2015
EDITORIAL Régalez-vous, c’est autant que les Prussiens n’auront pas… Jean-Pierre Hauet
Numéro
1
ENTRETIEN AVEC Dominique Ristori L’Europe et l’Énergie
ÉNERGIE
TELECOMMUNICATIONS
SIGNAL
COMPOSANTS
AUTOMATIQUE
INFORMATIQUE
Cet aperçu gratuit permet aux lecteurs ou aux futurs lecteurs de la REE de découvrir le sommaire et les principaux articles du numéro 2014-5 de la revue, publié en décembre 2014. Pour acheter le numéro ou s'abonner, se rendre à la dernière page.
DOSSIERS
ISSN 1265-6534
L'ARTICLE INVITÉ
Géométries fractales et sciences de la complexité Application à la sécurité énergétique et au contrôle des blackouts électriques Par Alain Le Méhauté et Frédéric Héliodore
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EDITORIAL
JEAN-PIERRE HAUET
Régalez-vous, c’est autant que les Prussiens n’auront pas…
L
’année 2015 démarre pour l’économie française sous des auspices inattendus. La baisse des prix du pétrole, que beaucoup pensaient possible mais qu’aucun n’avait prévu, a ramené en cinq mois, d’août 2014 à janvier 2015, le prix du baril de 105 à 50 USD. Une telle baisse, jamais vue depuis 1986, vient alléger la facture énergétique de la France d’un montant inespéré : 11 Mrd EUR en 2014 et sans doute plus de 15 Mrd en 2015. Une somme considérable représentant à elle seule une injection dans l’économie française qu’aucun plan de relance n’aurait imaginé possible, surtout dans la période de disette budgétaire que nous connaissons. Au niveau européen, ce sont plus de 500 Mrd EUR qui pourraient être ristournés à l’économie européenne sur trois ans renvoyant au second plan les 315 Mrd EUR du plan Juncker de relance des investissements. Au niveau des pays en voie de développement, les sommes rétrocédées vers les pays consommateurs éclipsent très largement le financement de 100 Mrd USD que les pays riches se sont engagés à Copenhague à apporter d’ici 2020 aux pays en développement pour les aider à réduire leurs émissions et à s’adapter aux dérèglements climatiques. Pourtant peu de responsables politiques s’interrogent sur l’utilisation qu’il conviendrait de faire de cette manne. On disserte sur l’impact stratégique que peut avoir la baisse des prix du pétrole sur les relations avec la Russie et avec l’Iran, et sur la rentabilité des sociétés pétrolières, notamment celles engagées dans la mise en valeur des ressources en eau profonde ou des hydrocarbures non conventionnels. On s’interroge sur les conséquences néfastes qu’aura la baisse sur les économies des pays producteurs les plus dépensiers et dépourvus de réserves financières, Venezuela, Nigéria, Algérie, Equateur… mais aussi sur les effets bénéfiques qu’elle pourrait avoir sur le financement du terrorisme international.
Pour le reste, les pays consommateurs se contentent d’avaler la bouffée d’oxygène qu’on leur tend : « Régalez-vous, c’est autant que les Prussiens n’auront pas » aurait dit ma grandmère. Beaucoup de responsables se donnent bonne conscience en conjecturant : « Ça ne va pas durer » et c’est vrai ! La remontée du prix des hydrocarbures est inévitable et il y aura une quatrième crise de l’énergie avec à nouveau une hausse des prix du pétrole que l’on ne saura pas davantage maîtriser que les précédentes et qui à nouveau sera dommageable à nos économies. Le problème est que l’on ne sait pas quand cette nouvelle crise surviendra. En 1986 aussi, les tenants du « ça ne va pas durer » donnaient de la voix mais la pause a duré plus de 15 ans ! Dans notre livre « Comprendre l’énergie », paru en avril 2014, nous avancions que « le monde pourrait continuer à progresser tant bien que mal par une succession de stop and go générant à chaque étape des kyrielles de laissés pour compte ». Si nous ne réfrénons pas nos appétits gloutons, si nous ne nous préparons pas à faire face à la prochaine hausse du pétrole, nous ferons un jour définitivement partie de ces laissés pour compte. Ce devrait être un impératif majeur que de profiter des périodes d’accalmie pour se préparer à faire face aux prochaines bourrasques. Aujourd’hui, notre économie est si déprimée et l’opinion si remontée contre tout ce qui peut ressembler à une taxe, que nos politiques ont raison de laisser le citoyen souffler un peu et profiter d’une douceur qu’il n’espérait plus. Mais cela va à contrecourant des politiques de promotion de l’efficacité énergétique et des énergies alternatives que le gouvernement entend promouvoir. Certes, il récupère par litre de carburant et de gas-oil, depuis le 1er janvier 2015, 2,1 à 4,8 centimes supplémentaires de taxes intérieures, mais une telle hausse ne représente en année pleine que 1,1 Mrd EUR de recettes supplémentaires qui étaient déjà budgétées avant la baisse des prix du pétrole, notamment
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par le canal de l’écotaxe à laquelle la hausse de 2 centimes supplémentaires sur le gas-oil se substitue partiellement. Le gouvernement fait donc le pari d’une relance keynésienne en laissant le consommateur libre de dépenser l’essentiel du surplus dégagé. Fort bien ! Mais pendant ce temps la rentabilité de l’efficacité énergétique et des solutions alternatives aux hydrocarbures commence à se dégrader. Le premier indice est le recul des investissements des sociétés pétrolières vers les ressources les plus incertaines. Les écologistes s’en réjouiront au nom du principe selon lequel il est impératif à présent de laisser en terre les ressources fossiles. Mais c’est aussi la meilleure façon de préparer la future hausse des prix, en redonnant notamment aux pays du MoyenOrient la primauté qu’ils étaient en passe de perdre. Le véhicule électrique va voir son émergence rendue encore plus difficile et l’action de la société Tesla aux Etats-Unis a déjà perdu 25 % de sa valeur depuis septembre dernier. Le gaz, qui a conquis, grâce à la RT 2012, 75 % du marché des logements neufs, va voir son hégémonie renforcée et ce pour 100 ans, durée de vie moyenne des logements en France. Et ne parlons pas des énergies solaires ou éoliennes dont la rentabilité vacillante ne va pas se trouver renforcée. Dans le même temps, le financement des grandes
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actions de R&D sont à la peine et le financement du réacteur Astrid de 4e génération n’est pas acquis au-delà du stade de l’avant-projet. Curieusement la loi de transition énergétique, qui n’est pas avare sur les sujets traités, allant des centrales nucléaires aux couverts en plastique, ne parle pas des problèmes de financement. Là est pourtant l’enjeu essentiel. La sagesse vient peut-être d’outre-Manche où nos amis anglais ont décidé depuis le 1er avril 2013 un “carbon price floor” permettant d’atteindre progressivement la valeur cible du prix du CO2 de 30 £/t en 2020, quelle que soit la valeur du prix du carbone sur les marchés européens. A partir de 2015, le “carbon price support” ainsi levé atteindra 18,08 £/t et permettra de financer de nombreuses actions de développement de technologies bas-carbone. Pourquoi ne pas aller dans ce sens dans toute l’Europe et en France en particulier, en profitant des heures propices et en accompagnant une telle évolution d’une refonte de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) qui pèse de plus en plus lourdement sur les consommateurs d’électricité et finance aujourd’hui, au-delà du raisonnable, des énergies alternatives qu’il est temps de remettre dans le circuit du marché. Jean-Pierre Hauet Rédacteur en chef de la REE
sommaire Numéro 1
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EDITORIAL Régalez-vous, c’est autant que les Prussiens n’auront pas... Par Jean-Pierre Hauet
4 7
p. 1
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SOMMAIRE FLASH INFOS Communications HF à large bande avec forme d’onde à haut débit Avantages et limitations pour l’intégration des fibres optiques en milieux radiatifs La 3D plein les oreilles ! Le projet Argolight : enfin une solution d’étalonnage et de suivi pour les systèmes d’imagerie en fluorescence
20 ACTUALITÉS Un grand projet pour le Musée Ampère
22 A RETENIR Congrès et manifestations
p. 38
24 VIENT DE PARAÎTRE La REE vous recommande
26 ARTICLE INVITÉ Géométries fractales et sciences de la complexité. Application à la sécurité énergétique et au contrôle des blackouts électriques Par Alain Le Méhauté, Frédéric Héliodore
38 LES GRANDS DOSSSIERS Les démonstrateurs smart grids en France Introduction : Démonstrateurs et expérimentations smart grids en France p. 82
Par Thierry Sudret, Régine Belhomme
41
Evaluations économiques des smart grids. Enjeux, méthodes, état d’avancement et démonstrateurs Par Andrei Nekrassov, Sophie Chartres, Florent Chiappini, Mathilde Drouineau, Nouredine Hadjsaïd, Cédric Léonard
p. 26
p. 127
53
Par Michel Béna, Thierry Buhagiar, Christian Lemaître, Tanguy Janssen, Benjamin Guedou
63 p. 137
Photo de couverture © Francesco De Paoli - Fotolia.com
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REE N°1/2015
Apport des démonstrateurs « smart grids » dans le transport d’électricité et les architectures de marché
Enjeux et apports des démonstrateurs smart grids pour le réseau de distribution. Focus sur l’intégration de la production décentralisée Par Maria Sebastian Viana, Gilles Malarange, Nouredine Hadjsaïd, Marc Petit
Enjeux et apports des démonstrateurs smart grids pour l’évolution des métiers de la fourniture et des pratiques de consommation d’énergie Par Guillaume Lehec, Rafael Jahn, Etienne Gehain
82
Câbles et infrastructures optiques Introduction : Câbles et infrastructures optiques Par Jean-Pierre Bonicel, Patrice Collet
85
Du cuivre à l’optique : Une évolution irréversible vers le très haut débit Par Bruno Capelle, Hervé Touzeau
91
Les réseaux optiques « longue distance » : Historique et perspectives Par Nicolas Brochier
99
La fibre optique : retour sur 50 ans de développement. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Par Lionel Provost, Pierre Sansonetti, Laurent Gasca, Alain Bertaina, Jean-Pierre Bonicel
111 Des produits innovants : fibres, câbles, connectivité pour des infrastructures FTTH performantes et pérennes Par Jean-Pierre Bonicel, Laurent Gasca
127 GROS PLAN SUR … Le piégeage et la récolte de l’énergie. L’energy harvesting Par André Deschamps, Jean-Pierre Hauet
137 ENTRETIEN AVEC... Dominique Ristori, Directeur Général de l’Énergie, Direction Générale de l’Énergie, Commission européenne
L’Europe et l’Énergie
141 ENSEIGNEMENT & RECHERCHE L’optique en France, un secteur dynamique Par André Ducasse
147 Echos de l’enseignement supérieur Par Bernard Ayrault
149 CHRONIQUE Lumières sur l’optique… Par Bernard Ayrault
ETTC’2015 EUROPEAN TEST & TELEMETRY CONFERENCE
ETTC’2015
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9-11 June 2015 Toulouse - France Organized by:
152 LIBRES PROPOS La pensée stratégique de la Chine classique : Un enseignement pour l’Occident ? Par Jean-Pierre Bessis
155 SEE EN DIRECT La vie de l'association
www.see.asso.fr/ettc2015
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FLASHINFOS
La SEE décerne chaque année un certain nombre de Grands Prix destinés à récompenser et à faire connaître des travaux scientifiques et techniques de premier plan réalisés en France dans les domaines de sa compétence. Dans certains cas, la SEE s’allie à d’autres organismes pour sélectionner et honorer les lauréats. La Cérémonie annuelle des Grands Prix 2014 s’est tenue le 8 décembre 2014 et a été présidée par François Gerin, président de la SEE et Erich Spitz, membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie des Technologies, président du Comité des Grades et des Distinctions. La REE est heureuse de publier ci-après un ensemble de Flash Infos écrits par les lauréats et destinés à présenter les travaux qui leur ont valu d’être distingués.
chir sur certaines couches de l’atmosphère (ionosphère).
Communications HF à large bande avec forme d’onde à haut débit
Comme illustré en figure 1, l’ionisation des couches
Catherine Lamy-Bergot Grand Prix de l’Electronique Général Ferrié 2014 décerné par la SEE
l’établissement de communications transhorizon sans
situées entre 50 et environ 600 km d’altitude permet nécessiter l’emploi de relais car l’onde se propage par une ou plusieurs réflexions sur l’ionosphère et sur le sol et les communications HF peuvent ainsi être établies sur
Le Grand Prix de l’Electronique Général Ferrié récompense des travaux ayant contribué aux progrès de la radioélectricité, de l’électronique et de leurs applications. Décerné depuis 1949, il commémore les travaux du Général Ferrié, pionnier de l’utilisation de la radio auquel on doit des réalisations remarquables telles que la liaison Côte d’Azur-Corse dès 1901 et la première station radiophonique commerciale de la Tour Eiffel.
de longues distances malgré l’absence d’un trajet direct du à la courbure terrestre. Le canal HF permet également la propagation par onde de sol (onde guidée le long de la surface terrestre), second mode qui voit un canal moins perturbé mais n’est utilisable que sur des distances nettement plus courtes. C’est pour cela que c’est le mode ionosphérique qui est celui le plus utilisé, même si il est également le plus difficile. En effet, on observe sur le canal de propagation des multi-trajets importants (différents retards de propa-
Les transmissions en bande HF
gation correspondant aux différents trajets liés à la stra-
La gamme HF (pour High Frequency) est celle des
tification du milieu), des décalages Doppler et un éta-
ondes décamétriques. Cette bande de fréquence est uti-
lement spectral importants (liés à l’évolution moyenne
lisée depuis les débuts des ondes radios car elle permet
de l’altitude et de l’ionisation des couches le long de
des liaisons à très longue distance (> 10 000km) grâce
chaque trajet), des évanouissements temporels (liés
à la capacité des ondes à ces fréquences de se réflé-
à la non-homogénéité de l’ionisation des couches qui
Figure 1 : Mode de propagation ionosphérique pour les ondes HF.
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FLASHINFOS
provoque une réfraction diffuse de l’onde) et, comme sur
plus ou plus vite. Dans le contexte HF, cela se traduit par
tout autre canal de propagation sans fil, des atténuations
une demande supérieure à 64 voire 100 kbit/s. Enfin, un
importantes (distance parcourue par l’onde, absorption
troisième besoin est celui d’un renforcement de l’auto-
dans le milieu ionosphérique, possibles réflexions lors de
matisation, de façon à pouvoir s’adapter plus rapidement
rebonds sur le sol) ainsi que des sources de bruit (bruit
aux éventuelles variations du canal mais aussi masquer la
extérieur naturel : cosmique et atmosphérique, et bruit
difficulté du canal HF à l’utilisateur.
extérieur lié à l’activité humaine : interférences liées aux
Augmenter la puissance rayonnée pour améliorer la
autres utilisateurs et bruit industriel). De plus, en propa-
fiabilité, ou augmenter l’efficacité spectrale pour accroître
gation ionosphérique, la bande de fréquence utilisable
le débit maximal, se révèle soit impossible soit insuffi-
pour une communication entre deux points donnés
sant : les puissances employées sont déjà souvent su-
n’est pas la bande HF complète ([1,5 ; 30] MHz) mais
périeures à 100 W voire 1 kW et l’efficacité spectrale
une sous-bande comprise entre la fréquence minimale
maximale de la norme OTAN STANAG 4539 est déjà de
utilisable (ou LUF : Lowest Usable Frequency) et la fré-
3 bit/s/Hz. Conformément au théorème de Shannon, la
quence maximale utilisable (ou MUF : Maximum Usable
seule option est donc d’élargir la bande passante utile.
Frequency), ces fréquences étant définies notamment en
Mais on se heurte ici au revers de l’intérêt de la propa-
fonction de l’angle d’incidence, de l’état d’ionisation cou-
gation ionosphérique : sa capacité à se propager au-delà
rant sur le trajet entre les deux points.
de l’horizon et des frontières des états a amené à une
Les communications HF sont donc un domaine diffi-
définition internationale des fréquences utilisables pour
cile mais qui continue de présenter un intérêt très impor-
telle ou telle liaison… fragmentant la bande sur la base
tant en particulier pour les forces armées projetées du fait
d’une canalisation typique de 3 kHz, en particulier dans
de leur capacité en termes de distance couverte au-delà
les zones denses telle l’Europe ou le Proche-Orient. Re-
de l’horizon sans recours à un satellite ou à l’emploi de
quérir des largeurs de bande significativement plus large
stations relais.
(comme la norme américaine MIL STD 188-110C-D qui nécessite 24 kHz de bande pour atteindre des débits de
Emergence de nouveaux besoins
76 voire 120 kbit/s) se révèle en pratique illusoire dans
Les systèmes HF déployés actuellement sont princi-
ces régions car, outre la difficulté qu’il pourrait y avoir à
palement employés par les forces armées. Ils opèrent à
attribuer ou réattribuer à un même service différentes
l’alternat sur des bandes passantes typiques de 3 kHz,
fréquences contiguës potentiellement déjà en service,
avec des débits modems usuels de 600 à 4 800 bit/s,
les Etats n’ont en général tout simplement pas dans leurs
jusqu’à 9 600 bit/s en pointe. Suffisants pour des appli-
attributions officielles de telles fréquences contiguës.
cations de phonie, de télégraphie sans fil ou de transmis-
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sion de très courts messages, ces débits restent néan-
Une approche large bande et trans-couches : HF XL
moins limités, voire très limités, lorsque l’on calcule le
Pour répondre aux exigences formulées dans le
débit utile moyen fourni à l’utilisateur, c’est-à-dire que l’on
paragraphe précédent, nous proposons d’adopter une
prend en compte l’alternat, le temps de prise de liaison
démarche de type système, en considérant l’ensemble
(pouvant durer plusieurs minutes dans des cas défavo-
de la chaîne de communication et non pas simplement
rables), le temps de reprise sur perte du lien…
de se focaliser sur la partie modem comme l’ont pro-
L’évolution des télécommunications, dans les forces
posé certains de nos concurrents. Prenant en compte
armées et dans le monde civil, a fait émerger de nou-
la contrainte primaire de la disponibilité des fréquences
veaux besoins qui ne sont pas satisfaits par les solutions
d’émission, mais également le fait que le canal HF a sou-
actuelles. Tout d’abord, l’emploi de transmissions de
vent une bande de cohérence assez faible, la stratégie
données en sus des habituelles transmissions en pho-
la plus judicieuse est d’augmenter significativement la
nie introduit de nouvelles exigences de fiabilité (plus
bande passante du transmetteur, pour n’occuper que les
faibles taux d’erreur nécessaires). Ensuite, comme dans
canaux disponibles (c’est-à-dire faisant l’objet d’une attri-
toutes les autres gammes de fréquences, dans le sil-
bution par les autorités de gestion des fréquences mais
lage de l’essor impressionnant des télécommunications
également étant d’une qualité suffisante pour permettre
civiles (GSM, UMTS, LTE…), les utilisateurs demandent
une communication) et à ne pas transmettre de signal
des débits plus importants, permettant de transmettre
sur les autres. Ceci conduit à la définition d’une forme
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FLASHINFOS
Figure 2 : Principe de la forme d’onde multi-porteuses HF XL. d’onde multi-porteuses non contiguës, comme illustré
sité fréquentielle qui améliore le bilan de liaison moyen
en figure 2.
et donc la fiabilité du lien. Il est intéressant de noter que
Cette approche présente différents avantages : par
des essais préliminaires en configurations SIMO (Single-
construction, elle garantit que les fréquences utilisées
Input Multiple-Output) montrent que cette diversité de
seront bien libres et d’une qualité suffisante mais elle
fréquence reste importante même lorsque l’on la com-
permet également d’écouter sur une bande plus large
bine à une diversité de polarisation en réception.
que celle d’émission des signaux et ainsi de collecter de l’information sur le bruit ambiant (plancher de bruit), les
Les contraintes de la démarche,
variations des canaux proches (détection de brouilleurs,
les solutions applicables
détection de l’évolution de la bande LUF-MUF…). Au
Cette approche HF XL n’est cependant pas sans dif-
niveau de la gestion et du maintien du lien, cette capa-
ficultés techniques. La difficulté majeure se situe dans
cité en large bande sera particulièrement intéressante,
la partie « radio » : antenne, amplification et tête radio-
puisque l’on pourra aussi écouter plusieurs canaux en
fréquence. Il s’agit en effet tout d’abord de réaliser des
parallèle, par exemple pour prendre le lien plus vite ou
antennes suffisamment large bande tout en restant ac-
pour modifier les places des porteuses en fonction de la
cordables autour de la fréquence d’intérêt pour ne pas
qualité des différents canaux de la bande utile du trans-
trop fortement dégrader le bilan de liaison. A cet effet,
metteur. De plus, l’usage de transmissions sur une bande
nous avons développé de nouvelles antennes HF (pour
allant jusqu’à 200 kHz permet de bénéficier d’une diver-
les contextes naval et terrestre) qui ont été éprouvées
Figure 3 : Schéma bloc de la couche physique proposée pour HF XL.
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ACTUALITÉS
Un grand projet pour le Musée Ampère Une page d’histoire…
s LE musée de l’électricité qui, avec des maquettes interactives,
Né à Lyon en 1775, André-Marie
dont certaines d’époque, montre les découvertes fondamentales
Ampère passa son enfance et son adoles-
d’Ampère en 1820 et décrit l’essor scientifique et industriel de
cence à Poleymieux-au-Mont-d’Or, à 14 km
l’électricité au travers de nombreuses machines et instruments.
du centre-ville. Ses expériences et découvertes sont si importantes qu’en 1881, le Congrès international des électriciens donne son nom à l’unité d’intensité du courant électrique qui sera l’une des sept unités fondamentales du Système international d’unités. La SEE est propriétaire du domaine d’Ampère depuis 1928. L’acquisition fut possible grâce à une souscription internationale. L’intégration d’un musée de l’électricité dans la maison du sa-
Le sauvetage du musée en péril…
vant a été spécifiée dans le legs des deux généreux industriels
Le musée-maison d’Ampère a dû faire face à de graves menaces de glissements de terrain risquant de détruire ou d’endommager ses bâtiments. Des travaux de reprise des structures et des fondations ont été indispensables. Le financement de ces travaux de réhabilitation, réalisés en 2013 et 2014, a pu être réuni grâce à un très fort engagement de l’ « équipe Ampère » qui a su mobiliser des ressources locales auprès des élus et industriels et grâce à l’action volontaire de la Fondation du patrimoine qui a permis de bénéficier de donations de la Fondation Total.
américains, Hernand et Sosthène Behn (ITT). La SEE confia le domaine deux ans plus tard à la Société des amis d’André-Marie Ampère (SAAMA), créée pour perpétuer la mémoire du savant. Le musée a été inauguré le 1er juin 1931 par le président Édouard Herriot, maire de Lyon. La visite du domaine permet de découvrir, aujourd’hui : s LA Maison d’Ampère qui évoque l’éducation du savant à la « mode Rousseau » et sa vie et qui présente son œuvre ;
Cette opération a été une opportunité pour mettre en valeur deux magnifiques colonnes circulaires de grande hauteur en pierres dorées taillées, spécifiques des Monts d’Or mais devenues très rares. Au premier étage, une salle d’une capacité de cinquante personnes a été créée. La reprise de la structure et la rénovation du bâtiment, la construction de la salle, l’aménagement des abords ont nécessité 170 000 EUR. Pour terminer la salle, il faut trouver un financement d’au moins 50 000 EUR. Un ajout d’importance pour ce bâtiment est aussi l’installation de 45 m² de panneaux photovoltaïques sur le toit, offerts par EDF-Energies Nouvelles Réparties-Solaire et raccordés au réseau ERDF. La production journalière est de 40 kWh par beau temps et autour de 10 kWh par temps couvert. Pour être complet sur l’ensemble des travaux réalisés récemment, il faut mentionner la réfection de la salle de réception du musée (peinture et carrelage) dans les techniques de l’époque.
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REE N°1/2015
ACTUALITÉS
Le ministère de la Culture a dÊcernÊ fin 2013 le label  Maisons des Illustres  à la Maison d’Ampère, seul lieu d’habitation restant en France du grand savant, pour son entretien, sa mise en valeur et son ouverture au public. Ces rÊsultats sont aussi la reconnaissance des actions de l’Êquipe de bÊnÊvoles : les visites, les confÊrences, la participation aux JournÊes de la Fête de la Science et de celles du Patrimoine, l’animation des ateliers-dÊcouverte, la crÊation de nouvelles expÊriences dont le vÊlo à assistance Êlectrique, la gestion du site Web et l’entretien complet du musÊe et de ses extÊrieurs.
Une dynamique dans la communication‌ Il faut complÊter ce panorama par les actions de communication visant à faire connaÎtre et valoriser le musÊe. La visite du musÊe est facilitÊe par les audio-guides fournis et entretenus depuis 2007 par le Groupe rÊgional Rhône-Bourgogne de la SEE. Sous l’Êgide des Amis d’Ampère et de la SEE, le musÊe s’est rapprochÊ du musÊe de l’automobile Henri Malartre de RochetaillÊe et du laboratoire Ampère de l’universitÊ de Lyon. Cette entente a permis l’organisation d’Êvènements sur les quatre dernières annÊes, tel l’Ion Rallye, fondÊs sur les vÊhicules Êlectriques et dÊdiÊs à la promotion des musÊes. Le rallye de 2013 a ÊtÊ l’occasion d’installer sur le parking du musÊe une borne de recharge fournie par la CNR et gracieusement raccordÊe au rÊseau par ERDF. Le musÊe Ampère est le premier musÊe de France à permettre aux visiteurs ÊquipÊs en vÊhicules Êlectriques de refaire le plein d’ÊlectricitÊ pendant la visite ! Ce qui montre que ce musÊe n’est pas statique, il sait s’adapter au monde qui Êvolue.
L’avenir portÊ par un  grand projet ... et une commÊmoration en 2020 L’ambition est nÊe de vouloir se rassembler autour d’un grand projet d’avenir, porteur du nom d’Ampère, visant à moderniser et à amÊnager le site du musÊe et à participer encore davantage au rayonnement de la mÊtropole de Lyon et de la rÊgion Rhône-Alpes. La SociÊtÊ des Amis d’AndrÊ-Marie Ampère (SAAMA), la mairie de Poleymieux et la SEE s’unissent pour porter ce projet architectural et scÊnographique qui est aussi un projet pÊdagogique. Le montant est estimÊ à quatre millions d’euros. En 2015, une large campagne de communication auprès des entreprises, des Êlus et des collectivitÊs sera lancÊe pour trouver des soutiens financiers. Un grand dÎner de gala a ÊtÊ organisÊ, fin 2014, pour dÊtailler les orientations de ce projet en prÊsence du prÊsident de la MÊtropole de Lyon, GÊrard Collomb et de nombreuses personnalitÊs.
Les ambitions et les objectifs de ce projet sont de : s TRANSMETTRE UN PATRIMOINE HISTOrique et scientifique ; s FAIRE �CLORE DANS NOTRE JEUNESSE des vocations scientifiques ; s PARTICIPER AU D�VELOPPEMENT DU TOURISME s ASSURER LA PROMOTION DES �NERGIES RENOUVELABLES Le site du musÊe Ampère prÊsente en dÊtail ce dossier. La rÊalisation du projet pourrait être couronnÊe par la cÊlÊbration des 200 ans de la dÊcouverte des lois fondamentales de l’ÊlectromagnÊtisme (1820) en organisant un Êvènement national : le transfert des cendres d’Ampère au PanthÊon (actuellement au cimetière de Montmartre). C’est une œuvre de grande et longue haleine demandant un travail de lobbying important auprès de la presse et des corps constituÊs qui ne peut être menÊe qu’en symbiose Êtroite entre le niveau national et le niveau local. Il ne fait pas de doute que ce transfert aura des rÊpercussions importantes sur Poleymieux, sur Lyon et sur le nombre de visiteurs du musÊe. Ajoutons que l’idÊe de ce transfert a dÊjà ÊtÊ suggÊrÊe en 1921, en prÊsence du prÊsident de la RÊpublique de l’Êpoque Alexandre Millerand, par le docteur Mailloux, prÊsident de la Commission Êlectrotechnique internationale.
Un homme emblÊmatique‌ AndrÊ-Marie Ampère est un exemple dans le monde scientifique. Savant en mathÊmatiques, physique, chimie, astronomie, botanique‌ il sut aussi être humaniste. Entretenir sa mÊmoire et permettre à chacun de dÊcouvrir ses expÊriences, participe du rayonnement culturel d’une rÊgion mais aussi du souvenir de l’un des derniers savants universels. La France a dÊjà marquÊ sa reconnaissance, chaque ville a une place ou une rue Ampère, nous pensons que la rÊalisation de ce projet pÊrennisera le musÊe en modernisant la prÊsentation des collections et sera le tÊmoignage que tous les français veulent rendre à Ampère qui leur a apportÊ la  lumière  !
Texte et photos : Geneviève Comte-Bellot, prÊsidente de la SAAMA - Georges Delorme, dÊlÊguÊ gÊnÊral de la SAAMA AndrÊ Gromier, vice-prÊsident SEE Rhône-Bourgogne et administrateur de la SAAMA - Patrick Leclerc, prÊsident SEE Rhône-Bourgogne et administrateur de la SAAMA, Christian Barberon, infographiste et membre de l’Êquipe des bÊnÊvoles. Maison d’Ampère - MusÊe de l’ElectricitÊ - 300, route d’Ampère - D73 69250 Poleymieux-au-Mont-d’Or Ouverture : samedi de 14 h à 18 h et dimanche de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h - Tous les jours pour les groupes sur rendez-vous au 04 78 91 90 77. Accès : Un parking et une borne de recharge sont à la disposition des visiteurs. L’accès est possible en 30 min par la ligne de bus TCL n° 84 qui part de la Gare de Vaise. Site internet : www.amperemusee.fr Contact : ampere69250@gmail.com
REE N°1/2015 21
L'ARTICLE INVITÉ
ALAIN LE MÉHAUTÉ1 FRÉDÉRIC HÉLIODORE2 Materials Design SARL & Inc. et Institut franco-québécois1 R&D Project leader, Automation and Smart Grid solutions - Alstom Grid2
Géométries fractales et sciences de la complexité Application à la sécurité énergétique et au contrôle des blackouts électriques ABSTRACT The power plants and the coupling in space and time of their distribution and fields of consumption, lead electrical networks of being “complex systems”. Such systems are characterized by dynamic singularities under the control of entangled causalities which condemn any intuitive mastery of sometimes chaotic and even catastrophic behaviors. Facing them, the intuitive rational control must give way to a simulation which has especially to take into account the multi-evaluation of response functions. This feature, leads however to refer the behavior of these systems to the dynamics on hyperbolic manifolds, and especially on their most common physical archetype: the fractal geometries. We show that the singularities are distributed according to scaling laws associated to these geometries. The experimental relevance of these laws is confirmed and with it, the efficiency of simulation tools developed to give to the technical and political actors, the tools required to monitor, manage and anticipate the network behavior.
26
REE N°1/2015
L'ARTICLE INVITÉ
Une nouvelle classe d’objets scientifiques : les « systèmes complexes »
L
Les membres du Comité de pilotage du Réseau national des systèmes complexes (RNSC) ont, au cours des dernières
es « systèmes complexes » constituent une nou-
années, convenu de définir un « système complexe » selon
velle classe « d’objets » de recherche « scienti-
trois composantes principales :
fique ». Ils exigent en effet une extension de
s UNE COMPOSANTE i NOUVEAUX OBJETS w AFFECTÏS DE CARACTÏRIS-
la méthodologie cartésienne de connaissance
tiques universelles telles que l’autosimilarité ou/et la renor-
à des champs d’entendement et d’expérimentation, certes
malisation [3]. L’archétype est ici « l’objet fractal » [4] ;
de moins en moins systématiquement reproductibles, mis
s UNE COMPOSANTE i NOUVELLES MODALITÏS DE REPRÏSENTATION
en ordre et mesurés [1], mais ne relevant pour autant ni des
de la chose complexe », problématiques auxquelles nous
seules statistiques ni de la chose impensable [2] : systèmes
confrontent les grandes bases de données (“big data”) et les
vivants, systèmes économiques financiers et sociaux, grands
« phénomènes saturés » [2] (lorsque l’intuition de l’unité de
dispositifs d’ingénierie interconnectés, évènements histo-
la « chose » dépasse nos facultés de représentation ration-
riques à très faible probabilité, écologie, etc. Bien que leur
nelle immédiate, obligeant à utiliser des artefacts d’entende-
définition formelle ne fasse pas l’unanimité et bien que la
ment justifiés par la seule efficacité) ;
« causalité » cartésienne, fondement de la démarche scienti-
s UNE COMPOSANTE i AMBIGUÕTÏ w ATTACHÏE Ì DES DISTINCTIONS
fique, doive alors faire place à une « causalité intriquée et/ou
— entre autres sujet-objet ou/et local-global — à revisiter. La
simulée », un constat s’impose : il s’agit de systèmes n’entrant
dualité onde/corpuscule et local/non local en mécanique
pas stricto sensu dans le cadre d’une connaissance au sens
quantique est un exemple qui illustre cette composante de
traditionnel. En particulier, notre rapport à de tels objets est
la complexité.
par essence irréductible au projet Laplacien selon lequel la
En dépit de la diversité des problématiques, on peut ob-
connaissance du passé (et/ou de la partie) donne toutes
server qu’une des caractéristiques communes des systèmes
prédictions sur le devenir (ou/et sur la phénoménologie
complexes est la propriété d’arborescence, qui implique des
globalement attachée à l’objet). Les méthodes scientifiques
cascades hiérarchiques et des ultramétriques pour les me-
de type analytique et réductionniste se heurtent ici à des
sures de distances entre nœuds. Cette propriété associe de
limites théoriques et pratiques aujourd’hui sans alternatives
facto l’algèbre de ce type de systèmes — c’est-à-dire notre
assurées et mettant en outre en question la notion même de
capacité à les composer et à les décomposer— aux groupes
causalité donc de temporalité.
dits hyperboliques eux-mêmes associables à des propriétés
Figure 1 : Exemple de représentation de l’arborescence fractale du réseau www en fonction des opérateurs.
REE N°1/2015 27
L'ARTICLE INVITÉ
Figure 2 : Exemple de constructions de géométries fractales. d est la dimension. De gauche à droite : courbe de Koch, courbe de Peano et escalier du diable sur structure cantorienne.
de renormalisation. Ce constat est évident si l’on s’intéresse
tique et scientifique considérable qui fut servi par la puissance
par exemple à la construction des objets fractals.
de traitement croissante des cartes graphiques associables aux
L’arbre y apparaît comme la structure duale naturellement
ordinateurs. La simulation se dotait alors d’une capacité réelle
associée à l’évolution dans l’ordre hiérarchique. L’arbre peut par
de représentation et de décodage de la complexité.
ailleurs être pris à rebours pour le traitement des “big data”
Ce succès était mérité pour plusieurs raisons [6] :
dont les représentations pointent systématiquement sur des
s PAR LE TRUCHEMENT DE LA THÏORIE DE LA MESURE LA FRACTALITÏ
arborescences et des lois d’échelle (exemple figure 1). Enfin,
pose la question centrale de la récursivité en géométrie
comme l’avait perçu Henri Bergson [5], c’est par le truche-
mais aussi en analyse. Cette récursivité ramène aux problé-
ment du concept de temps (irréversible), que l’on peut
matiques soulevées par les automorphismes et les endo-
aborder de manière critique la question de la séparation
morphismes, deux champs d’interrogations majeures en
sujet-objet. En effet, l’incertitude qui affecte notre rapport
théorie des groupes ;
aux systèmes complexes introduit dans l’action un facteur
s EN L ABSENCE DE CONVERGENCE DES SÏRIES GÏOMÏTRIQUES LA
entropique. Une rapide analyse dimensionnelle portant sur
fractalité pose de manière pratique la question de l’actuali-
la conjugaison des deux composantes, action et entropie, fait
sation de l’infini, mettant ainsi en exergue l’importance de
émerger une variable qui n’est autre que le temps.
ce que l’on appelle en mathématique la compactification1 ;
Dans tous les cas, la fractalité géométrique et les dyna-
s PAR UNE SIMPLICITÏ FONCTIONNELLE OPPOSÏE Ì UNE COMPLEXITÏ
miques d’ordre non entier qu’elle induit sont d’excellents
géométrique, non sans puissance artistique [7], la géomé-
guides pour penser l’universalité de la complexité. Comme le
trie fractale pointe ses liens étroits avec la notion de variétés
montre par exemple le mouvement brownien fractionnaire,
et de groupes hyperboliques, interrogeant alors en profon-
la fractalité véhicule, dans sa pratique géométrique et analy-
deur, et au-delà de la seule statistique, une thermodyna-
tique, des questions interrogeant la conjugaison du hasard et
mique à repenser ainsi que sa variable phare, l’entropie qui prend ici un tour géométrique ;
de la nécessité, du déterminé et du contingent, du présent et de la mémoire. La question de l’évènement comme sin-
s ENlN PAR LE LIEN ENTRE FRACTALITÏ ET ANALYSE FRACTIONNAIRE LE
gularité dans le temps — dont le “blackout” électrique est un
terme « fractal » ouvre la voie à de nouvelles interrogations
exemple qui sera développé plus loin — relève à l’évidence
dynamiques, en particulier celle de l’absence de vitesse,
de ce type d’interrogation.
donc d’invariant énergétique (au sens de Noether). Le rôle des facteurs d’échelle entraîne que le temps et l’espace ne
De l’objet fractal et de son introduction en physique
peuvent être découplés2. En effet, comme il est facile de le comprendre à partir des courbes de von Koch et de Peano
On doit à Benoît Mandelbrot, en 1975, tout à la fois le
(figure 2), pour chaque niveau d’échelle spatiale, chaque
terme de « fractal » et la synthèse lumineuse de probléma-
étape de construction doit correspondre à une fréquence
tiques qui, initiées avec Leibniz, ont interrogé successivement
d’horloge particulière. Or l’unité de l’objet fractal exige une
Liouville, Weierstrass, Cantor, Peano, Hausdorff, Sierpinsky et
mesure invariante, ici construite comme produit non linéaire
bien d’autres grands mathématiciens. Bien que le mot n’ait
entre la fréquence et l’échelle spatiale à la puissance de la
pas été défini, et sans doute pour cette raison, la fractalité eut,
1
après un bref temps de latence (10 ans), un succès média-
2
28
REE N°1/2015
Voir le glossaire en fin d’article. Le lien entre géométrie fractale et temporalité est explicité dans l’encadré 1.
LES GRANDS DOSSIERS
Introduction
Démonstrateurs et expérimentations smart grids en France 2014 a été une année ma-
à ces « recommandations »,
jeure et charnière pour les
permettant un débat riche et
smart grids en France.
constructif, propice au déve-
Une année majeure car
loppement industriel des ré-
les premiers démonstrateurs
seaux électriques intelligents
lancés il y a quelques années,
et à donner un rôle moteur à
le plus souvent initiés dans le
la France en la matière. Une année majeure tou-
cadre des appels à manifestation d’intérêt de l’ADEME, ont commencé à produire des
Thierry Sudret ERDF
Régine Belhomme EDF R&D
route du plan « Réseaux électriques intelligents » (REI) a
résultats. Ils ont globalement respecté les échéances de livrables, ainsi que les jalons
été présentée et validée à l’Elysée. Ce plan, piloté par
fixés. Des premiers enseignements et éclairages pré-
Dominique Maillard, président de RTE, s’inscrit dans le
cieux ont été apportés sur trois plans :
projet de la Nouvelle France industrielle, structuré en
s LES INNOVATIONS TECHNIQUES TANT EN MATIÒRE DE COMposants réseau, que de télécoms, de systèmes d’information (SI) et de gestion des données ;
38
jours, car le 7 mai la feuille de
34 chantiers et lancé par le gouvernement en septembre 2013. Ce plan de reconquête industrielle mobilise l’en-
s LES MODÒLES ÏCONOMIQUES ET RÏGULATOIRES PAR DES
semble de la filière des réseaux électriques intelli-
analyses des coûts et bénéfices liés au déploie-
gents. Il vise à court terme à constituer « l’équipe
ment des solutions smart grids et de la répartition
de France des réseaux électriques intelligents » en
de la valeur créée entre les parties prenantes. Ces
fédérant la filière, puis à moyen terme à passer des
analyses sont complétées par l’identification d’évo-
démonstrateurs à un déploiement industriel ciblé des
lutions nécessaires sur les plans réglementaires et
solutions REI, et enfin à plus long terme à préparer la
régulatoires pour contribuer à faire émerger progres-
compétitivité de la filière. Ainsi à l’horizon 2020 l’am-
sivement des modèles d’affaires bénéfiques pour la
bition est de placer les industries françaises en chefs
collectivité et viables pour les différents acteurs ;
de file dans une compétition mondiale stratégique et
s ET ENlN LE COMPORTEMENT DES CLIENTS COMME L AC-
de créer au moins 10 000 emplois globalement pour
ceptabilité de possibles nouvelles règles du jeu
le secteur. Le plan couvre un spectre très large, de l’ac-
(signaux tarifaires dynamiques, effacements…) ou la
compagnement des PME et des start-up, à la question
capacité à faire évoluer leurs comportements, con-
de la normalisation, en passant par la création d’une
courant ainsi par exemple à développer davantage la
association pour fédérer la filière française. Une des
gestion active de la demande.
actions phares, pilotée par ERDF, a pour but d’organi-
Une année majeure encore, car, suite à la consul-
ser un déploiement à grande échelle des réseaux élec-
tation menée à la fin de 2013, la Commission de
triques intelligents en France sur une zone de taille
régulation de l’énergie (CRE) a publié à l’été 2014
significative combinant des territoires ruraux, urbains
ses recommandations pour faire évoluer les réseaux
et industriels autour d’une métropole.
électriques intelligents en basse tension, traitant de
Une année majeure enfin pour les smart grids, avec
nombreux sujets comme le comptage évolué, la mise
le débat sur le projet de loi « Transition énergétique ».
à disposition de données, l’insertion des bornes de
Cette loi est doublement fondamentale pour les smart
recharge des véhicules électriques, l’autoproduc-
grids. Non seulement elle éclaire la finalité collective
tion, les flexibilités, le raccordement des installations
des smart grids, mais elle précise également certaines
de production ou de consommation, ou encore le
conditions de leur déploiement comme dans l’article
stockage d’électricité et la normalisation. Les premiers
59 qui offre la possibilité d’une organisation conjointe
enseignements des démonstrateurs ont constitué une
par les gestionnaires de réseaux et les collectivités
des bases des réponses des acteurs des smart grids
publiques d’un déploiement expérimental sur un
REE N°1/2015
Introduction
LES GRANDS DOSSIERS
ensemble de départements de réseaux électriques
précédemment, lancé sous l’égide des ministères en
intelligents ou de dispositifs de gestion optimisée de
charge de l’énergie et de l’industrie et piloté par ERDF,
l’énergie.
pour le déploiement à grande échelle dans le cadre
A l’image de 2014, 2015 est une année tout aussi
du plan Réseaux électriques intelligents. Destiné aux
cruciale. En effet, la France est le pays hôte de la 21e
collectivités territoriales et établissements publics de
conférence climat ou COP21, qui se tiendra fin 2015
coopération intercommunale, il permet de :
(Paris Climat 2015). En tant que pays assurant la prési-
s DISPOSER D UNE RÏALITÏ OPÏRATIONNELLE Ì UNE ÏCHELLE
dence de la COP, elle doit assurer un rôle de facilitateur
plus grande que celle des démonstrateurs, qui puisse
auprès de toutes les parties de la négociation, pour
servir de vitrine industrielle ;
rapprocher les points de vue et permettre une adoption de l’accord à l’unanimité.
s VALIDER DANS UNE VISION SYSTÒME TECHNIQUE ÏCONOmique et sociétale, à plus grande échelle la crédi-
Cette conférence est déterminante car, sur la base
bilité et la pertinence d’un ensemble de solutions
des travaux de la COP20 à Lima, elle doit permettre de
étudiées individuellement dans les démonstrateurs ;
conclure un accord international sur le climat qui per-
s ÏVALUER LES CONSÏQUENCES D UN DÏPLOIEMENT GÏNÏRA-
mettra de contenir le réchauffement global en deçà de 2 °C, au travers de toute une série de décisions :
lisé, notamment des gains/surcoûts engendrés. C’est sur cette zone retenue que les gestionnaires de
s EN PREMIER LIEU UN ACCORD CONTRAIGNANT QUI S APPLI-
réseaux déploieront massivement à partir de mi-2017
querait à tous les pays pour faire face au dérègle-
les technologies et les solutions qu’ils auront retenues.
ment climatique ;
Ce projet industriel illustre parfaitement l’intention de
s EN SECOND LIEU DES CONTRIBUTIONS NATIONALES ET DES
la France dans la COP21 de fédérer gestionnaires de
modalités de financement des actions contre le
réseaux et acteurs industriels, Etat, collectivités terri-
changement climatique ;
toriales et associations pour le développement d’une
s ET POUR lNIR DES INITIATIVES DÏVELOPPÏES AU NIVEAU
économie bas carbone.
infra-étatique, par les collectivités locales, les orga-
Dans ce contexte, le présent dossier vise à dresser, à
nisations de la société civile et les entreprises, pour
travers quatre articles, un panorama des enjeux et des
amplifier la mobilisation et s’ajouter aux contribu-
apports des démonstrateurs smart grids pour le sys-
tions des Etats, en matière d’adaptation aux évolu-
tème électrique français selon différentes perspectives
tions climatiques, de développement des énergies
et pour différentes parties prenantes. Il présente des
renouvelables et de développement des technolo-
premiers enseignements et éclairages qui ont été ap-
gies nécessaires à une transition vers des économies
portés par ces démonstrateurs sur les trois plans men-
à bas carbone.
tionnés plus haut, à savoir les innovations techniques
C’est dans ce contexte que les réseaux électriques
ou technologiques, les modèles économiques et
intelligents rentrent dans une nouvelle phase opéra-
régulatoires, et le comportement et l’acceptabilité des
tionnelle, l’industrialisation, étape appelée de leurs
clients. Il donne également des exemples de travaux
vœux par l’ensemble des parties prenantes. S’ap-
prévus pour les années à venir. Mais il n’a cependant
puyant sur les premiers résultats des démonstrateurs
pas la prétention de réaliser une couverture exhaustive
partagés et analysés, comme on l’a vu, en 2014, elle
de ces sujets très vastes.
organise la transformation des prototypes en objets et
Le premier article traite des évaluations éco-
solutions industriels, comme les smart postes sources
nomiques des smart grids. Il en présente les enjeux et
HTB/HTA et postes de distribution HTA/BT, la super-
les principales méthodes qui ont été développées à
vision du réseau BT, l’agence de conduite HTA de de-
cette fin, telles que les analyses coûts-bénéfices (ACB) et
main ou encore la transformation du consommateur
les modèles économiques multi-agents. Il donne égale-
BT en « consomm’acteur BT » grâce notamment au
ment un panorama des programmes smart grids dans le
compteur communicant. En parallèle, les travaux de
monde, ainsi que des projets démonstrateurs en France
recherche et d’expérimentation se poursuivront, pour
avec leurs principaux objectifs.
obtenir les résultats attendus et continuer à dévelop-
Après une description des enjeux des gestionnaires
per des solutions innovantes et économiquement per-
de systèmes électriques et de réseaux de transport
formantes.
européens, le deuxième article explique l’importance
L’action phare de cette nouvelle phase est assu-
de l’introduction de l’intelligence à différents niveaux
rément l’appel à candidatures et à projets, évoqué
(physique, logiciel et marché) et mailles spatiales,
REE N°1/2015 39
LES GRANDS DOSSIERS
Introduction
ainsi que le rôle joué par RTE, gestionnaire du réseau
des EnR dans les réseaux de distribution. Il termine en
de transport français. Il présente ensuite les apports
mentionnant les besoins en recherche et développe-
des démonstrateurs à travers trois exemples : « Poste
ment dans ce domaine au-delà des démonstrateurs. Le dernier article s’attache aux
intelligent » pour tester les capacités de systèmes de contrôle-com-
Thierry Sudret est le directeur du
apports des démonstrateurs pour
mande de postes numériques
projet Smart grids à ERDF, en charge
l’évolution des métiers de la four-
dotés d’une nouvelle architecture et de nouvelles fonctionnalités, « iTesla » qui vise à développer une nouvelle génération d’outils pour l’analyse de la sécurité du réseau électrique et NEBEF qui définit un
de la coordination du programme de démonstrateurs smart grids et des enseignements que l’on peut en tirer. Son expérience inclut des postes de management à ERDF, EDF et GDF Suez dans les domaines de la distribution et du transport d’électricité, de la
niture d’électricité et des pratiques de consommation des clients. Il passe en revue les enjeux des fournisseurs, la conception et le test de nouvelles offres aux clients, le développement de la fonction d’agré-
finance et de l’optimisation-trading. Il
gation de la flexibilité des clients et
pour favoriser la gestion active de
a, en parallèle, enseigné l’économie à
le besoin de solutions techniques/
la demande.
l’ENSTA. Thierry Sudret est ingénieur
technologiques appropriées pour
nouveau mécanisme de marché
en télécommunications et diplômé de
leur mise en œuvre. Les apports
enjeux et apports des démonstra-
l’Institut d’Etudes Politiques de Paris.
et les résultats des démonstrateurs
teurs smart grids pour le réseau de
Régine Belhomme est chef de projet
sont ensuite illustrés à travers les
distribution en considérant princi-
et ingénieur senior au département
exemples de deux projets, faisant
Le troisième article aborde les
palement l’intégration de la production décentralisée qui en constitue un challenge majeur. Il commence par exposer les évolutions nécessitées par le développement de la production décentralisée et en particulier des énergies renouvelables
EFESE (Economie, fonctionnement et études des systèmes énergétiques) à la R&D d’EDF. Après avoir travaillé à Hydro-Québec (Canada), elle a rejoint EDF en 1998 et a mené des travaux sur l’insertion de la production décentralisée et des énergies renouvelables
intervenir des clients résidentiels. Cet article aborde également le retour d’expérience des expérimentateurs et l’acceptabilité des clients face aux nouvelles offres et aux technologies smart installées chez
dans les réseaux électriques. Depuis
eux. Avec les smart grids, les clients
(EnR) intermittentes. Il présente
2007, elle est en charge de projets
deviennent « acteurs » à travers la
ensuite les problématiques traitées
sur le développement de la demande
flexibilité de leur consommation.
et les solutions techniques ou
active et son intégration dans les sys-
Leur acceptabilité face aux techno-
technologiques testées dans des
tèmes électriques et dans les marchés.
logies déployées et leur engage-
démonstrateurs dont l’objectif prin-
Régine Belhomme est ingénieur élec-
ment dans les programmes mis en
cipal est l’insertion sûre et efficace
tricien (électronique) et docteur en
œuvre sont donc essentiels.
sciences appliquées (génie électrique) de l’Université de Liège (Belgique).
Evaluations économiques des smart grids. Enjeux, méthodes, état d'avancement et démonstrateurs Par Andrei Nekrassov, Sophie Chartres, Florent Chiappini, Mathilde Drouineau, Nouredine Hadjsaïd, Cédric Léonard ......................................................................... p. 41 Apport des démonstrateurs « smart grids » dans le transport d’électricité et les architectures de marché Par Michel Béna, Thierry Buhagiar, Christian Lemaître, Tanguy Janssen, Benjamin Guedou .......... p. 53 Enjeux et apports des démonstrateurs smart grids pour le réseau de distribution. Focus sur l’intégration de la production décentralisée, Par Maria Sebastian Viana, Gilles Malarange, Nouredine Hadjsaïd, Marc Petit ................................. p. 63 Enjeux et apports des démonstrateurs smart grids pour l’évolution des métiers de la fourniture et des pratiques de consommation d’énergie Par Guillaume Lehec, Rafael Jahn, Etienne Gehain .......................................................................................... p. 72
40
REE N°1/2015
Crédit photo : Mediabox ERDF
LES ARTICLES
LES DÉMONSTRATEURS SMART GRIDS EN FRANCE
DOSSIER 1
Evaluations Êconomiques des smart grids Enjeux, mÊthodes, Êtat d’avancement et dÊmonstrateurs Par Andrei Nekrassov 1, Sophie Chartres2, Florent Chiappini3 , Mathilde Drouineau1, Nouredine Hadjsaïd4, CÊdric LÊonard5 EDF R&D1, ALOES2, ERDF3, G2ELab4, RTE5
The concept of smart grid is one of the key elements of the strategy of power systems modernization. Three major issues arise in this regard: s ASSESSING THE ECONOMIC INTEREST OF SMART GRIDS FOR ELECTRIC SYSTEMS AND %UROPEAN ECONOMIES s PROVIDING TECHNICAL ECONOMIC AND SOCIAL FEASIBILITY OF THE TRANSITION TO SMART GRIDS s IDENTIFYING THE NEEDS OF THE EVOLUTION OF ENERGY REGULATION TO ENABLE THE ORGANIZATION OF ECONOMIC AND INSTITUtional agents to allow deployment of smart grids. 4HIS ARTICLE REPORTS THE REmECTIONS CARRIED OUT IN THE ENERGY SECTOR ON THE PRESENT STATE AND PERSPECTIVES OF ECONOMIC ANALYSIS OF SMART GRIDS IN &RANCE AND OVER THE WORLD The main findings of the article are pointing on the need of the harmonization of methods and assumptions for ECONOMIC ASSESSMENT OF SMART GRIDS IN ORDER TO ACCELERATE THEIR IMPLEMENTATION ! COLLABORATIVE AND WELL STRUCTURED ACTION INVOLVING ALL STAKEHOLDERS INSTITUTIONAL INDUSTRIAL ACADEMIC ACTORS SUPPLIERS )4 AND COMMUNICATION SERVICES PROVIDERSx SEEMS ESSENTIAL TO MEET THIS CHALLENGE
ABSTRACT
Introduction
rÊgulatoires liÊs à l’implÊmentation des
Dans cette perspective, les analyses
Le concept de smart grid est un des
smart grids sont de taille, tant pour les
ĂŠconomiques et les projets de dĂŠmons-
ĂŠlĂŠments-clĂŠs de la stratĂŠgie de moder-
pouvoirs publics qui in fine dĂŠcident de
tration se prĂŠsentent comme deux leviers
nisation
ĂŠlectriques,
la politique ĂŠnergĂŠtique et industrielle
complÊmentaires permettant d’apporter
confrontÊs aujourd’hui à un dÊfi sans
en Europe et dans ses Etats membres,
des rĂŠponses Ă ces enjeux.
prĂŠcĂŠdent : intĂŠgrer une part impor-
que pour l’ensemble des acteurs du sys-
Le prĂŠsent article fait ĂŠtat des
tante des moyens de production Ă la
tème Êlectrique, impliquÊs dans la mise
rĂŠflexions menĂŠes dans le secteur
fois intermittents et dĂŠcentralisĂŠs (voire
en place des infrastructures ÂŤ smart Âť.
ĂŠnergĂŠtique sur les analyses ĂŠcono-
des
systèmes
diffus), satisfaire les nouveaux usages
Trois enjeux majeurs se posent Ă cet
miques des smart grids, tant sur le plan
et besoins de la demande (vĂŠhicules
ĂŠgard :
global pour l’ensemble de la collecti-
ĂŠlectriques, techniques ĂŠmergentes de
s LE PREMIER CONCERNE L INTĂ?RĂ?T Ă?CONO-
vitĂŠ, que dans le cadre des projets de
chauffage et de climatisation...), tout en
mique que reprĂŠsentent les smart grids
dĂŠmonstration smart grids en cours.
assurant la conformitĂŠ de ses actions
pour les systèmes Êlectriques et pour les
Les thèmes suivants sont notamment
avec les engagements environnemen-
ĂŠconomies nationales europĂŠennes ;
traitĂŠs :
taux et d’Êconomie d’Ênergie et dans
s LE DEUXIĂ’ME PORTE SUR LA FAISABILITĂ?
le respect des exigences de qualitĂŠ, de
technique, ĂŠconomique et sociale de
sÊcuritÊ d’approvisionnement et de maÎ-
la transition vers les smart grids ;
trise des coÝts d’ÊlectricitÊ, imposÊs par les pouvoirs publics.
s LE DERNIER S ADRESSE AUX BESOINS �VENtuels d’Êvolution de la rÊgulation
s PANORAMA DES PRINCIPAUX PROGRAMMES smart grids dans le monde ; s �VALUATION �CONOMIQUE DES SMART GRIDS Analyse CoÝts-BÊnÊfices (ACB) et modèles Êconomiques multi-agents ;
S’agissant d’un secteur de l’Êcono-
ÊnergÊtique pour rendre possible l’or-
s EXTERNALITĂ?S DES ANALYSES Ă?CONOMIQUES
mie très capitalistique, avec des cycles
ganisation des agents ĂŠconomiques et
des smart grids : aspects environnemen-
d’investissement très longs (40 ans en
institutionnels europĂŠens et nationaux
taux et impacts macroĂŠconomiques ;
moyenne pour les actifs de distribution),
afin de permettre un dĂŠploiement des
s BILAN DES ANALYSES Ă?CONOMIQUES DIS-
les enjeux ĂŠconomiques, techniques et
smart grids.
ponibles dans le monde ;
REE N°1/2015 41
DOSSIER 1
LES DÉMONSTRATEURS SMART GRIDS EN FRANCE
Tableau 1 : Programmes nationaux et régionaux de développement des smart grids (liste non exhaustive)1. La disproportion du budget du programme chinois “Strong and smart grid” par rapport aux programmes des autres pays s’explique par le fait qu’outre le développement des smart grids, il inclut la mise à niveau du réseau électrique sur une grande partie du territoire chinois, le développement de productions renouvelables, le développement de réseaux ultra-haute tension et la création de centres de recherche.
1
s ANALYSES ÏCONOMIQUES DES SMART GRIDS
ces dernières années impliquant la mise
Cette évaluation peut reposer soit sur
en France : état d’avancement, enjeux
en place d’évaluations des projets finan-
une analyse coûts-bénéfices (ACB) du
et perspectives.
cés. Au total, ces programmes repré-
point de vue du système électrique ou
sentent plus de 240 milliards d’euros
de la collectivité, soit sur la recherche
d’investissement sur une période s’éta-
d’un modèle d’affaires particulier. Ces
lant de 2008 à 2020. La majorité sont
deux approches sont présentées dans la
d’ores et déjà finis ou prendront fin en
suite de l’article. Le tableau 1 présente
2015/2016.
la plupart des programmes recensés à
Panorama des principaux programmes smart grids (SG) dans le monde Les Etats et régulateurs sont très présents dans la mise en place d’initiatives
La réalisation d’une évaluation éco-
ce jour, ainsi que la nature des évalua-
nationales et des dizaines de pro-
nomique est dans la plupart des cas
tions économiques éventuellement pré-
grammes ont vu le jour dans le monde
l’une des finalités de l’expérimentation.
vues ou réalisées.
42
REE N°1/2015
LES GRANDS DOSSIERS
Introduction
Câbles et infrastructures optiques vingtième
et en le desservant en op-
siècle et le début du vingt-
La
fin
du
tique. De même, la crois-
et-unième, avec l’extraor-
sance des débits des accès
dinaire développement de
mobiles
l’Internet, auront été carac-
par les systèmes 4G a impo-
térisés par une croissance
sé d’augmenter le débit des
extraordinaire des débits
systèmes de desserte des
offerts à tous les clients des
stations de base et de ren-
réseaux de télécommunication. Au milieu des années
Jean-Pierre Bonicel
Patrice Collet
90, le débit des échanges
possible
forcer la capacité des cœurs de réseau : là encore la fibre optique y a pris sa part.
de données par le réseau téléphonique commuté
Dans la satisfaction de la demande d’accès à très
était limité à quelques kbit/s. Les tentatives de nu-
haut débit, la fibre optique joue un rôle essentiel,
mérisation de l’accès téléphonique avec le RNIS (Ré-
soit en contribuant à raccourcir de manière systé-
seau numérique à intégration de services) avaient
matique les lignes de cuivre pour y installer des
bien permis de porter le débit transporté par une
systèmes VDSL2 (ou DOCSIS 3 pour les réseaux
ligne de cuivre à deux fois 64 kbit/s, mais l’utilisation
des câblo-opérateurs), soit en desservant directe-
de cette technologie n’a guère dépassé le secteur
ment les clients par une liaison en fibre. La desserte
des entreprises. C’est vraiment la disponibilité des
optique de clients impose le développement de
techniques xDSL et leur application au grand public
nouveaux composants d’infrastructure optique qui
qui vont faire basculer les réseaux d’accès dans l’ère
doivent répondre à des contraintes fortes d’usage
du haut débit, celle où le débit d’accès est au moins
et d’environnement.
de 512 kbit/s et peut atteindre la dizaine de Mbit/s.
La transition vers le très haut débit est une opé-
La croissance des débits d’accès et la croissance per-
ration de très grande ampleur notamment en raison
manente des usages résultent, aujourd’hui, en une
de son coût : la mission France Très haut débit a été
explosion du trafic de données : approximativement,
chargée par le gouvernement de la piloter comme
le volume de données à transporter double tous les
le décrit son directeur dans l’encadré ci-après.
deux ans.
Nous consacrons ce dossier aux éléments d’in-
Cette explosion a imposé des modifications
frastructure nécessaires à la mise en place des
importantes dans l’infrastructure des réseaux : il a
réseaux de transmission en fibre optique et en par-
fallu les doter d’une capacité beaucoup plus grande
ticulier au raccordement optique des clients.
que celle exigée par le seul service téléphonique.
Le premier article de B. Capelle et H. Touzeau
La fibre optique qui avait commencé, à la fin
décrit les moyens utilisables pour faire évoluer les
des années 80, à être utilisée dans les cœurs
réseaux d’accès vers le très haut débit et la place
de réseau et les câbles sous-marins allait jouer
de la fibre dans cette évolution : quelles sont les
un rôle essentiel dans l’expansion des réseaux.
limites de la ligne de cuivre ? Quelles sont les op-
La croissance des volumes de données à trans-
tions retenues par les différents acteurs mondiaux
porter
VDSL2 ou FTTH ? Va-t-on vers l’extinction des ré-
a
d’abord
nécessité
de
renforcer
la
capacité des réseaux centraux, (cœur et sous-
82
rendue
seaux de cuivre ?
marin). Grâce à la capacité de transport qu’offre la
Le deuxième article de N. Brochier traite des
fibre optique, son usage s’est étendu aux réseaux
réseaux de transmission cœur, métropolitains, et
régionaux et métropolitains et à la desserte de
transocéaniques : la fibre optique est le support
nombre des sites où se terminent les lignes de
de transmission clé dans ces secteurs. Alors que
cuivre des abonnés. Elle a aussi largement été uti-
les prospectivistes avaient longtemps affiché que
lisée pour augmenter le débit des lignes de cuivre,
satellites et câbles sous-marins se partageraient
des lignes les plus longues en rapprochant du site
équitablement le marché transocéanique des télé-
client le point de terminaison de la ligne de cuivre
communications, aujourd’hui les câbles sous-marins
REE N°1/2015
Introduction
LES GRANDS DOSSIERS
optiques, grâce à leur énorme capacité de transmis-
beaucoup plus importantes que celles des câbles
sion ont pratiquement l’exclusivité des échanges
couramment utilisées dans les réseaux de transmis-
transocéaniques et la desserte des zones isolées
sion. L’article décrit les évolutions technologiques, et
ou très peu denses semble être maintenant un des
celles des processus de fabrication qui ont permis de
domaines d’usage des satellites. Dans les cœurs de
satisfaire à ces contraintes.
réseaux terrestres, les progrès des technologies de
Enfin, au-delà de la fibre elle-même, le réseau
transport optique ont permis d’atteindre des capa-
de distribution optique (FTTH ou FTTx) nécessite
cités colossales sans avoir pratiquement à renforcer
la mise en œuvre d’un nombre important de com-
les infrastructures de câbles op-
posants passifs dont l’associa-
tiques déployées au début des
Jean-Pierre Bonicel est diplômé en
tion, la qualité intrinsèque et
années 90 et également sans
science des matériaux de l'Institut des
la mise en œuvre sur le terrain
en changer la topologie : quelles
sciences de l'ingénieur de Montpellier
peuvent conduire à des infras-
perspectives nous offrent les évolutions technologiques en préparation ? L’évolution technologique des fibres optiques et leur adaptation aux nouveaux besoins notamment ceux du raccordement
- Polytech (France). Il a rejoint en 1977 les Câbles de Lyon où, après avoir œuvré sur les solutions cuivre, il a participé au développement précoce de câbles de fibres optiques. Auteur de nombreux brevets, Il détient plusieurs postes de direction chez Alcatel en France et aux USA et ensuite
tructures plus ou moins performantes et pérennes. C’est ce que l’article de J.-P. Bonicel et L. Gasca s’efforce de mettre en exergue. Il rappelle que si la fibre apporte des capacités de
chez Draka, en ingénierie, opérations,
transmission sans rapport avec
de clients à très haut débit sont
marketing et ventes. Il est actuellement
celles du cuivre, elle est aussi
décrits dans l’article de L. Provost
directeur technique pour Prysmian Group
bien plus sensible que le cuivre
& al. Le raccordement optique de
Telecom Solutions, président d’Objectif
à l’environnement mécanique
clients impose en effet de nom-
fibre et président du Comité directeur
et climatique. Un soin impor-
breuses contraintes nouvelles :
Telecom du SYCABEL.
tant doit donc être accordé au
les câbles à fibres doivent être
Patrice Collet est ancien élève
choix des éléments constituant
adaptés à l’environnement du génie civil de la boucle locale cuivre, ils doivent résister aux interventions nécessitées par les réaménagements de réseau, leurs capacités, en termes de nombre de fibres, doivent être
de l’École Polytechnique et ingénieur des télécommunications. Sa carrière l’a conduit de la recherche et développement au CNET qui était alors le centre de recherches de la Direction Générale des Télécommunications à la Direction Générale de France Télécom où il a eu la responsabilité de l’architecture
l’infrastructure optique et aux conditions de son exploitation si on souhaite lui assurer la même durée de vie que celle de l’infrastructure cuivre qui la précède.
du réseau fixe et son évolution.
LES ARTICLES
Du cuivre à l’optique : Une évolution irréversible vers le très haut débit Par Bruno Capelle, Hervé Touzeau .......................................................................................................................... p. 85 Les réseaux optiques « longue distance » : Historique et perspectives Par Nicolas Brochier .................................................................................................................................................... p. 91 La fibre optique : retour sur 50 ans de développement Où en sommes-nous aujourd’hui ? Par Lionel Provost, Pierre Sansonetti, Laurent Gasca, Alain Bertaina, Jean-Pierre Bonicel ....................................................................................................................... p. 99 Des produits innovants : fibres, câbles, connectivité pour des infrastructures FTTH performantes et pérennes Par Jean-Pierre Bonicel, Laurent Gasca ............................................................................................................... p. 111
REE N°1/2015 83
LES GRANDS DOSSIERS
Introduction
Le très haut débit en France Antoine Darodes Directeur de la mission France Très Haut Débit
Des infrastructures pour répondre à la multiplication des usages L’objectif du Plan France Très Haut Débit est clair : déployer des réseaux très haut débit sur l’ensemble du territoire d’ici 2022. Il s’agit donc d’un chantier d’infrastructures, qui s’appuie sur l’action coordonnée des opérateurs privés, des collectivités territoriales et de l’État et qui mobilise un investissement de 20 milliards d’euros. Le déploiement de ces infrastructures numériques vise à répondre à la hausse continue des besoins en débits, tant des citoyens que des entreprises et des services publics. Il permet ainsi de s’assurer que la performance des réseaux, fixes et mobiles, ne constitue pas un frein au développement des usages numériques sur l’ensemble du territoire. A moyen terme, la généralisation des réseaux de fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH) permettra non seulement d’accompagner les usages existants, mais également de soutenir le développement de services innovants.
Former et déployer des réseaux harmonisés : deux chantiers majeurs Pour atteindre cet objectif, nous sommes face à deux défis. D’une part, le déploiement de réseaux très haut débit sur l’ensemble du territoire d’ici 2022 rend nécessaire la mobilisation de toutes les solutions techniques : FTTH, montée en débit, technologies hertziennes terrestres et satellitaires. En termes de formation, cette ambition implique la mise en place de compétences multiples, d’installateurs, de chargés d’affaires, de conducteurs de travaux. Des initiatives locales, notamment des chambres de commerce et d’industrie, permettent de répondre aux besoins actuels : néanmoins, la demande de main d’œuvre qualifiée devrait s’accroître fortement avec la montée en charge des travaux en 2015, 2016 et 2017. D’autre part, pour assurer l’efficacité de l’investissement public et la qualité de service pour les utilisateurs, il est nécessaire de garantir la pérennité des réseaux déployés. A cette fin, il est impératif que leurs architectures soient adaptées aux besoins des opérateurs et respectent les règles de l’art en matière d’harmonisation technique. Pour définir ces référentiels communs, l’État a fait le choix de s’appuyer sur l’expertise des opérateurs et des industriels, structurés dans différents groupes de travail (Objectif Fibre, Interop Fibre, le CREDO) ou d’institutions, notamment la Fédération des industriels des réseaux d’initiative publique (FIRIP). La définition de règles communes, nécessaires à la commercialisation des réseaux d’initiative publique, constitue également une source de revenus pour les opérateurs-aménageurs. Pour les industriels et équipementiers, le Plan France Très Haut Débit constitue non seulement un soutien à l’activité de leur secteur, mais il représente également une opportunité pour renforcer leur expertise au niveau international. En 2014, les Gouvernements allemand et italien annonçaient leur volonté de soutenir le déploiement de réseaux très haut débit. En janvier 2015, dans son discours sur l’état de l’Union, Barack Obama faisait du déploiement de la fibre optique dans les zones rurales une priorité de la fin de son mandat. Le temps d’avance pris par les entreprises françaises doit leur permettre de faire valoir leur expertise à l’étranger.
84
REE N°1/2015
CĂ‚BLES ET INFRASTRUCTURES OPTIQUES
DOSSIER 2
Du cuivre à l’optique : Une Êvolution irrÊversible vers le très haut dÊbit Par Bruno Capelle1, HervÊ Touzeau2 Orange labs-Lannion1, Programme Fibre Orange France2
The evolution towards higher bit rates in the fixed access network was mainly based on the advanced DSL technologies evolution and on the existing copper local loop infrastructure. As a matter of fact, due to the market demand for higher bit rates, as “up to 1 Gbit/s� commercial announcements, introduction of optical fiber cables is required. FTTH (Fiber To The Home) with optical fiber “up to the customer premises� is seen as the target option: optical cables probably will replace copper cables in the future.
ABSTRACT
Introduction
4HE (OMEv AVEC LES MĂ?MES CONTRAINTES D ENVIRONNEMENT
Cet article fait le point sur l’Êvolution actuelle des rÊseaux
que celles de la boucle locale cuivre.
d’accès filaires dans un contexte de course au plus haut dÊbit Internet. Avec des dÊploiements largement engagÊs de fibres optiques, la notion de  très haut dÊbit  apparaÎt comme très relative dans la mesure oÚ les technologies Êvoluent rapidement. NÊanmoins, conformÊment à ce qui figure dans les
Au-delà des rÊseaux  filaires , d’autres options sont pos-
textes europÊens, le  très haut dÊbit  offert à l’usager est
sibles et seront utilisĂŠes plus ou moins massivement, en
aujourd’hui dÊfini comme  un dÊbit supÊrieur à 30 Mbit/s .
fonction du contexte, notamment le satellite, le WiMAX ou
Rappelons que l’accès aux services  Internet, voix et
la technologie 4G : à l’instar de plusieurs initiatives lancÊes
vidĂŠo Âť peut ĂŞtre proposĂŠ par diffĂŠrents types de rĂŠseaux
en Allemagne, des expÊrimentations s’appuyant sur la  4G
filaires, parmi lesquels :
ĂŒ USAGE lXE w SONT PAR EXEMPLE EN COURS EN &RANCE DANS LE
s ,E i $3, SUR CUIVRE w QUI DĂ?SIGNE LE RĂ?SEAU D ACCĂ’S TĂ?LĂ?PHO-
CADRE DU 0LAN i &RANCE 4RĂ’S (AUT $Ă?BIT3 Âť.
NIQUE HISTORIQUE SUR LEQUEL S EST DĂ?VELOPPĂ? L !$3,1 ;
Du très haut dÊbit, pourquoi faire ? ,ES SERVICES AUJOURD HUI �VOQU�S CONCERNENT LA VOIX LA vidÊo, la tÊlÊvision, l’Internet, les jeux en rÊseau mais aussi des applications professionnelles telles que la tÊlÊmÊdecine,
s ,E i CĂŠBLE w QUI DĂ?SIGNE UN RĂ?SEAU D ACCĂ’S EN CĂŠBLE COAXIAL MIS
LE TĂ?LĂ?ENSEIGNEMENT LE TĂ?LĂ?TRAVAIL LA TĂ?LĂ?SĂ?CURITĂ?x , Ă?VOLUTION
en place pour les services de tĂŠlĂŠvision, dont la modernisation
observÊe aujourd’hui en termes de dÊbit est liÊe pour une
permet de fournir un accès à Internet, en complÊment de la TV,
part Ă la compĂŠtition fĂŠroce qui se joue depuis des annĂŠes au
AVEC DES TECHNOLOGIES DE TYPE i $/#3)3 Âť ;
plan mondial entre les opĂŠrateurs de tĂŠlĂŠcommunications et
2
LES CĂŠBLO OPĂ?RATEURS !INSI LORSQUE *OHN #)/&&) DE L UNIVERSITĂ? DE 3TANFORD 53! MIT AU POINT EN UN PROCĂ?DĂ? PERMETtant de faire passer de la vidĂŠo sur les lignes tĂŠlĂŠphoniques s ,A i lBRE &44( w QUI CORRESPOND ĂŒ UN RĂ?SEAU SPĂ?CIlQUEment dĂŠployĂŠ pour l’accès Ă Internet et l’ensemble des services “over IPâ€? : on dĂŠploie alors la fibre optique du central JUSQU AU LOGEMENT DU CLIENT LE SIGLE &44( SIGNIlANT h&IBER 4O
CUIVRE C �TAIT AVEC L ID�E DE PERMETTRE AUX h"ELL /PERATING #OMPANIESv AM�RICAINES DE CONCURRENCER LES CÊBLO OP�RAteurs qui de leur côtÊ se lançaient dans les services de tÊlÊPHONIE ,E SUCCÒS MONDIAL DE LA SOLUTION i !$3, w QUI A 3
ADSL: Asymetric Digital Subscriber Line. 2 DOCSIS (Data Over Cable Service Interface Specification) spÊcifie les moyens d’accÊder à Internet par les rÊseaux câblÊs. 1
http://www.francethd.fr/ – La mission Très Haut DÊbit assure notamment l’encadrement des dÊploiements, l’instruction des demandes de soutien financier, l’accompagnement technique ainsi que l’harmonisation des rÊfÊrentiels techniques.
REE N°1/2015
85
DOSSIER 2
CĂ‚BLES ET INFRASTRUCTURES OPTIQUES
ÊtÊ adoptÊe massivement durant ces 15 dernières annÊes, repose sur le fait qu’elle rÊutilise le rÊseau cuivre existant4 et donc qu’elle limite considÊrablement les investissements des opÊrateurs de tÊlÊcommunications voulant offrir un service de donnÊes à haut dÊbit. ,ORSQUE LES R�SEAUX DES CÊBLO OP�rateurs se sont progressivement modernisÊs, pour atteindre notamment le
Figure 1 : RĂŠpartition des lignes portant un service tĂŠlĂŠphonique - Source ARCEP.
palier de 30 Mbit/s ÊvoquÊ plus haut, la course au dÊbit a repris de façon effrÊnÊe‌ et n’a pas depuis vraiment cessÊ ; elle a abouti aujourd’hui à des offres de connectivitÊ sur la boucle locale dÊpassant au final très largement les besoins rÊels en dÊbit du client rÊsidentiel (des dÊbits jusqu’à 1 Gbit/s sont parfois ANNONC�S NOTAMMENT AU *APON AUX
Figure 2 : Couplages tÊlÊdiaphoniques entre paires d’un même câble (sens descendant).
53! EN &RANCEx
Les limites du cuivre , AUTORIT� DE R�GULATION FRAN¼AISE L !2#%0 A MIS EN PLACE DEPUIS PLUsieurs annÊes un comitÊ d’experts indÊpendants, chargÊ d’Êtudier les conditions D INTRODUCTION DES TECHNOLOGIES $3, SUR la boucle locale de cuivre. Ce comitÊ rassemble l’ensemble des opÊrateurs et les principaux Êquipementiers, ainsi que des reprÊsentants des collectivitÊs LOCALES ,E R�SEAU CUIVRE BIEN QUE VIEILlissant et coÝteux à entretenir, continue à fonctionner avec une excellente qualitÊ, et ceci même s’il ne transporte finalement plus majoritairement les signaux analogiques de la voix comme par le passÊ5 , !2#%0 ESTIME EN EFFET QU EN Paire de cuivre installÊe entre le central tÊlÊphonique et le domicile du client, rÊseau historiquement conçu et installÊ pour un service de tÊlÊphonie analogique avec transport du son dans la bande de frÊquence 300-3 400 kHz, avec une distance moyenne en Europe de 2 km entre le central tÊlÊphonique et le logement du client.. 5 Pour les États-Unis, le nombre d’accès fixes à la tÊlÊphonie commutÊe est ainsi passÊ de 192,5 millions en 2000 à 85,3 millions à fin 2013, soit un recul de plus de 50 % en treize ans. 4
86
REE N°1/2015
&RANCE PRĂ’S DE SEPT LIGNES lXES DE CUIVRE
-Ă?ME SI PRĂ’S DE MILLIONS DE LOGE-
SUR DIX D ENTRE ELLES DE FAIT SUP-
MENTS EN &RANCE SONT DĂ?SORMAIS Ă?LIGIBLES
portent aujourd’hui un service de Voix
ĂŒ LA &IBRE &44( LE CUIVRE AURAIT DONC
SUR ,ARGE "ANDE 6," UTILISANT LES TECH-
encore, selon certains, de très beaux jours
niques de voix sur IP. Paradoxalement,
devant lui. Qu’en est-il exactement ?
l’infrastructure de cuivre est donc utilisÊe majoritairement pour une technologie autre que celle pour laquelle elle
Les limites de la boucle locale cuivre ,A PAIRE DE CUIVRE INSTALLĂ?E DANS LA
avait ÊtÊ conçue. ,A TECHNOLOGIE !$3, QUI REPR�SENTE
boucle locale il y a plusieurs dizaines
EN &RANCE DU HAUT DĂ?BIT ET PRĂ’S
d’annÊes, prÊsente essentiellement deux
DE MILLIONS DE LIGNES EST TOUJOURS EN
limitations techniques lorsqu’on veut y
CROISSANCE PAR AN *OHN #)/&&)
TRANSMETTRE DES mUX ĂŒ TRĂ’S HAUT DĂ?BIT ,ES
estimait mĂŞme, il y a quelques semaines,
PERFORMANCES DES TECHNIQUES X$3, SONT
que ÂŤ le cuivre serait encore lĂ dans 100
limitÊes principalement par l’affaiblisse-
ANS w ,E NOMBRE DE LIGNES Ă?LIGIBLES EN
MENT INTRINSĂ’QUE DES CĂŠBLES DE LA BOUCLE
&RANCE AU TRĂ’S HAUT DĂ?BIT GRĂŠCE ĂŒ 6$3, 6
locale d’une part, et par l’impact des dif-
depuis le central tĂŠlĂŠphonique est, selon
fĂŠrents couplages ĂŠlectromagnĂŠtiques
l’ARCEP, de l’ordre de cinq millions. Par ail-
observĂŠs sur le support de transmission
leurs, l’expÊrimentation rÊcente d’Alcatel-
qu’est la paire tÊlÊphonique, d’autre part.
,UCENT CONCERNANT UNE TECHNOLOGIE DITE
$E FAIT LES CĂŠBLES DE LA BOUCLE LOCALE
h8' &ASTv PERMETTANT D ATTEINDRE 'BITS
ayant ÊtÊ conçus à l’origine pour trans-
sur une ligne cuivre pour une distance de
mettre les services de voix tĂŠlĂŠphonique
30 mètres a frappÊ les esprits.
DANS LA BANDE (Z ON NOTE une forte dĂŠgradation des performances
6
Very high speed Digital Subscriber Line 2: Technologie DSL qui permet d’atteindre des dÊbits de l’ordre de 100 Mbit/s sur des lignes de quelques centaines de mètres.
du support de transmission dès qu’on monte en frÊquences car l’affaiblisse7
Source www.arcep.fr (Ă fin 2014).
GROS PLAN SUR ...
Horloge entièrement autonome de Jaeger-LeCoultre - Source : Wikipedia.
Le piégeage et la récolte de l’énergie L’energy harvesting
Energy harvesting is an emerging technology that strives to reduce battery dependency through improved energy conversion from previously untapped sources and improved storage of converted energy. Wireless sensor networks consist of numerous small devices all interacting to observe an environment and assemble useful data about that environment. Often we expect to employ them in situations where little to no human interaction with the physical network will be possible. Some tiny devices will be placed in location, be it in an office building, the ocean floor, or even within a living organism, to monitor variables. Depending on the situations in which these sensors are placed, supplying energy may be an incredibly difficult task. Energy harvesting encompasses a lot of potentially inexpensive and highly effective solutions to such problems, enabling the tiny machines involved in sensor networks to collect energy from renewable sources in the environment. Due to the great scientific and economic potential for energy harvesting solutions, many government agencies and private companies are devoting time and funding to a variety of projects. The major advancements in this field are being explored by both governmental organizations and businesses with commercial interests. France should pay more attention to energy harvesting which is an enabling technology for the development of the Internet of things.
ABSTRACT
REE N°1/2015 127
GROS PLAN SUR
Introduction
L
quences (RFID) passives (au sens
e piégeage et la récolte
de « dépourvues de batteries ») est
d’énergie (en anglais “ener-
similaire à celle des réseaux de cap-
gy scavenging” et “energy
teurs et l’on sait l’importance que
harvesting”) désignent l’en-
les RFID jouent à présent dans les
semble des techniques qui peuvent
domaines de la productique, de la
être utilisées pour extraire de l’envi-
transitique, de la logistique, etc.
ronnement immédiat l’énergie qui est nécessaire à la satisfaction de certains besoins et qui, à défaut, serait perdue. Les inconditionnels de la langue française utilisent l’expression
André Deschamps Ingénieur de recherche hors classe honoraire à l’Observatoire de Paris
Jean-Pierre Hauet Président ISA-France
Si cet article se focalise surtout sur les réseaux capteurs, l’enjeu de l’energy harvesting en dehors du monde industriel est immense : il intéresse le domaine du “home
« récolte d’énergie » pour désigner
automation” (avec par exemple des
ce concept de récupération mais l’expression “energy harves-
films photovoltaïques insérés dans les matériaux de construc-
ting” est très largement utilisée dans les milieux scientifiques
tion), celui de la santé (avec par exemple des micromoteurs
et industriels. C’est donc elle que nous utiliserons dans la suite
actionnés par l’acidité gastrique), celui du grand public avec
de cet article.
les e-textiles, les e-chaussures, les commandes à distance...
L’energy harvesting a commencé il y a bien longtemps avec
L’energy harvesting apparaît de plus en plus comme une
les moulins à vent ou à eau. Aujourd’hui, les panneaux solaires
composante-clé du développement des technologies de la
photovoltaïques et les éoliennes et plus généralement toutes
communication et de l’information.
les formes d’énergie décentralisées et renouvelables peuvent
Depuis plusieurs décennies, les ingénieurs ont donc re-
être considérées comme de l’energy harvesting. Cependant
cherché les moyens de capter et de stocker de l’énergie à
l’energy harvesting ne s’adresse généralement pas au domaine
partir de l’énergie environnante et les moyens d’y parvenir
du mégawatt mais à celui du milliwatt, bien que certaines des
sont étonnants. Un grand nombre de méthodes extrême-
techniques utilisées soient susceptibles d’extrapolation. Le
ment différentes a été développé et toutes les pages de cette
point de départ de l’energy harvesting réside dans le dévelop-
revue ne suffiraient pas à décrire l’ensemble des techniques
pement des réseaux de capteurs, dans le monde industriel no-
développées ou en cours de développement. Nous nous
tamment, qui font de plus en plus appel à des technologies de
intéresserons aux plus importantes d’entre elles qui utilisent
radiocommunication. Il est évident que l’intérêt du recours aux
chacune un phénomène physique particulier : valorisation
technologies sans fil pour communiquer avec les capteurs se
des vibrations, effet thermoélectrique, effet piézoélectrique,
trouve considérablement amoindri si les capteurs nécessitent
utilisation des radiations électromagnétiques ambiantes,
pour leur alimentation électrique un raccordement filaire à un
dans le spectre visible ou hertzien.
réseau. Le recours à des piles ou à des batteries n’apparaît que comme un pis-aller : leur durée de vie est limitée car même en ayant recours aux protocoles les plus économes en énergie,
Le besoin à traiter et les difficultés rencontrées
elles souffrent de défaillances et leur remplacement peut être
Nous nous positionnons dans cette section dans le cadre
problématique lorsque les capteurs se situent dans des zones
d’un réseau de capteurs sans fil. On sait que les capteurs
dangereuses ou difficiles d’accès.
sans fil permettent d’assurer un suivi beaucoup plus étroit
Le développement de ces réseaux de capteurs sans fil
des procédés et que leur coût d’installation est souvent sen-
bénéficie des technologies nouvelles de réseaux locaux de
siblement inférieur à celui des capteurs filaires (dans certains
radiocommunication qui reposent sur des architectures mail-
environnements, l’économie d’investissement peut atteindre
lées qui permettent d’assurer le routage des messages de
80 %). Les avantages en termes d’extensibilité, de visibilité
nœud en nœud avec un maximum de garantie de disponi-
sur le procédé et de maintenance à distance sont reconnus.
bilité. Ces technologies de routage s’apparentent à celles de
Les protocoles de réseaux maillés du type ISA 100.11a (IEC
l’Internet et d’ailleurs un standard de l’IETF, le 6LowPAN, défi-
62734) ou WirelessHart (IEC 62591) permettent d’atteindre
nit la façon dont ces réseaux locaux peuvent se raccorder à
des niveaux de disponibilité élevés et une dynamique proche
l’Internet IPv6. L’energy harvesting apparaît donc comme
des 100 ms.
l’une des technologies habilitantes de l’Internet industriel
Cependant la question de l’alimentation électrique de
des objets (IIoT). La problématique des étiquettes radiofré-
ces capteurs, à la fois pour la partie capteur proprement dite
128
REE N°1/2015
Le piégeage et la récolte de l’énergie
Figure 1 : Architecture-type d’un réseau ISA-100.11a - Source : ISA. et pour la partie radio, est souvent bloquante. Les batteries
aux capteurs proprement dits, il est inutile de les maintenir en
n’apportent pas une solution satisfaisante car, sur la base
éveil en permanence. Selon les exigences du procédé, il sera
d’un besoin de quelques mW, leur durée de vie est souvent
nécessaire de recueillir leurs données selon une périodicité très
dans la pratique inférieure à quelques mois, compte tenu
variable, allant typiquement de quelques dizaines de secondes
de l’intermittence du fonctionnement, de l’autodécharge, des
à plusieurs heures. Pendant les périodes où l’on n’attend rien de
variations de température, etc.
leur part, les capteurs peuvent être mis en stand-by et ne seront
Le recours aux dispositifs d’energy harvesting devient
réveillés que lorsqu’ils sont censés transmettre une information.
alors séduisant. Mais une telle idée n’a d’intérêt pratique que
Les protocoles récents, du type ZigBee et ISA-100.11a ont été
si l’on parvient à rassembler l’énergie nécessaire de façon
conçus pour manager au plus serré le réseau et, typiquement,
fiable et moyennant une installation aussi miniaturisée que
fonctionner avec un taux de somnolence des capteurs de 97 %.
possible, c’est-à-dire sans recourir à des dispositifs de taille
Cependant, cette gestion ménagère du parc de capteurs
prohibitive. Ceci impose de traiter le problème au niveau sys-
n’est pas suffisante. L’efficacité des protocoles de commu-
tème et, avant même de décider de la façon dont le besoin
nication est un facteur essentiel. Beaucoup des protocoles
sera satisfait, de réduire ce dernier au strict minimum.
usuels n’ont pas été conçus avec le souci d’économiser
L’approche système
les ressources en énergie : préambules et postambules trop longs, protocoles inutilement rapides, répétitions sans
Les fonctionnalités qui doivent être supportées par les équi-
objet, etc. C’est pour remédier à cette situation qu’a vu le
pements doivent être strictement analysées. Dans un réseau
jour le protocole ZigBee, normalisé IEEE 802.15.4 pour ses
maillé du type ISA-10.11a, le routage des trames doit être assu-
couches basses en 2004, opérant dans les bandes libres des
ré. Mais tous les équipements n’ont pas besoin d’être dotés de
2,4 GHz et 860 MHz en Europe. Le standard 802.15.4 a été
la fonction de routeur qui implique qu’ils soient actifs 100 %
intégré dans des versions plus évoluées de réseaux maillés :
du temps. On réservera donc le routage aux équipements qui
ISA-100.11a et WirelessHart. En 2007, a été élaboré par
peuvent être raccordés aisément au réseau (figure 1). Quant
l’Internet Engineering Task Force (IETF) (RFC 4919 et
REE N°1/2015 129
GROS PLAN SUR
Type d’équipement
Hypothèses d’utilisation
Energie consommée sur 1 h
Lampe de 30 W
Continue
108 000 J
Wi-Fi dans un PC
Continue -200 mA – 3 V
2 160 J
Télécommande ZigBee R4CE
Usage standard
0,020 J
Green Power ZigBee
On/off 10 fois par jour
0,0002 J
Tableau 1 : Consommations types de quelques équipements - Source : ZigBee consortium. RFC 4944) le standard 6LowPAN (pour IPv6 LoW Power
avant de penser à l’energy harvesting de faire une analyse
wireless Area Networks) qui définit, au-dessus de l’IEEE
système approfondie afin de bien identifier les performances
802.15.4, les mécanismes d’encapsulation et de compres-
qui sont requises. La fréquence de sollicitation du disposi-
sion d’entêtes permettant aux paquets IPv6 d’être envoyés
tif peut être un paramètre fondamental. En effet, pendant
ou reçus via le protocole de communication IEEE 802.15.4. A
que le dispositif est au repos, le dispositif d’energy harvesting
partir de l’année 2009, 6LoWPAN a commencé à être utilisé
pourra, s’il n’est pas impulsionnel, capter de l’énergie et la
sur d’autres supports (par exemple les courants porteurs en
stocker dans un micro-condensateur ou une micro-batterie
ligne, RFID, Bluetooth et ISA-100). Il est donc destiné à être
avant de la relâcher lors de la session d’activité qui suivra.
au cœur de l’Internet des objets et ouvre la voie à la banalisation des technologies d’energy harvesting.
Les difficultés
Il existe cependant d’autres protocoles plus rudimen-
Cette analyse système supposée faite, la principale diffi-
taires mais encore plus économes en énergie. Ainsi, le
culté à surmonter est celle de la miniaturisation de systèmes
protocole EnOcean, issu d’un spin-off de Siemens, nor-
dans le respect des performances à atteindre. Des progrès
malisé en 2012 ISO/IEC 14543-3-10, propose une solu-
considérables ont été réalisés au niveau des dispositifs de
tion à ultra-basse consommation d’énergie. Ce protocole
captage et de stockage mais aussi au niveau de l’électronique
est rudimentaire, il est fondé sur des messages très courts
qui est de moins en moins gourmande en énergie, avec des
(0,6 ms), des liaisons point à point (sans maillage) et une
perspectives de progrès qui restent considérables au cours
portée limitée (typiquement 30 m). Il permet, pour des ap-
des prochaines années. La recherche dans ce domaine est
plications non critiques, d’être compatible avec des disposi-
souvent associée aux nanosciences. Les principaux points
tifs d’energy harvesting, dans le domaine de la domotique
durs sont bien entendu les très petits dispositifs qui sont
tout particulièrement.
encore incapables de récolter une énergie suffisante pour
En France, la société ARVENI propose le protocole SARAH
être efficacement utilisée. Le stockage d’une énergie inter-
(“Smart Radio protocol by Harvesters for building automa-
mittente devient également un problème dès lors que la
tion”), en français : protocole radio intelligent alimenté par
puissance requise devient importante.
microgénérateur pour la gestion technique du bâtiment.
Le tableau 2 donne, en ordre de grandeur, les perfor-
En 2012, le consortium ZigBee a publié une nouvelle
mances que l’on peut espérer atteindre de la part des princi-
spécification, dénommée Green Power, visant également à
pales sources d’énergie mobilisables ainsi que les difficultés
permettre le développement d’équipements principalement
y afférentes.
dédiés à la domotique et utilisant des dispositifs d’energy
D’autres facteurs sont également à prendre en considé-
harvesting. Le consortium a publié des ordres de grandeur
ration : la durée de vie des équipements, leur disponibi-
(tableau 1), sachant qu’il n’existe aujourd’hui aucune mé-
lité, leur résistance face à un environnement qui peut être
thode normalisée pour caractériser les performances des
hostile (hautes températures, perturbations électromagné-
systèmes à ultra-basse énergie.
tiques).
Le coût énergétique d’une transaction se trouve ainsi ra-
Enfin il faut bien évidemment se poser la question de
mené aux environs de 100 à 500 µJ. Typiquement, un équi-
savoir quelle énergie ambiante peut être la plus facilement
pement d’extrémité va consommer en stand-by aux environs
sollicitée. La présence d’équipements à température plus
de 10 à 20 nA, en mode réception 5 à 6 mA et en mode
élevée que l’environnement (chaudières, tuyaux) conduira
émission 10 à 15 mA sous 1,5 à 2 V.
à s’intéresser aux systèmes thermoélectriques. La présence
Bien évidemment les performances des systèmes à ultra-
d’équipements en mouvements : moteurs, broyeurs… amè-
basse consommation ne peuvent équivaloir à celles des sys-
nera à s’intéresser aux capteurs de vibration. L’utilisation spo-
tèmes plus évolués, “There no such thing as a free lunch in
radique des dispositifs par action mécanique : contacts de
radiocommunications”, et par conséquent il est nécessaire
fin de course, interrupteurs à commande manuelle, incitera
130
REE N°1/2015
Le piégeage et la récolte de l’énergie
Source
Difficulté
Tension attendue
Puissance envisagée
Lumière
Petites surfaces Variabilité de l’éclairage
Continu, de 0,5 V à 5 V
Vibration
Etendue et variabilité du spectre
Alternatif, quelques dizaines de V De 1 µW à quelques mW
Thermique
Faibles gradients thermiques Continu, quelques dizaines de Efficacité du couplage thermique mV à 10 V
Radiofréquence Dépendance au couplage Induction
Alternatif, de 0,5 à 5 V
De 10 µW à 15 mW Limité à 500 µW en intérieur De 0,5 mW à 10 mW pour un gradient thermique de 20 °C Large gamme de puissance dépendante du couplage et du lieu
Tableau 2 : Limites de sources d’énergie usuellement utilisées en energy harvesting - Source : PMSA Forum.
à se tourner vers les systèmes inductifs de transformation
autonome, ainsi qu’un dispositif développé par la NASA qui
de l’énergie mécanique. Une utilisation régulière tout au
fait tenir le collecteur et le stockage de l’énergie sur moins de
long de la journée pourra s’accommoder d’un système de
deux mm d’épaisseur.
captage du rayonnement électromagnétique ambiant. Les
L’énergie photovoltaïque est certainement la plus déve-
idées ne manquent pas et les formes d’énergie mobilisables
loppée et la plus utilisée pour une large échelle de puissance.
sont plus nombreuses qu’on ne l’imagine. Cependant, il sera
Une nouvelle génération de capteurs à large spectre des-
généralement nécessaire, sauf à recourir à des moyens de
tinés aux faibles puissances est capable d’utiliser l’énergie
stockage, de s’assurer de leur disponibilité 24h/24h. Un sys-
lumineuse aussi bien en extérieur qu’en intérieur. Une large
tème d’energy harvesting photovoltaïque sera ainsi plus aisé
échelle de tension est possible car ces générateurs peuvent
à mettre en œuvre s’il peut s’accommoder de la lumière arti-
être connectés aussi bien en série qu’en parallèle.
ficielle, si celle-ci est permanente.
Si la récupération de l’énergie par l’effet photovoltaïque
Nous allons à présent passer en revue quelques-unes
est une technique maintenant assez ancienne, son utilisa-
des technologies mobilisables, rappelant que l’on ne sau-
tion à partir des faibles éclairages ou des lumières artificielles
rait être exhaustif et que l’inventivité des développeurs, aux
est récente. Une technologie de “Dye Sentized Solar Cell” a
Etats-Unis principalement mais aussi dans d’autres pays très
été mise au point. Ces cellules absorbent la lumière un peu
orientés vers les high-techs, semble aujourd’hui sans limite…
comme le fait la chlorophylle dans les végétaux. Les électrons
Aperçu sur quelques techniques d’energy harvesting et sur leurs perspectives Récupération de l’énergie lumineuse Le rayonnement solaire représente l’énergie disponible la plus évidente et c’est logiquement dans ce domaine que se
libérés par les photons s’échappent dans une couche d’oxyde de titane (TiO2) à travers un électrolyte dont la couleur peut être ajustée à une bande bien précise. Le rendement s’en trouve ainsi amélioré. Sous un éclairage de 200 lux, ce type de cellule produit jusqu’à 15 µW/cm2.
Transducteurs piézoélectriques
développe une recherche active. Le rendement des cellules
L'effet piézo-électrique produit de faibles tensions lorsque
classiques ne permet pas vraiment la miniaturisation mais
des cristaux sont mécaniquement déformés. Cette méthode
des développements récents ont permis la production de
permet de récolter les vibrations de machines industrielles
capteurs à haute sensibilité utilisables particulièrement en
aussi bien que l'énergie de course dans des chaussures ou la
faible lumière. On peut citer le PicoRadio Project, développé
simple énergie dépensée lorsque l'on appuie sur une touche.
à Berkeley pour développer un transmetteur entièrement
La pression peut provenir de différentes sources assez
Figure 2 : Générateurs piézoélectriques développés par la société Microgen – A gauche : schéma de principe – A droite : conditionnement dans un boîtier de type pile 9 V - Source : Microgen.
REE N°1/2015 131
GROS PLAN SUR
Figure 3 : Télécommande à effet piézoélectrique développée par Arveni. Source : Arveni. diverses comme le mouvement humain, les séismes, le bruit acoustique ou les vibrations des machines tournantes. Les dispositifs micro-électromécaniques développés par la société Microgen (USA) captent l'énergie de vibration ambiante
Figure 4 : Dispositif piézoélectrique développé en 2011 à l’université du Michigan. La partie active du récupérateur occupe un volume de 27 mm3 ; la puissance obtenue est de 200 µW sous 1,85 V, avec 1,5 g d’amplitude de vibrations à 155 Hz. Source : Université du Michigan.
par l'intermédiaire d'un petit balancier entrant en résonance et délivrant une puissance électrique par effet piézo-électrique
comme des montres bracelets. Par contre les puissances récu-
(figure 2). Les dispositifs doivent être adaptés à la fréquence
pérées sont souvent insuffisantes pour répondre aux besoins
des vibrations ambiantes (de 100 à 600 Hz) et les vibrations
des systèmes.
ambiantes doivent se situer dans la fourchette 0,1 à 3,0 g. Les puissances de sortie varient de 50 à 900 µW selon les fréquences d’excitation.
Récupération par effet thermoélectrique Les
technologies
thermoélectriques
utilisent
l'effet
En France, la société ARVENI a développé une gamme
Seebeck, c'est-à-dire la possibilité de générer de l'électricité
de systèmes de micro-récupération d'énergie mécanique
à partir d'un gradient de température. Cet effet est l'inverse
récupérant par effet piézo-électrique l'énergie dissipée par
de l'effet Peltier qui permet de déplacer par un courant élec-
pression sur un contacteur (interrupteurs électriques, télé-
trique des calories à des fins de réfrigération. Ces deux effets
commandes, boutons de sonnette). Un récupérateur de
utilisent la notion de couple thermoélectrique composé de
vibration, similaire dans son principe à ceux de Microgen, est
deux branches dans lesquelles circulent, sous l’action du gra-
annoncé (figure 3).
dient thermique, des porteurs de charge (électrons et trous)
Il faut rappeler que les solutions piézo-électriques peuvent
qui se déplacent entre la source froide et la source chaude.
être très largement miniaturisées (figure 4). Elles sont d’ail-
Les matériaux idéaux pour produire un tel effet, tel que
leurs utilisées depuis longtemps pour des systèmes portables
le tellurure de bismuth ou le tellurure de plomb, doivent
Figure 5 : Module solide-air Evergen de la société II-VI Marlow, adapté à des différentiels de température allant de 5,5 à 60 °C – Puissance : 0,3 mW pour t = 10 °C - Source : Marlow.
Figure 6 : Module solide-air Micropelt et insertion dans un dispositif de surveillance d’un jeu de barres – Puissance : environ 2 mW pour t = 50 °C (1,5 V) - Source : Micropelt.
132
REE N°1/2015
Le piégeage et la récolte de l’énergie
Figure 7 : Système de récupération d’énergie de vibration par effet inductif – A gauche : Schéma de principe (Source : Perpetuum). A droite : Alimentation d’un capteur par un dispositif Perpetuum - Source : ISA-France. avoir une forte conduction électrique et une faible conduc-
Les systèmes à induction magnétique
tion thermique. Les modules thermoélectriques sont typi-
On sait que certaines montres bracelets reçoivent leur
quement constitués d'une jonction semi-conductrice P-N
énergie par le mouvement du bras. Dans le dispositif cou-
prise entre deux plaques de céramique métallisées. Ces
rant, un balancier entraîne le remontage du ressort principal
jonctions peuvent être connectées électriquement en sé-
à partir d’un mouvement mécanique. L’industriel « Seiko » a
rie et thermiquement en parallèle pour produire une plus
ainsi créé un système utilisant le déplacement d’un aimant
grande puissance. Le rendement moyen est de 100 à
activé par le mouvement du bras et placé dans un générateur
200 µV/K et par jonction.
électromagnétique. L’électricité recueillie alimente un mou-
L'effet thermoélectrique est un effet faible mais on
vement à quartz traditionnel.
rencontre de nombreuses circonstances où un différen-
L’induction magnétique peut également être utilisée pour
tiel de température peut être utilisé. Le recours aux sys-
tirer parti des vibrations ambiantes L’idée est née en 2007 à
tèmes thermoélectriques sera évidemment d'autant plus
l’université de Southampton et a ensuite été développée par
approprié que ce différentiel sera important. Ce sera no-
la société Perpetuum (Grande-Bretagne). Dans ce système,
tamment le cas lorsqu'il est possible de venir plaquer un
un aimant permanent oscille verticalement à l’intérieur d’un
transducteur le long d'une paroi chaude. Les figures 5 et
enroulement (figure 7) générant un courant qui est fonction
6 montrent des modules proposés par deux sociétés spé-
de l’amplitude des vibrations. Un tel récupérateur peut pro-
cialisées dans le domaine : II-VI Marlow (USA) et Micropelt
duire 3 mW à partir de vibrations de 40 à 50 mg. La fré-
(Allemagne).
quence de résonance du récupérateur doit être adaptée aux
Distinct de l'effet thermoélectrique, l'effet pyroélectrique peut également être utilisé. Cet effet convertit les variations de température en courant électrique par variation de polarisation électrique. Il exige des variations temporelles de tem-
fréquences de vibration dominantes dans le milieu ambiant.
Récupération de l'énergie du champ électromagnétique ambiant
pérature et il est pénalisé par de faibles énergies produites.
De nombreux dispositifs électriques émettent des ondes
Il est basé sur le cycle d'Olsen (ou d’Ericsson) qui consiste
électromagnétiques par un effet d'antenne et l'on parle sou-
à charger une capacité froide par un faible champ électrique
vent de « brouillard électromagnétique » pour désigner la
et à le décharger en la réchauffant sous un champ électrique
superposition d’émissions à des longueurs d’onde diverses
supérieur. L'avantage de l'effet pyroélectrique par rapport
qui nous environne.
à l'effet thermoélectrique est de pouvoir être utilisé à très haute température (> 1 200 °C) .
Dans le domaine hertzien, ces émissions se font à dessein, afin d’être récupérées par des récepteurs auxquels il est ainsi
REE N°1/2015 133
GROS PLAN SUR
Figure 9 : Back scattering antennae développées par l’université de Washington - Source : Université de Washington. configurations techniquement similaires où le récepteur profite d’une émission que ne lui est pas a priori destinée. Figure 8 : Principe de l’électricité sans fil - Source : WiTricity.
L’une de ces technologies est la « rectenna » (rectifying
possible de transmettre de l’information. Le développement
antenna), ou antenne redresseuse, qui désigne une classe
des étiquettes radiofréquences (RFID) et de smart cards a
spéciale d’antennes capables, grâce à des diodes haute fré-
étendu au transfert d’énergie le champ d’application des ondes
quence de convertir de l’énergie radiofréquence en courant
hertziennes. Dans les systèmes RFID à étiquettes passives, les
continu. Ces antennes permettent de récolter l’énergie du
étiquettes ne disposent d’aucune autre source d’énergie que
champ électromagnétique radio ambiant et la technologie
celle qu’elles reçoivent de la part du lecteur alors que les éti-
est similaire à celle des étiquettes radiofréquences passives.
quettes actives sont dotées d’une batterie dont la durée de vie
Beaucoup d’habitants des régions situées à proximité d’un
est typiquement de cinq ans. Le couplage entre le lecteur et
puissant émetteur radio ont fait l’expérience d’allumer une
l’étiquette peut se faire dans le champ proche (on parle alors
lampe avec une simple boucle d’induction. Mais l’incon-
de couplage magnétique) ou en champ lointain (on parle alors
vénient majeur réside dans la nécessité de disposer d’un
de couplage radiatif)1. Dans les “smart cards”, que l’on utilise
champ électromagnétique suffisamment puissant. Cepen-
quotidiennement pour voyager dans les transports publics ou
dant il a été démontré que des dispositifs analogues, mais
pour rentrer chez soi, le composant reçoit également l’énergie
à plus faible échelle, utilisant les micro-technologies, pour-
de fonctionnement dès qu’on l’approche du lecteur et se sert
raient convertir la lumière en électricité avec un rendement
de cette énergie pour alimenter une puce électronique qui
supérieur aux cellules solaires à semi-conducteurs.
envoie un code d’identification.
Une autre approche est suivie par l’université de Washington
On peut rattacher à ce type d’interaction la “WiTricity”,
qui a développé le concept de “back scattering antenna” dans
ou électricité sans fil, technique initialement développée
lequel un système, de la taille d’une carte de crédit, pilote l’im-
au MIT par extension de la bobine de Tesla, qui consiste à
pédance d’une antenne réceptrice de façon à renvoyer le si-
transférer de l’énergie vers un dispositif tel qu’une lampe, un
gnal dans l’environnement de façon contrôlable (figure 9). Il a
smart phone, un équipement mobile de manutention (ou de
été démontré qu’il était possible de construire des réseaux de
machinerie ou un équipement difficilement accessible) par
capteurs s’alimentant à partir des ondes TV ou Wi-Fi captées à
couplage électromagnétique entre deux bobines entrant en
partir du milieu ambiant. A ce stade, une telle possibilité a été
résonance dans le champ proche (figure 8).
démontrée à faible débit (1 kbit/s) et à faible distance (76 cm)
Ces techniques ne relèvent pas de l’energy harvesting au
mais les résultats sont considérés comme prometteurs.
sens où nous l’avons définie puisque l’émission d’énergie par
Dans une technologie assez différente, on trouve des
voie d’ondes électromagnétiques est provoquée pour alimen-
capteurs autonomes utilisant le champ électromagnétique
ter de façon spécifique un récepteur donné. Mais il existe des
des lignes de transport d’électricité. Un tel capteur est direc-
1
Le lecteur pourra se reporter à l’article publié dans la REE 2006-10 : « L’identification par radiofréquence (RFID) Techniques et perspectives » - Jean-Pierre Hauet.
134
REE N°1/2015
tement clipsé autour du conducteur dont il utilise l’énergie rayonnée et dont il mesure le fonctionnement. Il n’est pas besoin d’isolation puisque le dispositif ne touche qu’un seul
Le piégeage et la récolte de l’énergie
Figure 10 : Capteurs autonomes installés sur une ligne moyenne tension - Source Wikipédia.
Figure 11 : Prototype hybride, fabriqué sur substrat flexible et tirant parti à la fois du gradient thermique et de l’énergie lumineuse. Source : Fujitsu (2010). dotées d'un système récupérant l'énergie humaine. Des projets ont été développés par le MIT et par le Space and Naval Warfare Systems Center Pacific de San Diego. La puissance récupérée sert à l’alimentation des équipements électroniques du fantassin. Dans l’état actuel, la complète autonomie ne peut pas être atteinte, car le stockage de l’énergie est lié au temps de marche de l’utilisateur et l’électronique du fantassin a pris de grosses proportions. Dans l’approche “smart roads”, l’énergie de la marche ou produite par le passage des véhicules est récupérée par des films insérés dans les enrobements de routes et incluant des
Figure 12 : L'arrivée du Marathon de Paris le 15 avril 2013. Les coureurs passent sur des tuiles de récupération de l'énergie d'impact de la foulée. Source : Pavegem System.
capteurs piézoélectriques. L'énergie ainsi produite et utilisée pour la signalisation ou la régulation du flux des véhicules. L'avantage est que leur fonctionnement n'est pas perturbé par une panne d'électricité.
conducteur. Ce système est utilisé pour mesurer et trans-
On mentionnera enfin le concept de tuiles de récupé-
mettre la température ambiante et celle du conducteur, les
ration utilisées au cours du marathon de Paris. Ces tuiles,
mouvements du vent ou les variations de la tension du câble.
fabriquées par Schneider Energy, ont récupéré l'énergie des
La figure 10 montre des capteurs installés sur une ligne tri-
40 000 coureurs passant sur les dalles pour alimenter la si-
phasée moyenne tension, ils sont reliés par radio avec le
gnalisation électrique et les écrans de signalisation. Durant la
concentrateur situé à côté du transformateur de distribution
course, environ 7 kW/h ont été produits (figure 12).
basse tension situé sur le poteau.
Autres approches Il existe bien d’autres solutions qui peuvent être envisagées pour atteindre l’autonomie énergétique dans différents segments applicatifs. On peut par exemple tirer parti
Mais il faudrait aussi parler des possibilités d'utiliser l'électricité statique, les courants fluviaux ou marins, l'énergie de gravitation, la chimie sanguine, le métabolisme des arbres, les méta-matériaux, la pression atmosphérique…
Conclusions
de la chaleur du corps et Fujitsu a imaginé un système qui
L’énergie est partout présente dans le monde qui nous
produit de l'électricité à la fois à partir de l'énergie solaire
entoure. Il ne faut donc pas s’étonner qu’un nombre d’idées
et de l'énergie thermique. Des prototypes de capteurs
sans limite voie le jour pour permettre à toute sorte de dis-
adaptés au corps humain ont été ainsi présentés en 2010
positifs d’acquérir leur autonomie énergétique. Le dévelop-
(figure 11).
pement de l’energy harvesting est sans conteste l’un des
Une utilisation d'énergie naturelle peut également mettre à profit les chaussures de marche pour autant qu'elles soient
corollaires majeurs du développement de l’Internet des objets et du monde communicant.
REE N°1/2015 135
GROS PLAN SUR
Figure 13 : Répartition du marché de l’energy harvesting en 2011. Chiffres en millions d’USD. Total : 663 Mio USD - Source : IDTechEx. On estime à 700 millions d’USD environ le marché de l’energy harvesting en 2011 selon une répartition indiquée dans la figure 13. On y remarquera que la principale utilisation est l’électronique grand public, suivie par le militaire et le spatial. De nombreuses sociétés ont investi dans ce créneau et les technologies qui sont développées touchent tous les domaines du grand public aux industries, de l’automobile aux rovers martiens. On anticipe un chiffre d’affaires de 4 milliards USD en 2021. Mais pour mesurer l’enjeu
avoir sur la modernisation de l’appareil industriel dans le cadre du mouvement Industrie 4.0.
André Deschamps est ingénieur de recherche hors classe honoraire à l’Observatoire de Paris. Il est président de la commission « Radioastronomie » de l’URSI-France. Il a travaillé sur des grandes missions scientifiques spatiales (ROSETTA, Herschel, etc.) pour lesquelles il a reçu un award de la NASA et un autre de l’ESA. Il a été représentant de la radioastrono-
La France est trop peu présente dans cet élan. L’usine communicante n’est pas seulement un défi logiciel. L’alimentation en énergie reste un fondamental. Les progrès continuels faits en matière d’efficacité énergétique et la préférence donnée aux technologies vertes devraient conduire notre pays à porter plus d’attention à l’energy harvesting
mie française auprès de l’ANFR (Agence
qui est à la fois une technologie habili-
de ces techniques, il faut prendre aussi en
nationale des fréquences) et de l’ITU
tante et une source possible de création
considération l’impact qu’elles peuvent
(International Telecommunication Union,
d’emplois.
Genève). Jean-Pierre Hauet est membre émérite de la SEE et rédacteur en chef de la REE. Il est Président de l’ISA-France. Ingénieur au Corps des mines, il a dirigé les Laboratoires de Marcoussis du groupe Alcatel-Alsthom et a été Chief Technology Officer du Groupe ALSTOM. Il est l’auteur du livre « Comprendre l’énergie – Pour une transition énergétique responsable » paru aux éditions L’Harmattan en avril 2014.
136
REE N°1/2015
ENTRETIEN AVEC DOMINIQUE RISTORI
Directeur GÊnÊral Direction GÊnÊrale de l’Énergie Commission europÊenne
L’Europe et l’Énergie REE : Le Conseil europÊen a approu-
États membres, guidÊs par la nÊces-
ne peut pas ĂŠmerger si on le compta-
vĂŠ les 23 et 24 octobre derniers un
sitÊ d’atteindre collectivement l’objectif
bilise en ĂŠnergie primaire.
paquet-ĂŠnergie climat pour 2030.
DE L 5% TOUT EN PR�SERVANT LA mEXIBILIT� D. R. : La consommation d’Ênergie pri-
Pouvez-vous nous en rappeler les
nĂŠcessaire Ă leur niveau. Il fallait dans
maire correspond Ă la consommation
grandes lignes et nous dire oĂš sont
ce domaine tirer les leçons du passÊ et
ĂŠnergĂŠtique intĂŠrieure brute tandis que
les inflexions par rapport au paquet
ADAPTER LES PARAMĂ’TRES AlN D ATTEINDRE LA CONSOMMATION D Ă?NERGIE lNALE EST LA
prĂŠcĂŠdent ?
l’objectif europÊen. A travers des plans
somme des consommations d’Ênergie
Dominique Ristori : Dans le domaine
nationaux, les États membres se sont
de l’industrie, des transports, du sec-
de l’Ênergie, l’encadrement politique et
engagĂŠs Ă rĂŠaliser des efforts impor-
teur rĂŠsidentiel, du secteur tertiaire et de
rÊglementaire est très important car il
tants et je suis convaincu que nous
l’agriculture.
permet d’assurer la prÊdictibilitÊ et la sta-
irons au-delà de l’objectif europÊen de
bilitĂŠ que demandent tous les opĂŠrateurs
,A &RANCE S EST lXĂ?E PAR EXEMPLE VERS L Ă?NERGIE lNALE QUI EST L INDICATEUR
mais aussi les consommateurs. Il ĂŠtait
un objectif ambitieux de 32 % pour
le plus pertinent pour apprÊcier l’effort
donc essentiel de conclure ce Conseil eu-
2030 et vous verrez que l’objectif que
D EFlCACITĂ? Ă?NERGĂ?TIQUE
ropÊen d’octobre par un succès, d’autant
NOUS AVIONS lXĂ? ĂŒ POUR SERA
plus que nous devons prĂŠparer dans de
dĂŠpassĂŠ ;
cembre prochain. Il Êtait donc primordial de ne laisser aucune incertitude sur les objectifs europÊens en matière d’Ênergie et de climat. Ceci a ÊtÊ rendu possible grâce à l’accord trouvÊ le 24 octobre auquel ont adhÊrÊ tous les chefs d’État et de gouvernement.
REE : Dans quels secteurs pensezvous que l’effort d’efficacitÊ ÊnergÊ-
bonnes conditions le rendez-vous de la confĂŠrence de Paris sur le climat, en dĂŠ-
A terme, nous ferons tout pour aller
Les objectifs pour 2030 : 40 % de rÊduction des Êmissions de CO2, 27 % au moins d’Ênergies renouvelables et 27 % au moins d’augmentation de l’efficacitÊ ÊnergÊtique
Le Conseil s’est ainsi entendu sur :
tique doive s’exercer en prioritÊ ? D. R. : 4ROIS SECTEURS SONT ESSENTIELS ET prioritaires : s ,E BÊTIMENT s ,ES TRANSPORTS ET EN PARTICULIER L �LECtromobilitÊ ; s ,ES PRODUITS ET LES �QUIPEMENTS 5N grand effort de normalisation et d’information a d’ores et dÊjà ÊtÊ accompli
s 5N OBJECTIF CONTRAIGNANT DE RĂ?DUCTION s 5N OBJECTIF INDICATIF D AU MOINS
au niveau europĂŠen pour rendre nos
des Êmissions de CO2 de 40 % d’ici
AU NIVEAU DE L 5% EN TERMES D AMĂ?LIO-
produits (moteurs, ĂŠlectromĂŠnager, au-
2030 par rapport aux niveaux de 1990,
RATION DE L EFlCACITĂ? Ă?NERGĂ?TIQUE ĂŒ L HO-
TOMOBILEx PLUS PERFORMANTS ET POUR
avec en appui une rĂŠforme du sys-
rizon 2030 par rapport aux scĂŠnarios
sensibiliser les utilisateurs par un ĂŠti-
TĂ’ME DES QUOTAS D Ă?MISSION L %5 %43
de consommation future d’Ênergie, sur
quetage appropriĂŠ.
qui sera dotÊ d’un instrument visant
la base des critères actuels. Cet objectif
Ă stabiliser le marchĂŠ, conformĂŠment
ne sera pas traduit en objectifs contrai-
Ă la proposition de la Commission, et
gnants sur le plan national. Chaque État
qui devrait permettre de retrouver un
MEMBRE SERA LIBRE DE lXER DES OBJECTIFS
niveau de prix du CO2 permettant Ă
nationaux plus ÊlevÊs. L’objectif pourra
L %5 %43 DE JOUER UN RÙLE EFlCACE DANS
être reconsidÊrÊ d’ici 2020 dans l’op-
la politique de dĂŠcarbonisation ;
tique d’un objectif de 30 % pour 2030.
s "ÊTIMENTS s 4RANSPORT ET �LECTROMOBILIT� s 0RODUITS trois cibles prioritaires de la politique d’efficacitÊ ÊnergÊtique
s 5N OBJECTIF D AU MOINS EN CE QUI concerne la part des ĂŠnergies renou-
REE : Le recours tantĂ´t Ă la notion
velables dans la consommation ĂŠner-
d’Ênergie primaire, tantôt à celle
Je voudrais souligner Ă quel point L EFlCACITĂ? Ă?NERGĂ?TIQUE CONSTITUE UN IN-
G�TIQUE lNALE DE L 5NION EUROP�ENNE d’Ênergie finale crÊe des ambiguïtÊs
VESTISSEMENT PROlTABLE ĂŒ L ACTIVITĂ? Ă?CONO-
5% ĂŒ L HORIZON #ET OBJECTIF EST sur la façon de rĂŠaliser cet objectif. Ne
mique et donc à l’emploi. La plupart des
contraignant au niveau europĂŠen. Il
faudrait-il pas clarifier cette question ?
emplois que nous pouvons ainsi crĂŠer ne
sera rÊalisÊ grâce aux contributions des
Le vĂŠhicule ĂŠlectrique, par exemple,
sont pas dĂŠlocalisables et concourent au
REE N°1/2015 137
rĂŠtablissement de la balance commer-
Cependant, Ă moyen et plus long terme,
CIALE DES PAYS DE L 5NION # EST POURQUOI
il nous faut accroĂŽtre la robustesse de
LE &ONDS EUROPĂ?EN POUR LES INVESTIS-
NOTRE SYSTĂ’ME PAR UNE DIVERSIlCATION
sements stratĂŠgiques de 315 Milliards
des routes d’approvisionnement. Le pro-
d’euros annoncÊ en novembre dernier
JET 3OUTH 3TREAM QUI A Ă?TĂ? ABANDONNĂ?
et communĂŠment appelĂŠ Plan Juncker,
NE PERMETTAIT PAS DE DIVERSIlER L ORIGINE
INTĂ’GRE L EFlCACITĂ? Ă?NERGĂ?TIQUE ET LE DĂ?VE-
des approvisionnements. La Commission
loppement des ĂŠnergies renouvelables
souhaite aujourd’hui promouvoir un nou-
parmi ses grandes prioritĂŠs.
VEAU CORRIDOR GAZIER DU 3UD ET UN NOU-
Il nous faut resserrer les liens entre les
veau hub gazier mĂŠditerranĂŠen dans le
investisseurs et les promoteurs de pro-
3UD DE L %UROPE )L EXISTE DES POSSIBILITĂ?S
jets. Des liquiditĂŠs existent mais les liaisons entre les banques et les opĂŠrateurs ĂŠconomiques doivent ĂŞtre facilitĂŠes.
Il faut dresser une cartographie de nos ressources en gaz non conventionnels
DE DIVERSIlCATION ĂŒ PARTIR DE L %GYPTE DE #HYPRE DE L !ZERBAĂ•DJAN DU 4URKMĂ?NISTAN voire de l’Iran. Imaginez que nous puissions parvenir Ă un accord avec l’Iran Ă
REE : Peut-on commencer Ă parler
l’issue des nÊgociations en cours, les
d’Union de l’Ênergie ?
C’est seulement sur la base de cet in-
implications en termes gaziers seraient
D. R. : ,A CRĂ?ATION D UNE 5NION DE L Ă?NER-
ventaire que nous pourrons discuter de
majeures. Il faut s’y prÊparer et dans le
gie est une prioritĂŠ majeure pour le man-
façon concrète des enjeux de maÎtrise
montage de ces projets, l’Europe joue
dat de la nouvelle Commission. Elle a
environnementale et de viabilitĂŠ ĂŠco-
UN RÙLE ESSENTIEL DANS LES N�GOCIATIONS
ÊtÊ très fortement mise en avant dans
NOMIQUE 5N RĂ?SEAU SCIENTIlQUE EURO-
avec les pays fournisseurs ainsi qu'avec
les orientations politiques du prĂŠsident
pĂŠen sur l'extraction des hydrocarbures
les pays de transit, en facilitant les dis-
Juncker de juillet 2014 : ÂŤ Nous devons
non conventionnels a ĂŠtĂŠ mis en place
CUSSIONS ET EN DĂ?lNISSANT LES CONDITIONS
mettre en commun nos ressources,
ĂŒ CETTE lN 0AR AILLEURS S AGISSANT DES techniques et ĂŠconomiques acceptables
combiner nos infrastructures et parler
règles techniques à respecter dans les
d'une seule voix lors des nĂŠgociations
travaux d’exploration ou d’exploitation,
avec des pays tiers Âť.
nous avons publiĂŠ en janvier 2014 une
REE : Venons-en à votre deuxième
recommandation1. D’ici quelque temps
axe, celui de la compĂŠtitivitĂŠ et donc
nous verrons s’il y a lieu d’aller plus loin.
du renforcement du marchĂŠ intĂŠrieur
D’une façon gÊnÊrale, la Commission
de l’Ênergie.
SE MONTRE PLUTĂ™T POSITIVE QUANT ĂŒ L IDEN-
D. R. : La mise en place d’un marchÊ
L’union europÊenne de l’Ênergie est en marche Concrètement, cela veut dire plus de
par l’ensemble des parties prenantes.
TIlCATION ET ĂŒ LA MISE EN VALEUR DE NOS intĂŠrieur de l’Ênergie pleinement opĂŠra-
sĂŠcuritĂŠ, plus de de compĂŠtitivitĂŠ et plus
ressources potentielles d’hydrocarbures
tionnel et connectÊ est une prioritÊ très
de durabilitĂŠ, ces trois objectifs ĂŠtant
non conventionnels.
forte. Ceci suppose un effort de coordi-
ĂŠtroitement liĂŠs. REE : Parlons sĂŠcuritĂŠ et notamment sĂŠcuritĂŠ des approvisionnements
nation accrue entre les rĂŠgulateurs et les
DÊvelopper un corridor Sud d’approvisionnement en gaz : l’Iran pourrait un jour y participer
gaziers qui constituent une prĂŠoccu-
gestionnaires de rÊseau pour accÊlÊrer le dÊveloppement de nouvelles interconnexions Êlectriques. L’objectif d’interconnexion minimale de 10 %, au plus tard
pation majeure.
3UR NOS IMPORTATIONS DE GAZ LE PRO-
en 2020, pour tous les États membres
D. R. : Il y a plusieurs aspects Ă consi-
blème actuel est celui de la trop forte
A Ă?TĂ? RĂ?AFlRMĂ? PAR LE #ONSEIL EUROPĂ?EN
dĂŠrer. La sĂŠcuritĂŠ va de pair avec la
dĂŠpendance vis-Ă -vis de la Russie. A
d’octobre 2014, mais c’est l’objectif de
solidaritĂŠ, ce qui implique, pour le gaz,
COURT TERME L %UROPE A JOU� UN RÙLE D�-
15 % qui est Ă prĂŠsent visĂŠ pour 2030.
UNE POLITIQUE CONCERT�E D IDENTIlCATION terminant dans la mise au point d’un ac-
Il faudra pour cela renforcer les intercon-
et de mise en valeur de nos ressources
cord qui permet d’assurer pour cet hiver
nexions aux rĂŠseaux europĂŠens pour les
indigènes y compris les ressources non
LES LIVRAISONS DE GAZ RUSSE VERS L 5KRAINE pays n’ayant pas encore atteint un niveau
conventionnelles. Le sujet n’est pas facile à traiter compte tenu des positions prises dans certains pays mais nous considÊrons qu’il faut Êlaborer une cartographie des gisements existants.
138
REE N°1/2015
1
NDLR : Recommandation de la Commission du 22 janvier 2014 relative aux principes minimaux applicables Ă l’exploration et Ă la production d’hydrocarbures (tels que le gaz DE SCHISTE PAR FRACTURATION HYDRAULIQUE ĂŒ grands volumes.
minimum d’intÊgration dans le marchÊ intÊrieur de l’Ênergie, à savoir l’Espagne, le Portugal et les États baltes. Les zones pÊriphÊriques et/ou moins bien connectÊes du marchÊ unique, telles que Malte,
ENSEIGNEMENT & RECHERCHE
L’optique en France, un secteur dynamique Entretien avec André Ducasse Vice-président, Pôle de compétitivité ALPhA-Route des Lasers REE : Après Serge Haroche en 2013, les prix Nobel de physique et de chimie 2014 viennent de consacrer des progrès spectaculaires relevant également de l’optique ; comment définiriezvous le champ actuel de l’optique qui semble de plus en plus large ? Le terme de « photonique » n’est-il pas plus approprié ? André Ducasse : Comme en témoignent les derniers prix Nobel, l’optique est, de mon point de vue, la technologie qui déterminera le développement de la plupart des grandes innovations sociétales du 21e siècle. Après le Nobel de Serge Haroche qui montre comment l’optique permet de pénétrer dans la complexité du monde quantique dans lequel nous baignons, le prix 2014 concernant les LED, indique qu’elle fait aussi évoluer notre vie de tous les jours. Elle sera associée, bien sûr, dans de multiples innovations, à d’autres technologies complémentaires, l’informatique/numérique, l’électronique, les nanotechnologies, la micromécanique, en particulier. Mais les performances d’un grand nombre de systèmes sont déjà et seront de plus en plus liées à celles de leur cœur optique. Cette prééminence dans l’innovation s’explique par la nature et l’évolution historique même de l’optique. Celle-ci, dans son acception générale, est la science de la lumière, composée de photons, comme l’électronique est la science liée à l’électron. Aussi devrait-on parler de « photonique » plutôt que d’optique lorsque l’on s’intéresse aux caractéristiques générales de la lumière, c’est-à-dire, sa génération, sa propagation, son interaction avec différents milieux. Mais, contrairement à l’électronique ou l’informatique, l’optique est une science vieille de plusieurs siècles, révolutionnée depuis les années 1960 seulement, et ne s’étant imposée dans le domaine industriel que depuis 1990, environ. Il est difficile d’imposer dans le grand public un nouveau vocabulaire, même si les spécialistes adoptent généralement le terme de photonique.
Lasers et fibres optiques ont marqué la fin du 20e siècle Les caractéristiques du photon sont à l’origine des propriétés exceptionnelles de la photonique et de la multiplicité d’applications dans lesquelles elle joue un rôle essentiel. Le photon, de masse nulle contrairement à l’électron, a une grande facilité à former des armées cohérentes de particules identiques, les faisceaux lasers, ainsi qu’à se propager à l’air libre ou à être guidée dans des conditions optimales dans des fibres optiques. Ce sont ces deux inventions, lasers et fibres optiques, dans le milieu du 20e siècle, qui ont ouvert des ruptures technologiques et permis l’énorme développement de leurs applications industrielles à la fin de ce siècle Les ondes lasers ont d’extraordinaires possibilités de concentration, dans des volumes extrêmement petits, dans des impulsions ultra-courtes et/ou ultra-intenses, dans des angles solides très faibles,
Figure 1 : Une découpe laser. et de très grandes facilités de transmission. Ces propriétés expliquent que la photonique envahisse maintenant tous les grands secteurs de l’économie mondiale, les énergies durables, les transports (particulièrement l’aéronautique et l’espace), la santé (particulièrement les différentes formes d’imagerie), la transmission et le stockage de l’information, l’usine du futur… Elles permettent souvent d’apporter des amorces de solutions à de grands problèmes sociétaux. L’année mondiale de la lumière en 2015, qui est particulièrement célébrée en France, est l’occasion de mettre en exergue cette remarquable diffusion. Des évènements sont organisés dans toutes les régions, coordonnés par un comité national regroupant l’ensemble des grands chercheurs et industriels nationaux, sous le patronage de nos prix Nobel du domaine. Le lancement de ces manifestations a fait l’objet d’une remarquable cérémonie dans le grand amphi de la Sorbonne à Paris, le 8 janvier 2015. REE : Les pôles de compétitivité sont également des pôles d’excellence : quels sont ceux où l’optique joue un rôle essentiel ? A. D. : Dans le domaine de la photonique, la France occupe une position de choix au niveau international. Elle dispose sûrement de la meilleure recherche européenne, avec déjà trois prix Nobel dans le domaine (Kastler, Cohen-Tannoudji, Haroche) et d’autres possibles encore (l’importance des travaux initiaux d’A. Aspect sur l’information quantique et de ses recherches en cours sur les lasers à atomes, est reconnue par un nombre remarquable de très grands prix internationaux dont il est le lauréat). Elle s’appuie également sur plusieurs très grands laboratoires, reconnus à l’échelle mondiale. Malheureusement, son tissu industriel, même s’il se développe actuellement, ne se place pas au même niveau. L’industrie allemande, en particulier, a pris une avance incontestable pour le développement des applications industrielles dans plusieurs domaines.
REE N°1/2015 141
ENSEIGNEMENT & RECHERCHE
Malgré ce handicap, trois pôles de compétitivité sont dévolus essentiellement à la photonique et considérés par le ministère de l’Industrie comme des pôles photoniques : Optitec dans la région PACA, Elopsys en Limousin et la Route des lasers® en Aquitaine que j’ai eu le privilège de contribuer à créer, en 2005, autour du laser MégaJoule (LMJ). Il faut noter que plusieurs autres pôles régionaux se sont bien développés, bien que n’ayant pas le label pôle de compétitivité : tout d’abord Opticsvalley en Île-de-France, qui dispose du plus grand potentiel national d’entreprises et de laboratoires et que j’ai aussi contribué à créer lorsque j’étais directeur de l’Institut d’optique à Orsay-Palaiseau en 2000, le pôle optique Rhône-Alpes, qui vient de fusionner avec le pôle de compétitivité Minalogic, et Photonics-Bretagne.
La photonique est l’une des technologies-clés du 21e siècle Tous ces pôles, associés à un syndicat professionnel, l’Association française d’optique photonique (AFOP), à une société savante, la Société française d’optique, et à un club, le Club des lasers et procédés, se sont regroupés dans un Comité national optique photonique (CNOP) dès 2001. Depuis la reconnaissance de la photonique au niveau européen en 2006, puis au niveau national en 2011, comme l’une des six technologies-clés du 21e siècle, le CNOP a orchestré une forte dynamique de l’ensemble de la communauté. Il bénéficie du soutien du ministère de l’Industrie, dans le cadre d’un programme des investissements d’avenir, le Défi photonique et a coordonné une enquête nationale du domaine, commandée par ce même ministère. Cependant, cette technologie, diffusante sur de multiples secteurs, n’est pas rattachée à un unique marché et pâtit de ne pas disposer de grands pôles de compétivité de dimension mondiale, comme c’est le cas pour la micro-nano technologie ou l’aéronautique, par exemple. Aussi, la Route des lasers®, associée à Opticsvalley, a-t-elle pour ambition de constituer un tel pôle, avec le soutien de ses partenaires du CNOP, en s’appuyant sur le très fort potentiel des grandes sources lasers, en Aquitaine et Île-de-France, et sur la très forte dynamique industrielle récente. La Route des lasers a créé au cours de ces dix dernières années 25 start-ups, 30 antennes d’entreprises, 1 500 emplois directs et hautement qualifiés en photonique, sur le territoire de l’Aquitaine. Et, cette dynamique est en cours d’accélération, en particulier, grâce à un partenariat avec le pôle de compétitivité mondial Aerospace Valley, démarré l’été dernier. REE : Depuis quelques années, la grande école d’optique, que vous avez d’ailleurs dirigée, a beaucoup évolué : elle a changé de nom, migré sur le plateau de Saclay et rénové son enseignement et essaimé en province. Pouvez-vous faire le point sur cette évolution ? A. D. : Je suis très fier de l’évolution du très ancien Institut d’optique, créé en 1921, maintenant appelé Institut d’Optique Graduate School (IOGS). J’ai pu apporter ma contribution à cette évolution, il y a une dizaine d’années, en tant que directeur général de l’Institut et directeur de la grande école (que l’on appelle encore souvent familièrement SupOptique), de 1999 à 2003. J’ai obtenu en particulier, à cette époque, le financement de la construction de nouveaux locaux,
142
REE N°1/2015
dans le cadre d’un plan Etat-Région, et j’ai lancé cette construction sur les terrains de l’Ecole Polytechnique du Plateau de Saclay, avec l’aide de celui qui allait me succéder en 2003, Arnold Migus. Celuici, appelé au poste de directeur général du CNRS en 2006, a été remplacé par Jean-Louis Martin, actuel directeur général de l’IOGS, qui a achevé la construction du très beau bâtiment, en obtenant un complément de financement.
L’IOGS est désormais implanté sur trois sites (Palaiseau, Saint-Etienne et Bordeaux-Talence) L’IOGS est maintenant installé sur deux sites, complémentaires de celui de Palaiseau : en Rhône-Alpes, à Saint-Etienne, où j’avais été amené à créer une antenne en 2001, dévolue à la vision industrielle et à l’éclairage ; en Aquitaine, à Talence, où J.-L. Martin a décidé de créer une antenne sur photonique et numérique, ainsi que sur photonique et biologie. Cette antenne Aquitaine s’est installée dans un nouveau bâtiment, construit par le Conseil régional d’Aquitaine, l’Institut d’optique d’Aquitaine (IOA), de 15 000 m2 (46 M EUR), véritable « vaisseau amiral » de la filière photonique aquitaine, inauguré en octobre 2013. Pour cette antenne, l’IOGS a créé en 2012, avec l’Université de Bordeaux, un nouveau laboratoire de recherche, associé au CNRS, de très haut niveau, le Laboratoire de physique numérique et nanosciences (LP2N) et a prévu qu’une cinquantaine d’élèves de SupOptique viennent à terme faire leurs deux dernières années à Bordeaux. En fait, sur des promotions d’élèves de SupOptique de 160 élèves, tous effectuent leur première année à Palaiseau. 90 restent à Palaiseau, 20 vont à Saint-Etienne, 50 à Bordeaux, à terme, en 2e et 3e années. Les élèves en Aquitaine sont installés dans l’IOA , en même temps qu’une structure de transfert de technologie de 50 ingénieurs et techniciens en pleine croissance, ALPhANOV, qu’un nombre important de start-ups juste créées, ainsi qu’une structure de formation continue, PYLA et le siège du pôle de compétitivité ALPhA-Route des lasers. L’IOGS est ainsi amené à coordonner une remarquable dynamique d’innovation dans ce bâtiment, entre formations d’ingénieurs recherche, transfert de technologie, création d’entreprises. La formation initiale des ingénieurs SupOpticiens, centrée, avant les années 2000, sur les composants optiques, l’optique physique et quantique, s’est beaucoup diversifiée à Palaiseau et grâce aux deux antennes. Elle s’est orientée vers les systèmes impliquant l’optique, ce qui a imposé un nouvel enseignement des technologies complémentaires, micromécanique, électronique, informatique, biotechnologies, en insistant tout particulièrement sur les aspects numériques des disciplines. Le management industriel et surtout la création d’entreprises ont fait l’objet d’une attention particulière. Une formation innovation entrepreneurs (FIE) a été créée depuis plusieurs années, répartie sur les trois sites, pour environ 20 % des promotions. Les élèves en FIE ont du temps libéré, dès leurs deux dernières années, pour un projet de création d’entreprises ou de produits innovants, suivis par des coaches industriels et/ou académiques. A leur sortie, ils sont en mesure de lancer leur programme d’innovation. Cette FIE donne déjà de remarquables résultats, avec plusieurs créations d’entreprises, de nombreux succès sur des concours nationaux ou internationaux d’innovation.
CHRONIQUE
D
Lumières sur l’optique… eux auteurs prestigieux inspirent
graphie et de l’orthographe contemporaines. Cela
clairement expliqué et justifié par des expériences
cette chronique : Newton et Huygens ;
simplifie certes la lecture, mais celle-ci demande
finement décrites : on retrouve dans la première
excusez du peu ! Mais 2015 a été
encore de sérieux efforts tant le formalisme et
partie de l’Optique tout ce qui touche à la décom-
déclarée Année de la lumière et il
la mathématisation des phénomènes a évolué
position de la lumière blanche ; c’est dans cette par-
faut féliciter les éditions Dunod d’avoir marqué
depuis trois siècles. Chaque ouvrage est précédé
tie que sont notamment décrites de multiples ex-
cette décision onusienne par une politique édito-
d’une indispensable et talentueuse présenta-
périences faites avec les prismes et qu'est théorisée
riale ambitieuse et réédité deux ouvrages essen-
tion de Michel Blay, historien et philosophe des
l’origine des couleurs de l’arc en ciel. Newton
tiels de l’histoire de l’optique ; ils datent tous deux
sciences, qui préside le comité d’histoire du CNRS.
procède en explicitant des problèmes, en formulant
de ce 17° siècle qui marqua l’émergence de cette
Ses notes variées et souvent érudites aident gran-
des propositions et en démontrant des théorèmes.
partie essentielle de la physique, juste après celle
dement le lecteur.
Dans une seconde partie, on découvre en parti-
de la mécanique, stimulée au tournant des an-
culier les phénomènes d’interférence en lumière
nées 1600 par l’œuvre de Galilée et que Newton
blanche, entre un plan et un dioptre sphérique,
amplifia et unifia.
connus depuis comme les anneaux de Newton, ou
Pour compléter l’évocation des grands ou-
encore les phénomènes colorés qui accompagnent
vrages fondateurs de l’optique, il conviendrait
les inflexions des rayons de lumière, c’est-à-dire la
d’ajouter la Dioptrique de Descartes (1596-1650),
diffraction, au voisinage des ombres géométriques
publiée en 1637 à Leyde et qui constitue avec les
ou après le passage par de petits orifices.
Météores et la Géométrie, un des compléments
Huygens, dont l’ouvrage a été directement écrit
au Discours de la méthode, aisément disponible
Isaac Newton Optique
de ce fait (Le Traité de la lumière, écrit en 1634,
384 p. - 16
juste un an après la seconde condamnation de
en français, interprète les phénomènes lumineux par analogie avec ceux dus aux sons : il se place dans le cadre d’une conception ondulatoire ; il est
Galilée, fut prudemment gardé par Descartes et ne
même émouvant de voir dans ses schémas les
paraîtra qu’après sa mort, en 1677).
ondelettes qu’on associe désormais au principe
Pour bien marquer les repères chronologiques,
d’Huygens-Fresnel et dont la vertu explicative est
précisons que Newton (1642-1727) naît l’année
d’une grande richesse. Et comment ne pas admirer
même où Galilée meurt, à 78 ans. Newton est
sa façon de finir cette théorie de la réfraction en
donc plus jeune que Huygens (1629-1695), mais
démontrant une proposition remarquable : comme
ils baignent l’un et l’autre dans la même ambiance
le pensait Fermat, et non pas Descartes qui croyait à une propagation instantanée, la lumière em-
scientifique et culturelle et ils se sont même rencon-
Christiaan Huygens Traité de la lumière
trés à l’occasion des pérégrinations européennes de Huygens, qui passa d’ailleurs de nombreuses années à Paris ; il y élabora une part essentielle de son œuvre et y fréquenta en particulier Pascal et Roberval. Rappelons, en ce qui concerne l’optique, quelques données essentielles de l’époque : les progrès instru-
208 p. - 15 Les deux ouvrages ont été publiés par les éditions Dunod en janvier 2015 Ils comportent l’un et l’autre une présentation de Michel Blay
ploie le moindre temps possible… d’où se déduit la proportion constante des sinus. On touche ici, comme chez Newton, de la notion d’indice… Le Traité de la lumière consacre une partie importante à l’étrange réfraction du Cristal d’Islande, mais évoque fort peu les phénomènes liés à la couleur. Signalons que l’ouvrage de Huygens com-
mentaux dus à Galilée, les observations de Kepler puis la première mesure de la vitesse de la lumière
La traduction de l’Optique de Newton, due
porte aussi un Discours de la cause de la pesan-
à Paris en 1676 par Römer (1644-1710) ; la loi fon-
à Jean-Paul Marat, date de 1787 avec une dédi-
teur, où sont critiquées certaines affirmations de
damentale de la réfraction est désormais établie et
cace de l'éditeur au plus grand des Rois, qui est
Descartes et expliquées les variations de la pe-
connue, après Snell et Descartes, et l’on sait que
un modèle de flagornerie : on ne savait guère
santeur autour de la terre. C’est historiquement là
l’arc en ciel trouve son origine dans les gouttelettes
qu’avant sa carrière révolutionnaire, brutalement
que se trouvent formulées pour la première fois
de pluie ; on utilise le prisme avec habileté mais le
interrompue, il avait été un amateur éclairé de
les propriétés du mouvement circulaire uniforme,
spath d’Islande demeure mystérieux avec sa dou-
l’optique newtonienne. Newton aura donc eu,
avec une force centrifuge proportionnelle au carré
ble réfraction ; la diffraction de son côté commence
au siècle des Lumières, de prestigieux traduc-
de la vitesse et à l’inverse du rayon.
de poser des questions redoutables d’interprétation
teurs : les Principia, réédités en 2011 aux édi-
La nature, corpusculaire ou ondulatoire, de la
et de compréhension.
tions Dunod, avaient bénéficié d’une préface de
lumière et celle de l’éther continueront pendant des
Voltaire, avec une traduction de la Marquise du
siècles à susciter passions et controverses, mais dès
Châtelet.
le 17e siècle on tenait, avec Newton et Huygens, les
Newton et Huygens furent tous deux de grands expérimentateurs et leurs ouvrages respectifs en portent la marque évidente, avec un souci péda-
Comme le montre bien Michel Blay, le modèle
chefs de file des deux écoles : il faudra attendre le
gogique constant et des schémas précis. Les tex-
corpusculaire est sous-jacent à l’ensemble de l’ex-
siècle passé pour faire la synthèse des deux concep-
tes originaux ont été scrupuleusement respectés,
posé newtonien. Tout ce qui touche à la couleur,
tions et comprendre ce qu’est un photon…
même si l’éditeur a adopté les règles de la typo-
et qui constitue une grande part de l’ouvrage, est
B. Ay.
REE N°1/2015 149
PROPOS
LIBRES
Jean-Pierre Bessis Professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique
idées japonaises sont totalement nouvelles. Mais l’habi-
D
ner cette comparaison dans des domaines d’affronte-
tude a été prise en Occident de faire un parallèle entre notre pensée stratégique et celle de Sun Tzu, et de décli-
ans le monde extrême-oriental, la pensée
ment non militaire, comme la guerre économique ou le
stratégique renvoie souvent à un ouvrage
monde des affaires.
considéré comme référent et fondateur : l’Art de la guerre de Sun Tzu. Ecrit il y a plus
1 – Précis, bien équilibré et cohérent, « l’Art de la guerre »
de deux mille ans, il reste l’égal de grands traités occi-
de Sun Tzu constitue un excellent compendium de l’art
dentaux comme, par exemple, celui de Clausewitz. L’Asie
militaire de l’époque. Il fournit un cadre stratégique,
contemporaine, soucieuse de modernité, accorde bien
complet et normatif à ceux qui en ont besoin, d’où son
sûr une place importante à la pensée stratégique occi-
intérêt. Mais que peut apporter à l’Occident moderne un
dentale mais ne délaisse pas, pour autant, ses classiques.
traité aussi ancien ? S’il détenait de remarquables mé-
Ces dernières décennies, l’engouement du grand
thodes de raisonnements tactiques, pourquoi n’a-t-il pas
public français pour les « concepts stratégiques »
été utilisé plus tôt ? Pourquoi ne revisite-t-on pas nos
extrême-orientaux a dépassé le stade de la simple
échecs militaires passés et ceux du XXe siècle à l’aune de
curiosité et l’œuvre de Sun Tzu sert aujourd’hui de
ce petit ouvrage ?
« réservoir de citations » aux exergues des exposés
Il convient en fait de ne pas trop s’attarder sur les pages de l’ouvrage qui traitent exclu-
académiques et professionnels de tous domaines… Il faut dire que le formidable essor industriel du Japon des années 80 a amené l’Occident à dépasser ses vieux stéréotypes sur les pays extrêmeorientaux et à s’interroger sur les
La pensée stratégique de la Chine classique : Un enseignement pour l’Occident ?
spécificités du succès japonais, suc-
sivement de questions opérationnelles. Le chapitre 9, intitulé « La stratégie offensive », nous fournit les critères techniques de choix du terrain où livrer bataille (montagne, vallée, marécage, plaine). Qu’il vaille mieux engager le combat quand on
cès qui a su allier qualité et innovation. Très vite, les
tient les hauteurs et qu’une armée en train de traverser
Occidentaux se sont rendus compte qu’au Japon, l’orga-
une rivière soit vulnérable, cela reste du bon sens et tout
nisation des processus et la stratégie d’action avaient
chef militaire d’aujourd’hui et d’hier le sait et l’a même
emprunté des voies originales, améliorant les méthodes
forcément expérimenté en exercices. Qu’il faille se méfier
de gouvernance et de management, les relations entre
d’un adversaire présentant une position anormalement
patrons et salariés et, les stratégies de pénétration des
vulnérable (risque de piège), ou qu’il soit utile d’identifier
marchés concurrentiels (notamment à l’export)… Si les
les manœuvres dilatoires de l’ennemi, voilà encore des
industriels occidentaux s’en sont tenus à la récupéra-
recommandations sensées, mais qui n’ont rien d’original.
tion des « bonnes idées » et à leur extrapolation en tant
L’intérêt du travail de Sun Tzu se situe, pour nous, ail-
que de besoin, de nombreux penseurs, philosophes et
leurs… pas dans son contenu technique mais plutôt dans
consultants en stratégie ont invoqué une matrice de
son type d’approche globalisante. A trop chercher une
pensée stratégique extrême-orientale.
méthode concrète et opératoire, on peut parfois oublier
Soyons clairs : tout ne se ramène pas à la pensée
l’essentiel : pourquoi fait-on la guerre ?…
stratégique des siècles anciens, ni même aux spécifici-
Dans le chapitre 3, intitulé « Marches » (ch. 3),
tés de la sphère culturelle chinoise1, qui a largement ins-
Sun Tzu invite à vaincre sans coup férir, à éviter la longue
piré le Japon à l’époque classique2 ; de très nombreuses
succession des batailles, le siège prolongé des places fortes et à s’emparer des armées de l’adversaire sans
1
2
152
La Chine n’est pas le seul pays asiatique à avoir eu, à date ancienne, des idées innovantes dans le domaine stratégique. L’Inde est aussi connue pour son Artashastra, traité stratégique remarquable qui date de plus de deux mille ans. Plusieurs champs culturels japonais (arts, philosophie, techniques)
REE N°1/2015
les détruire. Quelle magie permettrait de réaliser systématiquement de telles prouesses ? On pense bien sûr à ont de lointaines origines chinoises.
LIBRES
PROPOS
ce que promettent certains arts martiaux (judo, aïkido) :
avant tout à apprécier ce que sera la situation postérieu-
faire chuter l’adversaire en un éclair sans le frapper. Mais
rement au conflit. Que ferons-nous des populations ?
Sun Tzu ne fournit pas de recette tactique et reste au
Qu’aura coûté cette guerre et pourrait-on le cas échéant
niveau stratégique. Son objectif est de rappeler au chef
la renouveler ? Que nécessiteront la reconstruction des
militaire d’envisager systématiquement l’option d’une
territoires ravagés et la reconstitution des populations
guerre rapide et d’essayer même d’y fonder sa stratégie.
décimées ? Finalement la guerre était-elle justifiée ? Il ne s’agit pas ici de morale mais de réalisme à
Si cela ne s’avère pas possible, il vaut peut-être mieux différer l’affrontement !
moyen-terme…
Sun Tzu suggère donc de garder la possibilité de ne pas livrer bataille et de rentrer tranquillement chez soi !
3 – En Occident, le commandement militaire n’est pas
En d’autres termes, la balance du choix se fait entre une
censé devoir réfléchir aux questions qui dépassent son
guerre d’acquisition sans conflit et une guerre de des-
mandat. Celles-ci relèvent du politique !
truction meurtrière. Or, la première de ces deux alterna-
Et le politique n’ayant pas compétence à effectuer
tives nous ramène directement au niveau premier de la
les choix militaires, il a tendance à décider d’un objec-
décision, celui du leader politique…
tif a priori dont il confiera aux militaires la déclinaison
Ce même chapitre 3 insiste sur la nécessité d'aider
opératoire.
l'action militaire, en recourant aux moyens diploma-
Bien sûr, il est possible de dialoguer… Ce dialogue,
tiques, politiques et économiques, et donc d’articuler
que l’on qualifie de « politico-militaire », a fait déjà l'objet
intimement la chose militaire et le cadre politique qui
de nombreuses études et fait couler beaucoup d’encre.
l’a suscitée. Mais, pour autant, elle ne doit pas s’y résor-
Il est vu depuis longtemps comme l’interface entre deux
ber. Car, selon Sun Tzu, les trois péchés du gouverne-
environnements différents et non comme une « unité
ment sont : ordonner l’attaque ou la retraite, gérer les
structurelle ».
affaires militaires et prendre la place du général, soit, en somme, se substituer au commandement militaire.
Clausewitz, qui a servi de modèle stratégique à l’Occident du XXe siècle, prônait les grands affronte-
Ce qui précède est très important et se retrouve en
ments destructeurs… mais pour quels objectifs poli-
maints endroits du texte de Sun Tzu : « La victoire ne
tiques ? Une conquête... pourquoi faire ? Les exemples
peut être envisagée que si l’accord entre l’échelon poli-
de guerres gagnées mais qui n’auront finalement servi
tique et l’échelon militaire est parfait », tant sur le plan
à rien sont nombreux. Des questions doivent être po-
de l’action et de la décision, que sur la raison du conflit.
sées : s PEUT ON SE LANCER DANS UNE GUERRE SANS AVOIR UNE IDÏE
2 – La longue histoire militaire de l’Occident, lourde de
de sa durée, ni disposer préalablement des moyens d'y
conflits et guerres, a obligé, nos stratèges à théoriser et
mettre un terme ?3
actualiser leurs méthodes de combat. Le monde des
s PEUT ON FAIRE LA GUERRE SANS AVOIR LES CAPACITÏS DIPLOMA-
armes et de la technologie, les hommes et leur motiva-
tiques de négocier la paix (même une mauvaise paix) ?
tion ainsi que les terrains d’affrontement ont suffisam-
s DOIT ON CACHER LA DURETÏ DES COMBATS Ì LA POPULATION
ment évolué pour que les ouvrages de stratégie du passé soient devenus, en partie, obsolètes.
ou recueillir son adhésion à la poursuite du conflit ? s Ì QUOI BON DÏFENDRE UNE POSSESSION TERRITORIALE LOINtaine, si celle-ci ne rerésente plus aucun enjeu ?
Mais un semi-vide persiste dans la pensée occidentale : nous avons tendance à minorer l'importance
Parfois, le choix d’engagement des hostilités peut
de l’unité du politique et du militaire, vue sur un plan
être porté par un dialogue politico-militaire réussi. Mais
conceptuel. De fait, soit l’un a la primauté sur l’autre,
les évolutions inattendues du conflit peuvent désolidari-
soit l’un délègue à l’autre comme s’il « sous-traitait à un
ser cette union, remettre en cause les premiers objectifs
spécialiste » à partir de spécifications a priori…
et en dessiner d’autres…
L’exhortation de Sun Tzu à conquérir sans combattre
4 – Il y une certaine analogie entre l’affrontement guer-
n’est pas une coquetterie intellectuelle destinée à dé-
rier des Etats et la lutte acharnée que se livrent les
montrer qu’avec du génie on opère plus rapidement, sans même subir les affres du combat guerrier. Elle cherche
3
Le problème irakien en est un exemple…
REE N°1/2015 153
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