Aperçu du numéro 2016-1 de la REE (janvier 2016)

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2016 1 Numéro

EDITORIAL Le calcul à haute performance Ruptures et enjeux Gérard Roucairol

ÉNERGIE

TELECOMMUNICATIONS

MORE ELECTRIC AIRCRAFT

MEA'2015

DOSSIERS

SIGNAL

COMPOSANTS

AUTOMATIQUE

INFORMATIQUE

Cet aperçu gratuit permet aux lecteurs ou aux futurs lecteurs de la REE de découvrir le sommaire et les principaux articles du numéro 2016-1 de la revue, publié en janvier 2016. Pour acheter le numéro ou s'abonner, se rendre à la dernière page.

Des avions plus électriques

ISSN 1265-6534

L'ARTICLE INVITÉ

La lutte contre le réchauffement climatique passe par la prise en compte d’un prix du carbone Par Jacques Percebois

www.see.asso.fr


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EDITORIAL

D

GÉRARD ROUCAIROL

Le calcul à haute performance Ruptures et enjeux

e profondes ruptures sont en cours, tant technologiques qu’économiques ou d’usage, qui ont déjà, ou vont avoir, un impact considérable sur l’architecture des ordinateurs et la manière de s’en servir, sur la structure de l’industrie ainsi que sur les usages de la haute performance. Mais au-delà c’est l’ensemble de l’informatique et plus généralement du numérique qui est concerné tant il est vrai, et l’histoire l’a montré, que, dans tous les domaines, les applications existantes ont toujours besoin de faire plus et plus vite et que l’augmentation de la puissance de calcul rend possible de nouvelles applications. De ce point de vue, ce qui se passe dans le domaine du calcul intensif préfigure des évolutions profondes de l’ensemble des technologies et des marchés de l’informatique. Si on examine l’axe des évolutions technologiques, la rupture majeure provient du fait que l’augmentation de la puissance informatique ne peut plus désormais reposer sur l’accroissement de la fréquence des microprocesseurs. En effet l’augmentation considérable de la consommation électrique et de la dissipation thermique qui résulte de l’accroissement de cette fréquence ont conduit les fabricants de semi-conducteurs à limiter cette fréquence à 3 ou 4 GHz. La seule manière d’augmenter la vitesse d’un traitement informatique consiste donc à essayer d’effectuer en même temps, c’est-à-dire « en parallèle », plusieurs tâches que comporte ce traitement. Pour cela on va pouvoir bénéficier du processus encore soutenu de miniaturisation des transistors afin de disposer, sur un circuit intégré, de plusieurs cœurs de processeurs, à terme de plusieurs centaines, puis de regrouper ces circuits au sein de plusieurs dizaines de milliers de serveurs interconnectés au sein d’une même machine qui permettra d’atteindre des puissances extrêmes comme l’exaflop (le milliard de milliards d’opérations arithmétiques à la seconde). La mise en œuvre de telles architectures, dites « massivement parallèles », pose de nombreux problèmes technologiques pour limiter la consommation énergétique et pour assurer la résilience de ces architectures. Mais l’une des difficultés essentielles est liée à l’exploitation par le logiciel de telles architectures. Il va falloir concevoir des algorithmes capables de s’accommoder de niveaux très élevés de parallélisme ainsi

qu’écrire et mettre au point des programmes parallèles dont la complexité va croître de manière considérable. Cette difficulté est majeure et il faut constater que la très grande majorité des logiciels existants, qui sont séquentiels ou présentent un faible taux de parallélisme, ne peuvent absolument pas tirer parti de ces futures architectures. Il en résulte notamment que pour un industriel fournisseur de technologie, la taille de sa base installée n’est plus un garant de sa position future. En effet de nouveaux circuits intégrés de traitement vont devoir être inventés, de nouvelles architectures de machines vont être mises en œuvre, de nouveaux logiciels de base ou intergiciels vont devoir être conçus et de nouvelles applications vont devoir être créées de toute pièce sans que pour l’instant aucun standard n’existe. Compte tenu de la multiplicité des pistes technologiques qui vont conduire à l’élaboration des futurs systèmes informatiques, on peut aussi constater que la traditionnelle indépendance entre le matériel et le logiciel qui s’est décantée au bout de plusieurs dizaines d’années de développement des marchés de l’informatique, va être remise en cause. De nouveaux paramètres de changement de ce marché vont donc être introduits qui impacteront probablement très fortement l’industrie des progiciels et des services. Dans ce contexte, il est clair que des opportunités considérables apparaissent pour modifier en profondeur le jeu d’acteurs qui s’est installé au sein du marché mondial de l’informatique. Notre pays est bien placé pour tirer parti de ces opportunités. En effet la France est l’un des rares pays dans le monde et le seul en Europe à disposer d’acteurs industriels « leaders » qui couvrent une très grande partie de la chaîne de valeur du calcul intensif. Cette chaîne, qui va de la conception de supercalculateurs à des usages pionniers par de grands utilisateurs en passant par l’élaboration, la vente d’applications et le service, peut en outre tirer bénéfice d’une recherche technologique publique au meilleur niveau mondial. Si on analyse l’axe des évolutions d’usage du calcul à haute performance, on peut remarquer qu’historiquement c’est la simulation numérique qui a guidé le recours au calcul intensif et ceci dans quelques domaines d’application : la défense, la recherche, la météo pour le secteur public, l’industrie manufacturière (automobile, aéronautique) et l’énergie

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pour le secteur privé. De plus ces usages ont été principalement le fait de grandes organisations au sein de l’Etat ou de grandes entreprises du secteur privé. Les méthodes de simulation quant à elles ont le plus souvent reposé sur une modélisation mathématique aussi exacte que possible de processus physiques. Dans le futur, les trois paramètres que nous venons de citer (domaines d’application, méthodes de simulation, caractérisation des utilisateurs) vont évoluer très fortement pour démultiplier très largement les usages du calcul intensif. En ce qui concerne les méthodes, outre l’emploi d’algorithmes plus classiques de fouilles de données, la capacité de collecter des informations générées sur Internet en très grande quantité favorise l’éclosion de méthodes d’autoapprentissage. Ces méthodes rendues possibles par la puissance de calcul maintenant disponible, conduisent à une modélisation devenue statistique des processus à la source des données correspondantes (Big Data). Quelles que soient les méthodes de simulation utilisées, les domaines d’usage vont être très largement étendus à ceux par exemple de la santé, de l’urbanisation, de l’agroalimentaire, des matériaux, du multimédia, de l’analyse de risque, de l’analyse marketing, de la cosmétique, de la chimie, de la sociologie… Le déploiement des infrastructures de cloud, en transformant un coût d’investissement nécessairement élevé pour des supercalculateurs, en un coût de fonctionnement et d’achat de services à la demande, va permettre de « démocratiser »

l’accès au calcul intensif au bénéfice des PME et des ETI tout en accélérant la diversification des domaines d’applications. On le voit, les ruptures et opportunités associées à l’évolution du calcul à haute performance sont considérables tout autant que leurs impacts sur la structure de l’industrie tant utilisatrice que productrice de technologies. En France le plan industriel « Supercalculateurs » dont je suis le chef de file, est à même de positionner notre pays dans le groupe de tête de la compétition mondiale et ceci sur tous les plans : technologies matérielles, diversification des usages, diversification et élargissement des utilisateurs, formation. Au-delà il convient de préparer une évolution encore plus radicale qui va concerner les fondements mêmes du calcul informatique et les matériaux qui vont le mettre en œuvre. La recherche fondamentale doit absolument s’organiser au sein d’un effort à la fois significatif et multidisciplinaire pour préparer le futur du numérique et la place de notre pays dans ce domaine.

Gérard Roucairol a débuté sa carrière professionnelle comme professeur d’Informatique à l’université Pierre et Marie Curie, puis à l’université Paris Sud et enfin à l’Ecole normale supérieure. En 1984, il rejoint le groupe Bull pour en prendre la Direction scientifique et est à l’origine du repositionnement de Bull sur les supercalculateurs. Depuis 2009, il préside l’association Teratec. Il a été président de l’Académie des technologies et, depuis 2014, il préside le Conseil scientifique de l’Institut Mines-Télécom.

Une machine Bull du centre de calcul civil du CEA - © CEA/P.STROPPA

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sommaire Numéro 1

1

EDITORIAL Le calcul à haute performance - Ruptures et Enjeux Par Gérard Roucairol

p. 1

4

SOMMAIRE

6

FLASH INFOS

10 13 16 19 21 22

La propagation dans la troposphère pour les systèmes spatiaux de télécommunications à très haut débit en bandes Ka et Q/V Filtrage non-linéaire pour la navigation inertielle La technologie RF SOI dans 100% de nos smartphones Capteurs inertiels à atomes froids : principe et applications L’ordinateur quantique D-WAVE. Mythe ou réalité Un Wi-Fi pour l’internet des objets : le 802.11 ah Un stockage électrique par batteries de 10 MW mis en service en Irlande Une neuvième planète dans le système solaire ?

23

26 A RETENIR Congrès et manifestations p. 38

28 VIENT DE PARAÎTRE La REE vous recommande

30 ARTICLE INVITÉ La lutte contre le réchauffement climatique passe par la prise en compte d’un prix du carbone Par Jacques Percebois

38 LES GRANDS DOSSIERS Le démantèlement des installations nucléaires Introduction p. 70

Par Jean-Pierre Hauet

41

Le démantèlement des installations nucléaires à la Direction de l’énergie nucléaire du CEA Par Laurence Piketty

49

Plan opérationnel sur un chantier de démantèlement Par Cyril Moitrier, Samuel Blanchard, Yves Soulabaille

58

Recherche et innovation pour l’assainissement-démantèlement Par Christine Georges

p. 30

Photo de couverture : © Onera

4 Z REE N°1/2016

64

Optimiser globalement la gestion des déchets radioactifs de démantèlement Par Michel Dutzer, Frédéric Legée


CISEA’16 First Conference on Intelligent Systems & Electronic Applications IoT, smart sensors, smart power 70

Dossier MEA 2015 Des avions plus électriques Introduction Par Florent Christophe, Jean-Charles Gautherot

72

Dimensionnement optimal d’un réseau électrique aéronautique

80

Crédits photos : ©Tronico, Angers Loire Tourisme.

Par Djamel Hadbi, Xavier Roboam, Bruno Sareni, Nicolas Retière, Frédéric Wurtz

Key Drivers for Aeronautic Batteries Par Florence Fusalba, Jean Oriol, Eric Pinton

86

Electric Distributed Propulsion for Small Business Aircraft Par Jean Hermetz, Michael Ridel

96 GROS PLAN SUR … La mesure du temps aujourd’hui Par Emeric de Clercq, Thomas Zanon-Willette, Ouali Acef

107 RETOUR SUR ... L’introduction des antennes actives dans les chasseurs Le programme de coopération européen AMSAR Par Marc Leconte

115 ENSEIGNEMENT & RECHERCHE De fulgurantes innovations à Lille ? Par Pierre Giorgini

122 Echos de l’enseignement supérieur

June 7-9 2016 Angers, France

Par Bernard Ayrault

125 CHRONIQUE Propos de B. Ay, chroniqueur Par Bernard Ayrault

126 LIBRES PROPOS Le numérique… Que de questions ! Par Gérard Théry

131 SEE EN DIRECT

http://cisea2016.sciencesconf.org

La vie de l'association

REE N°1/2016 Z 5


FLASHINFOS

La SEE décerne chaque année un certain nombre de Grands Prix destinés à récompenser et à faire connaître des travaux scientifiques et techniques de premier plan réalisés en France dans les domaines de sa compétence. Dans certains cas, la SEE s’allie à d’autres organismes pour sélectionner et honorer les lauréats. La cérémonie annuelle des Grands Prix 2015 a été présidée par François Gerin, président de la SEE, et Erich Spitz, membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie des technologies, président du Comité des Grades et Distinctions. La REE est heureuse de publier ci-après un ensemble d’articles écrits par les lauréats et destinés à présenter les travaux qui leur ont valu d’être distingués.

La propagation dans la troposphère pour les systèmes spatiaux de télécommunications à très haut débit en bandes Ka et Q/V Nicolas Jeannin Ingénieur de recherche Département Electromagnétisme et radar ONERA Toulouse Grand Prix de l’Electronique Général Ferrié 2015 décerné par la SEE Le Grand Prix de l’Electronique Général Ferrié récompense des travaux ayant contribué aux progrès de la radioélectricité, de l’électronique et de leurs applications. Décerné depuis 1949, il commémore les travaux du Général Ferrié, pionnier de l’utilisation de la radio auquel on doit des réalisations remarr quables telles que la liaison Côte d’Azur-Corse dès 1901 et la première station radiophonique commerr ciale de la Tour Eiffel.

Figure 1 : Schéma de principe d’un système satellitaire multi-faisceaux. nications par satellite sont saturées et ne sont pas suffisamment larges pour obtenir les capacités ciblées. A cet effet, une migration de ces systèmes depuis les bandes C (3-8 GHz) et Ku (11-17 GHz) vers la bande Ka (2030 GHz) ou Q/V (40-50 GHz) a été initiée il y a quelques années. Une illustration du principe de fonctionnement de ces systèmes est donnée dans la figure 1. Les stations sol de l’opérateur envoient un signal modulé contenant les don-

Systèmes de télécommunications par satellite

nées vers le satellite qui amplifie le signal et le transpose

à très haut débit et la bande Ka et Q/V

en fréquence pour le renvoyer vers les cellules de la cou-

Les systèmes de télécommunications par satellite

verture utilisateur desservies. Les utilisateurs dans cette

constituent l’une des possibilités pour assurer la fourni-

couverture se partagent le flux de données. Les bandes

ture de services multimédia haut débit aux zones non ou

de fréquence disponibles pour le système sont réutilisées

mal desservies par les réseaux de télécommunications

par les différentes stations sol, la directivité des antennes

terrestres. Il faut à cet effet qu’ils puissent proposer des

et l’espacement géographique permettant de limiter les

débits de données par utilisateur du même ordre de

interférences à un niveau raisonnable. Du côté utilisateur,

grandeur que ceux proposés par les réseaux terrestres, à

les faisceaux utilisent

un coût comparable. Cela requiert une capacité par satel-

bande disponible afin de limiter les interférences inter-

lite de plusieurs centaines de gigabits par seconde, sur

faisceaux. La réutilisation de fréquence est conçue pour

une zone de couverture continentale. Afin d’atteindre ce

que deux faisceaux utilisant la même fréquence ne soient

débit, il est nécessaire de pouvoir moduler l’information

pas adjacents.

uniquement une fraction de la

sur de larges bandes de fréquence. Les bandes de fré-

L’utilisation de la bande Q/V et Ka permet de limi-

quence utilisées traditionnellement par les télécommu-

ter le nombre de stations sol côté opérateur et de fais-

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FLASHINFOS

(a)

(b)

Figure 2 : Atténuation spécifique (dB/km) en fonction de la fréquence causée par les gaz (a) et par la pluie (b).

ceaux côté utilisateur, à un nombre raisonnable mais

dépolarisation et la scintillation, ont globalement tendance

suffisant pour obtenir les débits de données visés.

à augmenter fortement avec la fréquence et deviennent

En effet, la bande de modulation disponible est supé-

très sensibles au-delà de 10 GHz. L’oxygène et la vapeur

rieure d’au moins un ordre de grandeur à celle offerte

d’eau atmosphérique causent des atténuations pouvant al-

par les fréquences plus basses. Outre la problématique

ler jusqu’à quelques décibels en bande Q/V. En présence

liée au développement de composants RF spatiaux, les

d’hydrométéores (gouttelettes d’eau liquide nuageuse ou

fortes pertes de propagation dans la troposphère, particu-

gouttes de pluie), une fraction de la puissance des ondes

lièrement en présence de pluie, ont longtemps constitué

incidentes est absorbée ou diffusée (diffusion de Mie et

un frein à l’utilisation de ces bandes. En effet les pertes

Rayleigh suivant le rapport entre la longueur d’onde et la

atmosphériques augmentent avec la fréquence et ne

dimension de la particule). La variation en fonction de la

peuvent plus être compensées avec une marge statique

fréquence de ces atténuations spécifiques, dans diverses

de puissance pour assurer une disponibilité satisfaisante.

conditions atmosphériques est illustrée par la figure 2.

De ce fait, il est impératif d’utiliser des méthodes de

Les liaisons en bande Ka ou Q/V peuvent subir des

compensation adaptatives des affaiblissements. L’opti-

atténuations de plusieurs dizaines de décibels en pré-

misation de ces systèmes requiert une connaissance

sence de précipitations (ces liaisons ont généralement

statistique de ces affaiblissements de propagation. Cette

une longueur de parcours sous la pluie de 5 à 10 km).

connaissance peut être obtenue par le biais de mesures

En outre, en présence d’hydrométéores dissymétriques,

des fluctuations de puissance d’un signal émis par un

l’onde peut également être dépolarisée, ce qui est source

satellite induites par les variations des conditions météo-

d’interférence d’une polarisation orthogonale sur l’autre.

rologiques. Néanmoins, ces mesures sont spécifiques à

Par ailleurs, les fluctuations d’indice de réfraction dues

la géométrie de la liaison, à la zone climatique et à la

à la turbulence atmosphérique causent également une

fréquence et ont été conduites sur un nombre réduit de

scintillation qui se manifeste par des fluctuations rapides

sites. Par conséquent, en complément de ces mesures,

du signal.

des modèles capables de reproduire les caractéristiques

Pour évaluer la disponibilité d’une liaison terre-espace

statistiques de ces observations doivent être développés

en fonction de la marge disponible pour compenser ces

pour fournir des entrées aux simulateurs systèmes.

effets de propagation, des modèles ont été développés par la commission 3 de l’Union internationale des télé-

Effets de propagation dans la troposphère

communications, secteur Radiocommunication (UIT-R).

Les ondes électromagnétiques sont affectées par dif-

En bande Ku ces marges de puissance sont générale-

férents phénomènes lors de leur propagation dans la tro-

ment de quelques dB pour garantir une disponibilité de

posphère (couche inférieure de l’atmosphère), en fonc-

99,99 % en zone tempérée. Un exemple des marges

tion des conditions météorologiques. Ces phénomèmes,

nécessaires pour opérer un lien satellite à 50 GHz avec

à savoir l'atténuation dans les gaz et les hydrométéores, la

une disponibilité de 99,5 % est présenté figure 3.

REE N°1/2016 Z 7


FLASHINFOS

conditions météorologiques mais seulement une baisse de la capacité de la liaison. Enfin, pour les réseaux de stations sol des opérateurs pour lesquels les liaisons sont susceptibles d’utiliser la bande Q/V, il est possible d’éviter dans la plupart des cas les indisponibilités en ajoutant au réseau une ou plusieurs stations sol de redondance, capables de prendre le relais d’autres stations sol. En effet ces stations sol sont espacées de plusieurs dizaines de kilomètres et les pertes de propagation sont faiblement corrélées. Dès lors la faible probabilité de subir de fortes précipitations et la combinatoire font que la probabilité d’avoir simultanéFigure 3 : Carte d’atténuation dépassée 0.5 % du temps sur l’Europe pour un lien avec un satellite géostationnaire à 50 GHz, calculée par la Rec. UIT-R P. 618 [1].

ment plus de stations sol avec de mauvaises conditions de propagation que de stations redondantes est extrêmement faible. Ces mécanismes de diversité permettent d’obtenir des disponibilités comparables à celles que l’on

Cette disponibilité de 99,5 % est déjà jugée insuffi-

pourrait obtenir à des fréquences plus basses [2].

sante pour la majorité des applications et nécessite pour

Ces différentes techniques adaptatives permettent de

être obtenue d’avoir en bande Q/V une marge de puis-

garder des disponibilités intéressantes. Néanmoins leur

sance dépassant la dizaine de décibels sur la majorité

dimensionnement requiert une connaissance des carac-

de l’Europe. Garder une telle marge de puissance pour

téristiques du canal de propagation, pour l’optimisation

compenser des affaiblissements qui sont peu fréquents

des boucles de contrôle ou pour l’estimation de perforr

(la probabilité de précipitations est proche de 5 % en

mances globales du système.

zone tempérée) est insoutenable vu les limitations de puissance à bord des satellites.

Modélisation du canal de propagation

Systèmes adaptatifs de compensation

pagation, différentes campagnes de mesures, visant à

des affaiblissements

mesurer à partir d’un récepteur au sol les fluctuations de

Pour acquérir cette connaissance du canal de pro-

Pour compenser ces pertes de propagation, sans pour autant utiliser une marge de puissance trop importante,

puissance d’un signal non modulé émis par un satellite (comme illustré par la figure 4), ont été menées.

différents mécanismes adaptatifs, ont été développés

Ces expérimentations permettent de caractériser les

pour s’accommoder de la montée en fréquence des trans-

propriétés statistiques du canal de propagation. Cepen-

missions par satellite.

dant, ces mesures sont insuffisantes pour le dimension-

La solution la plus intuitive consiste à faire varier la

nement système car elles ne couvrent pas l’ensemble

puissance d’émission en fonction des conditions de pro-

des configurations qui peuvent être rencontrées en

pagation. Néanmoins cette solution est limitée à quelques

termes de fréquence, élévation de la liaison et climat.

décibels dans la mesure où elle requiert un surdimensionnement coûteux des amplificateurs au sol ou à bord.

Pour pallier ces insuffisances, des modèles permettant de calculer les distributions d’affaiblissement pour

Une autre technique utilisée consiste à faire varier la

des liaisons avec des caractéristiques géographiques et

modulation et le codage de la liaison en fonction de l’état

radioélectriques arbitraires ont été développés et standar-

du canal de propagation. Ainsi en cas de dégradation de

disés par l’UIT-R comme illustré par la figure 3. Ces mo-

l’état du canal, des modulations et codages plus robustes,

dèles reposent sur l’utilisation de paramètres climatiques

permettant de s’accommoder de rapports signal à bruit

calculés sur des bases de données de réanalyses. Ces

plus faible, peuvent être utilisés. En contrepartie l’effica-

réanalyses météorologiques, comme celle du CEPMMT

cité spectrale de la liaison (débit d’information par unité

(Centre européen de prévision météorologique à moyen

de bande de modulation) et donc son débit sont dimi-

terme), sont calculées en rejouant sur de longues durées

nués. Cela permet dans la plupart des cas de ne pas avoir

des modèles météorologiques globaux contraints par les

une interruption totale du service en cas de mauvaises

observations météorologiques passées.

8 Z REE N°1/2016


L'ARTICLE INVITÉ

JACQUES PERCEBOIS Professeur émérite à l’université de Montpellier CREDEN et Chaire Economie du climat

La lutte contre le réchauffement climatique passe par la prise en compte d’un prix du carbone ABSTRACT CO2 emissions may be considered as a negative externality that must be taken into account in the energy choices. The COP21, held in Paris late 2015, did not adopt an explicit carbon price but prompted most countries of the world to commit to reductions in greenhouse gases, which leads to retain an implicit carbon price. It is first necessary to estimate the cost of reducing these emissions and the social value linked to this reduction of CO2 emissions. You must then choose which public policy is the most efficient tool: carbon tax, shadow price, quotas market, “cap and trade” system, “bonus-malus” system. The introduction of a carbon tax also raises equity issues within countries and between developed and developing countries. There are already countries where such systems, notably carbon taxes and quota markets, are in place. The introduction of a carbon tax of about 30 euros per ton of CO2 would allow to change the “merit order” power plants logic in Europe and to make natural gas plants more competitive than coal plants.

L

Introduction a dégradation du climat, qui se traduit en parr

propre, il a tendance à négliger ce qui lui est commun ». Il se préoccupe donc peu de l’intérêt des autres contemporains

ticulier par le réchauffement de la tempéra-

et encore moins de celui des générations suivantes. Il faut

ture moyenne du Globe, peut être considérée

dès lors développer l’information du public en montrant que

comme une externalité négative, au sens défini

l’intérêt des générations futures sera compromis si les géné-

par Arthur-Cecil Pigou (1920) ; cette externalité doit être in-

rations présentes ne prennent pas soin des ressources com-

ternalisée. Une externalité est un coût qui n’est pas répercuté

munes et c’est le rôle des « lanceurs d’alerte » ou de l’Etat. On

dans le prix des produits observé sur le marché et qui est à

peut parfois compter sur un sentiment altruiste des individus

la charge de la collectivité dans son ensemble. Le coût social

ou sur un sentiment de culpabilité qui en est l’autre face si

est alors supérieur au coût privé. Ignorer cela, c’est ne pas

rien n’est fait, mais cela ne suffit pas. La puissance publique

comptabiliser tous les coûts dans le processus de choix des

se doit d’intervenir pour « internaliser » ces externalités mais

investissements énergétiques et c’est donc faire des choix

elle doit le faire à un niveau mondial pour que ce soit efficace

infra-optimaux. Il faut donner une valeur, donc un prix, à la

puisque le problème est mondial.

tonne de carbone (ou à la tonne de CO2) qui n’est pas émise

Plusieurs questions se posent alors :

et qui ne dégradera pas l’environnement ou, ce qui revient au

s COMMENT ÏVALUER LE PRIX DU CARBONE

même, faire payer ce prix à ceux qui continueront à émettre

s COMMENT INTERNALISER L EXTERNALITÏ NÏGATIVE DUE Ì L ÏMISSION

du carbone. On raisonne en général par tonne de CO2 plutôt que par tonne de carbone. Rappelons qu’une tonne de carr bone équivaut à 3,666 tonnes de CO2. Les biens environnementaux mondiaux, que ce soient les ressources marines dans les eaux internationales, la biodiversité ou le climat, se caractérisent par une rivalité des agents au niveau de l’usage et par la « non-excluabilité » de ces agents puisque l’accès à ces ressources est généralement libre. La « Tragédie des Communs » de Hardin (1968)

DE CARBONE s DANS QUELLE MESURE LE COßT DU CARBONE ÏMIS EST IL AUjourd’hui pris en compte dans le calcul économique, suite à LA #/0 NOTAMMENT s QUEL POURRAIT ÐTRE L IMPACT D UN PRIX DU CARBONE SUR L ORDRE D APPEL DES CENTRALES ÏLECTRIQUES SUR LE RÏSEAU

Comment évaluer le prix du carbone ? Il existe plusieurs approches pour calculer la valeur d’une

insiste sur le fait que, pour de tels biens, il y a conflit entre

tonne de carbone ou d’une tonne de CO2 :

l’intérêt individuel et l’intérêt collectif. C’est le problème dit

1. L’approche en termes de « coût de dommage marginal

du « passager clandestin » (ou free rider) déjà mentionné par

évité » : c’est le bénéfice tiré d’une réduction des émis-

Aristote : « l’homme prend le plus grand soin de ce qui lui est

sions de CO2 pour la collectivité. On se limite avec cette

30 Z REE N°1/2016


L'ARTICLE INVITÉ

Figure 1 : Détermination du taux de taxation optimal en fonction de l’approche coût-bénéfice. approche aux avantages obtenus du fait de la réduction des émissions, indépendamment des coûts supportés

par unité de polluant déversé ; il a intérêt à payer la taxe si le coût unitaire de dépollution lui est supérieur.

mais il est souvent difficile de donner une valeur moné-

4. L’approche en termes de « prix notionnel » ou « prix

taire à ces avantages. Quelle est la valeur d’un site non

tutélaire » : c’est une valeur fixée « politiquement » par

INONDÏ OU D UNE RESSOURCE NATURELLE PROTÏGÏE /N RECOURT

la collectivité. Cela correspond à une vision téléologique

alors parfois à la méthode des « prix hédonistes » : on

ou normative des choix. Le décideur public peut fixer un

compare par exemple le prix d’un logement avec vue sur

prix arbitraire pour la tonne de carbone émise. Ce « prix

une forêt à celui d’un logement sans vue pour déterminer

fictif » (“shadow price” dans la littérature anglo-saxonne)

la valeur de cette forêt.

sert à orienter les choix d’investissement. Ce n’est pas un

2. L’approche en termes de « coût d’abattement » : c’est

prix réellement payé donc cela ne génère pas de rentrées

le coût supporté pour réduire les émissions de CO2 mais

fiscales pour la collectivité, mais cela sert à pénaliser les

il convient alors de distinguer le coût total, le coût moyen

investissements émetteurs de CO2. Beaucoup d’opéra-

et le coût marginal de cet abattement. C’est le coût mar-

teurs énergétiques recourent aujourd’hui à cette approche

ginal qui guide les comportements. Au-delà d’un certain

(cas du pétrolier Total par exemple). Le rapport Nicholas

seuil de réduction, le coût marginal d’abattement s’accroît

Stern (2007) avait proposé une valeur tutélaire de 150

très rapidement. C’est une approche de type coût-effica-

à 200 USD /t de CO2 et le rapport Quinet (2009) une

cité puisque l’on se donne un objectif de réduction des

valeur de 100 F/t de CO2. On est loin des chiffres obser-

émissions considéré ne varietur et que l’on calcule le coût

vés sur le marché européen du CO2 (7 à 8 F/t de CO2).

marginal et par ricochet le coût moyen et le coût total des

Cette valeur tutélaire peut se transformer en taxe carbone

efforts entrepris pour atteindre l’objectif (Keller 2009).

si la puissance publique décide de l’imposer aux divers

3. L’approche en termes de « valeur sociale du carbone » :

opérateurs ; le recouvrement de la taxe fournira alors des

on procède à une analyse coûts-avantages en déterminant

recettes publiques qui pourront être affectées au finan-

le point d’intersection entre la courbe de coût marginal

cement de certaines actions environnementales. Mais si

d’abattement et la courbe de bénéfice marginal lié aux

l’Etat demeure maître du prix, il ignore au départ l’impact

émissions évitées. Cela revient à utiliser simultanément

que cette taxe aura sur la quantité des émissions puisqu’il

les deux approches précédentes. On a intérêt à réduire les

existe en général une incertitude sur l’allure de la courbe

émissions de CO2 jusqu’au point où le bénéfice marginal

de coût marginal de réduction des émissions.

de la réduction est égal au coût marginal de cette réduc-

5. L’approche en termes de « prix du marché » : c’est le

tion. En pratique il existe une asymétrie car la courbe du

cas lorsque la valeur du carbone est fixée par le marché

bénéfice marginal est plus difficile à tracer que celle du

du CO2. La collectivité publique fixe un volume d’émis-

coût marginal. Cette approche coût-bénéfice est illustrée

sions de CO2 à ne pas dépasser et autorise les émetteurs

dans le schéma donné figure 1. Elle fournit le taux optimal

à échanger leurs quotas via des certificats. On déterminera

de taxation : un pollueur a intérêt à dépolluer tant que le

ainsi ex post le niveau du prix d’équilibre de la tonne de

coût unitaire de dépollution est inférieur à la taxe payée

CO2. Cela concerne par exemple les électriciens et certains

REE N°1/2016 Z 31


L'ARTICLE INVITÉ

industriels en France qui se voient attribuer un volume de

de coût marginal d’abattement. En pratique plusieurs solu-

quotas gratuits. Le prix du CO2 est fixé par la rencontre entre

tions sont alternativement ou conjointement utilisées :

la demande et l’offre de certificats de CO2 sur ce marché. En

1. La réglementation c’est-à-dire la fixation de normes.

cas de non-respect des quotas, des amendes sont prévues.

L’Etat fixe des normes de pollution et doit sanctionner ceux

Si l’amende est libératoire, elle correspond au prix-plafond

qui ne respectent pas les normes. Ce système est coûteux

du certificat ; le pollueur préfèrera payer l’amende plutôt

puisqu’il faut faire des contrôles et il n’incite pas les pol-

que d’acheter des certificats dont le prix serait supérieur à l’amende. Si l’amende n’est pas libératoire, le pollueur qui a

lueurs à faire mieux que la norme. 2. L’instauration d’une taxe carbone par les pouvoirs pu-

pollué sans quota devra à la fois payer l’amende et acquérir

blics : chaque tonne de CO2 émise supporte la taxe, ce

des quotas sur le marché. Une partie des quotas attribués

qui incite les pollueurs à réduire leurs émissions tant que

au départ peut être gratuite mais ce n’est pas le cas pour

le coût de réduction demeure inférieur à la taxe. La fixa-

tous les quotas. C’est le système mis en place au sein de

tion d’un prix du carbone détermine le montant optimal de

l’Union européenne avec le marché européen d’échange

pollution. Deux approches sont alors possibles à l’échelle

des quotas (European Trading System ou ETS). C’est aussi

mondiale :

le cas du Mécanisme de Développement Propre associé au

- une taxe sur le CO2 unique et applicable à tous les pays

protocole de Kyoto : des investissements réalisés dans des

et/ou tous les secteurs d’activité ; mais cela soulève un

pays en développement pour réduire les émissions de CO2

problème d’équité : il faut prévoir des compensations

peuvent être comptabilisés comme des efforts de réduc-

sous forme de transferts monétaires pour les pays et/

tion dans le pays de départ. Les échanges de quotas fixent

ou les secteurs qui subiraient de trop fortes hausses de

ainsi le prix du carbone sans que l’on sache a priori quel

leurs coûts de production. On peut par exemple envisa-

sera ce prix (Cf. Hansen et Percebois 2015). A noter qu’une

ger de créer un « Fonds Vert » pour permettre aux pays

« banque centrale » peut, comme sur le marché monétaire,

en développement de supporter ces coûts de réduction

intervenir pour faire monter ou baisser le prix d’équilibre en

des émissions ; c’est le cas du « Fonds Vert » de 100 Md

achetant ou en vendant des certificats (logique dite “d’open

USD promis à Lima en décembre 2014 et qui a été au

market”).

cœur des débats de la COP 21 en décembre 2015.

Comment internaliser le prix du carbone ? Il existe plusieurs façons de prendre en compte en

- une taxe sur le CO2 différenciée selon les pays et/ou les secteurs pour permettre de tenir compte des spécificités de chaque pays et/ou de chaque secteur.

pratique le prix du carbone dans le calcul économique et

Une question se pose ensuite : quelle affectation faut-il

cette question a soulevé de nombreux débats théoriques.

donner à cette taxe ; faut-il réduire en contrepartie d’autres

A. C. Pigou militait pour l’instauration d’une taxe correspon-

IMPÙTS OU TAXES 3I OUI LESQUELS &AUT IL L AFFECTER Ì DES INIMPÙTS OU TAXES 3I OUI LESQUELS &AUT IL L AFFECTER Ì DES IN-

dant au coût supporté par les victimes des externalités ;

vestissements dans l’efficacité énergétique ou la promotion

40 ans plus tard, Ronald Coase (1960) a critiqué la « taxe

D ÏNERGIES NON CARBONÏES CARBONÏES #HAQUE SOLUTION VA ENGENDRER

pigouvienne » et a proposé d’attribuer des droits de propriété

des effets distributifs qu’il faut examiner ; certains agents se-

de l’environnement aux agents économiques, ces droits pou-

ront gagnants, d’autres perdants. Compenser la taxe carbone

vant donner lieu à échange sur un marché. Les pollueurs

par une réduction de l’impôt sur le revenu, une baisse de la

disposent d’un quota d’émissions

qu’ils ne peuvent pas

CSG ou une baisse de la TVA n’aura pas les mêmes effets

dépasser mais rien ne les empêche d’acheter des quotas à

sur les diverses catégories sociales. Utiliser le produit de la

d’autres agents ou de vendre leurs quotas s’ils ne les utilisent

taxe pour promouvoir le photovoltaïque ou favoriser les éco-

pas. Le système génère des coûts de transaction mais évite

nomies d’énergie dans l’habitat n’aura pas le même impact

certains effets pervers liés à l’instauration d’une taxe uni-

sur l’économie. Les effets d’une taxe carbone sur le revenu

forme (hausse des prix TTC) car cela permet une meilleure

des ménages dépendent de la part du revenu affecté aux

allocation des ressources. Le débat a été relancé en 1974

dépenses énergétiques et diverses études ont montré que

par Weitzman qui a démontré qu’en situation d’incertitude

les ménages les plus modestes sont ceux qui supporteront

concernant la forme des courbes de coûts et d’avantages,

la charge relative la plus forte, ceci en raison principalement

l’approche par les quantités (quotas) est collectivement pré-

des coûts liés au chauffage et au transport (Keller, 2009).

férable lorsque la pente de la courbe de coût marginal des

On peut faire le même type d’observation lorsque l’on com-

dommages est supérieure à celle de la courbe de coût marr

pare la situation des pays en développement à celle des pays

ginal de réduction des émissions ; et inversement l’approche

industrialisés. Une taxe carbone uniforme au niveau mon-

par les prix (la taxe) est préférable si la pente du coût margi-

dial aurait un impact relatif plus fort sur le prix du ciment en

nal des dommages est plus faible que la pente de la courbe

Inde comparativement à ce que l’on observerait en Europe et

32 Z REE N°1/2016


LES GRANDS DOSSIERS

Introduction

Le démantèlement des installations nucléaires Le démantèlement des installations

Comme dans toute opération de

nucléaires vise à en réduire la pollution,

déconstruction, le problème ne se cir-

radioactive ou non, jusqu’à des niveaux

conscrit pas à la remise en état des

considérés comme étant sans risque

sites concernés. Se pose également le

pour l’homme et pour l’environnement,

problème du traitement, du recyclage

compte tenu des prévisions de réuti-

ou du stockage des produits de dé-

lisation des sites ou bâtiments et en

construction dont certains vont conser-

l’état de la réglementation.

ver pendant une période plus ou moins Jean-Pierre Hauet

En France, ce sont les exploitants

longue un niveau de radioactivité significatif. La stratégie de démantèlement

nucléaires qui ont la responsabilité de mener l’en-

doit donc être conçue en fonction de la façon dont

semble des opérations nécessaires, dont l’ampleur

les déchets pourront être conditionnés, transpor-

dépend de l’utilisation future du site. Ces opérations

tés, traités, réutilisés et le cas échéant stockés.

doivent être menées dans des délais aussi courts que possible, dans des conditions économiquement

Au niveau national, les grands acteurs de la

acceptables. Elles sont cependant complexes et

stratégie de démantèlement sont d’une part les

longues, avec des échéances parfois lointaines qui

établissements exploitant ou ayant exploité des

nécessitent la mise en œuvre par les exploitants de

installations nucléaires de base : EDF, AREVA et le

véritables stratégies techniques et financières.

CEA et d’autre part l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs).

Ces opérations sont essentielles à plusieurs titres : Au sein d’EDF, 12 installations nucléaires sont

s ELLES MARQUENT LE POINT lNAL DE LA VIE D UNE INSson

aujourd’hui arrêtées1 correspondant à quatre fi-

déclassement après que toutes les mesures

lières différentes : Brennilis (réacteur à eau lourde

d’assainissement ont été prises, y compris celles

fonctionnant à l’uranium non enrichi), les réacteurs

concernant l’état des sols ; il est donc plus correct

graphite-gaz, Superphénix et le réacteur de Chooz

de parler « d’assainissement – démantèlement »

A, tête de série du démantèlement de la filière des

que de « démantèlement » ;

réacteurs à eau pressurisée.

tallation

nucléaire

en

rendant

possible

s ELLES METTENT EN JEU DES TECHNOLOGIES DÏLICATES Chez AREVA, ce sont sept installations qui sont

commençant par une évaluation aussi précise que possible de la situation, préalable indispensable à

actuellement arrêtées dont l’usine de la Hague

la définition d’une stratégie répondant aux spéci-

UP2 800 et l’usine Georges Besse 1, mise à l’arrêt

ficités de l’installation ; s MÐME SI ELLES DOIVENT ÐTRE MENÏES Ì BIEN DANS

en 2012 et qui devrait être progressivement démantelée entre 2020 et 2032.

un délai aussi court que possible après l’arrêt de l’installation, elles s’étalent nécessairement sur

Au sein du CEA, la situation est particulièrement

le « temps long » (20 ans, 30 ans, voire plus) afin

complexe du fait de la diversité des installations,

notamment de permettre et de faciliter la manipu-

souvent construites dans les premiers temps de

lation des éléments les plus radioactifs ;

l’épopée du nucléaire français, à une époque où les

s ELLES CORRESPONDENT Ì DES DÏPENSES IMPORTANTES

règles de construction et d’exploitation n’avaient

difficiles à chiffrer avec précision, compte tenu d’un

pas la rigueur qu’on leur connaît aujourd’hui. Vingt

retour d’expérience encore limité ;

deux installations nucléaires civiles, la plupart des

s LEUR BON DÏROULEMENT EST UN ÏLÏMENT CLÏ DE LA confiance que l’on peut porter à la filière nucléaire dans son ensemble.

38 Z REE N°1/2016

1

Les chiffres qui suivent, relatifs au nombre d’installations arrêtées ou en exploitation, sont extraits du rapport 2014 de la Cour des Comptes sur le coût de production de l’électricité nucléaire.


Introduction

installations de recherche, seraient ainsi arrêtées au

LES GRANDS DOSSIERS

faible que la Cour des comptes évaluait en 2014, par

sein du Commissariat dont les sites emblématiques

la méthode du coût courant économique (CCE), aux

de Fontenay-aux-Roses et de Marcoule, l’un et

environs de 1,6 % du coût de production du kWh

l’autre ayant servi de berceaux au nucléaire français.

nucléaire, dans l’hypothèse d’une durée de vie de tous les réacteurs de 50 ans2. C’est dire qu’un ajus-

Au total, ce sont plus d’une trentaine d’installa-

tement à la hausse des charges de démantèlement,

tions qui sont effectivement engagées dans la voie

fût-il significatif, n’affecterait pas notablement la ren-

du démantèlement avec des problématiques très

tabilité économique de la filière nucléaire.

diverses et des calendriers qui s’étalent jusqu'au delà de 2030. Pour les installations EDF déjà arrê-

L’ensemble des opérations de démantèlement

tées, il était estimé à fin 2011 que l’avancement

se fait sous le contrôle étroit de l’ASN (Autorité de

physique de leur démantèlement était de 32,7 %.

sûreté nucléaire) qui émet périodiquement des avis sur les prescriptions à respecter et instruit les

Puis viendra, le moment venu, le démantèle-

demandes de déclassement des installations nu-

ment des installations en exploitation aujourd’hui :

cléaires, en application de l’article 40 du décret du

62 pour EDF (dont 58 réacteurs), 11 pour Areva

20 novembre 2007. Le Parlement exerce également

et 22 pour le CEA. L’enjeu financier de ces opéra-

un contrôle vigilant de ces activités, dans le cadre

tions est important ; il a été estimé par la Cour des

de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence

comptes, à la fin 2013, à 22 448 MF en charges

et à la sécurité en matière nucléaire. La loi sur la

restantes pour les 74 installations d’EDF concer-

transition énergétique et la croissance verte du

nées dont 2 890 MF pour les 12 déjà arrêtées et

17 août 2015 a précisé et renforcé dans son article

19 558 MF pour celles qui le seront un jour. En

127 les clauses applicables à l’arrêt définitif, au dé-

ordre de grandeur, il est estimé que le coût de

mantèlement et au déclassement des installations

démantèlement d’un site standard de quatre réac-

nucléaires de base.

teurs de 900 MW s’élève à 1 MdF. Même si la plupart des chantiers engagés sont Pour Areva, les charges restantes de démantè-

encore loin d’être achevés, il existe dès à présent une

lement sont évaluées à 7 873 MF dont 5 045 MF

diversité d’expériences qui permet de comparer les

pour les installations en exploitation. Au sein du

méthodes et de valider les techniques. L’industrie

CEA, ces charges sont estimées pour les installa-

française s’est ainsi d’ores et déjà constituée une base

tions civiles à 3 789 MF dont 1 245 MF pour les

de références solide dans le domaine du démantè-

installations en exploitation.

lement, véritable domaine technologique de pointe associant des compétences très diverses en matière

Au total, selon la Cour des comptes, l’enjeu

de réalisation d’opérations délicates en milieu hos-

du démantèlement est, « en reste à payer », de

tile (simulation numérique des stratégies, robotique,

34,3 MdF pour l’ensemble des installations concer-

découpe…), d’évaluation et de décontamination des

nées. Ce chiffre peut paraître très élevé, d’autant

sols, de caractérisation, conditionnement, transport

plus qu’il donne fréquemment matière à débat,

et stockage des effluents et des déchets, etc.

ayant été revu plusieurs fois à la hausse au cours des années qui précèdent. Cependant, cet effort

On conçoit que ces opérations nécessitent la

donne lieu à la constitution de provisions sur plu-

mise au point d’outils, de méthodes et de moyens

sieurs dizaines d’années dont le montant est régu-

très innovants dont certains ont d’ailleurs pu être

lièrement analysé avec la plus grande attention par

testés dans le cadre des opérations qui ont fait suite

la Cour des comptes. Les provisions constituées à

à l’accident de Fukushima. Elles nécessitent égale-

fin 2013 atteignaient 19,6 MdF et sont incrémen-

ment des personnels très qualifiés et entraînés à

tées de 515 MF chaque année.

mener, sans précipitation, des opérations difficiles dans un environnement hostile.

Au total, rapportées au coût total moyen de production du parc nucléaire, les charges de démantèlement n’en constituent finalement qu’une part assez

2

Le chiffre de 1,6 % n’a trait qu’au démantèlement proprement dit. L’ensemble des charges futures, incluant la gestion des déchets et du combustible usé conduit à 7,5 %.

REE N°1/2016 Z 39


LES GRANDS DOSSIERS

Introduction

Le présent dossier, publié en deux parties, vise à

les recherches en cours dans le domaine de l’assai-

montrer la contribution de nos grands acteurs dans

nissement-démantèlement et les avancées tech-

ce domaine où la France s’est déjà forgé une forte

nologiques auxquelles on peut s’attendre au cours

réputation. Un premier article de Laurence Piketty, y

des prochaines années. En fin, un article de Michel

directrice de l’assainissement et du démantèle-

Dutzer, r directeur industriel adjoint de l’Andra et

ment nucléaire au CEA, présente la problématique

Frédéric Legée, adjoint au directeur industriel de

et la stratégie générale du démantèlement au sein

l’Andra, explique comment il est possible d’opti-

du CEA. Un deuxième article, de Cyril Moitrier, r

miser l’optimisation de la gestion des déchets en

Samuel Blanchard et Yves Soulabaille, présente

concevant et en menant les opérations de démantè-

l’avancement des grands chantiers d’assainissement

lement de façon coordonnée avec celles de prise en

et de démantèlement au sein du CEA, en prenant

charge, de valorisation ou de stockage des déchets.

l’exemple des installations de Marcoule, site historique de l’industrie nucléaire française où le programme UP1 constitue l’un des plus grands chantiers de démantèlement du monde. Un

Jean-Pierre Hauet est ingénieur au corps des Mines. Il est associate partner de KB Intelligence. Au cours de sa carrière, il a dirigé les Laboratoires de Marcoussis

Dans un prochain numéro, nous publierons deux articles sur la stratégie d’EDF en matière de démantèlement et sur

du groupe Alcatel-Alsthom et a été Chief

les premiers retours d’expé-

troisième article, de Christine

Technology Officer du Groupe ALSTOM.

rience du démantèlement de

Georges, chef de programme

Il est membre émérite de la SEE et rédacc

Chooz A, installation-pilote en

R&D pour l’assainissement-dé-

teur en chef de la REE.

matière de démantèlement des

mantèlement au CEA, décrit

réacteurs à eau pressurisée. Q

LES ARTICLES

Le démantèlement des installations nucléaires à la Direction de l’énergie nucléaire du CEA Par Laurence Piketty ...................................................................................................................................................... p. 41 Les chantiers d’assainissement et de démantèlement du CEA Exemple d’un des lots du programme UP1 de Marcoule Par Cyril Moitrier, Samuel Blanchard, Yves Soulabaille .............................................................................. p. 49 Recherche et innovation pour l’assainissement-démantèlement Par Christine Georges ................................................................................................................................................... p. 58 Optimiser globalement la gestion des déchets radioactifs de démantèlement Par Michel Dutzer, Frédéric Legée ......................................................................................................................... p. 64

40 Z REE N°1/2016


LE DÉMANTÈLEMENT DES CENTRALES NUCLÉAIRES

DOSSIER 1

Figure 1 : Opération de découpe d’une cuve dans un sas chantier d’une installation du CEA Saclay en cours de démantèlement. Crédit photo : CEA.

Le démantèlement des installations nucléaires à la Direction de l’énergie nucléaire du CEA Par Laurence Piketty Directrice de l’Assainissement et du démantèlement nucléaire au CEA Since its creation in 1945, CEA has carried out research programs on civil use of nuclear. CEA has set up and operates various types of installations from research to industry. There are currently 22 facilities which are in the process of being dismantled by CEA. Dealing with these installations is a long-term programme which is carefully planned and financed in order to optimise its management. The stake for dismantling is to show that we manage rigorously the fuel cycle « back end » with dismantling of shutdown nuclear facilities and also retrieval, conditioning of legacy wastes. CEA’s objective is to carry out its entire Dismantling and Decommissioning program in respect of safety, security, cost and duration with the priority to dismantle the nuclear facilities enclosed in cities, like Grenoble and Fontenay- aux-Roses and to dismantle UP1 processing facility in Marcoule, which is one of the biggest D&D project in France and in Europe. The CEA’s strategy is carried out under the umbrella of two 2006 laws: Transparency and Nuclear Safety and Waste management. The feedback experience of CEA could benefit for future dismantling projects, in France and abroad. CEA has also been developing R&D actions for specific issues such as characterization or operation in hostile environment. CEA is convinced that management of the nuclear facilities end-of-life is a key issue for public acceptance.

ABSTRACT

REE N°1/2016 Z 41


DOSSIER 1

LE DÉMANTĂˆLEMENT DES CENTRALES NUCLÉAIRES

Introduction Les catĂŠgories de dĂŠchets radioactifs

Les activitĂŠs d’assainissement et de dĂŠmantèlement des installations nu-

Il existe quatre grandes catĂŠgories de dĂŠchets radioactifs en fonction de leur

clĂŠaires en ďŹ n de vie constituent pour la

niveau de radioactivitĂŠ et de leur durĂŠe de vie :

ďŹ lière nuclĂŠaire un enjeu majeur, dont le

s 4&! TRĂ’S FAIBLE ACTIVITĂ? DU VOLUME DES DĂ?CHETS RADIOACTIFS PRODUITS EN

bon dĂŠroulement confortera la crĂŠdibilitĂŠ

France) ;

de la ďŹ lière dans sa capacitĂŠ Ă mener Ă

s &-! 6# FAIBLE ET MOYENNE ACTIVITĂ? ĂŒ VIE COURTE DE CE VOLUME

bien l’ensemble du cycle de vie des ins-

s &! ET -! 6, FAIBLE ET MOYENNE ACTIVITĂ? ĂŒ VIE LONGUE PRĂ’S DE

tallations nuclÊaires. Le dÊmantèlement

s (! 6, HAUTE ACTIVITĂ? ĂŒ VIE LONGUE REPRĂ?SENTANT DE LA RADIOACTIVITĂ?

reprĂŠsente ĂŠgalement un enjeu tech-

TOTALE DES DĂ?CHETS MAIS SEULEMENT DE LEUR VOLUME

nique, industriel et ďŹ nancier considĂŠrable.

,ES DĂ?CHETS 4&! ET &-! 6# SONT RESPECTIVEMENT Ă?VACUĂ?S VERS LES CENTRES

En France, de nombreuses instal-

de Morvilliers et de Soulaines, gÊrÊs par l’Agence nationale de gestion des

lations nuclÊaires (rÊacteurs de production d’ÊlectricitÊ ou expÊrimentaux,

dĂŠchets radioactifs (Andra). 0OUR LES -! 6, ET (! 6, IL N EXISTE PAS ENCORE DE SOLUTION OPĂ?RATIONNELLE

installations du cycle du combustible,

de gestion dĂŠďŹ nitive. Ils sont actuellement conditionnĂŠs et entreposĂŠs par leurs

laboratoires, installations de traitement

producteurs, dans l’attente d’un site de stockage dĂŠďŹ nitif. Ă€ terme, ils devraient

d’efuents ou de dÊchets radioactifs, etc.)

être stockÊs dans des formations gÊologiques à grande profondeur. C’est le

ont ĂŠtĂŠ construites depuis les annĂŠes 50.

projet CigÊo dont l’Andra est maÎtre d’ouvrage. Il en va de même pour les dÊ-

Les plus anciennes sont progressivement

chets FA-VL pour lesquels l’Andra Êtudie un projet de stockage en subsurface.

arrêtÊes, puis dÊmantelÊes. En 2013, le parc nuclÊaire français

EncadrĂŠ 1 : Les catĂŠgories de dĂŠchets radioactifs radioactifs.

ĂŠtait composĂŠ de 125 installations, dont plus d’une trentaine en cours de dĂŠmantèlement, principalement au CEA, chez

règles de sÝretÊ et de minimisation de

nissement et du dÊmantèlement de 22 INSTALLATIONS NUCL�AIRES SUR UN TOTAL DE

EDF et AREVA :

l’impact sur l'environnement. Ceci doit

s DES INSTALLATIONS DE RECHERCHE ET DĂ?VE-

aussi ĂŞtre conduit dans une optique de

soit près des deux tiers des installations

loppement (R&D) Ă Grenoble, Fontenay-

dĂŠveloppement durable et dans une

françaises en cours de dÊmantèlement.

aux-Roses, Marcoule, Saclay (ďŹ gure 1) et

logique de maĂŽtrise des coĂťts Ă termi-

L’ensemble des opÊrations d’assai-

Cadarache pour le CEA civil ;

naison et de tenue des dĂŠlais, en tirant

nissement-dÊmantèlement, de RCD, de

sur ce dernier point le bĂŠnĂŠďŹ ce du retour

traitement/entreposage/transport

d’expÊrience des travaux rÊalisÊs.

dĂŠchets, matières, efuents et combus-

gaz, SuperphĂŠnix et un rĂŠacteur Ă eau

Ces opĂŠrations recouvrent :

tibles usĂŠs, reprĂŠsentent en tout pour le

pressurisĂŠe (Chooz A) ;

s LE DĂ?MANTĂ’LEMENT DES INSTALLATIONS

CEA-DEN plus de 100 projets, de gra-

s NEUF RĂ?ACTEURS POUR %$& "RENNILIS SIX rĂŠacteurs

uranium

naturel-graphite-

s LES USINES 50 ĂŒ ,A (AGUE ET Eurodif pour AREVA. Le dĂŠmantèlement couvre la rĂŠalisation des activitĂŠs techniques et admi-

arrĂŞtĂŠes ;

des

nulomĂŠtries diffĂŠrentes. Ils sont menĂŠs

s LA REPRISE ET LE CONDITIONNEMENT DES

de front, avec une prioritĂŠ donnĂŠe aux

dÊchets (RCD), des efuents anciens

opĂŠrations conduites sur les sites CEA

et des combustibles usĂŠs ;

de Fontenay-aux-Roses et de Marcoule,

nistratives pour atteindre un ĂŠtat ďŹ nal

s L Ă?VACUATION DES DĂ?CHETS VERS LES EXU-

notamment sur l’ancienne usine de trai-

prĂŠdĂŠďŹ ni. Ces activitĂŠs comprennent

toires ou l’entreposage sur sites en

tement des combustibles usĂŠs appelĂŠe

notamment des opĂŠrations de dĂŠmon-

attente du stockage dĂŠďŹ nitif.

50 1, ainsi qu’aux opÊrations de reprise

tage d’Êquipements, d’assainissement des locaux et des sols, de dĂŠmantèlement de structures de gĂŠnie civil, de traitement, de conditionnement, d’Êvacuation et d’entreposage de dĂŠchets radioactifs.

PĂŠrimètres de l’assainissement-dĂŠmantèlement et de la reprise et du conditionnement des dĂŠchets anciens au CEA-DEN

L’objectif prioritaire pour mener Ă

Aujourd’hui, la Direction de l’Ênergie

bien ces opÊrations de dÊmantèlement

nuclĂŠaire du CEA (CEA-DEN) est res-

consiste Ă les piloter dans le respect des

ponsable sur les centres civils de l’assai-

42 Z REE N°1/2016

et conditionnement des dĂŠchets anciens menĂŠes Ă Marcoule et Ă Cadarache. 1

UP1, mise en service en juillet 1958 Ă Marcoule et exploitĂŠe jusqu’en 1997, avait ĂŠtĂŠ construite au dĂŠpart pour retraiter le combustible des rĂŠacteurs G1, G2 et G3 et en rĂŠcupĂŠrer le plutonium pour des usages militaires. Dès 1965, les activitĂŠs civiles de l’usine UP1 ont dĂŠbutĂŠ avec le retraitement des combustibles nuclĂŠaires de la ďŹ lière uranium naturel graphite-gaz.


Le dĂŠmantèlement des installations nuclĂŠaires Ă la Direction de l’Ênergie nuclĂŠaire du CEA

Ces activitĂŠs mobilisent plus de 850

celles de la gestion des combustibles

s L Ă?VOLUTION s L Ă?VOLUTION DES COĂ&#x;TS DE STOCKAGE DES

salariĂŠs du CEA et entre 2 000 et 2 500

usĂŠs et dĂŠchets radioactifs, de constituer

dĂŠchets radioactifs, en particulier du

salariÊs d’entreprises prestataires, selon

les provisions affĂŠrentes et d’affecter Ă

PROJET #IGĂ?O POUR LES DĂ?CHETS (! ET

les annĂŠes.

titre exclusif Ă la couverture de ces pro-

MA-VL, et des spĂŠciďŹ cations de condi-

visions les actifs nĂŠcessaires, prĂŠsentant

tionnement des dĂŠchets. Il existe par

un degrĂŠ de sĂŠcuritĂŠ et de liquiditĂŠ sufďŹ -

exemple un risque de non-acceptation

sant pour rĂŠpondre Ă leur objet.

de certains colis de dĂŠchets MA-VL

Des installations variĂŠes en termes d’Êchelles et de spĂŠciďŹ citĂŠs techniques

0OUR RĂ?PONDRE ĂŒ CES OBLIGATIONS L ÂĄTAT 0OUR RĂ?PONDRE ĂŒ CES OBLIGATIONS L ÂĄTAT

ainsi qu’un risque de dÊcalage de la

En parallèle, la Direction des applica-

et le CEA ont mis en place des modalitĂŠs

mise en service industrielle du stoc-

tions militaires (DAM) du CEA conduit

de gestion de fonds dĂŠdiĂŠs et des procĂŠ-

kage CigĂŠo ; la dĂŠcision de construire

elle aussi des chantiers d’assainissement-

dures associĂŠes : le ďŹ nancement de ces

un site de subsurface pour les colis

dÊmantèlement sur les installations du

fonds est rĂŠgi par une convention-cadre

de dÊchets FA-VL n’a par ailleurs pas

CEA relevant de sa responsabilitĂŠ.

ENTRE L ÂĄTAT ET LE #%!

encore ĂŠtĂŠ prise ;

La spĂŠciďŹ citĂŠ du CEA-DEN rĂŠside

Des incertitudes signiďŹ catives sub-

s LES Ă?VOLUTIONS DE LA DĂ?lNITION DE L Ă?TAT s LES Ă?VOLUTIONS DE LA DĂ?lNITION DE L Ă?TAT

dans la grande variÊtÊ d’installations

sistent au niveau de l’Êvaluation des

ďŹ nal, pour les installations dĂŠmantelĂŠes

qu’il exploite : rÊacteurs expÊrimentaux,

charges, liĂŠes Ă cinq causes principales

et assainies, avant leur dĂŠclassement.

laboratoires de chimie, stations de traite-

susceptibles de conduire Ă rĂŠĂŠvaluer les

Ce point est actuellement en cours de

ment d’efuents et de dÊchets, etc. Le

scĂŠnarios des opĂŠrations et par voie de

discussion avec les autoritĂŠs de sĂťretĂŠ ;

dÊmantèlement de chaque installation

consĂŠquence les coĂťts Ă terminaison

s LE s LE PLAFONNEMENT DES RESSOURCES l-

est de ce fait un cas particulier et il n’y

des projets d’assainissement-dĂŠmantè-

nancières en cas d’augmentation des

a pas  d’effet de sÊrie . Les opÊrations

lement et de reprise et conditionnement

charges, conduit Ă modiďŹ er le planning

qui peuvent prĂŠsenter un risque radio-

des dĂŠchets anciens. Ces cinq causes

des opÊrations ainsi qu’à des surcoÝts

logique pour les opĂŠrateurs sont effec-

exogènes sont les suivantes :

Ă terminaison.

tuÊes à distance au moyen d’engins

s LLA s A CONNAISSANCE INSUFlSANTE DE L Ă?TAT

robotisĂŠs, souvent dĂŠveloppĂŠs au sein

initial2. Ainsi, certaines opĂŠrations en

mĂŞme du CEA.

cours ont mis en ĂŠvidence des problĂŠ-

StratÊgie de dÊmantèlement au CEA

La complexitĂŠ de ces chantiers est

matiques non prĂŠvues, des difďŹ cultĂŠs

L’arrêt progressif des installations nu-

encore accrue par l’anciennetÊ des ins-

techniques et des ĂŠvolutions des don-

clĂŠaires du CEA est dĂť soit Ă leur obso-

tallations Ă dĂŠmanteler. Certaines ont ĂŠtĂŠ

nĂŠes d’entrĂŠe, qui modiďŹ ent de façon

lescence technique, soit au fait qu’elles

MISES EN SERVICE DANS LES ANNĂ?ES ET

importante le dĂŠroulement contrac-

ne correspondent plus aux normes ac-

la traçabilitĂŠ de leurs activitĂŠs n’a pas tou-

tuel et le scĂŠnario des opĂŠrations de

tuelles de sÝretÊ, soit à l’Êvolution des

JOURS Ă?TĂ? CONSERVĂ?E 0AR AILLEURS LES Ă?VOLU-

dÊmantèlement ;

programmes du CEA-DEN.

tions rĂŠglementaires successives rendent

s LES Ă?VOLUTIONS DES EXIGENCES DE SĂ&#x;RETĂ? s LES SĂ&#x;RETĂ?

La stratĂŠgie du CEA est conforme aux

inĂŠvitables les ĂŠvolutions des scĂŠnarios

et rÊglementaires ou des durÊes d’ins-

recommandations des autoritĂŠs de sĂťre-

de dÊmantèlement, à plus forte raison

truction des dossiers plus longues que

tÊ nuclÊaire : dÊmantèlement immÊdiat,

pour des chantiers de haute activitĂŠ radio-

PRĂ?VU 0AR EXEMPLE LES Ă?VALUATIONS

chaque fois que cela est rĂŠalisable, aďŹ n

logique et de long terme, dont certains

complÊmentaires de sÝretÊ3 gÊnèrent

de diminuer les risques le plus rapide-

peuvent durer plus de 30 ans.

des travaux signiďŹ catifs d’amĂŠlioration

ment possible. Dans un contexte budgĂŠ-

de la sĂťretĂŠ y compris dans les installa-

taire contraint, et devant l’augmentation

Financement

tions en cours ou en voie de dÊmantèle-

progressive des installations à l’arrêt, le

Le ďŹ nancement est assurĂŠ de manière

ment. Autre exemple, la règlementation

CEA priorise le dÊmantèlement des ins-

pluriannuelle Ă travers un ďŹ nancement

amiante de 2012 induit des contraintes

tallations prĂŠsentant les risques radiolo-

dÊdiÊ : le CEA se conforme à l’article 20

qui viennent s’additionner à la rÊglemen-

giques les plus importants.

DE LA LOI DE PROGRAMME N² DU DE LA LOI DE PROGRAMME N² DU

tation propre aux installations nuclĂŠaires ;

JUIN RELATIVE ĂŒ LA GESTION DURABLE des matières et dĂŠchets radioactifs. Il impose aux exploitants nuclĂŠaires d’Êvaluer de manière prudente les charges de dĂŠmantèlement de leurs installations et

2

Par ĂŠtat initial, on entend ĂŠtat prĂŠcis de l’installation au dĂŠmarrage des opĂŠrations d’assainissement et de dĂŠmantèlement. 3 DemandĂŠes par l’AutoritĂŠ de sĂťretĂŠ nuclĂŠaire (ASN) aux exploitants nuclĂŠaires suite Ă l’accident de Fukushima.

La stratĂŠgie de dĂŠmantèlement du CEA repose, pour l’Êtat ďŹ nal recherchĂŠ Ă l’issue des opĂŠrations de dĂŠmantèlement, sur une installation assainie, c’est-Ă -dire dont la radioactivitĂŠ rĂŠsiduelle a ĂŠtĂŠ enlevĂŠe. Si, pour des raisons tech-

REE N°1/2016 Z 43


MEA 2015

Introduction

L’avion plus Êlectrique, L’avion

tout

ĂŠlectrique

dĂŠmonstration de sĂŠcuritĂŠ

est dĂŠjĂ une rĂŠalitĂŠ, comme

avant l’indispensable certi-

en tÊmoignent les vols très

ďŹ cation aĂŠronautique – des

mĂŠdiatisĂŠs de Solarimpulse

progrès incrÊmentaux sont

ou de l’E-fan ; le premier

rÊgulièrement

n’est toutefois qu’un dÊ-

depuis

monstrateur technologique

pour rĂŠduire la consom-

qui n’aura pas de prolongement commercial avant

Florent Christophe

Jean-Charles Gautherot

longtemps, tandis que le

enregistrĂŠs

plusieurs

annĂŠes

mation de kÊrosène. Ces progrès se traduisent par du  plus Êlectrique  dans

second est dÊjà en phase de production – comme

les modèles rÊcemment mis en service, comme

plusieurs concurrents ĂŠtrangers de mĂŞme gabarit

le Boeing 787 qui dispose Ă bord de plus de

– et s’attaque au crÊneau des Êcoles de pilotage.

1 MW soit cinq fois plus que ses ĂŠquivalents de

Il souffre cependant d’une autonomie encore trop

la gĂŠnĂŠration prĂŠcĂŠdente. Cette ĂŠvolution se tra-

rĂŠduite pour percer rĂŠellement dans le monde de

duit notamment par le remplacement de tout ou

l’aviation gÊnÊrale.

partie des ĂŠquipements hydrauliques (trains, commandes de vol) et Ă air comprimĂŠ (conditionne-

Mais les investissements de l’automobile pour

ment d’air par prĂŠlèvement moteur) qui ont fait

dĂŠvelopper des batteries Ă plus forte densitĂŠ

leurs preuves depuis des dĂŠcennies mais sont

d’Ênergie auront à l’Êvidence des retombÊes sur

loin de prĂŠsenter la souplesse, la maintenabilitĂŠ,

l’aÊronautique, et ce d’autant plus que la moto-

les possibilitĂŠs d’allègement liĂŠes aux gĂŠnĂŠrateurs,

risation ĂŠlectrique se prĂŞte au fractionnement,

moteurs ou actuateurs Êlectriques, et à l’Êlectro-

qui peut concrÊtiser l’un des rêves des aÊrody-

nique de puissance actuellement disponibles. En

namiciens,  l’aspiration de couche limite , qui

outre, le “green taxiingâ€? est dĂŠsormais possible

renforce dans un large domaine de vol l’efďŹ ca-

grâce à la motorisation Êlectrique du train avant,

citĂŠ des voilures. Cette propriĂŠtĂŠ justiďŹ e une

permettant le roulage au sol ÂŤ rĂŠacteurs ĂŠteints Âť ce

ĂŠtape intermĂŠdiaire Ă la propulsion dĂŠcarbonĂŠe,

qui prĂŠsente un avantage environnemental certain

envisagĂŠe mĂŞme pour des avions de transport

pour les usagers et les riverains des aĂŠroports, ain-

beaucoup plus lourds que les prĂŠcĂŠdents : la pro-

si qu’un gain en consommation qui peut atteindre

pulsion hybride. Celle-ci exploitera le principe de

5 % sur des vols court courrier.

la motorisation ĂŠlectrique rĂŠpartie sur une grande partie de la voilure, associĂŠe Ă une production

La confĂŠrence More Electric Aircraft organisĂŠe

ĂŠlectrique par une pile Ă combustible alimentĂŠe

conjointement par 3AF et SEE en fĂŠvrier 2015

en kÊrosène, en attendant la mise au point de

Ă Toulouse a rĂŠuni 260 participants avec une

procĂŠdĂŠs ďŹ ables de production, distribution et

centaine de prĂŠsentations et une quinzaine de

stockage de l’hydrogène, dĂŠveloppĂŠs eux aussi

stands industriels qui ont permis une couverture

pour les transports terrestres1.

exhaustive de l’Êtat de l’art en Europe et au-delà , ainsi que des perspectives de ce vaste domaine.

Sans attendre l’exploitation des ruptures tech-

Nous avons retenu quelques-unes de ces prĂŠ-

nologiques que nous venons d’Êvoquer – mais dont

sentations pour constituer le prĂŠsent dossier,

la mise en Ĺ“uvre nĂŠcessitera de longues ĂŠtapes de

après mise à jour et complÊments Êventuels par

1

leurs auteurs.

Voir le dossier sur ce sujet dans l’Êdition 2015-2 de la REE

70 Z REE N°1/2016


Introduction

MEA 2015

Une équipe de chercheurs grenoblois et toulou-

facteur 2 à 5 selon l’échéance considérée, élargit clai-

sains – qui entretient des collaborations régulières

rement leur domaine d’application en aéronautique,

avec Airbus – présente dans le premier document

mais des verrous potentiels sont identifiés, liés aux

une méthodologie de concep-

conditions d’environnement, à

tion optimisée des filtres que

Florent Christophe, e membre émérite SEE,

la sécurité, au nombre maximal

le réseau électrique doit incor-

dirige le département DEMR - Electroma-

de cycles et au coût des consti-

porer pour faire face à la pro-

gnétisme et radar, à l’ONERA Toulouse, dont

tuants.

blématique de l’électronique

l’équipe Compatibilité électromagnétique

de puissance et des charges

est impliquée dans des travaux sur l’avion

non linéaires introduisant des

plus électrique et la prospective vers le tout

taux d’harmoniques importants en présence de fortes variations de charge rencontrées dans l’avion plus électrique.

électrique. Il est membre du Conseil de la science et de la technologie de l’OTAN. Ancien président du groupe régional Midi-Pyrénées de la SEE, il a créé ce qui est devenu le cycle des conférences More

Un exercice de prospective, conduit conjointement avec le CEA, a servi de point de départ aux travaux de l’ONERA qui expose, dans la dernière présentation de ce

Le document normatif RTCA

Electric Aircraft organisées conjointement

dossier, une vision moyen

DO160 qui sert de base à la

par 3AF et SEE en alternance entre Toulouse

terme d’aviation légère tout

qualification des équipements

(2009, 2015) et Bordeaux (2012, 2017).

électrique qui s’élargit au

et systèmes aéronautiques est

Jean-Charles Gautherot, t membre senior

transport régional et précise

d’ailleurs régulièrement mis à

de la SEE et de la 3AF, retraité de la DGA, a

l’ensemble des technologies

jour pour prendre en compte

dirigé le département Environnement élecc

critiques qui restent à adap-

ces évolutions.

tromagnétique puis la division Equipements

ter ou à mettre au point.

et systèmes du CEAT (Centre d’essais aéro-

Le document rédigé par

nautique de Toulouse, à présent DGA/TA)

Nul doute que la pro-

des chercheurs du CEA-Tech

qui avait notamment en charge la qualifica-

chaine édition de la confé-

présente l’état de l’art et les

tion en environnements mécanique, clima-

rence More Electric Aircraft, à

perspectives d’évolution des

tique et électromagnétique (foudre, champs

Bordeaux début février 2017,

différentes

technologies

de

batteries et évoque au passage celle des piles à combustible. L’augmentation d’énergie massique des batteries par un

forts, CEM) des systèmes électroniques embarqués sur aéronefs militaires. Compte tenu de ces compétences, il a été également sollicité par les autorités de certification pour divers programmes civils (A320, A340, hélicoptères divers…) notamment lors de la

apportera de nouvelles informations autant sur les développements

industriels

en

cours que sur les travaux des laboratoires de recherche. Q

mise en service de systèmes électroniques critiques ou essentiels (calculateurs de commandes de vol électriques, régulation moteur pleine autorité, etc.).

LES ARTICLES

Dimensionnement optimal d'un réseau électrique aéronautique Par D. Hadbi, X. Roboam, B Sareni, N. Retiere, F. Wurtz ............................................................................. p. 72 Key Drivers for Aeronautic Batteries Par Florence Fusalba, Jean Oriol & Eric Pinton ........................................................................................... p. 80 Electric Distributed Propulsion for Small Business Aircraft Par Jean Hermetz, Michael Ridel ........................................................................................................................ p. 86

REE N°1/2016 Z 71


MEA 2015

DES AVIONS PLUS ÉLECTRIQUES

Dimensionnement optimal d’un réseau électrique aéronautique Comparaison entre différentes stratégies de conception Par Djamel Hadbi1, 2, Xavier Roboam 1, Bruno Sareni1, Nicolas Retière2, Frederic Wurtz 2 Université de Toulouse, LAPLACE, UMR CNRS-INPT-UPS1, Université de Grenoble Alpes, G2Elab2 Electric aircraft network is a complex system containing high number of subsystems provided by different suppliers which must cooperate in safe and light weight operation. In the current state, the network conceptual design is based on standards defined by the aircraft manufacturer, each subsystem being designed separately by suppliers, according to these standards but without any other collaboration. With this classical approach called “mechanistic approach”, the whole weight of the aircraft network is overestimated which leads to additional operating cost with fuel burn penalty. To face this problem, many optimization based design strategies are studied. In this paper, three original approaches are presented: the Extended Pareto Front Method (EPFM), a sequential collaborative approach and the multilevel design approach. These approaches are discussed regarding the top goal which is the weight minimization but also the required computation and collaboration costs. A simplified case study of High Voltage Direct current (HVDC) filters sizing is used to establish the comparison between these approaches.

ABSTRACT

Introduction

s D AUTRE PART ELLE NÏCESSITE UNE COLLABORATION TOTALE DES

Dans le contexte de l’avion plus électrique [1], les réseaux

équipementiers avec une intégration de tous les modèles

électriques embarqués sont en pleine évolution du fait de

de conception au sein d’un unique processus (et d’une

l’intégration continue de nouvelles technologies qui modi-

unique plate-forme) [2], [7].

fient en profondeur les architectures et le fonctionnement

La recherche de compromis entre résultat globalement

de ces systèmes [2], [3]. Cette évolution nécessite une mise

optimal, complexité de résolution et collaboration modé-

à jour des méthodes et outils utilisés tout au long de la du-

rée nous a conduit à réfléchir à différentes approches inter-

rée de vie d’un système et en particulier dans la phase de

médiaires entre les deux visions précédentes en exploitant

conception [4], [5].

différentes pistes : le séquencement des optimisations sous-

Conventionnellement, on se base sur des approches d’analyse et sur l’expertise des équipes d’ingénierie avec

systèmes, l’échantillonnage des variables globales [3] et enfin l’optimisation multiniveau [8].

une pénétration progressive des méthodes d’optimisation à l’échelle locale, pour quelques équipements [6]. Chaque sous-système du réseau est dimensionné indépendamment

Cas d’étude pour la conception optimale d’un réseau électrique de bord simplifié

des autres sous-systèmes par son équipementier qui utilise

Les réseaux électriques embarqués concentrent un

son propre modèle et ses propres outils, cette approche de

nombre élevé de sources et de charges connectées à diffé-

conception classique est connue sous le nom de « l’approche

rents bus. Volontairement très simplifié, l’objet du cas d’étude

mécaniste ».

est d’illustrer l’applicabilité des méthodes d’optimisation au

L’approche diamétralement opposée à cette vision mé-

regard de la complexité finale du système. Dans notre travail

caniste consiste à regrouper l’ensemble des sous-systèmes

de formulation des approches de conception pour l’optimi-

dans un seul modèle géré par une seule et unique boucle

sation système, nous nous sommes limités, dans un premier

d’optimisation. Cette approche s’appelle « l’approche glo-

temps, à un cas d’étude très simplifié d’un réseau 540 V

bale ». Elle permet d’appréhender tous les couplages entre

HVDC, mono-source mono-charge (figure 1). Le lecteur

les différents sous-systèmes pour converger vers le résultat

trouvera dans [7] l’application des méthodes d’optimisation

optimal mais présente un double inconvénient :

collaboratives les plus prometteuses au cas d’un réseau plus

s ELLE RESTE D UNE PART ASSEZ UTOPIQUE DANS SA MISE EN UVRE

représentatif de la réalité.

pratique : la complexité des réseaux électriques ne permet

La source représente un canal de génération 40 kVA qui

pas de résoudre l’ensemble du problème au sein d’une

SE COMPOSE D UN GÏNÏRATEUR TRIPHASÏ DE FRÏQUENCE (Z

seule et même boucle.

d'un redresseur triphasé à diodes et d’un filtre de sortie capa-

72 Z REE N°1/2016


Dimensionnement optimal d’un réseau électrique aéronautique

Figure 2 : Réseau électrique simplifié.

L’approche mécaniste (classique) Dans l’approche classique, chaque sous-système est diFigure 1 : Illustration du cas d’étude simplifié.

mensionné séparément. L’équipementier utilise ses propres

citif. La charge comprend un moteur à grande vitesse d’une

modèles et outils pour optimiser localement le dimensionne-

FRÏQUENCE DE (Z PILOTÏ PAR UN ONDULEUR TRIPHASÏ D UNE

ment du sous-système au regard de la norme uniquement.

FRÏQUENCE DE DÏCOUPAGE DE K(Z AVEC UN lLTRE D ENTRÏE

Dans l’optimisation mécaniste de la source, l’équipemen-

de type LC avec une capacité amortie. Le dimensionnement

tier considère ainsi un état de pollution du courant de bus

du réseau se limite aux filtres, c’est pourquoi les convertis-

qu’il assimile au pire cas de pollution autorisé par la norme

seurs et les machines tournantes ont été remplacés par des

et cherche à minimiser la masse du filtre en respectant la

sources de courant représentant les harmoniques typiques

contrainte sur la qualité de la tension [9]. Il agit sur la seule

du courant redresseur côté continu [Ired] et du courant ondu-

variable de décision : la capacité Cs (figure 3).

leur [Iond] côté continu (figure 2) [7]. Les spectres harmoniques des courants du redresseur et de l’onduleur considérés ont été construits sur la base des données de chaque sous-système résumées dans le tableau 1. Nous nous sommes limités à un nombre réduit de fréquences caractéristiques pour lesquelles les contraintes sont les plus critiques pour le dimensionnement [7]. Figure 3 : Description schématique du problème d’optimisation mécaniste de la source.

Tableau 1 : Fréquences caractéristiques du système.

Cette optimisation, comme l’ensemble des optimisations présentées dans cet article, a été faite dans l’environnement CADES [10]. La masse obtenue est de 2,17 kg, les niveaux des harmoniques de tension et de courant vus par la source sont donnés dans la figure 4. Dans l’optimisation mécaniste de la charge, l’équipementier considère une tension de bus dont la pollution est assimilée au pire cas de la norme. Il minimise la masse du filtre en respectant les contraintes de qualité sur le courant absorbé par le filtre côté DC et cela en agissant sur les variables de

Tableau 2 : Valeurs des harmoniques qui polluent le réseau.

décision : C2, C1, L et R (figure 5) [9].

REE N°1/2016 Z 73


MEA 2015

DES AVIONS PLUS ÉLECTRIQUES

Figure 6 : Harmoniques de tension et de courant vus par la charge dans l’optimisation mécaniste. Figure 4 : Harmoniques de tension et de courant vus par la source dans l’optimisation mécaniste.

Approche globale Dans cette approche, les deux filtres sont considérés comme un seul système, il est donc nécessaire de partager les modèles des équipementiers pour construire le modèle système. L’ensemble est optimisé simultanément par le même outil, l’objectif est de minimiser la masse totale des filtres en respectant les contraintes de qualité sur la tension et sur le courant et cela en agissant sur tous les paramètres des filtres : Cs , C2 , C1 , L et R (figure 7) [9].

Figure 5 : Description schématique du problème d’optimisation mécaniste de la charge.

Figure 7 : Description schématique du problème d’optimisation globale du système. La masse obtenue est de 2,24 kg ; les niveaux des harr moniques de tension et de courant vus par la charge sont donnés dans la figure 6. Dans les deux cas (source et charge), on constate qu’une (et une seule) fréquence caractéristique se trouve en butée à l’issue de l’optimisation.

74 Z REE N°1/2016


GROS PLAN SUR

La mesure du temps aujourd’hui Introduction

la francisation écourtée

Qu’est-ce que le temps ?

de l’expression latine

Nous n’en savons rien et

médiévale

donc

secunda, qui signifiait

nous

laisserons

minutum

cette question aux philo-

littéralement

sophes et aux théoriciens.

de second rang, c’est-

Nous adopterons le point

à-dire seconde division

de vue d’Einstein qui écrivait : « Il semblerait qu’on pourrait écarter les difficultés concernant la définition du « temps » si l’on

minute

de l’heure, minutum

E. de Clercq SYRTE, Observatoire de Paris

T. Zanon-Willette Observatoire de Paris et UPMC

O. Acef SYRTE, Observatoire de Paris

signifiant petite partie

Première définition Il semble que la se-

substituait à ce dernier terme l’expression « position de la petite

conde ait été définie la première fois autour de l’an mil par

aiguille de ma montre ». Une telle définition suffit en effet si elle

Al-Biruni, originaire de l’Etat du Khwarizm (aujourd’hui situé

concerne uniquement le lieu où se trouve l’horloge » . Nous

en Ouzbékistan) à partir de la durée séparant deux nouvelles

savons en effet mesurer le temps, ou plutôt mesurer un temps

lunes, comme la 1/86 400e partie du jour moyen ; c’est-à-

écoulé, c’est-à-dire une durée, de même qu’on mesure une dis-

dire 1/(24 x 60 x 60). La division du jour moyen en 24 heures

tance entre deux points. Et de même qu’on peut situer un point

remonterait aux Egyptiens qui divisaient la journée et la nuit

dans l’espace connaissant sa distance à des points de référence,

en 12 heures (de durées inégales) chacune, et la division

on peut dater un événement à partir du temps écoulé entre cet

en soixante serait un héritage des babyloniens. Jour moyen

événement et un événement de référence.

parce qu’on savait déjà à l’époque de Ptolémée (Alexandrie,

1

Pour mesurer une grandeur physique, il faut une unité

IIe siècle) que la durée du jour varie au cours de l’année,

et un instrument de mesure. Il y a deux façons possibles :

d’environ 30 min ; c’est la fameuse équation du temps que

utiliser un phénomène continu et si possible linéaire (gno-

connaissent bien les amateurs de cadrans solaires. Ce temps

mon, horloges basées sur l’écoulement d’un fluide, bougies,

« corrigé » n’est valable qu’au méridien du lieu. A la fin du XIXe

C, angle de rotation de la terre, etc.), ou un phénomène

siècle, et jusqu’au début du XXe siècle, il a progressivement

périodique dont on compte les périodes (jours, lunaisons,

été convenu d’une « heure universelle » correspondant au

crues du Nil, pouls, oscillations d’un pendule, vibrations mé-

méridien de Greenwich, c’est le temps universel (TU ou UT)

caniques, onde, etc.). Ce comptage établit ce qu’on appelle

défini comme le temps solaire moyen pour le méridien ori-

une échelle de temps à partir de laquelle on peut mesurer

gine, augmenté de 12 heures. Augmenté de 12 h, parce que

une durée ou dater un évènement.

pour les astronomes il est 0 h en temps solaire à midi.

14

Dans cet article, nous allons tout d’abord rappeler quelle

Cette définition de la seconde devait perdurer jusqu’en

est l’unité de temps avant de passer en revue quelques ins-

1960. Curieusement elle est restée tacite et, à notre connais-

truments de mesure : les horloges.

sance, n’a jamais été énoncée officiellement par une institu-

L’unité de temps L’unité de temps est la seconde, unité de base du système international (SI), de symbole s. Son nom provient de 1

Einstein – Sur l’électrodynamique des corps en mouvement – Œuvres choisies, Editions du Seuil.

tion internationale.

Deuxième définition et première définition officielle On savait que la vitesse de rotation de la Terre subit une lente décroissance, de quelques ms par siècle, due aux effets

This is a short review of the state of the art of the measurement of time in the metrology laboratories. After a brief recall of the successive definitions of the second, now defined on an atomic transition of the caesium atom, we present today atomic clocks: the Cs beam clock, still the workhorse of time metrology, and the Cs fountain clock based on cold atoms, which revolutionized the field. A promising new generation based on higher frequency transitions is coming, the optical clocks, the strontium clock is given as an example. Afterwards a few methods of clock comparison and clock signal dissemination are addressed.

ABSTRACT

96 Z REE N°1/2016


La mesure du temps aujourd’hui

de marées. Ainsi, au temps des dinosaures, la durée du jour

time interval” (Nature, vol. 176, p. 280, 1955) donne pour

devait être inférieure à vingt de nos heures actuelles. Elle

la fréquence du Cs : 9 192 631 830 ±10 c/s (cycles par

deviendrait égale à 28 jours actuels dans quelques milliards

seconde), soit une exactitude relative de 1´10 -9. Après trois

d’années, lorsque la Terre présentera toujours la même face

ans de mesure en collaboration avec Markowitz et Hall de

à la Lune, en attendant qu’elle présente toujours la même

l’Observatoire naval de Washington (USNO), ils publiaient

face au Soleil. Dans les années 30, il fut mis en évidence

une nouvelle mesure en termes de seconde des éphémé-

des irrégularités plus importantes dans la rotation de la Terre,

rides : « 9 192 631 770 ± 20 cycles per second (of E.T.) at

de quelques dizaines de ms par an, liées au fait que la Terre

1957.0 » (Physical Review Letters, vol. 1, p. 105, 1958), dont

n’est pas un solide indéformable, aux effets atmosphériques,

l’exactitude était surtout limitée par la détermination de la

aux courants marins, etc. C’est pourquoi il fut décidé de défi-

seconde des éphémérides. En 1967, la 13e Conférence géné-

nir la seconde à partir de la révolution de la Terre autour du

rale des poids et mesures abrogea la précédente définition et

soleil (sa période est une année tropique). La 11e Conférence

décida en se basant sur cette mesure, que :

générale des poids et mesures (CGPM) ratifiait la nouvelle

« La seconde est la durée de 9 192 631 770 périodes de

définition en 1960 :

la radiation correspondant à la transition entre les deux

« La seconde est la fraction 1/31 556 925, 9747 de l’an-

niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de

née tropique pour 1900 janvier 0 à 12 heures de temps

césium 133 ».

des éphémérides ».

Lors de sa session de 1997 le Comité international des

C’est la seconde des éphémérides, et l’échelle de temps

poids et mesures a précisé que : « Cette définition se réfère

associée est le temps des éphémérides (TE, ou ET). L’écri-

à un atome de césium au repos, à une température de 0 K ».

ture « 1900 janvier 0 à 12 heures » traduite en langage cou-

L’exactitude relative des horloges à césium était alors de

rant est le 31 décembre 1899 à midi. L’étrangeté de cette

l’ordre de 10 -12. Cette définition repose sur l’hypothèse que

définition tient au fait que l’année tropique 1900 n’était pas

tous les atomes de Cs sont identiques et que leurs propriétés

mesurée mais calculée à partir d’une équation décrivant une

sont invariantes dans le temps et l’espace. L’échelle de temps

année tropique moyenne de durée dépendante du temps,

associée est le temps atomique international (TAI). Sa stabi-

d’où la référence à une année tropique « instantanée ».

lité et sa pérennité sont assurées par environ 300 horloges à

La durée de l’année tropique 1900 est environ 365 jours

césium commerciales et 100 masers à hydrogène, apparte-

(de 86 400 s), 5 h, 48 min, 45,97 s. Cette définition n’était

nant à plus de 70 laboratoires de métrologie répartis dans le

pas pratique ; en réalité c’était le mouvement orbital de la

monde entier. En France, c’est le laboratoire Systèmes de ré-

Lune qui était observé et avait l’inconvénient qu’une mesure

férence temps espace (LNE-SYRTE) de l’Observatoire de Pa-

de temps devait attendre quelques années pour être raccor-

ris qui est chargé par le Laboratoire national de métrologie et

dée avec précision à la seconde du SI. Un autre inconvénient

d’essais (LNE) de la responsabilité des références nationales

est qu’elle est basée sur la durée moyenne de la seconde des

de temps et de fréquence. A partir des données d’intercom-

XVIII et XIX siècles, durée inférieure à celle de la seconde

paraison de l’ensemble de ces horloges, le Bureau interna-

de temps moyen en 1960. Cette différence explique, pour

tional des poids et mesures (BIPM) établit une moyenne

une majeure partie, la fréquence à laquelle on est obligé de

pondérée, appelée temps atomique international (TAI),

rajouter des secondes intercalaires de nos jours.

dont l’exactitude de l’intervalle unitaire (la seconde du TAI)

e

e

est assurée par quelques horloges ou étalons primaires. En

Troisième définition

2014, deux horloges à jet atomique et 11 horloges à fontaine

Suite aux travaux de physique fondamentale menés dans

atomique (voir plus loin) ont ainsi contribué à l’exactitude. Le

les années 30-40 à l’université Columbia (Etats-Unis) par

TAI est une échelle de temps papier, accessible avec retard,

Rabi, Zacharias, Ramsey et leur équipe sur la résonance ma-

c’est-à-dire que le BIPM diffuse chaque mois le résultat sous

gnétique et les jets atomiques et moléculaires, Zacharias dé-

la forme d’avance ou retard de chaque horloge par rapport

veloppa le premier prototype commercial d’horloge atomique

au TAI tous les cinq jours du mois précédent. Pour s’y raccor-

à césium en 1955, l’Atomichron. La même année Essen et

der il faut donc raccorder son horloge à une horloge partici-

Paris réalisaient au National Physical Laboratory (Angleterre)

pant au TAI. L’exactitude de la seconde du TAI est d’environ

la première horloge à césium de laboratoire qu’ils compa-

2.10 -16.

raient indirectement via un oscillateur à quartz à une échelle

Si l’on reprend la citation d’Einstein, chaque horloge ne

de temps provisoire de l’observatoire de Greenwich. Le résul-

donne que son temps propre. En effet, alors que Galilée et

tat publié sous le titre “An atomic standard of frequency and

Newton considéraient un temps absolu, la relativité donne

REE N°1/2016 Z 97


GROS PLAN SUR

Figure 1 : Schéma de principe d’une horloge atomique. La fréquence f d’un oscillateur local est multipliée par un nombre rationnel k pour interroger une résonance atomique. Le signal d’erreur est utlisé pour asservir la fréquence de l’oscillateur.

au temps une signification uniquement locale, c’est le temps

de Planck (h ( 5 6,63 x 10 -34 J.s). La fréquence d’une transi-

propre. En relativité générale, au-delà du voisinage immédiat

tion atomique est caractéristique d’une espèce atomique. Son

de l’horloge, avant de parler de temps, il faut d’abord défi-

caractère immuable en fait une référence de fréquence. Pour

nir un système de coordonnées spatio-temporel ; le temps

une utilisation pratique, on emploie un oscillateur local, à partir

correspondant est le temps-coordonnée. Le TAI est ainsi

duquel on génère une onde électromagnétique de fréquence

un temps-coordonnée défini sur le géoïde en rotation. La

aussi proche que possible de la fréquence atomique (la fré-

seconde du SI est une seconde de temps propre, alors que

quence est une grandeur sur laquelle on sait réaliser les quatre

l’intervalle unitaire de l’échelle de temps TAI est une seconde

opérations arithmétiques), avec laquelle on va interroger les

de temps-coordonnée.

atomes. Si l’on est suffisamment proche de la résonance, le

Afin de conserver une échelle de temps liée à la rota-

nombre d’atomes changeant d’état est proportionnel à la diff

tion de la Terre tout en bénéficiant des propriétés du TAI,

férence entre la fréquence d’interrogation et la fréquence ato-

le Temps universel coordonné (UTC) a été créé. L’UTC est

mique (le désaccord). En détectant ces atomes on obtient un

identique au TAI dont il diffère par un nombre entier de

signal utilisable pour corriger la fréquence de l’oscillateur qui

secondes afin de rester en accord avec le temps défini par

est ainsi calée sur la référence atomique et délivre aux utili-

la rotation de la Terre à mieux que 0,9 s près. Depuis le

sateurs une fréquence stable et connue (figure 1). On a ainsi

1err juillet 2015, UTC = TAI-36 s. UTC (souvent improprement

réalisé un étalon atomique de fréquence. Une horloge ato-

appelé temps GMT) est la base légale de l’heure dans la

mique est obtenue en comptant les périodes de l’oscillateur.

plupart des pays du monde, par exemple, en France, l’heure

Ceci est l’analogue de l’horloge à balancier de Huygens (XVIIe

d’hiver est UTC + 1.

siècle), le pendule est remplacé par l’atome, les engrenages

Les horloges actuelles Principes

par la chaîne de multiplication de fréquence entre l’oscillateur et l’atome, les aiguilles par le signal de l’oscillateur ou un compteur placé derrière totalisant les périodes d’oscillation.

Les horloges atomiques sont basées sur la relation de Bohr

La qualité de l’horloge est d’autant meilleure que la transi-

6E E = hvv reliant la différence d’énergie 6E 6 entre deux niveaux

tion utilisée, de fréquence i, i est étroite, c’est-à-dire possède

atomiques à la fréquence de l’onde absorbée ou émise lors

6i, où 6i un grand facteur de qualité défini comme Q = i//6

d’une transition d’un niveau à l’autre, où h est la constante

est la largeur de la transition atomique. Pour obtenir des raies

98 Z REE N°1/2016


RETOUR SUR ❱❱❱❱❱❱❱❱❱

L’introduction des antennes actives dans les chasseurs Le programme de coopération européen AMSAR Marc Leconte Membre émérite de la SEE

imposait des circuits électroniques d’un rendement plus faible et de technologie plus onéreuse. Après la guerre, l’évolution vers des chasseurs à

Introduction

réaction plus rapides et les demandes de détection radar vers des distances de plus en plus grandes se

Dans les années 90, appuyé par les services offi-

sont traduites par des évolutions majeures des formes

ciels, un programme européen de développement

d’onde et par une course à la puissance moyenne

d’une technologie d’antennes actives destinées aux

émise qui conditionnait en grande partie la portée ra-

chasseurs aéroportés fut lancé par trois industriels eu-

dar. Les échos de sol (clutter) limitaient largement les

ropéens. Après l’échec, quelques années auparavant,

performances des radars à basse fréquence de récurr

d’un programme commun de chasseur européen,

rence (BFR) issus de la guerre. La détection vers le bas

ce programme de haute technologie, appelé AMSAR

(look down) était en particulier très problématique et

(Airborne Multimode Solid-state Active-array Radar),

limitait les capacités opérationnelles d’interception

souleva de grandes espérances quant aux possibili-

et de poursuite. L’utilisation du doppler à impulsion

tés de coopération des industries de défense euro-

avec une fréquence de récurrence élevée (HFR) perr

péenne. Le programme concernait, dans le domaine

mettait d’étaler le spectre des échos de sol et ainsi

militaire uniquement, les radars aéroportés de pointe

de détecter et de traiter des cibles à basse altitude.

avant des chasseurs. Les antennes actives des radars au sol ou ceux des segments aéroportés autres que celui des chasseurs ont connu un développement différent. Le programme AMSAR, véritable programme fondateur, s’achèvera sur des réussites techniques indéniables mais se heurtera à la réalité des stratégies et des ambitions nationales. Nous lui consacrons ce « Retour sur », de ses prémices à sa conclusion interr venue il y a seulement quelques années.

Les radars aéroportés après-guerre. Les premiers radars aéroportés ont été mis au point au cours de la deuxième guerre mondiale. Les contraintes étaient connues : pour embarquer des antennes dans un chasseur, il fallait en diminuer la taille et par conséquent augmenter la fréquence, ce qui

Figure 1 : Configuration d’une antenne réseau classique à fente. Le faisceau est lié par construction au plateau rayonnant

ABSTRACT The phased array antennae became preeminent in the fire control radar from the 70's. Facing the competition of United States, European industry developed skills in the monolithic integrated circuits to serve as a brick for modules using passive and active phased arrays. AMSAR was an X-band, phased, active-array, steerable radar based on gallium arsenide (GaAs) MMIC (Monolithic Microwave Integrated Circuit) technology. The programme, started in 1993, contributed greatly to the development of active antennas for next generation fighters in the 2000's.

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❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱ RETOUR SUR

Figure 2 : Configuration d’antenne passive du RBE2 avec des lentilles sur les deux axes.

Figure 3 : Configuration d’antenne passive avec déphaseurs à ferrite – Cas des radars passifs russes.

Avec des filtres appropriés, il était possible également

déphasage sont devenues électroniques ce qui conférait au

de rejeter les échos de sol liés à la vitesse du chasseur,

faisceau des caractéristiques de mobilité nouvelles qu’on a

qui désensibilisaient les récepteurs. Dans les années 50,

appelé agilité du faisceau.

Westinghouse développa le premier doppler à impulsion aéroporté. Les chasseurs américains comme le F-15 et le F-16

Il existe deux grands types d’antennes à balayage électronique que nous allons détailler.

commencèrent à être équipés de radar doppler à impulsions au cours des années 60. Les services techniques et l’état-

Les antennes électroniques passives : PESA

major de l’armée de l’air, en France, furent très intéressés par

Ces antennes réseaux sont constituées par des éléments

l’introduction de ce type de radar sur les chasseurs français.

rayonnants dont la commande de déphasage s’effectue

C’est le Mirage 2000 qui accueillit le premier radar doppler à

de manière électronique. L’ensemble des commandes de

impulsion RDI. Commandé en 1976, Il était prévu d’en équi-

déphasage, calculées par un pointeur, oriente le faisceau

per les Mirages dans les années 80.

dans la direction désirée. Cette commande ne requiert pas

Les antennes à balayage électronique

de puissance et elle est donc économe en consommation comme tout circuit d’électronique de commande. L’avantage

Classiquement les antennes radar des chasseurs étaient

du balayage électronique est de pouvoir pointer le faisceau

constituées d’un réseau d’éléments rayonnants qui, selon les

dans n’importe quelle direction de manière quasi-instanta-

qualités mécaniques de la structure, assuraient un diagramme

née sans avoir à positionner une lourde antenne par des

de rayonnement dont la direction dépendait du déphasage

servomécanismes. Le gain en temps de réponse est immé-

relatif entre les éléments et de la direction du plateau mobile

diat et permet alors d’envisager des fonctions de détection

actionné par des servomécanismes (figure 1). C’est la raison

simultanée qui n’étaient pas envisageables auparavant avec

pour laquelle on les appelle des antennes à réseaux pha-

une antenne mécanique. L’émetteur du radar est unique et

sés. Ces antennes ont connu une grande longévité ; elles ont

peut même être hérité d’une version précédente à balayage

équipé et équipent encore plusieurs générations de chas-

mécanique.

seurs parmi lesquels figurent les Mirages français, les F-16 de

Cette solution présente cependant quelques inconvé-

première génération, les F-15, les Tornados anglais, les Mig

nients importants. En effet le passage de l’émission à travers

russes et quelques autres. Il faut rappeler que ces antennes

les éléments déphaseurs entraine des pertes de puissance

réseaux existent depuis la deuxième guerre mondiale avec

à l’émission qui sont directement préjudiciables à la portée

les grands radars de défense aérienne allemands. S’il était

du radar. La qualité des déphaseurs et des modules passifs a

possible de changer le déphasage obtenu par construction, le

donc représenté un défi technologique pour le passage aux

faisceau pouvait changer de direction. Ce cas s’est rencontré

antennes à balayage électronique. Plusieurs radars de pointe

dans certains radars allemands dans lesquels la commande

avant ont été développés avec ce type d’antenne. C’est le

du déphasage était manuelle (par un levier). Ainsi, sans

cas par exemple des premiers RBE2 du Rafale (figure 2) du

modifier la position de l’antenne, il était possible de chan-

Rafale mais aussi de beaucoup de radars russes (figure 3).

ger la direction du faisceau. Par la suite les commandes de

Les Américains sauteront ce palier pour passer directement à

108 Z REE N°1/2016


L’introduction des antennes actives dans les chasseurs

rapport aux transistors de puissance au silicium classiques. Corrélativement, ces contraintes augmentaient de manière considérable le coût de développement et surtout de production des modules actifs. La miniaturisation et sa conséquence le conditionnement thermique posaient un défi technologique et industriel qui était encore plus accentué quand le radar était destiné à être embarqué à bord d’un chasseur. En conséquence les radars aéroportés de pointe avant seront les derniers à passer d’une antenne classique ou passive à l’antenne active, au terme d’un très gros effort de développement technologique et industriel.

Développement des modules actifs Figure 4 : Configuration d’antenne active à une voie de réception. Cas du RBE2 et des radars US qui peuvent comporter plus de 1 000 modules. Le nombre de modules est en général secret.

Les premiers développements exploratoires furent américains et lancés dans les années 60. L’US Air Force commanda à la firme Texas deux maquettes d’antennes actives appelée MERA (Molecular Electronic Radar Application) et RASSR

l’antenne active, nous y reviendrons plus loin. Le passage par

(Reliable Advanced Solid-State Radar). Ces maquettes étaient

cette technologie avait cependant l’avantage, dans l’optique

constituées respectivement de 604 et 1 648 modules actifs.

d‘une phase intermédiaire, de développer un dispositif de

Les premiers résultats de cette étude conclurent que les com-

pointage réutilisable lors du passage à une antenne active.

posants de l’époque ne permettaient pas d’obtenir les puissances nécessaires à un radar de pointe avant. Il fallut donc

Les antennes électroniques actives AESA

définir une nouvelle filière de composants microélectroniques

Le stade suivant les PESA, dans une optique de progrès

hybrides qui furent développés en technologie de semi-

technologique, correspond au stade ultime de numérisation

conducteurs AsGa (arséniure de gallium). Le coût de cette

du radar. En effet, les antennes électroniques actives (AESA)

technologie s’avérant vite très élevé, les Américains décidèrent

font disparaitre l’émetteur unique pour le discrétiser dans ce

en conséquence de lancer un grand programme de dévelop-

qu’on appelle des modules T/R (pour transmission/ récep-

pement technologique des semi-conducteurs hybrides en

tion). Le réseau phasé devient lui-même son propre émet-

AsGa.

teur réparti dans les centaines voire les milliers de modules de l’antenne (figure 4). L’amélioration la plus évidente réside

Le plan MIMIC

dans le fait que les pertes en émission par les déphaseurs

A partir des années 1980, les Etats-Unis, par le canal de

de l’antenne passive n’existent plus. Il y donc un gain en

la DARPA (leur organisme de recherche fédéral), financèrent

puissance mais qui dépend évidemment de la puissance de

les industriels du radar tels Hughes Electronics et Texas

chaque module. Chacun d’eux peut être considéré comme

Instruments afin de développer et de maîtriser la technolo-

un mini-radar comportant un émetteur, un récepteur et un

gie des circuits intégrés en hyperfréquence basée sur l’arsé-

circulateur, sorte d’aiguillage qui ferme le récepteur quand il y

niure de gallium. Dès la fin des années 80, la DARPA lança le

a émission. Nous savons depuis les débuts des radars aéro-

programme MIMIC (Microwave/Millimeter-wave Monolithic

portés que pour embarquer des antennes de taille raison-

Integrated Circuits) qui se déclinait en trois phases pour une

nable dans une pointe avant il faut une fréquence d’émission

enveloppe globale de 500 MUSD. De nombreux industriels

élevée qui est généralement, pour les radars dont nous par-

reçurent des contrats pour des recherches qui devaient très

lons, de l’ordre de 10 GHz (longueur d’onde de 3 cm), autre-

largement irriguer les développements des radars à antennes

ment appelée bande X. Les émetteurs de puissance à cette

actives du F-22, F/A-18, F-15, F-16 et JSF. Certains industriels

fréquence utilisent des tubes spéciaux comme le magnétron,

valoriseront également ces recherches dans le domaine civil.

le klystron ou encore les tubes à ondes progressives. La puis-

Ce plan permit d’élaborer une stratégie de production

sance demandée à un module actif était moindre que celle

flexible associée à une baisse de coûts liée à une production

d’un émetteur unique mais demeurait cependant élevée et

massive et une standardisation des architectures. Peu à peu,

le recours à des fréquences de l’ordre d’une dizaine de GHz

la puissance des circuits et leur rendement augmentèrent perr

nécessitait des composants hyperfréquences nouveaux par

mettant aux antennes actives aéroportées de concurrencer

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ENSEIGNEMENT & RECHERCHE

De fulgurantes innovations à Lille ? Entretien avec Pierre Giorgini Président-recteur de l’Université catholique de Lille (UCL) REE : Pierre Giorgini, vous avez publié il y a plus d’un an un ouvrage remarqué, La transition fulgurante1, qui vous a valu récemment le Prix MERI décerné par l’espace éthique des entreprises de santé ; vous y abordez la rapide transformation affectant le monde contemporain, à un point tel qu’on peut globalement la qualifier d’anthropologique. Quelles en sont, à vos yeux, les effets essentiels en matière d’enseignement supérieur et de formation ? Pierre Giorgini : Ce sujet est immensément vaste. Je crois avoir montré, dans La Transition Fulgurante, que la rupture que nous vivons est d’ordre épistémologique et que la création de valeur au sens global, c’est-à-dire intégrant toutes les dimensions de la notion de progrès (environnemental, social et humain), se niche de plus en plus au cœur des rencontres improbables, y compris disciplinaires. Pour moi, l’arbre de la connaissance s’est enfoncé loin dans la terre du mystère de la vie, tel un rhizome de racines alimentant l’expérience sensible et concrète des hommes. Le réductionnisme disciplinaire nous donne l’illusion parfois, que l’extrémité d’une seule racine alimente l’arbre ou, pire, modélise le système global. Mais quiconque est dans l’expérience sensible voit que l’arbre meurt car il est incapable de se régénérer et comprend qu’il faut le réinventer pour faire face à la nouvelle donne sociale, économique et surtout environnementale. Comment faire remonter l’ensemble de nos forces à la jonction de l’économie et de la philosophie, des sciences et de l’éthique, de la spiritualité et de l’innovation techno-scientifique sans courir le risque d’un retour à des formes d’obscurantisme ? Notre défi est d’ordre épistémologique, si nous voulons sortir du syndrome de l’île de Pâques et cesser de tuer définitivement nos sources de vie, pour vénérer les nouveaux dieux de l’hédonisme généralisé et de la science réduite à son objet.

Un défi épistémologique !

des savoirs formels (instruction) et leur transformation en compétences, savoir-faire et savoir-être (éducation) n’est plus nécessaire ! Cela impose à l’Université, pour continuer à créer de la valeur ajoutée, de se transformer rapidement, avec une approche coopérative et maillée, en écosystèmes apprenants, offrant des univers ouverts de partage des savoirs, de réalisation de projets multidisciplinaires, ouverts sur leur territoire et le monde global. Mais quel bouleversement pour les enseignants-chercheurs et pour l’organisation pédagogique et physique de l’institution ! La question n’est plus seulement « Comment transmettre ? » avec les nouveaux médias ou outils intelligents en réseau, mais « Que transmettre ? » pour former à la « liberté responsable », qui est l’aptitude à penser par soi-même et en interdépendance, de le faire en conscience et en liberté de conscience ; comment donner à chacun les moyens de repérer toutes les formes d’aliénation et de domination, sociales, culturelles et politiques ? REE : Vous venez de récidiver et, avec La fulgurante recréation2, vous complétez votre réflexion en évoquant et en précisant quelles sont les voies possibles des initiatives indispensables pour répondre aux défis sociétaux ; vous insistez à juste titre sur l’importance des réseaux et de la co-création pour réenchanter le monde… P. G. : Je tente de montrer dans mes deux ouvrages, que nous sommes au cœur d’une époque incroyable, où tout est possible pour le pire comme pour le meilleur. Mais la rupture est telle que même les mots d’hier, dans leur passage du signifiant au signifié, sont en panne : ils ne font plus sens car le monde de demain ne peut être pensé avec les modèles et les cadres de référence du monde d’hier. Alors, seule la mise en conférence « chemin faisant » des signifiés, des points de vue moraux, de toutes les parties prenantes, peut nous donner une chance de reconstruire un sens commun, une histoire commune, une éthique commune. Mais la rupture est telle que seule la fable ou le rêve peuvent l’esquisser et le stimuler.

Or les universités continuent de s’écarter des voies créatrices de valeur globale émergeant de l’interdisciplinarité ; la logique disciplinaire est en effet très puissante, presque inscrite dans l’ADN universitaire et stimulée par la chasse aux classements internationaux. Elles risquent alors de ne plus pouvoir jouer, dans les sociétés évoluées, leur rôle séculaire : la recherche désintéressée du vrai et du bien, en aidant à penser le monde. Alors, où se fera cette recherche ? Cette remise en cause risque d’être fulgurante car simultanément l’internet transforme son cœur de métier, par exemple avec l’arrivée des MOOC et des SPOC : l’unité de lieu et de temps, pour l’acquisition

REE : Mais, pour vous, que disent de l’Université ce rêve et cette fable ? P. G. : Je crois effectivement qu’il faut que partout les universités redeviennent de véritables laboratoires de la « recréation du monde ». Dans mon rêve, elles sont évidemment « zéro carbone » ; mais surtout elles offrent aux étudiants, quels que soient leur niveau et leur âge, un environnement de créativité permanente, où chacun peut expérimenter sur le campus de nouvelles techniques, de nouvelles postures sociales, économiques, spirituelles, pour inventer le

1

2

Pierre Giorgini. La transition fulgurante - Vers un bouleversement systémique du monde ? Editions Bayard 2014 408 p. 18,90 F.

Pierre Giorgini avec Nicolas Vaillant. La fulgurante recréation Préface d’Erik Orsenna de l’Académie française Editions Bayard Janvier 2016 334 p. 16,90 F.

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ENSEIGNEMENT & RECHERCHE

nouveau monde. Devenues des socialshops, où cohabitent chercheurs en technosciences comme en sciences humaines, étudiants, acteurs économiques et sociaux, elles deviennent des espaces de création, d’expérimentation et d’observation scientifique des initiatives, qui sont analysées, capitalisées dans une rechercheaction transdisciplinaire (anthropologie expérimentale par exemple). Des ateliers, des fablabs, des Tech’shops, sont ouverts aux étudiants, mais aussi à quiconque, ayant idée, talent ou envie d’apprendre, de fabriquer, de créer une activité (entreprise, association, communauté…). Ils sont équipés des machines les plus sophistiquées (imprimantes 3D, découpe laser, etc.), les plus traditionnelles (tour à bois, machines à coudre, à broder, à polir…), mais aussi les plus simples (broyeurs de matériaux, de récupération pour cartouches 3D, récupération du bois, plastique…) Ils mettent également à disposition des utilisateurs équipements microélectroniques et informatiques, instruments de musique, d’enregistrement, de production audiovisuelle, de création artistique, de synthèse 3D… Des incubateurs de création (entreprises, associations, start-up, entreprenariat, etc.) sont installés à proximité. L’Université devient une véritable ruche, une agora des rencontres improbables. Des panels étudiants/professeurs, animés en réseau, prennent, après débats contradictoires, les décisions les plus structurantes sur l’avenir, l’équipement et le fonctionnement de l’institution. REE : Mais avant l’Université, il y a l’École. Comment celle-ci peut-elle préparer à cette fable ? P. G. : Dans mon rêve, l’École s’est également profondément réformée. Elle a basé son développement et sa pédagogie sur les quatre principes fondateurs de la recréation définis dans La Fulgurante recréation, à savoir l’altérité, la résilience, la ré-inventivité, en ayant revisité son espace de reliance. Elle est devenue une école de la reliance, c’est-à-dire une école de la connexion qui fait sens et système (voir les travaux de Marcel Bolle de Bal et d’Edgar Morin), une école de la connexion finalisée, qui induit une appartenance signifiante à des réseaux, des communautés de destin, des associations, des sociétés formelles (territoire, état, continent, planète), en mettant en évidence à chaque fois les liens de coresponsabilité, car nos comportements portent une part de responsabilité universelle ; cela consiste à apprendre, non plus par une entrée disciplinaire, mais essentiellement en analysant l’espace de reliance temporelle (histoire, philosophie, économie, sociologie, art…), physique (géographie, géopolitique, économie...) et virtuelle (communautés thématiques, co-créatives...) pour tout projet, sujet ou objet prétexte à l’étude ou à l’action collective. Une pédagogie inversée par problème est généralisée et sert de fil rouge à une reconstruction disciplinaire plus linéaire.

Quatre principes pour recréer l’école ! Très tôt, les apprenants utilisent les ressources média (internet, MOOC, SPOC…) pour acquérir les savoirs nécessaires et les socialiser au sein de l’école en leur donnant du sens au travers des groupes apprenants. Les corpus disciplinaires sont ensuite reconstruits a pos-

116 Z REE N°1/2016

teriori avec les compléments théoriques supplémentaires nécessaires pour « charpenter la discipline ». Les situations d’apprentissage à partir de situations réelles sont privilégiées. Les acteurs locaux, tels que mairies, services de l’État (police, justice), entreprises, associations, etc., sont fortement impliquées. L’école est devenue une école de la résilience où s’apprennent la frustration, la patience et le manque assumé, la lenteur de l’accomplissement d’un désir, le regard positif sur les fragilités et les handicaps. Des situations difficiles, réelles ou simulées, sont identifiées. Grâce aux nouvelles technologies, des pédagogies d’apprentissage basées sur des temps longs d’investigation, de recherche, d’élaboration de solutions en co-création, sont mises en place. Les créations artistiques ou sportives qui demandent souvent des efforts longs et frustrants sont privilégiées ; une vraie éducation à la consommation responsable, mettant chacun en situation d’évaluer les conséquences globales de ses choix. L’école devient celle de la pensée globale. Une école de l’altérité est née, où chacun apprend à reconnaître et entrer en relation avec l’autre, différent sur le plan culturel et religieux, et à définir avec lui, avec eux, les termes de la modération réciproque permettant un vivre ensemble. Des pédagogies inversées centrées sur l’analyse des tensions internes à la classe, aux communautés, à partir de disciplines telles que la philosophie, l’histoire, la géopolitique, l’art, permettent de comprendre et d’expérimenter en quoi l’altérité, c’est-à-dire le caractère de ce qui est autre, constitue le cœur de la montée en humanité de chacun. Enfin une école de la réinventivité, de l’émergence co-créative, est en place. L’école devient très tôt dans la scolarité un écosystème, siège de rencontres improbables, favorisant l’émergence co-créative de solutions, de projets, de résolution de problèmes réels ou simulés. Les apprenants sont mis en situation de ré-instituer totalement ou partiellement leurs modes collectifs d’apprentissage et de vie dans l’école. Des groupes tirés au sort deviennent délibératifs sur des sujets de vie de l’école ou de société, à condition d’accepter de travailler leur « capacité démocratique » sur le sujet concerné (wikidémocratie interne). Cela consiste à réactiver de façon plus volontariste la pédagogie institutionnelle, mettant chaque apprenant en situation de réinstituer (choix d’organisation, édition des règles…) les coopérations au sein de l’école en vue des apprentissages. Il s’agit progressivement de sortir l’apprenant du centre du système pédagogique pour l’ériger comme partenaire à part entière du système centré sur ses apprentissages. REE : Pour élaborer vos deux ouvrages, vous avez mis en pratique une méthode très originale en associant vos collègues des diverses sciences humaines : vous leur donnez la parole pour qu’ils critiquent et mettent en questions vos propres convictions ! Pouvez-vous préciser la richesse, et peut être aussi les limites, de cette méthode qui renouvelle la maïeutique ? P. G. : Dans La fulgurante recréation, j’ai intitulé un chapitre « Tous facteur Cheval », destiné à faire sentir la rupture épistémologique dans laquelle nous sommes, dans les formes même de construction des savoirs. Le célèbre facteur de Hauterives et son Palais idéal m’est très souvent apparu comme emblématique d’une approche


ENSEIGNEMENT & RECHERCHE

Figure 1 : Université catholique de Lille (UCL) : les étudiants accueillis dans un édifice néo-classique bien conforme à la tradition des Flandres. originale, simple et riche à la fois ; remarquons tout d’abord combien la part du rêve et de la continuité est essentielle dans son action quotidienne et inscrite dans la durée : son palais, il a dû l’imaginer à partir de photos et dessins, des cartes postales, d’images de magazines, mélange de fantasmes et de peurs mais aussi d’émerr veillement et de calcul. Il l’a imaginé mais ne l’a pas construit tel qu’il l’a imaginé ; il l’a fait en l’imaginant et l’a imaginé en le faisant ; il l’a calculé en le faisant et l’a fait parce qu’il l’a calculé… La combinaison d’un sens qui précède chaque étape de la réalisation, avec le sens renouvelé, altéré par le cheminement de la pensée de l’auteur, faite d’imagination, de mémoire et de rationalité, apparaît lors de la simple visite du palais. La construction s’est faite avec des pierres à la fois glanées au hasard et choisies, mais dans l’ignorance précise de leur rôle futur. C’est cette interaction, ce « faire en marr chant », cette façon de penser l’œuvre globale en mouvement, en enrichissant à la fois la réalisation et l’étape suivante projetée dans l’imaginaire, qui me fascinent et me donnent l’image de notre humanité en construction permanente. Comme celle du modeste facteur drômois, ma pensée vivante est au cœur d’une interaction à la fois créative et rationnelle entre le vécu, le réalisé, l’imaginé et le projeté dans une circularité vivante et enthousiasmante. Notre monde moderne nous pousse et en même temps il at-t tend de nous que nous soyons tous des facteurs Cheval, avec cette capacité de monter en conscience à propos de ce « château d’humanité» que nous construisons tous dans le jardin de l’univers, dans une co-élaboration spatiale et temporelle sans limite. Nos cailloux sont la connaissance, notre tournée est notre chemin d’humanité, nos usagers sont nos rencontres, nos cartes postales sont ce que ces rencontres nous permettent d’apprendre et de rêver. L’humanité, c’est cet édifice en construction permanente mais qui ne détruit jamais complètement la forme qui le précède. Ceux qui façonnent l’humanité, façonnent en même temps les communautés qui la construisent et les communautés bâtissantes trouvent leur unité dans l’intercompréhension qu’ont leurs membres de ce qu’ils sont en train de réali-

ser, de la place et du rôle, que chacun a ou souhaite avoir. Alors cette intercompréhension – cette reliance – peut permettre de surmonter les agressions, les effondrements partiels de l’édifice, les accidents de chantiers, les conflits d’intérêt, par la résilience, par l’émergence créative et la ré-inventivité permanente des modes de coopération se nichant au cœur de la relation à ce qui est autre que moi, l’altérité. Porteur de telles convictions, comment aurais-je pu écrire La fulgurante recréation comme une thèse à développer, comme une argumentation visant à légitimer une hypothèse ? Je pense que l’avenir sera dialectique ou ne sera pas et les prédicats même des théories peuvent être remis en cause. Nous entrons dans l’univers de la complexité et de l’incertitude. Le doute devient, encore plus qu’avant, ferment d’une pensée qui se construit en marchant, mais sans oublier ce qui la fonde et en restant ouverte à la mise en réseau, à la confrontation à d’autres cadres de références, à d’autres disciplines. Au moment où le fil des grandes lignées disciplinaires est en partie rompu, comment se préserver du retour des obscurantismes cachés derrière un savoir apparent ou une ignorance dissimulée ? En osant l’imposture, mais en acceptant simultanément de la livrer à une mise en conférence contradictoire avec les disciplines basées sur la science ! REE : Depuis bientôt un siècle et demi qu’elle existe, l’UCL comporte diverses composantes, notamment santé, droit, techniques et sciences humaines ; quelles sont les ambitions collectives de l’ensemble de l’UCL et comment articuler la coopération interne ? P. G. : L’encyclique du Pape « Laudato si’3 » qui concerne la préserr vation de la maison commune nous offre, comme sur un plateau, la réponse à la question du sens global de l’action de l’UCL, dans des domaines qui paraissent éloignés mais qui pourtant constituent notre

3

NDLR : Le lecteur pourra se référer, à propos de l’encyclique Laudato si’, aux Libres propos de Gilles Bellec parus dans le numéro 2015-5 de la REE.

REE N°1/2016 Z 117


CHRONIQUE

Propos de B.Ay, chroniqueur

I

l y a quelque témérité

régulière dans REE, en plus d’autres rubriques, j’ai

impose un travail minutieux associant fidélité à

à choisir pour cette

voulu me prouver à moi-même, la retraite venue

l’auteur, souci de la langue et respect des règles

ultime chronique un

et disposant de temps, qu’écrire est un exercice

typographiques. A cet égard j’avoue, sans glo-

titre qui s’inspire d’un

à la fois salutaire et abordable.

riole mais aussi sans honte, que j’ai très souvent

oouvrage qui eut son

Je voulais aussi (essayer de) lutter contre

mérité la satisfaction de mes interlocuteurs et

hheure de célébrité et

une tendance à l’aboulie et à la procrastination,

été fidèle aux enseignements de l’instituteur, qui

qque l’on devrait relire :

sans doute innée, mais que l’âge a tendance à

m’apprit à respecter l’orthographe et à manier

oserai-je i j avouer que j’j’aii entendu parler d’Auguste

renforcer. Mais par prudence, j’ai accepté de tenir

la langue ; par contre j’ai fait, pour maîtriser la

Detœuf depuis longtemps, bien avant de suivre

dans REE des rubriques qui s’autoalimentent :

ponctuation ou mettre à bon escient les majus-

– scolairement – sa voie : enfant, j’allais souvent

avec « Vient de paraître » et les « Echos de l’ensei-

cules, de lents progrès en dépit des amicales et

en famille dans un village du Valois, qui a depuis

gnement supérieur et de la recherche », on est

régulières leçons de notre rédacteur en chef ! Il

grandi à l’ombre de Roissy. Mon oncle y était à

assuré que l’actualité viendra sans trêve alimen-

m’est même parfois arrivé de me substituer au

la fois directeur d’école et secrétaire de mairie ;

ter l’inspiration, fût-ce au prix de faits divers…

signataire, mais la discrétion m’interdit d’en dire

grâce à lui j’ai connu deux célébrités locales : le

Mais, avec mes débuts journalistiques, j’avais

plus et mon aversion du racisme d’imaginer que

père Baptiste, maire de la commune, qui me par-r

l’ambition de faire mieux que les échotiers de

j’aurais pu devenir le nègre de qui que ce fût.

la un jour de Jaurès qu’il allait écouter autrefois

la PQR (Presse Quotidienne Régionale) et je

Mais comment ne pas mentionner les bien-

quand il militait au syndicat des cochers CGT, et

me suis astreint à un travail de documentation,

faits du travail de chroniqueur, avec la néces-

puis le frère d’Auguste, qui tenait la plus grande

voire de réflexion, assez chronophage. Il serait

sité de se documenter et de beaucoup lire, ne

ferme du pays et de qui j’ai compris, il y a plus

toutefois excessif d’invoquer le temps passé

serait-ce que pour lutter contre la tendance à la

de 65 ans, ce que pouvait être, à l’opposé de la

pour expliquer, a fortiori pour excuser, la façon

sénescence et au vieillissement. Mais l’éloigne-

ruralité bocagère, la grande exploitation agricole.

extrême dont j’ai parfois respecté les délais fixés

ment du monde professionnel – déjà 12 ans de

J’ai depuis appris qui était Auguste Detœuf,

par un comité de rédaction auquel je participe

retraite en ce qui me concerne ! – vous prive

polytechnicien (promo 1902), ingénieur général

avec assiduité ! Je persiste à croire, ayant souvent

insensiblement de sources d’information quoti-

des ponts et chaussées, artisan de la création

été le pénultième à fournir ma prose, que j’ai pris

diennes et du dialogue avec vos pairs sans le-

d’Alsthom (1928) et premier président de la

soin de ne jamais entraver ni même retarder la

quel il est difficile d’évaluer la pertinence de vos

société de 1928 à 1940 : à ce titre, il a été pro-

publication de notre belle revue…

jugements. Le rythme des découvertes scien-

bablement membre de la SEE et aurait pu tenir,

Concernant la « Chronique » elle-même, pour

tifiques comme des évolutions technologiques

assurément,t la chronique que depuis quelques

laquelle l’autonomie et par conséquent l’imagina-

– omnia fert aetas ! – et la difficulté à suivre la

années je m’efforce d’assurer. Les propos d’O.L.

tion sont totales, j’ai pris, dès mon engagement,

recommandation d’Auguste Detœuf à ne jamais

Barenton, confiseur1 constituent en effet un

le parti-pris d’une formule sécurisante : en choi-

oublier de prévoir l’imprévu, me poussent vers

ensemble de textes dont beaucoup font pen-

sissant une thématique assez riche pour avoir

de nouvelles passions, pour des valeurs moins

ser à La Bruyère… et certains sont dignes de

inspiré deux auteurs de talents, je tenais un

fugitives ; la découverte du patrimoine naturel,

Christophe et de son savant Cosinus ! Les pen-

excellent sujet de chronique !

historique et architectural de l’Île de France, et

1

sées, sentences et aphorismes y sont nombreux

Je n’en éprouve que plus d’admiration pour

tout spécialement celui de mon Paris natal, va

et, ensemble, constituent un véritable traité

ceux qui régulièrement honorent un rendez-vous

désormais stimuler mon activité physique et

managérial : on y apprend par exemple, que

attendu des lecteurs. A propos de la culture scien-

intellectuelle... Q

réfléchirr c’est attendre quelques jours avant de

tifique, dont la diffusion me parait essentielle au

ne pas changer d’avis ou encore que consulter

sein des sociétés savantes telles que la SEE, qu’il

est une façon respectueuse de demander à

me soit permis d’affirmer mon admiration pour

En prenant connaissance de

quelqu’un d’être de votre avis.

ce que font Pierre Barthélémy dans le Monde ou

cette « ultime » chronique, digne

Jean-Paul Delahaye dans Pour la science...

des plus grands conteurs, le

Depuis fort longtemps, je peine devant une

Bernard Ayrault

feuille blanche et depuis plus d’un demi-siècle

Parmi mes contributions à la REE, il y a aussi

j’admire le talent de ceux qui régulièrement

celles pour lesquelles je n’ai été que l’intermé-

a bien du mal à réaliser que ces

savent faire court et original ; le modèle du billet-

diaire mais qui m’ont donné l’occasion de ren-

lignes marquent le départ de notre ami Bernard

tiste restera pour moi Robert Escarpit qui, chaque

contrer des experts ou de correspondre avec eux.

vers de nouvelles passions. Il espère que nos lec-

après-midi, quelles que fussent les circonstances

Notre revue sollicite souvent en effet des per-r

teurs seront suffisamment nombreux pour lui faire

de la vie, dictait par téléphone ce qui allait mettre

sonnalités trop engagées professionnellement

comprendre que son inspiration n’est pas tarie et

de l’humour dans la « une » du Monde, alors fort

pour assumer intégralement un article ; alors le

que ses propos sont toujours les bienvenus. Qu’il

austère. En acceptant de tenir une « Chronique »

recours à l’interview s’impose, avec des modali-

soit en tout cas remercié pour l’immense contri-

tés très variées mais qui toujours imposent de

bution qu’il a apportée au renouveau de la REE. Q

bien connaitre ce que fait et pense votre interlo-

Jean-Pierre Hauet Rédacteur en chef

1

Auguste Detoeuf « Propos d'O.L. Barenton, confifi seurr » - Editions d'organisation nov. 1982 (230 p. 27,50 F). F

cuteur. Dans tous les cas, la mise en forme finale

comité de rédaction de la REE

REE N°1/2016 Z 125


PROPOS

LIBRES

Gérard Théry Ancien directeur général des télécommunications

retire dans les années 80, jette son froc aux orties. À un État inspiré, à qui le reproche fut dit d’être trop directif et trop puissant, succède un État mollasson, privé d’inspiration et d’énergie. N’était-il pas possible

L

e vaste monde du numérique est pour certain la

d’aborder le nouveau capitalisme et la mondialisation

planche de salut qui va nous sauver de la crise

avec la même lucidité que d’autres pays comme la

que nous vivons.

Chine, la Corée du sud et un autre pays aussi parfai-

Alcatel-Lucent est racheté par Nokia. Orange, notre

ancien opérateur historique est attaqué de toutes parts

tement libéral que protectionniste et étatique comme les États-Unis ?

sur ses métiers traditionnels et peine à se redéployer

On invoquera, de la part des gouvernants, l’absence

sur de nouveaux métiers. Les plus grands acteurs du

d’une politique économique fondée sur la rigueur qui,

numérique affichent des capitalisations considérables,

l’Allemagne et d’autres pays européens en ont fait la

mais créent de la valeur ajoutée hors de France et hors

démonstration, constitue la clé du développement, de

d’Europe.

la prospérité et de la compétitivité. S’agissant de notre industrie, on discerne une forme

Un constat

de mépris des classes dirigeantes à l’égard d’activités

Il n’est pas inutile de se placer dans un contexte plus

réputées sales et polluantes, la financiarisation exces-

général. La France enregistre, depuis 35 ans, un quadruple

sive des comportements des décideurs, la préférence

déclin, économique, industriel, social, technologique.

donnée au revenu de l’actionnaire par rapport au finan-

Déclin économique, dont le signe majeur est l’endettement, passé de 20 % du PIB en 1980 à quasiment 100 % en 2015. En quasi équilibre après deux chocs pétroliers, le budget français affichait voici

cement de l’investissement, le choix du

Le numérique… Que de questions !

court terme plutôt que du moyen et long terme… L’intelligence des systèmes politiques propre à certains pays a manqué : le retard français est davantage imputable à des élites suffisantes et déca-

peu, un déficit de près de 4 %.

dentes que le fait de la fatalité.

Déclin industriel : la valeur ajoutée industrielle rapporté au PIB est passée de près de 31 % en 1980 à moins de 19,4 % en 2014 (sources : Les Échos, Banque mondiale). Déclin social : des millions de chômeurs, un niveau aujourd’hui insupportable. Déclin technologique : la France se présentait en 1980 avec un avantage technologique indéniable. Un

Les changements structurants des 30 dernières années Sept changements structurels caractérisent l’évolution des TIC en 30 ans : s LA VERTIGINEUSE CROISSANCE DES CAPACITÏS DE TRAITEMENT et de mémoire des composants ;

réseau téléphonique moderne, des technologies de

s LA NUMÏRISATION QUI INVESTIT LE CHAMP DES TÏLÏCOMS ET

commutation et de transmission compétitives, fers

de la communication : l’informatique dès les années

de lance de nos exportations, le Minitel et le réseau

50, les télécoms à partir des années 70, la télévision

Transpac préfigurant les réseaux de consultation futurs,

beaucoup plus tardivement ;

un projet satellitaire (Télécom 1) et la première ville au monde câblée en fibre optique, Biarritz, pour tester le premier service de visiophonie mondial. En viendrait-on à penser que le général Gamelin, l’artisan de la débâcle de 1940, a présidé au destin du pays pendant 35 ans ? L’interrogation sur le rôle de l’État reste d’actualité.

s L IRRÏSISTIBLE MONTÏE DE L )NTERNET ET LA MULTIPLICATION DES PC à partir de 1990 ; s LA QUASI GRATUITÏ DU .ET ET L INVASION DE LA PUBLICITÏ QUI le finance ; s LA NAISSANCE DE LA MOBILITÏ ET LA MONTÏE EXPONENTIELLE du téléphone mobile à partir de 1990 ; s LA DÏRÏGULATION DES TÏLÏCOMS EN %UROPE Ì PARTIR DE

Il a inspiré jusqu’en 1981, dans sa foi industrialiste, les

mettant fin à la suprématie des opérateurs historiques ;

plus grandes novations industrielles européennes : le

s L APPARITION ET LA MONTÏE EN PUISSANCE DU SMARTPHONE

nucléaire, Ariane, le TGV, Airbus, les Télécoms. Il se

126 Z REE N°1/2016

à partir de 2000.


PROPOS

LIBRES

Autrefois fer de lance de l’ancienne suprématie

à jouer, à se distraire, à se faire enregistrer, à payer, à

technologique française en matière de TIC, l’opéra-

photographier, à s’exhiber, qu’à téléphoner. Il s’érige en

teur historique s’est trouvé marginalisé.

instrument de communication universel. La plupart des acteurs industriels et des fournisseurs de service font le

L’État coupable 1998. Le statut de France Télécom est modifié en

virage sur l’aile de s’adapter presque davantage au terminal mobile qu’au fixe.

vue de l’ouverture du capital et de l’introduction en

r Selon le professeur Lionel Nakache, la société hyper-

bourse. L’entreprise est en sureffectif d’environ 100 000

connectée fonctionne comme le cerveau d’un épilep-

agents. Aucune mesure sociale de conversion des em-

tique. Perte de la perception des différences, appauvris-

plois n’est préalablement prise.

sement de la pensée collective, perte de conscience et perte de l’esprit critique, hallucination et aura épilep-

Une politique de la concurrence et de la régulation discutable à partir de 2003.

tique, sensation de bonheur… Asservis à ces nouveaux usages, nous restons cepen-

Inspirée en cela des recommandations de Bruxelles,

dant conscients de nos comportements : aussi multiples

la politique menée par les autorités françaises chargées

qu’ils soient, ils restent globalement soumis à la pensée,

de la régulation et de la concurrence, obéit dès 2003 à

aux besoins, au doigt et à l’œil. Nous sommes robotisés

un modèle hyper juridique et despotique dans l’entière

avec un reste de cervelle.

acception du terme. À la tête de ces organismes, de hauts fonctionnaires, bien abrités derrière leurs bureaux

Les nouveaux maîtres de l’univers

Louis XV, ignorants de la dure réalité industrielle faite de

Naissent et grandissent pendant ces 30 années les

conflits, de menaces sur l’emploi, de larmes et de sueur,

grands monstres américains du logiciel (Microsoft),

d’adaptations douloureuses.

du routeur (Cisco), de l’accès multiple (Apple), de la

2004. La chasse à l’opérateur historique commence.

connaissance (Google), de la communication humaine

France Télécom est contraint de mettre gratuitement à

(Facebook, Tweeter), de l’accès aux contenus (You

disposition de nouveaux concurrents son réseau de dis-

Tube), de l’achat en ligne (Amazon).

tribution pour lancer l’ADSL. Ce réseau a été largement

Ces hyper puissances disposent d’un pouvoir sans

construit ou rénové de 1975 à 1980, il est quasiment

contre-pouvoir. Leur avance incontestable en matière

neuf, il figure à l’actif de l’opérateur et a été évalué à

d’algorithmes et de gestion du numérique, leur permet

plusieurs milliards par la Commission de privatisation.

de régner sans partage sur le monde des données inforr

A la suite d’acquisitions hasardeuses, France Télécom

matives, érigeant ainsi une encyclopédie de la satisfac-

est en quasi dépôt de bilan. L’entreprise est sauvée par

tion des besoins, une bibliothèque des bibliothèques

une injection massive de capital venant de l’ERAP et par

irremplaçable dans la vie professionnelle et personnelle.

le renouvellement de ses dirigeants. Les investissements

D’autres préemptent la vie associative, la communi-

en fibre optique, permettant l’accès à des hauts débits

cation sociale, l’hypertrophie de l’égo : « Je me montre

fixes et mobiles, sont oubliés. Leur rentabilité financière

donc je suis, je suis donc je tweete ». Une floraison de

n’est pas jugée suffisante.

points de vue que reprennent les médias dans leurs

Tout est en place pour fabriquer « Grand Corps Malade »

débats : Kevin, Florian, Sibylle, Dylan, Alison, Léonardo,

au moment où aux États-Unis, au Japon, en Chine, se

Nelson, saturent les fréquences. Les médias font leurs

confortent des opérateurs puissants, aux ressources finan-

choux gras des blogs, des sites Facebook et des tweets

cières considérables, capables de lancer des investisse-

des hommes politiques. L’avenir du pays, son passé, son

ments importants. Le prestigieux CNET d’autrefois est ravalé

destin, sont absents de ces bavardages.

au rôle de centre d’appui technique subsidiaire d’Orange.

La plupart de ces monstres américains se sont construits ex nihilo, financés pendant des années sans

Aujourd’hui Le triomphe du mobile

générer le moindre profit, par la seule valorisation du capital. Leurs actionnaires ont su attendre, leur porte-

Le mobile s’impose au détriment du fixe. Le terminal

feuille a foi dans l’avenir. Sur la rive Est de l’Atlantique,

devient “smart”, il sert autant à s’informer, à réserver,

les grands acteurs européens sont court-termistes

REE N°1/2016 Z 127


Entre science et vie sociĂŠtale,

les ĂŠlĂŠments du futur Une publication de la

Edition/Administration : SEE - 17, rue de l’Amiral Hamelin - 75783 Paris cedex 16 TÊl. : 01 5690 3709 - Fax : 01 5690 3719 Site Web : www.see.asso.fr

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Impression : Jouve - 53100 Mayenne 136 Z REE N°1/2016

DĂŠpĂ´t lĂŠgal : mars 2016

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