Aperçu du numéro 2015-5 de la REE (janvier 2016)

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2015

EDITORIAL L’Europe, l’énergie et les réseaux intelligents Michel Derdevet Secrétaire général ERDF

Numéro

5

ÉNERGIE

ENTRETIEN AVEC Philippe Pradel Vice-président Développement nucléaire ENGIE TELECOMMUNICATIONS

SIGNAL

COMPOSANTS

AUTOMATIQUE

INFORMATIQUE

Cet aperçu gratuit permet aux lecteurs ou aux futurs lecteurs de la REE de découvrir le sommaire et les principaux articles du numéro 2015-5 de la revue, publié en janvier 2016. Pour acheter le numéro ou s'abonner, se rendre à la dernière page.

DOSSIER

ISSN 1265-6534

L'ARTICLE INVITÉ

Les brevets, clef des stratégies de propriété industrielle Par Jean-Charles Hourcade www.see.asso.fr


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EDITORIAL

MICHEL DERDEVET

L’Europe, l’énergie et les réseaux intelligents

A

u-delà de la COP 21, la France et l’Europe conservent pour les prochaines années une responsabilité particulière : celle de continuer à être force de propositions afin de faire de la transition vers une économie décarbonée une réussite à la fois économique et sociétale. On l’oublie trop souvent, les Européens furent les premiers à faire de la lutte contre le dérèglement climatique une grande politique structurante de ce demi-siècle. Mais, pionniers, nous nous trouvons encore en première ligne face aux nombreux défis technologiques (déploiement de nouveaux moyens de production, renouvelables et décentralisés, rénovation massive des parcs immobiliers, invention de nouveaux modèles énergétiques locaux), sociétaux (acceptabilité d’une évolution des modes de vie) et économiques (activation de circuits de financement innovants et mobilisation de l’épargne) qui structurent la transition énergétique. La manière de relever ces défis dépendra des choix faits dans chaque État membre (et même, de plus en plus, dans chaque région ou collectivité de l’Union), mais les solutions trouvées auront en commun de devoir s’insérer dans des systèmes énergétiques dont les réseaux de transport et de distribution, d’électricité ou de gaz, fournissent déjà, sur des millions de kilomètres, l’architecture. Continuer à « faire système », grâce aux réseaux, afin de délivrer une énergie dans les meilleures conditions d’efficacité et de coût, est ainsi l’impératif absolu pour la sécurité d’approvisionnement des Européens, notre confort de vie, la compétitivité de nos entreprises et donc pour nos emplois. L’Europe est la zone du monde qui offre les services énergétiques de la meilleure qualité ; cet atout doit être conforté. Or, les réseaux énergétiques européens sont soumis à un cahier des charges profondément renouvelé dans ce

contexte de transition énergétique, puisque leur organisation doit désormais permettre : s d’accompagner la décentralisation, les moyens de production renouvelables étant dispersés en centaines de milliers de sites sur l’ensemble des territoires. Cela impose de repenser en profondeur les réseaux, notamment de distribution, qui n’ont pas été initialement conçus pour cette fonction de collecte des énergies renouvelables ; s de piloter une complexité d’un ordre nouveau en raison de la variabilité de certaines énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque) mais aussi de l’émergence de nouveaux usages, tels les véhicules électriques ; s d’assurer les solidarités entre les Etats et régions, dans un contexte où les incertitudes technologiques des filières nouvelles viennent s’ajouter à celles, plus anciennes, d’ordre géopolitique ; s de continuer à garantir un égal accès aux services énergétiques, sans que la transition devienne un facteur de discrimination à l’encontre des citoyens les plus fragiles économiquement. Mettre les intelligences en commun pour adapter les réseaux est une nécessité si les Européens veulent réussir la transition énergétique. L’article 194 du Traité de Lisbonne trace déjà la voie à une intervention plus forte de l’Union en la matière. Mais les Européens doivent aller au-delà et explorer au plus vite de nouveaux espaces de coopération, d’innovation et d’investissements conjoints. Le défi est de taille car des centaines de milliards d’investissements devront être engagés d’ici à 2030, et il n’est nul besoin d’argumenter pour se convaincre que, dans une Europe convalescente, chaque euro devra être investi avec le plus grand souci d’efficacité pour nos collectivités. Cette « Europe énergétique en réseaux », que nous appelons de nos vœux, ne sera pas qu’un défi physique, technique ou économique. Elle devra aussi incarner ces « singularités partagées » qui caractérisent aujourd’hui

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l’espace énergétique européen : à la verticalité des hiérarchies, nationales, succèdera l’horizontalité de la communication entre les territoires ; à l’autorité des pouvoirs en place, la légitimité du citoyen, de l’initiative et de la réussite ; à l’uniformité industrielle, la diversité des modèles d’organisation ; à un univers d’Etats, le flux des échanges sur l’espace européen. Plus que jamais, il faut d’urgence faire émerger une approche européenne cohérente et pragmatique dans le domaine des réseaux, pour résoudre les difficultés d’aujourd’hui, et répondre aux défis de demain. Et nous devons organiser nos efforts autour de trois axes majeurs : s rénover la sécurité d’approvisionnement et la coopération entre les entreprises de réseaux, mais aussi les collectivités locales porteuses de la transition énergétique ; s renforcer les coordinations des régulations et les leviers de financement pour optimiser les coûts des infrastructures, tout en investissant sur les territoires traversés par ces infrastructures stratégiques ;

2 Z REE N°5/2015

s promouvoir l’Europe en leader de l’innovation énergétique, en donnant un nouvel élan et une nouvelle dimension à sa R&D, notamment à travers la normalisation, la création d’une plate-forme des données énergétiques, la mise en place de corridors des mobilités innovantes ou encore la fondation d’un Collège d’Europe de l’Energie. Le 9 mai 1950, Robert Schuman évoquait le fait que « l’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait ». Plus de 65 ans plus tard, une vraie politique européenne en matière d’infrastructures énergétiques irait à l’évidence dans cette (juste) direction, et donnerait un contenu concret au concept d’ « d'Union de l’énergie ». Michel Derdevet est secrétaire général et membre du directoire d’ERDF. Il est maître de conférences à l’IEP de Paris, professeur au Collège d’Europe de Bruges.


sommaire Numéro 5

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EDITORIAL L’Europe, l’énergie et les réseaux intelligents Par Michel Derdevet

4 6 8 10 13 14 15 17 18

p. 1

19 21

SOMMAIRE FLASH INFOS Thread : vers un standard de fait de l’Internet des objets ? Le MIMO massif Des composants de nouvelle génération pour la traction électrique Sécurité des mobiles et de l’Internet des objets (IoT) : un micronoyau compatible POSIX Survol de Pluton par la mission NASA “New Horizons” Après Solar Roadways et SolaRoad, voici Wattway Bientôt des smartphones dotés d’une caméra 3 D ? Collecter l’énergie des ondes électromagnétiques avec un rendement voisin de 1 Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), les teneurs en gaz à effet de serre l’atmosphère continuent à croître Le prix Nobel de physique 2015, une étape supplémentaire dans l’histoire du neutrino

25 ACTUALITÉS 29

L’Accord de Paris Maison Ampère de Poleymieux : inauguration de l’Espace Ampère et signature du contrat de mécénat avec RTE

30 A RETENIR Congrès et manifestations

32 VIENT DE PARAÎTRE La REE vous recommande

34 ARTICLE INVITÉ Les brevets, clef des stratégies de propriété industrielle Par Jean-Charles Hourcade p. 44

44 RADAR 2014 Radars à antennes électroniques : Plus sensibles et plus agiles au prix d’une complexité accrue Introduction Par Sylvain Azarian

47

Analyse et comparaison de formes d’ondes pour le radar MIMO Par Hongbo Sun, Frédéric Brigui, Marc Lesturgie

55 p. 34

Photo de couverture : © Stéphane Saillant - Onera

4 Z REE N°5/2015

p. 97

Codage spatio-temporel multi-rafales pour systèmes à antenne active Par Guy Desodt, Georges-Edouard Michel, Jean-Paul Guyvarch, François Le Chevalier, Olivier Rabast


Ordonnancement des tâches pour radar multifonction avec contrainte en temps dur et priorité

e ts 0 6

64

Par Vincent Jeauneau, Frédéric Barbaresco, Thomas Guenais

75

Antenne active multi-facettes à balayage électronique en technologie « tuile » Par G Byrne, A M Kinghorn, R W Lyon et G D Morrison

79

Nouveaux développements pour les antennes actives et les modules T/R Par Yves Mancuso, Christian Renard

83

Suppression des directions aveugles d’une antenne réseau grâce aux métamatériaux Par Thomas Crepin, Cedric Martel, Benjamin Gabard, Fabrice Boust, Jean-Paul Martinaud, Thierry Dousset, Pablo Rodriguez-Ulibarri, Miguel Beruete, Claudius Loecker, Thomas Bertuch, Jose Antonio Marcotegui, Stefano Maci

89 RETOUR SUR ... Les grandes étapes des télécommunications intercontinentales Le câble, la radio, le satellite Par Bernard Ayrault

97 ENTRETIEN AVEC... Philippe Pradel

Vice-président développement nucléaire ENGIE ENGIE et le développement du nucléaire

101 ENSEIGNEMENT & RECHERCHE Femmes et numérique Par Sandrine Vaton

107 Echos de l’enseignement supérieur

27-29 JANUARY 2016 TOULOUSE, France CENTRE DE CONGRÈS PIERRE BAUDIS

Par Bernard Ayrault

109 CHRONIQUE

Organized by:

L’homme et après…? Par Bernard Ayrault

111 LIBRES PROPOS Une lecture de Laudato si’ Par Gilles Bellec

117 SEE EN DIRECT

www.erts2016.org

La vie de l'association

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FLASHINFOS

Thread : vers un standard de fait de l’Internet des objets ? A l’occasion de son forum technique tenu à Paris le 1err octobre 2015, la société Freescale a présenté sa solution d’implémentation du protocole Thread destiné à assurer la connexion sans fil entre objets communicants dans le domaine de la domotique. Thread est encore peu connu en France mais sa montée en puissance est telle qu’il pourrait rapidement devenir un standard de fait dans le domaine de l’interr net des objets, avant même d’être officiellement reconnu comme norme par les instances internationales. Thread est en effet soutenu par un consortium dénommé Thread Group (http://threadgroup.org), formé en octobre 2014 et regroupant aujourd’hui plus de 220 membres

Figure 1 : Schéma de principe de Thread. Source : d’après le Thread Group.

parmi lesquels la plupart des grands noms de l’électronique internationale. Après la publication de la spécification 1.0 de Thread l’été dernier, plus de 30 produits ou composants

Thread n’est pas déterministe, il n’est pas fondé, comme

étaient en cours de certification à la mi-novembre 2015 et

l’ISA100.11a, sur une répartition des slots de communi-

des stacks logiciels certifiés en provenance d’ARM, de Free-

cation par multiplexage temporel (Time Division Mul-

scale et de Silicon Labs sont à présent disponibles.

tiple Access ou TDMA) : les équipements rentrent sur

La cible visée par Thread est le marché de la domo-

le réseau par une procédure de « best effort » du type

tique, c’est-à-dire celui des Home Area Networks (HAN).

CSMA-CA1 (utilisée dans ZigBee) afin d’éviter au maxi-

L’objectif de Thread est d’offrir une solution ouverte

mum les collisions. Thread est conçu pour répondre aux

permettant de connecter entre eux des équipements

besoins de la domotique, avec des débits maximum sur

domestiques par des liaisons sans fil, de façon simple,

les segments de 250 kbit/s et une portée suffisante pour

économique et sûre et avec une très faible consomma-

couvrir correctement une maison. On trouve dans un réseau Thread (figure 2) :

tion d’énergie. Thread offre également la possibilité de raccorder le réseau local à l’Internet et donc d’opérer à

s UN OU DEUX i ROUTEURS DE BORDURE w QUI ASSURENT LA connectivité avec le monde « hors réseau » ;

distance toute sorte d’équipements (électroménager, sécurité, éclairage, contrôle d’accès…) à partir de tablettes

des « devices » dotés de la capacité de routage et qui,

ou de smartphones (figure 1).

en règle générale, sont alimentés de façon permanente ;

Thread apparaît ainsi comme un réseau local à faible

s DES DEVICES D EXTRÏMITÏ EN RÒGLE GÏNÏRALE DORMANTS

consommation pouvant s’interfacer, sans solution de conti-

donc à très faible consommation et pouvant être ali-

nuité, avec l’Internet. Il fait partie de la catégorie des LLN

mentés par batterie et qui se réveillent sur événement

(Low Power and Lossy networks c-à-d réseaux à basse puis-

en entrant alors en communication avec le routeur

sance et avec pertes). Il tire parti de l’expérience acquise

« parent » qui leur est assigné ; certains de ces devices

lors des travaux menés au cours des dernières années pour

peuvent éventuellement devenir routeurs, ils sont qualifiés de REED (Router-Eligible End devices) ;

interfacer avec Internet les réseaux locaux développés sur la base du standard IEEE 802.15.4 : ZigBee, WirelessHart,

s UN hLEADERv QUI S APPARENTE Ì UN GESTIONNAIRE DE RÏSEAU

ISA100.11a. Il partage avec eux beaucoup de points com-

stockant les informations clés et les distribuant aux rou-

muns : il s’agit en particulier d’un réseau capable de s’orga-

teurs.

niser en réseau maillé, apte à reconfigurer le routage des

Un protocole de routage, fondé sur la qualité obserr

messages au cas où la défaillance d’un équipement vient à

vée des communications entre routeurs, permet de doter

interrompre un chemin de transmission.

chaque routeur d’une table de routage des messages.

Cependant Thread ne vise pas à atteindre les perforr mances exigées dans le domaine du contrôle industriel.

6 Z REE N°5/2015

1

CSMA-CA: Carrier Sense Multiple Access with Collision Avoidance.


FLASHINFOS

En particulier, le protocole 6LoWPAN2 qui joue un rĂ´le d’articulation fondamental entre le monde de l’IPv6 et celui des rĂŠseaux locaux 802.15.4. C’est lui en particulier qui règle les problèmes de compression d’en-tĂŞtes pour passer des adresses Ă 128 bits de l’IPv6 aux adresses du rĂŠseau local codĂŠes sur 16 bits. Le protocole 6LowPAN assure ĂŠgalement la fragmentation et le rĂŠassemblage, des trames de l’IPv6 dont la longueur peut atteindre 1280 bytes, de façon Ă pouvoir les router avec le minimum de ÂŤ frais gĂŠnĂŠraux Âť dans le rĂŠseau local oĂš la longueur des trames ne doit pas excĂŠder 127 bytes. Au-dessus de la ÂŤ glue Âť 6LoWPAN, on trouve le protocole de couche 3 IPv6 qui est au cĹ“ur de la conception du système et doit assurer l’interopĂŠrabilitĂŠ entre tous les ĂŠquipements, locaux ou distants. Les trames IPv6 sont routĂŠes par l’algorithme RIP (Routing Information Protocol) issues du monde de l’Internet. Quant Ă la couche transport, elle utilise, pour Figure 2 : SchĂŠma simpliďŹ ĂŠ d’un rĂŠseau Thread. Source : Thread Group.

avoir la dynamique nĂŠcessaire, le protocole UDP sĂŠcurisĂŠ par DTLS (Datagram Transport Layer Security). La couche application ne fait pas partie du stack

Le mÊcanisme d’auto-cicatrisation permet à un routeur de

Thread. Elle est laissÊe au choix de l’utilisateur qui pour-

dĂŠceler un dĂŠfaut dans une transmission vers un autre rou-

ra, en particulier, installer CoAP (Constrained Application

teur et de recalculer en consĂŠquence la table de routage.

0ROTOCOL VERSION hLIGHTv DU PROTOCOLE )NTERNET (440 DES-

Un rĂŠseau Thread peut contenir plusieurs centaines

tinĂŠe aux ĂŠquipements Ă faibles ressources.

d’abonnĂŠs d’extrĂŠmitĂŠ et jusqu’à 32 routeurs actifs, ce qui est très largement sufďŹ sant pour les applications domotiques.

En transversal, diffÊrents mÊcanismes de sÊcuritÊ, s’ajoutant à ceux de l’IEEE 802.15.4 sont implÊmentÊs.

Le stack de communication Thread s’appuie pour l’essentiel sur des protocoles existants (ďŹ gure 3). Il repose au

Quels sont les points forts de Thread ? s UTILISATION DES BRIQUES NORMALISĂ?ES LES PLUS PERFOR-

niveau des couches basses sur le protocole de communi-

mantes du monde des rÊseaux locaux et de l’Internet ;

cation IEEE 802.15.4 (2006), ce qui permet de bĂŠnĂŠďŹ cier

s BASE MATĂ?RIELLE DISPONIBLE ET COMPĂ?TITIVE

de la disponibilitÊ de chips à très bon marchÊ, dÊvelop-

s SIMPLICIT� DE MISE EN “UVRE

pĂŠs notamment pour les besoins de ZigBee.

s ROBUSTESSE DU RĂ?SEAU GRĂŠCE AU MAILLAGE ET AUX MĂ?CA-

Au-dessus de ces couches basses, on trouve des protocoles dÊveloppÊs dans le cadre de l’Internet IPv6.

nismes d’auto-cicatrisation ; 2

6LoWPAN veut dire “IPv6 Low Power Wireless Personal Area Networks�.

Figure 3 : Le stack de communication Thread – Source : Thread Group.

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FLASHINFOS

s SĂ?CURITĂ? INTĂ?GRĂ?E PAR RECOURS AU CHIFFREMENT PAR COURBES

Le MIMO multiutilisateur (Mu-MIMO) offre une capa-

elliptiques et mÊcanismes sophistiquÊs d’Êchange de

citĂŠ d’accès multiples Ă un mĂŞme canal de transmission

CLĂ?S ET DE PHRASES DE PASSE LORS DE LA PHASE DE hJOININGv

tout en utilisant le MIMO sur chaque liaison (à la façon de

de nouveaux ĂŠquipements ;

l’OFDMA et de l’OFDM).

s OPTIMISATION DU PROTOCOLE AUX lNS DE MINIMISATION DES consommations d’Ênergie.

En principe, plus le nombre d’antennes est ÊlevÊ, plus la capacitÊ du canal mesurÊe en bit/s.Hz augmente. Mais

Avec Thread on voit se proďŹ ler dans l’IoT et dans l’IIoT

les antennes doivent être espacÊes d’au moins une demi

(Internet industriel des objets) deux familles de rĂŠseaux

longueur d’onde pour ne pas interfÊrer et leur nombre

locaux sans ďŹ l couplĂŠs Ă l’Internet :

se heurte vite aux limites de taille qui s’appliquent no-

s LES RĂ?SEAUX ĂŒ TEMPS CRITIQUE POUR LES APPLICATIONS TRĂ’S

tamment aux terminaux mobiles, sauf Ă recourir Ă des

exigeantes en termes de temps de latence, taux de

frÊquences très ÊlevÊes, aux alentours de 60 Hz par

perte de paquets, alĂŠas dans les dĂŠlais de transmis-

exemple, auquel cas l’espacement est rÊduit à 2,5 mm.

sion (jitter). Ces rĂŠseaux utiliseront des mĂŠcanismes

C’est l’objectif du standard IEEE 802.11ad qui utilise des

de sĂŠquencement temporel dĂŠterministes dĂŠrivĂŠs de

ondes millimÊtriques à 60 GHz. Il est alors possible d’ins-

celui de l’ISA10.11a et qui seront conformes à la spÊ-

taller un très grand nombre d’antennes : c’est ce qu’on

ciďŹ cation 6tisch de l’IETF (IPv6 over the TSCH mode

appelle le MIMO massif, concept dĂŠrivĂŠ du Mu-MIMO

of IEEE 802.15.4e) ; la spĂŠciďŹ cation de ces rĂŠseaux se

mais qui n’avait jusqu’alors fait l’objet que de travaux aca-

fait actuellement au sein du groupe de travail DetNet

dĂŠmiques (ďŹ gure 2). Les travaux relatifs aux systèmes de 5e gĂŠnĂŠration consi-

(Deterministic Networking) de l’IETF ; s LES R�SEAUX DU TYPE Thread rÊpondant à un cahier des

dèrent Êgalement la possibilitÊ de recourir au MIMO mas-

charges moins exigeant et qui seront plus simples Ă

sif. Cette technique consiste Ă placer au niveau des stations

mettre en Ĺ“uvre tout en offrant des niveaux de perforr

de base (BS) desservant une cellule, un grand nombre

mances et de sĂŠcuritĂŠ ĂŠlevĂŠs.

d’antennes – des centaines voire des milliers – dÊpassant

La solution Thread peut s’avÊrer la mieux adaptÊe

largement le nombre de terminaux actifs dans cette cellule

pour assurer à l’avenir les communications qui s’Êtabli-

qui eux n’ont qu’une antenne. Le grand nombre d’antennes

ront dans les logements en direction des ĂŠquipements

permet à la station de base de focaliser l’Ênergie rayonnÊe

ĂŠlectriques, Ă partir des boĂŽtiers connectĂŠs aux comp-

dans un espace rĂŠduit autour du terminal avec lequel il

teurs communicants du type Linky qui seront proposĂŠs

communique. Ainsi, d’importants progrès doivent pouvoir

par les fournisseurs d’Ênergie ou les opÊrateurs d’effa-

ĂŞtre faits en termes d’efďŹ cacitĂŠ spectrale et ĂŠgalement de

cement. â–

consommation d’Ênergie (ďŹ gure 3).

JPH

Pour ĂŞtre mis en Ĺ“uvre, le MIMO massif comme le MIMO classique, exige une connaissance des caractĂŠris-

Le MIMO massif

tiques instantanĂŠes des canaux radio disponibles : pour

La technique MIMO, dĂŠcrite dans les annĂŠes 1990,

le canal montant du terminal Ă la station, le terminal ĂŠmet

est utilisÊe dans beaucoup de systèmes de communica-

pĂŠriodiquement des pilotes Ă la rĂŠception desquels la

tion mobile rÊcents. C’est notamment le cas de l’exten-

station de base peut estimer les caractĂŠristiques des dif-

sion très haut dÊbit de la 3G (HSPA+), des LTE et LTE-

fĂŠrents canaux. Concernant le canal descendant, Ă cause

Advanced, du WiMAX et des versions les plus rĂŠcentes

de la mobilitĂŠ du terminal qui impose de renouveler avec

du Wi-Fi (802.11n et 802.11ac). Elle consiste Ă tirer parti

une grande frÊquence l’estimation et le nombre de canaux

de la diversitĂŠ spatiale de propagation en multipliant les

Ă estimer, la transmission des rĂŠsultats par les terminaux

antennes d’Êmission et de rÊception aux deux extrÊmitÊs

n’est pas faisable car elle consommerait des ressources

du lien radio et donc le nombre de sous-canaux radio

considÊrables. C’est pourquoi on envisage en gÊnÊral un

DĂ?DIĂ?S ĂŒ N mUX D INFORMATION OU hSTREAMSv lGURE ,E

MIMO massif s’appuyant sur un mode de fonctionnement

MIMO prĂŠsente deux avantages importants, il permet

en TDD (Time Division Duplexing) oĂš terminaux et sta-

d’une part  d’amÊliorer la qualitÊ du lien en s’affranchis-

tions de base se rĂŠpartissent dans le temps la mĂŞme res-

sant des Êvanouissements de canaux  et d’autre part

source en frÊquences : on s’appuie alors sur l’estimation

 d’augmenter le dÊbit d’information sans augmenter la

de canal faite dans le sens montant en considĂŠrant que la

bande passante ou la puissance transmise Âť.

rĂŠponse du canal est la mĂŞme dans les deux sens.

8 Z REE N°5/2015


ACTUALITÉS

L’Accord de Paris

Photo 1 : A la tribune, lors de l’adoption de l’accord de Paris, Laurence Tubiana, Christiane Figueres, Laurent Fabius et François Hollande. Crédit photo : COP21.

Initiée lors de la conférence de Durban sur les changements climatiques de décembre 2011 (la COP17), la négociation sur un accord post-2020 sur le climat incluant tous les pays qui sont parties à la Convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (« la Convention »), est arrivée à son terme le samedi 12 décembre 2015 avec l’adoption d’un texte de 17 pages, appelé Accord de Paris, qui est annexé aux résolutions de la Conférence de Paris sur le climat (la COP21, c’est-à-dire la 21e conférence des Parties à la Convention). Cette adoption a été saluée à juste titre comme un grand succès diplomatique, à mettre au crédit des Nations-Unies mais aussi et surtout de la diplomatie française, emmenée par Laurent Fabius qui depuis trois ans, a organisé et conduit un travail de préparation remarquable, sur le plan technique et politique, permettant de parvenir à ce résultat qui, lors de l’adoption de la plate-forme de Durban, était considéré par beaucoup comme très incertain. Mais aujourd’hui le texte est là, disponible à l’heure et traduit en français, anglais, arabe, chinois, espagnol et russe, chaque version faisant également foi. Il est précédé des résolutions de la conférence qui en constituent en quelque sorte le premier décret d’application et qui contiennent des dispositions essentielles à la compréhension de l’ensemble. Il reste à savoir quel sera l’impact dans la durée de ce texte salué dans le monde entier : certains le considèrent

comme un évènement historique, d’autres l’estiment décevant et insuffisant pour répondre au défi du changement climatique. Les développements qui suivent visent à donner à nos lecteurs certains éléments d’information et de compréhension sur le contenu de l’accord et sur sa portée exacte.

Les aspects juridiques L’Accord de Paris s’appuie sur la Convention de 1992 et est destiné à en être approuvé par les Parties. Au stade actuel, il n’est pas encore formellement signé : il a été déclaré par la COP apte à l’être. La période de signature d’une année s’ouvrira à New York, au siège des Nations unies, le 22 avril 2016 pour s’achever le 21 avril 2017. Puis débutera la période la plus délicate de l’adhésion effective des Etats, celle qui avait tant retardé l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto. Cette approbation pourra prendre différentes formes selon les constitutions ou les lois propres à chaque Etat : ratification, acceptation, approbation ou adhésion. L’Accord pourra entrer en vigueur le 30e jour suivant le dépôt de leurs instruments de ratification par 55 Parties au moins à la Convention représentant un total d’au moins 55 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Il y a de bonnes chances que cette entrée en vigueur intervienne avant 2020, date à laquelle le protocole de Kyoto, prorogé par l’amendement de Doha sur la période

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ACTUALITÉS

Photo 2 : La salle au Bourget, lors de l’adoption de l’accord de Paris, le samedi 12 décembre 2015 – Crédit photo : COP21.

2013-2020, s’éteindra de lui-même faute d’être prorogé au-delà1. Mais la chose n’est pas certaine. Il est possible que des difficultés surgissent, aux Etats-Unis notamment. Cela tient à la nature du texte, qualifié d’ « accord », qui n’est donc pas officiellement un « traité » mais qui en est quand même un. Le point-clé est de savoir si l’Accord de Paris sera considéré comme un traité au sens de l’article II de la constitution américaine ce qui impliquerait une ratification par une majorité des 2/3 du Sénat des Etats-Unis où les Républicains, opposés à toute forme d’accord, ont aujourd’hui la majorité. Pour éviter d’être confrontés à cette épreuve, les négociateurs américains ont obtenu qu’un certain nombre d’engagements ne soient pas formulés en termes prescriptifs mais deviennent aspirationnels ou volontaires. S’agissant des « contributions déterminées au niveau national », sur lesquelles nous reviendrons, on relève par exemple le membre de phrase suivant : « Les contributions déterminées au niveau national... peuvent inclure, selon qu’il convient, entre autres, des informations chiffrables... ». Certains en ont conclu que l’Accord avait perdu tout caractère d’engagement juridique alors que la plate-forme de Durban stipulait que l’accord à mettre en place devait être juridiquement contraignant, ce que nos responsables politiques ont à maintes reprises rappelé2. Il est 1

Il est à noter que l’amendement de Doha de décembre 2012 n’a pas encore reçu la ratification d’un nombre suffisant de Parties pour officiellement entrer en vigueur. Il n’est pas exclu qu’il s’éteigne avant d’avoir jamais existé. 2 L’ordre du jour de la COP21 était rédigé en ces termes : Adoption of a protocol, another legal instrument, or an agreed outcome with legal force under the Convention applicable to all Parties.

26 Z REE N°5/2015

exact qu’à plusieurs endroits un “should” est venu remplacer le “shall” initial. Cependant il demeure dans les textes adoptés à la fin de la COP21, dans la version anglaise, 139 occurrences du mot “shall” contre 39 du mot “should”. Difficile dans ces conditions de soutenir que le texte n’emporte pas des obligations. Le problème est en fait de déterminer le prisme de lecture. Selon que l’on se place du point de vue des pouvoirs réglementaires ou législatifs d’un Etat donné, pour autant qu’ils soient distincts, il pourra être considéré que le texte génère ou ne génère pas des obligations juridiques. D’une façon générale, on peut considérer que l’Accord est assez contraignant du point de vue de la méthode mais reste indicatif du point de vue de la définition des actions précises à mener. A l’instar de la Convention, l’Accord de Paris peut donc être vu comme une architecture ou un cadre (un “framework”), dont la durée de vie, comme celle de la Convention, peut s’étaler sur plusieurs dizaines d’années, autour duquel peut s’organiser une stratégie de lutte contre les changements climatiques, balisée chaque année par des COP successives dont la prochaine se tiendra en 2016 à Marrakech (Maroc).

La philosophie générale de l’accord Les disputations autour du protocole de Kyoto et les palinodies qui s’en sont ensuivies ont convaincu les Parties qu’une approche top-down consistant à imposer des limites aux émissions de chacun des états, comme cherchait à le faire le protocole de Kyoto, était une impasse compte tenu de la disparité des situations de chacune des Parties et de leur refus, notamment de la part des pays en développement, de se voir im-


ACTUALITÉS

poser des limitations qui pourraient venir contrecarrer leur développement. L’Accord adopte en conséquence la démarche inverse. Il fixe des objectifs très généraux – en l’occurrence la limitation à 2 °C de l’élévation de la température moyenne de la planète – et, constatant que la tendance actuelle ne va pas dans cette direction, demande à chaque Partie de contribuer à la réalisation de l’objectif et même au-delà (en visant 1,5 °C) par des contributions volontaires, « les contributions déterminées au niveau national », que chaque Etat doit élaborer dans un esprit d’équité et dans un contexte de développement durable et de lutte contre la pauvreté. Après avoir rappelé le principe de responsabilité commune mais différenciée, l’Accord met ainsi chaque Partie devant ses responsabilités en demandant des contributions, qui n’auront pas valeur d’engagements formels, mais seront publiées et discutées au vu et au su de l’ensemble des Parties dans un esprit de transparence et de solidarité. L’innovation majeure est d’amener l’ensemble des Parties à contribuer à la réalisation de l’objectif commun, chacune à la hauteur de ses moyens, en mettant ainsi un terme à la dichotomie du protocole de Kyoto qui voulait que les pays en développement restassent les spectateurs passifs de l’effort consenti par les pays économiquement les plus avancés (les pays de l’annexe B). Cette approche a été rendue possible par l’évolution des positions de la plupart des Etats et notamment des deux grands émetteurs : les Etats-Unis et la Chine, laquelle est confrontée à des problèmes considérables de pollution atmosphérique dans ses grandes cités. Cette évolution s’est concrétisée par le dépôt, préalablement à la COP21, de contributions prévues en provenance de 185 gouvernements (les Intended Nationally Determined Commitments ou INDCs). La décision de la COP21 ne fait pas preuve de naïveté : elle reconnait que les contributions actuellement déposées conduiront en 2030 à des émissions de gaz à effet de serre au niveau global de 55 Gt de CO2 en 2030 alors qu’il faudrait les ramener à 40 Gt pour respecter l’objectif de 2 °C et à moins pour espérer atteindre celui de 1,5 °C ce qui semble aujourd’hui tout à fait hors de portée. L’Accord définit un cadre qui, sans être formellement contraignant, devrait constituer une incitation forte pour chaque Etat à s’associer en équité à la réalisation de l’objectif, ce qui, dans le cas des Etats-Unis par exemple, pourrait amener l’administration au pouvoir, quelle qu’elle soit, à réfléchir à deux fois avant de décider de s’éloigner de la trajectoire commune.

L’atténuation des émissions et les contributions déterminées au niveau national Chaque Partie devra donc soumettre sa « contribution déterminée au niveau national ». Si l’ampleur n’en est pas fixée de façon normative, ces contributions devront refléter des « efforts ambitieux » en vue de réaliser l’objet de l’Accord devant se traduire au niveau mondial par un plafonnement des

émissions dans les meilleurs délais, suivi au cours de la deuxième partie du siècle par un équilibre entre les émissions et les capacités d’absorption des puits de gaz à effet de serre. La forme de ces contributions est en apparence laissée relativement libre mais la COP et ses organes subsidiaires se réservent la possibilité de fixer des règles précises. Le souci de clarté et de transparence est l’un des points essentiels de l’Accord afin de permettre de dresser dès 2023 un bilan mondial de mise en œuvre qui éclairera les Parties dans la détermination et l’actualisation de leurs contributions. Ces contributions devront correspondre à des objectifs exprimés en chiffres absolus pour les pays développés cependant que les pays en développement sont encouragés à passer progressivement à des objectifs de réduction ou de limitation de leurs émissions eu égard à leurs contextes nationaux. Les contributions seront déterminées tous les cinq ans à compter de 2020, les premières devant être déposées et/ ou actualisées au moment du dépôt des instruments d’adhésion à l’Accord avec un rapport de situation prévu en 2018. Chaque partie pourra à tout moment modifier sa contribution mais à la condition d’en relever le niveau d’ambition. L’Accord reconnait la possibilité pour les Parties qui le souhaitent d’agir de façon concertée dans la définition et la réalisation de leur niveau d’ambition et de leurs contributions, comme c’est le cas aujourd’hui de l’Europe. Il ouvre également la voie à un mécanisme de mutualisation des efforts (le mécanisme pour le développement durable), qui pourrait constituer une réincarnation du mécanisme de développement propre implémenté dans le cadre du protocole de Kyoto, étant noté que la participation à ce mécanisme resterait volontaire et ne concernerait que les réductions des émissions s’ajoutant à celles qui se produiraient autrement (principe d’additivité).

L’adaptation L’Accord reconnaît que l’adaptation aux changements climatiques est un problème mondial qui se pose à tous, avec des dimensions locales, nationales, régionales ou internationales. En conséquence, les Parties reconnaissent qu’elles devraient, sous différentes formes, intensifier leur coopération en vue d’améliorer l’action pour l’adaptation. Ces efforts seront reflétés dans le bilan mondial et ceux des pays en développement seront reconnus selon des modalités fixées par la COP. Cependant, les résolutions de la COP21 stipulent clairement, à la demande des Etats-Unis, que les pertes et dommages liés aux changements climatiques « ne peuvent donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation ». En définitive, hormis le droit reconnu aux pays en développement d’exposer leurs efforts en matière d’adaptation, cette partie de l’Accord reste faible et relève pour l’essentiel de la déclaration d’intention. Le problème de fond est en fait celui du financement, de l’atténuation comme de l’adaptation.

REE N°5/2015 Z 27


ACTUALITÉS

L’assistance financière aux pays en développement On sait que depuis la COP15 de Copenhague en 2009, cette question est au cœur des débats, les pays développés ayant pris l’engagement, non juridiquement contraignant, d’apporter chaque année aux pays en développement des financements d’au minimum 100 Md USD à compter de 2020, pour leur permettre de mener les actions de mitigation et d’adaptation nécessaires. La difficulté à matérialiser cette promesse a été l’un des obstacles les plus difficiles à la finalisation de l’Accord de Paris. Au final, les pays en développement ont obtenu dans l’Accord un engagement des pays développés (avec un “shall”) de leur fournir « des » ressources financières aux fins tant de l’atténuation que de l’adaptation. Avec un “should” cette fois, lesdits pays développés « devraient continuer de montrer la voie en mobilisant des moyens de financement de l’action climatique... ». Aucun chiffre ne figure dans l’accord proprement dit et les résolutions de la COP21 se limitent à dire que « les pays développés entendent poursuivre leur objectif collectif annuel de mobilisation » et que « la COP fixera avant 2025 un nouvel objectif chiffré collectif à partir d’un niveau plancher de 100 Md USD par an, en tenant compte des besoins des pays en développement ». On le voit, ces dispositions sont faibles et peuvent être interprétées comme traduisant un certain rapport de forces. Mais pouvait-il en aller autrement en l’absence d’une gouvernance beaucoup plus forte impliquant le prélèvement et la redistribution de ressources ? La même remarque pourrait être faite à propos des dispositions relatives au transfert de technologies qui restent pour l’essentiel – hormis les obligations de reporting – au niveau de la déclaration d’intentions et innovent peu par rapport aux dispositions de la Convention.

Les marchés et le prix du carbone L’absence de dispositions fortes relatives au prix du carbone est considérée par beaucoup comme une faiblesse majeure de l’accord. Mais on sait depuis longtemps que la plupart des Parties à la Convention n’étaient pas prêtes à s’engager dans un remake du protocole de Kyoto imposant un prix de marché au niveau mondial, considérant que le concept de prix du carbone vient interférer de trop près avec les ressorts de leur développement économique et que sa fixation par un mécanisme qui leur échappe constituerait une forme de perte de nationalité. On notera cependant que l’Accord reconnaît que les Parties peuvent « mener à titre volontaire des démarches concertées

28 Z REE N°5/2015

passant par l’utilisation de résultats d’atténuation transférés au niveau international » et, comme mentionné précédemment, prévoit un mécanisme de transfert des droits entre pays hôtes des projets et pays acquéreurs de ces droits. Lorsqu’elles s’engagent dans des mécanismes volontaires de ce type, les Parties doivent en assurer l’intégrité environnementale et la transparence, en respectant les règles fixées par la COP afin d’éviter notamment les doubles comptes. Se trouve ainsi préservée la possibilité pour certaines Parties de constituer des « clubs carbone » qui, pourront être reconnus au niveau international mais devront respecter les règles fixées par la COP. Derrière cette approche, on peut lire la conviction que la fixation d’un prix du carbone au niveau mondial relève de l’utopie et serait peut-être inefficace. Si un prix du carbone est en soit souhaitable pour intégrer les externalités liées aux émissions de CO2, ce prix se forme, de façon explicite ou implicite, au travers de la réglementation, de la standardisation ou du marché, à des niveaux qui varient dans des proportions considérables en fonction des secteurs applicatifs et des zones géographiques. L’Accord de Paris fait le pari qu’une approche décentralisée laissant toute sa place à la subsidiarité sera plus efficace qu’un dispositif imposé depuis l’amont.

En conclusion… L’Accord de Paris impose peu mais il établit un process fondé sur une architecture constituée de règles et d’institutions aujourd’hui acceptées par tous, qui est de nature à permettre la construction, pierre par pierre et au fil des années, d’une stratégie concertée au niveau mondial autour d’objectifs partagés. Vu de cette façon, l’Accord de Paris pourrait servir d’accélérateur à toutes les initiatives prises localement – en Europe, aux Etats-Unis et en Chine tout particulièrement à les aider à se déployer et à viser progressivement des objectifs de plus en plus ambitieux. Bien entendu la responsabilité de la conférence des Parties à la Convention est énorme et comme chacun sait, le diable est toujours dans les détails. Après tant d’échecs et de déceptions, c’est quand même la première fois depuis 1992 qu’un vent d’optimisme vient rafraîchir le climat. Q

Jean-Pierre Hauet Rédacteur en chef de la REE Membre émérite de la SEE


ACTUALITÉS

Maison Ampère de Poleymieux : inauguration de l’Espace Ampère et signature du contrat de mécénat avec RTE Le samedi 10 octobre 2015, a été inauguré l’Espace Ampère d’une capacité de 50 places, dans l’ancienne grange de la maison d’Ampère, propriété de la SEE à Poleymieux au Mont d’Or. Grâce à la générosité de l’Institut de France, de la Fondation Total, du Ministère de la culture, des élus de la Métropole de Lyon dont son président, de Madame le maire de Poleymieux, des divers mécènes, parmi lesquels EDF, EDFENR-Solaire, AIDELEC, SOGEDO, ERDF, COIRO et RTE, les travaux d’aménagement de cette salle et d’équipement du bâtiment (notamment la réalisation d’un système de production d’électricité photovoltaïque en toiture) ont été menés à bien au bout de six ans d’efforts.

Figure 1 : Une vue de la nouvelle salle le jour de son inauguration.

Une convention de mécénat entre le RTE et la Société des amis d’André Marie Ampère (SAAMA) a été signée par Frédéric Dohet, délégué de RTE pour la région Rhône-AlpesAuvergne, et Geneviève Comte-Bellot, présidente de la Société des amis d’André-Marie Ampère, en présence de la SEE qui était représentée par son Président, François Gerin, accompagné de Patrick Leclerc, président du groupe régional Rhône Bourgogne, et du vice-président André Gromier. L’espace Ampère sera mis à la disposition des entreprises, administrations et établissements d’enseignement pour tous types de manifestations, ce qui contribuera à accroître la notoriété de la maison d’Ampère tout en la faisant bénéficier de nouvelles ressources. Q

Figure 2 : Francois Gerin, président de la SEE et Frédéric Dohet, délégué de RTE pour la région Rhône-Alpes Auvergne.

REE N°5/2015 Z 29


L'ARTICLE INVITÉ

JEAN-CHARLES HOURCADE Directeur gĂŠnĂŠral de France Brevets

Les brevets, clef des stratĂŠgies de propriĂŠtĂŠ industrielle ABSTRACT The global patent system governs a fundamental regulation mechanism, which organizes a fair and reasonable return towards the inventors of technologies used in downstream products, thus allowing a more secure ow of innovation exchanges throughout the worldwide industry. Globalization and the massive introduction of digital technologies in most industrial ďŹ elds have further increased the importance of patents to protect innovation and fuel R&D investments. Recent attacks against the patent system, initiated by downstream players trying to escape their obligations to share a portion i of their proďŹ ts with upstream investors in technology, have the potential to deter R&D investments and deserve a renewed attention from the innovation ecosystem as a whole. Patents should not be considered today based on the sole merits of protecting inventions, but rather as a versatile tool to acc company the investment strategies of innovating companies. The proper deďŹ nition of adequate IP strategies hence becomes a fundamental component of global enterprise strategies. Proper attention to patents and more generally to IP strategies should be paid by the whole command chain within innovative companies, from research engineers up to the CEO level.

L

Introduction

ditÊ de l’exclusivitÊ accordÊe par le brevet. Il peut aussi dÊcider

es enjeux relatifs aux brevets ne sont pas nou-

de concÊder à des tiers des licences d’exploitation, moyennant

veaux dans l’industrie et sont rÊcurrents depuis

le versement de redevances. Ce dernier mode de valorisation

leur ĂŠmergence, en particulier dans les indus-

des brevets est communĂŠment appelĂŠ “licensingâ€?.

tries ĂŠlectroniques et ĂŠlectriques. Ils prennent

Comme tout droit, il est applicable dans les juridictions dans

cependant un relief particulier depuis quelques annĂŠes,

lesquelles le titre a ÊtÊ dÊlivrÊ. Dans le cas d’une exploitation

consĂŠquence directe des transformations considĂŠrables in-

non autorisĂŠe par un tiers, le dĂŠtenteur du droit bafouĂŠ peut

duites dans le tissu industriel par la pĂŠnĂŠtration gĂŠnĂŠralisĂŠe

saisir les tribunaux et demander soit l’arrêt du trouble causÊ,

du numĂŠrique, la mondialisation des ĂŠchanges, l’afďŹ rmation

en pratique le retrait de vente du produit contrefaisant, soit une

de la Chine comme grande puissance industrielle et les bou-

rĂŠparation ďŹ nancière sous forme de dommages et intĂŠrĂŞts.

leversements qui en ont rĂŠsultĂŠ sur les chaĂŽnes de valeur. En accompagnement de ces transformations, l’Êcosystème des brevets et de la propriĂŠtĂŠ industrielle (“IPâ€?) connaĂŽt

Toute invention n’est pas brevetable et les critères de brevetabilitĂŠ sont stricts : s IL FAUT D ABORD QUE L INVENTION AIT UNE APPLICATION INDUSTRIELLE

une Êvolution rapide. La majoritÊ des entreprises françaises

Ainsi une nouvelle recette de cuisine ou un thÊorème ma-

peine encore Ă en prendre la pleine mesure. Le prĂŠsent arr

thĂŠmatique ne sont-ils pas brevetables ;

ticle tentera d’Êclairer ces grandes tendances et de donner quelques clefs utiles pour la rÊexion et l’action.

Les brevets, principes gĂŠnĂŠraux Le brevet est un titre juridique, portant sur un contenu technique Le brevet est un titre juridique qui protège les droits de l’inventeur, lui garantissant pendant en gĂŠnĂŠral 20 ans l’exclu-

s IL FAUT ENSUITE QUE L INVENTION SOIT R�ELLEMENT NOUVELLE %N ce sens, toute communication qui en aurait exposÊ publiquement des ÊlÊments les ferait tomber dans le domaine public ; s LA NOUVEAUT� NE SUFlT PAS IL FAUT ENCORE QUE L INVENTION SE caractÊrise par une  activitÊ inventive , c’est-à -dire qu’elle ne paraisse pas Êvidente à un homme de l’art au moment de son dÊpôt ;

sivitÊ des droits d’exploitation de l’invention brevetÊe. Au-

s IL FAUT ENlN QUE L INVENTION SOIT PARFAITEMENT EXPOSĂ?E ET

delà , l’invention tombe dans le domaine public et sera donc

dĂŠcrite, rendant possible sa libre exploitation après l’expi-

exploitable par tous.

ration du brevet. Ce point peut dissuader des inventeurs

Le dĂŠtenteur d’un brevet peut choisir la voie de l’exploitation directe, c’est-Ă -dire de bĂŠnĂŠďŹ cier pendant sa durĂŠe de vali-

34 Z REE N°5/2015

de dĂŠposer un brevet, par exemple si le bĂŠnĂŠďŹ ce attendu d’exploitation paraĂŽt devoir perdurer au-delĂ de 20 ans.


L'ARTICLE INVITÉ

Les brevets, avantages et inconvĂŠnients

inventĂŠ et dĂŠveloppĂŠ ces technologies. Seule la protection

Le droit exclusif accordĂŠ, dĂŠrogatoire au droit de la concurr

par des brevets pourra permettre aux inventeurs de sĂŠcu-

rence puisqu’il interdit à un concurrent de copier, se com-

riser une juste compensation, soit auprès des fournisseurs

prend en fait comme un compromis. Le brevetĂŠ retire de son

concurrents, soit auprès des industriels clients.

dĂŠpĂ´t des avantages potentiels, mais doit assumer en retour

Dans d’autres cas, l’invention ne se matÊrialise plus dans

certains inconvĂŠnients :

des fournitures industrielles. C’est par exemple le cas de

s LE DROIT D EXCLUSIVITĂ? EST LIMITĂ? DANS LE TEMPS !U DELĂŒ DE s LE

nombreux designs d’antennes, qui n’existent plus matÊrielle-

20 ans, l’invention tombe dans le domaine public et tous

ment que sous la forme de structures conductrices directe-

les concurrents seront libres de l’utiliser sans frais. La pÊ-

ment imprimĂŠes sur des cartes ou moulĂŠes dans des coques

riode peut paraÎtre longue, mais l’expÊrience montre qu’il

plastiques. Seul le brevet permet à l’inventeur de sÊcuriser un

s’Êcoule en moyenne de 8 à 10 ans entre le moment de

retour sur son investissement.

l’invention et son Êventuelle adoption à grande Êchelle sur

Dans d’autres cas, un industriel placÊ en aval de la chaÎne

le marchĂŠ. La fenĂŞtre de valorisation est encore plus limitĂŠe

de valeur sera tentĂŠ de mettre en Ĺ“uvre directement des in-

si l’on prend en compte les risques d’obsolescence de la

ventions dans son propre processus de production, sans veil-

technologie brevetĂŠe ;

ler à en informer les inventeurs. Ceci est un fait très gÊnÊral

s LE D�PÙT DE BREVET EXIGE UNE COMMUNICATION COMPLÒTE DE s LE D�PÙT DE BREVET EXIGE UNE COMMUNICATION COMPLÒTE DE

dans la vie rÊelle. Dans tous ces cas, et bien d’autres encore,

l’innovation protÊgÊe. Cette information donne aux concurr

le brevet est le mÊcanisme permettant à l’industriel inventeur

rents du dĂŠposant des indications qui peuvent ĂŞtre prĂŠ-

de faire valoir des droits sur leur utilisation par des tiers avec

cieuses. Ceux-ci peuvent a minima suivre l’Êvolution de la

qui il n’a souvent jamais eu le moindre contact.

stratÊgie et de l’Êtat de l’art de leurs propres concurrents. Ils peuvent s’en inspirer pour d’autres dÊveloppements, dÊposer des brevets qui amÊliorent le procÊdÊ – auquel

L’impact additionnel de la mondialisation et du numÊrique

cas ils seront redevables de redevances pour le brevet de

La mondialisation des Êchanges, s’accompagnant d’une

base – voire dĂŠposer des brevets conçus intelligemment

spĂŠcialisation accrue des acteurs, est venue ampliďŹ er l’as-

pour contourner entièrement et faire mieux que l’invention

siette des problèmes potentiels. Dans la tÊlÊphonie mobile

initiale.

par exemple, ou de façon plus gÊnÊrale en informatique, on

Pour ces raisons, certains industriels prÊfèrent protÊger

ne compte quasiment plus aucun acteur europĂŠen dispo-

leurs inventions par le secret industriel. D’autres prĂŠfèrent se

sant d’une part de marchĂŠ signiďŹ cative sur le marchĂŠ des

contenter de la protection minimale apportĂŠe en France par

terminaux et des produits grand public. Les entreprises euro-

le recours aux ÂŤ enveloppes Soleau Âť, qui ĂŠvitent la publica-

pÊennes sont donc massivement dans le cas d’acteurs in-

tion d’informations mais qui ne permettent que d’enregistrer

vestissant dans les technologies de base et dĂŠpendant pour

la date et l’origine d’une invention, sans emporter de droits

leur Êquilibre Êconomique des ventes auprès de ceux qui

vis Ă vis de tiers.

contrĂ´lent l’accès au client ďŹ nal, ou des redevances sur bre-

Du rôle des brevets dans l’industrie mondiale Le brevet, mÊcanisme rÊgulateur

vets si le modèle de ventes B2B (“Business To Businessâ€?) ne leur est pas accessible. La pĂŠnĂŠtration gĂŠnĂŠralisĂŠe des technologies numĂŠriques a ĂŠgalement ampliďŹ ĂŠ ces effets. Un produit numĂŠrique in-

On peut considĂŠrer l’ensemble du système des brevets,

tègre un nombre croissant de technologies, dÊveloppÊes par

harmonisÊ au niveau mondial par l’OMPI (Organisation mon-

un ĂŠcosystème de plus en plus diversiďŹ ĂŠ d’entreprises inno-

diale de la propriÊtÊ intellectuelle), comme un système de rÊ-

vantes. L’exemple le plus abouti est celui des smartphones,

gulation des Êchanges dans l’innovation industrielle. Certains

qui intègrent des milliers d’inventions brevetĂŠes par des ac-

acteurs excellent dans le dĂŠveloppement de technologies de

teurs de taille très variable, dont des centaines d’inventions

base destinÊes à être intÊgrÊes dans les produits d’autres

rĂŠputĂŠes nĂŠcessaires Ă la conformitĂŠ avec des normes (voir

industriels, d’autres dans la fourniture de produits et services

plus loin).

au consommateur ďŹ nal. Tant que les seconds achètent aux premiers les composants et sous-ensembles intĂŠgrant ces

Le mot de l’avocat du diable...

technologies de base et ďŹ nancent ainsi leur investissement

Des voix s’Êlèvent pĂŠriodiquement de la part d’indus-

de R&D, l’Êquilibre des Êchanges est assurÊ. Toutes les situa-

triels plutĂ´t consommateurs que producteurs de brevets,

tions n’obÊissent cependant pas à ce schÊma idyllique.

donc plutĂ´t payeurs que percepteurs de redevances, pour

Dans de très nombreux cas, le fabricant du produit ďŹ nal va

remettre en cause le système mondial des brevets. Ces ten-

se fournir auprès de fournisseurs concurrents de ceux qui ont

sions entre innovateurs et consommateurs d’innovations ont

REE N°5/2015 Z 35


RADAR 2014 Introduction

Radars à antennes électroniques Plus sensibles et plus agiles au prix d’une complexité accrue Introduction

industriels ou académiques, toutes na-

La loi de Moore prédit depuis plusieurs

tions confondues. Les dernières avan-

années le cycle d’évolution de l’informa-

cées techniques et algorithmiques ont

tique : toujours plus rapide, toujours plus

été présentées à une audience de près

petit, toujours moins gourmand en éner-

de 450 visiteurs.

gie électrique. Cette évolution ne s’est

Ce dossier a été élaboré avec la

pas limitée aux éléments de calcul des or-

volonté de vous présenter un aperçu

dinateurs, mais a bénéficié à l’ensemble

des avancées les plus notables dans le

de l’industrie électronique. Elle a par exemple également bénéficié aux amplificateurs de puissance hyperfréquence réalisés en technologie « intégrée » qui fonctionnent à des fréquences toujours plus élevées, avec des rendements amé-

Sylvain Azarian ONERA Département électromagnétisme et radar Président du Club technique R2SR

liorés et des puissances plus importantes.

domaine. Nous y avons sélectionné des travaux parmi les plus significatifs en rapport avec les systèmes multivoies. Le dossier aborde dans un premier temps sous l’angle théorique les nouveaux problèmes que posent ces architectures et présente quelques-unes des

Ces moyens de calcul et ces circuits radiofré-

solutions envisagées pour y répondre. Ensuite, les

quences constituent les ingrédients élémentaires

solutions industrielles qui ont été imaginées pour

qui composent les radars : émettre un signal ra-

rendre ces concepts théoriques opérationnels

diofréquence, le laisser se propager dans l’envi-

sont présentées, offrant ainsi un éclairage complet

ronnement puis capter et analyser les signaux qui

sur l’utilisation des antennes électroniques dans

sont réfléchis par les éventuelles « cibles » et sont

les radar actuels.

atténués et modifiés selon la distance parcourue et la nature des milieux rencontrés. Le gain obtenu en encombrement et en

Concevoir des formes d’onde adaptées aux radars multivoies

consommation a permis d’étendre le nombre de

Il y a d’abord la nécessité de définir la nature

voies utilisées en émission comme en réception,

des signaux qui seront émis par ces antennes.

les dernières générations de radar pouvant embar-

On parle ici de « forme d’onde ». La capacité du

quer jusqu’à plusieurs centaines d’antennes dans

radar à estimer la distance ou la vitesse des objets

un espace réduit. Ces nouveaux systèmes per-

détectés est directement reliée à la nature de ces

mettent d’élargir les fonctionnalités offertes en

signaux. Lorsque plusieurs antennes sont utilisées

apportant, par exemple, la possibilité de former

à l’émission, une nouvelle variable entre en jeu

des faisceaux orientables électroniquement, la

avec la possibilité d’émettre des signaux différents

possibilité de diviser le faisceau émis en plusieurs

d’une antenne à l’autre, d’un instant à l’autre. Le

sous-faisceaux disjoints et simultanés pour suivre

terme « radar MIMO » (Multiple Input, Multiple

plusieurs « cibles » en même temps.

Output) est généralement employé pour dési-

Bien sûr, ces performances sont obtenues au

gner des systèmes où les voies d’émission et de

prix d’une complexité accrue et les équipes de

réception sont utilisées de façon indépendante et

recherche et développement ont à résoudre les

simultanément. Ce nouveau degré de liberté aug-

nombreux challenges qui accompagnent ces nou-

mente significativement la complexité de l’étude

velles possibilités. La conférence « Radar 2014 »,

de cette forme d’onde mais ouvre des possibilités

organisée par la SEE et le club R2SR en octobre

jusqu’alors impossibles dans les radars monovoie :

2014 à Lille, a été l’occasion de rassembler pour

pointer plusieurs faisceaux électromagnétiques

quelques jours les principaux acteurs du domaine,

presque instantanément suivant des axes en azi-

44 Z REE N°5/2015


Introduction RADAR 2014

mut et élévation différents, permettant à un radar

nouvelle phase est alors assortie de sa configu-

multivoie de réaliser des fonctions de surveillance

ration optimale et c’est l’enchaînement rapide

de l’espace, la poursuite et la reconnaissance des

de ces différentes phases qui permettra de rem-

cibles en continu.

plir l’ensemble des missions. Bien sûr, se posent

La conception de nouvelles formes d’onde est

alors de nouvelles questions : combien de temps

un travail de recherche à part entière et requiert

doit-on consacrer à une mission sans pénali-

des outils mathématiques adaptés pour prédire

ser les autres ? Quelle est le meilleur enchaîne-

les résolutions en distance et vitesse que le radar

ment ? Une approche originale est présentée dans

pourra espérer atteindre. L’outil le plus couram-

l’article « Ordonnancement des tâches pour un

ment utilisé est la « fonction d’ambiguïté » qui per-

radar multifonction avec contrainte de temps

met d’évaluer la capacité d’une forme d’onde à bien

dur et priorité » [3]. Ici les auteurs séparent les

rendre compte de la position et de la vitesse d’une

différentes missions à remplir en deux grandes

cible, avec une ambiguïté minimale. Un premier

familles : celles qui imposent un cadencement

article de notre sélection aborde ce problème de

strict et celles qui peuvent être exécutées à tout

la construction de formes d’onde adaptées. Dans

moment. En situation réelle, le nombre de tâches

cette étude intitulée « Analyse et comparaison

que le radar doit réaliser évolue au cours du temps

de formes d’ondes pour le radar MIMO » [1]

et dépend du contexte : l’arrivée d’une nouvelle

les auteurs présentent un tour d’horizon des

cible dans le périmètre de détection du radar im-

différentes techniques classiquement utilisées pour

posera de passer d’abord plus de temps à analyser

les radars multivoies et résument les performances

ce nouvel objet pour évaluer le risque associé. Les

qui peuvent être atteintes. Trouver la forme d’onde

auteurs proposent une approche algorithmique

optimale reste une tâche difficile et les auteurs

permettant au radar de s’adapter dynamiquement

montrent qu’il n’y a qu’une suite de compromis qui

à l’ensemble des missions qu’il devra effectuer en

permette d’atteindre le niveau de performances

fonction du contexte rencontré.

recherché pour une application donnée. Quelle que soit la forme d’onde émise, seules les zones qui sont éclairées par le signal d’émission

Fabriquer et intégrer ces radars multivoies

peuvent être surveillées. Couvrir une large portion

La tendance majoritairement rencontrée chez

de l’espace suppose donc d’émettre un signal non

les fabricants de système radar multivoies re-

focalisé dans une direction privilégiée, on parle

pose sur la conception de briques élémentaires

alors de « fonction de veille ». Cette émission non

intégrant toutes les pièces nécessaires : circuits

focalisée rend alors complexe la localisation précise

générateurs de forme d’onde d’émission, circuits

des éventuelles cibles qui seraient détectées dans

d’amplification pour l’émission et la réception,

ce mode, il faut donc ensuite modifier la forme

commutateurs, antennes. Très compactes, ces

d’onde émise et focaliser l’énergie vers les zones

briques peuvent alors être embarquées à bord

d’intérêt. Les auteurs de l’article « Codage spa-

d’un avion d’arme comme le Rafale, ou encore sur

tio-temporel multi-rafales pour systèmes à

des drones par exemple.

antenne active » [2] proposent une approche qui

Là encore, les ingénieurs doivent relever des

exploite la possibilité d’exploiter conjointement la

défis complexes tels que la dissipation thermique,

diversité des formes d’onde employées à l’émis-

la consommation électrique, la tenue aux vibra-

sion, la diversité spatiale à la réception, et l’emploi

tions, etc. Il devient alors nécessaire d’intégrer les

de formes d’ondes évoluant dans le temps.

contraintes de différents métiers et d’aborder la conception de l’ensemble au niveau « système » pour identifier les bons compromis et leurs conséquences. Un aperçu de cette complexité est présenté

Une autre réponse à ce problème d’optima-

dans l’article « Antenne active multi-facettes à

lité consiste à découper le temps de fonctionne-

balayage électronique en technologie ‘’tuile’’ »

ment en phases successives pendant lesquelles

[4] où les auteurs explorent les configurations pos-

le radar ne se consacre qu’à une tâche. Chaque

sibles de positionnement des différents éléments

REE N°5/2015 Z 45

© Stéphane Saillant - Onera

Organiser le temps alloué à chaque mission du radar


RADAR 2014 Introduction

et se consacrent à l’exploration d’une disposition de type « dièdre » pour un radar multivoie opérant

Radars à antennes électroniques actives : un standard de fait. Bien que tous les points durs techniques et

en bande X. Avec un éclairage plus large, les auteurs de

théoriques n’aient pas encore tous été levés, les

l’article « Nouveaux développements pour

possibilités offertes par ces systèmes à diversité

les antennes actives et les modules T/R » [5]

« spatiale et temporelle » sont telles que ces radars

dressent un panorama des travaux de recherche

sont très certainement destinés à prendre une

et développement en cours sur ces antennes

place déterminante. Leur capacité en particulier à

compactes.

permettre la réalisation de plusieurs fonctions en

Ces deux articles montrent qu’une difficulté

simultané sont la garantie d’une sécurité accrue.

supplémentaire apparaît lorsque l’on intègre ces

Développées vers la fin des années 70, les

antennes et leurs circuits de traitement associés

antennes actives ont peu à peu envahi les radars,

dans un espace contraint : il devient complexe

sol d’abord puis aéroportés au fur et à mesure des

d’obtenir une focalisation du faisceau constante

progrès technologiques liés à l’électronique de

dans toutes les directions, en particulier pour

puissance, sa capacité d’intégration et de miniatu-

des angles « rasants » (proches de la structure

risation. Les problèmes les plus ardus demeurent

où est installée l’antenne). Cette mauvaise foca-

encore le conditionnement et l’intégration des mo-

lisation se traduit par une perte significative de

dules actifs dans les antennes avant que celles-ci se

performance et on parle alors « d’angle mort ». Le

fondent comme les antennes conformes dans les

dernier article de notre sélection explore, dans le

plate-formes. Peu à peu les différents équipements

cadre du projet METALESA financé par l’Agence

jadis bien identifiables se fonderont dans les plates-

Européenne

de

formes de manière éclatée

Défense

(AED), une approche à base

Sylvain Azarian est chargé de mission

pour remplir la fonction de dis-

de « métamatériaux ». Dans

au département Electromagnétisme et

crétion qui demeure l’une des

leur article intitulé « Suppres-

radar à l’Onera et est en charge des « nou-

plus importantes nécessités.

sion des directions aveugles

veaux concepts radars ». Il est également

Les antennes actives à balayage

d’une antenne réseau grâce

directeur adjoint du laboratoire Sondra

électronique sont au cœur de

aux métamatériaux » [6],

(Supélec-Onera-NUS-DSO-Research

cette mutation et seront les

les auteurs montrent l’apport de

structures

périodiques

de petites dimensions pour étendre le domaine angulaire des antennes.

Alliance) à Supélec et s’intéresse plus particulièrement aux systèmes radars distribués et aux radars passifs. En 2015, il a été élu président du club technique R2SR de la SEE.

capteurs indifférenciés pour les fonctions radar, guerre électronique ou communication des plates-formes aéroportées du futur pilotées ou non. Q

LES ARTICLES

Analyse et comparaison de formes d’ondes pour le radar MIMO Hongbo Sun, Frédéric Brigui, Marc Lesturgie ........................................................................................................... Codage spatio-temporel multi-rafales pour systèmes à antenne active Guy Desodt, Georges-Edouard Michel, Jean-Paul Guyvarch, François Le Chevalier, Olivier Rabaste .......................................................................................................................... Ordonnancement des tâches pour un radar multifonction avec contrainte de temps dur et priorité Vincent Jeauneau, FrédéricBarabaresco, Thomas Guenais ..................................................................................... Antenne active multi-facettes à balayage électronique en technologie tuile G Byrne, A M Kinghorn, R W Lyon et G D Morrison ............................................................................................. Nouveaux développements pour les antennes actives et les modules T/R Yves Mancuso, Christian Renard ..................................................................................................................................... Suppression des directions aveugles d›une antenne réseau grâce aux métamatériaux Thomas Crépin, Cédric Martel, Benjamin Gabard, Fabrice Boust, Jean-Paul Martinaud, Thierry Dousset, Pablo Rodriguez-Ulibarri, Miguel Beruete, Claudius Loecker, Thomas Bertuch, José Antonio Marcotegui, Stefano Maci .......................................................................................................................

46 Z REE N°5/2015

p. 47

p. 55

p. 64 p. 75 p. 79

p. 83


RADARS À ANTENNES ÉLECTRONIQUES RADAR 2014

Analyse et comparaison de formes d’ondes pour le radar MIMO Par Hongbo Sun1, Frédéric Brigui2, Marc Lesturgie2 Temasek Laboratories@NTU - Nanyang Technological University 1, Département électromagnétique et radar ONERA - The French Aerospace Lab2 Choosing a proper waveform is a critical task for the implementation of multiple-input multiple-output (MIMO) radars. In addition to the general requirements for radar waveforms such as good resolution, low sidelobes, etc. MIMO radar waveforms also should possess good orthogonality. In this paper we give a brief overview of MIMO radar waveforms, which are classified into four categories: (1) time division multiple access (TDMA), (2) frequency division multiple access (FDMA), (3) Doppler division multiple access (DDMA), and (4) code division multiple access (CDMA). A special circulating MIMO waveform is also addressed. The properties, as well as application limitations of different waveforms, are analyzed and compared. Some simulations results are also presented to illustrate the respective performance of different waveforms.

ABSTRACT

Introduction

nombreux travaux. Cependant, à notre

De par son architecture et son mode

connaissance, il existe peu d’études [3,

étude un radar MIMO cohérent avec un réseau de Ne antennes espacées de la

de fonctionnement, le radar MIMO offre

4] comparant et évaluant les différentes

moitié de longueur d’onde. La bande de

de nombreux avantages, notamment en

formes

fréquence est notée B et la fréquence

termes de performance de détection et

maintenant pour le radar MIMO.

d’onde

développées

jusqu’à

centrale des signaux émis fe.

d’estimation d’une cible. Le radar MIMO

Dans cette étude, nous tentons de

peut être classifié selon deux configu-

donner une brève présentation de dif-

rations géométriques: le radar MIMO

férentes formes d’ondes radar. Nous

cohérent dont les émetteurs sont co-

proposons de les classifier selon quatre

localisés [1] et le radar MIMO statistique

approches basées sur la transmission

L’approche TDMA exploite la division

dont les émetteurs sont distants les uns

multiple par répartition : (1) en temps

du domaine temporel pour transmettre

des autres [2]. Leurs performances res-

(time division multiple access, TDMA),

simultanément les signaux MIMO.

pectives et leurs potentielles supériorités

(2) en fréquence (frequency division

sur d’autres systèmes radar plus conven-

multiple access, FDMA), (3) en Doppler

tionnels ont été largement étudiées,

(Doppler division multiple access, DDMA)

La manière la plus intuitive et la plus

notamment dans [1] et [2]. Néanmoins

et (4) en code (code division multiple

simple de séparer des signaux émis par

la plupart de ces études s’appuient sur

access, CDMA). Nous étudions de plus

différents émetteurs est de considérer

l’hypothèse de formes d’onde parfaite-

la forme d’onde appelée le chirp circulant

un schéma de transmission alternée.

ment orthogonales, ignorant les effets de

et basée sur une autre approche. « Rien

Chaque antenne d’émission émet suc-

signaux réels en pratique.

n’est gratuit » résume bien les compro-

cessivement dans son temps imparti.

Transmission multiple par répartition en temps/ approche MIMO TDMA

Transmission alternée en temps

Le choix d’une forme d’onde appro-

mis qu’impose le choix d’une forme

On obtient ainsi une forme d’onde parfai-

priée est essentiel à la mise en œuvre

d’onde ; des pertes en performance

tement orthogonale, adaptée aux formes

pratique des radars MIMO. Outre les pro-

(puissance émise, ambiguïté Doppler,

d’onde usuellement utilisées en radar,

priétés nécessaires des formes d’onde

lobes secondaires) sont inévitables. Dans

comme le chirp. Cette forme a été testée

radar classiques, telles que par exemple

les sections suivantes, nous analysons et

avec succès dans l’étude [5].

la résolution ou la valeur des lobes se-

comparons les propriétés et les limita-

Bien que l’émission alternée TDMA

condaires, les formes d’onde pour le

tions de plusieurs formes d’onde. Nous

soit facile à mettre en œuvre, il est

radar MIMO doivent être orthogonales.

suggérons également les applications

évident que les capacités de transmission

Mathématiquement, des formes d’ondes

pratiques adéquates associées aux diffé-

ne sont pas exploitées dans leur totalité.

parfaitement

n’existent

rentes formes d’ondes. Des résultats sur

Comparée au radar MIMO dans lequel

pas. Mais des formes d’onde quasiment

simulation illustreront les performances

toutes les antennes émettrices sont

orthogonales ont été proposées dans de

de celles-ci. Nous considérons dans cette

capables d’émettre simultanément, la

orthogonales

REE N°5/2015 Z 47


RADAR 2014 RADARS À ANTENNES ÉLECTRONIQUES

Figure 1 : Illustration de la forme d’onde time-staggered.

Figure 2: Schéma de transmission de la forme d’onde FDMA en temps court.

Figure 3: Fonction d’ambiguïté en distance/angle de la forme d’onde.

transmission alternée souffre d’une perte

les interférences croisées indésirables

implémentée sur une unique impulsion

significative de puissance à l’émission,

peuvent être filtrées. Ce qui garantit

(temps court) ou sur un train d’impul-

entrainant la réduction de la distance à

une forte orthogonalité. Enfin, cette

sions (temps long).

laquelle une cible peut être détectée.

forme d’onde a été utilisée avec succès sur un radar MIMO transhorizon haute

Transmission échelonnée en temps (Time-Staggered LFMCW)

fréquence (HF-OTH) australien [6]. La

Forme d’onde MIMO FDMA temps court

forme d’onde échelonnée en temps

Les formes d’onde basées sur l’ap-

LFMCW W est toutefois exclusivement

proche FDMA en temps court consistent

La forme d’onde Time-Staggered

réservée aux radars à onde continue

à émettre des chirps dans différentes

LFMCW W (Linear Frequency Modulated

avec une forte tolérance en PRF (Pulse

bandes de fréquences et se répétant

Continuous Wave) est un signal conti-

Repetition Frequency – fréquence de

identiquement d’impulsion à impulsion

nu, modulé linéairement en fréquence

répétition des impulsions), c’est-à-dire

(comme illustré figure 2). Le chirp est

et dont l’émission est échelonnée en

des radars HF. Pour les autres systèmes

émis à une fréquence centrale séparée

temps. Cette forme d’onde consiste en

radar, les contraintes de PRF et d’ambi-

de B entre deux émetteurs successifs

Ne copies du signal LFMCW, chaque

guïté en distance rendent difficiles l’utili-

pour éviter tout chevauchement fréquen-

transmission d’une copie étant échelon-

sation d’une telle forme d’onde.

tiel. Les signaux transmis sont ainsi ortho-

née dans le temps et chaque membre étant transmis par chaque antenne, comme illustré figure 1. Comparée à la transmission alternée,

Transmission multiple par répartition en fréquence/ approche MIMO FDMA

gonaux sur chaque impulsion, en temps court. La figure 3 présente la fonction d’ambiguïté en distance/angle de cette forme

la forme d’onde échelonnée en temps

La transmission simultanée dans dif-

d’onde avec B = 100 kHz et Ne = 4.

LFMCW permet d’exploiter pleinement

férentes bandes de fréquence est une

Comme l'illustre la figure 3, la contreparr

les capacités de transmission du radar

autre approche pour générer des formes

tie de cette forme d’onde est un fort cou-

MIMO puisque les antennes émettent

d’onde MIMO. L’approche FDMA est

plage distance-angle induit par la relation

simultanément. De plus, elles sont sé-

également appelée codage spatio-fré-

linéaire entre la fréquence centrale des

parables selon leurs retards en temps et

quentiel dans la littérature et peut être

signaux transmis et l’indice des émetteurs.

48 Z REE N°5/2015


RETOUR SUR ❱❱❱❱❱❱❱❱❱

Les grandes étapes des télécommunications intercontinentales Le câble, la radio, le satellite Bernard Ayrault Ancien directeur de Télécom Bretagne (Institut Mines Télécom) Membre émérite de la SEE

et Brest et les préfets reçurent vite du ministère de l’Intérieur les consignes, y compris celles, discrètes en période électorale, qu’évoque Stendhal dans Lucien Leuwen. Une quinzaine d’années après la conquête, les hauts plateaux algériens étaient accessibles à parr

Introduction

tir d’Alger. Mais la Méditerranée restait un redoutable obstacle pour une transmission rapide des consignes

Qu’on n’attende pas de cet article un éclairage

gouvernementales : la mer joua un rôle essentiel

technique, mais plutôt quelques réflexions sur trois

dans les communications intercontinentales, comme

grandes aventures technologiques, le câble, la radio

dans l’essor et la gouvernance des empires coloniaux

puis le satellite, qui se sont succédé, et parfois concurr

qui se constituèrent tout au long du siècle.

rencées, depuis le milieu du 19e siècle. Monsieur de

Le regard historique suggère également quelques

la Palisse aurait remarqué qu’entre les continents on

précieuses observations quant aux rapports entre le

trouve souvent des mers, des océans même, qui de

progrès des connaissances scientifiques, les déve-

toute éternité ont représenté un milieu hostile pour

loppements technologiques et la diffusion sociétale.

l’homme et un lieu privilégié pour ses explorations et

On aura l’occasion de remarquer, dans la succession

ses activités économiques : les télécommunications

des trois grands moyens, l’existence de plusieurs

intercontinentales ont donc affronté puis surmonté

constantes de temps : est-ce un hasard si environ un

un milieu hostile tout en symbolisant la nécessité

demi-siècle sépare l’émergence de la radio de celle

des accords entre les pays riverains. Les considéra-

du câble, puis celle du satellite après l’essor de la

tions géopolitiques sont donc très prégnantes depuis

radio ? La nécessité d’investissements massifs pour

près de deux siècles à propos de télécommunications

un « câblage » territorial ou international explique sans

intercontinentales et nous en relèverons quelques

doute, avec l’inertie de la société, une telle durée.

aspects surprenants ou oubliés.

On s’étonnera par contre d’une durée plus courte,

Au temps de la Révolution, le télégraphe optique

de l’ordre de deux décennies, entre les grandes décou-

de Chappe a, pour la première fois dans l’histoire de

vertes et la mise au point de technologies efficaces. On

l’humanité, permis le transfert d’un signal plus vite que

verra également combien est fort le lien entre les pro-

la course de l’homme ou du cheval ; il s’est développé

grès de la science et le développement des télécom-

avec dynamisme tout au long de la première moitié

munications : l’histoire associe de grands noms dans

du 19e siècle. La nécessité d’investissements imporr

les deux domaines et nombreux sont les physiciens

tants comme de règles nouvelles donnait un poids

illustres dont les travaux sont aux fondements des télé-

important à l’autorité régalienne : la marine nationale

communications, ou même à l’origine d’entreprises

disposa rapidement d’une liaison entre le ministère

performantes.

ABSTRACT Science and technology have been contributing for centuries to essential human needs: food, lighting, clothing, and also communicate. Since the early 19th century, the development of this last aspect has been spectacular and has involved three phases, each associated with a major scientific advance followed by a technological and entrepreneurial dynamism. The article presents some essential aspects of a story whose consequences widely structure the contemporary uses of communication and heavily contribute to globalization.

REE N°5/2015 Z 89


❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱ RETOUR SUR

Qu’il soit permis aussi dans ces considérations liminaires

dynamique croissance, simultanée sous le second Empire

de souligner combien tout ce domaine a été tributaire des

avec celle des chemins de fer : la machine à vapeur et l’élec-

progrès de l’électronique depuis la fin du 19 siècle, puis de

tricité sont bien les deux grandes innovations du 19e siècle.

e

l’informatique depuis le milieu du 20 ; il n’est pas étonnant

Wheatstone, qui est aussi un grand esprit entrepreneur,

que la SEE, fondée aux temps de la fée électricité soit marr

a créé avec Cooke l’Electric Telegraph Companyy et suggéré

quée de diverses façons par la prégnance des télécommu-

dès 1840 l’idée de liaisons sous-marines ; mais les premiers

nications intercontinentales : associée au prix qui honore

essais butent sur les questions d’étanchéité, de résistance

Edouard Branly, elle décerne avec l’IEEE le prix Alain Gla-

mécanique et de corrosion. Mais déjà se fait sentir le besoin

vieux, pour les progrès décisifs des turbocodes ; son grand

de coopération entre états et on crée le Bureau international

prix honore le général Gustave Ferrié, grand nom de la radio,

des administrations télégraphiques, localisé en Suisse.

e

et c’est elle qui a eu l’honneur de recevoir en héritage la maison d’Ampère.

A l’assaut des mers

Le courant continu et la télégraphie électrique Les grandes lois physiques du courant continu et les pionniers C’est de 1800 que date la pile de Volta, qui fait passer de l’électrostatique à l’électrocinétique ; dès 1809 on imagine un système 35 fils (i.e. autant que de lettres et de chiffres) qui permettrait de communiquer à distance par un jeu d’interrupteurs, dès lors que l’on saurait détecter de faibles courants. Ce sera possible après les contributions décisives d’Oersted (1820 : action d’un courant sur un aimant) et d’Ampère (1821 : actions réciproques courant-aimant) qui instituent la boussole comme détecteur, puis après la mise au point des lois de l’induction (1840 : Faraday) grâce auxquelles on peut concevoir des électroaimants et construire les précieux galva-

Figure 1 : Le Great Eastern. A son époque le Great Eastern était le plus grand bâtiment au monde ; il pose en 1865 le premier câble télégraphique transatlantique entre l’Irlande et les USA, puis en 1869, entre Brest-Déolen et Saint Pierre et Miquelon, le premier câble français.

nomètres à cadre mobile. L’Europe des savants était alors une réalité efficace : dès

Sur terre le succès du nouveau télégraphe électrique est

1833 Gauss et Weber réussissent une liaison expérimen-

rapide et fait abandonner dès les années 1850 le télégraphe

tale entre deux bâtiments de l’université de Göttingen et

optique de Chappe, sensible le jour à l’aléa de la météo et de

Wheatstone (l’homme du « pont », fort utile pour la mesure

faible débit. Mais en mer, il faut, avant d’établir des liaisons

des faibles courants) et dépose des brevets qui conduisent

opérationnelles, surmonter quelques difficultés : l’invention

à une liaison de 13 miles en 1838. En 1840 il propose de

de la gutta percha va permettre de résoudre les questions

transmettre des signaux le long des voies ferrées qui com-

d’étanchéité et, comme il n’est pas question de renoncer au

mencent à sillonner l’Angleterre.

cuivre en raison de sa forte conductivité, on structure le câble avec des torons d’acier qui assurent rigidité et résistance méca-

Le passage au stade opérationnel

nique lors de la pose ou du relevage. On arme des bâtiments

Le génial Morse vient en Europe proposer le procédé de

propres à embarquer des dizaines puis des centaines de km

codage qui le rendra célèbre, mais il essuie partout un échec

de câbles et on tente l’aventure en 1865 d’une pose transat-

et on lui préfère le dispositif de Wheatstone ; avec ténacité il

lantique, avec deux navires partis des Etats-Unis et d’Angleterre

finira par faire adopter dans son pays l’alphabet qui restera en

à la rencontre l’un de l’autre ; comme pour presque toutes

usage pendant un siècle et demi pour les communications

les liaisons maritimes cette première tentative échoue. Mais

maritimes. Avec retard sur l’Europe, on inaugure en 1855 la

dès l’année suivante le Great Eastern (le plus grand navire

liaison entre Washington et Baltimore : depuis 10 ans, les

de l’époque qu’on a armé pour la pose de câbles) réussit et

Français ont mis en service les liaisons entre la capitale et

récupère même le câble de l’année précédente : on est donc

Versailles (1842) puis Saint Germain (1845). Les compa-

fondé à penser que ce numéro de REE célèbre le sesquicente-

gnies se sont créées et, dans notre pays, on assiste à une

naire d’une très grande réussite technologique !

90 Z REE N°5/2015


ENTRETIEN AVEC PHILIPPE PRADEL

Vice-président Développement nucléaire ENGIE

ENGIE et le développement du nucléaire REE : Vous avez été directeur de la

de puissance installée. Ces 6 000 MW

Direction de l’énergie nucléaire du

sont une composante importante du parc

Commissariat à l’énergie atomique.

de 115 GW que nous exploitons dans le

Vous voici à présent Vice-président

monde.

Développement nucléaire chez ENGIE.

L’avenir du nucléaire est dans les partenariats équilibrés à l’instar du domaine pétrolier

ENGIE est l’un des rares acteurs à maî-

On peut y voir la volonté d’ENGIE

triser l’ensemble des métiers de la filière

nucléaire local ou avec des partenaires

de renforcer sa présence dans le

nucléaire (ingénierie, exploitation, main-

locaux influents au niveau politique et

domaine du nucléaire. Quelles sont

tenance, gestion des déchets, déman-

industriel – en recherchant des plans

actuellement les ambitions d’ENGIE ?

tèlement). Nous sommes très présents

de financement partagés entre fonds

Quel rôle entend-il jouer dans la

dans les services y compris ceux de l’en-

propres et endettement garanti.

stratégie nucléaire française ?

richissement avec une participation de

Nous pensons que le modèle de par-

5 % dans l’usine d’enrichissement GBII

tenariat et de risques partagés qui est

inaugurée en 2010 au Tricastin. Nous

tout à fait usuel dans le domaine du pé-

avons donc une position sur toute la

trole et du gaz, s’impose également dans

chaîne de valeur de l’énergie nucléaire,

celui du nucléaire. Malheureusement, ni

et sommes ouverts et habitués à toute

la France, ni l’Europe ne sont dotées à ce

forme de coopérations équilibrées.

jour d’instruments de financement qui

Un pionnier de l’énergie nucléaire avec une expérience de plus de 50 ans

Philippe Pradel : Votre question ap-

Pour l’avenir, notre stratégie est de

leur permettent de faire face de manière

pelle plusieurs réponses. Permettez-moi

promouvoir un mix énergétique diversifié,

suffisamment efficace à la concurrence

tout d’abord de faire un peu d’historique

équilibré et décarboné : le nucléaire joue

des autres acteurs, Russie, Chine, Japon

et de rappeler l’engagement précoce

un rôle important au sein de cette stra-

et Etats-Unis.

d’ENGIE dans le domaine du nucléaire.

tégie et le développement de notre parc

Nous avons été pionnier en Europe avec

nucléaire est donc pour nous une ques-

REE : Malgré ces difficultés,

le développement, en partenariat avec

tion qui reste tout à fait à l’ordre du jour.

vous parvenez cependant à être

EDF, du premier réacteur à eau pres-

présent dans certains grands projets.

surisée construit en France, celui de

REE : Comment choisissez-vous

Quels sont actuellement vos chan-

Chooz A, mis en service en 1965, arrêté

les projets auxquels vous souhaitez

tiers principaux ?

en 1999 et qui constitue à présent un

participer ?

chantier-pilote des opérations de dé-

P. P. : Nous sommes très sélectifs en

construction. Par la suite, nous avons

termes de pays et de marchés. Nous

construit sept réacteurs représentant

nous intéressons aux pays où un marché

au total une puissance de 6 000 MW et

est établi, c’est à dire où il existe un mar-

dont certains ont été construits en par-

ché convenablement régulé où l’on peut

tenariat avec EDF : Tihange 1, Chooz B

passer des accords du type PPA (Power

P. P. : Le premier projet est celui mené

et Tricastin. Nous étions opérateur sur

Purchase Agreements) ou de type CfD

par NuGen – ou NuGeneration, société

Tihange 1, dont la propriété est répartie

(Contract for Difference). Nous nous

de projet détenue à 60 % par Toshiba et à

à 50/50 entre la France et la Belgique,

intéressons uniquement à la technologie

40 % par ENGIE - en Grande-Bretagne qui

et nous avons des droits de tirage sur

des réacteurs nucléaires à eau pressuri-

vise à construire, trois réacteurs du type

Chooz B et sur la centrale du Tricastin.

sée de troisième génération, technologie

AP1000 sur le site de Moorside adjacent

Ceci est très important car nous avons

dans laquelle nous avons de l’expérience

à celui de Sellafield, le long de la mer d’Ir-

ainsi démontré notre capacité à travailler

et du savoir-faire.

lande. Les réacteurs auront une puissance

en partenariat, de façon équilibrée, sur de grands projets.

Aujourd’hui, deux projets principaux : NuGen (Grande-Bretagne) et Sinop (Turquie)

Notre réponse au caractère très capi-

totale de 3,6 GW et utiliseront la tech-

talistique des projets dans le domaine

nologie développée par Westinghouse.

Aujourd’hui, nous exploitons sept réac-

du nucléaire consiste à travailler en par-

Nous avons une position d’investisseur

teurs représentant en Belgique 6 000 MW

tenariat – coopération avec l’exploitant

mais nous apportons également notre

REE N°5/2015 Z 97


savoir-faire d’opérateur. Actuellement, les

boucles de refroidissement redondantes

études de caractérisation du site sont en

et d’un récupérateur de corium1. Sa

cours et elles alimenteront d’autres tra-

conception en fera un outil de très haut

vaux tels que les activités réglementaires

rendement énergétique et sa durée de vie

et commerciales ainsi que les démarches

prévisionnelle est d’emblée de 60 ans.

concernant l’obtention de différents perr

Le “basic design” a reçu en 2012 un

mis et autorisations administratives. Au

avis positif sur les options de sûreté de

terme de ces analyses et études détaillées

la part de l’ASN (Autorité de sûreté nu-

et après l’obtention des permis et accords

cléaire) et l’ATMEA1 retient aujourd’hui

nécessaires, une décision finale d’investis-

l’intérêt de plusieurs pays : le Vietnam, le Brésil, sans oublier la France où nous

sement pourra être prise fin 2018. Le second est le projet de construction d’une centrale nucléaire à proximité de la ville de Sinop, en Turquie le long de

ATMEA1 : un réacteur au meilleur niveau de la technologie actuelle

avions proposé la réalisation d’un réacteur en vallée du Rhône. REE : ENGIE n’est pas directement par-

la mer Noire. Ce projet de quatre réacteurs ATMEA1 développant 4 480 MW

nologie actuelle dans le domaine du nu-

tie prenante aux négociations en cours

sera réalisé en BOO (Build-Own-Ope-

cléaire (on parle parfois de 3G+ !). Avec

sur AREVA. Elle ne peut pourtant pas

rate) par un consortium associant ENGIE,

une puissance de 1 100 MW, le réacteur

s’en désintéresser. En particulier votre

Mitsubishi

(MHI),

est particulièrement bien adapté aux

partenaire Mitsubishi Heavy Industries

ITOCHU et la Turkish Electricity Genera-

réseaux de dimension moyenne qui ne

a formulé son intérêt pour une prise

tion Corporation (EÜAS) dans le cadre

peuvent pas accueillir des réacteurs de

de participation dans la partie réacteurs

d’un accord intergouvernemental entre la

taille supérieure (rappelons que l’EPR a

d’AREVA. Cela ne risque-t-il pas de

Turquie et le Japon. Au stade actuel, les

une puissance unitaire de 1 600 MW),

créer une situation très compliquée ?

études de faisabilité qui devraient durer

en particulier ceux de la plupart des pri-

de 18 à 24 mois se poursuivent sur le site.

mo-accédants au domaine nucléaire.

Heavy

Industries

MHI est un partenaire naturel

Il bénéficie de l’expérience des deux REE : Quels sont les atouts

partenaires et en particulier de celle de

qui ont été déterminants dans

MHI dans le domaine de la prévention

le choix des autorités turques ?

des risques sismiques. Il est doté de trois

P. P. : Compte tenu du contexte que j’ai

P. P. : La solidité des partenaires et de

rappelé et de la coopération qui s’est

l’offre technique, le degré d’avancement

nouée depuis 2006 entre AREVA et MHI autour du projet ATMEA1, il est tout à fait

dans les procédures de certification sont des paramètres importants. Rappelons que les réacteurs seront du type ATMEA1, un réacteur à eau pressurisée de génération III+ conçu selon les critères de sécurité et de fiabilité les plus stricts par une

Philippe Pradel est diplômé de l’École Polytechnique et de l’École nationale supérieure des techniques avancées (ENSTA). Il est entré au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) en 1980 pour travailler sur le réacteur

naturel que MHI s’intéresse au devenir de la partie « réacteurs » d’AREVA. REE : La loi sur la transition énergétique et la croissance verte a été adoptée en

expérimental Superphénix et a rejoint la

août dernier. Quel regard portez-vous

Heavy Industries et AREVA. Ils bénéficie-

COGEMA en 1987 pour travailler sur le

sur les dispositions votées, en particu-

ront du meilleur de l’expérience accumu-

retraitement du combustible nucléaire à

lier sur celles relatives au nucléaire ?

lée depuis plusieurs dizaines d’années

l’usine de retraitement de La Hague. Il

P. P. : La stratégie énergétique, dans

par les deux partenaires.

occupe diverses fonctions de responsa-

le domaine nucléaire en particulier,

co-entreprise constituée par Mitsubishi

bilités chez COGEMA puis AREVA avant

est définie au niveau national et a fait

REE : Nous voulions justement vous

d’être nommé directeur de la Direction de

l’objet d’un vote par le parlement. Nous

demander où en était le dévelop-

l’énergie nucléaire du CEA. Depuis 2010,

sommes heureux que les choses aient

pement de ce réacteur et comment

il occupe le poste de vice-président GSND

été clarifiées et que la loi reconnaisse

il se positionnait aujourd’hui sur le

(ENGIE).

un rôle important au nucléaire qui est,

marché. P. P. : L’ATMEA1 est un réacteur de troisième génération à eau pressurisée, qui se situe au meilleur niveau de la tech-

98 Z REE N°5/2015

Philippe Pradel est membre de l’Académie des technologies et chevalier de la Légion d’honneur.

1

Le corium est le magma métallique et minéral constitué d’éléments fondus du cœur d’un réacteur nucléaire et des minéraux qu’il peut absorber lors de son trajet.


ENSEIGNEMENT & RECHERCHE

Femmes et numérique Des opportunités formidables Sandrine Vaton Professeure, Télécom Bretagne

Etat des lieux

A

Vous avez dit « Egalité » ?

tteindre l’égalité entre tous les citoyens fait partie des principes affirmés dans les textes fondateurs de la France, dès la première République. L’égalité des sexes est ainsi formulée dans le préambule de la constitution de 1946 : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». Pourtant, force est de constater qu’en 2015 on est très loin de l’égalité entre les femmes et les hommes, en particulier dans le domaine salarial. D’après les chiffres 2013 de l’APEC et de l’INSEE, les inégalités de salaires s’élèvent à 27 % dans le privé et 18 % dans le public (en faveur des hommes). Les pensions de retraite des femmes sont de l’ordre de 30 % inférieures à celles des hommes. Les femmes cadres supérieures gagnent 14 % de moins que les hommes, l’écart étant de 5 % en début de carrière et de l’ordre de 20 % après 50 ans. Une situation paradoxale : le rendement des diplômes dépendrait-il du genre ?

Leurs résultats en matière scolaire pourraient laisser croire que les femmes entament leur carrière avec de meilleurs atouts que les hommes. 85 % des femmes de 25 à 34 ans sont diplômées du second cycle de l’éducation secondaire contre 83 % des hommes du même âge. 48 % des femmes sont diplômées de l’enseignement supérieur contre 38 % des hommes. Bien qu’elles soient plus nombreuses à être diplômées du supérieur, les femmes accusent un retard salarial significatif sur les hommes. On pourrait en conclure que le rendement d’un diplôme du supérieur est plus faible pour une femme que pour un homme. Cette situation n’est bien sûr pas satisfaisante. On est bien loin de l’égalité que nous promettent les grands principes de la République.

Analyse des principaux facteurs d’inégalité Pour comprendre cet apparent paradoxe il faut analyser les facteurs d’inégalités. Le temps partiel, qui peut être choisi, souvent pour des raisons d’organisation familiale, mais qui est également subi par un certain nombre de salariées surtout parmi les moins qualifiées, est un premier facteur d’inégalité : 80 % des salarié-e-s à temps partiel sont des femmes. Les tâches domestiques restent l’apanage des femmes. Ces contraintes et le fait de souvent privilégier au sein du couple la carrière de l’homme ont aussi un impact négatif sur l’évolution de carrière des femmes. La fonction exercée et le secteur d’activité sont aussi des facteurs d’inégalité majeurs. La notion de « salaire d’appoint » a la peau dure et les métiers traditionnellement à prédominance féminine souffrent d’évaluation discriminante [1]. Le plafond de verre (de l’anglais, glass ceiling effect) désigne le fait que les niveaux supérieurs de la hiérarchie ne sont pas accessibles à certaines catégories, par exemple les femmes, du fait d’un réseau de pouvoir implicite. Ces différents facteurs contribuent à expliquer, même s’ils ne les justifient pas, les différences salariales au détriment des femmes. Il reste toutefois une différence inexpliquée de l’ordre de 9 % à compétences, diplômes, temps de travail et poste occupé équivalents. C’est la part de la discrimination pure dans les différences salariales.

Métiers du numérique : opportunités et choix d’orientation genrés Revenons sur un des facteurs explicatifs identifiés ci-dessus, le secteur d’activité et le métier exercé. Certains secteurs sont pourvoyeurs d’emplois correctement rémunérés, c’est en particulier le cas du numérique : il est important d’encourager les jeunes, et en particulier les jeunes femmes, à s’orienter vers ce secteur. Le 15 octobre 2015, a eu lieu en Bretagne la conférence « Le numérique : des métiers en tous genres », à l’initiative de l’association Femmes & sciences et de l’université européenne de Bretagne (UEB), en association avec certains établissements d’enseignement supérieur et de recherche et en partenariat avec le rectorat d’académie de Rennes. Lors de cette journée, plus de 600 scolaires, filles et garçons, de collèges et lycées, ont été sensibilisé-e-s aux opportunités offertes par le numérique.

La place croissante des technologies de l’information dans tous les secteurs de l’économie fait du numérique un pourvoyeur d’emplois en croissance rapide, tant par le nombre que par la diversité des métiers proposés. Les jeunes diplômés, et en particulier les jeunes femmes, y sont très attendus. Le dynamisme du secteur représente une opportunité d’épanouissement pour toutes et pour tous. Pourtant les femmes sont très peu nombreuses à s’orienter vers les formations dans ce domaine et à y faire carrière. Cet article propose un état des lieux sur la féminisation des formations et métiers du numérique, s’interroge sur le manque d’attractivité du secteur auprès des jeunes femmes et présente la grande variété des actions mises en place pour tenter d’y remédier. RÉSUMÉ

REE N°5/2015 Z 101


ENSEIGNEMENT & RECHERCHE

Le plafond de verre enfin expliquĂŠ ? Dans un article rĂŠcent, Avin et al. [2] font une analyse mathĂŠmatique du mĂŠcanisme du ÂŤ plafond de verre Âť. Pour cela ils partent des donnĂŠes de la base DBLP des publications scientiďŹ ques en mathĂŠmatiques et informatique. Ils font l’hypothèse que trois conditions interviennent dans l’apparition d’un plafond de verre : s UN EFFET MAJORITĂ? MINORITĂ? AVEC PLUS D HOMMES QUE DE s UN EFFET MAJORITĂ? MINORITĂ? AVEC PLUS D HOMMES QUE DE femmes, s DE L HOMOPHILIE C EST ĂŒ DIRE LE FAIT QUE LES FEMMES S ASs DE L HOMOPHILIE C EST ĂŒ DIRE LE FAIT QUE LES FEMMES S ASsocient plus facilement avec des femmes et les hommes avec des hommes, et s LE MĂ?CANISME hTHE RICH GET RICHERv C EST ĂŒ DIRE QUE LES s LE INDIVIDUS DĂ?JĂŒ VISIBLES AU SEIN DU RĂ?SEAU SONT CEUX QUI INDIVIDUS DĂ?JĂŒ VISIBLES AU SEIN DU RĂ?SEAU SONT CEUX QUI GAGNENT LE PLUS EN VISIBILITĂ? GAGNENT LE PLUS EN VISIBILITĂ? ,ES AUTEURS MODĂ?LISENT LE RĂ?SEAU SOCIAL COMME UN GRAPHE les nĹ“uds roses reprĂŠsentant les femmes et les nĹ“uds bleus les hommes, et ils simulent par ordinateur son ĂŠvoLUTION EN TENANT COMPTE DANS LA DYNAMIQUE DU GRAPHE GRAPHE

des trois conditions ĂŠnoncĂŠes ci-dessus. Ils observent alors l’apparition d’un plafond de verre, les nĹ“uds les plus connectĂŠs ayant de fortes chances d’être bleus. )LS OBSERVENT DE PLUS QUE LE GRAPHE OBTENU PAR SIMULATION RESSEMBLE BEAUCOUP AU GRAPHE iRĂ?ELw ISSU DE L ANALYSE DES DONNĂ?ES $",0 )LS CONSTATENT Ă?GALEMENT QUE SI LYSE DES DONNĂ?ES $",0 )LS CONSTATENT Ă?GALEMENT QUE SI l’on supprime l’une quelconque des trois conditions cidessus, alors le phĂŠnomène de plafond de verre n’apparaĂŽt plus.

Il est indispensable que les femmes participent activement Ă la transition numĂŠrique, qu’elles soient les actrices de ce changement plutĂ´t qu’elles ne le subissent. Le numĂŠrique est une rĂŠvolution en profondeur de la sociĂŠtĂŠ, qui remet en cause les modes de fonctionnement anciens, au mĂŞme titre que naguère l’Êcriture ou l’imprimerie. Ses domaines d’intervention sont très variĂŠs : aĂŠronautique, dĂŠfense, tĂŠlĂŠcommunications, ĂŠnergie, transports, banque... La MEITO, dont la mission est de contribuer au dĂŠveloppement ĂŠconomique des activitĂŠs TIC en Bretagne, suscite ĂŠgalement des programmes croisĂŠs entre numĂŠrique et agriculture, numĂŠrique et bâtiment, numĂŠrique et santĂŠ ou biotechnologies... La numĂŠrisation de l’Êconomie aura un impact fort sur la nature des emplois. Certains emplois vont disparaĂŽtre dans les prochaines annĂŠes du fait du passage Ă l’ère numĂŠrique. D’autres vont ĂŠvoluer pour s’enrichir en TIC, et ceci est vrai dans tous les domaines de l’Êconomie, pas uniquement dans les nouvelles technologies. Les jeunes sont encore trop peu nombreux Ă acquĂŠrir des compĂŠtences professionnelles dans le domaine. Le nombre d’emplois de cadres Ă pour-r voir en France dans le secteur du numĂŠrique en 2015 ĂŠtait de l’ordre de 35 000 et les entreprises peinent souvent Ă trouver sufďŹ samment de personnes formĂŠes, par exemple en sĂŠcuritĂŠ informatique. Il est indispensable que les jeunes, et en particulier les jeunes femmes, prennent conscience de cette ĂŠvolution des mĂŠtiers et en tiennent compte dans leurs choix d’orientation. AccroĂŽtre la reprĂŠsentation des femmes dans le secteur serait bĂŠnĂŠďŹ que aux femmes elles-mĂŞmes, mais aussi Ă l’industrie du numĂŠrique. D’après un communiquĂŠ de la Commission europĂŠenne publiĂŠ en 2013, accroĂŽtre la prĂŠsence des femmes dans le secteur de l’Êconomie numĂŠrique de l’UE permettrait d’augmenter de neuf milliards d’euros le PIB annuel. Il est par ailleurs reconnu, notamment par l’Êtude Women Matterr de Mc Kinsey & Company, que les organisations qui intègrent le plus de femmes aux postes d’encadrement afďŹ chent une meilleure performance organisationnelle et une plus forte rentabilitĂŠ ďŹ nancière.

Perspectives des mĂŠtiers du numĂŠrique D’après les chiffres 2012 du Syntec numĂŠrique, la rĂŠmunĂŠration brute annuelle moyenne dans les entreprises de la fĂŠdĂŠration est de 48,3 kF (contre 33,1 kF pour l’ensemble de l’Êconomie). 93,7 % des salariĂŠs sont en CDI (contre 69,5 % pour l’ensemble de l’Êconomie). 68,9 % des salariĂŠs sont cadres (contre 15,6 % pour l’ensemble de l’Êconomie). Seules 27,3 % des salariĂŠs des entreprises du Syntec numĂŠrique sont des femmes contre 48,4 % pour l’ensemble de l’Êconomie. Ce secteur, qui emploie majoritairement des cadres, offre des salaires plutĂ´t confortables, mais les femmes y sont sous-reprĂŠsentĂŠes, en particulier dans les fonctions techniques (techniciennes, ingĂŠnieures). La pyramide des âges met par ailleurs en ĂŠvidence un dĂŠsĂŠquilibre avec un fort dĂŠďŹ cit de femmes parmi les jeunes. Il y a en effet beaucoup d’hommes jeunes dans le numĂŠrique, mais pas de femmes dans les mĂŞmes proportions. Avec des projections prenant en compte les dĂŠparts en retraite dans les annĂŠes Ă venir, le pourr centage de femmes dans le secteur devrait donc encore baisser...

102 Z REE N°5/2015

Des choix d’orientation genrĂŠs MalgrĂŠ les atouts du secteur, les jeunes femmes sont très peu nombreuses Ă s’orienter vers les sciences et technologies de l’information et de la communication (STIC). Elles sont en moyenne 27 % dans les ĂŠcoles d’ingĂŠnieurs, ce qui est dĂŠjĂ fort peu, et c’est dans les ĂŠcoles de chimie, d’agriculture, agro-alimentaire ou agronomie qu’on les retrouve essentiellement. Au niveau des classes prĂŠparatoires aux grandes ĂŠcoles scientiďŹ ques elles sont majoritaires en ďŹ lière BCPST (biologie, chimie, physique et sciences de la Terre) avec 70 % des effectifs, mais très minoritaires dans les ďŹ lières MPSI (maths-physique-sciences de l’ingĂŠnieur) et PT (physique technologie) avec respectivement 28 et 11 % des effectifs. Dans les ĂŠcoles Ă dominante informatique ou STIC, les jeunes femmes sont rares, leur proportion atteignant rarement les 20 %. Certaines ĂŠcoles, bien souvent des ĂŠcoles d’informatique, n’ont que de l’ordre de 5 Ă 10 % de femmes parmi les ĂŠtudiant-e-s. Le mĂŞme phĂŠnomène peut ĂŞtre observĂŠ dans certaines ĂŠcoles de


CHRONIQUE

L’Homme, et après… ?

S

ous un titre insolent, Dieu n’est plus ce qu’il était, la chronique de REE 2015-4 s’efforçait de montrer comment s’articulent, à propos de nos origines, physique et métaphysique. Pour celle-ci, nous nous tournons vers l’avenir, tant les évolutions technologiques et les réflexions éthiques interfèrent quant aux possibilités et aux finalités de l’humanité… Les progrès de l’informatique, stockage et traitement de l’information, irriguent de nombreux domaines : qu’il s’agisse de l’automatique et de la robotique, des neurosciences et de l’intelligence artificielle, de l’interaction homme-machine et des techniques palliatives au handicap, le progrès permet d’améliorer la condition humaine. On va bientôt comprendre et stimuler les mécanismes, physiologiques donc matériels, de la conscience ; les neurosciences autorisent l’espoir de guérir des maladies encore invalidantes ou dégénératives. Ce qui touche à l’intelligence et au cerveau s’inscrit dans ce que le progrès contemporain a de spectaculaire, mais aussi de mystérieux. Ainsi le prix du journal Le Monde de la recherche universitaire vient d’être décerné à Jonathan Grizou (INRIA Bordeaux) pour la mise au point d’algorithmes d’apprentissage permettant d’adapter les interfaces cerveau-machine à chaque patient. Le progrès met en jeu des mécanismes subtils, souvent vulgarisés sous le terme d’ondes qui garde dans le grand public son aura de mystère, voire de danger ! Les interfaces cerveau-machine qui augmentent l’humain pour dépasser ses limites, tel est le thème du premier ouvrage qui inspire nos propos ; sous un titre, Une puce dans la tête, qui fleure les excès du marketing, Dorian Neerdael, jeune philosophe et éthicien formé à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), explore d’une plume alerte les interrogations suscitées par ces dispositifs qui produisent des applications performantes, décisives pour améliorer la situation de handicapés ; le tapage médiatique étouffe d’ailleurs le plus souvent, le caractère novateur mais limité des résultats acquis et les submerge de commentaires où l’aspect thérapeutique l’homme réparé le cède trop facilement au sensationnel de l’homme augmenté, voire de l’homme dépassé… La pertinence de l’ouvrage de Dorian Neerdael et la facilité de son abord tiennent à

un sympathique équilibre entre la technicité philosophique et la complexité scientifique : elles ont d’ailleurs séduit le jury du prix « X PHILO » récompensant chaque année un ouvrage confrontant science et philosophie. Face aux excès de la prospective sur la fusion cerveaumachine, notre philosophe insiste autant sur les promesses que sur les menaces d’une quête illimitée de performances : c’est à juste titre qu’il en appelle à Kant ou à Diderot pour concilier esprit critique et perspective humaniste. Comment ne pas souscrire à une conclusion insistant sur la différence entre augmen-

Dorian D ri N Neerdael rd l Une puce dans la tête Les interfaces cerveau-machine qui augmentent l’humain pour dépasser ses limites Editions FYP Collection Présence août 2014 - 160 p. - 15,50 F

Ouvrage collectif L’Homme augmenté Notre humanité en quête de sens Cahier de la Fondation Télécom juin 2015 - 28 p.

tation et amélioration et appelant à renoncer à une quête de performance illimitée qui pour-r rait à terme menacer la pérennité de la vie sur terre… Cette prudence méthodologique s’oppose aux post- et aux des trans-humanistes dont les analyses confinent à l’utopie ou au rêve, parfois même au délire, par exemple quand on spécule sur la transmission de pensée ou sur la possibilité de d’immortalité grâce à la cryogénie. La REE, avec ses récents dossiers sur les contributions des TIC à la santé ou à la lutte

contre la dépendance, est évidemment sensible à la prospective sur toutes ces questions et elle a reçu avec intérêt le nouveau cahier de la Fondation Télécom. Créée par Alcatel-Lucent, BNP Paribas et Orange et associant des partenaires importants, cette fondation a mobilisé les spécialistes des diverses écoles de Télécom pour illustrer les recherches entreprises et imaginer leurs développements : le thème « TIC et santé » est en effet un objectif stratégique de l’Institut Mines-Télécom auquel elles appar-r tiennent. C’est un cahier dense, et l’on peut mesurer des retombées avérées, telles la création de startups, ainsi que les attentes sociétales pour les prochaines décennies où les TIC joueront un rôle souvent décisif ; la plupart des dispositifs externes, mécaniques et/ou numériques, susceptibles d’augmenter l’humain sont envisagés, même si les thèmes controversés comme les puces implantées dans le corps ou les modifications du génome sont hors champ de cette prospective. Les recherches concernant l’homme réparé, où les conséquences du handicap, de la dépendance, du vieillissement ou de la maladie sont partiellement ou totalement effacées, connaissent grâce au prodigieux essor des technosciences un grand succès ; l’efficacité même de ces retombées conduit naturellement à un homme augmenté, dès lors qu’elles concernent les capacités biologiques de l’espèce : en imaginant une « Loi de Moore » pour de tels dispositifs, on en vient naturellement à imaginer que viendra, assez vite d’ailleurs, le moment ou la machine dépassera l’humain, inaugurant l’ère du post humanisme. Le cahier ne nous parait pas témoigner à l’égard de ces perspectives de la même rigueur éthique que Dorian Neardall ; il fait une place parfois complaisante à la « singularité » envisagée en 2005 par Raymond C. Kurzweil. Souhaitons que les capacités de réflexion philosophique de l’Institut, dont on a pu apprécier la pertinence (cf l’ouvrage piloté par Brigitte Munier sur La sociologie du corps à l’épreuve des nouvelles technologies), s continuent d’innerrver les recherches techniques. Quand les biologistes s’inquiètent d’une possible dérive eugénique et les statisticiens des risques sociétaux des « Big Data », il serait regrettable que s’affaiblisse une indispensable vigilance éthique. Q B. Ay A.

REE N°5/2015 Z 109


PROPOS

LIBRES

Gilles Bellec Ingénieur général des mines

cependant à une révolution de la représentation du monde aussi importante que celle de l’espace impulsée par Galilée ou celle de l’écoulement du temps par

L

Darwin. Il s’agit de prendre en compte les problèmes a communication du pape François dans

nouveaux provoqués par des hommes plus nombreux,

l’encyclique « Laudato si’ » (« Loué sois-tu »)

plus riches, plus protéinés et plus mobiles.

a retenti au niveau mondial. Elle s’adresse à

Comme « Tout est lié », la vision du pape inclut la ques-

tous les hommes de bonne volonté afin de

tion sociale :

guider leurs actions mais sans chercher à imposer ses

49. Une vraie approche écologique se transforme

solutions car :

toujours en une approche sociale, qui doit intégrer

61. L’Église n’a pas de raison de proposer une parole

la justice dans les discussions sur l’environnement,

définitive et elle comprend qu’elle doit écouter puis

pour écouter tant la clameur de la terre que la cla-

promouvoir le débat honnête entre scientifiques, en

meur des pauvres. Pour faire partager sa vision, le pape ne vise pas le com-

respectant la diversité d’opinions.

promis :

L’apocalypse nucléaire qui avait suscité l’encyclique « Pacem in terris » n’a pas eu lieu. Un autre risque se profile insidieusement avec le progrès : l’activité humaine

Une lecture de Laudato si’

menace « l’ordre admirable » qui permet la vie sur Terre. Ce risque était déjà identifié par Lamarck en 1820 dans son « Système analytique des connaissances posi-

194. Il ne suffit pas de concilier, en un juste milieu, la protection de la nature et le profit financier, ou la préservation de l’environnement et le progrès. Sur ces questions, les justes milieux retardent

seulement un peu l’effondrement. Il s’agit simplement de redéfinir le progrès.

tives de l’homme » : L’homme, par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres intérêts, par son penchant à jouir de tout ce

* *

*

Le message est puissant. « Tout est lié » : le style

qui est à sa disposition, en un mot, par son insouciance

répétitif est circulaire comme l’économie devrait être cir-

pour l’avenir et pour ses semblables, semble travailler à

culaire pour sortir de la « culture du déchet ».

l’anéantissement de ses moyens de conservation et à la

Pour résumer, la question des pauvres et celle de la

destruction même de sa propre espèce… On dirait qu’il

nature sont liées, le matérialisme individualiste créateur

est destiné à s’exterminer lui-même après avoir rendu

de richesses détruit le monde, le partage traditionnel

le globe inhabitable.

chrétien ne suffit plus, la sobriété collective s’impose. Un

Aujourd’hui la destruction s’étend progressivement à

changement de comportement, mettant fin à l’accumula-

l’ensemble du globe et les alertes viennent de tous les

tion des richesses matérielles est nécessaire. Il est encou-

horizons scientifiques. Le risque ne réside plus, comme

ragé et rendu acceptable par la valorisation des richesses

dans le passé, dans des destructions locales succes-

spirituelles de la vie intérieure mais aussi des richesses

sives. II est devenu global.

de la nature, de la création humaine, de l’art, de la poésie.

Le diagnostic ne suscite pas le doute :

Une injonction à un tel niveau questionne en profon-

161. Les prévisions catastrophistes ne peuvent plus

deur les instruments de politique publique sous plusieurs

être considérées avec mépris ni ironie. Nous pourrions

angles : la responsabilité, l’impatience, le partage et le

laisser trop de décombres, de déserts et de saletés

marché et enfin la diversité comme source de richesse.

aux prochaines générations. Le rythme de consommation, de gaspillage et de détérioration de l’environnement a dépassé les possibilités de la planète, à tel

Responsabilité et éloge de la sobriété et de la lenteur

point que le style de vie actuel, parce qu’il est insou-

Comment inciter les hommes à la responsabi-

tenable, peut seulement conduire à des catastrophes.

lité vis-à-vis de l’ordre naturel ? Les moines donnent

Le pape invite à penser le monde comme un espace

un exemple poussé à l’extrême de « saine sobriété ».

« clos et fini ». Cette vision qui n’est pas nouvelle conduit

De son côté, homo faber vise l’efficacité accrue du

REE N°5/2015 Z 111


PROPOS

LIBRES

prélèvement sur la nature par la mobilisation de la

les scientifiques parlent de 6e extinction. Le genre homo

techno-science, l’usage d’équipements performants et

s’accroît au détriment de la nature. Et un peuplement

l’accumulation de richesse technique.

plus nombreux tend à éloigner les hommes de la nature,

Sans oublier – ni le surestimer – le potentiel du…

ce qui, pour le pape, rend la pauvreté plus dure encore.

22… modèle circulaire de production qui assure

L’avenir devra inévitablement établir un équilibre entre la

des ressources pour tous comme pour les généra-

sobriété contrainte et l’artificialisation accrue des modes

tions futures et qui suppose de limiter au maximum

de vie.

l’utilisation des ressources non renouvelables, d’en

Pour illustrer l’origine commune des problèmes, le

modérer la consommation, de maximiser l’efficacité

pape invente un mot espagnol volontairement non tra-

de leur exploitation, de les réutiliser et de les recycler.

duit : « la rapidacion ». Ce concept polysémique peut

Comment évoluer vers une société plus riche et plus

inclure l’éloignement du rythme naturel de la vie pour

sobre ? Riche en capital accumulé par dynamisme indi-

des hommes soumis à l’accélération des changements,

viduel, sobre en consommation par nécessité collective

à la vitesse et aux cadences dans les usines non robo-

et policée pour respecter l’environnement.

tisées du tiers monde, comme le sort réservé aux ani-

Le philosophe Hans Jonas développe dans une

maux d’élevage à la vie artificielle et écourtée.

phrase très abstraite le principe de la responsabilité : grande échelle d’une capacité engendre, en dépit de

Responsabilité vis-à-vis du déroulement du temps, l’immédiateté et le marché

l’intention droite des agents, une série d’effets liée étroi-i

Le bon usage du marché est interpellé :

« L’action a lieu dans un contexte où tout emploi à

tement aux effets « bénéfiques » immédiats et intention-

190. L’environnement fait partie de ces biens que les

nés, série qui aboutit, au terme d’un processus cumu-

mécanismes du marché ne sont pas en mesure de

latif à des conséquences néfastes dépassant parfois de

défendre ou de promouvoir de façon adéquate.

loin le but recherché ».

La critique du marché par le pape concerne davan-

En remplaçant le mot action par les mots transport,

tage les dysfonctionnements du marché (spéculation,

tourisme, agriculture ou le mot pêche, le sens s’éclaire.

court-termisme, absence de prise en compte des exterr

La question de la responsabilité humaine dans un

nalités comme les déchets) que le marché lui-même.

monde clos est alors posée.

Cette critique du pape peut être rapprochée de celle

La démographie mérite une attention particulière car

qu’il adopte sur la techno-science quand celle-ci prétend

les prélèvements sur la nature dépendent du nombre

avoir réponse à tout. Il ne faut pas diviniser le marché

de convives à la table de la consommation. Rien n’em-

aujourd’hui, comme on le faisait de l’industrie au XIXe

pêche alors de substituer dans la phrase évoquée le mot

siècle, quand Saint Simon écrivait en 1830 : « L’objet de

action par paternité. Le pape balaye l’objection : « La

l’industrie est l’exploitation du globe... Par elle, l’homme

croissance démographique est pleinement compatible

participe aux manifestations successives de la divinité

avec un développement intégral et solidaire ».

et continue ainsi l’œuvre de la création. De ce point de

Dans d’autres occasions, le pape développe le concept de paternité responsable mais limité au contexte familial et social, sans référence au caractère clos et fini

vue, l’industrie devient le culte ». La première critique des marchés concerne « l’immédiateté » au détriment du long terme, car :

du monde. Pourtant quand on associe autant « la cla-

197. Nous avons besoin d’une politique aux vues

meur des pauvres et de la terre », la tension entre l'équi-

larges qui suive une approche globale.

libre de l'ordre naturel et l'accès aux ressources pour des populations plus nombreuses ne peut être niée.

et, encore plus grave : 160. Ce qui est en jeu vis-à-vis des générations

Dans un système clos, toute consommation a une

futures, c’est notre propre dignité… parce que cela

contrepartie. La concurrence entre la Terre et les hu-

met en crise le sens de notre propre passage sur

mains s’impose. Une dynamique est lancée. Au cours

cette terre.

du XXe siècle, la population humaine a été multipliée par

Le pape aurait aussi pu évoquer la politique monétaire

7 et le nombre des grands animaux sauvages ou des

ou financière avec le taux d’intérêt ou d’actualisation mais

poissons a été divisé par 10 ou 100 selon les espèces et

il ne le fait pas. Dans la relation entre développement et

112 Z REE N°5/2015


Entre science et vie sociĂŠtale,

les ĂŠlĂŠments du futur Une publication de la

Edition/Administration : SEE - 17, rue de l’Amiral Hamelin - 75783 Paris cedex 16 TĂŠl. : 01 5690 3709 - Fax : 01 5690 3719 Site Web : www.see.asso.fr Directeur de la publication : François Gerin ComitĂŠ de rĂŠdaction : Bernard Ayrault, Alain Brenac, Patrice Collet, AndrĂŠ Deschamps, Jean-Pierre Hauet, Jacques Horvilleurr, Marc Leconte RĂŠdaction : Alainn Brenac, AurĂŠlie Bazot - TĂŠl. : 01 5690 3717

La SEE, sociĂŠtĂŠ savante française fondĂŠe en 1883, forte de 3 000 membres, couvre les secteurs de l’ÉlectricitĂŠ, de l’Électronique et des Technologies de l’Information et de la Communication. Elle a pour vocation dde ffavoriser i ett dde promouvoir le progrès dans les domaines : Énergie, TĂŠlĂŠcom, Signal, Composants, Automatique, Informatique.

La SEE fĂŠdère un vaste rĂŠseau d’experts universitaires et industriels en faveur des s 6 CLUBS TECHNIQUES Q Automatique, Informatique et Systèmes Q IngĂŠnierie des Systèmes d’Information et de Co oommunication Q Électronique Q Radar, Sonar et Systèmes RadioĂŠlectriques Q Électrotechnique Q Systèmes ĂŠlectriques

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DĂŠpĂ´t lĂŠgal : janvier 2016

et ses Groupes rĂŠgionaux s ConfĂŠrences nationales et internationales s JournĂŠes d’Êtudes thĂŠmatiques s ConfĂŠrences-DĂŠbat s Congrès internationaux, en partenariat ou non, avec d’autres sociĂŠtĂŠs scientiďŹ ques La SEE favorise le partage du savoir, et contribue aux dĂŠbats sur des problèmes de sociĂŠtĂŠ en ĂŠditant des revues s Revue de l’ÉlectricitĂŠ et de l’Électronique (REE) s Revue 3EI s Monographies s Publications ĂŠlectroniques : SEE ActualitĂŠs

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