Aperçu du numéro 2014-4 de la REE (octobre 2014)

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2014

EDITORIAL Vers une mobilité durable et responsable Serge Piperno

4 Numéro

ENTRETIEN AVEC Thierry Georges Président du Directoire d’Oxxius

ÉNERGIE

TELECOMMUNICATIONS

DOSSIERS

SIGNAL

COMPOSANTS

AUTOMATIQUE

INFORMATIQUE

Cette aperçu gratuit permet aux lecteurs ou aux futurs lecteurs de la REE de découvrir le sommaire et les principaux articles du numéro 2014-4 de la revue, publié en octobre 2014. Pour acheter le numéro ou s'abonner, se rendre à la dernière page.

ISSN 1265-6534

L'ARTICLE INVITÉ

Les enjeux de la recherche pour la transition énergétique Par Pierre Papon www.see.asso.fr


EDITORIAL

SERGE PIPERNO

Vers une mobilité durable et responsable

L

’IFSTTAR, Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l’Aménagement et des Réseaux, est depuis 20111 l’établissement français de recherche publique en pointe sur les transports terrestres, qu’il aborde dans l’ensemble de ses dimensions – systèmes, infrastructures, sécurité, santé, aménagement, usages, etc. – mais aussi sous ses angles scientifiques et techniques. Dès 2012, le tout nouvel institut a mobilisé ses forces vives et ses réseaux pour construire sa stratégie scientifique à 10 ans et cibler les grands thèmes de recherche prioritaires pour les années à venir. Les thématiques liées aux transports y sont omniprésentes et cette photographie, qu’il faudra actualiser régulièrement, peut être éclairante pour les lecteurs de la REE. L’Institut inscrit son action dans une perspective essentielle : « innover pour une mobilité durable et responsable ». Il s’agit aussi bien de réduire la consommation d’énergie fossile, la production de gaz à effet de serre et la pollution locale, notamment par l’offre de nouveaux transports collectifs et de nouvelles pratiques, que de réduire l’accidentalité routière et aller au-delà des succès déjà rencontrés. Ceci passe par une meilleure compréhension des comportements et des usages (télétravail, covoiturage, nouveaux services, multi-modalité, modes doux), une meilleure métrologie (développement de nouvelles méthodologies d’enquêtes, intégration de données massives de mobilité – téléphonie mobile, billetterie, observation), une meilleure anticipation des besoins émergents en transports et en mobilité. Nous nous intéressons à l’analyse de la dynamique des mobilités et des usages à toutes les échelles, en intégrant les facteurs économiques, psychologiques, environnementaux, sociaux et décisionnels. Tous ces éléments permettront aussi de concevoir des politiques, des solutions et des services de mobilité innovants. Pour cela, nous nous appuyons sur des recherches visant l’élaboration et le partage des données, le développement de briques technologiques

1

Création de l’IFSTTAR début janvier 2011, par fusion de l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets) et du Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC).

pour les services et les systèmes de transport intelligents et leur intégration dans des démonstrateurs (communication, détection, coopération véhicule/infrastructures, géolocalisation, géomatique, approches intégrées habitat transport, etc.). Dans ce cadre, nous développons une approche pluridisciplinaire articulant développements technologiques et sciences humaines et sociales, prenant en compte l’acceptabilité de ces dispositifs, leur impact sur les habitudes de mobilité, l’ergonomie des interfaces et des interactions, le design des solutions de transport, les pratiques et politiques actuelles, les pratiques liées aux nouveaux outils, les approches économiques. Parallèlement, renforcer la sécurité et le confort dans les transports et minimiser les impacts sur la santé restent des sujets d’intérêt majeur, pour lesquels l’Institut est l’un des leaders internationaux (biomécanique, épidémiologie des accidents, psycho-ergonomie, études détaillées d’accidents, etc.). Il reste des progrès à faire sur la compréhension des causes d’accidents et leurs conséquences corporelles, en particulier pour certaines catégories spécifiques d’usagers (deux-roues motorisés, piétons, handicapés, conducteurs professionnels...). Les comportements à risque (certains jeunes, alcools...), l’altération de la compétence de conduite (vieillissement, pathologie, etc.), et les modifications « nouvelles » des conditions de conduite (distraction par les téléphones mobiles ou dispositifs d’assistance à la conduite) constituent également des thèmes de recherche. Enfin, les contraintes économiques et écologiques actuelles, souvent contradictoires (économies d’énergie, faibles impacts environnementaux, rapidité, sécurité, flexibilité, confort, coût, accessibilité...) incitent à viser une gestion optimale des systèmes de transport. Les questions de recherche induites concernent aussi bien le mode routier (voiture, deux-roues motorisés) que les modes guidés (train, métro, tramway) ou les modes actifs (vélo, marche) et nécessitent des modèles précis et complets, permettant d’analyser le système, de le gérer et d’éclairer sur ses usages réels. Ces modèles pourront être validés grâce aux nouvelles sources de données géolocalisées, apportant une traçabilité inédite des mobilités. A terme, des outils permettant la comparaison quantitative de stratégies de gestion des réseaux constituent

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un objectif d’intérêt majeur, offrant la possibilité d’évaluer a priori ou a posteriori, en termes économiques, techniques et humains, les politiques de transport. L’Ifsttar est également très actif sur un grand nombre de thématiques connexes au champ des transports : les infrastructures de transport (et de génie civil en général) doivent être durables, c’est-à-dire optimales du point de vue des performances mécaniques à long terme (maintenance, fatigue, endommagement) et avec des impacts environnementaux minimaux (analyse de cycle de vie, évaluation intégrée). Cet axe requiert nécessairement des travaux sur les matériaux et des structures (comportement sous sollicitations exceptionnelles notamment). De même, les transports s’insèrent dans des milieux et réseaux urbains et périurbains dont les dynamiques et les enjeux doivent être bien analysés. Par exemple, la modélisation des interactions entre l’aménagement du territoire et la mobilité en prenant en compte la logique des acteurs, la distribution spatiale des activités humaines, les modes de transport des personnes et des marchandises, l’usage des sols, etc., ou encore, la modé-

2

REE N°4/2014

lisation et la gestion des réseaux urbains comme ceux de l’eau et des déchets sont des points de recherche en cours. Enfin, renforcer la résilience et les stratégies d’adaptation des villes et territoires aux changements globaux (climat, démographie, économie, biodiversité), aux phénomènes de ruptures (technologique, énergétique, etc.) et, de façon générale, aux effets de court et long termes, reste un enjeu majeur, chaque territoire ayant ses spécificités, ses interdépendances et sa propre vulnérabilité aux aléas. Ces problématiques, très diverses et toutes de grande importance, traduisent la mobilisation collective de l’Institut sur la thématique des transports et sont autant de manifestations de l’intérêt d’avoir créé un institut capable d’appréhender, de façon pluridisciplinaire, un domaine des transports si complexe et aux enjeux si fondamentaux pour nos sociétés.

Serge Piperno Directeur scientifique de l’IFSTTAR


sommaire Numéro 4

1

EDITORIAL Vers une mobilité durable et responsable Par Serge Piperno

4

SOMMAIRE

7

FLASH INFOS

9 10 11 12 14 15 17

Transmission et orientation d’un faisceau optique émis par une nano-antenne plasmonique Le caching proactif dans les réseaux cellulaires 5G Transistors optiques commutés par un unique photon Les mots peuvent-ils équivaloir aux nombres ? Extraire le CO2 de l’atmosphère Des voitures au toit solaire Une treizième médaille Fields pour la France ENOVA PARIS 2014 : les 4e trophées de l’innovation

p. 1

18 A RETENIR Congrès et manifestations p. 32

20 VIENT DE PARAÎTRE La REE vous recommande

23 ARTICLE INVITÉ Les enjeux de la recherche pour la transition énergétique Par Pierre Papon

32 LES GRANDS DOSSSIERS Le véhicule connecté Introduction Par Gérard Ségarra, Sidi-Mohammed Senouci

34

Véhicule connecté : architectures, normes, défis et solutions Par Sidi-Mohammed Senouci, Hichem Sedjelmaci, Sara Mehar, Bernadette Villeforceix, Patrick Martinoli, Farid Benbadis

p. I

45

Véhicule connecté sans conducteur Par Abdeljalil Abbas-Turki, Cindy Cappelle, Franck Gechter, Florent Perronnet, Abderrafiaa Koukam, Yassine Ruichek

54

Voiture connectée. Nouveaux usages, nouveaux modèles économiques Par Joëlle Ensminger, Olivier Segard

60 p. 23

4

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p. 69

p. 81

Le véhicule connecté dans les transports publics : technologies existantes et perspectives Par Marion Berbineau, Mohamed Kassab, Christophe Gransart, Martine Wahl, Yann Cocheril, Emile Masson, Divitha Seetharamdoo, David Sanz, Hassan Ghannoum, Oriane Gatin


SUPPLÉMENT HORS SÉRIE Jicable HVDC’13 - Perpignan - 18-20 novembre 2013 Introduction : Matériaux pour câbles & accessoires haute tension à courant continu/Materials for HVDC cables & accessories

III

Technical challenges linked to HVDC cable development

Par Lucien Deschamps, Alain Toureille Par Marc Jeroense, Markus Saltzer, Hossein Ghorbani

XI

Materials for HVDC cables Par Thomas Hjertberg, Villgot Englund, Per-Ola Hagstrand, Wendy Loyens, Ulf Nilsson, Annika Smedberg

XVI

Space Charge Measurements in Cable Insulating Materials: from Research Laboratory to Industrial Application Par Serge Agnel, Jerome Castellon, Petru Notingher, Alain Toureille

XXII Aging: What is expected from a Transmission System Operator (TSO)? Par Mandana Taleb, Soraya Ammi

XXVIII Modelling charge generation and transport in solid organic dielectrics under DC stress Par Séverine Le Roy, Thi Thu Nga Vu, Christian Laurent, Gilbert Teyssedre

69 GROS PLAN SUR … Le kWh mal traité – Première partie : le syndrome de l’énergie primaire Par Jean-Pierre Hauet

74 RETOUR SUR ... Ettore Majorana (1906-1938 ?) Par Marc Leconte

81 ENTRETIEN AVEC... Thierry Georges Président du Directoire d’Oxxius

85 ENSEIGNEMENT & RECHERCHE

MEA 2015

I

MEA'2015 MORE ELECTRIC AIRCRAFT

4-5 February, 2015 Toulouse - France

Organized by:

Echos de l’enseignement supérieur Par Bernard Ayrault

87 CHRONIQUE Actualité de Norbert Wiener et de la cybernétique ! Par Bernard Ayrault

88 SEE EN DIRECT La vie de l'association

www.see.asso.fr/mea2015 REE N°4/2014 5


FLASHINFOS

d’un faisceau polarisé incident sur une interface entre

Transmission et orientation d’un faisceau optique émis par une nanoantenne plasmonique La nanophotonique est l’étude de la lumière et de ses interactions avec la matière à l’échelle nanométrique, très

une fine couche de métal et un milieu diélectrique. Pour un angle bien déterminé, caractéristique du métal et du milieu environnant, l’onde qui était totalement réfléchie est absorbée par l’excitation des plasmons de surface : l’onde réfléchie disparaît (figure 1).

inférieure aux longueurs d’ondes du spectre visible. Les phénomènes observés à cette échelle sont de nature fondamentalement différente de ceux que nous connaissons en optique classique et transcendent les limites imposées par le phénomène de diffraction. On peut citer, par exemple, le phénomène de « transmission optique extraordinaire » mis en évidence en 1998 par Thomas Ebbesen : lorsqu’on éclaire un film métallique opaque percé d’une matrice périodique de N petits trous de taille nanométrique, la quantité de lumière qui ressort est plus importante que N fois celle qui passe à travers un trou isolé. On perçoit la possibilité de réaliser en nanophotonique des systèmes plus performants que les systèmes

Figure 1 : Capture d’une onde incidente sous forme de plasmons de surface.

optiques ou électroniques classiques ou offrant des

Les plasmons de surface se développent également

fonctionnalités nouvelles : détecteurs et capteurs ultra-

dans des nanoparticules dont on peut modifier les dimen-

sensibles, vision-couleur dans l’infra-rouge, effet photo-

sions, la forme, l’espacement, la composition et celle du

voltaïque stimulé, microscopie optique à très haute préci-

milieu environnant pour confiner la lumière d’une longueur

sion, nano-optoélectronique intégrée pour calculs à très

d’onde déterminée et la diriger ensuite dans une direction

grande vitesse et communications à ultra-haut débit, etc.

privilégiée. On parvient ainsi à la notion de nano-antenne

L’un des problèmes à résoudre est le transfert à l’échelle

plasmonique, objet de la communication de D. Dregely & Al.

nanométrique de la lumière, les guides d’onde et les fibres

Les auteurs partent du concept de transmission en es-

optiques étant des solutions trop volumineuses et insuffi-

pace libre de la lumière entre deux nano-antennes (l'une

samment performantes. C’est là l’intérêt des travaux réali-

émettrice, l’autre réceptrice) situées à des distances très

sés par Daniel Dregely & Al. de l’Université de Stuttgart pu-

supérieures à la longueur d’onde et donc opérant en

bliés dans la revue Nature Communications en juillet 2014.

champ lointain (figure 2).

1

La nanophotonique rejoint ici la plasmonique que nous avons déjà évoquée dans des Flash-infos précédents2. Les plasmons sont des oscillations collectives du gaz d’électrons à l’intérieur d’un métal, par exemple à des fréquences optiques. Les plasmons de surface se développent par résonance entre une onde électromagnétique incidente et la structure électronique conductrice d’un film récepteur mince dans lequel le champ électromagnétique se trouve confiné sous forme de plasmons. On met assez facilement en évidence la résonance plasmonique en faisant varier l’angle d’incidence

Figure 2 : Des nano-antennes optiques améliorent la transmission et la réception d’ondes électromagnétiques grâce à un couplage d’impédance et une haute directivité. Source : Daniel Dregely & Al. Nature Communications. L’antenne émettrice, excitée par un faisceau laser de

1

2

Daniel Dregely, Klas Lindfors, Markus Lippitz, Nader Engheta, Michael Totzeck & Harald Giessen – Université de Stuttgart – NATURE COMMUNICATIONS | DOI: 10.1038/ncomms5354. Voir notamment le Flash-info du numéro 2013-2 sur la production d’hydrogène par photolyse de l’eau assistée par résonance plasmon.

longueur d’onde

= 785 nm, est constituée d’un arran-

gement linéaire de cinq dipôles en or ayant chacun la forme d’un bâtonnet de 100 nm de longueur. Ces dipôles sont orientés selon l’axe x de polarisation du faisceau laser incident qui déclenche la résonance plasmonique en

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FLASHINFOS

Figure 4 : La transmission directe par nano-antenne optique à résonance plasmonique entraîne un affaiblissement du signal en 1/d2 alors qu’une transmission par guide d’onde entraîne un affaiblissement exponentiel. Au-delà d’une certaine distance la transmission directe en espace libre l’emporte. Source : Daniel Dregely & Al. Nature Communications. transmission par guide d’onde plasmonique conduit à une atténuation plus forte au-delà d’une certaine disFigure 3 : a- Positions respectives du transmetteur et des récepteurs. Le transmetteur est excité par un faisceau laser polarisé selon la direction x. b- Images fluorescentes recueillies par des détecteurs positionnés selon l’axe y avec une antenne plasmonique résonante à une distance de 38 .- Source : Daniel Dregely & Al. Nature Communications.

tance (courbe bleue de la figure 4). Lorsqu’on installe à une certaine distance (20 µm, soit 38 , dans le cas de l’expérience de Stuttgart) une nanoantenne réceptrice à résonance plasmonique, dimensionnée de façon à résonner à

= 785 nm (en l’occurrence

un plot de 130 nm de diamètre et de 40 nm de hauleur sein. Le faisceau renvoyé par l’antenne est testé par

teur), le signal reçu est amplifié dans un facteur significatif

des pastilles luminescentes de 250 nm de diamètre et

(7,5 dans l’expérience considérée) correspondant à une

60 nm d’épaisseur (figure 3).

surface équivalente D de l’antenne (figure 4).

Ce dispositif permet de caractériser, en x et y et en

L’intérêt de nano-antennes plasmoniques est ainsi dé-

fonction de la distance d, l’intensité de l’onde transmise

montré pour transmettre, en photonique intégrée, une

par l’antenne émettrice. On vérifie ainsi que l’antenne

onde de lumière à des distances relevant du champ lointain.

émettrice a un effet directionnel et que l’intensité reçue

Une deuxième partie de l’expérience consiste à

décroît en 1/d selon le modèle de transmission usuel

démontrer qu’il est possible d’orienter le faisceau émis

en espace libre (courbe verte de la figure 4) alors qu’une

par l’antenne émettrice, dans une direction variable, en

2

Figure 5 : La phase des éléments de l’antenne émettrice est ajustée en déplaçant le point de convergence du faisceau incident à partir du centre de l’arrangement constitutif de l’antenne. - Source : Daniel Dregely & Al. Nature Communications.

8

REE N°4/2014


FLASHINFOS

contrôlant le front d’onde du faisceau laser incident.

Les réseaux à petites cellules

Ce front d’onde n’est pas plan et en déplaçant latéralement

Durant ces dernières années, la prolifération des

le faisceau par rapport à l’antenne émettrice (figure 5), on

smartphones ainsi que l’utilisation des réseaux sociaux

introduit un gradient de phase entre les différents élé-

ont considérablement contribué à la croissance expo-

ments constitutifs de l’antenne.

nentielle du trafic des données mobiles. Pour répondre

On constate alors que la direction du faisceau trans-

aux demandes sans précèdent des utilisateurs, les opé-

mis peut varier dans une plage de 29 °C conforme à la

rateurs se sont appuyés sur le déploiement de réseaux

théorie (figure 6).

à petites cellules (RPC). Ces réseaux représentent un nouveau paradigme réseau basé sur l’idée de déployer de petites stations de base à courte portée, de faible puissance et à faible coût, superposées au réseau macro-cellulaire. Or, le déploiement à large échelle de ces réseaux repose sur l’acquisition de sites coûteux, en plus du coût d’installation et de backhaul. Ces observations clés conduisent à un nouveau paradigme réseau qui va au-delà des déploiements hétérogènes actuels de petites cellules et qui met à profit les derniers développements dans le stockage, la sensibilité au contexte, et les réseaux sociaux. Le principe du caching proactif

Figure 6 : Une nano-antenne optique constituée d’un arrangement d’éléments permet d’orienter le faisceau émis en direction de récepteurs déterminés – Source : Daniel Dregely & Al. Nature Communications.

Le paradigme réseau proposé est essentiellement proactif dans le sens où les nœuds du réseau (c’est-àdire, les stations de base, ordinateurs et smartphones) exploitent les informations sur les utilisateurs et anticipent

Ce résultat ouvre la possibilité de diriger le faisceau

les requêtes des utilisateurs en tirant profit de leurs capaci-

optique émis par une antenne vers un récepteur donné

tés prédictives. Ce qui permet d’économiser les ressources

en modulant la phase du faisceau d’excitation et de réa-

radio tout en garantissant les exigences des utilisateurs en

liser ainsi des liaisons à très haut débit en champ loin-

termes de qualité de service. Plus précisément, les stations

tain entre composants optoélectroniques intégrés, sans

de base récupèrent les données prédites à partir du cœur

risques d’interférences.

du réseau lorsque le trafic est faible (par exemple la nuit),

La très belle manipulation de l’équipe de Stuttgart ouvre la voie à de nouveaux progrès en optoélectronique

afin de pouvoir servir les utilisateurs localement sans utiliser les liens backhaul durant les heures de pointe.

à très haut niveau d’intégration, en direction de débits et

En exploitant intelligemment les modèles statistiques

de vitesses de traitement très supérieurs à ceux permis

du trafic et les informations sur les utilisateurs – distribu-

par l’électronique conventionnelle. ■

tions de la popularité des fichiers, emplacements, interdé-

JPH

pendance entre les utilisateurs à travers les liens sociaux –

Le caching proactif dans les réseaux cellulaires 5G

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FLASHINFOS

ENOVA PARIS 2014 : les 4e trophées de l’innovation Les Trophées de l’Innovation 2014 ont été remis le 16 septembre dans le cadre du salon Enova 2014, salon des technologies en électronique, mesure, vision et optique, qui s’est tenu à la Porte de Versailles du 16-18 septembre 2014. Les lauréats ont été sélectionnés parmi 42 dossiers par un jury présidé par Jean-Jacques Aubert, Program Manager au CEA-Leti, auquel participait, Jean-Pierre Hauet, rédacteur en chef de la REE.

CATEGORIE GREEN/ENVIRONNEMENT

repose sur 64 000 capteurs capacitifs répartis sur une surface

Alphanov : décapage de composites par laser

de 30 x 30 à 100 x 100 cm. Les capteurs capacitifs assurent la répétabilité et la stabilité des mesures ainsi que la calibration.

CATEGORIE TECHNOLOGIE EMBARQUEE Nethis – Newterahertz imagine systems : système d’imagerie Terahertz plein champ

Dans la cadre du projet Perceval piloté par SNECMA, ALPHANOV a mis au point un procédé laser femtoseconde pour décaper les matériaux composites des peintures ou films polymères qui les recouvrent. Contrairement aux procédés chimiques, celui-ci est res-

Ce système permet de scanner de grandes surfaces en rédui-

pectueux de l’environnement et des hommes qui le mettent

sant considérablement le temps de test grâce à une visualisation

en oeuvre. Le procédé a été initialement mis au point pour

plein champ. L’imagerie pénétrante permet de dévoiler et de

des applications aéronautiques. Il est en cours d’extension au

mesurer les propriétés physiques des matériaux au cœur même

domaine des cosmétiques pour traiter notamment le problème

de la matière.

de l’hydrophilie des surfaces.

Les domaines d’application concernent l’aéronautique, l’automobile, la chimie, le bâtiment, la conservation des oeuvres

CATEGORIE PRODUCTIVITÉ/RENTABILITÉ Excelsius : inspection 3D de cartes électroniques Le système PI d’inspection de pâte à souder repose sur une reconstruction 3D à partir de 32 caméras et 8 projecteurs HD. La qualité de l'image 3D (40 fois plus grande et en couleur), la programmation automatisée, et l’extrême facilité d’usage de PI (interface utilisateur tactile), représentent une innovation majeure.

d’art, etc. Le système Nethis a également reçu la palme de l’innovation décernée par les visiteurs du salon. Le trophée FORUM

RADIOCOMS a été attribué à

ETELM : e-TBS L' e-TBS est une station de base TETRA directement intégrée dans un réseau large bande LTE public ou privé ; elle

CATEGORIE QUALITE/SECURITE/REGLEMENTATION

s'interconnecte au coeur de réseau LTE via une interface normalisée S1,

PM Instrumentation : cartographie de pression

comme une station de base LTE (enodeB). Elle permet d'interconnecter et d'unifier des flottes de terminaux et TETRA. A l’occasion du salon Enova, Jean-Pierre Hauet et Bernard Ayrault ont donné deux conférences sur le Technorama REE 2012-2014 et sur les TIC et la lutte Ce système a été mis au point pour mesurer l’empreinte de pneus lors d’essais roulant ou sur des machines de fatigue. Il

contre la perte d'autonomie. Le Technorama 20122014 peut être téléchargé sur le site www.see.asso.fr ■

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PIERRE PAPON Professeur émérite à l’ESPCI

L'ARTICLE INVITÉ

Les enjeux de la recherche pour la transition énergétique

L

Introduction

et de carburants2,3. Les scénarios proposés pour la France,

a transition énergétique est à l’ordre du jour,

par l’Alliance Nationale de Coordination de la Recherche pour

depuis le début du siècle, et des agences natio-

l’Energie (ANCRE) vont dans le même sens4 ; ils permettraient

nales ainsi que des organismes internationaux

de diviser par un facteur 4 les émissions de gaz à effet de

comme l’Agence Internationale de l’Energie (AIE)

serre à l’horizon 2050. Observons aussi que, dans son rapport

et le Conseil Mondial de l’Energie proposent des scénarios qui

Energy Technology Perspectives 2014, l’AIE fait l’hypothèse

explorent les voies qu’elle pourrait emprunter. L’objectif central

d’une forte progression de la demande mondiale d’électricité

de cette transition est de diminuer la consommation mondiale

à l’horizon 2050, dans une fourchette de 80 à 130 %5.

d’énergies fossiles qui est la principale cause du réchauffement

La plupart des scénarios permettent d’identifier les do-

climatique1 et la plupart des scénarios énergétiques font l’hypo-

maines où des avancées, voire des « ruptures », sont indis-

thèse que l’intensité énergétique pourrait diminuer de façon

pensables pour « décarboner » l’énergie mais on doit obser-

continue tandis que la part des énergies renouvelables dans le

ver que les grandes thématiques de l’énergie (économies

mix énergétique mondial serait en forte croissance. Toutefois,

d’énergie, énergies renouvelables, nucléaire, etc.) appellent

nombre de filières d’avenir ne peuvent être développées qu’au

presque toutes des progrès scientifiques et techniques et

prix de ruptures (des sauts techniques) afin de faire sauter des

donc une mobilisation de la recherche-développement

verrous qui en bloquent le développement. Dans ces perspec-

(R&D). Sur quels chantiers faut-elle la mobiliser ? Il est impor-

tives, le rôle de la recherche est capital et l’on doit s’interroger

tant de tenter de répondre à cette question.

sur les orientations qu’il convient de lui donner en passant en revue les grands chantiers sur lesquels elle travaille.

L’éclairage des scénarios : une stratégie en trois temps

Stimuler et orienter la recherche a toujours été une opération difficile dans le domaine de l’énergie comme dans d’autres. Nombre de rapports sur la recherche en énergie déclinent des grandes thématiques sectorielles (la biomasse, la géothermie, le nucléaire, le solaire, etc.), il en va ainsi des

Les scénarios énergétiques volontaristes, compatibles avec une limitation à 2° C du réchauffement climatique de la pla-

2

nète d’ici la fin du siècle, font l’hypothèse qu’il est possible de

3

diminuer la part des énergies carbonées dans le mix énergétique mondial, de faire monter en puissance les énergies renouvelables et notamment dans la production d’électricité 1

Elles représentent environ les deux tiers de la consommation d’énergie finale en France.

IEA, World Energy Outlook 2013, Paris, 2013, www.iea.org. Conseil Mondial de l’Energie, Les scénarios mondiaux de l’énergie à l’horizon 2050, Paris, 2013, www.wec-france.org. 4 ANCRE, Scénarios de l’Ancre pour la transition énergétique, 2013, www.allianceenergie.fr. Cette « alliance » coordonne la stratégie de R&D en matière d’énergie des principaux organismes de recherche publics et des universités. 5 IEA, Energy Technology Perspectives 2014, Harnessing electricity potential, Paris, mai 2014,

ABSTRACT The energy transition has been on the political agenda for a good ten years now and its main objectives will be embedded in a law which will be passed, in 2014, by Parliament in France. Most energy issues (energy savings, the emergence of renewable energy, the future of nuclear power, etc.) call scientific and technical developments and R&D should certainly play a key role to overcome the major technical obstacles which block future breakthroughs. After recalling the conclusions of scenarios for energy demand in 2050, which take into account the necessity of curbing greenhouse gases emissions (the main cause of climate change), we review the main issues which R&D should address in the short and long term: developing new materials for solar energy, smart grids, batteries for electricity storage, new catalysts for fuel cells, processes for the production of biofuels, nuclear fuels for a new generation of reactors, metal recycling. R&D should be considered as a key player in a long-term energy strategy which calls for prospective views.

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L'ARTICLE INVITÉ

Les thĂŠmatiques du moyen terme : quelles ĂŠnergies renouvelables ?

rapports sur les  Grands dÊfis de la transition ÊnergÊtique , publiÊ fin 2013 par l’ANCRE6, et de celui de l’AcadÊmie des sciences  La recherche scientifique face aux dÊfis de l’Êner-

IntĂŠressons-nous plus particulièrement d’abord aux re-

gie Âť7, mais il reste, bien sĂťr, Ă mettre en oeuvre une stratĂŠgie.

cherches les plus prospectives Ă un horizon de 20 ans (le

Le rĂ´le de la R&D est de perfectionner les techniques exis-

deuxième temps de la stratÊgie). En schÊmatisant on peut

tantes afin d’amÊliorer leur efficacitÊ mais aussi de prÊparer

considÊrer qu’elles s’organisent autour de trois questions :

l’avenir par des innovations, elle travaille donc avec des hori-

s LES MATĂ?RIAUX ET LEURS INTERFACES

zons temporels diffĂŠrents et nous prendrons ici une approche

s LES RĂ?ACTIONS CHIMIQUES

en trois temps, ou en trois ĂŠtapes ĂŠtalĂŠes dans le temps.

s LES APPROCHES SYSTĂ’MES

Le premier, un horizon de dix ans, concerne les thĂŠma-

La recherche sur les matĂŠriaux travaille sur deux fronts :

tiques oĂš des avancĂŠes sont indispensables sans pour autant

– la relation entre les propriÊtÊs et les structures des matÊ-

viser des ÂŤ ruptures Âť. Sans en faire un inventaire Ă la PrĂŠvert,

riaux (par exemple la conductivitĂŠ ĂŠlectrique dans les ĂŠlec-

on trouve ainsi parmi celles-ci la question de l’amÊlioration

trodes de batteries) – la synthèse de matĂŠriaux permettant

des rendements des machines thermiques (des automobiles

de trouver des propriÊtÊs nouvelles ou d’amÊliorer des per-

aux turbines à gaz) – ce qui suppose la mise au point de

formances (pour les cellules solaires par exemple). Mieux

matĂŠriaux rĂŠsistants Ă des hautes tempĂŠratures ou de nou-

comprendre, par exemple, ce qui se passe Ă la surface et Ă

velles architectures – et la production des biocarburants de

l’interface de films ou de cristaux (des nanocristaux notam-

deuxième gĂŠnĂŠration (de l’Êthanol notamment) Ă partir de la

ment) dans une cellule photovoltaïque ou à l’interface d’une

biomasse. S’agissant des Ênergies renouvelables, si l’Êolien

ĂŠlectrode de batterie (ou de pile Ă combustible) avec un

terrestre peut ĂŞtre considĂŠrĂŠ comme ÂŤ mature Âť, il est nĂŠces-

ĂŠlectrolyte est un point clĂŠ.

saire d’extrapoler la puissance des turbines actuelles dans la

S’agissant de l’Ênergie solaire, contentons-nous d’exami-

gamme des 10-20 MW en mettant au point des composants

ner des avancÊes potentielles pour la filière photovoltaïque.

robustes et allÊgÊs mais aussi d’assurer les bonnes condi-

L’objectif est d’abaisser le coÝt des cellules et de trouver

tions de fonctionnement des Êoliennes off-shore. L’amÊliora-

des nouveaux matĂŠriaux avec des rendements plus ĂŠlevĂŠs

tion des performances des actuelles cellules au silicium ou

que celui du silicium8. Des semi-conducteurs comme l’arsÊ-

avec d’autres matÊriaux semi-conducteurs est une prioritÊ

niure de gallium (AsGa) ou le tellurure de cadmium (CdTe,

pour le solaire photovoltaĂŻque. Quant au solaire Ă concen-

le cadmium est interdit en France car il est toxique) sont

tration (ou thermodynamique) il n’a pas besoin de ruptures

une alternative au silicium auquel on peut les coupler car

mais d’amÊliorations des miroirs et des dispositifs de stoc-

ils n’absorbent pas les mêmes photons, les rendements des

kage de la chaleur.

cellules peuvent atteindre 45 % mais leur coĂťt est plus ĂŠlevĂŠ.

Le deuxième temps d’une stratĂŠgie prend en compte

On peut aussi les augmenter en jouant sur les nanostruc-

tous les chantiers qui s’intÊressent aux  verrous  scienti-

tures des matĂŠriaux ou sur des phĂŠnomènes comme l’effet

fiques et techniques qu’il faudrait faire sauter au prix d’un

thermo-ionique ou l’amplification de l’absorption la lumière

effort de plus longue haleine (15-20 ans). Une technologie

à la surface d’une cellule par des effets non linÊaires (les

clÊ sur laquelle nous reviendrons, le stockage de l’ÊlectricitÊ

plasmons). Par ailleurs, les cellules de Grätzel, constituÊes

avec les batteries, est un bon exemple. Dans le troisième

par des particules de semi-conducteurs, comme l’oxyde de

temps de la R&D, une stratĂŠgie Ă un horizon de 30 ans et au-

titane, dopĂŠes avec un colorant atteignent un rendement de

delà , doit s'attaquer aux questions clÊs oÚ l’insuffisance des

15 %, elles ont l’avantage d’être peu coÝteuses. La chimie du

connaissances scientifiques et techniques bloquera d’Êven-

solide permet d’ouvrir des voies nouvelles par la synthèse de

tuelles ruptures, c’est le cas par exemple pour le nuclÊaire

nouveaux matĂŠriaux semi-conducteurs pour des cellules. Ain-

du futur. Bien entendu, ces trois Êtapes d’une stratÊgie de

si, avec des pĂŠrovskites (en gĂŠnĂŠral ce sont des oxydes mĂŠ-

recherche sont conduites en synchronie et ne sont pas indĂŠ-

talliques), oĂš un organomĂŠtallique composĂŠ d’un halogène

pendantes ; ainsi par exemple les travaux sur les batteries

(le chlore, l’iode ou le brome) et d’un mÊtal comme le plomb

Êlectriques prennent en compte à la fois la nÊcessitÊ d’amÊ-

ou l’Êtain est dÊposÊ en phase vapeur sur un support, on

liorer Ă moyen terme les actuelles batteries lithium-ion et de

rĂŠalise des cellules dont le rendement est actuellement de

travailler sur de nouvelles filières.

18 %, avec un voltage supĂŠrieur Ă celui du silicium9 ; il faut

6 7

Alliance ANCRE, La recherche scientifique face aux dÊfis de l’Ênergie, 2013. AcadÊmie des sciences, La recherche scientifique face aux dÊfis de l’Ênergie, EDP sciences, Paris, 2013, www.academie-sciences.fr. Cf. aussi : R. Mosseri, C. Jeandel, L’Ênergie à dÊcouvert, Paris, CNRS Editions, 2013 et P. Papon, Energie : la science peut-elle changer la donne ? Paris, Le Pommier, 2012.

24

REE N°4/2014

Les cellules solaires commerciales au silicium cristallin ont un rendement de 20 % que l’on peut pousser Ă 25 % si l’on utilise des systèmes optiques pour concentrer la lumière. 9 M. Grätzel, The light and shade of perovskite solar cells, Nature Materials, 13, p. 838, 2014, www.nature.com/natmat. 8


LES GRANDS DOSSIERS

Introduction

Le véhicule connecté Le véhicule connecté est

sécurité. En fonction de leurs

devenu une réalité dès que

besoins, les clients pourront

les technologies de télé-

être guidés en temps réel

communication sans fil ont

vers les points d’intérêt qui

été disponibles : téléphones

correspondent le mieux à

portables et autres objets

leurs critères de choix et à

mobiles sont couramment

leurs positions géographiques

utilisés dans les véhicules. Cependant, l’usage de ces

Gérard Ségarra

technologies dans un véhi-

32

Sidi-Mohammed Senouci

(station d’essence, point de charge d’un véhicule électrique, station de gonflage,

cule, objet volumineux et massif pouvant se déplacer

les plus proches) en s’appuyant sur des données les

à grande vitesse, est soumis à des contraintes diffé-

plus actuelles possibles (par exemple choix du parking

rentes selon la nature et l’utilisateur des services of-

en fonction des places disponibles). Ils pourront égale-

ferts : le conducteur, les passagers ou bien le véhicule

ment payer dans leurs véhicules, électroniquement, les

lui-même. Donner des capacités de communication et

produits et services délivrés à ces points d’intérêt.

de coopération aux véhicules doit permettre de réduire

Le recours aux échanges de données via les réseaux

de façon significative les impacts environnementaux et

cellulaires publics rendrait d’ores et déjà possibles une

humains (accidentologie) résultant de la circulation des

bonne partie de ces améliorations mais il faudra s’ap-

véhicules. Ainsi les exigences de sécurité conduisent-

puyer sur la communication de véhicule à infrastructure

elles à limiter la nature et le volume des informations à

et de véhicule à véhicule pour atteindre le service opti-

destination du conducteur pour ne pas détourner son

mal notamment en matière de régulation de trafic. On

attention, alors même que les capacités de commu-

peut penser que les premiers véhicules ainsi équipés

nication des véhicules ouvrent la porte à de multiples

devraient être mis sur le marché vers 2016.

applications nouvelles. Certaines d’entre elles comme

L’implantation de systèmes de transport intelligents

l’appel d’urgence peuvent devenir obligatoires. Les

coopératifs (C-ITS) dans les véhicules combinée au

moyens de communication seront utilisés largement

développement du véhicule autonome ou automatisé

par les applications embarquées dans le véhicule qui

permettront d’atteindre l’objectif ambitieux des pou-

viendront en soutien au conducteur : la qualité de l’er-

voirs publics du « zéro mort et zéro blessé grave sur les

gonomie de leur interaction avec celui-ci est essentielle

routes ». Le véhicule automatisé qui devrait apparaître

pour leur acceptation et leur participation à l’objectif de

commercialement vers 2020 en Europe ouvrira pro-

réduction de l’accidentologie.

gressivement la porte à une liberté totale du conduc-

La gamme des applications rendues possibles par la

teur qui deviendra alors un passager en situation de

connexion des véhicules est très large et très variée. La

conduite automatisée. Il pourra alors bénéficier de tous

première application développée et à présent largement

les services multimédia disponibles au niveau d’un por-

répandue (via les récepteurs GPS) est la « navigation

table, mais dans un environnement optimisé au niveau

informée » permettant un ajustement dynamique d’un

du confort et de la sécurité. Mais l’automatisation se

itinéraire en fonction du trafic et des besoins du client

fera par étapes en privilégiant d’abord certaines situa-

(points d’Intérêt). L’info trafic n’est pas aujourd’hui suffi-

tions de circulation comme le parcage automatique

samment fiable et sa couverture insuffisante : une meil-

(valet de parking) ou la circulation sur autoroute à faible

leure collecte de l’état du trafic devient possible grâce

vitesse lors de bouchons. Le nombre de situations où

à la généralisation des « véhicules sondes » connectés

l’automatisation est applicable augmentera en fonction

qui fourniront en temps réel leurs perceptions de celui-

des progrès technologiques et du déploiement des

ci et des causes perturbatrices de son écoulement. Les

infrastructures. Les phases de transition dans la com-

autorités routières auront également un accès direct

mande du véhicule (passage de la conduite automa-

aux conducteurs via l’infrastructure routière et pour-

tisée à la conduite humaine en particulier) requerront

ront donc leur diffuser les consignes les mieux adap-

une attention particulière du conducteur : le véhicule

tées pour réguler globalement le trafic et assurer leur

devra s’assurer de l’état de vigilance de celui-ci avant de

REE N°4/2014


Introduction

LES GRANDS DOSSIERS

lui rendre le contrôle et en particulier ne pas solliciter

respect de la vie privée des utilisateurs que pour être

son attention dans cette phase via par exemple des

à même de résister à toute attaque externe pouvant

services multimédia.

entraîner des effets catastrophiques au niveau des

Bien sûr, le véhicule connecté concerne une grande

vies humaines ou des biens matériels. On doit éviter,

variété de véhicules (privé, public, véhicules légers,

par exemple, une prise de contrôle non autorisée d’un

véhicules utilitaires, poids lourds, transport de matières

véhicule se déplaçant à grande vitesse. A contrario, des

dangereuses, motos, vélos, voire même piétons,…

prises de contrôle de véhicules connectés pourraient

etc.) évoluant dans divers contextes (privé, public,

résulter d’un choix de société pour lutter contre les vols,

professionnel, etc.). Il ouvre la porte à de nombreuses

les agressions/attentats voire restreindre l’accès de cer-

applications spécifiques (télépéage, taxation, contrôle

taines zones à certaines catégories de véhicules par

d’accès, véhicule partagé, covoiturage, gestion de tour-

exemple les véhicules polluants dans les villes.

nées, etc.). Certaines d’entre elles seront naturellement

Ce dossier vise à donner un état des lieux des pro-

déployées par les constructeurs, d’autres devront être

blématiques du véhicule connecté. Le premier article

stimulées par les autorités.

donne un aperçu général sur le véhicule connecté,

La diversité des technologies de communication sans

l’infrastructure de télécommunication utilisée, les dif-

fil (réseaux cellulaires, réseaux locaux, réseaux à diffusion

férentes classes d’applications, les normes applicables,

terrestre et satellitaire) ainsi que l’évolution des techno-

les projets et défis de recherche. Le deuxième article

logies de positionnement des objets mobiles et fixes (par exemple l’arrivée de GALILEO) nécessiteront une gestion permanente concertée de la configuration des équipements embarqués dans le véhicule connecté. Le véhicule fera partie de l’Internet des Objets et la communication Machine à Machine (M2M) se développera non seulement

Gérard Segarra a travaillé 30 ans chez Renault. Il y a conduit la participation à des consortiums européens et à la normalisation sur les systèmes de transport intelligents. Il est actuellement consultant.

traite du véhicule connecté sans conducteur communément appelé véhicule autonome. Le troisième article se concentre non pas sur les aspects technologiques mais plutôt sur les aspects économiques et sur l’acceptabilité de cette nouvelle tech-

Sidi-Mohammed Senouci

nologie. Le dernier article dresse un

a travaillé 6 ans chez Orange Labs

panorama sur les technologies exis-

entre véhicules, mais également avec

sur les véhicules connectés.

tantes et sur les perspectives d’uti-

les objets de la route et de la maison.

Il est actuellement professeur

lisation de la connectivité dans les

des universités à l’Université de

transports publics (bus, métros, tram-

Bourgogne.

ways, trains).

La sécurité du système est un point clé, aussi bien pour préserver le

LES ARTICLES

Véhicule connecté : architectures, normes, défis et solutions Par Sidi-Mohammed Senouci, Hichem Sedjelmaci, Sara Mehar, Bernadette Villeforceix, Patrick Martinolli, Farid Benbadis ......................................................................................................................... Véhicule connecté sans conducteur Par Abdeljalil Abbas-Turki, Cindy Cappelle, Franck Gechter, Florent Perronnet, Abderrafiaa Koukam, Yassine Ruichek ................................................................................................................... Voiture connectée. Nouveaux usages, nouveaux modèles économiques Joëlle Ensminger, Olivier Segard ........................................................................................................................... Le véhicule connecté dans les transports publics : technologies existantes et perspectives Par Marion Berbineau, Mohamed Kassab, Christophe Gransart, Martine Wahl, Yann Cocheril, Emile Masson, Divitha Seetharamdoo, David Sanz, Hassan Ghannoum, Oriane Gatin ....................................................................................................................................................................

p. 34

p. 45 p. 54

p. 60

REE N°4/2014 33


DOSSIER 1

LE VÉHICULE CONNECTÉ

Figure 1 : Exemples d’applications ITS – Les systèmes de transport intelligents englobent les télématiques et différents types de communications : satellite, cellulaire, véhicule-à-véhicule, véhicule-à-infrastructure-routière – Source : ETSI ITS.

Véhicule connecté : Par Sidi-Mohammed Senouci1, Hichem Sedjelmaci1, Sara Mehar1, Bernadette Villeforceix 2, Patrick Martinolli2, Farid Benbadis3 DRIVE Labs, Université de Bourgogne1, Orange2, Thales communications and security 3

A connected vehicle network can vastly improve our transportation system in the areas of safety, mobility and environment. This technology provides connectivity among vehicles to enable crash prevention and between vehicles and the infrastructure to enable safety, mobility, and environmental benefits. This paper provides an overview of connected vehicle technology, the related challenges, projects and standardization activities.

ABSTRACT

34

REE N°4/2014


Véhicule connecté : architectures, normes, défis et solutions

Introduction

et depuis une quinzaine d’années, plu-

qué. Aujourd’hui, beaucoup de tâches

Le marché du transport a connu une

sieurs projets et travaux de recherches

classiques ont été automatisées : par

énorme évolution ces dernières décen-

sont menés par plusieurs communau-

exemple, la régulation de vitesse est

nies ; le monde compte aujourd’hui

tés scientifiques, industrielles et aca-

maintenant très courante, le déclenche-

près d’un milliard de voitures sur les

démiques afin d’améliorer la qualité et

ment automatique des essuie-glaces

routes. Cette révolution a facilité la vie

les performances de la communication

est très souvent proposé, l’ouverture et

des utilisateurs et a accéléré la crois-

dans un réseau de véhicules connectés.

fermeture des portes de voiture se font

sance économique à travers le monde.

De plus, les travaux de recherche ont

à distance. Cela est fait grâce à l’inté-

Cependant, elle a engendré des incon-

permis aux instances de normalisation

gration d’un ensemble de composants

vénients parfois dramatiques : embou-

de développer des standards qui sont

électroniques qui coopèrent afin de

teillages, accidents mortels, pollution de

maintenant prêts pour le déploiement

rendre la voiture de plus en plus intel-

l’environnement et dépendance envers

de ces technologies et services à grande

ligente.

les énergies fossiles non renouvelables.

échelle, que ce soit en Europe, aux

Ces ennuis ont ouvert la porte à des

États-Unis ou en Asie.

La voiture connectée peut être vue comme un système embarqué ou une

développements mondiaux qui ont

Dans cet article, nous décrirons le

plate-forme à plusieurs couches où on

contribué à la naissance du concept de

principe de fonctionnement d’un véhi-

trouve des systèmes de collecte, de trai-

véhicule connecté (appelé aussi véhi-

cule connecté, les composants matériels

tement et d’échange/communication

cule coopératif). Ce dernier permet de

embarqués dans ce type de véhicule

de données.

pénétrer dans une autre dimension de

ainsi que l’infrastructure de télécommu-

Prenons l’exemple de l’application de

la mobilité, appelée mobilité connectée,

nication utilisée. Ensuite, nous présente-

diagnostic à distance : le véhicule envoie

avec l’objectif d’assister le conducteur

rons les différentes classes d’applications

automatiquement au travers d’une inter-

dans sa conduite en lui offrant davan-

qu’offre le véhicule connecté ainsi que

face de communication, via un réseau

tage de confort et de sécurité. Cette

les différents standards et projets concer-

cellulaire ou de véhicule-à-véhicule, les

mobilité 2.0 est née de la convergence

nant ce type de véhicule. Enfin, nous

données relatives aux organes essen-

de la révolution des transports et des

évoquerons les défis de recherche ac-

tiels de sécurité ou la mesure de l’usure

technologies de l’information et de la

tuels liés au développement des véhi-

des pièces. Ces informations seront trai-

communication [1].

cules connectés et quelques solutions

tées chez le constructeur qui peut, soit

proposées.

réparer les fautes à distance, soit infor-

Le véhicule connecté est donc un véhicule faisant appel aux systèmes de

mer en temps réel le conducteur de la

liorer la sécurité des déplacements,

Principes de fonctionnement d’un véhicule connecté

leur efficacité et leur coût [1], comme

Les premiers conducteurs de véhi-

importante dans ce genre de système

illustré sur la figure 1. Les principales

cules devaient commander manuelle-

temps-réel. En effet, chaque événement

applications envisagées sont des appli-

ment la majorité des composants de

signalé doit être traité dans un délai très

cations de gestion de trafic routier, des

la voiture pour pouvoir la conduire en

court, tout retard de traitement pouvant

applications de sécurité routière et des

toute sécurité. En effet, les micropro-

parfois avoir des implications graves. Par

applications de mobilité et de confort.

cesseurs n’ont été introduits dans la

exemple, dans le cas de la détection

Néanmoins, certaines caractéristiques

fabrication des véhicules que depuis

d’un obstacle ou d’un piéton traversant

des véhicules, telles que la mobilité,

les années 70-80 afin d’améliorer la

la route via une caméra embarquée

la vitesse élevée, la fragmentation fré-

stabilité ou le système de freinage de

dans le véhicule, la réaction à cette

quente du réseau de communication

la voiture. Le GPS (Global Positioning

détection doit être rapide pour éviter

et la connectivité intermittente en ré-

System) a d’abord été introduit dans

l’accident.

sultant, représentent un vrai frein dans

les véhicules militaires avant son appa-

Le véhicule connecté est un véhi-

l’amélioration des services de commu-

rition, dans une version moins précise,

cule faisant appel à des systèmes de

nication et dans l’obtention d’une garan-

dans les véhicules de particuliers, dans

transport intelligents : il s’appuie sur le

tie d’une connectivité similaire à celle

les années 1990. Durant la dernière

véhicule lui-même et son système em-

des réseaux non mobiles. De ce fait,

décennie, d’autres composants électro-

barqué, sur l’infrastructure de télécom-

niques ont été intégrés aux véhicules,

munication et sur des plates-formes de

formant ainsi tout un système embar-

service qui traitent les données et pro-

transport intelligents (ITS ) pour amé1

1

Intelligent Transportation System.

nécessité d’effectuer un entretien. La contrainte de temps peut être très

REE N°4/2014 35


DOSSIER 1

LE VÉHICULE CONNECTÉ

la sensibilité de l’information et l’environnement concerné par ces données. Certaines informations seront stockées si besoin dans la mémoire intégrée du véhicule. Par exemple, dans une application qui surveille le comportement du conducteur, la voiture enregistre le cycle de conduite lors d’un trajet donné et en fin de voyage, ces informations seront transmises à un serveur dédié. On peut trouver plusieurs types d’unités de contrôle par exemple : Figure 2 : Exemples de composants matériels d’une voiture connectée. posent des actions ou des informations

Dans les ITS, la collecte d’informations

au véhicule. Nous détaillerons tout cela

comprend non seulement le recueil de

dans les paragraphes suivants.

données provenant du véhicule lui-même

Le véhicule et son système embarqué

mais aussi celui de données relatives à son environnement extérieur. Cette collecte est effectuée par l’ensemble des

Un système embarqué (ou système

capteurs embarqués dans le véhicule qui

enfoui) est défini comme un système

sont multiples : capteur de pluie pour la

électronique et informatique autonome,

mise en marche automatique des essuie-

souvent temps-réel, spécialisé dans une

glaces, capteur de vitesse pour le verrouil-

tâche bien précise. Dans le domaine

lage automatique des portes lorsque le

automobile, l’électronique est apparue

véhicule bouge, capteur de verglas, ca-

pour la première fois dans les véhicules

méra embarquée pour la surveillance de

à injection électronique (première voi-

trafic, radars/sonars, capteur de pollution,

ture DS21 Injection électronique en

capteur de niveau de nuisance sonore,

1969), puis dans les calculateurs pour

capteur de choc permettant de mesurer

l’ABS (première voiture Mercedes en

la gravité du choc que la voiture a subi,

1979). Actuellement, les calculateurs

GPS et beaucoup d’autres. Les unités de

dédiés sont omniprésents : freinage

contrôle récupèrent les informations ainsi

avec anti-blocage mais aussi intensi-

collectées. Ces informations sont soit trai-

fication de l’effort de freinage lors de

tées localement par l’unité de commande

l’urgence, alarme de changement de

de bord (OBU, On-Board-Unit) pour une

file, gestion de la suspension (pour

prise de décision à travers la commande

mieux remplacer l’hydraulique et jouer

d’actionneurs, soit renvoyées vers une

sur l’amortissement), affichage à bord,

plate-forme de service distante2 selon

sécurité des ouvrants, etc. On envisage maintenant du “all-by-wire”, c’est-à-dire du tout électrique y compris pour la direction qui verra elle aussi à terme disparaître sa composante mécanique (colonne de direction) ainsi que les freins. Plus généralement, un système embarqué permet, dans le cas d’un véhicule connecté, illustré dans la figure 2, la collecte, le traitement et la prise de décision.

36

REE N°4/2014

2

Cette plate-forme peut appartenir à un des acteurs de l’écosystème : constructeurs automobiles, pouvoirs publics qui désirent savoir où roulent les véhicules et à quelle fréquence/ vitesse, assureurs qui vont pouvoir mieux déterminer les risques pour chaque véhicule et ainsi adapter leur prime d’assurance, conducteurs qui peuvent obtenir des informations de leur véhicule même lorsqu’ils ne sont pas à bord et qui peuvent pré-conditionner à distance leur véhicule.

s UNITÏ DE CONTRÙLE POUR LE VERROUILlage des portes et des fenêtres (Body control unit “BCU”) ; s MODULE DE CONTRÙLE DE FREINAGE Brake Control Module “BCM”) ; s UNITÏ DE CONTRÙLE DE MOTEUR Engine control unit “ECU”) ; s CONTRÙLEUR DE L )NTERFACE HOMME MACHINE (Human-machine interface “HMI”) ; s UNITÏ DE CONTRÙLE DE L AIRBAG Airbag control unit “ACU”). Tous ces composants sont reliés par un réseau embarqué qui est majoritairement filaire mais parfois sans fil : Bluetooth, CAN3, LIN4, Ethernet et bien d’autres sont utilisés. Nous résumons les types de réseaux embarqués dans le tableau 1.

L’infrastructure de télécommunication L’infrastructure de télécommunication permet d’établir des liens pour le transfert d’informations entre les véhicules connectés et les plates-formes de service. Pour construire la chaine de communication, plusieurs approches peuvent être utilisées, elles sont illustrées sur la figure 3 : s 5NE PREMIÒRE CONSISTE Ì S APPUYER SUR des réseaux de télécommunications ouverts au public. Un équipement disposant d’un accès au réseau moController Area Network : bus série utilisé dans l’automobile. 4 Local Interconnect Network : bus à bas débit et de petite taille utilisé aussi dans l’automobile. 3


LES GRANDS DOSSIERS

Introduction

SUPPLÉMENT HORS-SÉRIE À LA REE 2014-4

Jicable HVDC'13

Matériaux pour câbles et accessoires haute tension à courant continu Materials for HVDC cables and accessories Perpignan - 18 au 20 novembre 2013 - www.jicable-hvdc13.fr Le développement de câbles haute

s L UTILISATION DE TECHNOLOGIES EXTRUDÏES

tension à courant continu à isolation

impose une maîtrise de la conduction

synthétique permet aujourd’hui, dans

et de l’évolution des charges d’espace

des conditions économiques plus favo-

dans le matériau isolant ;

rables que celles liées à l’utilisation des

s DES RECHERCHES SONT ENGAGÏES POUR LA

technologies au papier, la réalisation

mise au point de nouveaux matériaux

de liaisons électriques isolées (souter-

chargés de nanoparticules permettant

raines, en galerie…) de grandes puissances et sur de grandes longueurs. Ces matériels, dont l’utilisation est en plein essor, devraient contribuer, en association avec les nouvelles techno-

l’évacuation des charges tout en évitant Lucien Deschamps, Président du Comité d’Organisation de Jicable HVDC’13

logies de conversion, à relever les défis

Alain Toureille, Président du Comité scientifique et technique international de Jicable HVDC’13

l’emballement thermique ; s DES RECHERCHES SONT ÏGALEMENT MENÏES pour l’élaboration de modèles de transport de charges dans le PE et le PRC ; s DE NOMBREUX ESSAIS DE LONGUE DURÏE

qui seront posés par l’évolution, l’expansion et l’interconnexion des

sont faits sur des modèles de câbles et sur des câbles en vraie gran-

grands réseaux électriques dans les prochaines décennies.

deur pour étudier leur comportement dans le temps ;

Les câbles électriques haute tension à courant continu ont été à l’honneur à Perpignan, du 18 au 20 novembre 2013, à l’occasion du

s IL EST ENlN APPARU NÏCESSAIRE DE METTRE AU POINT DES NORMES ADAPtées aux câbles haute tension à courant continu.

séminaire international « Jicable HVDC’13 » qui a regroupé plus de

Cinq communications ont été retenues pour ce supplément spé-

200 experts d’une trentaine de pays. Le choix de la ville de Perpignan

cial de la REE afin d’illustrer les principaux faits marquants des actions

pour l’organisation de ce rendez-vous mondial était naturellement lié

menées dans l’industrie et les universités sur les matériaux pour

à la proximité du chantier de la future liaison INELFE France/Espagne.

câbles haute tension à courant continu :

Une liaison de 2 000 MW, 320 kV qui permettra, en préservant grâce

1 - “Technical challenges linked to HVDC cable development”

à un tunnel les paysages du massif des Albères dans les Pyrénées

par Marc Jeroense et ses collaborateurs d’ABB. Cette communication

Orientales, le doublement de la capacité d’interconnexion électrique

compare les points forts et les points faibles des câbles à isolation im-

entre les deux pays. Les caractéristiques techniques de cette liaison

prégnée et des câbles à isolation extrudée. Pour les câbles à isolation

constituent une première mondiale mais dès à présent de nombreux

imprégnée, il met en lumière le problème des cavités et des décharges

autres projets sont à l’étude en Europe et dans le monde pour assurer

partielles tandis que pour les câbles à isolation extrudée, il souligne

la sécurité en énergie électrique des pays.

le problème de base de la conduction électrique. La communication

Le séminaire avait pour objectif d’établir un état de l’art du domaine.

résume les quelques principes du contrôle du champ électrique dans

Il a abordé, au cours de trois journées de travail, le comportement des

les accessoires. Enfin, elle souligne les défis posés pour le développe-

matériaux, les études de modélisation, les essais et les procédures de

ment et les essais de ces câbles.

qualification des câbles et des accessoires associés. Une table ronde

2 - “Materials for HVDC cable” par Thomas Hjertberg et ses colla-

sur les développements des liaisons par câbles à courant continu en

borateurs de Borealis. Cette communication analyse les propriétés

Europe a clôturé les travaux.

et performances nécessaires des matériaux pour les câbles haute

Quelques conclusions de ce séminaire sont résumées ci-après :

tension à courant continu, d’abord les aspects thermo mécaniques

s IL EXISTE D IMPORTANTES PERSPECTIVES DE DÏVELOPPEMENT DE LIAISONS

ainsi que les conditions de mise en œuvre. Elle considère ensuite

haute tension à courant continu ; s LES TECHNOLOGIES D ISOLATIONS SYNTHÏTIQUES i EXTRUDÏES w PRÏSENTENT des avantages d’exploitation sur les technologies « imprégnées » ;

les paramètres fondamentaux du diélectrique : la conductibilité, les charges d’espace et la tension de rupture. Pour ces différentes caractéristiques, les puretés physique et chimique sont essentielles. La

The objective of the seminar Jicable HVDC’13 was to present state of knowledge on the behaviour of materials for HVDC cables and accessories. It has first address the physical behaviour, physic-chemical and electrical properties of these materials: dielectric, space charges, interfaces, ageing, reliability. It has then discussed the results of modelling studies and the relationship between modelling and behaviour of materials to clarify the role of tests: investigation, qualification, reception, control in operation. Finally, the seminar has showed how these scientific and technical information and results are taken into account by the system operators to demonstrate and evaluate the equipment over time.

ABSTRACT

I

REE N°4/2014


Introduction

LES GRANDS DOSSIERS SUPPLÉMENT HORS-SÉRIE À LA REE 2014-4

communication souligne enfin la nécessité de diminuer la conduc-

différentes de celles des câbles à courant alternatif. Il en résulte un

tibilité électrique.

besoin d’approfondissement des connaissances des comportements

3 - “Space Charge Measurements in Cable Insulating Materials:

des matériaux en courant continu sous contraintes thermique et élec-

from Research Laboratory to Industrial Application” par Serge

trique et par voie de conséquence des lois de vieillissement et de

Agnel et ses collaborateurs de l’Université de Montpellier. Après avoir décrit la technique de mesure non destructive des charges d’espace développée ces dernières années à l’Université de Montpellier (MOT, Méthode de l’Onde Thermique), la communication donne quelques exemples de recherches étendues à des modèles de câbles et à des transferts de tech-

Lucien Deschamps a été conseiller scientifique à Electricité de France. Ses travaux ont porté sur les matériaux pour l’électrotechnique, les câbles de transport d’énergie et la prospective technologique. Il a en particulier travaillé sur l’énergétique spatiale et le concept de centrale solaire spatiale. Lucien Deschamps a créé et organisé de nombreux

la durée de vie. La communication présente différents projets de liaisons de l’exploitant de réseau RTE ainsi que les phénomènes physiques importants à prendre en compte pour maîtriser les conditions de vieillissement. 5 - “Modelling charge generation and transport in solid organic dielectrics un-

événements internationaux dont en par-

der DC stress”, communication présentée

sente l’avantage de mesurer la distribution du

ticulier le cycle des congrès Jicable. Il est

par Séverine Le Roy et ses collaborateurs de

champ électrique à la fois dans des conditions

aujourd’hui Secrétaire général de l’associa-

l’université de Toulouse. La connaissance de

de court-circuit et directement sous contrainte

tion de prospective à long terme Prospective

la conductibilité et de la permittivité permet

de tension continue. Développée à l’origine

21OO et Président de la commission Astro-

d’approcher le comportement d’un diélec-

dans le cadre d’études académiques dans un

nautique de l’Aéro-Club de France.

trique en fonction de la température et du

laboratoire de recherche, la technique a été

Alain Toureille a été professeur d’élec-

champ électrique. Ces éléments ne sont

adaptée, ces dernières années, pour être ex-

trotechnique à l’université Montpellier 2 et

toutefois pas suffisants, les charges d’espace

ploitée dans des installations industrielles, afin

directeur du département Electronique, Elec-

doivent être prises en compte. Des modèles

de mesurer la charge d’espace dans l’isolation

trotechnique, Automatique à cette université.

tenant compte de la génération et du trans-

nologies dans l’industrie. Cette technique pré-

de câbles haute tension à courant continu soumis à des champs électriques élevés. 4 - “Aging: what is expected from a Transmission System Operator (TSO)?” par Mandana Taleb et Soraya Ammi de RTE. Les

Professeur émérite en 2007, il est président SEE de la région Sud-Est Méditerranée depuis 2008. Son activité de recherches a porté sur les matériaux diélectriques et plus particulièrement sur leur application aux câbles à isolation extrudée utilisés en continu ou

port de charges en fonction du temps et de l’espace doivent ainsi être développés. C’est en particulier le cas lorsque l’on considère un câble avec un champ électrique et une température inhomogènes au sein de l’iso-

alternatif. Il a créé et développé la méthode

lant. Dans la présente communication des

câbles à isolation synthétique extrudée ont

de l’onde thermique qui permet de mesurer

simulations ont été effectuées en utilisant un

dès à présent conduit à leur utilisation par di-

les distributions des champs électriques et les

modèle cylindrique unidimensionnel, avec

vers exploitants de réseaux pour des liaisons

charges d’espace dans les isolants minces et

injection, transport, piégeage, dépiégeage

haute tension à courant continu, en particu-

épais et donc dans les câbles sous tension.

et recombinaison de charges, afin de mettre

lier pour des liaisons de grande longueur. Les

Durant sa carrière, il a collaboré avec les

en évidence les effets de la géométrie, de la

conditions d’exploitation en réseau de ces

grands industriels nationaux et internatio-

température et des gradients de température

câbles en courant continu sont toutefois très

naux du génie électrique.

sur le comportement du matériau.

qualités techniques et économiques des

LES ARTICLES

Technical challenges linked to HVDC cable development Par Marc Jeroense, Markus Saltzer, Hossein Ghorbani ....................................................................................................... p. III Materials for HVDC cables Par Thomas Hjertberg, Villgot Englund, Per-Ola Hagstrand, Wendy Loyens, Ulf Nilsson, Annika Smedberg ........................................................................................................................................................ p. XI Space Charge Measurements in Cable Insulating Materials: from Research Laboratory to Industrial Application Par Serge Agnel, Jerome Castellon, Petru Notingher, Alain Toureille ...................................................................... p. XVI Aging: What is expected from a Transmission System Operator (TSO)? Par Mandana Taleb, Soraya Ammi ............................................................................................................................................... p. XXII Modelling charge generation and transport in solid organic dielectrics under DC stress Par Séverine Le Roy, Thi Thu Nga Vu, Christian Laurent, Gilbert Teyssedre ......................................................... p. XXVIII

REE N°4/2014 II


DOSSIER 2

III

REE N째4/2014

Jicable HVDC'13


Technical challenges linked to HVDC cable development

REE N째4/2014 IV


GROS PLAN SUR ...

Le kWh mal traité

L

Première partie : le syndrome de l'énergie primaire a comparaison entre formes d'énergie

les différentes formes d'énergie entre elles. Les

constitue un exercice délicat. Certaines

pratiques internationales ont été harmonisées au

formes d'énergie sont disponibles dans

sein de l’Agence Internationale de l’Energie et de

la nature : charbon, fuel, pétrole, nu-

l’Eurostat afin de rendre possibles des comparai-

cléaire, solaire, d'où leur qualification d'énergies

sons et des synthèses entre pays.

primaires ; d’autres, l'électricité, les carburants

Il n'y a rien de blâmable à cela. Les indica-

ou l'hydrogène, résultent de transformations et

teurs statistiques sont indispensables au suivi et

sont donc considérées comme wdes énergies

à la comparaison des situations, même s'ils ne

secondaires ou vecteurs énergétiques ; d’autres enfin n’interviennent qu’au stade de l’utilisation,

Jean-Pierre Hauet

en revêtant différentes formes : mécanique, thermique, élec-

sont pas parfaits en eux-mêmes. Leur évolution est généralement plus riche d'enseignements

que la contemplation de leur valeur absolue.

trique, on parle alors d'énergies finales.

Malheureusement, dans le secteur de l'énergie, la situa-

Dans la vie courante comme en macroéconomie, il est

tion n'en est pas restée là et au cours des dernières années,

nécessaire de pouvoir comparer entre elles ces différentes

une importance croissance a été donnée à certains indica-

formes d'énergie et d'en tenir une comptabilité. Pour rendre

teurs supposés refléter certains aspects de l'intérêt général.

compte de leur utilité collective, la meilleure solution est

Cette évolution a résulté de la volonté de prendre en compte

évidemment de recourir à leurs prix, à la condition que les

des impératifs allant au-delà de la logique économique :

mécanismes de leur formation soient ceux du marché. Une

s LE DÏVELOPPEMENT DURABLE QUI CONCERNE LE TEMPS LONG EST

évaluation faite en euros a l'immense mérite de permettre

venu questionner le bien-fondé de l'actualisation dès lors

des comparaisons entre des biens de nature totalement dif-

que l'on s'intéresse à des horizons très éloignés ;

férente. Elle traduit l'intérêt que l'on porte à leur possession

s LE SOUCI DgEFlCACITÏ ÏNERGÏTIQUE IMPROPREMENT APPELÏ

ou à leur consommation, quelle qu’en soit leur nature, qu’il

« économies d'énergie »1), qui nécessite le recours à une comptabilité de l'énergie ;

s’agisse par exemple de charbon, de gaz, de nucléaire ou de solaire… A service rendu équivalent, les prix permettent de

s LA RÏDUCTION DES ÏMISSIONS DE #/2 liées à la transformation, au transport ou à l'utilisation de l'énergie.

comparer l'efficacité économique de filières alternatives. Bien entendu, se trouve posé le problème de l'agrégation

S'est ajouté à cela un effritement de la signification du si-

de flux financiers répartis dans le temps et ceci est particuliè-

gnal prix dû au fait que des systèmes dirigistes de fixation des

rement important dans le domaine de l'énergie où les charges

PRIX DE CERTAINES FORMES DgÏNERGIE ÏNERGIES RENOUVELABLES

d'investissement sont lourdes et les revenus qui en résultent

essentiellement) sont venus se télescoper avec les méca-

répartis sur une longue période. La théorie de l'actualisation

nismes de marché en entraînant des dérèglements profonds,

a apporté à cette question une réponse jugée satisfaisante

au point, par exemple, d'engendrer de façon récurrente des

pendant des décennies, la fixation du taux d'actualisation

niveaux de prix négatifs pour les kWh électriques. Débous-

constituant pour les opérateurs économiques et pour l'Etat

solés, les prix ont cessé de constituer la référence pertinente

en particulier, une décision stratégique importante. Cette ap-

et primordiale pour la détermination des comportements et

proche économique a permis de donner de la rationalité aux

des investissements. Certains de ces critères para-économiques ont pris une

décisions très importantes prises en France en matière énergétique à la suite des deux premiers chocs pétroliers.

telle importance qu'il a été décidé de les inscrire dans la loi

Il y a cependant également nécessité à comptabiliser l'éner-

ou le règlement, transformant ainsi des grandeurs conçues

gie en termes physiques pour contrôler l'évolution des consom-

pour n'être que de simples indicateurs statistiques en fon-

mations, apprécier l'effort d'efficacité énergétique accompli,

dements de la politique énergétique. Il s'en est suivi une

juger du taux d'épuisement des ressources ou quantifier le taux

désoptimisation des comportements et des processus de

d'indépendance énergétique. Des facteurs de conversion entre formes d'énergie ont donc été mis au point et des structures de bilan énergétique ont été définies afin de pouvoir agréger

1

Pour apprécier l’impropriété de cette notion, nous renvoyons le lecteur à l’ouvrage « Comprendre l’énergie » publié par l’auteur de cet article aux Editions de l’Harmattan en avril 2014.

REE N°4/2014 69


GROS PLAN SUR

dĂŠcision et donc un coĂťt additionnel pour la collectivitĂŠ, Ă

dement moyen des centrales thermiques de l'ĂŠpoque, soit

une ĂŠpoque oĂš il faudrait faire preuve d'un maximum de

32,2 %, ce qui conduisait au ratio de 0,4 tec/MWh. Par la

rationalitĂŠ. Cette situation est grave et pernicieuse. Certaines

suite, le rendement des centrales s'est amĂŠliorĂŠ et les cen-

parties prenantes surfent sur la complexitĂŠ des choses et la

trales Ă fioul sont venues concurrencer les centrales Ă char-

logique apparente des critères de dÊcision ainsi mis en place

bon. Ainsi est nĂŠ en 1972, le coefficient d'ĂŠquivalence de

pour convaincre l'opinion du bien-fondĂŠ de leurs positions

1 MWh = 0,222 tep correspondant Ă un rendement moyen

qui ne sont en fait que le reflet d'une apprĂŠciation de la situa-

des centrales de 38,7 % alors que l'ĂŠquivalence physique est

tion qui leur est propre.

de 1 MWh = 0,086 tep. Lorsque l'ĂŠlectricitĂŠ d'origine nuclĂŠaire a commencĂŠ Ă se dĂŠ-

Nous consacrerons la suite de cet article Ă deux exemples caractĂŠristiques :

velopper Ă grande ĂŠchelle, le coefficient de 0,222 a ĂŠtĂŠ discutĂŠ

s CELUI DE LA COMPTABILITĂ? DES Ă?NERGIES EN Ă?NERGIE PRIMAIRE

mais n'a pas ĂŠtĂŠ fondamentalement remis en cause. Certains

s CELUI DU CONTENU EN #/2 du kWh ĂŠlectrique.

se souviennent que l’une des raisons en Êtait que ce coefficient

Le syndrome de l’Ênergie primaire La dÊrive des statistiques

permettait de faire apparaĂŽtre dans le bilan ĂŠnergĂŠtique national une croissance rapide de l'ĂŠnergie nuclĂŠaire et donc de rĂŠduire significativement le taux de dĂŠpendance ĂŠnergĂŠtique.

Dès que l'on a cherchÊ à dresser un bilan de la consomma-

Mais avec le dĂŠveloppement des ĂŠnergies renouvelables,

tion d'ĂŠnergie au niveau de la nation, la question s'est posĂŠe des

il est apparu qu'il n'ĂŠtait plus appropriĂŠ de faire supporter

coefficients d'ĂŠquivalence Ă adopter entre les diffĂŠrentes formes

par ces ĂŠnergies, dans les statistiques, des pertes corres-

d'ĂŠnergie. C'est ainsi qu'on a trouvĂŠ commode de mesurer les

pondant Ă un rendement de 38,7 %. En 2002, la France

consommations ou les ressources en combustibles fossiles en

a dĂŠcidĂŠ de s'aligner sur les conventions prĂŠconisĂŠes par

tonnes d'Êquivalent-charbon ou  tec , puis, de façon plus mo-

Lg!GENCE )NTERNATIONALE DE Lg%NERGIE !)% ET ADOPTĂ?ES PAR

derne, en tonnes d'ĂŠquivalent-pĂŠtrole ou ÂŤ tep Âť. Ainsi est nĂŠe

d'autres organisations internationales dont Eurostat, selon

une comptabilitĂŠ en ÂŤ ĂŠnergie primaire Âť, concept initialement

lesquelles dans les statistiques en ĂŠnergie primaire, toutes

assimilable Ă celui d'ĂŠnergie disponible dans la nature et trans-

LES PRODUCTIONS DgĂ?LECTRICITĂ? DgORIGINE RENOUVELABLE ĂŒ LgEXCEP-

formable Ă diffĂŠrentes fins. Curieusement, on notera que l'acro-

tion de la gĂŠothermie3) sont comptabilisĂŠes selon leur ĂŠqui-

nyme ÂŤ tep Âť peut ĂŠgalement se lire ÂŤ tonne d'ĂŠnergie primaire Âť

valent physique de 1 MWh = 0,086 tep, alors que l'ĂŠlectricitĂŠ

et la confusion entre les deux lectures est souvent faite.

d'origine nuclĂŠaire est comptabilisĂŠe selon l'ĂŠquivalence de

ConcatĂŠner des formes d'ĂŠnergies comparables, c'est-

-7H TEP RENDEMENT SUPPOSĂ? DE

Ă -dire aux caractĂŠristiques voisines et relativement inter-

Par contre, au niveau de l'emploi final, l'ĂŠlectricitĂŠ reste,

changeables, ne pose pas de problème majeur. La mission

quelle qu’en soit son origine4, comptabilisÊe à son Êquivalent

devient plus dĂŠlicate lorsqu'il s'agit de formes d'ĂŠnergie

ĂŠnergĂŠtique physique de 1 MWh = 0,086 tep.

fondamentalement diffĂŠrentes. L'ĂŠlectricitĂŠ pose ainsi un

Dans ces conditions apparaissent dans les bilans ĂŠner-

problème complexe compte tenu de ses spÊcificitÊs. L'Êlec-

gĂŠtiques en ĂŠnergie primaire publiĂŠs chaque annĂŠe par

tricitĂŠ est directement convertible en travail sans gĂŠnĂŠration

l'administration des pertes très importantes au niveau des

majeure d'entropie Ă la diffĂŠrence des combustibles fossiles.

CENTRALES NUCLĂ?AIRES lGURE

Comment peut-on dès lors l'agrÊger avec eux ? Par ailleurs,

Cette façon de compter a l'apparence de la logique mais

l'ĂŠlectricitĂŠ ne se rencontre pas Ă l'ĂŠtat natif dans la nature.

elle est spĂŠcieuse. Elle laisse croire que les centrales nu-

Elle a rĂŠsultĂŠ historiquement de la transformation de l'ĂŠner-

clĂŠaires sont seules Ă ĂŞtre Ă l'origine de pertes considĂŠrables

gie hydraulique puis des ĂŠnergies fossiles dans des centrales

-TEP ET QUgIL CONVIENT PAR CONSĂ?QUENT DE SgATTACHER ĂŒ

ĂŠlectriques. Plus rĂŠcemment, s'est dĂŠveloppĂŠe l'ĂŠlectricitĂŠ

les rÊduire en prioritÊ. Quoi de plus simple dès lors que de

d'origine nuclĂŠaire puis les ĂŠnergies renouvelables.

chercher Ă rĂŠduire les usages de l'ĂŠlectricitĂŠ puisque celle-ci

S'agissant de l'ĂŠnergie hydroĂŠlectrique qui rivalisa jusque dans les annĂŠes 60 avec l'ĂŠlectricitĂŠ produite par les cen-

est majoritairement d'origine nuclĂŠaire et en provenance de centrales dont le rendement est dĂŠclarĂŠ mĂŠdiocre ?

trales au charbon , il a paru pendant longtemps satisfaisant

En fait les pertes sont localisĂŠes tout au long de chacune

de la traiter statistiquement comme cette dernière et donc

des chaines ĂŠnergĂŠtiques ; qu'il s'agisse des pertes rĂŠsultant

de l'intĂŠgrer dans les bilans en ĂŠnergie primaire en adoptant

DU PREMIER PRINCIPE DE LA THERMODYNAMIQUE DĂ?FAUT DgISOLA-

2

un coefficient d'ĂŠquivalence entre MWh et ÂŤ tec Âť ĂŠgal au ren2

En 1949, l’Ênergie hydraulique assurait 60 % de la production d’ÊlectricitÊ du pays.

70

REE N°4/2014

La gÊothermie est comptabilisÊe avec un rendement de 10 % lorsqu’elle sert à la production d’ÊlectricitÊ. 4 Cette origine est Êvidemment indiscernable, nous y reviendrons à propos du contenu en CO2 du kWh. 3


❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱ RETOUR SUR

Ettore Majorana (1906-1938 ?) Marc Leconte Membre émérite de la SEE

un journal local. Après avoir complété une instruction reçue à domicile, fait habituel chez les Majorana, il commença en 1915 des études en tant que pensionnaire à l’institut Massimo de Rome où il termi-

Parler d’Ettore Majorana, c’est se heurter à plusieurs

nera ses études élémentaires avant de passer dans le

écueils : il n’a pas découvert de théorie physique qui

cycle secondaire au cours duquel il sautera la classe

ait révolutionné notre vision du monde comme ont pu

de cinquième. En 1921 sa famille vient s’installer à

le faire Newton ou Einstein. Cependant Fermi le tenait

Rome et il n’est plus pensionnaire. En 1923 il passe

pour un égal de ces derniers grands noms et, plus

son “diplomati di maturita classica” de fin d’études

on appréhende son œuvre scientifique, publiée ou

équivalent au baccalauréat. Il suit ensuite les traces

non publiée, plus on se trouve en accord avec Fermi.

de son père en entreprenant des études d’ingénieur

Enfin, dernière particularité, il

à l’université de Rome, avec

a mystérieusement disparu,

comme compagnon son frère

ce qui a donné à sa vie et à

Luciano. Il rencontre aussi, et

sa fin hypothétique un carac-

cela aura une grande impor-

tère tragique qui a masqué

tance pour la suite, Emilio

son œuvre scientifique. Les

Segré (futur prix Nobel) qui

actes

du centenaire de sa

suit les mêmes études. Après

naissance et la publication

avoir terminé un premier

d’ouvrages en français com-

cycle de deux ans, il continue

mencent à le faire connaître

dans une école d’application

en France. Nous allons dans

(Scuola di Applicazione di

ce qui suit tenter de faire

Ingeniera) qui durera trois

comprendre

que

années. A la fois dans cette

Majorana suscite aujourd’hui.

école et dans la précédente,

l’intérêt

Les premières années d’études

tion de pouvoir résoudre les problèmes difficiles, surtout

Ettore Majorana est né le 5 août 1906 à Catane

en mathématiques. En même temps, il peut se mon-

en Sicile de Fabio Majorana (1875-1934) et de Dorina

trer extrêmement critique vis-à-vis de l’enseignement

Corso (1873-1965). Sa famille était bien connue et

qu’il reçoit de ses professeurs.

même assez prestigieuse à Catane. Son père était le plus jeune frère de Quirino Majorana, professeur de

74

Majorana acquiert la réputa-

Bifurcation vers la physique

physique très connu à l’université de Bologne. Fabio

En 1927, au début de la deuxième année de l’école

quant à lui était directeur du téléphone à Catane et,

d’application, Emilio Segré décide de changer de do-

quelques années plus tard, inspecteur du téléphone

maine et de suivre, en 1928, un cursus de physique

du ministère des télécommunications à Rome. Sa

théorique, n’ayant pas achevé le cursus d’ingénieur (il

mère Dorina Corso descendait d’une vielle famille

n’a passé qu’un examen de physique). Majorana fera

sicilienne de Catane. Fabio et Dorina eurent cinq en-

de même, dans les règles, en en faisant la demande

fants, Rosina, Salvator, Luciano, Ettore et Maria.

officielle au cours de l’année 1928. Le 19 novembre,

Les membres de la famille remarquèrent très vite

il est admis en quatrième année, compte tenu de son

que le jeune Ettore possédait dès quatre ans des

cursus déjà effectué au sein de l’école d’application.

dons exceptionnels en arithmétique et en calcul men-

Ce changement d’orientation est lié au fait que Segré,

tal. Vers sa septième année, il était devenu un très

suivant un intérêt ancien pour la physique et sur les

bon joueur d’échecs à tel point qu’il fut remarqué par

conseils de Francesco Rassetti (physicien expérimen-

REE N°4/2014


Ettore Majorana (1906-1938 ?)

tateur), a rencontré Enrico Fermi qui vient d’être nommé

l’échange entre les deux a été raconté par plusieurs témoins

(novembre 1926) professeur de physique théorique à l’uni-

dont son biographe Amaldi qui était présent et montre cer-

versité de Rome [SP XXXIII). Enrico Fermi est en 1927 l’un

tains aspects du caractère de Majorana [SP XXXIII, EK 46].

des premiers chercheurs italiens à s’investir dans la physique

En effet, après avoir exposé ses intentions, Majorana s’en

qui se développe depuis une dizaine d’années sous l’impul-

va sans rien dire et revient le lendemain avec des solutions

sion de Bohr, Schrödinger, Heisenberg, Dirac et quelques

plus élégantes d’un problème sur lequel travaille Fermi (voir

autres. Segré sent probablement qu’une physique nouvelle

encadré sur le modèle Thomas Fermi). Il est donc intégré

est en train d’émerger et il convainc Majorana de le suivre

sans délai au petit groupe qui entoure Fermi. Il se révèle

dans cette voie, ce qu’il fera à une année d’intervalle.

bientôt comme un esprit exceptionnellement doué pour la

Fermi travaille à cette époque sur le modèle statistique

physique théorique qui le fait apparaître bien supérieur à ses

de l’atome et il cherche à s’entourer de jeunes physiciens.

collègues, doté d’une intelligence pénétrante et d’un esprit

Majorana rencontre Fermi au début de l’année 1928 et

critique impitoyable.

Le modèle Thomas Fermi Enrico Fermi est né le 21 septembre 1901. Son père

sauf l’hydrogène. Fermi imagine une méthode pour tenir

était employé des chemins de fer. Il fait des études bril-

compte pour chaque électron de la moyenne des autres

lantes au cours desquelles il montre un talent particulier

électrons qui créent un force répulsive diminuant l’attrac-

pour les mathématiques. En 1918 il rentre à l’Ecole nor-

tion du noyau. Le potentiel appelé potentiel universel de

male supérieure de Pise où il obtient son doctorat en 1922.

Fermi pouvait alors être calculé. Fermi travaillait sur ce mo-

Il est déjà considéré en Italie comme un expert en relativité.

dèle quand Majorana conduit par Segré, se présenta à lui.

Avec une bourse post-doctorale, il part

Il y avait là également Franco Rasseti et

à Göttingen en 1923 auprès de Max

Edoardo Arnaldi. Majorana écoute puis

Born. Il rentre ensuite en Italie pour

demande quelques explications puis

obtenir un poste temporaire auprès

disparaît sans rien dire. Il revient le len-

d’Orso Mario Corbino physicien, acadé-

demain en demandant à Fermi la table

micien, sénateur qui rêve de favoriser

qu’il a entrevue la veille. Tenant la table

l’émergence d’une nouvelle génération

à la main, il la compare avec un papier

de physiciens pour redonner à l’Italie le

tiré de sa poche dans lequel il avait cal-

rayonnement qu’elle avait du temps de

culé une table semblable, chez lui et en

Galilée. A Rome, Fermi accomplit des

moins de vingt-quatre heures, en trans-

recherches dans des domaines variés

formant l’équation du second ordre

mais il mène en Italie ses recherches

de Thomas Fermi en une équation de

de mécanique quantique dans un iso-

Riccati qu’il avait intégrée numérique-

lement total car personne n’est com-

ment. Une fois qu’il eût comparé les

pétent dans ce domaine. C’est pourquoi il se rend à Leyde,

deux tables, il déclara que la table de Fermi était correcte !

à l’institut dirigé par Paul Ehrenfest où il se plait beaucoup

C’est ainsi que Fermi pris conscience des capacités excep-

pour acquérir de l’expérience en physique quantique. En

tionnelles de Majorana.

1926, de retour en Italie, il obtient une chaire toute nou-

Fermi poursuivra une carrière brillante et sera récom-

velle de physique théorique ouverte à l’initiative de Cor-

pensé par le prix Nobel en 1938. La situation politique de

bino. Il va dès lors travailler sur les statistiques quantiques

l’Italie devenant insupportable, il émigre aux Etats-Unis la

dont la célèbre statistique de Fermi Dirac, le physicien

même année. Il contribua ensuite à la mise au point de la

anglais l’ayant découverte de manière indépendante. Il

bombe atomique.

développe un modèle atomique connu sous le nom de Thomas-Fermi1 qui est une façon approchée très efficace de traiter le problème du potentiel d’un atome possédant plus d’un électron, soit pratiquement tous les atomes

1

Le physicien anglais Llewellyn Thomas avait fait un calcul semblable qui s’applique à des atomes contenant au moins une dizaine d’électrons. Chaque électron est soumis au même potentiel attractif de symétrie sphérique dû au noyau et à l’ensemble des autres électrons.

REE N°4/2014 75


ENTRETIEN AVEC THIERRY GEORGES

Président du directoire d’Oxxius

La saga d’un entrepreneur high-tech français REE : Vous êtes aujourd’hui président du directoire d’Oxxius, pouvez-vous nous présenter brièvement votre société ? T. G. : Oxxius construit des lasers qui

effectués par les laboratoires univer-

Oxxius : une société high-tech spécialisée dans les lasers DPSS à semi-conducteurs opérant dans le spectre visible

sont utilisés dans les domaines de la

sitaires et par Oxxius. Les transferts de technologie venant de la recherche publique restent difficiles. Il faut, par exemple, payer cash la licence sur un brevet du CNRS sans savoir si on pourra réel-

métrologie et du biomédical. On les

REE : Que représente Oxxius

lement en tirer parti. Dans beaucoup de

trouve dans des appareils de vélocimé-

sur le marché ?

cas les SATT (Sociétés d’Accélération du

trie laser qui mesurent la vitesse d’écou-

T. G. : Nous fabriquons environ 500

Transfert de Technologie) ont tué dans

lement des fluides par exemple dans

lasers par an vendus entre 2 000 et

l’œuf des projets.

les souffleries ou bien dans les travaux

15 000

pièce. Nos clients sont plu-

La fabrication en France est possible

préparatoires d’implantation de champs

tôt à l’étranger et sont peu nombreux

dans notre domaine grâce à une bonne

d’éoliennes ou dans l’optimisation de

en France : les sociétés photoniques

efficacité qui compense l’application de la

leur fonctionnement. Ils sont aussi utili-

de taille intermédiaire ont hélas du mal

semaine de 35 h. Notre projet industriel,

sés pour la mesure des contraintes dans

à se développer en France. Le marché

de volume moyen et à hautes qualifica-

des structures en matériau composite

mondial sur lequel nous travaillons est

tions, s’y prête également. Aujourd’hui

(shearographie). Dans le domaine bio-

d’environ 200 M

: en 2013, le chiffre

nous avons 11 personnes en production

médical, on les utilise dans des appareils

d’affaires d’Oxxius s’est monté à environ

de niveau Bac Pro, éventuellement de

qui comptent et trient les cellules (cyto-

2 M . L’Amérique du Nord a représenté

niveau BTS.

métrie en flux).

45 % des ventes et l’Europe 30 à 35 %, pour l’essentiel en Allemagne, en Angle-

REE : De quels types de laser s’agit-il ?

terre et en Italie.

T. G. : Nos lasers couvrent le spectre vis-

L’environnement en France est favorable au développement. La fabrication y reste possible avec une forte motivation et un haut niveau de qualification

ible. Notre idée était de remplacer dans

REE : Oxxius est implantée en Bretagne

un certain nombre de domaines les

mais est très active sur le marché inter-

lasers à gaz (argon, hélium, néon) par

national. Peut-on encore développer et

des lasers solides à semi-conducteurs. Il

fabriquer en France ?

fallait pour cela trouver une technologie

T. G. : On bénéficie en France d’un en-

qui couvre une large gamme du spectre

vironnement très favorable au dévelop-

Pourquoi la Bretagne ? Il y a en Bre-

visible y compris le bleu cyan qui est très

pement. Au plan économique, le crédit

tagne un terreau de compétences dans

utilisé, notamment dans les lecteurs Blu-

impôt recherche constitue une incita-

le domaine de la photonique, des écoles

ray. Nous utilisons deux technologies de

tion très favorable et ne soulève pas de

d’ingénieurs et des startups… Certains

laser à semi-conducteur dont GaN et

difficulté pour les entreprises comme

pourraient hésiter avec Bordeaux qui

également la technologie DPSS (laser

Oxxius qui font vraiment de la recherche.

propose des aides au développement

semi-conducteur pompé par diode) qui

De plus, nous disposons de laboratoires

qui n’existent pas à Lannion mais globa-

date de 1988. A l’origine, elle donne des

de recherche universitaires de très bon

lement l’écosystème est favorable.

lasers fortement bruités : notre travail a

niveau mais qui cependant ne vont pas

été de rendre ces lasers monofréquenc-

assez loin dans le passage à l’applica-

REE : Votre parcours vous a amené

es. Nous avons retenu une technologie

tion. En Allemagne, les Instituts Fraun-

de la recherche à l’industrie, ce qui

d’assemblage par contactage molécu-

hofer sont davantage impliqués dans le

n’est pas si fréquent. Est-ce le fruit du

laire qui a été difficile à mettre en pra-

prototypage de solutions résultant de

hasard ou d’une volonté délibérée ?

tique : il nous a fallu 10 ans pour parvenir

leurs travaux de recherche. Dans notre

T. G. : Pour mon stage de fin d’année,

à l’utiliser efficacement.

domaine les travaux « amont » sont donc

lors de ma formation dans le corps des

REE N°4/2014 81


télécommunications, j’avais deux objec-

Ma première aventure, Algety, a demandé un investissement personnel considérable

tifs principaux, apprendre l’anglais et acquérir une connaissance profonde des lasers. C’est pour cela que j’ai choisi un stage aux États-Unis chez Quantel qui allait devenir Continuum, société spécia-

dement

lisée dans les lasers. Je devais contribuer

très forte implication de tous : de mon

à rénover le produit phare de la société

côté pendant un an, j’ai travaillé sans re-

qui représentait un quart de son chiffre

lâche. Assez rapidement, en novembre-

d’affaires. Ce stage a confirmé mon inté-

décembre 1999, nous avons pu signer

rêt pour les lasers mais finalement je m’y suis assez peu formé à l’optique car le travail de développement ne m’a pas laissé de temps pour le faire. A mon retour en France, j’ai été nommé au CNET à

progressé,

moyennant

une

des contrats de fourniture avec deux opé-

J’ai toujours souhaité monter mon entreprise mais réunir les fonds nécessaires était difficile

Lannion en 1989. J’y ai trouvé un très bon

rateurs nord-américains AT&T et QWEST. Ces signatures ont facilité l’accès à des financements complémentaires : l’argent était facile à trouver auprès d’investisseurs nord-américains. Nous décidons

environnement : Luc Jeunhomme qui

projet. Avec Innovacom, Banexi, New-

donc de foncer dans le développement.

avait constitué l’équipe à laquelle j’appar-

bury Ventures et Crescendo Ventures

Notre environnement était néanmoins

tenais y avait attiré des chercheurs bril-

comme actionnaires, il devenait possible

complexe : les investisseurs avaient évi-

lants. J’y suis resté dix ans travaillant sur

en 1999 de se lancer dans l’aventure de

demment un poids très important, les

les lasers et sur la transmission optique.

la construction d’Algety, société spéciali-

promesses de contrat changeaient la va-

sée dans les systèmes de transmission à

lorisation de l’entreprise et renforçaient

très haut débit par solitons.

encore leur influence sur la conduite de

Dès 1995, j’ai fait le projet de monter une société : une première tentative avec Sprint, alors partenaire de France

l’entreprise.

Télécom, pour développer des systèmes

REE : Quelles difficultés avez-vous eu

Terabit à solitons a échoué. Les projets

à surmonter dans ce parcours ?

de transmission optique à très haut débit

T. G. : Je n’avais aucune expérience

avaient du mal à démarrer en Europe car

de l’industrie et des systèmes de télé-

les opérateurs et France Télécom en par-

com. Au-delà de la couche de trans-

ticulier ne croyaient pas à l’explosion de la

mission sur laquelle j’avais porté toute

demande en transport de données. Les

mon attention, il fallait développer tout

investisseurs quant à eux étaient prêts à

l’environnement

néces-

mois d’existence d’Algety. Il est testé par

financer des opérations dans le domaine

saire, développer le logiciel embarqué

AT&T qui en est très satisfait. En mars

dans la Silicon Valley mais pas en Bre-

(firmware) et disposer des moyens de

2000, un deuxième tour de financement

tagne. J’ai cherché à obtenir 100 MF

gestion du système de transmission. Il

à la hauteur de 30 M

de société de capital-risque mais c’était

me fallait donc trouver de l’ordre de 150

investisseurs initiaux auxquels s’est asso-

impossible en France, ce n’était possible

personnes compétentes dans ces diffé-

cié Dassault. Devant le succès qui s’es-

qu’aux États-Unis.

rents domaines. Dans un premier temps,

quisse, de nombreuses offres de rachat

Arrive la période où le CNET encou-

électronique

Le projet industriel se déroulait bien mais les investisseurs ont souhaité réaliser leur gain Le premier système sort après 18

est assuré par les

je me suis évertué à :

d’Algety apparaissent : elles proviennent

rage un certain nombre de ses cher-

s BÊTIR LE NOYAU DE L ÏQUIPE EN M AP-

de Siemens, Corvis, Nortel… mais pas

cheurs à sortir du CNET : Innovacom

puyant sur des personnes venant du

d’Alcatel. Par ailleurs, les clients font pres-

la société de capital-risque du groupe

CNET et d’Alcatel, notamment des an-

sion pour qu’Algety augmente son capital

France

accompagner

ciens des équipes des systèmes sous-

de 200 M . La question posée est alors

financièrement les projets mais à un

Télécom

peut

marins Alcatel et des personnes ayant

de savoir si les actionnaires souhaitent

niveau insuffisant pour mon projet. Il se

acquis une expérience en gestion de

accompagner l’augmentation de capital

trouve alors que l’un des investisseurs

réseau à France Télécom ;

d’Algety ou bien vendre la société à cette

dans la société Highwave, startup fondée à Lannion par des ingénieurs du

s BÊTIR UN BUSINESS PLAN EN BÏNÏlCIANT occasion. Notre conclusion commune de l’aide d’un ami.

avec les actionnaires est de vendre à

CNET pour produire des amplificateurs

J’ai pu constituer ainsi une première

Corvis dont l’activité est alors très com-

optiques était un fonds américain. Il nous

équipe de 30 personnes compétentes

plémentaire à la nôtre : c’est donc Corvis

propose alors d’investir 5 M

pour démarrer les travaux. Ils ont rapi-

qui rachète Algety pour 200 M .

82

REE N°4/2014

dans mon


CHRONIQUE

Actualité de Norbert Wiener et de la cybernétique !

C

ette année 2014 aura été riche en

souffrant de troubles maniacodépressifs. Il per-

loisible de sauter dans une lecture s’attachant

cérémonies ou évènements mémo-

fectionna la lutte antiaérienne, mais refusa de

aux aspects les plus novateurs. Wiener y fait

riels, mais sans les éditions du Seuil

coopérer au programme Manhattan ; traumatisé

étalage de sa virtuosité intellectuelle à rappro-

et leur politique éditoriale, on aurait

par l’implication des scientifiques dans les tragé-

cher des domaines éloignés et l’ouvrage illustre

sans doute manqué d’honorer un des génies

dies nucléaires de 1945, il hésita à poursuivre

l’ambitieuse volonté d’élaborer des concepts

du siècle passé, Norbert Wiener. Il avait pourtant

ses recherches scientifiques et refusa tout crédit

qui, comme le sous-titre l’affiche, s’appliquent

droit à quelque témoignage de reconnaissance

d’origine militaire : cette attitude lui valut la sur-

au vivant comme à la machine. Ainsi plusieurs

puisque, né en 1894 – il y a juste 120 ans –, il est

veillance assidue du FBI, en particulier à la pé-

chapitres portent la marque d‘une double

décédé en 1964, après avoir donné en 1954 la

riode du maccarthisme. Simultanément, il se fit

approche, tels Machines à calculer et système

version définitive de son ouvrage le plus illustre.

l’apôtre d’une nouvelle religion laïque, marquée

nerveux, Apprentissage et autoreproduction des

par ses propres travaux, l’utopie de la communi-

machines ou encore Ondes cérébrales et auto-

Cette actualité éditoriale marque un regain d’intérêt pour l’homme et l’œuvre ; nous

organisation. Même si des thèmes tels que

avions signalé (REE 2013-1) la biographie de N.

rétroaction et oscillation, information et entropie

Wiener, traduite notamment par Robert Vallée,

commençaient alors à diffuser parmi les scien-

l’un de ses plus anciens et fidèles disciples fran-

tifiques et ingénieurs, on ne laisse point d’admi-

çais (Héros pathétique de l’âge de l’informa-

rer les synthèses, telles celles qui rapprochent

tion : en quête de Norbert Wiener, père de

les travaux de Gibbs et de Lebesgue, la théo-

la cybernétique, aux éditions Hermann). Le phi-

rie des groupes et la mécanique statistique…

losophe Pierre Cassou-Noguès s’était intéressé

Paradoxalement cet ouvrage n’était toujours pas

aux Démons de GÖDEL (Points Sciences 2012), l’éminent logicien contemporain de N. Wiener. Il se passionne pour Les rêves cybernétiques de Norbert Wiener, essai psychologique autant que philosophique qui replace notre héros dans son époque et témoigne d’une fort large documentation. Mentionnons aussi, pour les ouvrages de

Norbert Wiener LA CYBERNÉTIQUE Information et régulation dans le vivant et la machine 376 p. - 28

Cybernétique et société L’usage humain des êtres humains

Wiener, les érudites et passionnantes présenta-

224 p. - 8

disponible en français, alors même que les éditions Hermann l’avaient rapidement inscrit – en anglais – dans leur prestigieuse collection « Actualités scientifiques et industrielles » aux côtés de Einstein ou Bourbaki ! Après la percée conceptuelle que constitua La cybernétique, Wiener récidiva avec Cybernétique et société, dans lequel aucune

tions de Ronan Le Roux, qui annoncent une His-

équation ne vient rebuter ou effrayer le lecteur,

toire de la cybernétique en France de 1948 à

mais où les sciences humaines sont à la fois

1970 (à paraître dans les « Classiques Garnier »).

interpellées et enrichies : avec un sous-titre

Revenons brièvement sur la vie de N. Wiener

sur l’usage humain des êtres humains, on

que deux traits essentiels caractérisent : il fut

entre au cœur du fonctionnement de l’individu

d’abord un génie précoce et ensuite un mathé-

comme des sociétés. Information, commu-

maticien éminent ; les deux tomes de son au-

nication et régulation sont illustrées dans des aspects variés, allant du droit à la pédagogie,

tobiographie (non traduite en français) portent d’ailleurs des titres significatifs Ex-Prodigy & I

Pierre Cassou-Noguès

de la théorie du langage (avant Chomsky !) à

am a Mathematician. Mais on ne saurait ré-

Les rêves cybernétiques de Norbert Wiener

des considérations sur la seconde révolution

duire à ces seuls aspects la vie d’un prodige qui, sachant lire à 18 mois, entra à 11 ans à l’université et fut à 18 ans le plus jeune PhD de l’histoire de Harvard. Au hasard de ses séjours scientifiques, il fréquenta Russell et Hardy à

288 p. - 22 Ces trois ouvrages ont été publiés en avril 2014 aux éditions du Seuil, respectivement dans les collections Sources du savoir, Points Sciences et Science ouverte.

Cambridge, puis E. Landau et Hilbert à Göttin-

industrielle (au moment même de la découverte du transistor aux Bell Labs !). Les trois ouvrages récemment publiés au Seuil contribueront à réveiller et à stimuler la mémoire collective : le terme de cybernétique semble en effet quelque peu tombé en désué-

gen, puis aux USA, von Neumann et Shannon…

cation et se réfugia dans l’écriture, ce qui permet

tude, après de vives polémiques dans les années

A une exceptionnelle formation mathématique,

à P. Cassou-Noguès de compléter son ouvrage

50. Souhaitons que ceux qui sont concernés par

il ajouta une remarquable culture littéraire et

par une nouvelle retrouvée dans ses archives Un

l’automation et la commande, les machines de

philosophique : sa carrière universitaire com-

savant réapparaît.

communication et l’organisation, lisent Wiener et

mença d’ailleurs par l’enseignement de la phi-

Les deux ouvrages de base sur la cyberné-

ses analystes : ils seront éclairés sur leurs propres

losophie à Harvard, avant qu’il ne devînt l’une

tique sont enfin disponibles en français, dans

engagements professionnels et confortés dans

des stars du MIT en mathématiques !

des éditions enrichies. Ils n’ont pas le même

leur compréhension du progrès technique.

Génie romantique, Wiener fut aussi un gé-

statut : le premier s’appuie sur des arguments

nie tourmenté, marié à une femme odieuse et

et techniques mathématiques, qu’il est toutefois

B. Ay.

REE N°4/2014 87


Entre science et vie sociétale,

les éléments du futur Une publication de la

Edition/Administration : SEE - 17, rue de l’Amiral Hamelin - 75783 Paris cedex 16 Tél. : 01 5690 3709 - Fax : 01 5690 3719 Site Web : www.see.asso.fr Directeur de la publication : François Gerin Comité de rédaction : Bernard Ayrault, Alain Brenac, Patrice Collet, André Deschamps, Jean-Pierre Hauet, Marc Leconte

La SEE, société savante française fondée en 1883, forte de 3 000 membres, couvre les secteurs de l’Électricité, de l’Électronique et des Technologies de l’Information et de la Communication. Elle a pour vocation de favoriser et de promouvoir le progrès dans les domaines : Énergie, Télécom, Signal, Composants, Automatique, Informatique.

La SEE fédère un vaste réseau d’experts universitaires et industriels en faveur des

Rédaction : Catherine Vannier - Tél. 01 5690 3704 Promotion : Mellyha Bahous - Tél. 01 5690 3711 Régie publicitaire : FFE - Tél. 01 5336 3787 Abonnements : Tél. : 01 5690 3704 - www.see.asso.fr/ree Prix de l’abonnement 2014 : France & UE : 140 - Etranger (hors UE) : 150 Tarif spécial adhérent SEE : France & UE : 60 - Etranger : 70 Vente au numéro 2014 : France & UE : 32 - Etranger : 34 Conception & réalisation graphique JC. Malaterre - Tél. : 01 7946 1470 Impression : Jouve - 53100 Mayenne. Siège social : 11 Bd de Sébastopol - 75027 Paris cedex 1 Tél. : 01 4476 5440 CPPAP : 1015 G 82069

s 6 CLUBS TECHNIQUES Automatique, Informatique et Systèmes Ingénierie des Systèmes d’Information et de Communication Électronique Radar, Sonar et Systèmes Radioélectriques Électrotechnique Systèmes électriques s 12 GROUPES RÉGIONAUX

La SEE contribue à l’organisation et ses Groupes régionaux s Conférences nationales et internationales s Journées d’études thématiques s Conférences-Débat s Congrès internationaux, en partenariat ou non, avec d’autres sociétés scientifiques

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REE N°4/2014

Dépôt légal : octobre 2014

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