2016 1 Numéro
EDITORIAL Le calcul à haute performance Ruptures et enjeux Gérard Roucairol
ÉNERGIE
TELECOMMUNICATIONS
MORE ELECTRIC AIRCRAFT
MEA'2015
DOSSIERS
SIGNAL
COMPOSANTS
AUTOMATIQUE
INFORMATIQUE
Cet aperçu gratuit permet aux lecteurs ou aux futurs lecteurs de la REE de découvrir le sommaire et les principaux articles du numéro 2016-1 de la revue, publié en janvier 2016. Pour acheter le numéro ou s'abonner, se rendre à la dernière page.
Des avions plus électriques
ISSN 1265-6534
L'ARTICLE INVITÉ
La lutte contre le réchauffement climatique passe par la prise en compte d’un prix du carbone Par Jacques Percebois
www.see.asso.fr
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EDITORIAL
D
GÉRARD ROUCAIROL
Le calcul à haute performance Ruptures et enjeux
e profondes ruptures sont en cours, tant technologiques qu’économiques ou d’usage, qui ont déjà, ou vont avoir, un impact considérable sur l’architecture des ordinateurs et la manière de s’en servir, sur la structure de l’industrie ainsi que sur les usages de la haute performance. Mais au-delà c’est l’ensemble de l’informatique et plus généralement du numérique qui est concerné tant il est vrai, et l’histoire l’a montré, que, dans tous les domaines, les applications existantes ont toujours besoin de faire plus et plus vite et que l’augmentation de la puissance de calcul rend possible de nouvelles applications. De ce point de vue, ce qui se passe dans le domaine du calcul intensif préfigure des évolutions profondes de l’ensemble des technologies et des marchés de l’informatique. Si on examine l’axe des évolutions technologiques, la rupture majeure provient du fait que l’augmentation de la puissance informatique ne peut plus désormais reposer sur l’accroissement de la fréquence des microprocesseurs. En effet l’augmentation considérable de la consommation électrique et de la dissipation thermique qui résulte de l’accroissement de cette fréquence ont conduit les fabricants de semi-conducteurs à limiter cette fréquence à 3 ou 4 GHz. La seule manière d’augmenter la vitesse d’un traitement informatique consiste donc à essayer d’effectuer en même temps, c’est-à-dire « en parallèle », plusieurs tâches que comporte ce traitement. Pour cela on va pouvoir bénéficier du processus encore soutenu de miniaturisation des transistors afin de disposer, sur un circuit intégré, de plusieurs cœurs de processeurs, à terme de plusieurs centaines, puis de regrouper ces circuits au sein de plusieurs dizaines de milliers de serveurs interconnectés au sein d’une même machine qui permettra d’atteindre des puissances extrêmes comme l’exaflop (le milliard de milliards d’opérations arithmétiques à la seconde). La mise en œuvre de telles architectures, dites « massivement parallèles », pose de nombreux problèmes technologiques pour limiter la consommation énergétique et pour assurer la résilience de ces architectures. Mais l’une des difficultés essentielles est liée à l’exploitation par le logiciel de telles architectures. Il va falloir concevoir des algorithmes capables de s’accommoder de niveaux très élevés de parallélisme ainsi
qu’écrire et mettre au point des programmes parallèles dont la complexité va croître de manière considérable. Cette difficulté est majeure et il faut constater que la très grande majorité des logiciels existants, qui sont séquentiels ou présentent un faible taux de parallélisme, ne peuvent absolument pas tirer parti de ces futures architectures. Il en résulte notamment que pour un industriel fournisseur de technologie, la taille de sa base installée n’est plus un garant de sa position future. En effet de nouveaux circuits intégrés de traitement vont devoir être inventés, de nouvelles architectures de machines vont être mises en œuvre, de nouveaux logiciels de base ou intergiciels vont devoir être conçus et de nouvelles applications vont devoir être créées de toute pièce sans que pour l’instant aucun standard n’existe. Compte tenu de la multiplicité des pistes technologiques qui vont conduire à l’élaboration des futurs systèmes informatiques, on peut aussi constater que la traditionnelle indépendance entre le matériel et le logiciel qui s’est décantée au bout de plusieurs dizaines d’années de développement des marchés de l’informatique, va être remise en cause. De nouveaux paramètres de changement de ce marché vont donc être introduits qui impacteront probablement très fortement l’industrie des progiciels et des services. Dans ce contexte, il est clair que des opportunités considérables apparaissent pour modifier en profondeur le jeu d’acteurs qui s’est installé au sein du marché mondial de l’informatique. Notre pays est bien placé pour tirer parti de ces opportunités. En effet la France est l’un des rares pays dans le monde et le seul en Europe à disposer d’acteurs industriels « leaders » qui couvrent une très grande partie de la chaîne de valeur du calcul intensif. Cette chaîne, qui va de la conception de supercalculateurs à des usages pionniers par de grands utilisateurs en passant par l’élaboration, la vente d’applications et le service, peut en outre tirer bénéfice d’une recherche technologique publique au meilleur niveau mondial. Si on analyse l’axe des évolutions d’usage du calcul à haute performance, on peut remarquer qu’historiquement c’est la simulation numérique qui a guidé le recours au calcul intensif et ceci dans quelques domaines d’application : la défense, la recherche, la météo pour le secteur public, l’industrie manufacturière (automobile, aéronautique) et l’énergie
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pour le secteur privé. De plus ces usages ont été principalement le fait de grandes organisations au sein de l’Etat ou de grandes entreprises du secteur privé. Les méthodes de simulation quant à elles ont le plus souvent reposé sur une modélisation mathématique aussi exacte que possible de processus physiques. Dans le futur, les trois paramètres que nous venons de citer (domaines d’application, méthodes de simulation, caractérisation des utilisateurs) vont évoluer très fortement pour démultiplier très largement les usages du calcul intensif. En ce qui concerne les méthodes, outre l’emploi d’algorithmes plus classiques de fouilles de données, la capacité de collecter des informations générées sur Internet en très grande quantité favorise l’éclosion de méthodes d’autoapprentissage. Ces méthodes rendues possibles par la puissance de calcul maintenant disponible, conduisent à une modélisation devenue statistique des processus à la source des données correspondantes (Big Data). Quelles que soient les méthodes de simulation utilisées, les domaines d’usage vont être très largement étendus à ceux par exemple de la santé, de l’urbanisation, de l’agroalimentaire, des matériaux, du multimédia, de l’analyse de risque, de l’analyse marketing, de la cosmétique, de la chimie, de la sociologie… Le déploiement des infrastructures de cloud, en transformant un coût d’investissement nécessairement élevé pour des supercalculateurs, en un coût de fonctionnement et d’achat de services à la demande, va permettre de « démocratiser »
l’accès au calcul intensif au bénéfice des PME et des ETI tout en accélérant la diversification des domaines d’applications. On le voit, les ruptures et opportunités associées à l’évolution du calcul à haute performance sont considérables tout autant que leurs impacts sur la structure de l’industrie tant utilisatrice que productrice de technologies. En France le plan industriel « Supercalculateurs » dont je suis le chef de file, est à même de positionner notre pays dans le groupe de tête de la compétition mondiale et ceci sur tous les plans : technologies matérielles, diversification des usages, diversification et élargissement des utilisateurs, formation. Au-delà il convient de préparer une évolution encore plus radicale qui va concerner les fondements mêmes du calcul informatique et les matériaux qui vont le mettre en œuvre. La recherche fondamentale doit absolument s’organiser au sein d’un effort à la fois significatif et multidisciplinaire pour préparer le futur du numérique et la place de notre pays dans ce domaine.
Gérard Roucairol a débuté sa carrière professionnelle comme professeur d’Informatique à l’université Pierre et Marie Curie, puis à l’université Paris Sud et enfin à l’Ecole normale supérieure. En 1984, il rejoint le groupe Bull pour en prendre la Direction scientifique et est à l’origine du repositionnement de Bull sur les supercalculateurs. Depuis 2009, il préside l’association Teratec. Il a été président de l’Académie des technologies et, depuis 2014, il préside le Conseil scientifique de l’Institut Mines-Télécom.
Une machine Bull du centre de calcul civil du CEA - © CEA/P.STROPPA
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sommaire Numéro 1
1
EDITORIAL Le calcul à haute performance - Ruptures et Enjeux Par Gérard Roucairol
p. 1
4
SOMMAIRE
6
FLASH INFOS
10 13 16 19 21 22
La propagation dans la troposphère pour les systèmes spatiaux de télécommunications à très haut débit en bandes Ka et Q/V Filtrage non-linéaire pour la navigation inertielle La technologie RF SOI dans 100% de nos smartphones Capteurs inertiels à atomes froids : principe et applications L’ordinateur quantique D-WAVE. Mythe ou réalité Un Wi-Fi pour l’internet des objets : le 802.11 ah Un stockage électrique par batteries de 10 MW mis en service en Irlande Une neuvième planète dans le système solaire ?
23
26 A RETENIR Congrès et manifestations p. 38
28 VIENT DE PARAÎTRE La REE vous recommande
30 ARTICLE INVITÉ La lutte contre le réchauffement climatique passe par la prise en compte d’un prix du carbone Par Jacques Percebois
38 LES GRANDS DOSSIERS Le démantèlement des installations nucléaires Introduction p. 70
Par Jean-Pierre Hauet
41
Le démantèlement des installations nucléaires à la Direction de l’énergie nucléaire du CEA Par Laurence Piketty
49
Plan opérationnel sur un chantier de démantèlement Par Cyril Moitrier, Samuel Blanchard, Yves Soulabaille
58
Recherche et innovation pour l’assainissement-démantèlement Par Christine Georges
p. 30
Photo de couverture : © Onera
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64
Optimiser globalement la gestion des déchets radioactifs de démantèlement Par Michel Dutzer, Frédéric Legée
CISEA’16 First Conference on Intelligent Systems & Electronic Applications IoT, smart sensors, smart power 70
Dossier MEA 2015 Des avions plus électriques Introduction Par Florent Christophe, Jean-Charles Gautherot
72
Dimensionnement optimal d’un réseau électrique aéronautique
80
Crédits photos : ©Tronico, Angers Loire Tourisme.
Par Djamel Hadbi, Xavier Roboam, Bruno Sareni, Nicolas Retière, Frédéric Wurtz
Key Drivers for Aeronautic Batteries Par Florence Fusalba, Jean Oriol, Eric Pinton
86
Electric Distributed Propulsion for Small Business Aircraft Par Jean Hermetz, Michael Ridel
96 GROS PLAN SUR … La mesure du temps aujourd’hui Par Emeric de Clercq, Thomas Zanon-Willette, Ouali Acef
107 RETOUR SUR ... L’introduction des antennes actives dans les chasseurs Le programme de coopération européen AMSAR Par Marc Leconte
115 ENSEIGNEMENT & RECHERCHE De fulgurantes innovations à Lille ? Par Pierre Giorgini
122 Echos de l’enseignement supérieur
June 7-9 2016 Angers, France
Par Bernard Ayrault
125 CHRONIQUE Propos de B. Ay, chroniqueur Par Bernard Ayrault
126 LIBRES PROPOS Le numérique… Que de questions ! Par Gérard Théry
131 SEE EN DIRECT
http://cisea2016.sciencesconf.org
La vie de l'association
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FLASHINFOS
La SEE décerne chaque année un certain nombre de Grands Prix destinés à récompenser et à faire connaître des travaux scientifiques et techniques de premier plan réalisés en France dans les domaines de sa compétence. Dans certains cas, la SEE s’allie à d’autres organismes pour sélectionner et honorer les lauréats. La cérémonie annuelle des Grands Prix 2015 a été présidée par François Gerin, président de la SEE, et Erich Spitz, membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie des technologies, président du Comité des Grades et Distinctions. La REE est heureuse de publier ci-après un ensemble d’articles écrits par les lauréats et destinés à présenter les travaux qui leur ont valu d’être distingués.
La propagation dans la troposphère pour les systèmes spatiaux de télécommunications à très haut débit en bandes Ka et Q/V Nicolas Jeannin Ingénieur de recherche Département Electromagnétisme et radar ONERA Toulouse Grand Prix de l’Electronique Général Ferrié 2015 décerné par la SEE Le Grand Prix de l’Electronique Général Ferrié récompense des travaux ayant contribué aux progrès de la radioélectricité, de l’électronique et de leurs applications. Décerné depuis 1949, il commémore les travaux du Général Ferrié, pionnier de l’utilisation de la radio auquel on doit des réalisations remarr quables telles que la liaison Côte d’Azur-Corse dès 1901 et la première station radiophonique commerr ciale de la Tour Eiffel.
Figure 1 : Schéma de principe d’un système satellitaire multi-faisceaux. nications par satellite sont saturées et ne sont pas suffisamment larges pour obtenir les capacités ciblées. A cet effet, une migration de ces systèmes depuis les bandes C (3-8 GHz) et Ku (11-17 GHz) vers la bande Ka (2030 GHz) ou Q/V (40-50 GHz) a été initiée il y a quelques années. Une illustration du principe de fonctionnement de ces systèmes est donnée dans la figure 1. Les stations sol de l’opérateur envoient un signal modulé contenant les don-
Systèmes de télécommunications par satellite
nées vers le satellite qui amplifie le signal et le transpose
à très haut débit et la bande Ka et Q/V
en fréquence pour le renvoyer vers les cellules de la cou-
Les systèmes de télécommunications par satellite
verture utilisateur desservies. Les utilisateurs dans cette
constituent l’une des possibilités pour assurer la fourni-
couverture se partagent le flux de données. Les bandes
ture de services multimédia haut débit aux zones non ou
de fréquence disponibles pour le système sont réutilisées
mal desservies par les réseaux de télécommunications
par les différentes stations sol, la directivité des antennes
terrestres. Il faut à cet effet qu’ils puissent proposer des
et l’espacement géographique permettant de limiter les
débits de données par utilisateur du même ordre de
interférences à un niveau raisonnable. Du côté utilisateur,
grandeur que ceux proposés par les réseaux terrestres, à
les faisceaux utilisent
un coût comparable. Cela requiert une capacité par satel-
bande disponible afin de limiter les interférences inter-
lite de plusieurs centaines de gigabits par seconde, sur
faisceaux. La réutilisation de fréquence est conçue pour
une zone de couverture continentale. Afin d’atteindre ce
que deux faisceaux utilisant la même fréquence ne soient
débit, il est nécessaire de pouvoir moduler l’information
pas adjacents.
uniquement une fraction de la
sur de larges bandes de fréquence. Les bandes de fré-
L’utilisation de la bande Q/V et Ka permet de limi-
quence utilisées traditionnellement par les télécommu-
ter le nombre de stations sol côté opérateur et de fais-
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FLASHINFOS
(a)
(b)
Figure 2 : Atténuation spécifique (dB/km) en fonction de la fréquence causée par les gaz (a) et par la pluie (b).
ceaux côté utilisateur, à un nombre raisonnable mais
dépolarisation et la scintillation, ont globalement tendance
suffisant pour obtenir les débits de données visés.
à augmenter fortement avec la fréquence et deviennent
En effet, la bande de modulation disponible est supé-
très sensibles au-delà de 10 GHz. L’oxygène et la vapeur
rieure d’au moins un ordre de grandeur à celle offerte
d’eau atmosphérique causent des atténuations pouvant al-
par les fréquences plus basses. Outre la problématique
ler jusqu’à quelques décibels en bande Q/V. En présence
liée au développement de composants RF spatiaux, les
d’hydrométéores (gouttelettes d’eau liquide nuageuse ou
fortes pertes de propagation dans la troposphère, particu-
gouttes de pluie), une fraction de la puissance des ondes
lièrement en présence de pluie, ont longtemps constitué
incidentes est absorbée ou diffusée (diffusion de Mie et
un frein à l’utilisation de ces bandes. En effet les pertes
Rayleigh suivant le rapport entre la longueur d’onde et la
atmosphériques augmentent avec la fréquence et ne
dimension de la particule). La variation en fonction de la
peuvent plus être compensées avec une marge statique
fréquence de ces atténuations spécifiques, dans diverses
de puissance pour assurer une disponibilité satisfaisante.
conditions atmosphériques est illustrée par la figure 2.
De ce fait, il est impératif d’utiliser des méthodes de
Les liaisons en bande Ka ou Q/V peuvent subir des
compensation adaptatives des affaiblissements. L’opti-
atténuations de plusieurs dizaines de décibels en pré-
misation de ces systèmes requiert une connaissance
sence de précipitations (ces liaisons ont généralement
statistique de ces affaiblissements de propagation. Cette
une longueur de parcours sous la pluie de 5 à 10 km).
connaissance peut être obtenue par le biais de mesures
En outre, en présence d’hydrométéores dissymétriques,
des fluctuations de puissance d’un signal émis par un
l’onde peut également être dépolarisée, ce qui est source
satellite induites par les variations des conditions météo-
d’interférence d’une polarisation orthogonale sur l’autre.
rologiques. Néanmoins, ces mesures sont spécifiques à
Par ailleurs, les fluctuations d’indice de réfraction dues
la géométrie de la liaison, à la zone climatique et à la
à la turbulence atmosphérique causent également une
fréquence et ont été conduites sur un nombre réduit de
scintillation qui se manifeste par des fluctuations rapides
sites. Par conséquent, en complément de ces mesures,
du signal.
des modèles capables de reproduire les caractéristiques
Pour évaluer la disponibilité d’une liaison terre-espace
statistiques de ces observations doivent être développés
en fonction de la marge disponible pour compenser ces
pour fournir des entrées aux simulateurs systèmes.
effets de propagation, des modèles ont été développés par la commission 3 de l’Union internationale des télé-
Effets de propagation dans la troposphère
communications, secteur Radiocommunication (UIT-R).
Les ondes électromagnétiques sont affectées par dif-
En bande Ku ces marges de puissance sont générale-
férents phénomènes lors de leur propagation dans la tro-
ment de quelques dB pour garantir une disponibilité de
posphère (couche inférieure de l’atmosphère), en fonc-
99,99 % en zone tempérée. Un exemple des marges
tion des conditions météorologiques. Ces phénomèmes,
nécessaires pour opérer un lien satellite à 50 GHz avec
à savoir l'atténuation dans les gaz et les hydrométéores, la
une disponibilité de 99,5 % est présenté figure 3.
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FLASHINFOS
conditions météorologiques mais seulement une baisse de la capacité de la liaison. Enfin, pour les réseaux de stations sol des opérateurs pour lesquels les liaisons sont susceptibles d’utiliser la bande Q/V, il est possible d’éviter dans la plupart des cas les indisponibilités en ajoutant au réseau une ou plusieurs stations sol de redondance, capables de prendre le relais d’autres stations sol. En effet ces stations sol sont espacées de plusieurs dizaines de kilomètres et les pertes de propagation sont faiblement corrélées. Dès lors la faible probabilité de subir de fortes précipitations et la combinatoire font que la probabilité d’avoir simultanéFigure 3 : Carte d’atténuation dépassée 0.5 % du temps sur l’Europe pour un lien avec un satellite géostationnaire à 50 GHz, calculée par la Rec. UIT-R P. 618 [1].
ment plus de stations sol avec de mauvaises conditions de propagation que de stations redondantes est extrêmement faible. Ces mécanismes de diversité permettent d’obtenir des disponibilités comparables à celles que l’on
Cette disponibilité de 99,5 % est déjà jugée insuffi-
pourrait obtenir à des fréquences plus basses [2].
sante pour la majorité des applications et nécessite pour
Ces différentes techniques adaptatives permettent de
être obtenue d’avoir en bande Q/V une marge de puis-
garder des disponibilités intéressantes. Néanmoins leur
sance dépassant la dizaine de décibels sur la majorité
dimensionnement requiert une connaissance des carac-
de l’Europe. Garder une telle marge de puissance pour
téristiques du canal de propagation, pour l’optimisation
compenser des affaiblissements qui sont peu fréquents
des boucles de contrôle ou pour l’estimation de perforr
(la probabilité de précipitations est proche de 5 % en
mances globales du système.
zone tempérée) est insoutenable vu les limitations de puissance à bord des satellites.
Modélisation du canal de propagation
Systèmes adaptatifs de compensation
pagation, différentes campagnes de mesures, visant à
des affaiblissements
mesurer à partir d’un récepteur au sol les fluctuations de
Pour acquérir cette connaissance du canal de pro-
Pour compenser ces pertes de propagation, sans pour autant utiliser une marge de puissance trop importante,
puissance d’un signal non modulé émis par un satellite (comme illustré par la figure 4), ont été menées.
différents mécanismes adaptatifs, ont été développés
Ces expérimentations permettent de caractériser les
pour s’accommoder de la montée en fréquence des trans-
propriétés statistiques du canal de propagation. Cepen-
missions par satellite.
dant, ces mesures sont insuffisantes pour le dimension-
La solution la plus intuitive consiste à faire varier la
nement système car elles ne couvrent pas l’ensemble
puissance d’émission en fonction des conditions de pro-
des configurations qui peuvent être rencontrées en
pagation. Néanmoins cette solution est limitée à quelques
termes de fréquence, élévation de la liaison et climat.
décibels dans la mesure où elle requiert un surdimensionnement coûteux des amplificateurs au sol ou à bord.
Pour pallier ces insuffisances, des modèles permettant de calculer les distributions d’affaiblissement pour
Une autre technique utilisée consiste à faire varier la
des liaisons avec des caractéristiques géographiques et
modulation et le codage de la liaison en fonction de l’état
radioélectriques arbitraires ont été développés et standar-
du canal de propagation. Ainsi en cas de dégradation de
disés par l’UIT-R comme illustré par la figure 3. Ces mo-
l’état du canal, des modulations et codages plus robustes,
dèles reposent sur l’utilisation de paramètres climatiques
permettant de s’accommoder de rapports signal à bruit
calculés sur des bases de données de réanalyses. Ces
plus faible, peuvent être utilisés. En contrepartie l’effica-
réanalyses météorologiques, comme celle du CEPMMT
cité spectrale de la liaison (débit d’information par unité
(Centre européen de prévision météorologique à moyen
de bande de modulation) et donc son débit sont dimi-
terme), sont calculées en rejouant sur de longues durées
nués. Cela permet dans la plupart des cas de ne pas avoir
des modèles météorologiques globaux contraints par les
une interruption totale du service en cas de mauvaises
observations météorologiques passées.
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L'ARTICLE INVITÉ
JACQUES PERCEBOIS Professeur émérite à l’université de Montpellier CREDEN et Chaire Economie du climat
La lutte contre le réchauffement climatique passe par la prise en compte d’un prix du carbone ABSTRACT CO2 emissions may be considered as a negative externality that must be taken into account in the energy choices. The COP21, held in Paris late 2015, did not adopt an explicit carbon price but prompted most countries of the world to commit to reductions in greenhouse gases, which leads to retain an implicit carbon price. It is first necessary to estimate the cost of reducing these emissions and the social value linked to this reduction of CO2 emissions. You must then choose which public policy is the most efficient tool: carbon tax, shadow price, quotas market, “cap and trade” system, “bonus-malus” system. The introduction of a carbon tax also raises equity issues within countries and between developed and developing countries. There are already countries where such systems, notably carbon taxes and quota markets, are in place. The introduction of a carbon tax of about 30 euros per ton of CO2 would allow to change the “merit order” power plants logic in Europe and to make natural gas plants more competitive than coal plants.
L
Introduction a dégradation du climat, qui se traduit en parr
propre, il a tendance à négliger ce qui lui est commun ». Il se préoccupe donc peu de l’intérêt des autres contemporains
ticulier par le réchauffement de la tempéra-
et encore moins de celui des générations suivantes. Il faut
ture moyenne du Globe, peut être considérée
dès lors développer l’information du public en montrant que
comme une externalité négative, au sens défini
l’intérêt des générations futures sera compromis si les géné-
par Arthur-Cecil Pigou (1920) ; cette externalité doit être in-
rations présentes ne prennent pas soin des ressources com-
ternalisée. Une externalité est un coût qui n’est pas répercuté
munes et c’est le rôle des « lanceurs d’alerte » ou de l’Etat. On
dans le prix des produits observé sur le marché et qui est à
peut parfois compter sur un sentiment altruiste des individus
la charge de la collectivité dans son ensemble. Le coût social
ou sur un sentiment de culpabilité qui en est l’autre face si
est alors supérieur au coût privé. Ignorer cela, c’est ne pas
rien n’est fait, mais cela ne suffit pas. La puissance publique
comptabiliser tous les coûts dans le processus de choix des
se doit d’intervenir pour « internaliser » ces externalités mais
investissements énergétiques et c’est donc faire des choix
elle doit le faire à un niveau mondial pour que ce soit efficace
infra-optimaux. Il faut donner une valeur, donc un prix, à la
puisque le problème est mondial.
tonne de carbone (ou à la tonne de CO2) qui n’est pas émise
Plusieurs questions se posent alors :
et qui ne dégradera pas l’environnement ou, ce qui revient au
s COMMENT ÏVALUER LE PRIX DU CARBONE
même, faire payer ce prix à ceux qui continueront à émettre
s COMMENT INTERNALISER L EXTERNALITÏ NÏGATIVE DUE Ì L ÏMISSION
du carbone. On raisonne en général par tonne de CO2 plutôt que par tonne de carbone. Rappelons qu’une tonne de carr bone équivaut à 3,666 tonnes de CO2. Les biens environnementaux mondiaux, que ce soient les ressources marines dans les eaux internationales, la biodiversité ou le climat, se caractérisent par une rivalité des agents au niveau de l’usage et par la « non-excluabilité » de ces agents puisque l’accès à ces ressources est généralement libre. La « Tragédie des Communs » de Hardin (1968)
DE CARBONE s DANS QUELLE MESURE LE COßT DU CARBONE ÏMIS EST IL AUjourd’hui pris en compte dans le calcul économique, suite à LA #/0 NOTAMMENT s QUEL POURRAIT ÐTRE L IMPACT D UN PRIX DU CARBONE SUR L ORDRE D APPEL DES CENTRALES ÏLECTRIQUES SUR LE RÏSEAU
Comment évaluer le prix du carbone ? Il existe plusieurs approches pour calculer la valeur d’une
insiste sur le fait que, pour de tels biens, il y a conflit entre
tonne de carbone ou d’une tonne de CO2 :
l’intérêt individuel et l’intérêt collectif. C’est le problème dit
1. L’approche en termes de « coût de dommage marginal
du « passager clandestin » (ou free rider) déjà mentionné par
évité » : c’est le bénéfice tiré d’une réduction des émis-
Aristote : « l’homme prend le plus grand soin de ce qui lui est
sions de CO2 pour la collectivité. On se limite avec cette
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L'ARTICLE INVITÉ
Figure 1 : Détermination du taux de taxation optimal en fonction de l’approche coût-bénéfice. approche aux avantages obtenus du fait de la réduction des émissions, indépendamment des coûts supportés
par unité de polluant déversé ; il a intérêt à payer la taxe si le coût unitaire de dépollution lui est supérieur.
mais il est souvent difficile de donner une valeur moné-
4. L’approche en termes de « prix notionnel » ou « prix
taire à ces avantages. Quelle est la valeur d’un site non
tutélaire » : c’est une valeur fixée « politiquement » par
INONDÏ OU D UNE RESSOURCE NATURELLE PROTÏGÏE /N RECOURT
la collectivité. Cela correspond à une vision téléologique
alors parfois à la méthode des « prix hédonistes » : on
ou normative des choix. Le décideur public peut fixer un
compare par exemple le prix d’un logement avec vue sur
prix arbitraire pour la tonne de carbone émise. Ce « prix
une forêt à celui d’un logement sans vue pour déterminer
fictif » (“shadow price” dans la littérature anglo-saxonne)
la valeur de cette forêt.
sert à orienter les choix d’investissement. Ce n’est pas un
2. L’approche en termes de « coût d’abattement » : c’est
prix réellement payé donc cela ne génère pas de rentrées
le coût supporté pour réduire les émissions de CO2 mais
fiscales pour la collectivité, mais cela sert à pénaliser les
il convient alors de distinguer le coût total, le coût moyen
investissements émetteurs de CO2. Beaucoup d’opéra-
et le coût marginal de cet abattement. C’est le coût mar-
teurs énergétiques recourent aujourd’hui à cette approche
ginal qui guide les comportements. Au-delà d’un certain
(cas du pétrolier Total par exemple). Le rapport Nicholas
seuil de réduction, le coût marginal d’abattement s’accroît
Stern (2007) avait proposé une valeur tutélaire de 150
très rapidement. C’est une approche de type coût-effica-
à 200 USD /t de CO2 et le rapport Quinet (2009) une
cité puisque l’on se donne un objectif de réduction des
valeur de 100 F/t de CO2. On est loin des chiffres obser-
émissions considéré ne varietur et que l’on calcule le coût
vés sur le marché européen du CO2 (7 à 8 F/t de CO2).
marginal et par ricochet le coût moyen et le coût total des
Cette valeur tutélaire peut se transformer en taxe carbone
efforts entrepris pour atteindre l’objectif (Keller 2009).
si la puissance publique décide de l’imposer aux divers
3. L’approche en termes de « valeur sociale du carbone » :
opérateurs ; le recouvrement de la taxe fournira alors des
on procède à une analyse coûts-avantages en déterminant
recettes publiques qui pourront être affectées au finan-
le point d’intersection entre la courbe de coût marginal
cement de certaines actions environnementales. Mais si
d’abattement et la courbe de bénéfice marginal lié aux
l’Etat demeure maître du prix, il ignore au départ l’impact
émissions évitées. Cela revient à utiliser simultanément
que cette taxe aura sur la quantité des émissions puisqu’il
les deux approches précédentes. On a intérêt à réduire les
existe en général une incertitude sur l’allure de la courbe
émissions de CO2 jusqu’au point où le bénéfice marginal
de coût marginal de réduction des émissions.
de la réduction est égal au coût marginal de cette réduc-
5. L’approche en termes de « prix du marché » : c’est le
tion. En pratique il existe une asymétrie car la courbe du
cas lorsque la valeur du carbone est fixée par le marché
bénéfice marginal est plus difficile à tracer que celle du
du CO2. La collectivité publique fixe un volume d’émis-
coût marginal. Cette approche coût-bénéfice est illustrée
sions de CO2 à ne pas dépasser et autorise les émetteurs
dans le schéma donné figure 1. Elle fournit le taux optimal
à échanger leurs quotas via des certificats. On déterminera
de taxation : un pollueur a intérêt à dépolluer tant que le
ainsi ex post le niveau du prix d’équilibre de la tonne de
coût unitaire de dépollution est inférieur à la taxe payée
CO2. Cela concerne par exemple les électriciens et certains
REE N°1/2016 Z 31
L'ARTICLE INVITÉ
industriels en France qui se voient attribuer un volume de
de coût marginal d’abattement. En pratique plusieurs solu-
quotas gratuits. Le prix du CO2 est fixé par la rencontre entre
tions sont alternativement ou conjointement utilisées :
la demande et l’offre de certificats de CO2 sur ce marché. En
1. La réglementation c’est-à-dire la fixation de normes.
cas de non-respect des quotas, des amendes sont prévues.
L’Etat fixe des normes de pollution et doit sanctionner ceux
Si l’amende est libératoire, elle correspond au prix-plafond
qui ne respectent pas les normes. Ce système est coûteux
du certificat ; le pollueur préfèrera payer l’amende plutôt
puisqu’il faut faire des contrôles et il n’incite pas les pol-
que d’acheter des certificats dont le prix serait supérieur à l’amende. Si l’amende n’est pas libératoire, le pollueur qui a
lueurs à faire mieux que la norme. 2. L’instauration d’une taxe carbone par les pouvoirs pu-
pollué sans quota devra à la fois payer l’amende et acquérir
blics : chaque tonne de CO2 émise supporte la taxe, ce
des quotas sur le marché. Une partie des quotas attribués
qui incite les pollueurs à réduire leurs émissions tant que
au départ peut être gratuite mais ce n’est pas le cas pour
le coût de réduction demeure inférieur à la taxe. La fixa-
tous les quotas. C’est le système mis en place au sein de
tion d’un prix du carbone détermine le montant optimal de
l’Union européenne avec le marché européen d’échange
pollution. Deux approches sont alors possibles à l’échelle
des quotas (European Trading System ou ETS). C’est aussi
mondiale :
le cas du Mécanisme de Développement Propre associé au
- une taxe sur le CO2 unique et applicable à tous les pays
protocole de Kyoto : des investissements réalisés dans des
et/ou tous les secteurs d’activité ; mais cela soulève un
pays en développement pour réduire les émissions de CO2
problème d’équité : il faut prévoir des compensations
peuvent être comptabilisés comme des efforts de réduc-
sous forme de transferts monétaires pour les pays et/
tion dans le pays de départ. Les échanges de quotas fixent
ou les secteurs qui subiraient de trop fortes hausses de
ainsi le prix du carbone sans que l’on sache a priori quel
leurs coûts de production. On peut par exemple envisa-
sera ce prix (Cf. Hansen et Percebois 2015). A noter qu’une
ger de créer un « Fonds Vert » pour permettre aux pays
« banque centrale » peut, comme sur le marché monétaire,
en développement de supporter ces coûts de réduction
intervenir pour faire monter ou baisser le prix d’équilibre en
des émissions ; c’est le cas du « Fonds Vert » de 100 Md
achetant ou en vendant des certificats (logique dite “d’open
USD promis à Lima en décembre 2014 et qui a été au
market”).
cœur des débats de la COP 21 en décembre 2015.
Comment internaliser le prix du carbone ? Il existe plusieurs façons de prendre en compte en
- une taxe sur le CO2 différenciée selon les pays et/ou les secteurs pour permettre de tenir compte des spécificités de chaque pays et/ou de chaque secteur.
pratique le prix du carbone dans le calcul économique et
Une question se pose ensuite : quelle affectation faut-il
cette question a soulevé de nombreux débats théoriques.
donner à cette taxe ; faut-il réduire en contrepartie d’autres
A. C. Pigou militait pour l’instauration d’une taxe correspon-
IMPÙTS OU TAXES 3I OUI LESQUELS &AUT IL L AFFECTER Ì DES INIMPÙTS OU TAXES 3I OUI LESQUELS &AUT IL L AFFECTER Ì DES IN-
dant au coût supporté par les victimes des externalités ;
vestissements dans l’efficacité énergétique ou la promotion
40 ans plus tard, Ronald Coase (1960) a critiqué la « taxe
D ÏNERGIES NON CARBONÏES CARBONÏES #HAQUE SOLUTION VA ENGENDRER
pigouvienne » et a proposé d’attribuer des droits de propriété
des effets distributifs qu’il faut examiner ; certains agents se-
de l’environnement aux agents économiques, ces droits pou-
ront gagnants, d’autres perdants. Compenser la taxe carbone
vant donner lieu à échange sur un marché. Les pollueurs
par une réduction de l’impôt sur le revenu, une baisse de la
disposent d’un quota d’émissions
qu’ils ne peuvent pas
CSG ou une baisse de la TVA n’aura pas les mêmes effets
dépasser mais rien ne les empêche d’acheter des quotas à
sur les diverses catégories sociales. Utiliser le produit de la
d’autres agents ou de vendre leurs quotas s’ils ne les utilisent
taxe pour promouvoir le photovoltaïque ou favoriser les éco-
pas. Le système génère des coûts de transaction mais évite
nomies d’énergie dans l’habitat n’aura pas le même impact
certains effets pervers liés à l’instauration d’une taxe uni-
sur l’économie. Les effets d’une taxe carbone sur le revenu
forme (hausse des prix TTC) car cela permet une meilleure
des ménages dépendent de la part du revenu affecté aux
allocation des ressources. Le débat a été relancé en 1974
dépenses énergétiques et diverses études ont montré que
par Weitzman qui a démontré qu’en situation d’incertitude
les ménages les plus modestes sont ceux qui supporteront
concernant la forme des courbes de coûts et d’avantages,
la charge relative la plus forte, ceci en raison principalement
l’approche par les quantités (quotas) est collectivement pré-
des coûts liés au chauffage et au transport (Keller, 2009).
férable lorsque la pente de la courbe de coût marginal des
On peut faire le même type d’observation lorsque l’on com-
dommages est supérieure à celle de la courbe de coût marr
pare la situation des pays en développement à celle des pays
ginal de réduction des émissions ; et inversement l’approche
industrialisés. Une taxe carbone uniforme au niveau mon-
par les prix (la taxe) est préférable si la pente du coût margi-
dial aurait un impact relatif plus fort sur le prix du ciment en
nal des dommages est plus faible que la pente de la courbe
Inde comparativement à ce que l’on observerait en Europe et
32 Z REE N°1/2016
LES GRANDS DOSSIERS
Introduction
Le démantèlement des installations nucléaires Le démantèlement des installations
Comme dans toute opération de
nucléaires vise à en réduire la pollution,
déconstruction, le problème ne se cir-
radioactive ou non, jusqu’à des niveaux
conscrit pas à la remise en état des
considérés comme étant sans risque
sites concernés. Se pose également le
pour l’homme et pour l’environnement,
problème du traitement, du recyclage
compte tenu des prévisions de réuti-
ou du stockage des produits de dé-
lisation des sites ou bâtiments et en
construction dont certains vont conser-
l’état de la réglementation.
ver pendant une période plus ou moins Jean-Pierre Hauet
En France, ce sont les exploitants
longue un niveau de radioactivité significatif. La stratégie de démantèlement
nucléaires qui ont la responsabilité de mener l’en-
doit donc être conçue en fonction de la façon dont
semble des opérations nécessaires, dont l’ampleur
les déchets pourront être conditionnés, transpor-
dépend de l’utilisation future du site. Ces opérations
tés, traités, réutilisés et le cas échéant stockés.
doivent être menées dans des délais aussi courts que possible, dans des conditions économiquement
Au niveau national, les grands acteurs de la
acceptables. Elles sont cependant complexes et
stratégie de démantèlement sont d’une part les
longues, avec des échéances parfois lointaines qui
établissements exploitant ou ayant exploité des
nécessitent la mise en œuvre par les exploitants de
installations nucléaires de base : EDF, AREVA et le
véritables stratégies techniques et financières.
CEA et d’autre part l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs).
Ces opérations sont essentielles à plusieurs titres : Au sein d’EDF, 12 installations nucléaires sont
s ELLES MARQUENT LE POINT lNAL DE LA VIE D UNE INSson
aujourd’hui arrêtées1 correspondant à quatre fi-
déclassement après que toutes les mesures
lières différentes : Brennilis (réacteur à eau lourde
d’assainissement ont été prises, y compris celles
fonctionnant à l’uranium non enrichi), les réacteurs
concernant l’état des sols ; il est donc plus correct
graphite-gaz, Superphénix et le réacteur de Chooz
de parler « d’assainissement – démantèlement »
A, tête de série du démantèlement de la filière des
que de « démantèlement » ;
réacteurs à eau pressurisée.
tallation
nucléaire
en
rendant
possible
s ELLES METTENT EN JEU DES TECHNOLOGIES DÏLICATES Chez AREVA, ce sont sept installations qui sont
commençant par une évaluation aussi précise que possible de la situation, préalable indispensable à
actuellement arrêtées dont l’usine de la Hague
la définition d’une stratégie répondant aux spéci-
UP2 800 et l’usine Georges Besse 1, mise à l’arrêt
ficités de l’installation ; s MÐME SI ELLES DOIVENT ÐTRE MENÏES Ì BIEN DANS
en 2012 et qui devrait être progressivement démantelée entre 2020 et 2032.
un délai aussi court que possible après l’arrêt de l’installation, elles s’étalent nécessairement sur
Au sein du CEA, la situation est particulièrement
le « temps long » (20 ans, 30 ans, voire plus) afin
complexe du fait de la diversité des installations,
notamment de permettre et de faciliter la manipu-
souvent construites dans les premiers temps de
lation des éléments les plus radioactifs ;
l’épopée du nucléaire français, à une époque où les
s ELLES CORRESPONDENT Ì DES DÏPENSES IMPORTANTES
règles de construction et d’exploitation n’avaient
difficiles à chiffrer avec précision, compte tenu d’un
pas la rigueur qu’on leur connaît aujourd’hui. Vingt
retour d’expérience encore limité ;
deux installations nucléaires civiles, la plupart des
s LEUR BON DÏROULEMENT EST UN ÏLÏMENT CLÏ DE LA confiance que l’on peut porter à la filière nucléaire dans son ensemble.
38 Z REE N°1/2016
1
Les chiffres qui suivent, relatifs au nombre d’installations arrêtées ou en exploitation, sont extraits du rapport 2014 de la Cour des Comptes sur le coût de production de l’électricité nucléaire.
Introduction
installations de recherche, seraient ainsi arrêtées au
LES GRANDS DOSSIERS
faible que la Cour des comptes évaluait en 2014, par
sein du Commissariat dont les sites emblématiques
la méthode du coût courant économique (CCE), aux
de Fontenay-aux-Roses et de Marcoule, l’un et
environs de 1,6 % du coût de production du kWh
l’autre ayant servi de berceaux au nucléaire français.
nucléaire, dans l’hypothèse d’une durée de vie de tous les réacteurs de 50 ans2. C’est dire qu’un ajus-
Au total, ce sont plus d’une trentaine d’installa-
tement à la hausse des charges de démantèlement,
tions qui sont effectivement engagées dans la voie
fût-il significatif, n’affecterait pas notablement la ren-
du démantèlement avec des problématiques très
tabilité économique de la filière nucléaire.
diverses et des calendriers qui s’étalent jusqu'au delà de 2030. Pour les installations EDF déjà arrê-
L’ensemble des opérations de démantèlement
tées, il était estimé à fin 2011 que l’avancement
se fait sous le contrôle étroit de l’ASN (Autorité de
physique de leur démantèlement était de 32,7 %.
sûreté nucléaire) qui émet périodiquement des avis sur les prescriptions à respecter et instruit les
Puis viendra, le moment venu, le démantèle-
demandes de déclassement des installations nu-
ment des installations en exploitation aujourd’hui :
cléaires, en application de l’article 40 du décret du
62 pour EDF (dont 58 réacteurs), 11 pour Areva
20 novembre 2007. Le Parlement exerce également
et 22 pour le CEA. L’enjeu financier de ces opéra-
un contrôle vigilant de ces activités, dans le cadre
tions est important ; il a été estimé par la Cour des
de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence
comptes, à la fin 2013, à 22 448 MF en charges
et à la sécurité en matière nucléaire. La loi sur la
restantes pour les 74 installations d’EDF concer-
transition énergétique et la croissance verte du
nées dont 2 890 MF pour les 12 déjà arrêtées et
17 août 2015 a précisé et renforcé dans son article
19 558 MF pour celles qui le seront un jour. En
127 les clauses applicables à l’arrêt définitif, au dé-
ordre de grandeur, il est estimé que le coût de
mantèlement et au déclassement des installations
démantèlement d’un site standard de quatre réac-
nucléaires de base.
teurs de 900 MW s’élève à 1 MdF. Même si la plupart des chantiers engagés sont Pour Areva, les charges restantes de démantè-
encore loin d’être achevés, il existe dès à présent une
lement sont évaluées à 7 873 MF dont 5 045 MF
diversité d’expériences qui permet de comparer les
pour les installations en exploitation. Au sein du
méthodes et de valider les techniques. L’industrie
CEA, ces charges sont estimées pour les installa-
française s’est ainsi d’ores et déjà constituée une base
tions civiles à 3 789 MF dont 1 245 MF pour les
de références solide dans le domaine du démantè-
installations en exploitation.
lement, véritable domaine technologique de pointe associant des compétences très diverses en matière
Au total, selon la Cour des comptes, l’enjeu
de réalisation d’opérations délicates en milieu hos-
du démantèlement est, « en reste à payer », de
tile (simulation numérique des stratégies, robotique,
34,3 MdF pour l’ensemble des installations concer-
découpe…), d’évaluation et de décontamination des
nées. Ce chiffre peut paraître très élevé, d’autant
sols, de caractérisation, conditionnement, transport
plus qu’il donne fréquemment matière à débat,
et stockage des effluents et des déchets, etc.
ayant été revu plusieurs fois à la hausse au cours des années qui précèdent. Cependant, cet effort
On conçoit que ces opérations nécessitent la
donne lieu à la constitution de provisions sur plu-
mise au point d’outils, de méthodes et de moyens
sieurs dizaines d’années dont le montant est régu-
très innovants dont certains ont d’ailleurs pu être
lièrement analysé avec la plus grande attention par
testés dans le cadre des opérations qui ont fait suite
la Cour des comptes. Les provisions constituées à
à l’accident de Fukushima. Elles nécessitent égale-
fin 2013 atteignaient 19,6 MdF et sont incrémen-
ment des personnels très qualifiés et entraînés à
tées de 515 MF chaque année.
mener, sans précipitation, des opérations difficiles dans un environnement hostile.
Au total, rapportées au coût total moyen de production du parc nucléaire, les charges de démantèlement n’en constituent finalement qu’une part assez
2
Le chiffre de 1,6 % n’a trait qu’au démantèlement proprement dit. L’ensemble des charges futures, incluant la gestion des déchets et du combustible usé conduit à 7,5 %.
REE N°1/2016 Z 39
LES GRANDS DOSSIERS
Introduction
Le présent dossier, publié en deux parties, vise à
les recherches en cours dans le domaine de l’assai-
montrer la contribution de nos grands acteurs dans
nissement-démantèlement et les avancées tech-
ce domaine où la France s’est déjà forgé une forte
nologiques auxquelles on peut s’attendre au cours
réputation. Un premier article de Laurence Piketty, y
des prochaines années. En fin, un article de Michel
directrice de l’assainissement et du démantèle-
Dutzer, r directeur industriel adjoint de l’Andra et
ment nucléaire au CEA, présente la problématique
Frédéric Legée, adjoint au directeur industriel de
et la stratégie générale du démantèlement au sein
l’Andra, explique comment il est possible d’opti-
du CEA. Un deuxième article, de Cyril Moitrier, r
miser l’optimisation de la gestion des déchets en
Samuel Blanchard et Yves Soulabaille, présente
concevant et en menant les opérations de démantè-
l’avancement des grands chantiers d’assainissement
lement de façon coordonnée avec celles de prise en
et de démantèlement au sein du CEA, en prenant
charge, de valorisation ou de stockage des déchets.
l’exemple des installations de Marcoule, site historique de l’industrie nucléaire française où le programme UP1 constitue l’un des plus grands chantiers de démantèlement du monde. Un
Jean-Pierre Hauet est ingénieur au corps des Mines. Il est associate partner de KB Intelligence. Au cours de sa carrière, il a dirigé les Laboratoires de Marcoussis
Dans un prochain numéro, nous publierons deux articles sur la stratégie d’EDF en matière de démantèlement et sur
du groupe Alcatel-Alsthom et a été Chief
les premiers retours d’expé-
troisième article, de Christine
Technology Officer du Groupe ALSTOM.
rience du démantèlement de
Georges, chef de programme
Il est membre émérite de la SEE et rédacc
Chooz A, installation-pilote en
R&D pour l’assainissement-dé-
teur en chef de la REE.
matière de démantèlement des
mantèlement au CEA, décrit
réacteurs à eau pressurisée. Q
LES ARTICLES
Le démantèlement des installations nucléaires à la Direction de l’énergie nucléaire du CEA Par Laurence Piketty ...................................................................................................................................................... p. 41 Les chantiers d’assainissement et de démantèlement du CEA Exemple d’un des lots du programme UP1 de Marcoule Par Cyril Moitrier, Samuel Blanchard, Yves Soulabaille .............................................................................. p. 49 Recherche et innovation pour l’assainissement-démantèlement Par Christine Georges ................................................................................................................................................... p. 58 Optimiser globalement la gestion des déchets radioactifs de démantèlement Par Michel Dutzer, Frédéric Legée ......................................................................................................................... p. 64
40 Z REE N°1/2016
LE DÉMANTÈLEMENT DES CENTRALES NUCLÉAIRES
DOSSIER 1
Figure 1 : Opération de découpe d’une cuve dans un sas chantier d’une installation du CEA Saclay en cours de démantèlement. Crédit photo : CEA.
Le démantèlement des installations nucléaires à la Direction de l’énergie nucléaire du CEA Par Laurence Piketty Directrice de l’Assainissement et du démantèlement nucléaire au CEA Since its creation in 1945, CEA has carried out research programs on civil use of nuclear. CEA has set up and operates various types of installations from research to industry. There are currently 22 facilities which are in the process of being dismantled by CEA. Dealing with these installations is a long-term programme which is carefully planned and financed in order to optimise its management. The stake for dismantling is to show that we manage rigorously the fuel cycle « back end » with dismantling of shutdown nuclear facilities and also retrieval, conditioning of legacy wastes. CEA’s objective is to carry out its entire Dismantling and Decommissioning program in respect of safety, security, cost and duration with the priority to dismantle the nuclear facilities enclosed in cities, like Grenoble and Fontenay- aux-Roses and to dismantle UP1 processing facility in Marcoule, which is one of the biggest D&D project in France and in Europe. The CEA’s strategy is carried out under the umbrella of two 2006 laws: Transparency and Nuclear Safety and Waste management. The feedback experience of CEA could benefit for future dismantling projects, in France and abroad. CEA has also been developing R&D actions for specific issues such as characterization or operation in hostile environment. CEA is convinced that management of the nuclear facilities end-of-life is a key issue for public acceptance.
ABSTRACT
REE N°1/2016 Z 41
DOSSIER 1
LE DĂ&#x2030;MANTĂ&#x2C6;LEMENT DES CENTRALES NUCLĂ&#x2030;AIRES
Introduction Les catĂŠgories de dĂŠchets radioactifs
Les activitĂŠs dâ&#x20AC;&#x2122;assainissement et de dĂŠmantèlement des installations nu-
Il existe quatre grandes catĂŠgories de dĂŠchets radioactifs en fonction de leur
clĂŠaires en ďŹ n de vie constituent pour la
niveau de radioactivitĂŠ et de leur durĂŠe de vie :
ďŹ lière nuclĂŠaire un enjeu majeur, dont le
s 4&! TRĂ&#x2019;S FAIBLE ACTIVITĂ? DU VOLUME DES DĂ?CHETS RADIOACTIFS PRODUITS EN
bon dĂŠroulement confortera la crĂŠdibilitĂŠ
France) ;
de la ďŹ lière dans sa capacitĂŠ Ă mener Ă
s &-! 6# FAIBLE ET MOYENNE ACTIVITĂ? Ă&#x152; VIE COURTE DE CE VOLUME
bien lâ&#x20AC;&#x2122;ensemble du cycle de vie des ins-
s &! ET -! 6, FAIBLE ET MOYENNE ACTIVITĂ? Ă&#x152; VIE LONGUE PRĂ&#x2019;S DE
tallations nuclÊaires. Le dÊmantèlement
s (! 6, HAUTE ACTIVITĂ? Ă&#x152; VIE LONGUE REPRĂ?SENTANT DE LA RADIOACTIVITĂ?
reprĂŠsente ĂŠgalement un enjeu tech-
TOTALE DES DĂ?CHETS MAIS SEULEMENT DE LEUR VOLUME
nique, industriel et ďŹ nancier considĂŠrable.
,ES DĂ?CHETS 4&! ET &-! 6# SONT RESPECTIVEMENT Ă?VACUĂ?S VERS LES CENTRES
En France, de nombreuses instal-
de Morvilliers et de Soulaines, gĂŠrĂŠs par lâ&#x20AC;&#x2122;Agence nationale de gestion des
lations nuclĂŠaires (rĂŠacteurs de production dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠlectricitĂŠ ou expĂŠrimentaux,
dĂŠchets radioactifs (Andra). 0OUR LES -! 6, ET (! 6, IL N EXISTE PAS ENCORE DE SOLUTION OPĂ?RATIONNELLE
installations du cycle du combustible,
de gestion dĂŠďŹ nitive. Ils sont actuellement conditionnĂŠs et entreposĂŠs par leurs
laboratoires, installations de traitement
producteurs, dans lâ&#x20AC;&#x2122;attente dâ&#x20AC;&#x2122;un site de stockage dĂŠďŹ nitif. Ă&#x20AC; terme, ils devraient
dâ&#x20AC;&#x2122;efďŹ&#x201A;uents ou de dĂŠchets radioactifs, etc.)
ĂŞtre stockĂŠs dans des formations gĂŠologiques Ă grande profondeur. Câ&#x20AC;&#x2122;est le
ont ĂŠtĂŠ construites depuis les annĂŠes 50.
projet CigĂŠo dont lâ&#x20AC;&#x2122;Andra est maĂŽtre dâ&#x20AC;&#x2122;ouvrage. Il en va de mĂŞme pour les dĂŠ-
Les plus anciennes sont progressivement
chets FA-VL pour lesquels lâ&#x20AC;&#x2122;Andra ĂŠtudie un projet de stockage en subsurface.
arrêtÊes, puis dÊmantelÊes. En 2013, le parc nuclÊaire français
EncadrĂŠ 1 : Les catĂŠgories de dĂŠchets radioactifs radioactifs.
ĂŠtait composĂŠ de 125 installations, dont plus dâ&#x20AC;&#x2122;une trentaine en cours de dĂŠmantèlement, principalement au CEA, chez
règles de sÝretÊ et de minimisation de
nissement et du dÊmantèlement de 22 INSTALLATIONS NUCL�AIRES SUR UN TOTAL DE
EDF et AREVA :
lâ&#x20AC;&#x2122;impact sur l'environnement. Ceci doit
s DES INSTALLATIONS DE RECHERCHE ET DĂ?VE-
aussi ĂŞtre conduit dans une optique de
soit près des deux tiers des installations
loppement (R&D) Ă Grenoble, Fontenay-
dĂŠveloppement durable et dans une
françaises en cours de dÊmantèlement.
aux-Roses, Marcoule, Saclay (ďŹ gure 1) et
logique de maĂŽtrise des coĂťts Ă termi-
Lâ&#x20AC;&#x2122;ensemble des opĂŠrations dâ&#x20AC;&#x2122;assai-
Cadarache pour le CEA civil ;
naison et de tenue des dĂŠlais, en tirant
nissement-dÊmantèlement, de RCD, de
sur ce dernier point le bĂŠnĂŠďŹ ce du retour
traitement/entreposage/transport
dâ&#x20AC;&#x2122;expĂŠrience des travaux rĂŠalisĂŠs.
dĂŠchets, matières, efďŹ&#x201A;uents et combus-
gaz, SuperphĂŠnix et un rĂŠacteur Ă eau
Ces opĂŠrations recouvrent :
tibles usĂŠs, reprĂŠsentent en tout pour le
pressurisĂŠe (Chooz A) ;
s LE DĂ?MANTĂ&#x2019;LEMENT DES INSTALLATIONS
CEA-DEN plus de 100 projets, de gra-
s NEUF RĂ?ACTEURS POUR %$& "RENNILIS SIX rĂŠacteurs
uranium
naturel-graphite-
s LES USINES 50 Ă&#x152; ,A (AGUE ET Eurodif pour AREVA. Le dĂŠmantèlement couvre la rĂŠalisation des activitĂŠs techniques et admi-
arrĂŞtĂŠes ;
des
nulomĂŠtries diffĂŠrentes. Ils sont menĂŠs
s LA REPRISE ET LE CONDITIONNEMENT DES
de front, avec une prioritĂŠ donnĂŠe aux
dĂŠchets (RCD), des efďŹ&#x201A;uents anciens
opĂŠrations conduites sur les sites CEA
et des combustibles usĂŠs ;
de Fontenay-aux-Roses et de Marcoule,
nistratives pour atteindre un ĂŠtat ďŹ nal
s L Ă?VACUATION DES DĂ?CHETS VERS LES EXU-
notamment sur lâ&#x20AC;&#x2122;ancienne usine de trai-
prĂŠdĂŠďŹ ni. Ces activitĂŠs comprennent
toires ou lâ&#x20AC;&#x2122;entreposage sur sites en
tement des combustibles usĂŠs appelĂŠe
notamment des opĂŠrations de dĂŠmon-
attente du stockage dĂŠďŹ nitif.
50 1, ainsi quâ&#x20AC;&#x2122;aux opĂŠrations de reprise
tage dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠquipements, dâ&#x20AC;&#x2122;assainissement des locaux et des sols, de dĂŠmantèlement de structures de gĂŠnie civil, de traitement, de conditionnement, dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvacuation et dâ&#x20AC;&#x2122;entreposage de dĂŠchets radioactifs.
PĂŠrimètres de lâ&#x20AC;&#x2122;assainissement-dĂŠmantèlement et de la reprise et du conditionnement des dĂŠchets anciens au CEA-DEN
Lâ&#x20AC;&#x2122;objectif prioritaire pour mener Ă
Aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui, la Direction de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠnergie
bien ces opÊrations de dÊmantèlement
nuclĂŠaire du CEA (CEA-DEN) est res-
consiste Ă les piloter dans le respect des
ponsable sur les centres civils de lâ&#x20AC;&#x2122;assai-
42 Z REE N°1/2016
et conditionnement des dĂŠchets anciens menĂŠes Ă Marcoule et Ă Cadarache. 1
UP1, mise en service en juillet 1958 Ă Marcoule et exploitĂŠe jusquâ&#x20AC;&#x2122;en 1997, avait ĂŠtĂŠ construite au dĂŠpart pour retraiter le combustible des rĂŠacteurs G1, G2 et G3 et en rĂŠcupĂŠrer le plutonium pour des usages militaires. Dès 1965, les activitĂŠs civiles de lâ&#x20AC;&#x2122;usine UP1 ont dĂŠbutĂŠ avec le retraitement des combustibles nuclĂŠaires de la ďŹ lière uranium naturel graphite-gaz.
Le dĂŠmantèlement des installations nuclĂŠaires Ă la Direction de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠnergie nuclĂŠaire du CEA
Ces activitĂŠs mobilisent plus de 850
celles de la gestion des combustibles
s L Ă?VOLUTION s L Ă?VOLUTION DES COĂ&#x;TS DE STOCKAGE DES
salariĂŠs du CEA et entre 2 000 et 2 500
usĂŠs et dĂŠchets radioactifs, de constituer
dĂŠchets radioactifs, en particulier du
salariĂŠs dâ&#x20AC;&#x2122;entreprises prestataires, selon
les provisions affĂŠrentes et dâ&#x20AC;&#x2122;affecter Ă
PROJET #IGĂ?O POUR LES DĂ?CHETS (! ET
les annĂŠes.
titre exclusif Ă la couverture de ces pro-
MA-VL, et des spĂŠciďŹ cations de condi-
visions les actifs nĂŠcessaires, prĂŠsentant
tionnement des dĂŠchets. Il existe par
un degrĂŠ de sĂŠcuritĂŠ et de liquiditĂŠ sufďŹ -
exemple un risque de non-acceptation
sant pour rĂŠpondre Ă leur objet.
de certains colis de dĂŠchets MA-VL
Des installations variĂŠes en termes dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠchelles et de spĂŠciďŹ citĂŠs techniques
0OUR RĂ?PONDRE Ă&#x152; CES OBLIGATIONS L ÂĄTAT 0OUR RĂ?PONDRE Ă&#x152; CES OBLIGATIONS L ÂĄTAT
ainsi quâ&#x20AC;&#x2122;un risque de dĂŠcalage de la
En parallèle, la Direction des applica-
et le CEA ont mis en place des modalitĂŠs
mise en service industrielle du stoc-
tions militaires (DAM) du CEA conduit
de gestion de fonds dĂŠdiĂŠs et des procĂŠ-
kage CigĂŠo ; la dĂŠcision de construire
elle aussi des chantiers dâ&#x20AC;&#x2122;assainissement-
dures associĂŠes : le ďŹ nancement de ces
un site de subsurface pour les colis
dÊmantèlement sur les installations du
fonds est rĂŠgi par une convention-cadre
de dĂŠchets FA-VL nâ&#x20AC;&#x2122;a par ailleurs pas
CEA relevant de sa responsabilitĂŠ.
ENTRE L ÂĄTAT ET LE #%!
encore ĂŠtĂŠ prise ;
La spĂŠciďŹ citĂŠ du CEA-DEN rĂŠside
Des incertitudes signiďŹ catives sub-
s LES Ă?VOLUTIONS DE LA DĂ?lNITION DE L Ă?TAT s LES Ă?VOLUTIONS DE LA DĂ?lNITION DE L Ă?TAT
dans la grande variĂŠtĂŠ dâ&#x20AC;&#x2122;installations
sistent au niveau de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvaluation des
ďŹ nal, pour les installations dĂŠmantelĂŠes
quâ&#x20AC;&#x2122;il exploite : rĂŠacteurs expĂŠrimentaux,
charges, liĂŠes Ă cinq causes principales
et assainies, avant leur dĂŠclassement.
laboratoires de chimie, stations de traite-
susceptibles de conduire Ă rĂŠĂŠvaluer les
Ce point est actuellement en cours de
ment dâ&#x20AC;&#x2122;efďŹ&#x201A;uents et de dĂŠchets, etc. Le
scĂŠnarios des opĂŠrations et par voie de
discussion avec les autoritĂŠs de sĂťretĂŠ ;
dÊmantèlement de chaque installation
consĂŠquence les coĂťts Ă terminaison
s LE s LE PLAFONNEMENT DES RESSOURCES l-
est de ce fait un cas particulier et il nâ&#x20AC;&#x2122;y
des projets dâ&#x20AC;&#x2122;assainissement-dĂŠmantè-
nancières en cas dâ&#x20AC;&#x2122;augmentation des
a pas ÂŤ dâ&#x20AC;&#x2122;effet de sĂŠrie Âť. Les opĂŠrations
lement et de reprise et conditionnement
charges, conduit Ă modiďŹ er le planning
qui peuvent prĂŠsenter un risque radio-
des dĂŠchets anciens. Ces cinq causes
des opĂŠrations ainsi quâ&#x20AC;&#x2122;Ă des surcoĂťts
logique pour les opĂŠrateurs sont effec-
exogènes sont les suivantes :
Ă terminaison.
tuĂŠes Ă distance au moyen dâ&#x20AC;&#x2122;engins
s LLA s A CONNAISSANCE INSUFlSANTE DE L Ă?TAT
robotisĂŠs, souvent dĂŠveloppĂŠs au sein
initial2. Ainsi, certaines opĂŠrations en
mĂŞme du CEA.
cours ont mis en ĂŠvidence des problĂŠ-
StratÊgie de dÊmantèlement au CEA
La complexitĂŠ de ces chantiers est
matiques non prĂŠvues, des difďŹ cultĂŠs
Lâ&#x20AC;&#x2122;arrĂŞt progressif des installations nu-
encore accrue par lâ&#x20AC;&#x2122;anciennetĂŠ des ins-
techniques et des ĂŠvolutions des don-
clĂŠaires du CEA est dĂť soit Ă leur obso-
tallations Ă dĂŠmanteler. Certaines ont ĂŠtĂŠ
nĂŠes dâ&#x20AC;&#x2122;entrĂŠe, qui modiďŹ ent de façon
lescence technique, soit au fait quâ&#x20AC;&#x2122;elles
MISES EN SERVICE DANS LES ANNĂ?ES ET
importante le dĂŠroulement contrac-
ne correspondent plus aux normes ac-
la traçabilitĂŠ de leurs activitĂŠs nâ&#x20AC;&#x2122;a pas tou-
tuel et le scĂŠnario des opĂŠrations de
tuelles de sĂťretĂŠ, soit Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvolution des
JOURS Ă?TĂ? CONSERVĂ?E 0AR AILLEURS LES Ă?VOLU-
dÊmantèlement ;
programmes du CEA-DEN.
tions rĂŠglementaires successives rendent
s LES Ă?VOLUTIONS DES EXIGENCES DE SĂ&#x;RETĂ? s LES SĂ&#x;RETĂ?
La stratĂŠgie du CEA est conforme aux
inĂŠvitables les ĂŠvolutions des scĂŠnarios
et rĂŠglementaires ou des durĂŠes dâ&#x20AC;&#x2122;ins-
recommandations des autoritĂŠs de sĂťre-
de dÊmantèlement, à plus forte raison
truction des dossiers plus longues que
tÊ nuclÊaire : dÊmantèlement immÊdiat,
pour des chantiers de haute activitĂŠ radio-
PRĂ?VU 0AR EXEMPLE LES Ă?VALUATIONS
chaque fois que cela est rĂŠalisable, aďŹ n
logique et de long terme, dont certains
complÊmentaires de sÝretÊ3 gÊnèrent
de diminuer les risques le plus rapide-
peuvent durer plus de 30 ans.
des travaux signiďŹ catifs dâ&#x20AC;&#x2122;amĂŠlioration
ment possible. Dans un contexte budgĂŠ-
de la sĂťretĂŠ y compris dans les installa-
taire contraint, et devant lâ&#x20AC;&#x2122;augmentation
Financement
tions en cours ou en voie de dÊmantèle-
progressive des installations Ă lâ&#x20AC;&#x2122;arrĂŞt, le
Le ďŹ nancement est assurĂŠ de manière
ment. Autre exemple, la règlementation
CEA priorise le dÊmantèlement des ins-
pluriannuelle Ă travers un ďŹ nancement
amiante de 2012 induit des contraintes
tallations prĂŠsentant les risques radiolo-
dĂŠdiĂŠ : le CEA se conforme Ă lâ&#x20AC;&#x2122;article 20
qui viennent sâ&#x20AC;&#x2122;additionner Ă la rĂŠglemen-
giques les plus importants.
DE LA LOI DE PROGRAMME N² DU DE LA LOI DE PROGRAMME N² DU
tation propre aux installations nuclĂŠaires ;
JUIN RELATIVE Ă&#x152; LA GESTION DURABLE des matières et dĂŠchets radioactifs. Il impose aux exploitants nuclĂŠaires dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvaluer de manière prudente les charges de dĂŠmantèlement de leurs installations et
2
Par ĂŠtat initial, on entend ĂŠtat prĂŠcis de lâ&#x20AC;&#x2122;installation au dĂŠmarrage des opĂŠrations dâ&#x20AC;&#x2122;assainissement et de dĂŠmantèlement. 3 DemandĂŠes par lâ&#x20AC;&#x2122;AutoritĂŠ de sĂťretĂŠ nuclĂŠaire (ASN) aux exploitants nuclĂŠaires suite Ă lâ&#x20AC;&#x2122;accident de Fukushima.
La stratĂŠgie de dĂŠmantèlement du CEA repose, pour lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtat ďŹ nal recherchĂŠ Ă lâ&#x20AC;&#x2122;issue des opĂŠrations de dĂŠmantèlement, sur une installation assainie, câ&#x20AC;&#x2122;est-Ă -dire dont la radioactivitĂŠ rĂŠsiduelle a ĂŠtĂŠ enlevĂŠe. Si, pour des raisons tech-
REE N°1/2016 Z 43
MEA 2015
Introduction
Lâ&#x20AC;&#x2122;avion plus ĂŠlectrique, Lâ&#x20AC;&#x2122;avion
tout
ĂŠlectrique
dĂŠmonstration de sĂŠcuritĂŠ
est dĂŠjĂ une rĂŠalitĂŠ, comme
avant lâ&#x20AC;&#x2122;indispensable certi-
en tÊmoignent les vols très
ďŹ cation aĂŠronautique â&#x20AC;&#x201C; des
mĂŠdiatisĂŠs de Solarimpulse
progrès incrÊmentaux sont
ou de lâ&#x20AC;&#x2122;E-fan ; le premier
rÊgulièrement
nâ&#x20AC;&#x2122;est toutefois quâ&#x20AC;&#x2122;un dĂŠ-
depuis
monstrateur technologique
pour rĂŠduire la consom-
qui nâ&#x20AC;&#x2122;aura pas de prolongement commercial avant
Florent Christophe
Jean-Charles Gautherot
longtemps, tandis que le
enregistrĂŠs
plusieurs
annĂŠes
mation de kÊrosène. Ces progrès se traduisent par du  plus Êlectrique  dans
second est dĂŠjĂ en phase de production â&#x20AC;&#x201C; comme
les modèles rÊcemment mis en service, comme
plusieurs concurrents ĂŠtrangers de mĂŞme gabarit
le Boeing 787 qui dispose Ă bord de plus de
â&#x20AC;&#x201C; et sâ&#x20AC;&#x2122;attaque au crĂŠneau des ĂŠcoles de pilotage.
1 MW soit cinq fois plus que ses ĂŠquivalents de
Il souffre cependant dâ&#x20AC;&#x2122;une autonomie encore trop
la gĂŠnĂŠration prĂŠcĂŠdente. Cette ĂŠvolution se tra-
rĂŠduite pour percer rĂŠellement dans le monde de
duit notamment par le remplacement de tout ou
lâ&#x20AC;&#x2122;aviation gĂŠnĂŠrale.
partie des ĂŠquipements hydrauliques (trains, commandes de vol) et Ă air comprimĂŠ (conditionne-
Mais les investissements de lâ&#x20AC;&#x2122;automobile pour
ment dâ&#x20AC;&#x2122;air par prĂŠlèvement moteur) qui ont fait
dĂŠvelopper des batteries Ă plus forte densitĂŠ
leurs preuves depuis des dĂŠcennies mais sont
dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠnergie auront Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvidence des retombĂŠes sur
loin de prĂŠsenter la souplesse, la maintenabilitĂŠ,
lâ&#x20AC;&#x2122;aĂŠronautique, et ce dâ&#x20AC;&#x2122;autant plus que la moto-
les possibilitĂŠs dâ&#x20AC;&#x2122;allègement liĂŠes aux gĂŠnĂŠrateurs,
risation ĂŠlectrique se prĂŞte au fractionnement,
moteurs ou actuateurs ĂŠlectriques, et Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠlectro-
qui peut concrĂŠtiser lâ&#x20AC;&#x2122;un des rĂŞves des aĂŠrody-
nique de puissance actuellement disponibles. En
namiciens, ÂŤ lâ&#x20AC;&#x2122;aspiration de couche limite Âť, qui
outre, le â&#x20AC;&#x153;green taxiingâ&#x20AC;? est dĂŠsormais possible
renforce dans un large domaine de vol lâ&#x20AC;&#x2122;efďŹ ca-
grâce à la motorisation Êlectrique du train avant,
citĂŠ des voilures. Cette propriĂŠtĂŠ justiďŹ e une
permettant le roulage au sol ÂŤ rĂŠacteurs ĂŠteints Âť ce
ĂŠtape intermĂŠdiaire Ă la propulsion dĂŠcarbonĂŠe,
qui prĂŠsente un avantage environnemental certain
envisagĂŠe mĂŞme pour des avions de transport
pour les usagers et les riverains des aĂŠroports, ain-
beaucoup plus lourds que les prĂŠcĂŠdents : la pro-
si quâ&#x20AC;&#x2122;un gain en consommation qui peut atteindre
pulsion hybride. Celle-ci exploitera le principe de
5 % sur des vols court courrier.
la motorisation ĂŠlectrique rĂŠpartie sur une grande partie de la voilure, associĂŠe Ă une production
La confĂŠrence More Electric Aircraft organisĂŠe
ĂŠlectrique par une pile Ă combustible alimentĂŠe
conjointement par 3AF et SEE en fĂŠvrier 2015
en kÊrosène, en attendant la mise au point de
Ă Toulouse a rĂŠuni 260 participants avec une
procĂŠdĂŠs ďŹ ables de production, distribution et
centaine de prĂŠsentations et une quinzaine de
stockage de lâ&#x20AC;&#x2122;hydrogène, dĂŠveloppĂŠs eux aussi
stands industriels qui ont permis une couverture
pour les transports terrestres1.
exhaustive de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtat de lâ&#x20AC;&#x2122;art en Europe et au-delĂ , ainsi que des perspectives de ce vaste domaine.
Sans attendre lâ&#x20AC;&#x2122;exploitation des ruptures tech-
Nous avons retenu quelques-unes de ces prĂŠ-
nologiques que nous venons dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvoquer â&#x20AC;&#x201C; mais dont
sentations pour constituer le prĂŠsent dossier,
la mise en Ĺ&#x201C;uvre nĂŠcessitera de longues ĂŠtapes de
après mise à jour et complÊments Êventuels par
1
leurs auteurs.
Voir le dossier sur ce sujet dans lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠdition 2015-2 de la REE
70 Z REE N°1/2016
Introduction
MEA 2015
Une équipe de chercheurs grenoblois et toulou-
facteur 2 à 5 selon l’échéance considérée, élargit clai-
sains – qui entretient des collaborations régulières
rement leur domaine d’application en aéronautique,
avec Airbus – présente dans le premier document
mais des verrous potentiels sont identifiés, liés aux
une méthodologie de concep-
conditions d’environnement, à
tion optimisée des filtres que
Florent Christophe, e membre émérite SEE,
la sécurité, au nombre maximal
le réseau électrique doit incor-
dirige le département DEMR - Electroma-
de cycles et au coût des consti-
porer pour faire face à la pro-
gnétisme et radar, à l’ONERA Toulouse, dont
tuants.
blématique de l’électronique
l’équipe Compatibilité électromagnétique
de puissance et des charges
est impliquée dans des travaux sur l’avion
non linéaires introduisant des
plus électrique et la prospective vers le tout
taux d’harmoniques importants en présence de fortes variations de charge rencontrées dans l’avion plus électrique.
électrique. Il est membre du Conseil de la science et de la technologie de l’OTAN. Ancien président du groupe régional Midi-Pyrénées de la SEE, il a créé ce qui est devenu le cycle des conférences More
Un exercice de prospective, conduit conjointement avec le CEA, a servi de point de départ aux travaux de l’ONERA qui expose, dans la dernière présentation de ce
Le document normatif RTCA
Electric Aircraft organisées conjointement
dossier, une vision moyen
DO160 qui sert de base à la
par 3AF et SEE en alternance entre Toulouse
terme d’aviation légère tout
qualification des équipements
(2009, 2015) et Bordeaux (2012, 2017).
électrique qui s’élargit au
et systèmes aéronautiques est
Jean-Charles Gautherot, t membre senior
transport régional et précise
d’ailleurs régulièrement mis à
de la SEE et de la 3AF, retraité de la DGA, a
l’ensemble des technologies
jour pour prendre en compte
dirigé le département Environnement élecc
critiques qui restent à adap-
ces évolutions.
tromagnétique puis la division Equipements
ter ou à mettre au point.
et systèmes du CEAT (Centre d’essais aéro-
Le document rédigé par
nautique de Toulouse, à présent DGA/TA)
Nul doute que la pro-
des chercheurs du CEA-Tech
qui avait notamment en charge la qualifica-
chaine édition de la confé-
présente l’état de l’art et les
tion en environnements mécanique, clima-
rence More Electric Aircraft, à
perspectives d’évolution des
tique et électromagnétique (foudre, champs
Bordeaux début février 2017,
différentes
technologies
de
batteries et évoque au passage celle des piles à combustible. L’augmentation d’énergie massique des batteries par un
forts, CEM) des systèmes électroniques embarqués sur aéronefs militaires. Compte tenu de ces compétences, il a été également sollicité par les autorités de certification pour divers programmes civils (A320, A340, hélicoptères divers…) notamment lors de la
apportera de nouvelles informations autant sur les développements
industriels
en
cours que sur les travaux des laboratoires de recherche. Q
mise en service de systèmes électroniques critiques ou essentiels (calculateurs de commandes de vol électriques, régulation moteur pleine autorité, etc.).
LES ARTICLES
Dimensionnement optimal d'un réseau électrique aéronautique Par D. Hadbi, X. Roboam, B Sareni, N. Retiere, F. Wurtz ............................................................................. p. 72 Key Drivers for Aeronautic Batteries Par Florence Fusalba, Jean Oriol & Eric Pinton ........................................................................................... p. 80 Electric Distributed Propulsion for Small Business Aircraft Par Jean Hermetz, Michael Ridel ........................................................................................................................ p. 86
REE N°1/2016 Z 71
MEA 2015
DES AVIONS PLUS ÉLECTRIQUES
Dimensionnement optimal d’un réseau électrique aéronautique Comparaison entre différentes stratégies de conception Par Djamel Hadbi1, 2, Xavier Roboam 1, Bruno Sareni1, Nicolas Retière2, Frederic Wurtz 2 Université de Toulouse, LAPLACE, UMR CNRS-INPT-UPS1, Université de Grenoble Alpes, G2Elab2 Electric aircraft network is a complex system containing high number of subsystems provided by different suppliers which must cooperate in safe and light weight operation. In the current state, the network conceptual design is based on standards defined by the aircraft manufacturer, each subsystem being designed separately by suppliers, according to these standards but without any other collaboration. With this classical approach called “mechanistic approach”, the whole weight of the aircraft network is overestimated which leads to additional operating cost with fuel burn penalty. To face this problem, many optimization based design strategies are studied. In this paper, three original approaches are presented: the Extended Pareto Front Method (EPFM), a sequential collaborative approach and the multilevel design approach. These approaches are discussed regarding the top goal which is the weight minimization but also the required computation and collaboration costs. A simplified case study of High Voltage Direct current (HVDC) filters sizing is used to establish the comparison between these approaches.
ABSTRACT
Introduction
s D AUTRE PART ELLE NÏCESSITE UNE COLLABORATION TOTALE DES
Dans le contexte de l’avion plus électrique [1], les réseaux
équipementiers avec une intégration de tous les modèles
électriques embarqués sont en pleine évolution du fait de
de conception au sein d’un unique processus (et d’une
l’intégration continue de nouvelles technologies qui modi-
unique plate-forme) [2], [7].
fient en profondeur les architectures et le fonctionnement
La recherche de compromis entre résultat globalement
de ces systèmes [2], [3]. Cette évolution nécessite une mise
optimal, complexité de résolution et collaboration modé-
à jour des méthodes et outils utilisés tout au long de la du-
rée nous a conduit à réfléchir à différentes approches inter-
rée de vie d’un système et en particulier dans la phase de
médiaires entre les deux visions précédentes en exploitant
conception [4], [5].
différentes pistes : le séquencement des optimisations sous-
Conventionnellement, on se base sur des approches d’analyse et sur l’expertise des équipes d’ingénierie avec
systèmes, l’échantillonnage des variables globales [3] et enfin l’optimisation multiniveau [8].
une pénétration progressive des méthodes d’optimisation à l’échelle locale, pour quelques équipements [6]. Chaque sous-système du réseau est dimensionné indépendamment
Cas d’étude pour la conception optimale d’un réseau électrique de bord simplifié
des autres sous-systèmes par son équipementier qui utilise
Les réseaux électriques embarqués concentrent un
son propre modèle et ses propres outils, cette approche de
nombre élevé de sources et de charges connectées à diffé-
conception classique est connue sous le nom de « l’approche
rents bus. Volontairement très simplifié, l’objet du cas d’étude
mécaniste ».
est d’illustrer l’applicabilité des méthodes d’optimisation au
L’approche diamétralement opposée à cette vision mé-
regard de la complexité finale du système. Dans notre travail
caniste consiste à regrouper l’ensemble des sous-systèmes
de formulation des approches de conception pour l’optimi-
dans un seul modèle géré par une seule et unique boucle
sation système, nous nous sommes limités, dans un premier
d’optimisation. Cette approche s’appelle « l’approche glo-
temps, à un cas d’étude très simplifié d’un réseau 540 V
bale ». Elle permet d’appréhender tous les couplages entre
HVDC, mono-source mono-charge (figure 1). Le lecteur
les différents sous-systèmes pour converger vers le résultat
trouvera dans [7] l’application des méthodes d’optimisation
optimal mais présente un double inconvénient :
collaboratives les plus prometteuses au cas d’un réseau plus
s ELLE RESTE D UNE PART ASSEZ UTOPIQUE DANS SA MISE EN UVRE
représentatif de la réalité.
pratique : la complexité des réseaux électriques ne permet
La source représente un canal de génération 40 kVA qui
pas de résoudre l’ensemble du problème au sein d’une
SE COMPOSE D UN GÏNÏRATEUR TRIPHASÏ DE FRÏQUENCE (Z
seule et même boucle.
d'un redresseur triphasé à diodes et d’un filtre de sortie capa-
72 Z REE N°1/2016
Dimensionnement optimal d’un réseau électrique aéronautique
Figure 2 : Réseau électrique simplifié.
L’approche mécaniste (classique) Dans l’approche classique, chaque sous-système est diFigure 1 : Illustration du cas d’étude simplifié.
mensionné séparément. L’équipementier utilise ses propres
citif. La charge comprend un moteur à grande vitesse d’une
modèles et outils pour optimiser localement le dimensionne-
FRÏQUENCE DE (Z PILOTÏ PAR UN ONDULEUR TRIPHASÏ D UNE
ment du sous-système au regard de la norme uniquement.
FRÏQUENCE DE DÏCOUPAGE DE K(Z AVEC UN lLTRE D ENTRÏE
Dans l’optimisation mécaniste de la source, l’équipemen-
de type LC avec une capacité amortie. Le dimensionnement
tier considère ainsi un état de pollution du courant de bus
du réseau se limite aux filtres, c’est pourquoi les convertis-
qu’il assimile au pire cas de pollution autorisé par la norme
seurs et les machines tournantes ont été remplacés par des
et cherche à minimiser la masse du filtre en respectant la
sources de courant représentant les harmoniques typiques
contrainte sur la qualité de la tension [9]. Il agit sur la seule
du courant redresseur côté continu [Ired] et du courant ondu-
variable de décision : la capacité Cs (figure 3).
leur [Iond] côté continu (figure 2) [7]. Les spectres harmoniques des courants du redresseur et de l’onduleur considérés ont été construits sur la base des données de chaque sous-système résumées dans le tableau 1. Nous nous sommes limités à un nombre réduit de fréquences caractéristiques pour lesquelles les contraintes sont les plus critiques pour le dimensionnement [7]. Figure 3 : Description schématique du problème d’optimisation mécaniste de la source.
Tableau 1 : Fréquences caractéristiques du système.
Cette optimisation, comme l’ensemble des optimisations présentées dans cet article, a été faite dans l’environnement CADES [10]. La masse obtenue est de 2,17 kg, les niveaux des harmoniques de tension et de courant vus par la source sont donnés dans la figure 4. Dans l’optimisation mécaniste de la charge, l’équipementier considère une tension de bus dont la pollution est assimilée au pire cas de la norme. Il minimise la masse du filtre en respectant les contraintes de qualité sur le courant absorbé par le filtre côté DC et cela en agissant sur les variables de
Tableau 2 : Valeurs des harmoniques qui polluent le réseau.
décision : C2, C1, L et R (figure 5) [9].
REE N°1/2016 Z 73
MEA 2015
DES AVIONS PLUS ÉLECTRIQUES
Figure 6 : Harmoniques de tension et de courant vus par la charge dans l’optimisation mécaniste. Figure 4 : Harmoniques de tension et de courant vus par la source dans l’optimisation mécaniste.
Approche globale Dans cette approche, les deux filtres sont considérés comme un seul système, il est donc nécessaire de partager les modèles des équipementiers pour construire le modèle système. L’ensemble est optimisé simultanément par le même outil, l’objectif est de minimiser la masse totale des filtres en respectant les contraintes de qualité sur la tension et sur le courant et cela en agissant sur tous les paramètres des filtres : Cs , C2 , C1 , L et R (figure 7) [9].
Figure 5 : Description schématique du problème d’optimisation mécaniste de la charge.
Figure 7 : Description schématique du problème d’optimisation globale du système. La masse obtenue est de 2,24 kg ; les niveaux des harr moniques de tension et de courant vus par la charge sont donnés dans la figure 6. Dans les deux cas (source et charge), on constate qu’une (et une seule) fréquence caractéristique se trouve en butée à l’issue de l’optimisation.
74 Z REE N°1/2016
GROS PLAN SUR
La mesure du temps aujourd’hui Introduction
la francisation écourtée
Qu’est-ce que le temps ?
de l’expression latine
Nous n’en savons rien et
médiévale
donc
secunda, qui signifiait
nous
laisserons
minutum
cette question aux philo-
littéralement
sophes et aux théoriciens.
de second rang, c’est-
Nous adopterons le point
à-dire seconde division
de vue d’Einstein qui écrivait : « Il semblerait qu’on pourrait écarter les difficultés concernant la définition du « temps » si l’on
minute
de l’heure, minutum
E. de Clercq SYRTE, Observatoire de Paris
T. Zanon-Willette Observatoire de Paris et UPMC
O. Acef SYRTE, Observatoire de Paris
signifiant petite partie
Première définition Il semble que la se-
substituait à ce dernier terme l’expression « position de la petite
conde ait été définie la première fois autour de l’an mil par
aiguille de ma montre ». Une telle définition suffit en effet si elle
Al-Biruni, originaire de l’Etat du Khwarizm (aujourd’hui situé
concerne uniquement le lieu où se trouve l’horloge » . Nous
en Ouzbékistan) à partir de la durée séparant deux nouvelles
savons en effet mesurer le temps, ou plutôt mesurer un temps
lunes, comme la 1/86 400e partie du jour moyen ; c’est-à-
écoulé, c’est-à-dire une durée, de même qu’on mesure une dis-
dire 1/(24 x 60 x 60). La division du jour moyen en 24 heures
tance entre deux points. Et de même qu’on peut situer un point
remonterait aux Egyptiens qui divisaient la journée et la nuit
dans l’espace connaissant sa distance à des points de référence,
en 12 heures (de durées inégales) chacune, et la division
on peut dater un événement à partir du temps écoulé entre cet
en soixante serait un héritage des babyloniens. Jour moyen
événement et un événement de référence.
parce qu’on savait déjà à l’époque de Ptolémée (Alexandrie,
1
Pour mesurer une grandeur physique, il faut une unité
IIe siècle) que la durée du jour varie au cours de l’année,
et un instrument de mesure. Il y a deux façons possibles :
d’environ 30 min ; c’est la fameuse équation du temps que
utiliser un phénomène continu et si possible linéaire (gno-
connaissent bien les amateurs de cadrans solaires. Ce temps
mon, horloges basées sur l’écoulement d’un fluide, bougies,
« corrigé » n’est valable qu’au méridien du lieu. A la fin du XIXe
C, angle de rotation de la terre, etc.), ou un phénomène
siècle, et jusqu’au début du XXe siècle, il a progressivement
périodique dont on compte les périodes (jours, lunaisons,
été convenu d’une « heure universelle » correspondant au
crues du Nil, pouls, oscillations d’un pendule, vibrations mé-
méridien de Greenwich, c’est le temps universel (TU ou UT)
caniques, onde, etc.). Ce comptage établit ce qu’on appelle
défini comme le temps solaire moyen pour le méridien ori-
une échelle de temps à partir de laquelle on peut mesurer
gine, augmenté de 12 heures. Augmenté de 12 h, parce que
une durée ou dater un évènement.
pour les astronomes il est 0 h en temps solaire à midi.
14
Dans cet article, nous allons tout d’abord rappeler quelle
Cette définition de la seconde devait perdurer jusqu’en
est l’unité de temps avant de passer en revue quelques ins-
1960. Curieusement elle est restée tacite et, à notre connais-
truments de mesure : les horloges.
sance, n’a jamais été énoncée officiellement par une institu-
L’unité de temps L’unité de temps est la seconde, unité de base du système international (SI), de symbole s. Son nom provient de 1
Einstein – Sur l’électrodynamique des corps en mouvement – Œuvres choisies, Editions du Seuil.
tion internationale.
Deuxième définition et première définition officielle On savait que la vitesse de rotation de la Terre subit une lente décroissance, de quelques ms par siècle, due aux effets
This is a short review of the state of the art of the measurement of time in the metrology laboratories. After a brief recall of the successive definitions of the second, now defined on an atomic transition of the caesium atom, we present today atomic clocks: the Cs beam clock, still the workhorse of time metrology, and the Cs fountain clock based on cold atoms, which revolutionized the field. A promising new generation based on higher frequency transitions is coming, the optical clocks, the strontium clock is given as an example. Afterwards a few methods of clock comparison and clock signal dissemination are addressed.
ABSTRACT
96 Z REE N°1/2016
La mesure du temps aujourd’hui
de marées. Ainsi, au temps des dinosaures, la durée du jour
time interval” (Nature, vol. 176, p. 280, 1955) donne pour
devait être inférieure à vingt de nos heures actuelles. Elle
la fréquence du Cs : 9 192 631 830 ±10 c/s (cycles par
deviendrait égale à 28 jours actuels dans quelques milliards
seconde), soit une exactitude relative de 1´10 -9. Après trois
d’années, lorsque la Terre présentera toujours la même face
ans de mesure en collaboration avec Markowitz et Hall de
à la Lune, en attendant qu’elle présente toujours la même
l’Observatoire naval de Washington (USNO), ils publiaient
face au Soleil. Dans les années 30, il fut mis en évidence
une nouvelle mesure en termes de seconde des éphémé-
des irrégularités plus importantes dans la rotation de la Terre,
rides : « 9 192 631 770 ± 20 cycles per second (of E.T.) at
de quelques dizaines de ms par an, liées au fait que la Terre
1957.0 » (Physical Review Letters, vol. 1, p. 105, 1958), dont
n’est pas un solide indéformable, aux effets atmosphériques,
l’exactitude était surtout limitée par la détermination de la
aux courants marins, etc. C’est pourquoi il fut décidé de défi-
seconde des éphémérides. En 1967, la 13e Conférence géné-
nir la seconde à partir de la révolution de la Terre autour du
rale des poids et mesures abrogea la précédente définition et
soleil (sa période est une année tropique). La 11e Conférence
décida en se basant sur cette mesure, que :
générale des poids et mesures (CGPM) ratifiait la nouvelle
« La seconde est la durée de 9 192 631 770 périodes de
définition en 1960 :
la radiation correspondant à la transition entre les deux
« La seconde est la fraction 1/31 556 925, 9747 de l’an-
niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de
née tropique pour 1900 janvier 0 à 12 heures de temps
césium 133 ».
des éphémérides ».
Lors de sa session de 1997 le Comité international des
C’est la seconde des éphémérides, et l’échelle de temps
poids et mesures a précisé que : « Cette définition se réfère
associée est le temps des éphémérides (TE, ou ET). L’écri-
à un atome de césium au repos, à une température de 0 K ».
ture « 1900 janvier 0 à 12 heures » traduite en langage cou-
L’exactitude relative des horloges à césium était alors de
rant est le 31 décembre 1899 à midi. L’étrangeté de cette
l’ordre de 10 -12. Cette définition repose sur l’hypothèse que
définition tient au fait que l’année tropique 1900 n’était pas
tous les atomes de Cs sont identiques et que leurs propriétés
mesurée mais calculée à partir d’une équation décrivant une
sont invariantes dans le temps et l’espace. L’échelle de temps
année tropique moyenne de durée dépendante du temps,
associée est le temps atomique international (TAI). Sa stabi-
d’où la référence à une année tropique « instantanée ».
lité et sa pérennité sont assurées par environ 300 horloges à
La durée de l’année tropique 1900 est environ 365 jours
césium commerciales et 100 masers à hydrogène, apparte-
(de 86 400 s), 5 h, 48 min, 45,97 s. Cette définition n’était
nant à plus de 70 laboratoires de métrologie répartis dans le
pas pratique ; en réalité c’était le mouvement orbital de la
monde entier. En France, c’est le laboratoire Systèmes de ré-
Lune qui était observé et avait l’inconvénient qu’une mesure
férence temps espace (LNE-SYRTE) de l’Observatoire de Pa-
de temps devait attendre quelques années pour être raccor-
ris qui est chargé par le Laboratoire national de métrologie et
dée avec précision à la seconde du SI. Un autre inconvénient
d’essais (LNE) de la responsabilité des références nationales
est qu’elle est basée sur la durée moyenne de la seconde des
de temps et de fréquence. A partir des données d’intercom-
XVIII et XIX siècles, durée inférieure à celle de la seconde
paraison de l’ensemble de ces horloges, le Bureau interna-
de temps moyen en 1960. Cette différence explique, pour
tional des poids et mesures (BIPM) établit une moyenne
une majeure partie, la fréquence à laquelle on est obligé de
pondérée, appelée temps atomique international (TAI),
rajouter des secondes intercalaires de nos jours.
dont l’exactitude de l’intervalle unitaire (la seconde du TAI)
e
e
est assurée par quelques horloges ou étalons primaires. En
Troisième définition
2014, deux horloges à jet atomique et 11 horloges à fontaine
Suite aux travaux de physique fondamentale menés dans
atomique (voir plus loin) ont ainsi contribué à l’exactitude. Le
les années 30-40 à l’université Columbia (Etats-Unis) par
TAI est une échelle de temps papier, accessible avec retard,
Rabi, Zacharias, Ramsey et leur équipe sur la résonance ma-
c’est-à-dire que le BIPM diffuse chaque mois le résultat sous
gnétique et les jets atomiques et moléculaires, Zacharias dé-
la forme d’avance ou retard de chaque horloge par rapport
veloppa le premier prototype commercial d’horloge atomique
au TAI tous les cinq jours du mois précédent. Pour s’y raccor-
à césium en 1955, l’Atomichron. La même année Essen et
der il faut donc raccorder son horloge à une horloge partici-
Paris réalisaient au National Physical Laboratory (Angleterre)
pant au TAI. L’exactitude de la seconde du TAI est d’environ
la première horloge à césium de laboratoire qu’ils compa-
2.10 -16.
raient indirectement via un oscillateur à quartz à une échelle
Si l’on reprend la citation d’Einstein, chaque horloge ne
de temps provisoire de l’observatoire de Greenwich. Le résul-
donne que son temps propre. En effet, alors que Galilée et
tat publié sous le titre “An atomic standard of frequency and
Newton considéraient un temps absolu, la relativité donne
REE N°1/2016 Z 97
GROS PLAN SUR
Figure 1 : Schéma de principe d’une horloge atomique. La fréquence f d’un oscillateur local est multipliée par un nombre rationnel k pour interroger une résonance atomique. Le signal d’erreur est utlisé pour asservir la fréquence de l’oscillateur.
au temps une signification uniquement locale, c’est le temps
de Planck (h ( 5 6,63 x 10 -34 J.s). La fréquence d’une transi-
propre. En relativité générale, au-delà du voisinage immédiat
tion atomique est caractéristique d’une espèce atomique. Son
de l’horloge, avant de parler de temps, il faut d’abord défi-
caractère immuable en fait une référence de fréquence. Pour
nir un système de coordonnées spatio-temporel ; le temps
une utilisation pratique, on emploie un oscillateur local, à partir
correspondant est le temps-coordonnée. Le TAI est ainsi
duquel on génère une onde électromagnétique de fréquence
un temps-coordonnée défini sur le géoïde en rotation. La
aussi proche que possible de la fréquence atomique (la fré-
seconde du SI est une seconde de temps propre, alors que
quence est une grandeur sur laquelle on sait réaliser les quatre
l’intervalle unitaire de l’échelle de temps TAI est une seconde
opérations arithmétiques), avec laquelle on va interroger les
de temps-coordonnée.
atomes. Si l’on est suffisamment proche de la résonance, le
Afin de conserver une échelle de temps liée à la rota-
nombre d’atomes changeant d’état est proportionnel à la diff
tion de la Terre tout en bénéficiant des propriétés du TAI,
férence entre la fréquence d’interrogation et la fréquence ato-
le Temps universel coordonné (UTC) a été créé. L’UTC est
mique (le désaccord). En détectant ces atomes on obtient un
identique au TAI dont il diffère par un nombre entier de
signal utilisable pour corriger la fréquence de l’oscillateur qui
secondes afin de rester en accord avec le temps défini par
est ainsi calée sur la référence atomique et délivre aux utili-
la rotation de la Terre à mieux que 0,9 s près. Depuis le
sateurs une fréquence stable et connue (figure 1). On a ainsi
1err juillet 2015, UTC = TAI-36 s. UTC (souvent improprement
réalisé un étalon atomique de fréquence. Une horloge ato-
appelé temps GMT) est la base légale de l’heure dans la
mique est obtenue en comptant les périodes de l’oscillateur.
plupart des pays du monde, par exemple, en France, l’heure
Ceci est l’analogue de l’horloge à balancier de Huygens (XVIIe
d’hiver est UTC + 1.
siècle), le pendule est remplacé par l’atome, les engrenages
Les horloges actuelles Principes
par la chaîne de multiplication de fréquence entre l’oscillateur et l’atome, les aiguilles par le signal de l’oscillateur ou un compteur placé derrière totalisant les périodes d’oscillation.
Les horloges atomiques sont basées sur la relation de Bohr
La qualité de l’horloge est d’autant meilleure que la transi-
6E E = hvv reliant la différence d’énergie 6E 6 entre deux niveaux
tion utilisée, de fréquence i, i est étroite, c’est-à-dire possède
atomiques à la fréquence de l’onde absorbée ou émise lors
6i, où 6i un grand facteur de qualité défini comme Q = i//6
d’une transition d’un niveau à l’autre, où h est la constante
est la largeur de la transition atomique. Pour obtenir des raies
98 Z REE N°1/2016
RETOUR SUR ❱❱❱❱❱❱❱❱❱
L’introduction des antennes actives dans les chasseurs Le programme de coopération européen AMSAR Marc Leconte Membre émérite de la SEE
imposait des circuits électroniques d’un rendement plus faible et de technologie plus onéreuse. Après la guerre, l’évolution vers des chasseurs à
Introduction
réaction plus rapides et les demandes de détection radar vers des distances de plus en plus grandes se
Dans les années 90, appuyé par les services offi-
sont traduites par des évolutions majeures des formes
ciels, un programme européen de développement
d’onde et par une course à la puissance moyenne
d’une technologie d’antennes actives destinées aux
émise qui conditionnait en grande partie la portée ra-
chasseurs aéroportés fut lancé par trois industriels eu-
dar. Les échos de sol (clutter) limitaient largement les
ropéens. Après l’échec, quelques années auparavant,
performances des radars à basse fréquence de récurr
d’un programme commun de chasseur européen,
rence (BFR) issus de la guerre. La détection vers le bas
ce programme de haute technologie, appelé AMSAR
(look down) était en particulier très problématique et
(Airborne Multimode Solid-state Active-array Radar),
limitait les capacités opérationnelles d’interception
souleva de grandes espérances quant aux possibili-
et de poursuite. L’utilisation du doppler à impulsion
tés de coopération des industries de défense euro-
avec une fréquence de récurrence élevée (HFR) perr
péenne. Le programme concernait, dans le domaine
mettait d’étaler le spectre des échos de sol et ainsi
militaire uniquement, les radars aéroportés de pointe
de détecter et de traiter des cibles à basse altitude.
avant des chasseurs. Les antennes actives des radars au sol ou ceux des segments aéroportés autres que celui des chasseurs ont connu un développement différent. Le programme AMSAR, véritable programme fondateur, s’achèvera sur des réussites techniques indéniables mais se heurtera à la réalité des stratégies et des ambitions nationales. Nous lui consacrons ce « Retour sur », de ses prémices à sa conclusion interr venue il y a seulement quelques années.
Les radars aéroportés après-guerre. Les premiers radars aéroportés ont été mis au point au cours de la deuxième guerre mondiale. Les contraintes étaient connues : pour embarquer des antennes dans un chasseur, il fallait en diminuer la taille et par conséquent augmenter la fréquence, ce qui
Figure 1 : Configuration d’une antenne réseau classique à fente. Le faisceau est lié par construction au plateau rayonnant
ABSTRACT The phased array antennae became preeminent in the fire control radar from the 70's. Facing the competition of United States, European industry developed skills in the monolithic integrated circuits to serve as a brick for modules using passive and active phased arrays. AMSAR was an X-band, phased, active-array, steerable radar based on gallium arsenide (GaAs) MMIC (Monolithic Microwave Integrated Circuit) technology. The programme, started in 1993, contributed greatly to the development of active antennas for next generation fighters in the 2000's.
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❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱ RETOUR SUR
Figure 2 : Configuration d’antenne passive du RBE2 avec des lentilles sur les deux axes.
Figure 3 : Configuration d’antenne passive avec déphaseurs à ferrite – Cas des radars passifs russes.
Avec des filtres appropriés, il était possible également
déphasage sont devenues électroniques ce qui conférait au
de rejeter les échos de sol liés à la vitesse du chasseur,
faisceau des caractéristiques de mobilité nouvelles qu’on a
qui désensibilisaient les récepteurs. Dans les années 50,
appelé agilité du faisceau.
Westinghouse développa le premier doppler à impulsion aéroporté. Les chasseurs américains comme le F-15 et le F-16
Il existe deux grands types d’antennes à balayage électronique que nous allons détailler.
commencèrent à être équipés de radar doppler à impulsions au cours des années 60. Les services techniques et l’état-
Les antennes électroniques passives : PESA
major de l’armée de l’air, en France, furent très intéressés par
Ces antennes réseaux sont constituées par des éléments
l’introduction de ce type de radar sur les chasseurs français.
rayonnants dont la commande de déphasage s’effectue
C’est le Mirage 2000 qui accueillit le premier radar doppler à
de manière électronique. L’ensemble des commandes de
impulsion RDI. Commandé en 1976, Il était prévu d’en équi-
déphasage, calculées par un pointeur, oriente le faisceau
per les Mirages dans les années 80.
dans la direction désirée. Cette commande ne requiert pas
Les antennes à balayage électronique
de puissance et elle est donc économe en consommation comme tout circuit d’électronique de commande. L’avantage
Classiquement les antennes radar des chasseurs étaient
du balayage électronique est de pouvoir pointer le faisceau
constituées d’un réseau d’éléments rayonnants qui, selon les
dans n’importe quelle direction de manière quasi-instanta-
qualités mécaniques de la structure, assuraient un diagramme
née sans avoir à positionner une lourde antenne par des
de rayonnement dont la direction dépendait du déphasage
servomécanismes. Le gain en temps de réponse est immé-
relatif entre les éléments et de la direction du plateau mobile
diat et permet alors d’envisager des fonctions de détection
actionné par des servomécanismes (figure 1). C’est la raison
simultanée qui n’étaient pas envisageables auparavant avec
pour laquelle on les appelle des antennes à réseaux pha-
une antenne mécanique. L’émetteur du radar est unique et
sés. Ces antennes ont connu une grande longévité ; elles ont
peut même être hérité d’une version précédente à balayage
équipé et équipent encore plusieurs générations de chas-
mécanique.
seurs parmi lesquels figurent les Mirages français, les F-16 de
Cette solution présente cependant quelques inconvé-
première génération, les F-15, les Tornados anglais, les Mig
nients importants. En effet le passage de l’émission à travers
russes et quelques autres. Il faut rappeler que ces antennes
les éléments déphaseurs entraine des pertes de puissance
réseaux existent depuis la deuxième guerre mondiale avec
à l’émission qui sont directement préjudiciables à la portée
les grands radars de défense aérienne allemands. S’il était
du radar. La qualité des déphaseurs et des modules passifs a
possible de changer le déphasage obtenu par construction, le
donc représenté un défi technologique pour le passage aux
faisceau pouvait changer de direction. Ce cas s’est rencontré
antennes à balayage électronique. Plusieurs radars de pointe
dans certains radars allemands dans lesquels la commande
avant ont été développés avec ce type d’antenne. C’est le
du déphasage était manuelle (par un levier). Ainsi, sans
cas par exemple des premiers RBE2 du Rafale (figure 2) du
modifier la position de l’antenne, il était possible de chan-
Rafale mais aussi de beaucoup de radars russes (figure 3).
ger la direction du faisceau. Par la suite les commandes de
Les Américains sauteront ce palier pour passer directement à
108 Z REE N°1/2016
L’introduction des antennes actives dans les chasseurs
rapport aux transistors de puissance au silicium classiques. Corrélativement, ces contraintes augmentaient de manière considérable le coût de développement et surtout de production des modules actifs. La miniaturisation et sa conséquence le conditionnement thermique posaient un défi technologique et industriel qui était encore plus accentué quand le radar était destiné à être embarqué à bord d’un chasseur. En conséquence les radars aéroportés de pointe avant seront les derniers à passer d’une antenne classique ou passive à l’antenne active, au terme d’un très gros effort de développement technologique et industriel.
Développement des modules actifs Figure 4 : Configuration d’antenne active à une voie de réception. Cas du RBE2 et des radars US qui peuvent comporter plus de 1 000 modules. Le nombre de modules est en général secret.
Les premiers développements exploratoires furent américains et lancés dans les années 60. L’US Air Force commanda à la firme Texas deux maquettes d’antennes actives appelée MERA (Molecular Electronic Radar Application) et RASSR
l’antenne active, nous y reviendrons plus loin. Le passage par
(Reliable Advanced Solid-State Radar). Ces maquettes étaient
cette technologie avait cependant l’avantage, dans l’optique
constituées respectivement de 604 et 1 648 modules actifs.
d‘une phase intermédiaire, de développer un dispositif de
Les premiers résultats de cette étude conclurent que les com-
pointage réutilisable lors du passage à une antenne active.
posants de l’époque ne permettaient pas d’obtenir les puissances nécessaires à un radar de pointe avant. Il fallut donc
Les antennes électroniques actives AESA
définir une nouvelle filière de composants microélectroniques
Le stade suivant les PESA, dans une optique de progrès
hybrides qui furent développés en technologie de semi-
technologique, correspond au stade ultime de numérisation
conducteurs AsGa (arséniure de gallium). Le coût de cette
du radar. En effet, les antennes électroniques actives (AESA)
technologie s’avérant vite très élevé, les Américains décidèrent
font disparaitre l’émetteur unique pour le discrétiser dans ce
en conséquence de lancer un grand programme de dévelop-
qu’on appelle des modules T/R (pour transmission/ récep-
pement technologique des semi-conducteurs hybrides en
tion). Le réseau phasé devient lui-même son propre émet-
AsGa.
teur réparti dans les centaines voire les milliers de modules de l’antenne (figure 4). L’amélioration la plus évidente réside
Le plan MIMIC
dans le fait que les pertes en émission par les déphaseurs
A partir des années 1980, les Etats-Unis, par le canal de
de l’antenne passive n’existent plus. Il y donc un gain en
la DARPA (leur organisme de recherche fédéral), financèrent
puissance mais qui dépend évidemment de la puissance de
les industriels du radar tels Hughes Electronics et Texas
chaque module. Chacun d’eux peut être considéré comme
Instruments afin de développer et de maîtriser la technolo-
un mini-radar comportant un émetteur, un récepteur et un
gie des circuits intégrés en hyperfréquence basée sur l’arsé-
circulateur, sorte d’aiguillage qui ferme le récepteur quand il y
niure de gallium. Dès la fin des années 80, la DARPA lança le
a émission. Nous savons depuis les débuts des radars aéro-
programme MIMIC (Microwave/Millimeter-wave Monolithic
portés que pour embarquer des antennes de taille raison-
Integrated Circuits) qui se déclinait en trois phases pour une
nable dans une pointe avant il faut une fréquence d’émission
enveloppe globale de 500 MUSD. De nombreux industriels
élevée qui est généralement, pour les radars dont nous par-
reçurent des contrats pour des recherches qui devaient très
lons, de l’ordre de 10 GHz (longueur d’onde de 3 cm), autre-
largement irriguer les développements des radars à antennes
ment appelée bande X. Les émetteurs de puissance à cette
actives du F-22, F/A-18, F-15, F-16 et JSF. Certains industriels
fréquence utilisent des tubes spéciaux comme le magnétron,
valoriseront également ces recherches dans le domaine civil.
le klystron ou encore les tubes à ondes progressives. La puis-
Ce plan permit d’élaborer une stratégie de production
sance demandée à un module actif était moindre que celle
flexible associée à une baisse de coûts liée à une production
d’un émetteur unique mais demeurait cependant élevée et
massive et une standardisation des architectures. Peu à peu,
le recours à des fréquences de l’ordre d’une dizaine de GHz
la puissance des circuits et leur rendement augmentèrent perr
nécessitait des composants hyperfréquences nouveaux par
mettant aux antennes actives aéroportées de concurrencer
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ENSEIGNEMENT & RECHERCHE
De fulgurantes innovations à Lille ? Entretien avec Pierre Giorgini Président-recteur de l’Université catholique de Lille (UCL) REE : Pierre Giorgini, vous avez publié il y a plus d’un an un ouvrage remarqué, La transition fulgurante1, qui vous a valu récemment le Prix MERI décerné par l’espace éthique des entreprises de santé ; vous y abordez la rapide transformation affectant le monde contemporain, à un point tel qu’on peut globalement la qualifier d’anthropologique. Quelles en sont, à vos yeux, les effets essentiels en matière d’enseignement supérieur et de formation ? Pierre Giorgini : Ce sujet est immensément vaste. Je crois avoir montré, dans La Transition Fulgurante, que la rupture que nous vivons est d’ordre épistémologique et que la création de valeur au sens global, c’est-à-dire intégrant toutes les dimensions de la notion de progrès (environnemental, social et humain), se niche de plus en plus au cœur des rencontres improbables, y compris disciplinaires. Pour moi, l’arbre de la connaissance s’est enfoncé loin dans la terre du mystère de la vie, tel un rhizome de racines alimentant l’expérience sensible et concrète des hommes. Le réductionnisme disciplinaire nous donne l’illusion parfois, que l’extrémité d’une seule racine alimente l’arbre ou, pire, modélise le système global. Mais quiconque est dans l’expérience sensible voit que l’arbre meurt car il est incapable de se régénérer et comprend qu’il faut le réinventer pour faire face à la nouvelle donne sociale, économique et surtout environnementale. Comment faire remonter l’ensemble de nos forces à la jonction de l’économie et de la philosophie, des sciences et de l’éthique, de la spiritualité et de l’innovation techno-scientifique sans courir le risque d’un retour à des formes d’obscurantisme ? Notre défi est d’ordre épistémologique, si nous voulons sortir du syndrome de l’île de Pâques et cesser de tuer définitivement nos sources de vie, pour vénérer les nouveaux dieux de l’hédonisme généralisé et de la science réduite à son objet.
Un défi épistémologique !
des savoirs formels (instruction) et leur transformation en compétences, savoir-faire et savoir-être (éducation) n’est plus nécessaire ! Cela impose à l’Université, pour continuer à créer de la valeur ajoutée, de se transformer rapidement, avec une approche coopérative et maillée, en écosystèmes apprenants, offrant des univers ouverts de partage des savoirs, de réalisation de projets multidisciplinaires, ouverts sur leur territoire et le monde global. Mais quel bouleversement pour les enseignants-chercheurs et pour l’organisation pédagogique et physique de l’institution ! La question n’est plus seulement « Comment transmettre ? » avec les nouveaux médias ou outils intelligents en réseau, mais « Que transmettre ? » pour former à la « liberté responsable », qui est l’aptitude à penser par soi-même et en interdépendance, de le faire en conscience et en liberté de conscience ; comment donner à chacun les moyens de repérer toutes les formes d’aliénation et de domination, sociales, culturelles et politiques ? REE : Vous venez de récidiver et, avec La fulgurante recréation2, vous complétez votre réflexion en évoquant et en précisant quelles sont les voies possibles des initiatives indispensables pour répondre aux défis sociétaux ; vous insistez à juste titre sur l’importance des réseaux et de la co-création pour réenchanter le monde… P. G. : Je tente de montrer dans mes deux ouvrages, que nous sommes au cœur d’une époque incroyable, où tout est possible pour le pire comme pour le meilleur. Mais la rupture est telle que même les mots d’hier, dans leur passage du signifiant au signifié, sont en panne : ils ne font plus sens car le monde de demain ne peut être pensé avec les modèles et les cadres de référence du monde d’hier. Alors, seule la mise en conférence « chemin faisant » des signifiés, des points de vue moraux, de toutes les parties prenantes, peut nous donner une chance de reconstruire un sens commun, une histoire commune, une éthique commune. Mais la rupture est telle que seule la fable ou le rêve peuvent l’esquisser et le stimuler.
Or les universités continuent de s’écarter des voies créatrices de valeur globale émergeant de l’interdisciplinarité ; la logique disciplinaire est en effet très puissante, presque inscrite dans l’ADN universitaire et stimulée par la chasse aux classements internationaux. Elles risquent alors de ne plus pouvoir jouer, dans les sociétés évoluées, leur rôle séculaire : la recherche désintéressée du vrai et du bien, en aidant à penser le monde. Alors, où se fera cette recherche ? Cette remise en cause risque d’être fulgurante car simultanément l’internet transforme son cœur de métier, par exemple avec l’arrivée des MOOC et des SPOC : l’unité de lieu et de temps, pour l’acquisition
REE : Mais, pour vous, que disent de l’Université ce rêve et cette fable ? P. G. : Je crois effectivement qu’il faut que partout les universités redeviennent de véritables laboratoires de la « recréation du monde ». Dans mon rêve, elles sont évidemment « zéro carbone » ; mais surtout elles offrent aux étudiants, quels que soient leur niveau et leur âge, un environnement de créativité permanente, où chacun peut expérimenter sur le campus de nouvelles techniques, de nouvelles postures sociales, économiques, spirituelles, pour inventer le
1
2
Pierre Giorgini. La transition fulgurante - Vers un bouleversement systémique du monde ? Editions Bayard 2014 408 p. 18,90 F.
Pierre Giorgini avec Nicolas Vaillant. La fulgurante recréation Préface d’Erik Orsenna de l’Académie française Editions Bayard Janvier 2016 334 p. 16,90 F.
REE N°1/2016 Z 115
ENSEIGNEMENT & RECHERCHE
nouveau monde. Devenues des socialshops, où cohabitent chercheurs en technosciences comme en sciences humaines, étudiants, acteurs économiques et sociaux, elles deviennent des espaces de création, d’expérimentation et d’observation scientifique des initiatives, qui sont analysées, capitalisées dans une rechercheaction transdisciplinaire (anthropologie expérimentale par exemple). Des ateliers, des fablabs, des Tech’shops, sont ouverts aux étudiants, mais aussi à quiconque, ayant idée, talent ou envie d’apprendre, de fabriquer, de créer une activité (entreprise, association, communauté…). Ils sont équipés des machines les plus sophistiquées (imprimantes 3D, découpe laser, etc.), les plus traditionnelles (tour à bois, machines à coudre, à broder, à polir…), mais aussi les plus simples (broyeurs de matériaux, de récupération pour cartouches 3D, récupération du bois, plastique…) Ils mettent également à disposition des utilisateurs équipements microélectroniques et informatiques, instruments de musique, d’enregistrement, de production audiovisuelle, de création artistique, de synthèse 3D… Des incubateurs de création (entreprises, associations, start-up, entreprenariat, etc.) sont installés à proximité. L’Université devient une véritable ruche, une agora des rencontres improbables. Des panels étudiants/professeurs, animés en réseau, prennent, après débats contradictoires, les décisions les plus structurantes sur l’avenir, l’équipement et le fonctionnement de l’institution. REE : Mais avant l’Université, il y a l’École. Comment celle-ci peut-elle préparer à cette fable ? P. G. : Dans mon rêve, l’École s’est également profondément réformée. Elle a basé son développement et sa pédagogie sur les quatre principes fondateurs de la recréation définis dans La Fulgurante recréation, à savoir l’altérité, la résilience, la ré-inventivité, en ayant revisité son espace de reliance. Elle est devenue une école de la reliance, c’est-à-dire une école de la connexion qui fait sens et système (voir les travaux de Marcel Bolle de Bal et d’Edgar Morin), une école de la connexion finalisée, qui induit une appartenance signifiante à des réseaux, des communautés de destin, des associations, des sociétés formelles (territoire, état, continent, planète), en mettant en évidence à chaque fois les liens de coresponsabilité, car nos comportements portent une part de responsabilité universelle ; cela consiste à apprendre, non plus par une entrée disciplinaire, mais essentiellement en analysant l’espace de reliance temporelle (histoire, philosophie, économie, sociologie, art…), physique (géographie, géopolitique, économie...) et virtuelle (communautés thématiques, co-créatives...) pour tout projet, sujet ou objet prétexte à l’étude ou à l’action collective. Une pédagogie inversée par problème est généralisée et sert de fil rouge à une reconstruction disciplinaire plus linéaire.
Quatre principes pour recréer l’école ! Très tôt, les apprenants utilisent les ressources média (internet, MOOC, SPOC…) pour acquérir les savoirs nécessaires et les socialiser au sein de l’école en leur donnant du sens au travers des groupes apprenants. Les corpus disciplinaires sont ensuite reconstruits a pos-
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teriori avec les compléments théoriques supplémentaires nécessaires pour « charpenter la discipline ». Les situations d’apprentissage à partir de situations réelles sont privilégiées. Les acteurs locaux, tels que mairies, services de l’État (police, justice), entreprises, associations, etc., sont fortement impliquées. L’école est devenue une école de la résilience où s’apprennent la frustration, la patience et le manque assumé, la lenteur de l’accomplissement d’un désir, le regard positif sur les fragilités et les handicaps. Des situations difficiles, réelles ou simulées, sont identifiées. Grâce aux nouvelles technologies, des pédagogies d’apprentissage basées sur des temps longs d’investigation, de recherche, d’élaboration de solutions en co-création, sont mises en place. Les créations artistiques ou sportives qui demandent souvent des efforts longs et frustrants sont privilégiées ; une vraie éducation à la consommation responsable, mettant chacun en situation d’évaluer les conséquences globales de ses choix. L’école devient celle de la pensée globale. Une école de l’altérité est née, où chacun apprend à reconnaître et entrer en relation avec l’autre, différent sur le plan culturel et religieux, et à définir avec lui, avec eux, les termes de la modération réciproque permettant un vivre ensemble. Des pédagogies inversées centrées sur l’analyse des tensions internes à la classe, aux communautés, à partir de disciplines telles que la philosophie, l’histoire, la géopolitique, l’art, permettent de comprendre et d’expérimenter en quoi l’altérité, c’est-à-dire le caractère de ce qui est autre, constitue le cœur de la montée en humanité de chacun. Enfin une école de la réinventivité, de l’émergence co-créative, est en place. L’école devient très tôt dans la scolarité un écosystème, siège de rencontres improbables, favorisant l’émergence co-créative de solutions, de projets, de résolution de problèmes réels ou simulés. Les apprenants sont mis en situation de ré-instituer totalement ou partiellement leurs modes collectifs d’apprentissage et de vie dans l’école. Des groupes tirés au sort deviennent délibératifs sur des sujets de vie de l’école ou de société, à condition d’accepter de travailler leur « capacité démocratique » sur le sujet concerné (wikidémocratie interne). Cela consiste à réactiver de façon plus volontariste la pédagogie institutionnelle, mettant chaque apprenant en situation de réinstituer (choix d’organisation, édition des règles…) les coopérations au sein de l’école en vue des apprentissages. Il s’agit progressivement de sortir l’apprenant du centre du système pédagogique pour l’ériger comme partenaire à part entière du système centré sur ses apprentissages. REE : Pour élaborer vos deux ouvrages, vous avez mis en pratique une méthode très originale en associant vos collègues des diverses sciences humaines : vous leur donnez la parole pour qu’ils critiquent et mettent en questions vos propres convictions ! Pouvez-vous préciser la richesse, et peut être aussi les limites, de cette méthode qui renouvelle la maïeutique ? P. G. : Dans La fulgurante recréation, j’ai intitulé un chapitre « Tous facteur Cheval », destiné à faire sentir la rupture épistémologique dans laquelle nous sommes, dans les formes même de construction des savoirs. Le célèbre facteur de Hauterives et son Palais idéal m’est très souvent apparu comme emblématique d’une approche
ENSEIGNEMENT & RECHERCHE
Figure 1 : Université catholique de Lille (UCL) : les étudiants accueillis dans un édifice néo-classique bien conforme à la tradition des Flandres. originale, simple et riche à la fois ; remarquons tout d’abord combien la part du rêve et de la continuité est essentielle dans son action quotidienne et inscrite dans la durée : son palais, il a dû l’imaginer à partir de photos et dessins, des cartes postales, d’images de magazines, mélange de fantasmes et de peurs mais aussi d’émerr veillement et de calcul. Il l’a imaginé mais ne l’a pas construit tel qu’il l’a imaginé ; il l’a fait en l’imaginant et l’a imaginé en le faisant ; il l’a calculé en le faisant et l’a fait parce qu’il l’a calculé… La combinaison d’un sens qui précède chaque étape de la réalisation, avec le sens renouvelé, altéré par le cheminement de la pensée de l’auteur, faite d’imagination, de mémoire et de rationalité, apparaît lors de la simple visite du palais. La construction s’est faite avec des pierres à la fois glanées au hasard et choisies, mais dans l’ignorance précise de leur rôle futur. C’est cette interaction, ce « faire en marr chant », cette façon de penser l’œuvre globale en mouvement, en enrichissant à la fois la réalisation et l’étape suivante projetée dans l’imaginaire, qui me fascinent et me donnent l’image de notre humanité en construction permanente. Comme celle du modeste facteur drômois, ma pensée vivante est au cœur d’une interaction à la fois créative et rationnelle entre le vécu, le réalisé, l’imaginé et le projeté dans une circularité vivante et enthousiasmante. Notre monde moderne nous pousse et en même temps il at-t tend de nous que nous soyons tous des facteurs Cheval, avec cette capacité de monter en conscience à propos de ce « château d’humanité» que nous construisons tous dans le jardin de l’univers, dans une co-élaboration spatiale et temporelle sans limite. Nos cailloux sont la connaissance, notre tournée est notre chemin d’humanité, nos usagers sont nos rencontres, nos cartes postales sont ce que ces rencontres nous permettent d’apprendre et de rêver. L’humanité, c’est cet édifice en construction permanente mais qui ne détruit jamais complètement la forme qui le précède. Ceux qui façonnent l’humanité, façonnent en même temps les communautés qui la construisent et les communautés bâtissantes trouvent leur unité dans l’intercompréhension qu’ont leurs membres de ce qu’ils sont en train de réali-
ser, de la place et du rôle, que chacun a ou souhaite avoir. Alors cette intercompréhension – cette reliance – peut permettre de surmonter les agressions, les effondrements partiels de l’édifice, les accidents de chantiers, les conflits d’intérêt, par la résilience, par l’émergence créative et la ré-inventivité permanente des modes de coopération se nichant au cœur de la relation à ce qui est autre que moi, l’altérité. Porteur de telles convictions, comment aurais-je pu écrire La fulgurante recréation comme une thèse à développer, comme une argumentation visant à légitimer une hypothèse ? Je pense que l’avenir sera dialectique ou ne sera pas et les prédicats même des théories peuvent être remis en cause. Nous entrons dans l’univers de la complexité et de l’incertitude. Le doute devient, encore plus qu’avant, ferment d’une pensée qui se construit en marchant, mais sans oublier ce qui la fonde et en restant ouverte à la mise en réseau, à la confrontation à d’autres cadres de références, à d’autres disciplines. Au moment où le fil des grandes lignées disciplinaires est en partie rompu, comment se préserver du retour des obscurantismes cachés derrière un savoir apparent ou une ignorance dissimulée ? En osant l’imposture, mais en acceptant simultanément de la livrer à une mise en conférence contradictoire avec les disciplines basées sur la science ! REE : Depuis bientôt un siècle et demi qu’elle existe, l’UCL comporte diverses composantes, notamment santé, droit, techniques et sciences humaines ; quelles sont les ambitions collectives de l’ensemble de l’UCL et comment articuler la coopération interne ? P. G. : L’encyclique du Pape « Laudato si’3 » qui concerne la préserr vation de la maison commune nous offre, comme sur un plateau, la réponse à la question du sens global de l’action de l’UCL, dans des domaines qui paraissent éloignés mais qui pourtant constituent notre
3
NDLR : Le lecteur pourra se référer, à propos de l’encyclique Laudato si’, aux Libres propos de Gilles Bellec parus dans le numéro 2015-5 de la REE.
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CHRONIQUE
Propos de B.Ay, chroniqueur
I
l y a quelque témérité
régulière dans REE, en plus d’autres rubriques, j’ai
impose un travail minutieux associant fidélité à
à choisir pour cette
voulu me prouver à moi-même, la retraite venue
l’auteur, souci de la langue et respect des règles
ultime chronique un
et disposant de temps, qu’écrire est un exercice
typographiques. A cet égard j’avoue, sans glo-
titre qui s’inspire d’un
à la fois salutaire et abordable.
riole mais aussi sans honte, que j’ai très souvent
oouvrage qui eut son
Je voulais aussi (essayer de) lutter contre
mérité la satisfaction de mes interlocuteurs et
hheure de célébrité et
une tendance à l’aboulie et à la procrastination,
été fidèle aux enseignements de l’instituteur, qui
qque l’on devrait relire :
sans doute innée, mais que l’âge a tendance à
m’apprit à respecter l’orthographe et à manier
oserai-je i j avouer que j’j’aii entendu parler d’Auguste
renforcer. Mais par prudence, j’ai accepté de tenir
la langue ; par contre j’ai fait, pour maîtriser la
Detœuf depuis longtemps, bien avant de suivre
dans REE des rubriques qui s’autoalimentent :
ponctuation ou mettre à bon escient les majus-
– scolairement – sa voie : enfant, j’allais souvent
avec « Vient de paraître » et les « Echos de l’ensei-
cules, de lents progrès en dépit des amicales et
en famille dans un village du Valois, qui a depuis
gnement supérieur et de la recherche », on est
régulières leçons de notre rédacteur en chef ! Il
grandi à l’ombre de Roissy. Mon oncle y était à
assuré que l’actualité viendra sans trêve alimen-
m’est même parfois arrivé de me substituer au
la fois directeur d’école et secrétaire de mairie ;
ter l’inspiration, fût-ce au prix de faits divers…
signataire, mais la discrétion m’interdit d’en dire
grâce à lui j’ai connu deux célébrités locales : le
Mais, avec mes débuts journalistiques, j’avais
plus et mon aversion du racisme d’imaginer que
père Baptiste, maire de la commune, qui me par-r
l’ambition de faire mieux que les échotiers de
j’aurais pu devenir le nègre de qui que ce fût.
la un jour de Jaurès qu’il allait écouter autrefois
la PQR (Presse Quotidienne Régionale) et je
Mais comment ne pas mentionner les bien-
quand il militait au syndicat des cochers CGT, et
me suis astreint à un travail de documentation,
faits du travail de chroniqueur, avec la néces-
puis le frère d’Auguste, qui tenait la plus grande
voire de réflexion, assez chronophage. Il serait
sité de se documenter et de beaucoup lire, ne
ferme du pays et de qui j’ai compris, il y a plus
toutefois excessif d’invoquer le temps passé
serait-ce que pour lutter contre la tendance à la
de 65 ans, ce que pouvait être, à l’opposé de la
pour expliquer, a fortiori pour excuser, la façon
sénescence et au vieillissement. Mais l’éloigne-
ruralité bocagère, la grande exploitation agricole.
extrême dont j’ai parfois respecté les délais fixés
ment du monde professionnel – déjà 12 ans de
J’ai depuis appris qui était Auguste Detœuf,
par un comité de rédaction auquel je participe
retraite en ce qui me concerne ! – vous prive
polytechnicien (promo 1902), ingénieur général
avec assiduité ! Je persiste à croire, ayant souvent
insensiblement de sources d’information quoti-
des ponts et chaussées, artisan de la création
été le pénultième à fournir ma prose, que j’ai pris
diennes et du dialogue avec vos pairs sans le-
d’Alsthom (1928) et premier président de la
soin de ne jamais entraver ni même retarder la
quel il est difficile d’évaluer la pertinence de vos
société de 1928 à 1940 : à ce titre, il a été pro-
publication de notre belle revue…
jugements. Le rythme des découvertes scien-
bablement membre de la SEE et aurait pu tenir,
Concernant la « Chronique » elle-même, pour
tifiques comme des évolutions technologiques
assurément,t la chronique que depuis quelques
laquelle l’autonomie et par conséquent l’imagina-
– omnia fert aetas ! – et la difficulté à suivre la
années je m’efforce d’assurer. Les propos d’O.L.
tion sont totales, j’ai pris, dès mon engagement,
recommandation d’Auguste Detœuf à ne jamais
Barenton, confiseur1 constituent en effet un
le parti-pris d’une formule sécurisante : en choi-
oublier de prévoir l’imprévu, me poussent vers
ensemble de textes dont beaucoup font pen-
sissant une thématique assez riche pour avoir
de nouvelles passions, pour des valeurs moins
ser à La Bruyère… et certains sont dignes de
inspiré deux auteurs de talents, je tenais un
fugitives ; la découverte du patrimoine naturel,
Christophe et de son savant Cosinus ! Les pen-
excellent sujet de chronique !
historique et architectural de l’Île de France, et
1
sées, sentences et aphorismes y sont nombreux
Je n’en éprouve que plus d’admiration pour
tout spécialement celui de mon Paris natal, va
et, ensemble, constituent un véritable traité
ceux qui régulièrement honorent un rendez-vous
désormais stimuler mon activité physique et
managérial : on y apprend par exemple, que
attendu des lecteurs. A propos de la culture scien-
intellectuelle... Q
réfléchirr c’est attendre quelques jours avant de
tifique, dont la diffusion me parait essentielle au
ne pas changer d’avis ou encore que consulter
sein des sociétés savantes telles que la SEE, qu’il
est une façon respectueuse de demander à
me soit permis d’affirmer mon admiration pour
En prenant connaissance de
quelqu’un d’être de votre avis.
ce que font Pierre Barthélémy dans le Monde ou
cette « ultime » chronique, digne
Jean-Paul Delahaye dans Pour la science...
des plus grands conteurs, le
Depuis fort longtemps, je peine devant une
Bernard Ayrault
feuille blanche et depuis plus d’un demi-siècle
Parmi mes contributions à la REE, il y a aussi
j’admire le talent de ceux qui régulièrement
celles pour lesquelles je n’ai été que l’intermé-
a bien du mal à réaliser que ces
savent faire court et original ; le modèle du billet-
diaire mais qui m’ont donné l’occasion de ren-
lignes marquent le départ de notre ami Bernard
tiste restera pour moi Robert Escarpit qui, chaque
contrer des experts ou de correspondre avec eux.
vers de nouvelles passions. Il espère que nos lec-
après-midi, quelles que fussent les circonstances
Notre revue sollicite souvent en effet des per-r
teurs seront suffisamment nombreux pour lui faire
de la vie, dictait par téléphone ce qui allait mettre
sonnalités trop engagées professionnellement
comprendre que son inspiration n’est pas tarie et
de l’humour dans la « une » du Monde, alors fort
pour assumer intégralement un article ; alors le
que ses propos sont toujours les bienvenus. Qu’il
austère. En acceptant de tenir une « Chronique »
recours à l’interview s’impose, avec des modali-
soit en tout cas remercié pour l’immense contri-
tés très variées mais qui toujours imposent de
bution qu’il a apportée au renouveau de la REE. Q
bien connaitre ce que fait et pense votre interlo-
Jean-Pierre Hauet Rédacteur en chef
1
Auguste Detoeuf « Propos d'O.L. Barenton, confifi seurr » - Editions d'organisation nov. 1982 (230 p. 27,50 F). F
cuteur. Dans tous les cas, la mise en forme finale
comité de rédaction de la REE
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PROPOS
LIBRES
Gérard Théry Ancien directeur général des télécommunications
retire dans les années 80, jette son froc aux orties. À un État inspiré, à qui le reproche fut dit d’être trop directif et trop puissant, succède un État mollasson, privé d’inspiration et d’énergie. N’était-il pas possible
L
e vaste monde du numérique est pour certain la
d’aborder le nouveau capitalisme et la mondialisation
planche de salut qui va nous sauver de la crise
avec la même lucidité que d’autres pays comme la
que nous vivons.
Chine, la Corée du sud et un autre pays aussi parfai-
Alcatel-Lucent est racheté par Nokia. Orange, notre
ancien opérateur historique est attaqué de toutes parts
tement libéral que protectionniste et étatique comme les États-Unis ?
sur ses métiers traditionnels et peine à se redéployer
On invoquera, de la part des gouvernants, l’absence
sur de nouveaux métiers. Les plus grands acteurs du
d’une politique économique fondée sur la rigueur qui,
numérique affichent des capitalisations considérables,
l’Allemagne et d’autres pays européens en ont fait la
mais créent de la valeur ajoutée hors de France et hors
démonstration, constitue la clé du développement, de
d’Europe.
la prospérité et de la compétitivité. S’agissant de notre industrie, on discerne une forme
Un constat
de mépris des classes dirigeantes à l’égard d’activités
Il n’est pas inutile de se placer dans un contexte plus
réputées sales et polluantes, la financiarisation exces-
général. La France enregistre, depuis 35 ans, un quadruple
sive des comportements des décideurs, la préférence
déclin, économique, industriel, social, technologique.
donnée au revenu de l’actionnaire par rapport au finan-
Déclin économique, dont le signe majeur est l’endettement, passé de 20 % du PIB en 1980 à quasiment 100 % en 2015. En quasi équilibre après deux chocs pétroliers, le budget français affichait voici
cement de l’investissement, le choix du
Le numérique… Que de questions !
court terme plutôt que du moyen et long terme… L’intelligence des systèmes politiques propre à certains pays a manqué : le retard français est davantage imputable à des élites suffisantes et déca-
peu, un déficit de près de 4 %.
dentes que le fait de la fatalité.
Déclin industriel : la valeur ajoutée industrielle rapporté au PIB est passée de près de 31 % en 1980 à moins de 19,4 % en 2014 (sources : Les Échos, Banque mondiale). Déclin social : des millions de chômeurs, un niveau aujourd’hui insupportable. Déclin technologique : la France se présentait en 1980 avec un avantage technologique indéniable. Un
Les changements structurants des 30 dernières années Sept changements structurels caractérisent l’évolution des TIC en 30 ans : s LA VERTIGINEUSE CROISSANCE DES CAPACITÏS DE TRAITEMENT et de mémoire des composants ;
réseau téléphonique moderne, des technologies de
s LA NUMÏRISATION QUI INVESTIT LE CHAMP DES TÏLÏCOMS ET
commutation et de transmission compétitives, fers
de la communication : l’informatique dès les années
de lance de nos exportations, le Minitel et le réseau
50, les télécoms à partir des années 70, la télévision
Transpac préfigurant les réseaux de consultation futurs,
beaucoup plus tardivement ;
un projet satellitaire (Télécom 1) et la première ville au monde câblée en fibre optique, Biarritz, pour tester le premier service de visiophonie mondial. En viendrait-on à penser que le général Gamelin, l’artisan de la débâcle de 1940, a présidé au destin du pays pendant 35 ans ? L’interrogation sur le rôle de l’État reste d’actualité.
s L IRRÏSISTIBLE MONTÏE DE L )NTERNET ET LA MULTIPLICATION DES PC à partir de 1990 ; s LA QUASI GRATUITÏ DU .ET ET L INVASION DE LA PUBLICITÏ QUI le finance ; s LA NAISSANCE DE LA MOBILITÏ ET LA MONTÏE EXPONENTIELLE du téléphone mobile à partir de 1990 ; s LA DÏRÏGULATION DES TÏLÏCOMS EN %UROPE Ì PARTIR DE
Il a inspiré jusqu’en 1981, dans sa foi industrialiste, les
mettant fin à la suprématie des opérateurs historiques ;
plus grandes novations industrielles européennes : le
s L APPARITION ET LA MONTÏE EN PUISSANCE DU SMARTPHONE
nucléaire, Ariane, le TGV, Airbus, les Télécoms. Il se
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à partir de 2000.
PROPOS
LIBRES
Autrefois fer de lance de l’ancienne suprématie
à jouer, à se distraire, à se faire enregistrer, à payer, à
technologique française en matière de TIC, l’opéra-
photographier, à s’exhiber, qu’à téléphoner. Il s’érige en
teur historique s’est trouvé marginalisé.
instrument de communication universel. La plupart des acteurs industriels et des fournisseurs de service font le
L’État coupable 1998. Le statut de France Télécom est modifié en
virage sur l’aile de s’adapter presque davantage au terminal mobile qu’au fixe.
vue de l’ouverture du capital et de l’introduction en
r Selon le professeur Lionel Nakache, la société hyper-
bourse. L’entreprise est en sureffectif d’environ 100 000
connectée fonctionne comme le cerveau d’un épilep-
agents. Aucune mesure sociale de conversion des em-
tique. Perte de la perception des différences, appauvris-
plois n’est préalablement prise.
sement de la pensée collective, perte de conscience et perte de l’esprit critique, hallucination et aura épilep-
Une politique de la concurrence et de la régulation discutable à partir de 2003.
tique, sensation de bonheur… Asservis à ces nouveaux usages, nous restons cepen-
Inspirée en cela des recommandations de Bruxelles,
dant conscients de nos comportements : aussi multiples
la politique menée par les autorités françaises chargées
qu’ils soient, ils restent globalement soumis à la pensée,
de la régulation et de la concurrence, obéit dès 2003 à
aux besoins, au doigt et à l’œil. Nous sommes robotisés
un modèle hyper juridique et despotique dans l’entière
avec un reste de cervelle.
acception du terme. À la tête de ces organismes, de hauts fonctionnaires, bien abrités derrière leurs bureaux
Les nouveaux maîtres de l’univers
Louis XV, ignorants de la dure réalité industrielle faite de
Naissent et grandissent pendant ces 30 années les
conflits, de menaces sur l’emploi, de larmes et de sueur,
grands monstres américains du logiciel (Microsoft),
d’adaptations douloureuses.
du routeur (Cisco), de l’accès multiple (Apple), de la
2004. La chasse à l’opérateur historique commence.
connaissance (Google), de la communication humaine
France Télécom est contraint de mettre gratuitement à
(Facebook, Tweeter), de l’accès aux contenus (You
disposition de nouveaux concurrents son réseau de dis-
Tube), de l’achat en ligne (Amazon).
tribution pour lancer l’ADSL. Ce réseau a été largement
Ces hyper puissances disposent d’un pouvoir sans
construit ou rénové de 1975 à 1980, il est quasiment
contre-pouvoir. Leur avance incontestable en matière
neuf, il figure à l’actif de l’opérateur et a été évalué à
d’algorithmes et de gestion du numérique, leur permet
plusieurs milliards par la Commission de privatisation.
de régner sans partage sur le monde des données inforr
A la suite d’acquisitions hasardeuses, France Télécom
matives, érigeant ainsi une encyclopédie de la satisfac-
est en quasi dépôt de bilan. L’entreprise est sauvée par
tion des besoins, une bibliothèque des bibliothèques
une injection massive de capital venant de l’ERAP et par
irremplaçable dans la vie professionnelle et personnelle.
le renouvellement de ses dirigeants. Les investissements
D’autres préemptent la vie associative, la communi-
en fibre optique, permettant l’accès à des hauts débits
cation sociale, l’hypertrophie de l’égo : « Je me montre
fixes et mobiles, sont oubliés. Leur rentabilité financière
donc je suis, je suis donc je tweete ». Une floraison de
n’est pas jugée suffisante.
points de vue que reprennent les médias dans leurs
Tout est en place pour fabriquer « Grand Corps Malade »
débats : Kevin, Florian, Sibylle, Dylan, Alison, Léonardo,
au moment où aux États-Unis, au Japon, en Chine, se
Nelson, saturent les fréquences. Les médias font leurs
confortent des opérateurs puissants, aux ressources finan-
choux gras des blogs, des sites Facebook et des tweets
cières considérables, capables de lancer des investisse-
des hommes politiques. L’avenir du pays, son passé, son
ments importants. Le prestigieux CNET d’autrefois est ravalé
destin, sont absents de ces bavardages.
au rôle de centre d’appui technique subsidiaire d’Orange.
La plupart de ces monstres américains se sont construits ex nihilo, financés pendant des années sans
Aujourd’hui Le triomphe du mobile
générer le moindre profit, par la seule valorisation du capital. Leurs actionnaires ont su attendre, leur porte-
Le mobile s’impose au détriment du fixe. Le terminal
feuille a foi dans l’avenir. Sur la rive Est de l’Atlantique,
devient “smart”, il sert autant à s’informer, à réserver,
les grands acteurs européens sont court-termistes
REE N°1/2016 Z 127
Entre science et vie sociĂŠtale,
les ĂŠlĂŠments du futur Une publication de la
Edition/Administration : SEE - 17, rue de lâ&#x20AC;&#x2122;Amiral Hamelin - 75783 Paris cedex 16 TĂŠl. : 01 5690 3709 - Fax : 01 5690 3719 Site Web : www.see.asso.fr
La SEE, sociĂŠtĂŠ savante française fondĂŠe en 1883, forte de 3 000 membres, couvre les secteurs de lâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;lectricitĂŠ, de lâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;lectronique et des Technologies de lâ&#x20AC;&#x2122;Information et de la Communication. Elle a pour vocation dde ffavoriser i ett dde promouvoir le progrès dans les domaines : Ă&#x2030;nergie, TĂŠlĂŠcom, Signal, Composants, Automatique, Informatique.
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Impression : Jouve - 53100 Mayenne 136 Z REE N°1/2016
DĂŠpĂ´t lĂŠgal : mars 2016
sociĂŠtĂŠs scientiďŹ ques La SEE favorise le partage du savoir, et contribue aux dĂŠbats sur des problèmes de sociĂŠtĂŠ en ĂŠditant des revues s Revue de lâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;lectricitĂŠ et de lâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;lectronique (REE) s Revue 3EI s Monographies s Publications ĂŠlectroniques : SEE ActualitĂŠs
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