niveau européen pourraient résoudre ce problème. Or les nuits sont partout longues à la même période en Europe et les anticyclones souvent simultanés chez nous et nos voisins. Le stockage pourrait permettre un déploiement à grande échelle en évitant que l’intermittence de ces sources d’énergie conduise à utiliser des combustibles fossiles pour répondre à la demande. Mais les capacités de stockage sont limitées et les possibilités des batteries même les plus performantes ne peuvent répondre au besoin. L’artificialisation du paysage serait aussi considérable : pour produire la totalité de l’électricité au moyen d’éoliennes en mer, il faudrait par exemple équiper les 3 200 km de côtes françaises sur une bande de 5 km et aussi réaliser une extension majeure du réseau de transport de l’électricité pour collecter les énergies produites de façon diffuse et les faire remonter vers les lieux de consommation. Au-delà des difficultés techniques, on peut s’attendre à des problèmes d’acceptabilité. Une troisième question est celle de la place de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique futur. Cette énergie a permis d’assurer la sécurité d’approvisionnement de la France dans le domaine électrique en réduisant la dépendance par rapport aux énergies fossiles et de diminuer de façon significative les émissions de CO2 associées à la production d’énergie électrique. C’est ainsi que la France s’est hissée dans le groupe de tête des pays développés les moins émetteurs de GES. Pour une production annuelle de 540 TWh d’électricité en France, les émissions s’élèvent à 46 Mt CO2/an alors que l’Allemagne qui a fait un effort considérable et coûteux de mise en place d’énergies renouvelables éolienne et photovoltaïque produit 631 TWh d’électricité en émettant 334 Mt CO2/an. Il y a une contradiction à vouloir diminuer les émissions de gaz à effet de serre
2 Z REE N°3/2017
tout en réduisant la part du nucléaire. L’énergie nucléaire est actuellement le moyen le plus efficace pour réduire la part des énergies fossiles dans la production d’énergie électrique mais ce n’est pas la seule option possible. Elle est notamment peu adaptée à des pays qui ne disposent pas d’une infrastructure scientifique et d’une culture technologique suffisante qui permette d’assurer la sûreté de fonctionnement des installations. Il importe aussi que les pays qui souhaitent poursuivre le développement de la filière nucléaire possèdent ou mettent en place des structures définissant une bonne séparation entre les acteurs du nucléaire et les contrôleurs des activités nucléaires. L’industrie nationale étant remarquablement compétente dans ce domaine, tant pour les centrales que pour le cycle du combustible, la France dispose d’un atout considérable dans la lutte contre les gaz à effet de serre. Alors que l’insertion d’une fraction significative de solaire et d’éolien dans la production d’électricité pose déjà des difficultés sérieuses, le problème des 75 % d’énergie non électrique consommés par les transports, l’habitat, l’industrie est autrement plus complexe. Les économies d’énergie pourraient conduire à une réduction de l’émission des gaz à effet de serre qu’il faut effectivement réaliser. Notre électricité décarbonée permettrait d’ores et déjà à la France de transférer vers l’électricité certaines des activités utilisant des combustibles fossiles, pour le plus grand bien de sa balance commerciale et de la baisse de ses émissions, bien plus qu’elle ne le fait actuellement. En définitive, la transition énergétique demande une vision à long terme et l’engagement d’un effort significatif de recherche, développement et innovation pour faire émerger des solutions qui pourraient permettre de régler des problèmes qui ne sont actuellement résolus que de façon partielle.
Sébastien Candel Professeur des universités émérite à CentraleSupélec Président de l’Académie des sciences
sommaire Numéro 3
1
EDITORIAL Quelques questions de la transition énergétique Sébastien Candel
4
SOMMAIRE
6
LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE Des lasers à fibres optiques pour l’imagerie dans le moyen-infrarouge
p. 1
Sébastien Février
11 FLASH INFOS 13 15
L’Islande : électricité 100 % d’origine renouvelable ne veut pas dire 100 % décarbonée mais des solutions existent Plusieurs avancées dans la connaissance des trous noirs Imagerie de l’émission sombre des spasers
18 ACTUALITÉS
p. 68
21 22 25
La chronique de la 5G : le MIMO massif Quelle est la première ville francophone au monde ? Donald Trump annonce que les Etats-Unis se retirent de le l’accord de Paris TensorFlow, un simple outil de plus ou une révolution pour l’intelligence artificielle ?
28 A RETENIR Congrès et manifestations
30 VIENT DE PARAÎTRE La REE vous recommande
32 ARTICLE INVITÉ Décentralisation, nouveau paradigme de la transition énergétique ?
p. 100
Etienne Beeker
42 LES GRANDS DOSSSIERS La foudre Introduction : Protection contre la foudre : état de l’art et perspectives Alain Rousseau
45
La foudre - Phénoménologie Christian Bouquegneau
p. 32
p. 124
p. 135
52 59
Photo de couverture : JanJar - Fotolia
4 Z REE N°3/2017
Les réseaux de localisation des éclairs et leurs applications Stéphane Pédeboy, Marc Bonnet, Stéphane Schmitt
Analyse du risque foudre. Etat de l’art et nouveautés. Anthony Bergot, Vincent Rogez
66
La foudre en France: enjeux et solutions Elysabeth Benali, Michael Troubat
74
Nouveaux concepts de protection contre la foudre RĂŠgis Reeb
80
Les parafoudres pour les nouveaux marchÊs du XXIe siècle Christian Macanda
86
Les microgrids (Partie 2) Introduction : Les microgrids : une thÊmatique qui transforme le monde de l’ÊlectricitÊ Bruno Meyer
88
Les microgrids d’hier et d’aujourd’hui. Didier Laffaille
98
Modelling and techno-economic analysis of microgrid applications Siebert Bressinck, Stijn Uytterhoeven, Baptiste Rossi
105 Demand Side Management and Frequency Support within Microgrid Thomas Morris, Da Wang, Gaspard Lebel, Catalin Gavriluta, Cedric Boudinet, Vincent Debusschere, Raphael Caire
112 Concept Grid. Un laboratoire au service des microgrids Aude Pelletier, LoĂŻc Joseph-Auguste et Cristian Jecu
118 Les dĂŠďŹ s de la transition ĂŠnergĂŠtique des microrĂŠseaux insulaires Caroline Ducharme, SĂŠbastien Ruiz, Etienne Radvanyi
124 GROS PLAN SUR ‌ Les technologies d’afďŹ chage ĂŠlectronique Du tube cathodique aux ĂŠcrans plats Alain Brenac
135 ENTRETIEN AVEC... Alain Bravo
L’acadÊmie des technologies : au service d’un progrès raisonnÊ, choisi et partagÊ
140 ENSEIGNEMENT & RECHERCHE Les trois transitions : ĂŠlectrique, climatique, numĂŠrique Bernard Salha
144 Echos de l’enseignement supÊrieur Bernard Ayrault
!!!
146 CHRONIQUE ĂŠtes-vous un ÂŤ maker Âť ? Jean-Pierre Hauet
149 LIBRES PROPOS Technologie : sommes-nous rĂŠellement prĂŞts Ă la croissance de demain? Vincent Champain
152 SEE EN DIRECT La vie de l'association
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LES LESGRANDS GRANDSPRIX PRIX2016 2016DE DELA LASEE SEE
Aperçu gÊnÊral Les lasers ultrarapides Êmettant des impulsions ultrabrèves, de durÊe in-
SÊbastien Ê FÊvrier Ê rie Prix Jean Jerphagnon Enseignant à l’universitÊ l’univ Ê de Lim imoges Chercheur à Xlim, lim, UMR CNR RS 7252
fĂŠrieure eure Ă une e picosecon picoseconde, trouvent de pluss en plus d’applications dans les doma maines du micro-usinage o-usinage [1] et d de l’imagerie e biolo biologique [2]. Ces approches scientiďŹ ques ont proďŹ tĂŠ sc ďŹ tĂŠ du dĂŠveloppement dĂŠveloppem industriel ndustrie des lasers femtose condes titane-saphir Ă 800 nm dans les annĂŠes a s 1980 puis p des lasers femto secondes Ă base d’ytterbium um opĂŠrant autour auto utou de e 1 Îźm [3], Ă partir des annĂŠes 2000, et ont progressivement ent intĂŠgrĂŠ ĂŠgrĂŠ le marchĂŠ indus industriel. De nouvelles applications en biologie voire e en mĂŠdecine ecine po pourraient ourraient b bĂŠnĂŠďŹ cier cier de d lasers
Le Prix Jean Jerphagnon honore ho re
femtosecondes Êmettant à des longueurs d’onde d’ond de dans le moyen en infrarouge. infr
la mÊmoire et prolonge longe ge l’œuvre l’œ de Jean Jerphagnon, Jerp non, dÊ d dÊcÊdÊ
Par exemple, un laser femtosecon econde à 1 700 nm p permet d’imager perme mager des tissus
en 2005, qui mena une un carrière
tefois, les terres rares usuelles ne luminescent uminesc pas dans laa bande spectrale sp
remarquable arquable d dans le domaine aine de l’optique l’o que et de la a photo photonique. p
autour de 1 700 nm. De plus, les groupes oupes molĂŠculaires es con constituant onstituant les le tissus
Il a pour our objectif objec bject ctif de promouvoir l’innov ovation n technologique tech chnologique et la diffu di -
infrarouge entre 3 et 12 Îźm. La spectro-microscopie microscopie infraro infrarouge ouge combine oug com e le les
sion de e l’l’optique optiqu et de de la photonique photoniq dans toutt d domaine dom maine d’application. d’application
à grande profondeur avec une rÊsolution olution de l’ord ol l’ordre re du m micromètre omètre [4 [4]. Tou-
organiques prÊsentent tous une signature ature caractÊristique e dans le moyennavantages de la microscopie optique et de la spectroscopie ctroscopie vvibrati vibrationnelle le pour produire des cartographies prÊcises de la composition compo chimique himique de des tissus organiques. Cependant, la spectro-microscopie scopie infrarouge à haute e rÊsolution spatiale ne peut, à ce jour, être rÊalisÊe qu’avec avec le rayonnemen rayonnement mentt synchrotron
En tĂŠmoignage nag de reconnaiss reconnaissance,
[5], ce qui bien sĂťr limite son usage clinique. iq Dans ce contexte, e,, nous avons avon
plusieurs usieurs struc structures st uctures se sont son asso associĂŠes pour crĂŠer ĂŠer le Prix P i Jean J n Jerphagnon Jerphagn :
dĂŠveloppĂŠ des lasers femtosecondes Ă ďŹ bres optiques, tiques, versatiles versati atiles es en terme te
AcadĂŠmie ĂŠmie e des Technologies, Tech Alcatel-Lucen ent, nt,t, Centre Nation n Nationall
champ d’applications scientiďŹ ques voire industrielles dustrielles inĂŠdit dans le do domaine
de la Recherche Recherch ch ScientiďŹ que, che ScientiďŹ q e, France nce TĂŠlĂŠcom TĂŠlĂŠcom, com, PĂ´le de compĂŠtiti compĂŠtitivitĂŠ Images et RĂŠs RĂŠseaux, x, Associati Association n
de longueur d’onde, nÊcessitant peu ou pas de mai maintenance ce et o ouvrant nt un spectral du moyen infrarouge.
Limitations actuelles des lasers femtosecondes à fibres optiques La mise au point de sources de lumière ière aux longueurs lon eurs d’onde d dans ans le
Opticsvalley csvalley, SociĂŠtĂŠ des Electrici Electricien ns et des Electroniciens, Electronicie nicienss, SociĂŠtĂŠ Fr Fran n-
moyen infrarouge peut être basÊe asÊe sur s l’exploitation ’exploitation de l’in l’interaction nteraction non-
çaise ise d’Optique, SociÊtÊ ociÊ Franç Française se de Physique, ysique, Pôle d de comp compÊtitiv ivitÊ
constituant les ďŹ bres co es op optiques. s. Ce rayonnement ray ement laser lase er primaire peut ĂŞtre
SystĂŠmatic-Paris-RĂŠgion, gion, Thale Thales.
terress rrares [6].. Ces sy systèmes sont dÊjà e essentiels ssentiels au a fonctionnement t des
linĂŠaire entre un rayonnementt laser impulsionnel ulsionnel intense inttens ense et le matĂŠriau matĂŠria obte tenu dans des ampli ampliďŹ cateurss de puiss puissance Ă ďŹ bress optiques dopĂŠes dop aux système es de tĂŠlĂŠcommunications tĂŠlĂŠcomm ons actuels [7] et transitent tr progressivem progressivement vers d’au utres domaines domaines. L’accroissement ssement nt de la longueur d’onde laser las vers le moyen n-infrarouge rarouge appelle ap l’utilisation l’utilisatio on de terres rares comme comm l’Err3+, le es ĂŠlĂŠments ĂŠ lumin lu uminescents nts autour de 1,55 1 Îźm, 1,95 Îźm et Tm3+ ou l’Ho3+, des 2,05 Îź Îźm respect respectivement. tivement. A ces longueurs longueur d’onde, les dĂŠrives de frĂŠquence induit uites par la dispersion spersion chromatique anormale et l’effet Kerr optique se compensent pour donner er naissance Ă des solitons. Ces impulsions sont
6 Z REE N°3/2017
Des lasers à fibres optiques pour l’imagerie dans le moyen-infrarouge
amplifiées puis comprimées et, rapidement, subissent une
à toute perturbation comme les macro et micro-courbures
fission en composantes plus brèves et plus intenses. Le
ou inhomogénéités locales d’indice de réfraction.
seuil d’apparition du bris d’onde est repoussé (et l’énergie
Le cœur de cette fibre est basé sur une matrice P 2O5 -
emmagasinée accrue) lorsque le mode guidé présente une
Al2O3-SiO2 qui permet, grâce à la forte proportion d’alumi-
grande surface modale équivalente. De plus, lorsque les im-
nium, d’éviter la formation d’agrégats d’Er3+ même à très
pulsions ultra-brèves (100 fs) résultant de la fission solito-
forte concentration en erbium (5×1025 atomes/m3). Il est
nique se propagent sur plus de quelques centimètres, leurs
connu en effet que l’aluminium permet de solubiliser les
composantes fréquentielles sont réarrangées par un second
agrégats d’Er3+. Toutefois, l’ajout d’aluminium augmente
effet non-linéaire : la diffusion Raman stimulée intra-impul-
l’indice de réfraction du cœur dans des proportions dé-
sionnelle. Cet effet a pour conséquence de modifier conti-
sastreuses au regard de la qualité spatiale du faisceau. La
nûment, au cours de la propagation, la fréquence porteuse
matrice P 2O5 -Al2O3-SiO2 présente une propriété étonnante
des sous-impulsions, c’est-à-dire, d’un point de vue appli-
au regard des matrices Al2O3-SiO2 ou P 2O5 -SiO2 utilisées
catif, d’accorder la longueur d’onde du rayonnement avec
pour réaliser le matériau de cœur des fibres optiques : une
la distance de propagation. La fission solitonique a limité
proportion adéquate de phosphore et d’aluminium permet
l’accroissement de la puissance crête à ~10 kW dans les
d’abaisser l’indice de réfraction de la matrice silice hôte
systèmes simples à amplification directe fondés sur des
alors que pris séparément ces deux éléments augmen-
fibres conventionnelles.
tent l’indice de réfraction de la silice [8]. Nos collègues de
Nous avons réalisé de nouveaux types de fibres optiques
l’Académie des sciences de Russie ont réussi à utiliser cette
à grande surface modale équivalente pour repousser le seuil
propriété pour réaliser des fibres à grande surface modale
d’apparition de la fission solitonique dans les amplificateurs.
[9]. Avec un contraste d’indice de l’ordre de 10 -3, nous
Nous avons aussi mis à profit les effets non-linéaires pour
avons pu réaliser une fibre dont le diamètre de cœur est
produire, dans des architectures fibrées monolithiques inno-
de l’ordre de 35 à 40 μm en optimisant le profil d’indice,
vantes, des impulsions ultra-brèves (< 100 fs) et de forte
ce qui constituait alors un record mondial [10]. La sur-
puissance crête (150 kW) à des longueurs d’onde inédites
face modale équivalente de cette fibre est supérieure à
(1,7 μm) localisées entre les longueurs d’onde laser cou-
500 μm2 à 1,55 μm. Dans l’expérience récente décrite sur la figure 1a, le
rantes.
Conception d’un laser femtoseconde de forte puissance dans le moyen infrarouge
train d’impulsions picosecondes généré dans un oscillateur laser à verrouillage de modes en phase est amplifié directement dans une fibre dopée Er3+ de 40 μm de diamètre de cœur jusqu’à un niveau d’énergie par impul-
En collaboration avec deux laboratoires de renommée
sion de l’ordre de 30 nJ. Le profil d’indice de réfraction
internationale de l’Académie des sciences de Russie,
et la distribution d’intensité lumineuse calculée pour le
nous avons développé une nouvelle génération de fibres
mode fondamental de cette fibre sont représentés sur la
3+
présentant une surface modale
figure 1b. Ces impulsions sont ensuite injectées dans une
équivalente extrêmement grande (A ~ 250 h2) en aug-
fibre optique non-linéaire correctement dimensionnée
mentant le diamètre du cœur. L’accroissement du dia-
pour produire, après fission solitonique, un train d’impul-
mètre de cœur doit être accompagné de l’abaissement
sions à 1 700 nm présentant une puissance moyenne de
du contraste d’indice entre le cœur et la gaine afin de
550 mW, correspondant à une énergie par impulsion de
préserver un nombre de modes guidés faible (idéalement
11 nJ pour une cadence de répétition de 50 MHz. La diffu-
égal à 1) ce qui assure une qualité spatiale de faisceau
sion Raman intra-impulsionnelle au sein de la fibre non-li-
optimale (le nombre de modes guidés augmente qua-
néaire a permis de décaler la longueur d’onde centrale des
dratiquement avec le rayon du cœur). La diminution du
impulsions jusqu’à 1 700 nm et de raccourcir la durée des
contraste d’indice est limitée technologiquement à 10 -3,
impulsions à 75 fs, comme l’attestent les résultats de ca-
ce que nous avons réussi à produire pour la première fois
ractérisation présentés sur la figure 1. Ces caractéristiques
à notre connaissance dans une fibre très fortement dopée
permettent d’estimer que la puissance crête de l’impulsion
optiques dopées à l’Er
3+
à l’Er . En deçà de cette limite, la force du guidage ne
est de l’ordre de 150 kW. La fibre amplificatrice est soudée
permet plus de combattre efficacement les effets de la
en amont à des combineurs pompe/signal commerciaux
diffraction : le mode guidé devient extrêmement sensible
et, en aval, à la fibre non-linéaire permettant d’acheminer
REE N°3/2017 Z 7
LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE
Figure 1 : a : Schéma du montage du laser (partie haute) et acheminement vers le microscope à trois photons (partie basse) – b : Profil d’indice de réfraction et distribution d’intensité lumineuse du mode fondamental de la fibre dopée Er3+ – c et d : Spectre et trace d’autocorrélation des impulsions issues du laser – e : Mesure du bruit d’amplitude aux basses fréquences montrant la bonne stabilité du train d’impulsions. Dans le schéma, THG et 3PEF signifient respectivement third harmonic generation (génération de troisième harmonique) et 3-photon excited fluorescence (fluorescence excitée à trois photons). et de transformer le signal. Cette caractéristique confère
nuel Beaurepaire. Nos collègues ont mis au point un micros-
à l’architecture laser globale son caractère monolithique,
cope spécifique dédié à l’imagerie multi-photonique sous
c’est-à-dire exempt de tout chemin d’air et d’éléments de
excitation à 1 700 nm, schématiquement représenté sur la
réglage.
figure 1a. Dans ce microscope, les signaux générés dans le
Afin de tester l’applicabilité de ce type de laser à l’imagerie
visible résultent de l’interaction entre trois photons du signal
non-linéaire, le laser a été déplacé à l’Ecole polytechnique,
excitateur et la matière biologique, ce qui implique de dispo-
dans le Laboratoire d’optique et biosciences (UMR Ecole
ser de lasers femtosecondes de forte puissance crête à cette
polytechnique – CNRS – INSERM), dans l’équipe d’Emma-
longueur d’onde.
8 Z REE N°3/2017
Des lasers à fibres optiques pour l’imagerie dans le moyen-infrarouge
Figure 2 : Images superposées du développement d’un embryon de drosophile en génération de troisième harmonique (bleu) et fluorescence excitée à trois photons (rouge) à divers instants au cours du stade de la gastrulation (début de la morphogenèse) – a : début – b : 20 min – c : 35 min – d : 52 min – e : 67 min. Temps par pixel 27 μs. Images réalisée au Laboratoire d’optique et biosciences (UMR Ecole polytechnique – CNRS – INSERM). Nous avons réussi à imager le développement d’un
nement dans des fibres optiques. Novae et Xlim ont réalisé
embryon de drosophile selon deux modalités de micros-
un laser émettant un rayonnement dont la bande spectrale
copie à trois photons : la génération de troisième harmo-
s’étend de 2 à 4 μm. Ce laser imite, dans cette gamme de
nique majoritairement présente au niveau des discontinuités
longueur d’onde, le rayonnement synchrotron issu d’un accé-
d’indice comme les membranes plasmiques (figure 2, bleu)
lérateur d’électrons comme SOLEIL construit à Palaiseau. En
et la fluorescence excitée à trois photons (figure 2, rouge),
partenariat avec les chercheurs de la ligne de spectroscopie
favorisée dans notre expérience par le marquage des noyaux
infrarouge SMIS du synchrotron SOLEIL, nous avons réalisé
cellulaires avec une protéine fluorescente rouge (dTomato).
les premières images en spectro-microscopie à partir d’un
Nous avons aussi vérifié que notre laser ne provoquait pas
laser avec une résolution spatiale de l’ordre de la longueur
de dommages en observant le développement sain d’un
d’onde. L’application de la spectro-microscopie laser à la
embryon sur près d’une heure et demie. Cette imagerie per-
détection de cellules pathologiques a pu être démontrée.
met de confirmer que le laser à fibres que nous avons déve-
Jusqu’à maintenant ce type d’image à haute résolution ne
loppé peut être utilisé pour l’imagerie multi-photonique de
pouvait être obtenu qu’avec le rayonnement synchrotron.
dernière génération. Des développements avec une société
Ceci rend bien sûr quasiment impossible ce type d’imagerie
européenne sont maintenant en cours pour intégrer ce type
dans un contexte hospitalier alors que les praticiens et les
de lasers dans des microscopes commerciaux [11].
patients pourraient en tirer un grand bénéfice, par exemple
Déclinaison du concept à d’autres longueurs d’onde Avec la société Novae, nous avons aussi développé de nouveaux lasers ultrarapides à la longueur d’onde de 2 μm pour le micro-usinage de polymères ou l’émission d’un
en simplifiant les procédures de biopsies. Afin de profiter au mieux du potentiel que recèle cette démonstration de principe, la société Novae propose maintenant une version commerciale du laser.
Conclusions et perspectives
rayonnement secondaire dans le moyen infrarouge. Novae,
Après 10 ans consacrés à la recherche de solutions inno-
en collaboration avec Xlim, a décliné à 2 μm le concept utilisé
vantes pour la génération de rayonnements moyen-infra-
pour générer des impulsions décalées en longueur d’onde
rouges dans des fibres optiques, le laboratoire Xlim a réussi à
par rapport la source primaire. Novae a ainsi conçu et fabri-
développer et produire des lasers femtosecondes suffisam-
qué un prototype de laser à 2,1 μm qui émet des impulsions
ment stables et robustes pour ouvrir un champ d’applications
d’une puissance crête supérieure à 100 kW. Ces lasers fem-
inédit à l’imagerie optique moyen infrarouge. Les innovations
tosecondes moyen-infrarouge de forte puissance sont très
issues de ces travaux de recherche ont aussi permis de créer
attendus. A l’instar de l’Ecole polytechnique fédérale de Lau-
la société Novae. Ensemble, nous avons récemment démon-
sanne (Suisse) qui vient de se doter d’un laser Novae, des
tré que les lasers à fibre constituent une alternative viable
laboratoires de renom en Europe ou aux Etats-Unis sont déjà
pour l’imagerie microscopique multi-photonique et pour
demandeurs pour leurs propres recherches.
l’imagerie microscopique d’absorption vibrationnelle. Nous
Les lasers à 2 μm permettent d’ouvrir le domaine spectral
développons maintenant des architectures lasers pour explo-
du moyen infrarouge par conversion non-linéaire du rayon-
rer plus avant ce domaine spectral, tout en conservant les
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LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE
avantages qu’offre la propagation guidée pour le contrôle de la lumière, notamment en couplant des fibres optiques à des guides d’onde en arséniure de gallium en collaboration avec Thalès et III-V Lab au sein du projet BISCOT (Bright infrared supercontinuum source) soutenu par l’ANR dans le cadre du défi « stimuler le renouveau industriel ».
Références [1] R. Gattass & E. Mazur, Femtosecond laser machining in transparent materials, Nature Photonics 2, 219-225 (2008). [2] W. Denk, J.H. Strickler and W.W. Webb, Two-photon laser scanning fluorescence microscopy, Science 248, 73-76 (1990). [3] M. Fermann & I. Hartl, Ultrafast fibre lasers, Nature Photonics 7, 868-874 (2013). [4] N.G. Horton, K. Wang, D. Kobat, C.G. Clark, F.W. Wise, C.B. Schaffer et C. Xu, In vivo three-photon microscopy of subcortical structures within an intact mouse brain, Nature Photonics 7, 205-209 (2013). [5] N. Jamin, P. Dumas, J. Moncuit, W.-H. Fridman, J.-L. Teillaud, G.L. Carr and G.P. Williams, Highly resolved chemical imaging of living cells by using synchrotron infrared microspectrometry. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 95, 48374840 (1998). [6] E. Desurvire, Erbium-doped fiber amplifiers, Ed. Wileyinterscience ISBN 0-471-41903-6 (2002). [7] C.K. Kao, Nobel Lecture. Sand from centuries past: send future voices fast. Review of Modern Physics 82, 2299-2303 (2010). [8] D.J. Di Giovanni, J.B. MacChesney and T.Y. Kometani, Structure and properties of silica containing aluminum and phosphorus near the AlPO4 join, Journal of Non-Crystalline Solids 113, 58-64 (1989). [9] M.E. Likhachev, M.M. Bubnov, K. V. Zotov, D.S. Lipatov, M. V. Yashkov and A. N. Guryanov, Effect of the AlPO4 join on the pump-to-signal conversion efficiency in heavily Erdoped fibers, Optics Letters 34, 3355-3357 (2009). [10] L. Kotov, M. Likhachev, M. Bubnov, O. Medvedkov, D. Lipatov, A. Guryanov, K. Zaytsev, M. Jossent and S. Février, Millijoule pulse energy 100-nanosecond Er-doped fiber laser, Optics Letters 40, 1189-1191 (2015). [11] P. Cadroas, L. Abdeladim, L. Kotov, M. Likhachev, D. Lipatov, D. Gaponov, A. Hideur, M. Tang, J. Livet, W. Supatto, E. Beaurepaire and S. Février, All-fiber femtosecond laser providing 9 nJ, 50 MHz pulses at 1650 nm for three-photon microscopy, Journal of Optics 19, 065506 (2017).
10 Z REE N°3/2017
L’AUTEUR Sébastien Février est enseignant au département de physique de l’université de Limoges et chercheur au laboratoire Xlim. Ses travaux de recherche portent sur la mise au point de nouvelles sources lasers femtosecondes à fibres optiques. Sébastien Février a publié une cinquantaine d’articles dans des revues internationales et déposé six brevets licenciés à des start-ups ou des grands groupes. Il a cofondé en 2013 Novae, seule société européenne commercialisant des lasers ultrabrefs pour le moyen infrarouge.
FLASHINFOS
Islande : électricité 100 % d’origine renouvelable ne veut pas dire 100 % décarbonée mais des solutions existent L’Islande présente la particularité de recourir à près de 100 % aux énergies renouvelables pour la production de son électricité, ce qui est un cas probablement unique au monde. Cependant les émissions de CO2 s’y situent à 6,1 t par habitant contre 5,1 en France (Source : Banque Mondiale - 2013). L’une des raisons en est que l’électrici-
Figure 1 : Schéma de principe du forage Thor – Source : IDDP.
té d’origine renouvelable est produite à hauteur de 27 % à partir de ressources géothermales, très abondantes en
ce type, dit « supercritique », peut avoir une productivité 10
Islande puisque l’île possède 200 volcans et 650 sources
fois supérieure à celle d’un puits conventionnel. Dans ces
chaudes dont une vingtaine à des températures de 150
conditions quelques puits suffiraient à alimenter la capitale
à 250 °C. Mais ces ressources ne sont pas totalement
Reykjavik (212 000 habitants). Il a même été envisagé en
propres.
cas de succès de creuser toute une série de puits pour
L’Islande souhaite cependant continuer à exploiter ses ressources naturelles et a en particulier lancé un
exporter par câble sous-marin l’électricité produite vers la Grande-Bretagne. L’expérimentation doit durer deux ans.
programme expérimental dénommé Iceland Deep
Cependant cette énergie électrique d’origine géo-
Drilling Project (IDDP) consistant à réaliser un premier
thermale présente quelques inconvénients. Les liquides
forage profond, baptisé Thor, au centre d’un volcan
extraits sont fortement chargés en CO2, SO2, H2S et pro-
pour en récupérer la chaleur sous-jacente (figure 1 et
duits divers. Il a été reproché à la centrale de Hellisheidi à
photo 1).
30 km de Reykjavik d’être à l’origine d’émissions entraî-
En janvier 2017, le forage a atteint la profondeur de
nant un accroissement des maladies respiratoires. Il a
4 659 m (trois miles environ). A cette profondeur, les
également été calculé que les émissions en CO2 dues
liquides chauds, à l’état supercritique ont une température
aux centrales géothermiques atteignaient 160 000 t par
de 427 °C et sont capables d’alimenter une turbine à va-
an alors que les émissions naturelles liées à l’activité
peur produisant de l’électricité. Il est estimé qu’un puits de
volcanique oscilleraient entre 100 000 et 2 millions de
Photo 1 : Le forage Thor, dans la péninsule de Rekjanes dans le sud-ouest de l’Islande - @ IDPP.
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FLASHINFOS
Photo 2 : Forage de réinjection de CO2 à proximité de la centrale géothermique de Hellisheidi – @ Washington Post – Juerg Matter. tonnes par an1. L’accroissement lié à l’exploitation des ressources géothermiques ne serait donc pas négligeable.
Un rythme d’injection de 5 000 t/an a été atteint mais il est prévu de passer à 10 000 t/an. Cette expérience
Ceci amène à se tourner vers un autre projet, dé-
est suivie par les universités de Columbia (Etats-Unis), de
nommé Carbfix, également mené près de Reykjavik,
Copenhague et d’Islande. Elle pourrait intéresser d’autres
précisément sur la centrale géothermique de Hellisheidi
sites dans le monde disposant de ressources en eau si
(photo 2) qui émet quelque 40 00 t de CO2 par an. Ce
les conditions géologiques sont favorables. Le coût de
projet consiste à capter les émissions de CO2 et à les
la réinjection est estimé à 30 USD/t. Il est à noter que
réinjecter dans le sous-sol. Dans cette expérience, dé-
d’autres expériences du même type sont menées dans
crite dans la revue Science , le dioxyde de carbone est
le monde et en particulier à Oman, avec des réinjections
dissous dans des quantités importantes d’eau (qui peut
dans une roche dénommé péridotite. ■
2
être de l’eau de mer) avant d’être réinjecté. La réinjec-
JPH
tion se fait à une profondeur de 400 à 800 mètres dans des roches basaltiques volcaniques. Il a été constaté qu’au bout de quelques mois un processus de solidification du CO2 s’était développé se traduisant par la fixation du CO2 dans le basalte sous forme de carbonates (photo 3). Cette solidification est survenue beaucoup plus rapidement que les 8 à 10 ans qui étaient initialement escomptés. La présence de calcium, de fer et de magnésium dans le basalte semble avoir facilité ces réactions de carbonatation qui stabilisent le CO2 dans le réservoir basaltique. 1
Elsevier – CO2 emissions from geothermal power plants and natural geothermal activity in Iceland – Halldor Armannsson et al. (2004). 2 Science – Rapid carbon mineralization for permanent disposal of anthropogenic carbon dioxide emissions – Juerg M. Matter et al. (2016).
12 Z REE N°3/2017
Photo 3 : Une carotte expérimentale, présentant du carbonate solidifié, est montrée par l’un des coauteurs de l’étude Sandra Snaebjornsdottir - Source : Columbia university.
FLASHINFOS
Plusieurs avancées dans la connaissance des trous noirs Quelques rappels sur les trous noirs Contrairement aux idées reçues, c’est Laplace qui le premier avança la notion de « trou noir » sans pour autant utiliser cette terminologie. Il évoquait en 1796 « Un astre lumineux, de la même densité que la Terre, et dont le diamètre serait 250 fois plus grand que le Soleil, ne permettrait, en vertu de son attraction, à aucun de ses rayons de parvenir jusqu’à nous ». Il aura fallu attendre le début du XXe siècle pour que cette notion refasse surface à la suite de la publication par Einstein en 1915 de sa théorie de la relativité générale et des travaux de l’astronome allemand Karl Schwarzschild. Celui-ci Il fut le premier à avoir trouvé en 1916 une solution aux équations
Figure 1 : L’un des premiers trous noirs directement observés en 2002 : Cygnus X-1 photographié en rayons X par le satellite européen Integral – Crédit : ESA/JEM-X/ECF.
gravitationnelles d’Einstein, ouvrant la voie à ce qu’on appelle les trous noirs de Schwarzschild.
diation, par effet d’origine quantique, aujourd’hui appelée
Par définition un trou noir est un effondrement gra-
« rayonnement de Hawking ». Ainsi avance-t-il l’hypothèse
vitationnel d’où rien ne peut s’échapper même pas la
qu’un trou noir isolé s’évapore lentement sous forme de
moindre particule. Il est donc inobservable directement.
radiations et finit par disparaitre au lieu de croître indéfini-
Cependant, en 1974, Stephen Hawking découvrit que
ment comme dans la théorie classique.
contrairement à ce que prédisait la mécanique classique,
Cette radiation est trop faible pour pouvoir être obser-
les trous noirs pouvaient effectivement émettre une ra-
vée avec les instruments dont nous disposons, mais nous
Figure 2 : Simulation de ce que sera la première image d’un trou noir – Crédit HOTAKA SHIOKAWA/CFA.
REE N°3/2017 Z 13
FLASHINFOS
Figure 3 : Vue d’artiste d’un trou noir de laboratoire – Crédits : DESY.
verrons plus loin qu’il est possible de la mettre en évi-
masse, sa charge électrique et sa vitesse de rotation. On
dence. Ce qui est visible par des télescopes spécialisés,
a pu observer des trous noirs stellaires qui proviennent
ce sont les radiations à très haute énergie émises sur le
de l’effondrement d’une étoile. La dimension réelle d’un
bord des trous noirs par les particules en accrétion à des
trou noir de ce type n’a pas de sens et sa densité n’est
vitesses proches de la vitesse de la lumière. Il est ainsi
pas connue. On ne peut estimer que son « horizon »
possible d’observer des trous noirs en recherchant la pré-
c’est-à-dire globalement le plus petit diamètre décrit
sence de ce rayonnement X comme sur la figure 1, mais
par les objets en accrétion. Ces trous noirs stellaires,
l’information ne peut être obtenue grâce à un satellite
vestiges d’étoiles très massives, ont été détectés indi-
qu’en dehors de l’atmosphère qui est opaque à ces lon-
rectement, il y en aurait quelques dizaines de millions
gueurs d’onde. Une autre manière plus récente consiste à
dans la Galaxie, leur masse avoisinerait 3 à 30 masses
utiliser l’interférométrie au sol dans les longueurs d’onde
solaires et leur horizon ne dépasserait pas une centaine
millimétriques et à reconstituer ainsi une vraie image de
de kilomètres.
l’horizon d’un trou noir.
D’un autre côté, on a pu observer des trous noirs
Les travaux fondamentaux sur les trous noirs sont
galactiques comme celui qui se trouve au centre de la
récents, ils remontent aux années 60. Le terme de trou
Voie lactée et au cœur de la plupart des galaxies mas-
noir, lié à une polémique linguistique, a été introduit par
sives. Leur horizon mesure des millions, voire des mil-
le physicien américain Kip Thorne. Mais ce n’est qu’en
liards de kilomètres et leur masse se compte en millions
1971 que le premier trou noir fut formellement obserr
ou en milliards de masses solaires. Ces trous noirs superr
vé par le satellite Uhuru. Comme indiqué ci-dessus, on
massifs sont observés par milliers.
n’observe pas directement le trou noir, mais son disque
Mais jusqu’à aujourd’hui on n’avait pas observé de
d’accrétion formé par les objets qui décrivent une spirale
trous noirs de masse intermédiaire, c’est-à-dire entre
avant d’être engloutis.
quelques dizaines et quelques millions de masse solaire. Un des progrès dans ce domaine est l’observation récente
On aurait découvert des trous noirs de taille intermédiaire
de trous noirs de dimension intermédiaire de l’ordre de 2 000 masses solaires. Un autre objet de l’ordre de
Il demeure cependant une énigme dont une solution
40 000 masses solaires est actuellement en cours de
commence à apparaître. Si l’on se borne à la théorie, un
confirmation. La prochaine mise en service du télescope
trou noir est décrit par seulement trois paramètres : sa
Event Horizon devrait permettre d’autres découvertes.
14 Z REE N°3/2017
ACTUALITÉS
La chronique de la 5G Le MIMO massif plusieurs antennes qui émettent chacune tout ou partie du e
L’arrivée de la 5 génération de
même signal utile. Quand plusieurs récepteurs sont servis par
radiocommunications
un même émetteur, ce qui est le cas dans les réseaux cellu-
mobiles,
attendue pour 2018-2020, consti-
laires, on parle alors de MIMO multiutilisateur ou MU-MIMO.
tuera un événement majeur qui
Dans les systèmes de radiocommunications cellulaires, le
aura des répercussions considérables non seule-
MIMO massif est une extension du MU-MIMO dans lequel
ment dans le domaine des radiocommunications
une station de base (BS) desservant une cellule où circulent
cellulaires mais aussi dans des domaines connexes
K utilisateurs mobiles est équipée d’un réseau composé de
de première importance : l’Internet des objets et
M antennes : M est supérieur à K et de l’ordre d’une ou plu-
e
les véhicules connectés. Cette 5 génération met-
sieurs centaines. Les K terminaux utilisent alors un même
tra en œuvre des technologies innovantes qui
bloc de ressources temps-fréquence (figure 1).
contribueront à atteindre les objectifs ambitieux
Ils peuvent n’être équipés que d’une seule antenne ou de
qui lui sont fixés : débits accrus (allant jusqu’à
plusieurs. Un pré-codage prenant en compte le résultat de
20 Gbit/s en crête), pénétration à l’intérieur des
l’évaluation de l’état instantané des canaux radio (CSI)2 est
bâtiments (“deep indoor”), temps de latence de
effectué à la BS. Il permet de focaliser l’énergie émise dans
l’ordre de la ms, etc.
un espace limité proche de chaque terminal et ainsi d’amé-
Pour comprendre la 5G, la REE a demandé à
liorer significativement les performances du lien descendant
Patrice Collet, membre émérite de la SEE, de te-
de la BS vers les terminaux et de réduire l’énergie rayonnée :
nir une chronique dans chaque numéro à venir
plus M est grand, meilleure est la focalisation. A la réception,
de la revue, dans laquelle il s’efforcera d’expli-
une combinaison linéaire des signaux reçus par la BS permet
quer et de faire comprendre les principes et les
de discriminer les signaux émis par chacun des K terminaux.
enjeux attachés à chacune de ces technologies.
Les performances en matière d’efficacité spectrale, de to-
Dans ce numéro, il nous parle du MIMO massif.
lérance au bruit ou aux interférences dépendent des algorithmes utilisés tant à la réception qu’à l’émission. A la réception, les terminaux doivent connaître le gain du canal : il peut
Principes généraux
être obtenu par des informations explicites transmises par la BS ou bien estimé à l’aveugle à partir des données reçues.
1
La technique MIMO consiste à introduire de la diversi-
Le MIMO massif, grâce au grand nombre d’antennes dé-
té spatiale de propagation entre un émetteur et un ou plu-
ployées à la BS, s’approche d’un environnement radio qu’on
sieurs récepteurs en équipant émetteurs et/ou récepteurs de
appelle la « propagation favorable » dans laquelle les ré-
1
Multiple Input Multiple Output : se reporter à l’article de D. Le Ruyet et B. Ozbec dans la REE d’avril 2005 et aussi à la REE 2015-05.
ponses des canaux radio vers les différents terminaux sont 2
CSI : Channel State Information.
Figure 1 : Principe du MIMO massif. Les terminaux sont en vue directe de la BS – Source : arXiv : 1503.06854v2.
18 Z REE N°3/2017
ACTUALITÉS
Figure 2 : Réseau circulaire de 128 antennes - Source : université de Lund. suffisamment différentes les unes des autres : les mesures
montré que moyennant certaines hypothèses la contrainte
conduites sur le terrain ont montré que, sans avoir à déployer
propre au FDD pourrait être levée, mais on ne sait pas si ces
un nombre d’antennes qui deviendrait non compatible avec
hypothèses sont réalistes. On en retiendra que l’utilisation
les contraintes physiques, on pouvait s’approcher du comporr
de MIMO massif reste pour l’heure liée au mode TDD.
tement asymptotique prévu par la théorie. La géométrie du réseau d’antennes influe aussi sur cet environnement.
Les réseaux d’antennes
Le MIMO massif s’appuie en principe sur un mode de
La constitution de réseaux d’antennes de grande capacité
duplexage par répartition dans le temps (TDD)3 dans lequel
peut se heurter à des limites de taille : en effet les antennes
les canaux montant et descendant se partagent dans le temps
doivent être espacées au minimum d’une demi-longueur
la même ressource en fréquences. Les canaux physiques de
d’onde. Les efforts d’évaluation des performances et de pro-
propagation montant et descendant ont alors les mêmes ca-
totypage du MIMO massif menés pour la 5G ont été concen-
ractéristiques, on les dit réciproques : il suffit d’évaluer le sens
trés jusqu’à présent sur les fréquences inférieures à 6 GHz.
montant pour permettre à la BS d’élaborer les paramètres à
Avec de telles fréquences, la réalisation d’un réseau d’une
appliquer pour le pré-codage du signal descendant et à la
centaine d’antennes est possible au plan mécanique.
combinaison des signaux reçus pour extraire le signal émis
Par exemple, à la fréquence de 2 GHz on pourrait placer
par chaque terminal. Pour ce faire les terminaux émettent
400 antennes dans un panneau carré de 1,5 m de côté4.
périodiquement une séquence de pilotes : ces K séquences
Des prototypes comportant 160 antennes ont été réalisés
sont en principe orthogonales.
par l’université de Lund : ils mesurent 60x120 cm. Pour les
Si l’on veut appliquer les principes du MIMO massif au
fréquences supérieures à 6 GHz, la mise en œuvre du MIMO
mode de duplexage par répartition en fréquences, FDD, où
massif a été moins étudiée et doit, en particulier, faire appel à
les sens montant et descendant utilisent des bandes de fré-
des systèmes matériels d’émission réception différents.
quences distinctes, il faut effectuer l’évaluation des canaux radio à la fois dans le sens montant et dans le sens descendant : les résultats des mesures effectuées par les terminaux
Une efficacité spectrale très supérieure à celle de la 4G
doivent être retournés à la BS. Les travaux effectués sur ce
Dans le MIMO massif, les ondes émises par le réseau d’an-
sujet ont montré que le domaine d’efficacité du MIMO massif
tennes préalablement mises en forme grâce au pré-codage se
se trouvait notablement réduit et que son intérêt se trouvait
combinent positivement dans les zones où sont supposés se
limité à des scénarios particuliers, de faible mobilité et de
trouver les terminaux et s’annulent dans les autres zones5. C’est
basse fréquence.
la focalisation vers les zones où se trouvent les terminaux qui
Mais la limitation du MIMO massif au mode de duplexage TDD peut constituer une limite à son usage dans la mesure où l’ingénierie de beaucoup de réseaux est fondée sur le FDD. Pour le moment les travaux menés sur ce thème ont 3
Time Division Duplexing
4
Massive MIMO : Ten Myths and One critical question E. Bjornson. E.G. Larsson and T.L. Marzetta : disponible sur https://arxiv.org/ abs/1503.06854 5 Voir “Massive MIMO for Next Generation Wireless Systems” E.G. Larsson, O. Edfors, F. Tufvesson, T.L. Marzetta : disponible sur https:// arxiv.org/abs/1304.6690
REE N°3/2017 Z 19
L'ARTICLE INVITÉ
ETIENNE BEEKER Conseiller scientifique à France Stratégie
Décentralisation, nouveau paradigme de la transition énergétique ? RÉSUMÉ Dans l’énergie, à l’instar de nombreux autres domaines, le modèle centralisé est aujourd’hui remis en cause sous la poussée sociétale, alimentée par les évolutions technologiques récentes dans les énergies renouvelables, le stockage ou encore la digital t lisation du secteur. Ce mouvement vient principalement d’Allemagne et de l’Energiewende, la transition énergétique à l’allemande qui tend à s’affranchir des énergies conventionnelles centralisées et à remunicipaliser la production et la gestion de l’énergie i suivant un modèle d’organisation traditionnel propre à ce pays. Les technologies sont cependant loin d’être mûres qui permettent de mettre en place un tel modèle, et en particulier le stockk age intersaisonnier qui permettrait d’utiliser pendant l’hiver l’électricité produite par les panneaux solaires en été. La pénétration de l’économie digitale dans le secteur énergétique est plus prometteuse à court et moyen terme, mais implique de sortir les consommateurs de leur passivité et de les transformer en consom’acteurs, les sondages révélant qu’ils sont plus sensibles à leur facture qu’à l’origine de leur électricité. Pour autant une telle évolution est en marche et le risque actuel est de céder à l’impatience et de vouloir installer un tel modèle en forçant la pénétration de technologies non matures ou sans avenir, avec pour conséquence de voir le contribuable financer des installations au bénéfice de quelques-uns, tout en faisant supporter les coûts du maintien de la sécurité d’approvisionnement au reste de la collectivité. ABSTRACT As is the case in other sectors, the energy industry’s centralized model is today being challenged by societal pressure and recent technological progress in renewable energy, storage capability and digitization. This trend comes mainly from Germany and its Energiewende, or energy transition, which has encouraged the development of non-conventional decentralized energy sources, generated and managed in line with Germany’s long-standing tradition of organizing the sector. Nevertheless, the technologies are far from ripe for such a model, in particular for inter-seasonal storage, which makes it possi-i ble to use the electricity generated by, say, solar panels during the winter. The penetration of the digital economy in the energy sector is more promising in the short and medium terms, but to be successful, consumers must be made active participants in the sector – so-called prosumers. This necessity is confirmed by surveys that reveal they are more sensitive to their bill than the origin of their electricity. While this change is currently taking place, the risk is to give in to impatience and want to install such a model by implementing technologies that are not yet mature or whose future is in doubt. The consequence could well be taxpayers financing infrastructure for the benefit of a minority while footing the bill for the costs of maintaining security of supply to the rest of the community.
Dans l’énergie, à l’instar de nombreux autres domaines, le modèle centralisé est aujourd’hui remis en cause
L
potagers (on parle de « cultiver l’énergie » dans des « jardins ou des champs solaires »). Le sujet fait consensus et se retrouve désormais sur le
e développement des énergies renouvelables,
devant de la scène avec l’apparition dans les médias spécia-
la maîtrise des émissions de CO2, les écono-
lisés de rubriques dédiées à la décentralisation énergétique,
mies d’énergie et la sortie des énergies conven-
qui se rangent au côté de celles dédiées aux énergies renou-
tionnelles constituent depuis un peu moins de
velables et à la lutte contre le changement climatique, leur
deux décennies l’alpha et l’oméga de la transition énergé-
volant parfois la vedette. Comme enjeu de pouvoir, il a logi-
tique, du moins en Europe. A ces objectifs a été aujourd’hui
quement pris une tournure politique, comme on a pu le voir
adjoint un nouveau mantra qui est de produire et de gérer
lors de la dernière élection présidentielle où les candidats se
l’énergie localement, si possible de manière collaborative. Le
sont presque tous exprimés sur cette question, les prises de
but de ses promoteurs est double : faire en sorte que les
position allant des plus radicales (dénonciation des « énerr
consommateurs se « réapproprient » cette gestion et minimi-
gies centralisées, opaques, liées aux dictatures, organisées
ser les flux physiques échangés grâce à des circuits courts,
sur la rente » et promotion d’une « révolution citoyenne grâce
comme si l’énergie et même l’électricité étaient des produits
à l’énergie solaire qui permette aux collectivités locales ou à
32 Z REE N°3/2014
L'ARTICLE INVITÉ
Figure 1 : Le modèle du futur ? Le réseau desservant les consommateurs depuis des grandes centrales de production conventionnelles laisserait sa place à un réseau distribué composé de boucles locales et orchestré par un centre de contrôle intelligent – Source ENISA, Colorado State University. des regroupements de consommateurs d’être autonomes »)
de leurs coûts, due aux économies de série. Il est désor-
à d’autres plus modérées (« redonner du corps au poncif
mais imaginable de satisfaire l’aspiration à l’autonomie éner-
d’une transition énergétique qui ne se fera qu’au niveau des
gétique exprimée par de nombreux Français, d’autant que
territoires »).
de nouvelles technologies comme le stockage et les réseaux
Mais rappelons que si les réseaux électriques se sont
intelligents ou “smart grids”, promettent aux consommateurs
autrefois imposés, c’est qu’ils constituaient la façon la plus
de pouvoir gérer au plus fin leurs besoins énergétiques en
économique de mettre en concordance spatiale et tempo-
fonction de l’offre disponible. Parce qu’elle est capable de ré-
relle des moyens de production diversifiés – dans leur nature
pondre à tous les usages – s’éclairer, se chauffer, s’informer,
comme dans leur localisation – avec des usages dispersés et
se déplacer, etc. – l’électricité est concernée au premier chef.
variables. La France, à l’instar de tous les pays avancés, a fait
Mais la chaleur, qui se transporte mal, et la production de gaz
le choix après la Seconde Guerre mondiale de développer
à partir de déchets ou de biomasse, qui n’a d’intérêt que si
un système électrique centralisé, tirant parti des économies
elle est réalisée localement, s’intègrent bien à ce nouveau
d’échelle qu’il procurait. La péréquation tarifaire et l’obligation
monde que certains appellent de leurs vœux.
de desserte ont permis de maintenir l’égalité de traitement
De fait, ces évolutions techniques sont portées par les évo-
entre tous les consommateurs, y compris pour les territoires
lutions sociétales. De nombreux citoyens souhaitent adopter
d’outremer qui disposent de systèmes de production d’élec-
des comportements plus vertueux et plus sobres dans la
tricité spécifiques. L’ancien modèle énergétique avait donc
consommation des ressources, ce qui peut paraître d’autant
quelques vertus, et si le nouveau modèle décentralisé appa-
plus accessible que celles-ci sont proches d’eux. Une crois-
raît attrayant, quelles peuvent être les chances qu’il voie le
sance verte, fondée sur les énergies « propres » et l’économie
jour dans la décennie qui vient sur notre continent ?
circulaire, doit à leurs yeux prendre le relais de la croissance
Une tendance sociétale dans l’air du temps alimentée par les évolutions technologiques récentes
traditionnelle, tout en créant de nouveaux marchés et de nouveaux emplois. L’autoconsommation fait son apparition, encouragée par la baisse du prix du solaire photovoltaïque, par la hausse du prix du kWh issu des réseaux centralisés et
Les évolutions technologiques ont récemment fait bouger
enfin par une tarification héritée du passé, reposant princi-
les lignes. Le développement accéléré des énergies renou-
palement sur le kWh consommé et très peu sur les services
velables (EnR) depuis une décennie a entraîné une baisse
auxquels le réseau donne accès.
REE N°3/2017 Z 33
L'ARTICLE INVITÉ
Figure 2 : Evolution de la capacité électrique en Allemagne par types de moyens : la capacité en moyens stables et conventionnels reste proche de 100 GW, tandis que se développent les moyens intermittents. Le décrochage en 2011 est dû à l’arrêt de 7 tranches nucléaires suite à la catastrophe de Fukushima – Source : https://www.energy-charts.de/power_inst.htm
L’Allemagne, pionnière de la transition énergétique, a initié cette tendance mais fait face aujourd’hui à de nombreux défis
lation mais fait face à de nombreux défis. Le prix du kWh a quasiment doublé en 10 ans en raison des charges liées au développement des EnR (« EEG-Umlage ») mais aussi,
Ce mouvement profite-t-il simplement d’un effet de mode
et plus récemment, de la part des charges liées à la gestion
ou est-il le fruit d’évolutions plus profondes ? Le cas de l’Alle-
du réseau (« Netzentgelt »). De manière logique, quoique
magne est à observer, le pays s’étant fait le champion d’un
contre-intuitive, les Allemands se voient en effet dans l’obli-
tel modèle en réactivant avec l’Energiewende – littéralement
gation de renforcer leur réseau, tant pour la distribution que
« le tournant énergétique » – une ancienne tradition de pro-
pour le transport du courant. Les gisements de vent ou de
duction et de gestion énergétiques par les entités locales, qu’il
soleil n’ont pas eu la bonne idée de se situer à proximité
s’agisse des Länder ou des Stadtwerke (services municipaux ;
des centres de consommation (voir par exemple le contraste
en France certains parlent d’ailleurs de « remunicipalisation »
entre le Nord, venté, et le Sud, industriel). Plus généralement,
de la gestion énergétique). Outre-Rhin, l’énergie nucléaire a
les EnR produisant avec un facteur de charge réduit, la puis-
toujours été perçue comme une énergie centralisée, néces-
sance installée pour la même énergie produite est bien plus
sairement gérée au niveau fédéral, voire transnational, et c’est
importante que pour un moyen fonctionnant en base. Outre-
précisément une des raisons pour laquelle nos voisins sou-
Rhin, entre 2008 et 2016, seuls 12 GW d’installations de pro-
haitent s’en affranchir. Le choix en faveur des énergies renou-
duction centralisée, dont 9,5 GW nucléaires, ont été arrêtés
velables, au-delà du projet de création d’une filière industrielle,
alors que près de 80 GW ont été mis en service, très majo-
a aussi été un moyen de se réapproprier la gestion énergé-
ritairement d’éolien et de solaire photovoltaïque (figure 2). Il
tique au niveau local. La participation des citoyens à la tran-
convient en outre de rappeler que les réseaux sont dimen-
sition énergétique est incitée à tous les niveaux et le terme
sionnés pour les pointes de transit. Conséquence imprévue,
d’ « énergie citoyenne » est fréquemment utilisé, même s’il
les Länder se retrouvent paradoxalement plus dépendants
n’existe pas de définition claire à ce terme. Des universités,
les uns des autres et soumis à une régulation fédérale plus
comme celle de Leuphana ont cependant tenté de théoriser
prégnante.
1
autour de ce concept et d’en apporter une définition détaillée
cipation sous forme d’apports en fonds propres et l’obtention
Des coûts de transition très importants faisant réapparaître les inégalités entre Länder
de droits de vote pour le pilotage des projets.
Le montant des investissements déjà engagés par l’Alle-
approximative. Au sens strict, une société d’énergie citoyenne se caractériserait par son ancrage régional, une prise de parti-
Six ans après son lancement, la transition énergétique alle-
magne dans les EnR jusqu’au début de l’année 2017 donnent
mande continue de bénéficier de l’appui massif de la popu-
le vertige. Le chiffre couramment avancé s’élève à 500 mil-
1
www.leuphana.de/fileadmin/user_upload/Forschungseinrichtungen/professuren/finanzierung-finanzwirtschaft/files/Definition-und-Marktanalysevon-Buergerenergie-in-Deutschland.pdf
34 Z REE N°3/2017
liards d’euros (soit environ le quart de la dette française) auquel il faut rajouter les dépenses « annexes », en particulier pour le renforcement du réseau. Celles-ci se comptent tout
LES GRANDS DOSSIERS
Introduction
Protection contre la foudre : état de l’art et perspectives Protection des structures
La protection contre la foudre est en évolution régulière depuis sa création par Ben-
La protection contre les chocs de foudre
jamin Franklin et d’autres chercheurs dans le
directs est devenue une approche système
monde, mais elle s’approche sans doute de
comprenant la capture, les conducteurs de
la maturité. Pendant longtemps la protection
descente, la prise de terre foudre et l’équipo-
contre la foudre s’est résumée à installer un
tentialité notamment grâce aux parafoudres
paratonnerre sur le point le plus haut de la
dits de type 1. Ces derniers limitent le risque d’incendie et les dommages importants en
structure. Ensuite, il est apparu qu’en concentrant la foudre en un endroit donné on créait des surtensions dommageables aux équipements électriques. Il est devenu obligatoire
Alain Rousseau Président du club Foudre de la SEE
dérivant le courant perturbateur à l’extérieur de la structure via les lignes électriques. Dans ce système, tout est important et pas
d’installer des parafoudres pour protéger les équipements
seulement la capture, même si celle-ci reste fondamen-
électriques dès lors qu’on installait un paratonnerre pour
tale (le reste n’est plus pertinent dès lors que la foudre
protéger la structure du bâtiment. Le développement
a manqué le dispositif de capture et dégradé la struc-
rapide des systèmes de communication et électroniques
ture supposée protégée). Même lorsque le système de
a conduit à installer davantage de parafoudres pour pro-
protection capte la foudre et conduit le courant vers la
téger les systèmes sensibles. En général les surtensions
terre, un amorçage électrique entre ce système de pro-
sur les lignes sont bien plus nombreuses que les chocs de
tection et un élément métallique à proximité peut se pro-
foudre directs sur la structure, même si elles sont moins
duire. Une dégradation est alors possible. C’est la raison
énergétiques et donc moins dommageables. Ce qui était
pour laquelle une distance minimale entre le système de
peu visible tant qu’on avait une approche macroscopique
protection et les éléments métalliques à proximité est
est devenu vital dès lors qu’on a éliminé les plus gros pro-
définie lors de la conception du système de protection :
blèmes (comme par exemple l’incendie de la toiture ou
c’est le concept de la distance de séparation. Jusqu’à
de la structure suite à un choc de foudre direct) et que
récemment on imaginait qu’une installation de protec-
l’approche s’est affinée. L’évolution des techniques de pro-
tion foudre constituée d’un paratonnerre et de quelques
tection s’est ainsi développée selon trois axes.
parafoudres garantissait une protection satisfaisante. Ce n’est pas toujours le cas. Cette vision simpliste est ba-
Définition des structures et équipements à protéger
sée essentiellement en France sur le fait que le nombre de chocs de foudre, notamment d’amplitude élevée,
La première étape d’une protection contre la foudre
reste faible sur une installation donnée. De nombreux
est de définir ce qu’il faut vraiment protéger. Pendant
exemples dans les pays très foudroyés, situés en Afrique
longtemps, la règle était de tout protéger ou presque : la
ou en Asie, montrent qu’une installation de protection
structure, son toit, ce qui se trouve au-dessus du toit (an-
foudre doit respecter des règles très précises. Pour cela
tennes, climatiseur, éclairage…), les équipements dans la
il est nécessaire de prendre en compte les courants les
structure, etc. Les règles physiques étant mal connues, on
plus élevés retenus dans l’ARF. Ceci a conduit au déve-
imaginait qu’avec un paratonnerre sur le toit et quelques
loppement des systèmes de protection foudre isolés qui
parafoudres on protégeait tout. En cas de doute, on instal-
garantissent que la foudre entrée par le paratonnerre ne
lait au contraire des parafoudres partout. Depuis l’année
passera nulle part ailleurs dans la structure que dans la
2006, qui constitue une année charnière pour la protec-
prise de terre dédiée. Ceci implique également des exi-
tion foudre, une méthodologie connue sous le nom d’ana-
gences très sévères pour des composants aussi simples
lyse du risque foudre (ARF) est utilisée pour déterminer
que des connecteurs ou des fixations. Une fixation qui
précisément ce qui doit être protégé et avec quelle effi-
lâche, un conducteur qui se sectionne et des dommages
cacité. On peut ainsi montrer qu’une antenne sur le toit,
importants peuvent se produire dans la structure. La
même si elle est impactable n’a pas besoin d’être protégée
prise de terre foudre a également son importance pour
si elle ne remet pas la sécurité en cause.
l’efficacité de la capture, pour limiter la tension de pas et
42 Z REE N°3/2017
Introduction
LES GRANDS DOSSIERS
de contact qui provoquent l’électrisation des personnes
de protection progressent et leur fiabilité s’accroît. Il reste
et influence le dimensionnement des parafoudres de
cependant des pistes de progrès à suivre notamment pour
type 1. Enfin, l’équipotentialité par conducteur et para-
tenir compte du retour d’expérience.
foudre est la garantie d’une protection efficace en ce qui
La connaissance du phénomène foudre est évidem-
concerne les plus gros dommages. Elle est indispensable
ment à la base de toutes les recherches pour s’en pro-
lorsque la distance de séparation ne peut être respectée.
téger. Dans ce domaine, les études sont multiples et l’article de Christian Bouquegneau présente un panora-
Protection des équipements Les protections internes sont devenues plus efficaces
ma des connaissances actuelles et des sujets qui restent encore à explorer.
notamment grâce à la combinaison de plusieurs solutions
L’analyse du risque foudre (ARF), première pierre de
incluant des parafoudres de type 2 qui limitent les sur-
l’édifice de protection, est un outil adapté aux structures
tensions au niveau des équipements, le blindage de la
complexes. Pour les structures simples (habitat, petit ter-
structure, des équipements ou du câblage, la ségrégation
tiaire…), le choix d’un niveau de protection moyen par dé-
des câbles et la diminution de la surface des boucles pour
faut peut suffire. La normalisation, notamment française,
ne citer que les principales. C’est surtout dans le domaine
s’oriente dans ce sens avec une future norme sur la protec-
des parafoudres que les progrès ont été les plus notables.
tion de l’habitat. Pour les structures complexes, il faut une
La longueur maximale de câblage est devenue une règle
méthode complète et précise. L’ARF est parfois décriée par
connue de tous les spécialistes sous le nom de règle des
certains qui continuent de définir des protections selon
50 centimètres. Cette règle est contraignante mais est
leur expérience personnelle. Il est vrai que la méthode
fondamentale pour assurer l’efficacité des parafoudres et
est complexe car les phénomènes foudre sont complexes
de nombreuses méthodes existent pour la rendre appli-
mails elle a démontré son efficacité. Elle peut encore être
cable en pratique (conducteurs spéciaux avec inductance
améliorée avec par exemple une meilleure estimation de la
faible, utilisation de l’enveloppe métallique des tableaux,
densité de foudroiement grâce à des réseaux de détection
borne de terre intermédiaire, parafoudre avec un meilleur
foudre performants ou par une prise en compte des par-
niveau de protection que demandé…). Cette règle est fon-
ticularités du site. En effet, la répartition locale des ampli-
damentale pour le parafoudre situé en tête d’installation
tudes des courants de foudre peut être évaluée par certains
dont l’objectif est de bloquer la plus grosse partie de la
réseaux de détection. L’article de Stéphane Pédeboy, Marc
surtension. Par contre après une certaine distance (géné-
Bonnet et Stéphane Schmitt est très complet sur l’évolu-
ralement 10 m de câblage parfois moins) la protection of-
tion des réseaux de détection, leurs capacités actuelles et
ferte par le parafoudre de tête devient médiocre ou même
futures. C’est sans doute un des meilleurs axes de déve-
inexistante. Il faut donc d’autres parafoudres, dits de type
loppement que de mieux connaître la foudre au niveau
2, dans l’installation pour protéger les équipements listés
local. La détection des orages permet aussi de prévenir les
par l’ARF. Les parafoudres type 1 et type 2 doivent tra-
personnes situées à l’extérieur d’un danger imminent ou
vailler ensemble de manière coordonnée. Ils doivent se
même dans l’industrie de stopper ou retarder une opéra-
partager l’énergie de l’onde de foudre et assurer un niveau
tion dangereuse. L’amélioration de l’ARF portera aussi sur
de protection (un niveau de surtension résiduel) optimal
la prise en compte de l’efficacité des parafoudres ou des
au niveau des matériels les plus sensibles. C’est la tech-
courants de foudre non normalisés. L’article de Vincent
nique de la coordination. L’application de ces deux règles
Rogez et Anthony Bergot donne un panorama de ce
est la solution pour obtenir un système de protection inté-
qu’on peut attendre de cette méthode et comment l’adap-
rieur efficace à condition de prendre en compte toutes les
ter aux installations les plus sensibles ou complexes.
sources de dommages (choc de foudre direct, induit, surtensions atmosphériques).
Dans le domaine de la protection contre les chocs de foudre directs, les progrès sont assez lents et on utilise encore des paratonnerres peu différents de ceux de Ben-
Quels sont les points marquants de la protection foudre actuelle ? Quelles sont les évolutions attendues ?
jamin Franklin. C’est surtout sur leur mise en œuvre et sur les modèles de protection que les progrès sont attendus. Les systèmes de protection foudre isolés devraient
L’observation des événements comme l’ont fait les
se généraliser car ils sont seuls capables de maîtriser
pionniers de la protection et la recherche sur le sujet font
la circulation du courant de foudre dans une structure.
l’objet de nombreuses publications dans les conférences
L’article de Régis Reeb présente l’intérêt des systèmes
scientifiques internationales. Il s’avère que les solutions
isolés tant pour la structure que pour les équipements
REE N°3/2017 Z 43
LES GRANDS DOSSIERS
Introduction
et montre que la technologie nécessaire pour contenir
quelques réalisations spécifiques ainsi que plus généra-
la foudre dans un câble dédié est complexe et néces-
lement les évolutions attendues de la protection foudre
site de nombreux essais de validation. Par ailleurs, on
dans le monde.
commence à voir apparaître des modèles de protection
En conclusion, les technologies de détection des im-
foudre optimisés qui permettent de mieux positionner
pacts de la foudre et de protection foudre continuent de
les éléments de capture.
progresser en suivant les besoins observés sur le terrain
Dans le domaine des parafoudres, les progrès sont
et les évolutions technologiques tant des systèmes à pro-
plus rapides pour suivre les évolutions des technologies
téger que des systèmes de protection. L’exigence primor-
à protéger. Ainsi des parafoudres adaptés pour les instal-
diale des utilisateurs est aujourd’hui d’être informés à
lations photovoltaïques ou l’éolien ont vu le jour : l’article
l’avance et de façon fiable de l’arrivée prochaine d’un évè-
de Christian Macanda présente les besoins actuels et
nement foudre pour protéger en priorité les personnes.
attendus par les nouvelles technologies qui sont de plus
En ce qui concerne les structures et les équipements, l’exigence est l’efficacité et ceci
en plus sensibles aux surtensions. Il est à noter que la France a une position forte dans le domaine de l’étude de la foudre, de la détection des orages et de la protection contre la foudre malgré un foudroiement qui n’est pas le plus
ALAIN ROUSSEAU a débuté sa carrière à EDF comme ingénieur chercheur. Puis il a travaillé comme installateur puis producteur de systèmes de protection foudre dans des sociétés internationales avant de rejoindre en 2000 SEFTIM bureau d’étude foudre
d’autant plus qu’un système de protection foudre peut coûter relativement cher dès lors qu’il n’est pas prévu à la conception. Le système de protection foudre doit être
et CEM, société indépendante dont il est
optimisé lors de son design, ins-
élevé du monde. Une des raisons
le président. Il a poursuivi ses travaux de
tallé en application des exigences
est sûrement liée aux exigences
recherche sur la protection contre la foudre
les plus sévères, contrôlé avant sa
de qualification en France pour les
avec de nombreuses publications interna-
réception et de façon périodique.
acteurs de la foudre grâce au réfé-
tionales. Il préside le comité scientifique
Le niveau de performance des
rentiel Qualifoudre de l’INERIS qui
et technique de l’Association Protection
systèmes de protection foudre est
pousse cette activité vers de plus en
Foudre (APF)dédié à la protection des perr
encore aujourd’hui trop qualitatif.
plus de professionnalisme. La SEE a
sonnes, les commissions de normalisation
Des progrès doivent encore être
également joué son rôle dans cette
parafoudre et protection foudre de l’AFNOR
faits pour quantifier l’efficacité des
évolution car ce référentiel est basé
ainsi que la commission de normalisation
systèmes de protection, ce qui est
sur les travaux du club Foudre de la SEE. L’article d’Elysabeth Benali et Michael Troubatt présente ainsi le panorama de la foudre en France avec son cadre réglementaire et
parafoudre de l’IEC. Alain Rousseau est diplômé de l’école Centrale de Lyon et titulaire d’un DEA d’électrotechnique. Il est membre émérite du CIGRE et président du club Foudre de la SEE.
nécessaire pour valider sur le terrain les conclusions de l’ARF. Une fois que cette dernière phase sera atteinte, on pourra considérer que la protection foudre est mature. Q
LES ARTICLES
La foudre – Phénoménologie Christian Bouquegneau ................................................................................................................................................ p. 45 Les réseaux de localisation des éclairs et leurs applications 30 ans de surveillance des orages Stéphane Pédeboy, Marc Bonnet, Stéphane Schmitt ......................................................................................... p. 52 Analyse du risque foudre. Etat de l’art et nouveautés Anthony Bergot, Vincent Rogez ............................................................................................................................. p. 59 La foudre en France : enjeux et solutions Elysabeth Benali, Michael Troubat ......................................................................................................................... p. 66 Nouveaux concepts de protection contre la foudre Régis Reeb .......................................................................................................................................................................... p. 74 Les parafoudres pour les nouveaux marchés du XXIe siècle Christian Macanda ....................................................................................................................................................... p. 80 44 Z REE N°3/2017
LA FOUDRE
DOSSIER 1
La foudre – Phénoménologie Christian Bouquegneau Recteur honoraire, université de Mons (Belgique) Président de CENELEC TC 81X (Lightning protection) Research on lightning is as old as research on electricity. From the middle of the eighteenth century, this natural phenomenon preoccupied researchers from various fields of study. In this paper, we analyze the atmospheric phenomena, leading to the generation of lightning flashes. The electrically charged cumulonimbus, king of the clouds, is the main source. This thundercloud seldom appears isolated. It can produce intracloud discharges, intercloud (cloud-to-cloud) discharges, cloud-to-air discharges, and cloud-to-ground discharges. We describe the cloud-toground discharge with emphasis on the various characteristics of the corresponding currents. Above thunderclouds, transient luminous events (reddish elves, red sprites, and blue jets), most of which are associated with highest-intensity lightning discharges, still await for a complete scientific explanation.
ABSTRACT
Introduction
La recherche sur la foudre est aussi ancienne que les recherches sur l’électricité. Depuis la moitié du 18e siècle, ce phénomène naturel a préoccupé les chercheurs de différentes disciplines. Dans cet article, nous analysons les phénomènes atmosphériques qui conduisent à la génération des éclairs. Le cumulo-nimbus chargé électriquement, roi des nuages, en est la principale source. L’orage situé dans le cœur du nuage apparaît rarement de façon isolée. Il peut provoquer des décharges intra-nuages (internes au nuage), internuages (de nuage à nuage) ainsi que des décharges entre le nuage et l'air ou entre le nuage et le sol. Nous décrivons les décharges entre les nuages et le sol en mettant l’accent sur les différentes caractéristiques des courants générés correspondants. Au dessus des orages nuageux, des manifestations lumineuses (sylphes rouges, elfes rougeâtres et jets bleus), dont la plupart sont associées à des éclairs de très haute intensité, attendent encore une explication scientifique complète. RÉSUMÉ
ou roi des nuages. Les cumulo-nimbus
6 et 22 km. Les cumulo-nimbus sont
L’étude scientifique de la foudre est
se présentent rarement sous forme iso-
pratiquement tous observés dans la
aussi ancienne que celle de l’électricité
lée, mais plutôt en agrégats. Ils diffèrent
troposphère où la température décroît,
[1, 2, 3]. Dès le milieu du XVIIIe siècle,
des autres nuages d’averses à la fois par
en moyenne, jusqu’à la tropopause,
ce phénomène naturel intrigua les cher-
l’échelle de leur extension tant verticale
limite supérieure de la troposphère. La
cheurs de diverses disciplines. Deux
qu’horizontale et par leur aptitude à
hauteur des cumulo-nimbus est liée à
siècles plus tard, le physicien écossais
donner naissance à des phénomènes
l’altitude de la tropopause, fonction de
Charles T.R. Wilson (1869–1959), fut
électriques.
la température. Variant avec la latitude,
le premier à déterminer la quantité de
Un cumulo-nimbus isolé (figure 1) a
elle diffère selon les saisons. Elle atteint,
charges électriques présentes dans un
la forme d’une tour verticale surmontée
exceptionnellement, 22 km sous les tro-
nuage orageux à partir de la mesure à
d’une zone supérieure appelée enclume
piques. Dans les régions tempérées, à
distance du champ électrique rayonné.
et située à une altitude variant entre
des latitudes moyennes, de 12 km l’été,
Le cumulo-nimbus, chargé électriquement, est le siège des phénomènes orageux. Il apparaît rarement isolé, ce qui conduit à divers types de décharges : nuage-nuage (inter-nuage ou intra-nuage), nuage-air ou nuagesol. La décharge électrique nuage-sol ou éclair à la terre mérite une attention particulière dans le cadre de la protection contre la foudre et il est essentiel de connaître les différentes caractéristiques des courants de foudre générés.
Nuage orageux Le nuage orageux est le plus vigoureux des nuages. On l’appelle cumulo-nimbus
Figure 1 : Couches atmosphériques, régions électriques et cumulo-nimbus typique [1].
REE N°3/2017 Z 45
DOSSIER 1
LA FOUDRE
elle décroît jusqu’à 6 km l’hiver. La base d’un cumulo-nimbus est située entre 1 et 3 km du sol et occupe une surface de l’ordre de 10 km de diamètre. Son extension verticale exige la présence de masses d’air instable, humide et chaud, donc d’importants gradients de température sur de grandes épaisseurs. Dans un nuage orageux, les charges électriques positives et négatives se séparent pour former un gigantesque dipôle, voire un tripôle électrique. Ces charges
électriques
proviennent
du
frottement par collisions entre les cristaux de glace, qui se chargent positivement, et les grosses gouttes d’eau liquide (en surfusion) agglutinées sous forme de sphéroïdes de dimensions
Figure 2 : Répartition des charges électriques dans un cumulo-nimbus isolé [1].
centimétriques, qui se chargent négativement. Les cristaux de glace s’élèvent grâce aux courants d’air ascendants, les grosses gouttes liquides négatives, appelées hydrométéores, descendent par gravité. Un champ électrique intense apparaît. Si ce champ électrique atteint la valeur de la rigidité diélectrique de l’air, une décharge électrique de foudre est imminente à l’intérieur même du nuage. Comme le montre la figure 2, dans la phase de maturité du cumulo-nimbus, un certain équilibre électrique s’établit entre l’énorme charge électrique posi-
Figure 3 : Divers types de décharges de foudre : M décharge intra-nuage ; N décharge dans l’air ; O décharge inter-nuage ; P décharge au sol [1].
tive de 10 à 50 °C, voire jusqu’à 300 °C,
rieur même du cumulo-nimbus (figure
au sol sont positives. L’hiver, ou toute
assez diffuse de sa partie supérieure, et
3 M). Plus rarement, la décharge se
l’année dans les régions polaires, la
la charge électrique négative, tout aussi
prolonge dans l’air à l’extérieur du nuage
partie supérieure positive du nuage est
énorme, relativement concentrée ver-
mais s’interrompt (figure 3 N), on parle
plus proche du sol et la statistique des
ticalement (sur 1 km environ) dans sa
de décharge dans l’air. Parfois, une dé-
décharges au sol montre que les dé-
partie médiane. Cette charge négative
charge initiée dans une partie chargée
charges positives ont autant de chances
est séparée de la charge positive supé-
d’un premier cumulo-nimbus atteint la
de se présenter que les décharges
rieure par une zone quasi neutre, ainsi
charge électrique opposée du cumu-
négatives. En moyenne, on observe
que sous forme d’une petite poche posi-
lo-nimbus voisin (figure 3 O), c’est la
une décharge au sol pour trois (régions
tive, de l’ordre de 10 % de la charge posi-
décharge inter-nuage. La décharge au
tempérées) à dix (régions équatoriales)
tive supérieure, qui se maintient dans la
sol est initiée préférentiellement dans la
décharges intra-nuages ou inter-nuages.
partie inférieure du nuage.
région inférieure du nuage où subsiste une charge positive (figure 3 P), mais
Formes et classification des éclairs
Types de décharge de foudre
peut aussi avoir pour origine la charge
Le type de décharge électrique le
négative médiane ou la charge positive
L’éclair est la manifestation lumi-
plus fréquemment rencontré est la dé-
supérieure. L’été, dans les régions tem-
neuse du coup de foudre. Les éclairs
charge intra-nuage, c’est-à-dire à l’inté-
pérées, 10 % seulement des décharges
peuvent être linéaires, ramifiés ou par-
46 Z REE N°3/2017
La foudre – Phénoménologie
fois en chapelett apparaissant sur le fond des nuages et constitués de fragments lumineux en ligne pointillée correspondant aux zones de striction successives du plasma. Les premières décharges électriques se manifestent à l’intérieur même de la cellule orageuse et cela dès la phase initiale, environ un quart d’heure avant la maturité indispensable au jaillissement des décharges au sol. En matière de prévention, ce quart d’heure apporte une certaine marge de sécurité. Une décharge au sol est souvent initiée par une décharge préliminaire au sein même du nuage orageux. On dénombre quatre types de décharges au sol (figure 4), selon la polarité de la charge électrique du nuage d’où émane ou vers laquelle converge une prédécharge pilote, peu lumineuse, appelée aussi précurseurr ou traceurr ou encore leader.r Si l’on tient compte du troisième
Figure 4 : Les quatre types de décharges au sol [1].
paramètre, selon que la décharge est complète ou s’interrompe dans l’air, on dénombre huit situations possibles. Ainsi, en terrain plat, on rencontre très fréquemment un traceur négatif descendantt (environ 90 % des cas dans les régions tempérées), ou, plus rarement, un traceur positif descendant (orages hivernaux et parfois dans des conditions d’orages exceptionnellement intenses). Toutefois, essentiellement à partir de structures élevées et effilées, peut apparaître soit un traceur positif ascendant,t soit, plus rarement, un traceur négatif ascendant. Décrivons le mécanisme d’apparition d’un coup négatif à partir d’un traceur négatif descendantt en terrain plat. La figure 5 illustre l’évolution dynamique de la trajectoire d’un traceur saccadé (traceur par bonds) s conduisant à la décharge négative au soll ou coup négatif.f
Figure 5 : Développement du traceur négatif descendant et du coup négatif en terrain plat [1].
Un traceur descendant progresse par
de 20 à 50 μs et se propage vers le sol.
décharges partielles ascendantes posi-
bonds de 10 à 200 m à une vitesse rela-
Lorsque la tête du traceur s’approche du
tives qui se forment durant la période
tivement faible (de l’ordre de 100 km/s),
sol, le champ électrique y croît fortement
dite d’attachement ’ t ou processus d’interr
en impulsions de courant de l’ordre de
et, souvent à partir d’objets pointus ou
ception. Ces traceurs ascendants posi-
1 kA. Il se développe avec des pauses
d’irrégularités de surface au sol, initie des
tifs se développent jusqu’à ce que l’un
REE N°3/2017 Z 47
LES GRANDS DOSSIERS
Introduction
Les microgrids : une thématique qui transforme le monde de l’électricité Deuxième partie Introduction
monde de l’énergie (les utilities) et des
La précédente édition de la REE compor-
chercheurs universitaires viennent com-
tait un premier dossier sur les microgrids et
pléter notre dossier.
proposait une vision d’ensemble sur la ques-
L’article d’ouverture donne la parole à
tion. Les typologies possibles de microgrids
un représentant de la CRE qui présente
étaient données, ainsi que des illustrations.
sa vision des microgrids. Il précise le rôle
Les microgrids se multiplient, que ce soit
que peuvent avoir les microgrids pour
pour alimenter des régions isolées ou des campus. Des microgrids sont également présents dans des communautés qui sou-
contribuer à la transition énergétique, Bruno Meyer RTE
haitent produire localement leur énergie,
notamment par l’intégration des énergies renouvelables. Il souligne également leur rôle pour participer à la résilience des ré-
en utilisant au maximum les énergies renouvelables. Ils
seaux, ainsi que pour renforcer la solidarité territoriale.
se profilent aussi dans des zones bien raccordées au ré-
Bien que des défis technologiques persistent, comme
seau principal mais dans lesquelles les clients sont prêts
celui du stockage d’énergie, leur développement est
à payer pour se prémunir d’éventuelles pannes, quitte à
nécessaire et utile.
payer des solutions de secours, comme cela peut être le cas après une tempête ou un ouragan.
La seconde contribution, du groupe Engie, insiste sur l’efficacité des microgrids pour l’intégration des éner-
Les microgrids pour les communautés isolées
gies renouvelables à grande échelle. Grâce à l’utilisation
constituent une solution permettant de répondre aux
de nouvelles technologies, ils permettent de fournir des
besoins, avec une qualité suffisante et dans des condi-
solutions énergétiques multi-fluides complètes. Cet ar-
tions technico-économiques raisonnables. Dans le cas
ticle présente deux études de cas spécifiques : la station
des pays et des zones développées, ils répondent à
isolée de Princesse Elisabeth en Antarctique et le projet
une attente nouvelle des consommateurs. Cela s’ex-
de démonstration REIDS à Singapour.
plique tant par la recherche d’une autonomie souhai-
Le troisième article est issu de centres de recherche
tée que par la volonté de s’inscrire dans un mouvement
grenoblois. Partant du diagnostic que les solutions uti-
plus général de consommation « verte » et locale. Les
lisées pour intégrer stockage et énergies renouvelables
clients adopteraient pour l’électricité les mêmes com-
dans des microgrids sont tributaires d’une production
portements que ceux qui les animent pour leurs achats
intermittente, ces chercheurs examinent les besoins
de fruits et de légumes.
en termes de technologies de l’information et de la
Mais le parallèle n’est pas trivial. Si les microréseaux
communication (TIC), depuis les centres de contrôle
représentent une tendance réelle, qui répond à des
jusqu’aux moyens de production et de consomma-
besoins de segments variés, en bénéficiant de tech-
tion. L’article traite d’une proposition de participation
nologies nouvelles, ils s’insèrent dans l'environnement
des charges locales à la stabilité en fréquence des
global et vaste des réseaux électriques – des systèmes
réseaux afin de mettre en place un réglage primaire
électriques devrait-on dire – tout entiers.
de fréquence distribué sur l’ensemble des composants
Dans le numéro 2017-2 de la REE, nous avons publié des articles provenant de divers équipementiers
actifs du système et réduire au maximum le coût des réserves.
visant à définir les concepts des microréseaux et à les
L’article du centre d’EDF Lab présente le labora-
illustrer. Par ailleurs une présentation originale a été
toire Concept Grid qu’EDF a mis en place dans son
faite de l’utilisation de la chaîne de blocs pour garan-
centre de recherche près de Fontainebleau. De tels
tir les transactions dans des communautés énergé-
bancs d’essais sont précieux pour tester des solutions
tiques locales.
de conduite innovantes en condition réelle. La plate-
Dans la présente édition de la REE, cinq articles
forme Concept Grid y est décrite, avec ses briques
d’acteurs représentant le régulateur, des acteurs du
élémentaires qui représentent un réseau électrique
86 Z REE N°3/2017
Introduction
LES GRANDS DOSSIERS
connectant consommation et moyens de production.
nissent un aperçu international et sous différents points
Fidèle représentation de la réalité, elle va depuis le
de vue d’une thématique qui, bien qu’ancienne, occupe
poste-source jusqu’aux clients, avec trois kilomètres de
toujours les devants de la scène. Adaptés à différents
réseau 20 kV en aérien et souterrain, des résistances,
contextes, les microgrids se retrouvent depuis le stade
inductances et capacités, quatre postes de raccorde-
de la communauté dans une région en développement
ment de distribution et un réseau basse tension 230 V.
économique avec déficit de production, jusqu’à celui
Une présentation est faite d’une application à des tests
d’une zone non raccordée au réseau principal, en pas-
d’îlotage pour le démonstrateur Nice Grid.
sant par les communautés bien raccordées mais dispo-
Le dernier article de cette édition est dédié aux
sées à payer pour un secours en cas d’avarie. Dans la
réseaux îliens. Il est présenté par la filiale d’EDF, SEI
plupart des cas, ces microgrids concourent à intégrer
(Systèmes électriques insulaires). Les ZNI (zones insu-
les énergies renouvelables, et en cela, participent à la
laires non interconnectées) sont une catégorie de ré-
transition énergétique.
seaux en soi. Ici, ce sont les ZNI de petite taille qui sont
Mais il ne faut pas céder à un raisonnement sim-
examinées, pour lesquels le terme et surtout les tech-
pliste ou trop enthousiaste. Les microgrids bénéfi-
nologies des microgrids sont particulièrement bien
cient des avancées technologiques et permettent
adaptés. Les réseaux présentés ont des puissances
de répondre à des attentes des consommateurs. Les
de pointe de quelques centaines de kW, ou quelques
études prévoient une capacité mondiale d’environ
MW au maximum. Bien que leur nombre soit impor-
8 GW en 2024. Ils resteront donc durablement très
tant en France, que ce soit les îles du Ponant, de Sein,
minoritaires dans le système électrique mondial qui
d’Ouessant ou de Chausey, les communes de Guyane,
bénéficie d’infrastructures existantes d’une capacité
le cirque de Mafate à La Réunion ou Saint-Pierre-et-
d’environ 6 000 GW et dont les actifs se chiffrent en
Miquelon, leur diversité est tout aussi importante. Deux exemples sont présentés plus en détail : l’île d’Ouessant et la commune de Guyane, Saint-Georges-del’Oyapock.
dizaines de milliers de milliards Bruno Meyer est Manager Business Development à RTE. Il a travaillé à EDF de 1985 à 2008 où il a exercé différentes fonctions d’expertise et de management
d’euros. Cependant il faut les prendre en compte et les microgrids sont souvent une source d’innovation.
Ils
représentent
avant de rejoindre le Groupe RTE en 2009
une des facettes d’un ensemble
où il a été directeur général d’Arteria de
qui doit être vu comme continu
quatre du numéro 2017-2 de la
2011 à 2016. Il est membre senior de la SEE
et que l’on peut appeler le ré-
REE, offrent un panorama com-
et Fellow de l’IEEE.
seau électrique, qu’il soit nano,
Ces cinq articles, ajoutés aux
plet sur les microgrids. Ils four-
smart, micro ou super. Q
LES ARTICLES
Les microgrids d’hier et d’aujourd’hui. L’évolution de la place des microgrids dans le système électrique. Didier Laffaille ............................................................................................................................................................... p. 88 Modelling and techno-economic analysis of microgrid applications. Siebert Bressinck, Stijn Uytterhoeven, Baptiste Rossi ................................................................................... p. 98 Demand Side Management and Frequency Support within microgrids Thomas Morris, Da Wang, Gaspard Lebel, Catalin Gavriluta, Cedric Boudinet, Vincent Debusschere, Raphael Caire ................................................................................. p. 105 Concept Grid : Un laboratoire au service des microgrids. Aude Pelletier, Loïc Joseph-Auguste et Cristian Jecu .................................................................................... p. 112 Enjeux et réalisations de SEI dans les microgrids. Les défis de la transition énergétique des microréseaux insulaires Caroline Ducharme, Sébastien RUIZ et Etienne Radvanyi ............................................................................. p. 118
REE N°3/2017 Z 87
DOSSIER 2
LES MICROGRIDS (PARTIE 2)
Figure 1 : La boucle énergétique du microgrid — Source CRE.
Les microgrids d’hier et d’aujourd’hui L’évolution de la place des microgrids dans le système électrique Didier Laffaille Chef du département technique, Commission de régulation de l’énergie Once used solely to secure energy supply in areas remote from the main grid, microgrids have evolved to become a medium for the energy transition over the course of the last 30 years. As they are particularly useful for the integration of renewable energy sources, microgrids are now fully integrated in many smart grids projects and raise a number of issues about self-generation, private grids, grid resilience as well as in France, the French principle of territorial solidarity. Their development still faces many technical challenges, among which is the reliability and capacity of energy storage technologies. Still, the crux of the matter today may well be the safety of islanding processes and their effects on the main grid.
ABSTRACT
Introduction
Utilisés jusqu’à présent uniquement pour sécuriser la fourniture d’énergie dans les zones éloignées du réseau principal, les microgrids ont évolué pour devenir un instrument de la transition énergétique au cours des 30 dernières années. Comme ils sont particulièrement utiles à l’intégration de sources d’énergies renouvelables, les microgrids sont désormais complètement intégrés dans de nombreux projets de smart grids et posent un certain nombre de questions relatives à l’auto-production, aux réseaux grid privés, à la résilience des grids et, en France, au principe de solidarité territoriale. Leur développement doit encore faire face à de nombreux défis techniques dont la fiabilité et la capacité des technologies de stockage d'énergie. Aussi le point crucial aujourd’hui pourrait-il bien être la sécurité des processus d’îlotage et leurs effets sur le réseau principal. RÉSUMÉ
tiples installations de production locales
sion et de gestion de la demande. Ils
Les microgrids, ou micro-réseaux,
et diffuses (micro-turbines, piles à com-
peuvent être raccordés directement à
sont des réseaux électriques de petite
bustible, petits générateurs diesel, pan-
un réseau de distribution ou fonction-
taille, conçus pour fournir un appro-
neaux photovoltaïques, mini-éoliennes,
ner déconnectés du réseau (îlotage). Ce
visionnement électrique fiable et de
petite hydraulique), des installations
concept, susceptible de concerner diffé-
meilleure qualité à un petit nombre de
de consommation, des installations
rentes échelles du territoire (bâtiment,
consommateurs. Ils agrègent de mul-
de stockage et des outils de supervi-
quartier, zone industrielle ou artisanale,
88 Z REE N°3/2017
L’évolution de la place des microgrids dans le système électrique
village, etc.) est en train de s’élargir aux
aujourd’hui, la transition énergétique
réseaux de chaleur et de gaz naturel,
en a aussi fait un vecteur de dévelop-
et peut ainsi être pensé en termes de
pement de la production décentralisée
multi-fluides.
d’énergie.
Le marché des micro-réseaux électriques est en forte croissance dans le
Les microgrids traditionnels
monde. Alors que plus de 400 projets
Électrifier les zones isolées
Une réponse à la fragilité des réseaux Les microgrids fonctionnant en totale autonomie peuvent aussi constituer une réponse viable à la fragilité de certains réseaux urbains. Il s’agit d’un type particulier de microgrid, qui n’est pas le
représentant plus de 3,2 GWh d’électri-
Le développement des microgrids
plus répandu actuellement : les micro-
cité sont en cours de développement
permet d’électrifier durablement les
grids dotés d’un mode « îlotage ». Cette
ou déjà opérationnels, le nombre de ces
zones les plus isolées, difficiles d’ac-
solution est de plus en plus adoptée
projets devrait quadrupler d’ici 2020. La
cès, situées loin des réseaux de distri-
aux États-Unis, où ils sont vus comme
raison principale de cette forte augmen-
bution d’électricité. Un premier exemple
un moyen de garantir la sécurité d’ap-
tation réside dans la volonté de rap-
de microgrid : localisé au cœur d’une
provisionnement de zones trop sou-
procher la production d’électricité de la
réserve naturelle et uniquement acces-
vent victimes de défaillances de réseau,
consommation, de limiter les investisse-
sible en pirogue, le village de Kaw (en
entraînant des coupures d’alimentation
ments dans les réseaux de transport et
Guyane) comprend une cinquantaine
en électricité. Les réseaux très centralisés
de distribution et de réduire les pertes.
d’habitations et connaît des difficultés
sont plus vulnérables aux évènements
Et cela est aujourd’hui rendu possible
d’approvisionnement en électricité du
climatiques extrêmes, notamment. Dans
par la multiplication des installations
fait de son isolement. La première cen-
les zones exposées à de violentes tem-
de production d’énergie décentrali-
trale photovoltaïque construite en 1983
pêtes par exemple, de tels micro-réseaux
sées, solaires ou éoliennes, et le déve-
afin d’approvisionner un village de 25
pourraient continuer à fournir de l’électri-
loppement des dispositifs de stockage.
foyers a constitué un exemple nova-
cité, même lorsque le réseau principal a
D’autres raisons contribuent également
teur et précurseur en matière de pro-
été endommagé. Le nombre de consom-
à ce boom des projets de microgrids,
duction d’énergies renouvelables. Elle a
mateurs affectés par le défaut du réseau
notamment aux États-Unis et en Asie,
été remplacée par une nouvelle centrale
s’en trouve limité.
leaders en nombre de projets dans le
photovoltaïque en 2009, qui reste l’une
L’ouragan Sandy qui a touché le
monde, comme la volonté d’augmen-
des plus grandes centrales en site isolé
Nord-Est des États-Unis en 2012 a mis
ter la résilience du système électrique
de ce type dans le monde. La nouvelle
les microgrids sous les projecteurs.
en faisant appel à la capacité d’îlotage
installation comprend des panneaux
Alors que les réseaux électriques étaient
qu’offrent les microgrids. Ceux-ci consti-
solaires pour une puissance installée de
défaillants sur la quasi-totalité des zones
tuent ainsi un modèle d’optimisation
100 kWc, un complément thermique
concernées, quelques quartiers conti-
pour le réseau électrique.
d’appoint de 80 kW et une capacité de
nuaient à être alimentés. Les campus
Le concept de microgrids n’est pas
stockage sur batteries de 1 250 kWh
universitaires, en particulier, constituent
nouveau, puisque les premiers réseaux
assurant une autonomie reposant sur
des lieux propices à l’expérimentation
étaient isolés puis se sont progressi-
le solaire de 2,5 jours environ. Le sys-
de microgrids. Le micro-réseau du cam-
vement agrégés. Mais les microgrids
tème est plus complexe à maîtriser que
pus de l’université de Princeton, dans le
ont su évoluer, au point que l’on parle
le simple fonctionnement d’un moteur
New Jersey, comprend ainsi une turbine
aujourd’hui de « smart » microgrids. La
diesel. L’optimisation de la gestion des
à gaz et une installation photovoltaïque,
transition énergétique et le déploie-
flux d’énergie reste un sujet d’étude
qui représentent au total une capacité
ment des smart grids ont quelque peu
pour ce type de centrales hybrides auto-
de production de 15 MW.
modifié la raison d’être des microgrids
nomes avec stockage d’énergie.
En temps normal, si la demande en
et élargit leur champ d’application. La
Un exemple encore plus extrême est
électricité du campus est élevée ou que
mission première des microgrids est
celui de la station de recherche scien-
les prix de l’électricité sont bas, le micro-
donc une mission d’électrification et
tifique Princess Elisabeth non raccor-
grid utilise l’électricité en provenance du
c’est à ce titre qu’ils sont considérés
dée à un réseau électrique, située en
réseau public ; si, à l’inverse, la demande
comme une opportunité pour le déve-
Antarctique dans des conditions parti-
sur le campus est faible, le microgrid
loppement de certains pays en voie
culièrement difficiles (Cf. l’article de S.
peut même contribuer à alimenter le
de développement, en Afrique notam-
Bressinck & al. dans le présent numéro
réseau de distribution d’électricité. En
ment. S’ils continuent de remplir ce rôle
de la REE).
période de crise, le microgrid de l’uni-
REE N°3/2017 Z 89
DOSSIER 2
LES MICROGRIDS (PARTIE 2)
Figure 2 : Les producteurs – Source : CRE.
versité de Princeton peut se déconnec-
leur raccordement au réseau de dis-
mation d’énergie a deux conséquences
ter du réseau et alimenter seul la totalité
tribution est complexe. Il faut notam-
principales. À court terme, la consé-
du campus en électricité. Le 29 octobre
ment s’interroger sur les conditions
quence la plus immédiate de l’utilisa-
2012, alors que l’ouragan Sandy frap-
nécessaires au maintien de la stabilité
tion d’un microgrid est la diminution des
pait la région entraînant une défaillance
du réseau (en tension et en fréquence)
pertes électriques causées par le trans-
des réseaux électriques et des blackouts,
au sein du microgrid ainsi que de la sta-
port de l’électricité. À long terme, les
le microgrid a fonctionné en îlotage et
bilité du réseau de distribution lors de
investissements d’infrastructure sur les
assuré seul l’alimentation électrique du
la resynchronisation du microgrid avec
réseaux sont revus à la baisse.
campus jusqu’au 31 octobre, lorsqu’il
celui-ci. De même, l’infrastructure du
Le microgrid peut être perçu comme
s’est reconnecté au réseau. Entre-temps,
microgrid doit être compatible avec les
un outil d’optimisation des capacités du
le campus s’est transformé en refuge
standards existants pour que l’équilibre
réseau : celui-ci est dimensionné en fonc-
pour les services de secours tels que la
sur le réseau soit maintenu.
tion de la pointe de production. Aussi, le
police, les pompiers ou les ambulanciers, qui l’ont utilisé comme base de déploie-
développement des EnR peut provoquer
Une source d’économies
un surdimensionnement encore plus
La réduction des transits sur les
marqué du réseau. Plutôt que d’augmen-
L’utilisation de l’îlotage pose néan-
réseaux entraîne des économies de
ter les capacités de transit de puissance
moins un certain nombre de défis tech-
coûts de réseaux. L’optimisation de la dis-
sur les lignes de transport et de distribu-
niques car la gestion des microgrids et
tance entre la production et la consom-
tion, un microgrid facilite localement le
ment ou de recharge des équipements.
90 Z REE N°3/2017
GROS PLAN SUR
Du tube cathodique aux ĂŠcrans plats Introduction
L
dĂŠcrire dans cet article en nous focalisant sur
es techniques utilisĂŠes par lâ&#x20AC;&#x2122;homme
les technologies dâ&#x20AC;&#x2122;afďŹ chage intrinsèque, câ&#x20AC;&#x2122;est-
pour communiquer par ÂŤ afďŹ chage Âť
à -dire produisant leur propre source de lumière.
sur une surface plus ou moins plane
Nous ne traiterons donc pas des techniques par
remontent Ă la nuit des temps. Des
projection ni des technologies 3D qui nĂŠcessi-
procĂŠdĂŠs variĂŠs ont ĂŠtĂŠ successivement mis Ă
teraient un dĂŠveloppement Ă part entière. EnďŹ n
contribution pour lui permettre de communi-
notons que le vocable ÂŤĂŠcrans platsÂť sâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtend
quer Ă ses semblables une information simplement ÂŤ afďŹ chĂŠe Âť. Songeons par exemple aux peintures ou sculptures rupestres exĂŠcutĂŠes
Alain Brenac Membre ĂŠmĂŠrite de la SEE
par nos lointains ancĂŞtres qui font encore notre admiration
maintenant Ă des ĂŠcrans qui ne sont plus tout Ă fait plans : ĂŠcrans incurvĂŠs, ĂŠcrans pliables voire enroulables, que nous ĂŠvoquerons en ďŹ n
dâ&#x20AC;&#x2122;article.
de nos jours. Très tĂ´t, lâ&#x20AC;&#x2122;une des prĂŠoccupations majeures
Si lâ&#x20AC;&#x2122;on observe lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvolution depuis une trentaine dâ&#x20AC;&#x2122;annĂŠes
fut la mesure et lâ&#x20AC;&#x2122;afďŹ chage du temps : le cadran solaire (ou
des technologies dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcrans plats qui se sont ďŹ nalement
gnomon) des Êgyptiens du Moyen Empire (IIe siècle avant
imposĂŠes face au tube cathodique (la phase zĂŠro ou pro-
notre ère) fut ainsi le premier afďŹ cheur dynamique Ă faire
tohistoire), il est possible de dĂŠďŹ nir en gros deux pĂŠriodes
son apparition. Il fallut cependant attendre les dĂŠveloppe-
successives dont la frontière temporelle se situe dans les pre-
ments de la mĂŠcanique pour rafďŹ ner cette solution minima-
mières annÊes du 21e siècle :
liste et donner naissance Ă lâ&#x20AC;&#x2122;horlogerie traditionnelle dès le
s LES afďŹ cheurs de première gĂŠnĂŠration, et principalement
13 siècle, ancĂŞtre de lâ&#x20AC;&#x2122;afďŹ chage analogique. Mais ce sont
les ĂŠcrans Ă cristaux liquides (LCD), concurrencĂŠs pen-
bien sĂťr les inventions du 20 e siècle, la tĂŠlĂŠvision dâ&#x20AC;&#x2122;abord
dant une assez courte pĂŠriode par les ĂŠcrans Ă plasma
puis la (micro) informatique et la tĂŠlĂŠphonie mobile qui vont
(PDP) ainsi que par la technique des microtubes Ă ĂŠmission
ĂŞtre Ă lâ&#x20AC;&#x2122;origine du dĂŠveloppement considĂŠrable des techno-
de champ (FED), inspirĂŠe du CRT et toujours en dĂŠvelop-
logies dâ&#x20AC;&#x2122;afďŹ chage sur ĂŠcrans plats. DĂŠveloppement caractĂŠ-
pement. Cette dernière technologie qui a ÊvoluÊ vers une
risĂŠ par une diminution drastique de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠpaisseur de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcran,
version plus simple Ă fabriquer, dĂŠnommĂŠe (SED pour Sur-
une augmentation de sa taille (diagonale) et une rĂŠsolution
face Emitter electron Devices), ne semble pas promise Ă un
e
croissante de lâ&#x20AC;&#x2122;image, le tout sâ&#x20AC;&#x2122;accompagnant dâ&#x20AC;&#x2122;une dĂŠcrois-
grand avenir depuis la percĂŠe des OLED ;
sance des prix du fait des volumes croissants dâ&#x20AC;&#x2122;appareils
s AVEC L APPARITION SUR LE MARCHĂ? DES $%, ,%$ EN ANGLAIS
produits. Ce sont ces techniques que nous allons tenter de
pour diodes ĂŠlectroluminescentes, une double rĂŠvolution
Over the past three decades, boosted by successive killer applications like TV, microcomputers and digital mobility devices (tablets, smartphones), display technologies have seen tremendous developments in order to satisfy an ever-increasing demand both in terms of performance and quantity. Several competing techniques based on different physical concepts have emerged successively or in parallel to replace the classical cathode ray tube by ďŹ&#x201A;at screens, exhibiting unrivaled qualities of brightness, contrast and angle of view, combined with a dramatic increase in size and a no less spectacular price drop. It is this story the author tries to recall by identifying the technologies currently market leaders but also the evolutions suggested by the latest developments in progress at the laboratory stage.
PoussĂŠes par lâ&#x20AC;&#x2122;essor successif des â&#x20AC;&#x153;killer applicationsâ&#x20AC;? quâ&#x20AC;&#x2122;ont ĂŠtĂŠ la tĂŠlĂŠvision, puis la micro-informatique et la mobilitĂŠ numĂŠrique (tablettes, smartphones), les technologies dâ&#x20AC;&#x2122;afďŹ chage sur ĂŠcrans ont connu, au cours des trois dernières dĂŠcennies, des dĂŠveloppements prodigieux aďŹ n de satisfaire une demande sans cesse croissante en volume comme en performance. Plusieurs techniques concurrentes basĂŠes sur des concepts physiques diffĂŠrents, ont ĂŠmergĂŠ successivement ou en parallèle pour remplacer le tube cathodique par des ĂŠcrans plats, prĂŠsentant des qualitĂŠs de luminositĂŠ, de contraste et dâ&#x20AC;&#x2122;angle de vue inĂŠgalĂŠes allant de pair avec une augmentation spectaculaire de la taille et une chute des prix non moins spectaculaire. Câ&#x20AC;&#x2122;est cette histoire que lâ&#x20AC;&#x2122;auteur tente de rappeler en tâchant dâ&#x20AC;&#x2122;identiďŹ er les technologies actuellement leaders du marchĂŠ mais ĂŠgalement les ĂŠvolutions que laissent prĂŠsager les derniers dĂŠveloppements en cours au stade du laboratoire.
ABSTRACT
124 Z REE N°3/2017
RĂ&#x2030;SUMĂ&#x2030;
Les technologies d’affichage électronique
Figure 1 : Schéma simplifié du fonctionnement d’un tube à rayons cathodiques – Source: Wikipedia. 1 : canons à électrons ; 2 : faisceaux d’électrons ; 3 : masque pour séparer les rayons rouge, bleu et vert de l’image affichée ; 4 : couche phosphorescente présentant des zones spécifiques pour chaque couleur ; 5 : zoom sur la face intérieure de l’écran. s’opère qui va conduire à des afficheurs de deuxième géné-
placé depuis une vingtaine d’années. La figure 1 rappelle
ration :
l’architecture schématique du tube CRT.
- dans un premier temps les réseaux de DEL vont fournir
L’affichage par CRT est analogique en ce sens que l’image
une solution bien plus efficace et plus économique pour
est créée en faisant varier l’intensité du faisceau d’électrons et
le rétroéclairage (éclairage arrière) des écrans à cristaux
donc l’intensité lumineuse du spot au long de son parcours.
liquides ;
Le flux est dévié par un champ magnétique appliqué sur le
- avec la mise au point de la variante OLED (DEL à base
col du tube par un jeu de bobines magnétiques et contrôlées
de composés organiques), on passe à un afficheur actif
par un circuit électronique. Un balayage par déflexion magné-
ne nécessitant plus de source d’éclairage annexe filtrée
tique est ainsi créé permettant au faisceau de parcourir de
par des portes optiques et dont les performances vont
gauche à droite des lignes qui se succèdent de haut en bas,
s’avérer considérablement améliorées en termes de lumi-
le retour à la ligne suivante et en début de page se faisant à
nosité, rendu de couleur et consommation.
faisceau éteint. Pour passer du noir et blanc à la couleur, il a
Retour sur la « protohistoire » des écrans de visualisation Bien qu’il ne s’agisse pas encore ici d’écrans plats, il nous
fallu prévoir trois canons à électrons, un par couleur primaire, et ajouter derrière l’écran un masque perforé ou des fils pour les tubes Trinitron, pour que chaque faisceau allume la couleur correspondante.
semble utile de rappeler succinctement le principe du tube
Même si des efforts ont permis de réaliser des CRT de
à rayons cathodiques car ce procédé continuera à inspirer
profondeur de plus en plus réduite (30 cm environ), il est
après sa fin de vie des techniques ultérieures d’écrans plats
impossible par construction de réaliser des écrans plats avec
(FED par exemple).
cette technologie sans en changer la conception. C’est ce qui explique l’essor à partir des années 1990-2000 de techno-
Le tube à rayons cathodiques (CRT)
logies spécifiques (FED, LCD, plasma, (O)LED) dont la struc-
Rappelons succinctement le principe de fonctionnement
ture même permet de réaliser des afficheurs extrêmement
du tube cathodique car c’était la principale et quasi unique
minces et de poids considérablement réduits par rapport au
technologie mise en œuvre pendant plusieurs décennies
CRT.
avant l’apparition des différents types d’écrans plats permise notamment par l’émergence des technologies à cristaux liquides (LCD). Le CRT peut être intéressant à considérer
Les dispositifs fluorescents VFD (Vacuum Fluorescent Display) [1]
comme point de référence commode pour évaluer les nou-
La technologie VFD s’apparente au tube cathodique clas-
velles technologies d’affichage numériques qui l’ont rem-
sique et à l’ancienne technique du tube Nixie aujourd’hui
REE N°3/2017 Z 125
GROS PLAN SUR
Figure 2 : Affichage VFD sur un magnétoscope. On remarquera que les filaments non allumés restent malgré tout visibles ce qui constitue un des inconvénients de cette technologie.
(a) Coupe du d dispositif di i if
b/ Agrandissement effectué au croisement lignes/colonnes faisant apparaître les micropointes émettrices.
Figure 3 : Principe de fonctionnement de l’écran à émission de champ (FED).
abandonnée. Composé d’une cathode à filaments chauffée incorporant des éléments alcalino-terreux, d’anodes au phosphore et de grilles, le dispositif est scellé dans une enveloppe de verre sous vide poussé (figure 2). Les électrons émis par la cathode sont ensuite diffusés au travers des
Les technologies d’afficheurs à écrans plats de première génération La technologie FED (Field Emission Display) : une approche dérivée du CRT compatible avec l’écran plat
grilles faites de fils de métal fins et émettent une lumière
Nous avons rappelé que le tube cathodique, de par sa
bleutée par fluorescence en rencontrant les anodes. Ce
conception même à canon unique, ne pouvait donner lieu à
type d’afficheur a été beaucoup utilisé pour les appareils
de l’affichage par écrans plats.
d’usage courant comme magnétoscopes, autoradios ou
La technologie FED [2], longtemps cheval de bataille de la
fours à micro-ondes car il délivre une lumière intense, per-
société Sony dans les années 2000, fonctionne comme un
met un bon contraste et l’obtention de couleurs différentes,
tube cathodique traditionnel, en utilisant l’accélération d’élec-
le tout à un coût modeste. En outre, ce composant reste
trons soumis à un champ de 10 kV environ qui viennent ex-
opérationnel même par très grands froids. En revanche
citer les phosphores pour produire de la lumière. Mais au
cette technique est relativement consommatrice, elle est
lieu d’un canon à électrons unique, l’écran FED utilise une
limitée à des écrans de petite taille, aussi les afficheurs VFD
matrice constituée d’une multitude (plusieurs milliers) de
ont-ils été progressivement remplacés par des dispositifs
micro-canons à électrons de taille nanoscopique (figure 3).
OLED.
A l’origine les écrans FED étaient supposés combiner les
126 Z REE N°3/2017
ENTRETIEN AVEC ALAIN BRAVO
PrĂŠsident de l'AcadĂŠmie des technologies
L'acadÊmie des technologies : au service d'un progrès raisonnÊ, choisi et partagÊ REE : Alain Bravo, vous avez pris
MUN EN SUR la transition ĂŠner-
Pour rĂŠpondre plus prĂŠcisĂŠment, nos
rĂŠcemment vos fonctions en tant que
gĂŠtique en France et en Allemagne ;
prioritĂŠs actuelles sâ&#x20AC;&#x2122;articulent autour de
PrĂŠsident de lâ&#x20AC;&#x2122;AcadĂŠmie des tech-
s EN LA PUBLICATION D UN RAPPORT EN quelques axes forts :
nologies, quel regard jetez-vous sur
commun avec lâ&#x20AC;&#x2122;AcadĂŠmie de mĂŠde-
s lâ&#x20AC;&#x2122;Industrie du futur : le thème est
cette institution ? Quels sont
cine recommandant la crĂŠation de
vaste et Ă prĂŠciser mais quelques
ses succès rÊcents ?
centres de sÊquençage de nouvelle
thèmes Êmergent: les architectures
Alain Bravo : Lâ&#x20AC;&#x2122;institution arrive dans
gĂŠnĂŠration rĂŠpartis sur le territoire, sui-
de rĂŠseaux, la cybersĂŠcuritĂŠ et la robo-
sa 18e annĂŠe et est la seule institution
vi quatre mois plus tard par la dĂŠcision
tique/cobotique, domaine dans lequel
de son genre datant du XXI siècle. Notre
bienvenue du gouvernement de crĂŠer
lâ&#x20AC;&#x2122;industrie française a pris beaucoup
AcadĂŠmie est dans une phase de crois-
12 tels centres ;
de retard, surtout du cĂ´tĂŠ des PME, et
e
sance et sa trajectoire sâ&#x20AC;&#x2122;afďŹ ne en restant
s L Ă?DITION DANS NOTRE COLLECTION i QUES-
pour lequel lâ&#x20AC;&#x2122;AcadĂŠmie des technolo-
ďŹ dèle Ă sa devise : Pour un progrès
tions Ă â&#x20AC;Ś Âť dâ&#x20AC;&#x2122;un ouvrage de notre confrère
gies voudrait proposer un plan de rat-
raisonnĂŠ, choisi et partagĂŠ. Elle a ĂŠtĂŠ
Pierre Feillet sur le thème du  bien se
crĂŠĂŠe en 2000 Ă partir du ComitĂŠ des
nourrir Âť en prĂŠservant lâ&#x20AC;&#x2122;impact de lâ&#x20AC;&#x2122;ali-
applications de lâ&#x20AC;&#x2122;AcadĂŠmie des sciences
mentation sur lâ&#x20AC;&#x2122;environnement.
(CADAS) en tant quâ&#x20AC;&#x2122;association, elle a pris son autonomie après que les pouvoirs publics lui ont confĂŠrĂŠ le statut dâ&#x20AC;&#x2122;EPA (2006), puis lâ&#x20AC;&#x2122;ont placĂŠe sous la protection du PrĂŠsident de la RĂŠpublique
trapage ; s les enjeux du big data et de lâ&#x20AC;&#x2122;intelligence artiďŹ cielle : nous avons un bon substrat acadĂŠmique mais la demande
Lâ&#x20AC;&#x2122;AcadĂŠmie des technologies se soucie de promouvoir une innovation qui serve les besoins de la sociĂŠtĂŠ
(2013). Son rĂ´le est dĂŠsormais tout Ă
de lâ&#x20AC;&#x2122;industrie nationale en dĂŠcroissance nâ&#x20AC;&#x2122;est plus mobilisatrice. Câ&#x20AC;&#x2122;est prĂŠoccupant ; s la formation professionnelle et lâ&#x20AC;&#x2122;apprentissage constituent un cheval de
fait reconnu, et sâ&#x20AC;&#x2122;inscrit dans le paysage
REE : Quelles sont vos prioritĂŠs
bataille prioritaire de notre AcadĂŠmie
français avec les acadĂŠmies-sĹ&#x201C;urs, Aca-
pour les annĂŠes qui viennent et en
en nous focalisant sur le crĂŠneau Bac-3,
dĂŠmie dâ&#x20AC;&#x2122;agriculture, AcadĂŠmie de lâ&#x20AC;&#x2122;air et
particulier quels sont les domaines
Bac+3. En particulier nous nous inquiĂŠ-
de lâ&#x20AC;&#x2122;espace, AcadĂŠmie de mĂŠdecine et
scientifiques et techniques sur
tons quâ&#x20AC;&#x2122;aucune solution nâ&#x20AC;&#x2122;ait ĂŠtĂŠ appor-
bien sĂťr lâ&#x20AC;&#x2122;AcadĂŠmie des sciences avec
lesquels lâ&#x20AC;&#x2122;AT pense se focaliser ?
TĂ?E AU PROBLĂ&#x2019;ME DES i DĂ?CROCHEURS w
laquelle nous avons gardĂŠ un lien tout
A. B. : Votre question est d'actualitĂŠ car
de lâ&#x20AC;&#x2122;enseignement supĂŠrieur. 130 000
particulier.
nous venons de mettre au point notre
jeunes chaque annĂŠe en France arrivent
Nous sommes positionnĂŠs sur la
stratĂŠgie pour la pĂŠriode allant jusquâ&#x20AC;&#x2122;Ă
dialectique technologie/sociĂŠtĂŠ ; nous
.OTRE LIGNE DIRECTRICE EST DE
ne sommes plus Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠpoque de la vĂŠri-
FAIRE PORTER NOS RĂ?mEXIONS SUR LES i POINTS
tĂŠ rĂŠvĂŠlĂŠe du bienfait technologique et
chauds Âť suscitĂŠs par lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvolution des tech-
nous soutenons lâ&#x20AC;&#x2122;innovation qui prend
nologies. Le terme de progrès a dâ&#x20AC;&#x2122;ailleurs
en compte les besoins de la sociĂŠtĂŠ. La
tendance Ă disparaĂŽtre pour faire place Ă
technologie est indispensable mais elle
celui dâ&#x20AC;&#x2122;innovation, mais nous nous prĂŠ-
sur le marchĂŠ du travail sans qualiďŹ ca-
doit rÊpondre à des critères de perti-
occupons dâ&#x20AC;&#x2122;abord dâ&#x20AC;&#x2122;une innovation qui
tion ni diplĂ´me et le nombre de jeunes
nence.
se soucie des besoins de la SociĂŠtĂŠ. Par
entrant en apprentissage diminue. Le
exemple, dans le cas de la transition ĂŠco-
niveau des arrivants est tel quâ&#x20AC;&#x2122;on est
logique, nous travaillons, soit Ă diminuer
obligĂŠ dâ&#x20AC;&#x2122;envisager une annĂŠe propĂŠdeu-
s EN LA SIGNATURE AVEC ACATECH les impacts du changement climatique,
tique après le baccalaurÊat. En ce qui
En ce qui concerne les succès rÊcents, je citerai quelques faits marquants:
Lâ&#x20AC;&#x2122;AcadĂŠmie sâ&#x20AC;&#x2122;attache Ă participer Ă la remobilisation de lâ&#x20AC;&#x2122;industrie française dans les secteurs clĂŠs dĂŠlaissĂŠs
notre homologue allemand, avec lâ&#x20AC;&#x2122;Aca-
soit Ă sâ&#x20AC;&#x2122;adapter Ă lâ&#x20AC;&#x2122;inĂŠvitable si lâ&#x20AC;&#x2122;Homme
concerne le niveau des ingĂŠnieurs sur
dĂŠmie des sciences et son homologue
ne parvient pas Ă en endiguer sufďŹ sam-
lequel vous mâ&#x20AC;&#x2122;avez interrogĂŠ, il reste bon
LĂŠopoldina, dâ&#x20AC;&#x2122;un communiquĂŠ com-
ment les effets.
mais nous nous inquiĂŠtons de la diminu-
REE N°3/2017 Z 135
tion du nombre dâ&#x20AC;&#x2122;heures consacrĂŠes aux
ou pour le prix Irène Joliot-Curie. Nous
SCIENCES i DURES w DANS L ENSEIGNEMENT
nous intÊressons Êgalement au thème
secondaire, consÊquence de la dernière
des carburants auquel nous contribuons
rĂŠforme des programmes du lycĂŠe ;
avec lâ&#x20AC;&#x2122;AcadĂŠmie de lâ&#x20AC;&#x2122;air et de lâ&#x20AC;&#x2122;espace et
s les problèmes de lâ&#x20AC;&#x2122;agroalimentaire et
certains de nos acadĂŠmiciens se pas-
de la santĂŠ, ĂŠvoquĂŠs prĂŠcĂŠdemment ;
sionnent pour la blockchain.
s %T BIEN SĂ&#x;R LES QUESTIONS LIĂ?ES Ă&#x152; la
Nos partenariats ne se limitent pas lĂ .
transition ĂŠnergĂŠtique.
Nous avons une interaction forte avec nos homologues ĂŠtrangers. Par exemple
REE : Puisque vous Êvoquez le thème
notre AcadĂŠmie a suggĂŠrĂŠ rĂŠcemment
de la transition ĂŠnergĂŠtique, lâ&#x20AC;&#x2122;Aca-
une concertation internationale sur les
dĂŠmie des technologies prend-elle
problèmes posÊs par le dÊveloppement
position sur des sujets sensibles tels
du numĂŠrique qui propose toujours de
que le gaz de schiste et la politique dâ&#x20AC;&#x2122;implantation des ĂŠoliennes terrestres ou offshore, intervient-elle dans le dĂŠbat ĂŠnergies fossiles vs ĂŠnergie nuclĂŠaire et ĂŠnergies non
Energie nuclĂŠaire et ĂŠnergies renouvelables sont complĂŠmentaires. Elles le resteront pendant de nombreuses annĂŠes
renouvelables (EnR)?
nouvelles applications mais doit se soucier des risques de dĂŠvoiement. Comme je lâ&#x20AC;&#x2122;ai exposĂŠ, nous nous prĂŠoccupons beaucoup des implications sociĂŠtales des technologies et nous avons en notre sein des sociologues, urbanistes, ergo-
A. B. : Nous nâ&#x20AC;&#x2122;avons pas, pour lâ&#x20AC;&#x2122;instant,
Mais le dĂŠveloppement des EnR passe
dâ&#x20AC;&#x2122;avis particulier sur les problèmes liĂŠs
lui-mĂŞme par une maĂŽtrise du stockage
aux ĂŠoliennes. Nous suivons attentive-
de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠnergie ce qui est loin dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŞtre le cas
Par ailleurs, dans le cadre europĂŠen
ment la question du gaz de schiste mais
aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui, aussi bien pour les stockages
dâ&#x20AC;&#x2122;Euro-Case dont le siège est Ă Paris,
nous ne nous sommes pas, Ă ce stade,
journaliers quâ&#x20AC;&#x2122;hebdomadaires ou saison-
nous participons activement Ă la prĂŠpa-
prononcĂŠs.
nomes, etc. qui dialoguent en permanence avec nos experts technologues.
niers (hormis les stockages hydrauliques
ration de la prochaine assemblĂŠe gĂŠnĂŠ-
Nous attachons la plus grande impor-
par pompage et turbinage, les STEP,
rale sur la cybersĂŠcuritĂŠ.
tance au dĂŠbat ĂŠnergies fossiles/renou-
dont le potentiel est malheureusement
velables/nuclĂŠaires. Jâ&#x20AC;&#x2122;ai citĂŠ les travaux
limitĂŠ). Tout cet effort doit se faire dans
en commun avec acatech mais nous
le cadre des engagements pris lors des
avons bien sĂťr une rĂŠďŹ&#x201A;exion perma-
accords de Paris et doit viser Ă atteindre
nente sur cette thĂŠmatique essentielle
une ĂŠconomie dĂŠcarbonĂŠe.
AU SEIN DE NOTRE COMMISSION i %NERGIE
La cybersĂŠcuritĂŠ et la lutte contre le dĂŠvoiement dans le domaine du numĂŠrique sont dĂŠsormais pour nous une prĂŠoccupation essentielle. Elle doit ĂŞtre abordĂŠe au niveau international
et changement climatique Âť qui a ĂŠmis
REE : Comment lâ&#x20AC;&#x2122;AT se positionne-
plusieurs rapports ces dernières annÊes
t-elle vis-Ă -vis des autres acadĂŠmies-
sur des problĂŠmatiques liĂŠes Ă la transi-
sĹ&#x201C;urs ? Quels autres partenariats
tion ĂŠnergĂŠtique. Je citerai par exemple
dĂŠveloppez-vous ?
RĂ?CEMMENT i Vers une sociĂŠtĂŠ bas car-
A. B. : Les relations sont très frÊquentes
signaler les liens forts tissĂŠs par lâ&#x20AC;&#x2122;AT
bone: quel prix donner au CO2 ? ÂŤ ou le
et souvent bilatĂŠrales, parfois trilatĂŠrales.
avec le Conseil gĂŠnĂŠral de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠconomie
rapport intitulĂŠ ÂŤ Bilan ĂŠnergĂŠtique des
Avec lâ&#x20AC;&#x2122;AcadĂŠmie des sciences les
(CGE), avec l'Association nationale de la
TIC sur la consommation dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠnergie Ă
liens sont très forts pour des raisons
recherche et de la technologie (ANRT),
travers le monde : un solde nettement
historiques et de complĂŠmentaritĂŠ ĂŠvi-
l'Institut des Hautes Etudes pour la
positif Âť.
DENTES DE NOS MEMBRES APPAR-
science et la technologie (IHEST) et
Au plan national, je voudrais enďŹ n
Lâ&#x20AC;&#x2122;AcadĂŠmie des technologies pense
tiennent dâ&#x20AC;&#x2122;ailleurs aux deux acadĂŠmies.
lâ&#x20AC;&#x2122;OfďŹ ce parlementaire de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvaluation des
que le potentiel de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠnergie nuclĂŠaire
Nous avons en place un bureau com-
choix scientiďŹ ques et technologiques
doit ĂŞtre exploitĂŠ au mĂŞme titre que les
mun qui se rÊunit rÊgulièrement pour
(OPECST).
EnR et que ces deux types de ressources
dĂŠďŹ nir de nouveaux thèmes de rĂŠďŹ&#x201A;exion
resteront complĂŠmentaires pendant plu-
Ă partager. Jâ&#x20AC;&#x2122;ai dĂŠjĂ citĂŠ certains travaux
REE : Pouvez-vous nous rappeler
SIEURS DĂ?CENNIES , Ă?QUILIBRE NU-
menĂŠs en commun avec lâ&#x20AC;&#x2122;AcadĂŠmie des
le mode de fonctionnement de lâ&#x20AC;&#x2122;AT ?
CLĂ?AIRE %N2 ET FOSSILES POUR LA sciences dans le domaine des ĂŠnergies.
A. B. : Nous disposons de 12 commis-
production dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠlectricitĂŠ reste Ă dĂŠmontrer
Je pourrais en mentionner dâ&#x20AC;&#x2122;autres dans
sions permanentes qui se mettent en
avant de vouloir aller plus loin.
le domaine des ressources naturelles
chantier le plus souvent par auto-saisine
136 Z REE N°3/2017
et rendent compte périodiquement en
nous disposons d’un arsenal classique
assemblée plénière. Certaines de ces
de moyens de communication :
commissions traitent de thématiques
s COMMUNIQUÏS DE PRESSE RÏGULIERS Ì
TRANSVERSALES COMME i %THIQUE w i 4ECH-
commission peut créer en son sein un
l'occasion de nos publications ; s DIFFUSION DE NOS ACTUALITÏS SUR LES MÏdias sociaux, y compris la publication de vidéos sur YouTube ;
ou plusieurs groupes de travail pour étu-
s ORGANISATION DgÏVENEMENTS COMME
dier un sujet particulier pour une durée
la convention annuelle de l’AT en no-
déterminée.
vembre à la Maison de la Chimie avec
NOLOGIES ET SOCIÏTÏS w OU i 2ECHERCHE TECHnologies, innovation, emploi ». Chaque
En début de chaque année l’assem-
la remise de deux grands prix (start-up
blée plénière approuve également la
et PME agroalimentaires innovantes) ;
formation de trois à quatre groupes
s COLLABORATION AVEC 5NIVERSCIENCE POUR
transverses et fixe le thème du séminaire annuel. Leurs réflexions aboutissent à des livrables qui peuvent prendre des formes variables, dans un DÏLAI DE Ì MOIS EN GÏNÏRAL LE
Les groupes régionaux de la SEE peuvent se rapprocher de nos correspondants dans les régions
plus souvent sous forme de rapports
L ORGANISATION DE i JOURNÏES 0ORTES OUvertes » à la Cité des Sciences et au Palais de la découverte. Vers le grand public, je pourrais citer aussi la collaboration avec la chaîne Arte, aujourd’hui terminée, destinée à la
de l’Académie ou de communications
REE : L’AT n’est pas très connue
réalisation d’un cycle d’émissions heb-
à l’Académie.
du grand public. Disposez-vous d’un
domadaires de vulgarisation scientifique
indicateur de notoriété? Pouvez-vous
(Futurmag) qui a connu un grand succès.
REE : L’AT mène-t-elle des actions
nous dire un mot de sa politique
conjointes avec certaines sociétés
de communication ?
positionner sur d'autres projets dans
savantes par le biais de ses commis-
A. B. : Je n'ai pas ressenti le besoin de
le cadre de la communication audiovi-
sions thématiques ? La SEE pourrait-
mettre en place un indicateur de noto-
suelles, notamment sur l’Ile de France
elle y contribuer dans les domaines
riété car même si notre ambition est en
avec la nouvelle chaîne Via Grand Paris.
relevant de sa compétence ?
permanence d’améliorer l’information
A. B. : Nous n’avons pas de partenariat
du grand public notre priorité est actuel-
REE : L’AT a-t-elle mis en place une
spécifique avec l’une ou l’autre des socié-
lement de faire passer nos messages
politique territoriale ? Y a-t-il des
tés savantes mais nos commissions thé-
auprès d’une communauté plus limitée
initiatives conjointes que vous pour-
matiques, en dehors des académiciens
de décideurs et d’experts. Pour cela
riez envisager de mener avec la SEE
Nous comptons désormais nous
qui y participent ès-qualités peuvent
et ses groupes régionaux ?
faire appel à des experts reconnus, soit
A. B. : L’Académie a quatre délégués
sur une longue durée, soit ponctuel-
Alain Bravo a été en fonctions
territoriaux (Nord-Est, Ouest, Sud-Est
lement par le biais d’auditions d’interr
au ministère des Postes et des Télécom-
et Sud-Ouest) qui veillent à l’animation
venants invités en fonction du thème
munications pendant quinze ans où il a
de la vie académique locale et à la dif-
traité. Les spécialistes de la SEE comme
été notamment directeur de la Production.
fusion des travaux des assemblées plé-
Au cours de son passage à la Compagnie
nières. Ils font également remonter des
Les experts œuvrant dans les organisations savantes sont les bienvenus dans nos commissions
Générale des Eaux, il a été président fondateur de SFR (1988- 1992). Il a ensuite rejoint le groupe Alcatel comme directeur de la recherche et de la tech-
informations du terrain et font partie des instances consultatives mises en place par les conseils régionaux sur les
nologie. Directeur général de Supélec de
thématiques de l’enseignement tech-
2004 à 2013, il est actuellement président
nologique, de la formation profession-
de toute autre organisation regroupant
de l’Académie des technologies où il a été
nelle, initiale et continue, notamment en
des compétences spécifiques, peuvent
élu en 2008. De 2006 à 2009 il a présidé
s’impliquant dans les réseaux des Cam-
donc parfaitement participer aux travaux
la SEE.
pus des métiers et qualifications – CMQ.
de commissions thématiques œuvrant
Alain Bravo est diplômé de l’Ecole Polytech-
En outre, l’Académie co-anime, avec l’Aca-
dans leurs domaines de compétence en
nique et de l’Ecole nationale supérieure des
démie des sciences, les correspondants
se rapprochant des présidents de com-
télécommunications-Paris.
académiques Sciences et Technologies
missions concernés.
(CAST) installés dans chaque rectorat.
REE N N°3/2017 3/2017 Z 137
ENSEIGNEMENT & RECHERCHE
Les trois transitions : ĂŠlectrique, climatique, numĂŠrique Entretien avec Bernard Salha Directeur R&D de EDF REE : Pouvez-vous tout dâ&#x20AC;&#x2122;abord nous rappeler brièvement ce que reprĂŠsente aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui EDF R&D en termes de moyens et de missions au sein du groupe EDF ? Bernard Salha : Le groupe EDF a consacrĂŠ en 2016 Ă la R&D un budget de 572 MF. Cette somme est très importante et correspond Ă un effectif de plus de 2 000 personnes. Certes, si elle est rapportĂŠe au chiffre dâ&#x20AC;&#x2122;affaires du groupe, soit 74 MdF, elle peut paraĂŽtre assez modeste car elle en reprĂŠsente moins de 1 %. Mais notre mĂŠtier nâ&#x20AC;&#x2122;est pas celui dâ&#x20AC;&#x2122;un ĂŠquipementier et cet effort de R&D est celui que lâ&#x20AC;&#x2122;on rencontre chez les architectes-ensembliers. Par rapport aux autres grands acteurs de la profession, nous nous situons Ă 1/3 environ au-dessus de la moyenne. Cependant, il faut prendre en compte le fait que 40 % de notre R&D sont consacrĂŠs au nuclĂŠaire. Si lâ&#x20AC;&#x2122;on exclut ce facteur qui est spĂŠciďŹ que Ă EDF, on sâ&#x20AC;&#x2122;aperçoit que notre effort de R&D est en ligne avec celui que consentent nos grands confrères tels quâ&#x20AC;&#x2122;Enel, Engie ou Iberdrola. Les sociĂŠtĂŠs allemandes avaient diminuĂŠ leur effort mais sont aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui conduites Ă lâ&#x20AC;&#x2122;accroĂŽtre Ă nouveau. Notre politique est aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui de maintenir constant cet effort.
EDF R&D : 572 MF par an et plus de 2 000 collaborateurs REE : Vous ĂŞtre le patron de la R&D pour lâ&#x20AC;&#x2122;ensemble du groupe. Comment se rĂŠpartit ce potentiel de 2 000 personnes ? B. S. : Notre plus grosse implantation est ici Ă Saclay oĂš nous avons
140 Z REE N°3/2017
près de 1 000 personnes. Nous avons en France deux autres implantations : Ă Chatou (500 personnes) et aux Renardières (600 personnes). A lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtranger, nous disposons de sept sites de recherche en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie, en Pologne, aux EtatsUnis, en Chine et Ă Singapour. Lâ&#x20AC;&#x2122;ensemble reprĂŠsente un potentiel dâ&#x20AC;&#x2122;environ 250 chercheurs rattachĂŠs Ă des entitĂŠs EDF locales. Ces centres peuvent avoir deux types de mission : s SOIT ILS APPORTENT LEUR SOUTIEN Ă&#x152; LA lLIALE LOCALE s SOIT ILS SONT CHARGĂ?S D UNE MISSION TRANSVERSE TELLE QUE L Ă?OLIEN off-shore, conďŹ ĂŠ au centre de recherche dâ&#x20AC;&#x2122;EDF Energy en GrandeBretagne. Câ&#x20AC;&#x2122;est aussi dans ce centre quâ&#x20AC;&#x2122;ont ĂŠtĂŠ dĂŠveloppĂŠes les fonctionnalitĂŠs de ÂŤ chatbot Âť relatives Ă la gestion domestique de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠnergie et supportĂŠes par Alexa, lâ&#x20AC;&#x2122;assistant personnel intelligent contrĂ´lĂŠ par la voix et dĂŠveloppĂŠ par Amazon.
Une prĂŠsence en France et dans sept pays dans le monde REE : La rĂŠforme des structures dâ&#x20AC;&#x2122;EDF a-t-elle modifiĂŠ ses missions ? Travaillez-vous encore pour le compte de vos filiales RTE et ENEDIS ? B. S. : Comme vous le savez, les directives europĂŠennes ont profondĂŠment modiďŹ ĂŠ la structure du groupe EDF et ont conduit Ă sĂŠparer la partie rĂŠgulĂŠe, câ&#x20AC;&#x2122;est-Ă -dire les rĂŠseaux qui correspondent Ă un monopole naturel, du reste des activitĂŠs de producteur et de fournisseur
ENSEIGNEMENT & RECHERCHE
qui relèvent du domaine concurrentiel. Aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui, EDF R&D ne travaille plus pour le rĂŠseau de transport qui est exploitĂŠ par RTE. Nous avons un contrat de recherche avec Enedis, pour la distribution, mais ce contrat est très strictement encadrĂŠ et il nâ&#x20AC;&#x2122;y a aucune passerelle avec le reste de nos activitĂŠs. REE : Comment sont dĂŠcidĂŠs les programmes de R&D au sein dâ&#x20AC;&#x2122;EDF ? B. S. : La R&D amène Ă se poser deux questions essentielles : s FAUT IL FAIRE DE LA 2 $ POUR RESTER EN AVANCE ET Ă?CLAIRER LA VOIE s DOIT ELLE VENIR EN SOUTIEN DES MĂ?TIERS Ă?TABLIS Historiquement, notre R&D ĂŠtait censĂŠe pour lâ&#x20AC;&#x2122;essentiel rĂŠpondre Ă la première prĂŠoccupation. Les choses ont changĂŠ et nous venons aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui davantage en appui des business units. Notre système de gouvernance de la R&D conduit Ă la situation dans laquelle 2/3 des programmes sont commanditĂŠs par des unitĂŠs et conduits avec des objectifs et des budgets. Il reste 1/3 dâ&#x20AC;&#x2122;actions ÂŤ corporate Âť qui rĂŠsultent de propositions faites par le directeur R&D du groupe et approuvĂŠes par le ComitĂŠ exĂŠcutif. Ainsi, dans le cadre du programme Linky, le système de communication par courants porteurs en ligne CPL G3 a tout dâ&#x20AC;&#x2122;abord ĂŠtĂŠ dĂŠveloppĂŠ Ă lâ&#x20AC;&#x2122;initiative dâ&#x20AC;&#x2122;EDF R&D avant dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŞtre adoptĂŠ par Enedis pour le dĂŠployer dans les compteurs Linky alors que les premiers modèles de compteurs ĂŠtaient dotĂŠs de CPL G1.
2/3 des recherches viennent en soutien des unitĂŠs opĂŠrationnelles â&#x20AC;&#x201C; 1/3 prĂŠpare lâ&#x20AC;&#x2122;avenir du groupe
REE : Quel bilan tirez-vous de votre installation Ă Saclay ? Voyez-vous se dĂŠvelopper les synergies avec dâ&#x20AC;&#x2122;autres ĂŠtablissements implantĂŠs sur le site ? B. S. : Pour rĂŠpondre Ă votre question, il faut tout dâ&#x20AC;&#x2122;abord bien comprendre que le groupe EDF doit faire ĂŠvoluer son activitĂŠ selon trois grands courants : s LA TRANSITION Ă?LECTRIQUE AVEC UN RĂ&#x2122;LE DE PLUS EN PLUS IMPORTANT DONNĂ? Ă&#x152; L Ă?LECTRICITĂ? DANS LA SATISFACTION DES BESOINS lNAUX s LA TRANSITION CLIMATIQUE QUI IMPOSE DES MODES DE PRODUCTION DĂ?CARBONĂ?S s LA TRANSITION NUMĂ?RIQUE
Trois transitions sont en marche : ĂŠlectrique, climatique et numĂŠrique #OMMENT Ă?VOLUER /N REGARDE EN PERMANENCE CE QUI SE FAIT dans les start-ups et dans le monde acadĂŠmique. Et câ&#x20AC;&#x2122;est lĂ que Saclay trouve tout son intĂŠrĂŞt. Les moyens de communication numĂŠrique modernes sont très importants mais ne sont pas sufďŹ sants, la proximitĂŠ gĂŠographique reste un facteur essentiel pour dĂŠvelopper les contacts humains et organiser le ĂŠchanges. Il faut pouvoir travailler ensemble et Saclay offre Ă cet ĂŠgard un vivier dâ&#x20AC;&#x2122;une richesse exceptionnelle. Paris-Saclay, ce sont deux universitĂŠs, 11 grandes ĂŠcoles, 50 000 ĂŠtudiants, 10 000 chercheurs et enseignants. Nous avons des accords de partenariats avec le CNR, le CEA, lâ&#x20AC;&#x2122;INRIA. Nous avons dĂŠveloppĂŠ des laboratoires communs avec divers partenaires : s LE 3%)$/ SUR LA CYBERSĂ?CURITĂ? AVEC 4ELECOM 0ARIS4ECH
REE N°3/2017 Z 141
ENSEIGNEMENT & RECHERCHE
ss LLE 2)3%'RID SUR LES RĂ?SEAUX Ă?LECTRIQUES INTELLIGENTS AVEC #ENTRALEE 2)3%'RID SUR LES RĂ?SEAUX Ă?LECTRIQUES INTELLIGENTS AVEC #ENTRALE3UPĂ?LEC 3UPĂ?LEC s LE 3%)3- SUR LES RISQUES SISMIQUES AVEC LE #%! %$& #ENTRALE3Us LE 3%)3- SUR LES RISQUES SISMIQUES AVEC LE #%! %$& #ENTRALE3UPĂ?LEC L %COLE NORMALE SUPĂ?RIEURE 0ARIS 3ACLAY ET LE #.23 PĂ?LEC L %COLE NORMALE SUPĂ?RIEURE 0ARIS 3ACLAY ET LE #.23 s LE 0'-/ OPTIMISATION ET LA RECHERCHE OPĂ?RATIONNELLE AVEC L )NSTIs LE 0'-/ OPTIMISATION ET LA RECHERCHE OPĂ?RATIONNELLE AVEC L )NSTITUT *ACQUES (ADAMARD TUT *ACQUES (ADAMARD s , )06& DANS LE DOMAINE DU SOLAIRE PHOTOVOLTAĂ&#x2022;QUE CRĂ?Ă? Ă&#x152; L INITIATIVE s , )06& DANS LE DOMAINE DU SOLAIRE PHOTOVOLTAĂ&#x2022;QUE CRĂ?Ă? Ă&#x152; L INITIATIVE D %$& ET 4OTAL DU #.23 ET DE L ÂĄCOLE POLYTECHNIQUE D %$& ET 4OTAL DU #.23 ET DE L ÂĄCOLE POLYTECHNIQUE s ,E ,ABORATOIRE DE lNANCE DES MARCHĂ?S DE L Ă?NERGIE ASSOCIANT %$& Ă&#x152; s ,E ,ABORATOIRE DE lNANCE DES MARCHĂ?S DE L Ă?NERGIE ASSOCIANT %$& Ă&#x152; 0ARIS $AUPHINE ET Ă&#x152; L %COLE POLYTECHNIQUE 0ARIS $AUPHINE ET Ă&#x152; L %COLE POLYTECHNIQUE s , )-3)! SCIENCES DE LA MĂ?CANIQUE EN PARTENARIAT AVEC LE #.23 s , )-3)! SCIENCES DE LA MĂ?CANIQUE EN PARTENARIAT AVEC LE #.23 le CEA et lâ&#x20AC;&#x2122;ENSTA. REE : Plus gĂŠnĂŠralement, quelles sont vos relations avec le monde universitaire et les ĂŠcoles dâ&#x20AC;&#x2122;ingĂŠnieurs ? B. S. : Nous avons toujours des relations ĂŠtroites avec les grandes ĂŠcoles dâ&#x20AC;&#x2122;ingĂŠnieurs : CentralesupĂŠlec, les Ponts ParisTechâ&#x20AC;Ś Aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui, la bonne image technique dâ&#x20AC;&#x2122;EDF nous permet dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtendre ces relations Ă lâ&#x20AC;&#x2122;international : le MIT aux Etats-Unis, lâ&#x20AC;&#x2122;universitĂŠ de Tsinghua en Chine, lâ&#x20AC;&#x2122;Imperial College en Grande Bretagne, le Karlsruhe Institute of Technology en Allemagne, sans oublier la France et, par exemple, lâ&#x20AC;&#x2122;Ecole dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠconomie de Toulouse oĂš exerce Jean Tirole. REE : Venons-en Ă la politique de R&D au sein dâ&#x20AC;&#x2122;EDF. Quels sont les grands axes scientifiques ou technologiques qui vous semblent devoir ĂŞtre dĂŠveloppĂŠs ? Nous avons trois grands axes qui sont tout Ă fait complĂŠmentaires : s LE DĂ?VELOPPEMENT D UN MIX Ă?LECTRIQUE DĂ?CARBONĂ? ET COMPĂ?TITIF CE s LE DĂ?VELOPPEMENT D UN MIX Ă?LECTRIQUE DĂ?CARBONĂ? ET COMPĂ?TITIF CE qui veut dire concrètement le dĂŠveloppement des ĂŠnergies nouVELLES ET DE L Ă?NERGIE NUCLĂ?AIRE VELLES ET DE L Ă?NERGIE NUCLĂ?AIRE s LES RĂ?SEAUX PRIS SOUS L ANGLE DU SYSTĂ&#x2019;ME Ă?LECTRIQUE DU FUTUR OPTIMISAs LES RĂ?SEAUX PRIS SOUS L ANGLE DU SYSTĂ&#x2019;ME Ă?LECTRIQUE DU FUTUR OPTIMISAtion du rĂŠseaun smart grids, microgrids, smart meters, smart citiesâ&#x20AC;Ś s LES USAGES lNAUX AU SERVICE DU CLIENT AVEC LE DĂ?VELOPPEMENT DE LA s LES USAGES lNAUX AU SERVICE DU CLIENT AVEC LE DĂ?VELOPPEMENT DE LA mobilitĂŠ ĂŠlectrique, des pompes Ă chaleur et la prise en compte de la mutation vers le digital, aussi bien dans les bâtiments que dans lâ&#x20AC;&#x2122;industrie et les transports.
Trois axes de R&D : un mix ĂŠlectrique dĂŠcarbonĂŠ, le système ĂŠlectrique du futur et les usages finaux de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠlectricitĂŠ REE : Du cĂ´tĂŠ des ĂŠnergies renouvelables, quels progrès peut-on escompter durant les prochaines annĂŠes ? Sur quelles filières ? B. S. : ,E SOLAIRE PHOTOVOLTAĂ&#x2022;QUE VA CONTINUER Ă&#x152; PROGRESSER IL FAUT : ,E SOLAIRE PHOTOVOLTAĂ&#x2022;QUE VA CONTINUER Ă&#x152; PROGRESSER IL FAUT sâ&#x20AC;&#x2122;attendre Ă de nouvelles baisses de prix malgrĂŠ les progrès considĂŠRABLES DĂ?JĂ&#x152; RĂ?ALISĂ?S ,E PHOTOVOLTAĂ&#x2022;QUE VA SE BANALISER COMPLĂ&#x2019;TEMENT et devenir une commoditĂŠ. Du cĂ´tĂŠ des rendements, un objectif de 30 % est plausible, grâce notamment aux cellules tandem. Lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠolien va ĂŠgalement continuer Ă progresser mais moins vite. Câ&#x20AC;&#x2122;est essentiellement sur un effet de taille quâ&#x20AC;&#x2122;il faut compter et le plafond nâ&#x20AC;&#x2122;a pas encore ĂŠtĂŠ atteint quant Ă la puissance unitaire des machines.
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PhotovoltaĂŻque et ĂŠolien continueront Ă progresser Je suis moins convaincu par le solaire thermodynamique qui est plus compliquĂŠ. Bien sĂťr, il y a une possibilitĂŠ de lissage de la production grâce Ă lâ&#x20AC;&#x2122;utilisation de ďŹ&#x201A;uides appropriĂŠs mais le couple PHOTOVOLTAĂ&#x2022;QUE BATTERIES EST PLUS SIMPLE ET PLUS COMPĂ?TITIF /N /N voit aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui les grands acteurs hĂŠsiter sur lâ&#x20AC;&#x2122;avenir de cette ďŹ lière. Lâ&#x20AC;&#x2122;hydrogène est un grand sujet qui donne lieu Ă dĂŠbat. Nous pensons que lâ&#x20AC;&#x2122;hydrogène a un avenir. Du cĂ´tĂŠ de la production, il faut sortir du reformage du mĂŠthane qui donne lieu Ă des ĂŠmissions IMPORTANTES DE #/2. Nous travaillons en Allemagne sur lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠlectrolyse mais le coĂťt des ĂŠlectrolyseurs reste ĂŠlevĂŠ et il faut diviser le coĂťt dâ&#x20AC;&#x2122;investissement de lâ&#x20AC;&#x2122;ensemble de la chaĂŽne par 10 pour ĂŞtre compĂŠtitif. Câ&#x20AC;&#x2122;est ambitieux et pas pour tout de suite. Du cĂ´tĂŠ des usages, je ne suis pas convaincu par la ďŹ lière â&#x20AC;&#x153;Power to gasâ&#x20AC;? qui reste très loin de la compĂŠtitivitĂŠ. Par contre, il nous semble quâ&#x20AC;&#x2122;il existe des dĂŠbouchĂŠs possibles dans la mobilitĂŠ. Certes, la voiture ĂŠlectrique Ă batterie a une longueur dâ&#x20AC;&#x2122;avance en tant que solution dĂŠcarbonĂŠe, mais les grands constructeurs restent mobilisĂŠs sur lâ&#x20AC;&#x2122;hydrogène, soit pour les usages Ă longue distance pour lesquels les batteries posent le problème de lâ&#x20AC;&#x2122;autonomie, soit pour les applications de prolongateur dâ&#x20AC;&#x2122;autonomie (range extenders), soit pour les transports lourds.
Lâ&#x20AC;&#x2122;hydrogène jouera un rĂ´le dans la mobilitĂŠ dĂŠcarbonĂŠe REE : Le stockage est un point clĂŠ. Quels sont vos axes de recherche ? Quels objectifs, en termes de performances et de coĂťt vous semblent pouvoir ĂŞtre atteints et Ă quel horizon ? B. S. : Incontestablement, le prix des batteries lithium-ion va continuer Ă baisser et je pense quâ&#x20AC;&#x2122;un objectif de 100 Ă 150 F/kWh Ă moins de 10 ans est rĂŠaliste. Mais il ne faut cependant sâ&#x20AC;&#x2122;illusionner : LA FABRICATION DES BATTERIES RELĂ&#x2019;VE DE LA HIGH 4ECH ELLE NĂ?CESSITE DES LA FABRICATION DES BATTERIES RELĂ&#x2019;VE DE LA HIGH 4ECH ELLE NĂ?CESSITE DES salles blanches, les matĂŠriaux sont coĂťteux et les investissements très ĂŠlevĂŠs.
Un objectif de 100 Ă 150 F/MWh pour les batteries Li-ion mais le zinc-air est une alternative possible Nous pensons quâ&#x20AC;&#x2122;il y a place pour des ďŹ lières alternatives et nous disposons en particulier dâ&#x20AC;&#x2122;une grande expĂŠrience et dâ&#x20AC;&#x2122;une technologie sur les batteries zinc-air qui utilisent des matĂŠriaux bon marchĂŠ et sont simples Ă fabriquer. Nous avons crĂŠĂŠ une ďŹ liale, ZnR batteries, qui commercialise des solutions appelĂŠes Zinium en direction des applications stationnaires sur rĂŠseaux. Nous continuons en parallèle Ă suivre lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvolution de la ďŹ lière sodiumsoufre. REE : Le vĂŠhicule ĂŠlectrique est un enjeu très important de la transition ĂŠnergĂŠtique. Son avenir dĂŠpend bien entendu des travaux sur le stockage dont nous avons parlĂŠ mais voyez-vous
CHRONIQUE
Êtes-vous un « maker » ?
V
otre magasin de bricolage préféré vient d’ouvrir un « Techshop » et vous invite à devenir un « maker1 » en développant le « coworking ». Voilà donc de nouveaux anglicismes qui envahissent notre vie quotidienne. De quoi s’agit-il ? Un TechShop® (c’est en fait une marque commerciale) est un espace collaboratif où chacun peut accéder à des machines et à des équipements professionnels, répartis dans différents ateliers : bois, métal, textile, électronique, impression 3D... Vous pouvez y bénéficier – dit la notice – du support d'accompagnateurs projets, à l'expérience solide et à l’enthousiasme communicatif. Bref, c’est l’endroit où vous pouvez, dans une ambiance conviviale faire vos premiers pas de « maker ». 1
Sur ce thème, le lecteur pourra consulter le petit guide intitulé "Devenez maker" qui vient d'être édité chez Dunod et que la REE a recensé pour vous dans la rubrique "Vient de paraître" du présent numéro.
Mais qu’est-ce qu’un maker ? Un maker est au bricoleur ce que l’homme contemporain est à l’homme de Cromagnon : c’est quelqu’un qui va fabriquer lui-même des objets, matériels ou logiciels, en utilisant toutes les ressources que la technologie moderne met à sa disposition : outils lasers, impression 3D, conception et simulation numérique, etc. Mais il va le faire de façon collaborative, dans un espace ouvert, en bénéficiant d’outils modernes mais aussi du soutien d’instructeurs et de l’expérience partagée avec d’autres makers : artistes, entrepreneurs, enseignants, étudiants, etc. De là est né le concept de « culture maker » qui met l’accent sur l’apprentissage par la pratique dans un cadre social. La culture maker se concentre ainsi sur un apprentissage informel, communautaire, collaboratif et partagé via un patrimoine informationnel commun, motivé par l’amusement et l’accomplissement personnel. Le bricoleur est un individu qui va généralement opérer seul alors que le maker
Un Techshop aux Etats-Unis.
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chasse en meute. Les interactions communautaires et le partage de connaissances sont fondamentaux. L’atelier – j’aurais dû dire le « workshop » ou mieux le « makerspace » – est le temple où la communauté va se réunir pour échanger, faire progresser son savoir-faire et réaliser. Pourquoi un tel engouement qui rejoint celui suscité par les « fab labs » promus initialement par le MIT pour développer de façon coopérative des logiciels qui sont ensuite distribués sous licence libre ? Certes, de tout temps, chacun a, avec ses moyens propres, cherché à compléter les fruits qu’il pouvait tirer de son travail en développant une activité spécifique dans laquelle il avait quelque talent : les ménagères faisaient du tricot, élevaient des poules ou cultivaient un potager ; les hommes refaisaient les peintures ou réparaient leur voiture. L’objectif premier était économique : améliorer l’ordinaire en se débrouillant tout seul ; subsidiairement l’activité pouvait être perçue comme un
CHRONIQUE
loisir. Mais la composante sociale était absente sauf à se rendre service entre voisins lorsque cela était nécessaire. Avec le mouvement maker, on assiste à quelque chose qui va plus loin puisque les makers acceptent tout simplement d’aller au travail – adieu les 35 heures – dans un cadre qui n’est plus celui de l’entreprise mais qui y ressemble : un espace, des moyens partagés et des instructeurs qui servent de contremaîtres. Pourquoi un cadre souvent perçu comme une contrainte devient-il tout d’un coup une voie d’épanouissement ? Il y a probablement plusieurs raisons. La première est le mouvement général que nous constatons en direction de la décentralisation et du « small is beautiful ». Les baisses de prix et la miniaturisation des outils, le développement fantastique des technologies numériques rendent possibles des fabrications, matérielles aussi bien que logicielles, qui étaient jusqu’à présent l’apanage des grandes organisations fortement équipées en moyens humains et matériels. Alors pourquoi ne pas en profiter et faire soi-même au lieu
de faire faire, alors que l’on a du temps libre et que les loisirs coûtent plus cher que le travail librement consenti et exonéré de charges sociales ? Mais la culture maker va encore plus loin : elle est incontestablement imprégnée d’une saveur libertaire tendant à remettre en cause les structures en place, à se libérer des carcans et aller vers un monde où les connaissances et les moyens sont partagés pour le plus grand bonheur de chacun. Ne voit-on pas ainsi se développer les productions autonomes d’électricité et des collectivités d’autoproducteurs qui, en utilisant les vertus de la blockchain, pensent pouvoir s’exonérer des grands opérateurs qui ont pourtant été à l’origine d’un fantastique progrès économique et social. Plus de liberté, plus de démocratie, halte aux rémunérations indues du grand capital, le contrôle retrouvé de ses ressources et de son talent… autant de slogans qui font florès. Mais attention, le mouvement maker n’est qu’une instanciation particulière de la civilisation du numérique, celle qui a donné naissance à Uber ou
à Airbnb. S’il n’y a pas d’actionnaires visibles dans les ateliers collaboratifs, il y en a dernière le rideau qui, en surfant sur les mouvements d’opinion et en mettant à la disposition des usagers des méthodes et des moyens, sont ceux qui en tirent le maximum de profit. Il faut aussi penser aux effets déstructurants de ces circuits courts : un maker ayant acquis une réelle expertise sera souvent tenté d’en faire commerce et d’en tirer profit, par exemple au travers d’allovoisins.com ou de leboncoin.fr. Il ira passer son temps libre dans un atelier collaboratif sans s’alarmer du fait que c’est son vrai travail qui assure sa couverture sociale et sa retraite. La plupart de ces activités rendues possibles par l’explosion des services numériques restent donc encore aujourd’hui les passagers clandestins des structures traditionnelles. C’est à la puissance publique de définir des règles qui, sans entraver le développement de nouvelles formes de travail, permettent de préserver les équilibres sociaux et de ne pas créer de nouvelles formes d’assujettissement. Q JPH
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PROPOS
LIBRES
Technologie : sommes-nous réellement prêts à la croissance de demain ? Vincent Champain Président de l’Observatoire du long terme
première ligne reliant Saint-Etienne à Andrézieux arrive
Science ou technologie ?
Soutenir la science, évidemment, mais ne pas oublier la technologie.
B
rian Arthur1 définit la technologie comme
en France.
l’usage de phénomènes physiques pour
Deux figures jouent un rôle clef dans le progrès
remplir une fonction précise. Par exemple,
technologique. D’abord, le chercheur ou l’ingénieur de
la science nous apprend que certains maté-
recherche qui découvrent ou maitrisent de nouveaux
riaux peuvent être à la fois conducteurs et isolants ; les
phénomènes physiques pour créer de nouvelles briques
technologies qui en découlent utilisent cette propriété
technologiques. Ensuite, les inventeurs qui assemblent
pour réaliser un transistor, qui permet de comman-
des “briques” technologiques existantes pour apporter
der un courant pour un autre courant, puis pour réa-
une solution nouvelle – des ingénieurs qui améliorent
liser un microprocesseur capable de réaliser des opé-
l’efficacité d’un moteur électrique jusqu’au bricoleur qui
rations logiques. La technologie évolue par ruptures,
construit dans son garage un serveur Wi-Fi gros comme
lorsqu’elle maîtrise un nouveau phénomène physique
le pouce2 en assemblant des composants achetés sur
par exemple pour produire en série des nouvelles bat-
Internet et une batterie récupérée sur un jouet cassé.
teries électriques plus efficaces. Elle évolue aussi par
La plupart de ces inventeurs disposent de moyens
composition de technologiques existantes : une centrale
réduits et doivent utiliser des produits disponibles au
hydroélectrique est ainsi composée d’un réservoir, de
grand public – c’est le fameux « garage » dans lequel
turbines, de générateurs électriques et d’équipements
ont commencé les bricolages qui ont donné plus tard
électriques.
Hewlett-Packard ou Apple. C’est pourquoi la croissance
C’est la technologie, non la science, qui crée la
sera fortement accélérée à chaque fois que se déve-
croissance. Les phases de forte croissance arrivent des
lopperont des plates-formes mettant des technologies-
années après les découvertes scientifiques et se réa-
clés à la disposition du plus grand nombre. Ces plates-
lisent quand les technologies deviennent assimilables
formes n’ont rien à voir avec les plates-formes Web de
par le plus grand nombre. Les fondements scientifiques
commande de taxi : ce sont les technologies, les infras-
d’Internet datent des années 60, mais l’effet sur la
tructures, les langages ou les environnements de déve-
croissance n’a été visible qu’à la fin des années 90. Ce
loppement qui mettent simplement à la disposition de
qui l’a rendu possible, c’est la technologie HTML qui a
tous des technologies plus complexes – comme HTML
permis de rendre plus simple et plus rapide la réalisa-
l’a fait pour internet, le microprocesseur pour la microin-
tion de sites. Il s’est également passé plusieurs dizaines
formatique ou le langage C pour le développement
d’années entre les premiers prototypes de machine à
informatique. Ces plates-formes font de la combinaison
vapeur – celle de Papin date de 1679 – et le moment
de composants, données et logiciels pour répondre à un
où son utilisation s’est diffusée largement, entraînant à
besoin, un simple jeu de Lego.
la fois des gains de productivité considérables et – déjà
Avec le début de la microinformatique dans les
– des inquiétudes pour l’emploi. Il n’y avait que 14 000
années 80, une génération entière avait pu maîtriser
chevaux vapeur en France en 1833, ils étaient 500 000
les fondamentaux de l’informatique, avant que la com-
en 1880. Le train à vapeur a été inventé en 1804 au
plexité croissante des systèmes ne réduise malheureu-
Royaume-Uni ; il faudra attendre 20 ans pour que la
sement le nombre de personnes capables de réaliser un
1
2
“The Nature of Technology”, Brian Arthur, Free Press, 2009
http://hackaday.com/2015/10/26/better-smaller-wifi-throwies
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PROPOS
LIBRES
programme informatique. Les plateformes cloud d de dédé -
composants les plus utilisés par ces bricoleurs. Pour
veloppement informatique sont en train de démocratiser
« ESP8266 », composant plébiscité pour son faible coût
à nouveau le développement d’applications – qu’elles
dans la réalisation d’objets connectés intelligents5, la
soient destinées à des montres connectées, comme le
Hollande arrive en tête (18 % des recherches), suivie
fait Cloud Pebble3, ou à des processus industriels. Plus
de l’Allemagne (16 %), dont l’activité est répartie entre
généralement, l’accès à de nombreuses briques techno-
quatre régions (Bavière, Bad Wurtemberg, Berlin, Nord-
logiques a beaucoup baissé : il suffit d’un fer à souder et
Rhénanie) et de la Russie (13 %), la Pologne (13 %),
de quelques euros pour réaliser un système embarqué
l’Espagne (9 %), l’Italie (8 %) et l’Inde (7 %). La France
et communicant, des réseaux comme celui de Sigfox
arrive en fin de classement (6 %, concentrés à Paris).
permettent à un objet de communiquer partout pour
Pour les recherches sur « Arduino » (système open
1 F par an et le financement s’est démocratisé. On peut
source destiné à l’éducation), la France n’apparaît plus
en outre passer d’une idée à un succès mondial de
dans les dix premiers, contrairement au Sri Lanka, au
l’objet connecté grâce au financement participatif. Les
Salvador ou à l’Estonie.
4
experts réunis à Digiworld s’accordent sur le potentiel du
Ces indicateurs ne sont évidemment pas exhaustifs,
digital industriel : s’il est encore en retard sur l’Internet
mais ils nous interpellent sur deux questions :
grand public, son potentiel à terme dépasserait 8 000
D ABORD LA NATURE i SCOLAIRE w DE NOTRE SYSTÒME D ÏDUss D ABORD LA NATURE i SCOLAIRE w DE NOTRE SYSTÒME D ÏDU-
milliards de dollars, plus de deux fois celui de l’Internet
cation, qui favorise l’écrit ou les connaissances théoriques plus que les réalisations concrètes ;
grand public. Et contrairement au second, le premier se lit immédiatement dans les chiffres de croissance.
ENSUITE LE FAIT QUE PENDANT CE TEMPS BEAUCOUP DES ss ENSUITE LE FAIT QUE PENDANT CE TEMPS BEAUCOUP DES
Quand une application nous fait gagner du temps libre,
pays émergents sont en train de prendre une avance,
le PIB ne bouge pas, alors que lorsque qu’une usine éco-
comme le montre la présentation faite par Andrew
nomise du temps de travail, la productivité augmente !
Huang6 de l’écosystème de Shenzhen en Chine. Même
Potentiel large, impact direct sur la croissance et maturité
s’il repose sur un système de protection de la propriété
des « briques » technologiques : tous les ingrédients sont
intellectuelle différent du nôtre, il va bien au-delà de la
là pour une vague de croissance sans précédents, dont
« copie low cost ».
les prémisses sont encore modestes mais déjà visibles.
Comment aller de l’avant ? Où se situe la « France des makers » ?
Face à une compétition mondiale vive, nous avons
Face à ces défis, notre pays a longtemps été marqué
certainement des atouts forts – excellence de la re-
par des structures centralisées, plus adaptées aux grands
cherche fondamentale, maturité de l’écosystème indus-
plans scientifiques qu’au bricolage technologique. La
triel, infrastructures... Mais nous ne sommes pas, dans
France a longtemps été mieux classée dans la science
le domaine de l’innovation technologique, au niveau
fondamentale que dans la technologie. Nos rythmes
auquel ces atouts devraient nous porter.
scolaires, organisés autour de programmes définis par
Pour y remédier, nous devons comprendre que la
un comité national, laissaient peu de place à l’expéri-
croissance de demain reposera sur la capacité à com-
mentation : ceux qui ont assisté au développement de la
biner les briques technologiques, d’où qu’elles viennent.
microinformatique des années 80 ont constaté le niveau
Taxer les robots, fermer les frontières ou forcer nos en-
d’activité des pays du Nord. Les lycéens et collégiens y
treprises à restreindre leurs choix technologiques, c’est
disposent de plus de temps pour expérimenter, la tech-
les handicaper dans la compétition mondiale, et réduire
nologie y étant plus valorisée.
notre capacité à développer les fameux « emplois à
Les choses ont-elles changé ? Pour estimer la façon
haute valeur ajoutée », qui nous permettent d’éviter la
dont notre pays se positionne sur « l’innovation de com-
concurrence faciale avec les pays à bas coûts. Il faut
position » parmi les 10 premiers pays mondiaux, nous
nous ouvrir largement aux talents et aux technologies
avons analysé le volume de recherche Internet sur les 3
https://cloudpebble.net
4
https://en.wikipedia.org/wiki/Pebble_(watch)
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5
L’Asie utilise d’autres outils de recherche et n’apparaît donc pas dans ce classement.
6
“The Hardware Hacker: Adventures in Making and Breaking Hardware”, Andrew Huang, No Starch Press, 2017.
Entre science et vie sociĂŠtale,
les ĂŠlĂŠments du futur Une publication de la Edition/Administration : SEE - 17, rue de lâ&#x20AC;&#x2122;Amiral Hamelin - 75783 Paris cedex 16 TĂŠl. : 01 5690 3709/17 Site Web : www.see.asso.fr Directeur de la ppublication : François Gerin
La SEE, sociĂŠtĂŠ savante française fondĂŠe en 1883, forte de 2 000 membres, couvre les secteurs de lâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;lectricitĂŠ, de lâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;lectronique et des Technologies de lâ&#x20AC;&#x2122;Information et de la Communication. Elle a pour vocation de favoriser et de promouvoir le progrès dans les domaines : Ă&#x2030;nergie, TĂŠlĂŠcom, Signal, Informatique Composants, Automatique, Informatique.
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156 Z REE N°3/2017
DĂŠpĂ´t lĂŠgal : juillet 2017
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