Aperçu du numéro 2016-2 de la REE (mai 2016)

Page 1

2016

EDITORIAL Lumière et électricité pour tous, un droit universel Jean-Louis Borloo

Numéro

2

ÉNERGIE G

ENTRETIEN AVEC Philippe Joubert

TELECOMMUNICATIONS CO U C O S

DOSSIERS

SIGNAL S G

COMPOSANTS CO OS S

AUTOMATIQUE U O QU

INFORMATIQUE O QU

Cet aperçu gratuit permet aux lecteurs ou aux futurs lecteurs de la REE de découvrir le sommaire et les principaux articles du numéro 2016-2 de la revue, publié en mai 2016. Pour acheter le numéro ou s'abonner, se rendre à la dernière page.

9e conférence internationale sur les câbles d’énergie isolés

ISSN 1265-6534

L'ARTICLE INVITÉ

La chirurgie de demain Par Jacques Marescaux, Michele Diana www.see.asso.fr


EDITORIAL

JEAN-LOUIS BORLOO

Lumière et électricité pour tous, un droit universel

L

Comment l’Afrique deviendra le premier continent soutenable de l’Humanité

es énergies constituent un outil indispensable au développement humain, économique et social mais leur approvisionnement pose un défi majeur compte tenu de la fracture énergétique qui s’est opérée entre l’Occident et certains pays en voie de développement (on sait que seulement un tiers des Africains ont accès à l’électricité). Posons-nous les bonnes questions : comment pourrons-nous alimenter en énergie neuf milliards d’êtres humains dans 50 ans alors que deux milliards en sont aujourd’hui privés ? D’ici 30 ans, l’Afrique comptera un milliard de nouveaux habitants. Ce boom démographique sans précédent dans l’histoire de l’humanité s’avère être une formidable chance mais également un incroyable défi. Une formidable chance parce que la population africaine est aujourd’hui, et sera demain, la plus jeune du monde : 50 % des africains ont moins de 25 ans. Cette jeunesse, dont le niveau d’éducation a considérablement progressé, est née avec Internet et les téléphones mobiles ; elle représente un véritable atout et l’avenir du continent. Un incroyable défi car il va falloir nourrir, former, loger, employer et soigner ces nouveaux habitants qui inéluctablement seront attirés vers les lumières des grandes villes africaines et de l’Europe. En Afrique, l’exode rural crée de véritables chaudrons urbains, dans des villes qui ne disposent pas pour la plupart d’infrastructures nécessaires à l’accueil de ces nouvelles populations. En Europe, nous assistons à un phénomène d’immigration massive aux conséquences souvent dramatiques... C’est pour faire face à ces enjeux que l’accès à l’énergie est une absolue priorité. Ces enjeux sont sanitaires, éducatifs, économiques mais concernent aussi les conditions de vie de la femme et des populations en général. Ainsi, l’électrification du continent permettra le développement, dans les campagnes, d’activités autres que les activités agricoles et de lutter contre l’exode rural. Les États seront peuplés de façon plus homogène, les infrastructures plus diffuses et la maîtrise du territoire meilleure pour les États. L’énergie est le préalable à tout développement, la ressource indispensable à la vie, à la lutte contre l’obscurité et l’obscurantisme.

Il est indéniable que la question de l’asymétrie d’accès aux énergies est une problématique mondiale qui constitue le grand défi du XXIe siècle auquel nous devons répondre, par un engagement très faible de chacun mais ayant en cumulé des effets considérables. L’électrification du continent n’est pas impossible ; elle est nécessaire, vitale et surtout réalisable d’ici 2025. On estime à ce jour que si l’ensemble des projets et avant-projets existants étaient mis en œuvre, l’Afrique pourrait être électrifiée à 80 % d’ici 10 ans. Ces projets sont connus et identifiés mais la plupart d’entre eux connaissent un problème de soutenabilité financière et de rentabilité. Les initiatives sont nombreuses mais éparses et les critères d’accès aux financements internationaux publics et privés demeurent complexes. C’est la raison pour laquelle la création d’une agence panafricaine d’électrification dirigée par les Africains et au service des Africains est indispensable. Dotée d’une subvention de l’ordre de cinq milliards de dollars par an pendant 10 ans, permettant de mobiliser les 20 milliards de dollars par an de liquidités publiques et privées disponibles, et d’une ingénierie publique de haut niveau, elle est en passe de devenir un outil de fédération des partenaires et bailleurs de fonds au service des États et des projets ainsi qu’un véritable vecteur de mobilisation de l’ensemble des capacités de financement privé, public, classique ou concessionnel. Ce chaînon manquant est le seul outil capable de sécuriser les financements, d’assurer la soutenabilité des projets et donc leur faisabilité. Nous devons être à l’initiative d’un rendez-vous que l’histoire retiendra, celui de la convergence de tous les continents regardant dans la même direction.

M. Jean-Louis Borloo est président de l’association « Énergies pour l’Afrique » qu’il a fondée en novembre 2014. Avocat de formation, il a exercé de nombreuses fonctions électives : maire de Valenciennes, député européen, conseiller régional, député du Nord. Il a aussi exercé des fonctions ministérielles importantes sous la présidence de Jacques Chirac, puis de Nicolas Sarkozy en étant notamment Ministre d'Etat en charge de l'Environnement, de 2007 à 2010 dans le gouvernement Fillon.

REE N°2/2016 Z 1


sommaire Numéro 2

1

EDITORIAL Lumière et électricité pour tous, un droit universel Comment l’Afrique deviendra le premier continent soutenable de l’Humanité Par Jean-Louis Borloo

Ancien ministre d’Etat

2

p. 1

SOMMAIRE

4

FLASH INFOS

5 7 8 9 11

Lancement réussi du premier satellite de l’autoroute spatiale européenne de l’information La détection des ondes gravitationnelles Une centrale à biomasse de 215 MW en Belgique Centrales au charbon : vers la fin d'une époque ? Le « foulon responsable » : l’industrie du cuir se met au vert Jupiter 1000 : en route vers l’hydrogène vert et le “Power to gas”

12 ACTUALITÉS 14

p. 30

15 18

La cyberattaque contre les réseaux électriques ukrainiens du 23 décembre 2015 Les résultats de l’appel à projets « Réseaux électriques intelligents (REI) » sont connus Une nouvelle famille de fibres optiques pour les lasers ultrafast Controverses sur le chiffrement : Shannon aurait eu son mot à dire

20 A RETENIR Congrès et manifestations

22 VIENT DE PARAÎTRE La REE vous recommande

25 ARTICLE INVITÉ La chirurgie de demain Par Jacques Marescaux et Michele Diana p.. 74

30 LES GRANDS DOSSIERS L’Afrique et l’électricité Introduction Par Jacques Horvilleur

33

Electrifier l’Afrique - Les investissements financiers et humains nécessaires Par Jean-Pierre Favennec, Henri Beaussant. Avec la collaboration de Henri Boyé, Bernard Duhamel, Gérard Malengé, Albert Mbafumoya Tchomba

p. 25

44

Le développement de l’hydroélectricité en Afrique subsaharienne Par Frédéric Louis

2 Z REE N°2/2016


50

Un enjeu majeur : améliorer l’efficience de la distribution

Par Henri Boyé, Moussa Bagayoko

58

L’électrification rurale en Afrique

Pour que votre énergie ne vous mette pas échec et mat.

a H

Des smart grids en Afrique ?

6 IM 201 4 PC p e 20 ro 9Eu l l

Par Ousmane Sall, Thierry Ledoux, Jacques Horvilleur

55

Par Jean-Pierre Cerdan

69

Le développement des énergies renouvelables en Ethiopie – Un exemple de renforcement des capacités d’une structure locale Par Jacky Bauley, Pauline Caumon, André-Jean Guérin

74

Dossier Jicable'15 - 9ème conférence internationale sur les câbles d’énergie isolés Introduction Par Lucien Deschamps

78

REE’s research and development projects related to predictive maintenance based on monitoring of critical parameters in high voltage underground cables Par Gonzalo Donoso, Ricardo Reinoso, Rafael García, Luis Felipe Alvarado, Javier Ortego, Luigi Testa

84

Testing submarine cables for combined axial compression and bending loads Par Andreas Tyrberg, Erik Eriksson, Frank Klæbo, Jørgen Grønsund

90

Challenge of fault location on long submarine power cables Par Manfred Bawart, Massimo Marzinotto, Giovanni Mazzanti

96

Lillebælt – Manufacturing, installation and commissioning of world’s first 420 kV 3-core submarine cable Par Morten Ahrenkiel Vilhelmsen, Flemming Krogh

102 Development of a three-terminal ready HVDC interconnector between France and Great Britain via Alderney Par Gro Wæraas de Saint-Martin, Jean Charvet, Chris Veal

108 GROS PLAN SUR… L’énergie positive Par Jean-Pierre Hauet

118 ENTRETIEN AVEC... Philippe Joubert

Executive Chairman de la Global Electricity Initiative auprès du Conseil mondial de l’Energie

122 ENSEIGNEMENT & RECHERCHE

Séries ATO et ART :PTWSPÄ La L[ HTtSPVYLa ]VZ TLZ\YLZ K»tULYNPL NYoJL n SH TLZ\YL KL JV\YHU[ 3,4 [YuZ WLYMVYTHU[L ZHUZ JVU[HJ[ L[ V\]YHU[L 3L [VW KL SH TLZ\YL (* H]LJ SLZ IV\JSLZ KL 9VNV^ZRP ­(9;® MPULZ MSL_PISLZ n LUYV\SLY H\[V\Y K\ JVUK\J[L\Y WV\Y \UL PUZ[HSSH[PVU MHJPSL X\LS X\L ZVP[ S»LU]PYVUULTLU[ V\ H]LJ SLZ [YHUZMVYTH[L\YZ K»PU[LUZP[t ­(;6® V\]YHU[Z ;YHUZMVYTH[L\YZ KL JV\YHU[ V\]YHU[Z ZtYPL (;6 ࠮ *VTWHJ[Z L[ H\[VHSPTLU[tZ ࠮ ;YV\ KL WHZZHNL KL L[ TT KL KPHTu[YL ࠮ 7YtJPZPVU KL JSHZZL L[ ZLSVU SH UVYTL *,0 ࠮ -YtX\LUJL KL MVUJ[PVUULTLU[ ! /a )V\JSLZ KL 9VNV^ZRP V\]YHU[LZ ZtYPL (9; ࠮ )V\JSL KL TLZ\YL KL JV\YHU[ Ä UL StNuYL L[ Å L_PISL ࠮ 4VU[HNL MHJPSL L[ YHWPKL LU Z»H[[HJOHU[ H\[V\Y K\ JoISL JVUULJ[t ࠮ 6\]LY[\YL KL V\ TT KL KPHTu[YL ࠮ 3HYNL WSHNL KL MYtX\LUJLZ ! KL /a n R/a ࠮ 7YtJPZPVU KL JSHZZL ZLSVU SH UVYTL *,0 X\LSSL X\L ZVP[ SH WVZP[PVU K\ JVUK\J[L\Y WYPTHPYL

www.lemcity.com

Echos de l’enseignement supérieur Par Alain Brenac

At the heart of our planet’s energy measurements.

125 LIBRES PROPOS Le bilan des Lumières Par Claude Riveline

129 SEE EN DIRECT La vie de l'association

REE N°2/2016 Z 3


FLASHINFOS

provenant de satellites d’observation en orbite basse ou

Lancement réussi du premier satellite de l’autoroute spatiale européenne de l’information Lancé avec succès de Baikonour par une fusée Pro-

d’avions de surveillance et les transfère immédiatement au sol dans la bande Ka alors qu’un satellite en orbite basse doit normalement attendre d’être en vue d’une station au sol avant de pouvoir envoyer ses informations vers la Terre.

ton, le premier satellite-relais du programme EDRS (Eu-

Ce premier nœud de communication du système

ropean Data Relay System) embarquant à son bord le

“SpaceDataHighway”, appelé EDRS-A, est constitué d’une

y autrement dit l’autoroute système SpaceDataHighway,

charge utile hébergée à bord d’Eutelsat 9B construite par

spatiale de l’information, a rejoint sa position en orbite

Airbus Defence and Space et opérée par Eutelsat. L’élé-

géostationnaire à 36 000 km au dessus de l’Europe à

ment principal de la charge utile EDRS est le terminal de

9° Est, le 29 janvier 2016. Suivi par les stations au sol

communication laser réalisé par Tesat Spacecom, filiale

du programme EDRS situées en Allemagne, Belgique et

d’Airbus Defence and Space. La position orbitale adop-

au Royaume Uni, Space Data Highway est actuellement

tée permet à EDRS-A d’établir des liaisons laser avec des

en période de test pour quelques mois et devrait com-

satellites d’observation et des drones situés au-dessus de

mencer à être opérationnel pour ses utilisateurs, notam-

l’Europe, l’Afrique, l’Amérique Latine, le Moyen-Orient et

ment la station spatiale internationale ISS, à partir de juil-

la côte Est nord-américaine. La figure 1 illustre le principe

let 2016. A moyen terme, le programme EDRS pourrait

de fonctionnement de la station relais EDRS-A.

ainsi révolutionner les communications par satellites en

Ce programme dont le développement a coûté envi-

se positionnant comme le premier réseau optique eu-

ron 470 MF est le fruit d’un partenariat public-privé (PPP)

ropéen capable de fournir des communications à très

entre l’Agence spatiale européenne (ESA) and Airbus

haut débit, jusqu’à 1,8 Gbit/s, et de transmettre près de

Defence and Space. En tant que maître d’œuvre de ce

50 téraoctets par jour.

partenariat “EDRS-SpaceDataHighway”, Airbus Defence

L’originalité du système – qui permet une telle rapidité

and Space cofinance, fabrique et opère le système dont

de transmission – réside dans le fait qu’EDRS collecte par

il assurera le service commercial. Le Centre allemand

laserr depuis sa position géostationnaire à haute altitude

pour l’aéronautique et l’aérospatiale (DLR) participe éga-

les informations (images, vidéos, données de capteurs)

lement au financement du système, notamment pour ce qui concerne le développement du terminal laser et l’exploitation du segment sol. Treize pays européens sont également engagés dans ce consortium. Cette réalisation n’est toutefois qu’une première étape. Un second satellite dédié au système “SpaceDataHighway” sera lancé en 2017. Celui-ci permettra d’étendre la couverture, la capacité et la redondance du système. Airbus Defence and Space et l’ESA visent à augmenter, à l’horizon 2020, la capacité et la couverture du système avec un troisième nœud de communication positionné au-dessus de l’Asie Pacifique. Avec ses quatre satellites Sentinel-1 et Sentinel-2 du programme d’observation de la Terre Copernicus, la Commission européenne sera le premier client du système “SpaceDataHighway”. Ces quatre satellites sont équipés de terminaux de communication laser qui démultiplieront la vitesse de transmission d’importants volumes de données vers les centres de surveillance de la Terre. La figure 2 illustre le fonctionnement prévu à terme de l’autoroute spatiale de l’information.

Figure 1 : Schéma de fonctionnement du nœud de communication optique du réseau EDRS-A.

4 Z REE N°2/2016

SpaceDataHighway sera en mesure de transférer vers la Terre, via ses satellites-relais, des informations (images,


FLASHINFOS

nelle. Les objets massifs courbent la structure de l’espace-temps, un peu comme une boule de billard posée sur une membrane de caoutchouc. Mais en contre partie cette structure de l’espace-temps contraint la matière et la lumière à suivre ces lignes de déformation. C’est dans cet espace élastique qu’Einstein a prévu l’existence d’ondes gravitationnelles qui distordent les distances, un peu comme une onde sonore se propage en distordant la pression atmosphérique. Figure 2 : Vue du système EDRS complet à l’échéance 2020. Source ESA.

Les sources de ces ondes sont évidemment très lointaines et arrivent sur terre très atténuées. Par contre leurs

vidéos, données prises par des capteurs) collectées par

caractéristiques de distorsion des distances représentent

des satellites d’observation en orbite basse, des drones

une signature unique. L’effet est très faible, et il faut

volant en très haute altitude (UAV : Unmanned Aerial

mesurer des variations de l’ordre d’un dix millième de

Vehicles), des avions de surveillance ou bien encore la

la taille d’une particule élémentaire soit environ 10 -19 m.

station spatiale ISS. Grâce aux communications laser à

A une autre échelle, c’est comme si on voulait mesurer

très haut débit (jusqu’à 1,8 Gbit/s) et au positionnement

les variations de distance de l’étoile la plus proche avec

en orbite géostationnaire des satellites-relais, ces don-

une précision d’un demi-diamètre de cheveu pour quatre

nées massives de type “Big Data” seront transmises en

années-lumière de distance.

quasi temps réel sur Terre au lieu de plusieurs heures nécessaires actuellement ■

Une preuve indirecte de l’existence des ondes gravitationnelles avait déjà été apportée en 1974 par Joseph

AB

Taylor et Russell Hulse. En étudiant les émissions radio d’un système binaire composé de deux étoiles à neutrons,

La détection des ondes gravitationnelles

ils constatèrent une légère décroissance de la période orbitale de l’ordre d’un millième de seconde par an. Ces étoiles

La détection des ondes gravitationnelles est la mise en

à neutrons étant rapides et massives, leur mouvement doit

évidence d’une prédiction scientifique, qu’il faut bien dif-

engendrer des ondes gravitationnelles qui déplacent avec

férencier d’autres découvertes non prévues comme par

elles beaucoup d’énergie. Ceci se traduit par un rapproche-

exemple celle de la matière noire1. Dans le premier cas,

ment des deux corps et une diminution de la période. Mais

les expérimentateurs connaissent à l’avance la théorie du

ce n’était là qu’une constatation indirecte.

phénomène recherché, alors que dans le second cas, il

La détection directe des ondes gravitationnelles est

faut élaborer une théorie pour expliquer le phénomène

d’autant plus délicate que les trous noirs par définition

observé.

n’émettent pas de lumière. La méthode utilisée est l’interr

Albert Einstein, par la théorie de la relativité restreinte,

férométrie laser. Une première génération a été mise en

décrit un univers dans lequel le temps et la position dans

service dans les années 2000 avec TAMA300 au Japon,

l’espace ne sont qu’un seul et même concept. Le temps

GEO600 en Allemagne, LIGO aux États-Unis et Virgo,

tel que nous le concevons intuitivement n’existe pas, les

une expérience franco-italienne installée près de Pise.

références spatiales absolues non plus, ils dépendent des vitesses relatives entre deux observateurs. Nous connaissons tous le paradoxe des jumeaux dont l’un est resté sur la Terre et l’autre voyage dans l’espace à grande vitesse. Une des applications de cette théorie est le recalage des horloges du GPS dont la vitesse des satellites ne peut pas être négligée par rapport à une coordonnée géographique. Dans la théorie de la relativité générale, Einstein démontre que l’espace est structuré par la force gravitation1

Voir Article invité « La matière noire » - REE 2015-3.

Figure 1 : Vue aérienne de l’observatoire de Stanford. Source : LIGO Caltech.

REE N°2/2016 Z 5


FLASHINFOS

Figure 2 : Principe de l’interféromètre LIGO - Source : www.letemps.ch. La sensibilité de trois de ces installations a été augmen-

liards d’années-lumière dans l’hémisphère Sud. Lorsque

tée pour conduire à Advanced LIGO, opérationnel depuis

l’interféromètre Virgo à Pise sera opérationnel, une trian-

2015, et Advanced Virgo qui sera opérationnel fin 2016.

gulation complète permettra de localiser la source avec

Les interféromètres LIGO sont constitués de deux

une bien meilleure précision.

tunnels perpendiculaires de quatre kilomètres de long

Les ondes gravitationnelles détectées ont été émises

chacun (figure 1). A l’intérieur, deux faisceaux laser syn-

par un phénomène appelé coalescence qui désigne

chrones effectuent des allers et retours entre des miroirs.

le phénomène par lequel deux substances de même

Ces rayons sont recombinés à la sortie. Si une onde gravi-

nature mais séparées, on tendance à se réunir. Lorsque

tationnelle se propage jusque-là, elle étire un trajet lumi-

deux trous noirs en formation sont suffisamment

neux avant l’autre, désynchronisant les faisceaux sur le

proches, ils tournent l’un autour de l’autre en décrivant

capteur (figure 2). L’analyse de cette désynchronisation

des spirales de plus en plus rapprochées et de période

révèle la signature d’une onde gravitationnelle.

décroissante. Lors de la fusion, un bref signal est émis,

Une onde gravitationnelle a été détectée pour la pre-

d’amplitude élevée. Après la fusion, le trou noir final

mière fois par les deux instruments américains Advanced

vibre avant de se stabiliser et émet un signal décroissant

LIGO le 14 septembre 2015. Cependant les résultats du

en fréquence et en amplitude. Les ondes observées

long dépouillement effectué en collaboration entre les

ont été émises pendant la dernière seconde du pro-

équipes américaine de LIGO et franco-italienne de Virgo

cessus de coalescence. Cette caractéristique a permis

à Pise n’ont été officiellement publiées qu’en 2016. Mais

de déterminer, après une longue analyse du signal, que

les résultats sont encore plus spectaculaires : la détec-

l’onde gravitationnelle provenait de la fusion de deux

2

trous noirs de 29 et 36 masses solaires dont la fusion a

séparés de 3 000 kilomètres, le décalage temporel de

produit un trou noir de 62 masses solaires. Une énergie

l’onde à permis de localiser la source à environ 1,3 mil-

colossale correspondant à trois fois la masse solaire a

tion ayant été faite par deux interféromètres jumeaux

donc été convertie en ondes gravitationnelles (figure 3). 2

L’un situé à Livingstone (Louisiane), l’autre à Hanford (Washington).

6 ZZ REE REE N°2/2016

Toutefois il faut noter que cette affirmation ne repose


© gjp311-Fotolia

ACTUALITÉS

La cyberattaque contre les réseaux électriques ukrainiens du 23 décembre 2015

Le 23 décembre 2015, à partir de 15 h 30 environ, les opérateurs des centres de contrôle de trois distributeurs d’élec-

aux Etats-Unis et en Russie, qui aurait conçu le scénario et mené à bien la phase préliminaire ;

tricité de l’Ouest de l’Ukraine (dans l’oblast d’Ivano-Frankivsk

s ELLE A ÏTÏ CONDUITE LE JOUR * PAR UNE ÏQUIPE DE PROFESSION-

notamment) perdent le contrôle du système électrique dont

nels des réseaux électriques capables d’opérer à distance

ils ont la charge. Sur leurs écrans de contrôle, une main invi-

un système de contrôle.

sible s’est emparée du curseur et ouvre un à un les disjonc-

La phase préliminaire a consisté en une attaque banale en

teurs qui commandent le réseau. Les opérateurs essaient de

spear-phishing (harponnage) qui remonterait à mai 2015 et

reprendre le contrôle mais rien ne répond et la machine leur

s’est traduite par l’envoi d’un grand nombre de courriels non

refuse l’accès. Ils tentent de se connecter à nouveau mais

sollicités vers les utilités ukrainiennes et d’ailleurs également

leurs mots de passe sont devenus inopérants.

vers d’autres infrastructures du pays. A ces courriels était joint

En l’espace d’une demi-heure, une trentaine de sous-

un document Word contenant des macros qu’à l’ouverture

stations sont mises hors service et 225 000 foyers de l’Ouest

le destinataire était invité à activer. Des informations dispo-

ukrainien sont privés d’électricité. Les centres de contrôle

nibles publiquement sur Internet ont peut-être facilité l’at-

eux-mêmes sont plongés dans le noir car les alimentations

taque, un intégrateur ayant par exemple documenté (à des

de secours (UPS) ne fonctionnent pas. Impossible de faire

fins commerciales) la prestation pour l’un des opérateurs,

le point de la situation au téléphone car le réseau est saturé.

avec la liste détaillée des matériels et versions mis en place,

Quatre-vingt-dix minutes après l’attaque une bombe logique

dont les passerelles Ethernet-série.

active un logiciel malveillant qui détruit les logiciels implan-

L’attaque a été fructueuse sur trois compagnies régionales

tés sur les stations de contrôle. Des agents sont envoyés

d’électricité permettant à l’agresseur de pénétrer dans le sys-

sur le terrain et l’alimentation est rétablie manuellement en

tème de gestion des entreprises. Il leur fallait alors descendre

quelques heures mais deux mois après les évènements l’ex-

au niveau des SCADA (Supervisory Control and Data Acqui-

ploitation n’était pas encore redevenue normale.

sition) qui étaient tous différents et protégés par des parefeu. Le passage ne s’est pas fait en force, en exploitant des

Le scénario probable de l’attaque

failles éventuelles des équipements, mais après quelques

Dès 17 h 37, la principale utilité touchée, Prykarpattya

mois en utilisant des accès légitimes : après reconnaissance

Oblenergo (http://www.oe.if.ua/), évoquait sur son site Inter-

approfondie des lieux et compromission des contrôleurs de

net l’hypothèse d’une ingérence extérieure et présentait ses

domaine Windows, les attaquants ont eu accès aux clés et

excuses à ses clients. Par la suite les autorités ukrainiennes

mots de passe protégeant les passerelles et les réseaux de

ont fait appel au FBI et au Department of Homeland Security

commande à distance (VPN) vers les SCADA. Les logiciels

américains pour analyser le déroulement de la cyberattaque.

de contrôle et les UPS ont été reconfigurés pour préparer

Cette attaque semble avoir été conduite par deux équipes d’intervenants successifs :

l’attaque. ,E JOUR * LES ATTAQUANTS ONT EU ACCÒS AUX 3#!$! VIA LES

s ELLE AURAIT ÏTÏ PRÏPARÏE PAR UNE ÏQUIPE INTERNATIONALE DE

VPN et les UPS ont été neutralisées. Les disjoncteurs ont

mercenaires du cybercrime, comme il en existe en Chine,

été actionnés les uns après les autres sans que les opéra-

12 Z REE N°2/2016


ACTUALITÉS

Figure 1 : Courriel semblant provenir du Rada ukrainien et utilisé dans des attaques de spear-phishing fondées sur black energy. Source : CyS Centrum LLC. teurs puissent s’y opposer. Puis le firmware des passerelles

industrielle, après l’attaque Stuxnet (juillet 2010) et celle

Ethernet-Série a été écrasé, les rendant non seulement ino-

dirigée en 2014 contre une usine métallurgique allemande.

pérantes mais irrécupérables et contribuant à empêcher la

De nombreux enseignements seront à en tirer et le débrie-

reprise de contrôle. Les centres de contrôle ont été plongés

fing ne fait que commencer.

dans l’obscurité du fait de la défaillance des UPS. Dans le

En premier lieu, une sensibilisation de tous les person-

même temps, une attaque en déni de service, sous forme

nels aurait permis d’éviter de tomber dans le piège du har-

d’une vague d’appels massifs provenant d’un pays voisin, a

ponnage. En second lieu il faut renforcer la protection des

neutralisé le réseau téléphonique. Seul, le réseau Internet est

communications entre système de gestion et système de

resté en service permettant aux compagnies d’informer leurs

contrôle. L’IEC 62443 impose un contrôle d’identification

usagers via leurs sites.

basé sur deux facteurs mais d’autres solutions, telles que

A la fin de l’attaque, le logiciel malveillant KillDisk, activé

les data-diodes peuvent s’imposer. La procédure des «listes

par une bombe logique, est venu effacer les logiciels installés

blanches» permet également d’éviter l’installation d’applica-

dans les stations opérateurs, ainsi que des systèmes d’en-

tions corrompues. Enfin des solutions de détection d’intru-

trées-sorties déportées (RTU), ce qui a rendu plus difficile la

sion sur réseau industriel, permettant d’identifier les activités

restauration des réseaux.

malveillantes, notamment durant les phases de découverte

Il est à noter que le logiciel malveillant Blackenergy3 utilisé à plusieurs reprises dans des campagnes précédentes tou-

de réseau, pourront à l’avenir réduire le risque, mais sont aujourd’hui à un stade encore peu mature.

chant notamment l’Ukraine1, semble avoir été utilisé comme

Il faut également revoir les sécurités des réseaux de com-

trojan pour pénétrer par harponnage les systèmes et per-

munication à distance (VPN), comprendre pourquoi elles

mettre l’installation d’une porte dérobée. La figure 1 repro-

ont été franchies et bien entendu, revoir la sécurité des UPS,

duit un message utilisant Blackenergy qui semble provenir du

notamment leurs accès à distance pour la télémaintenance.

Conseil suprême d’Ukraine, le Rada.

L’ICS-CERT du DHS américain fournit une première liste de recommandations accessibles sur https://ics-cert.us-cert.

Les enseignements à en tirer

gov/alerts/IR-ALERT-H-16-056-01 .

Cette attaque très sophistiquée est la troisième connue

Cet incident vient souligner, s’il en était besoin, l’utilité des

conduisant à une défaillance majeure sur une installation

travaux engagés par la SEE dans le cadre du groupe de travail

1

sur la cybersécurité des réseaux électriques intelligents dont

Blackenergy est un logiciel malveillant dont les premières versions remontent à 2007. Il a été utilisé notamment dans les cyberattaques contre la Géorgie en 2008. Il a été perfectionné depuis et serait couramment utilisé par le gang russe Quedagh. Voir les informations diffusées par F-secure (Finlande) : https://www.f-secure.com/ documents/996508/1030745/blackenergy_whitepaper.pdf

le Livre blanc, publié, à la fin 2015, peut être téléchargé sur http://www.see.asso.fr/node/15232/lightbox2 Q

JPH

REE N°2/2016 Z 13


ACTUALITÉS

Les résultats de l’appel à projets « Réseaux électriques intelligents (REI) » sont connus Les réseaux électriques intelligents combinent les tech-

s 9OU 'RID, s 9OU 'RID, déposé par la métropole de Lille, en lien avec

nologies de l’énergie et du numérique. Ils permettent d’inté-

le Nord-Pas-de-Calais.

grer les énergies renouvelables et les véhicules électriques au système électrique, et de piloter la consommation. Ceci

Un soutien global de 130 MF

afin de favoriser les économies d’énergie et de réduire les

Les trois dossiers lauréats pourront recourir au guichet

factures électriques. Ils sont une brique essentielle de la tran-

des investissements d’avenir, afin de bénéficier d’un accom-

sition énergétique pour la croissance verte.

pagnement financier sur les actions d’économies d’éner-

La gestion des réseaux électriques, jusqu’à présent centra-

gie et de pilotage de la consommation électrique chez le

lisée et orientée de la production vers la consommation, sera

consommateur : 50 millions d’euros sont mobilisés dans ce

demain répartie afin de permettre un dialogue bidirectionnel

but. Les dossiers Flexgrid et Smile bénéficieront en outre

entre l’opérateur de réseau et les équipements de terrain

d’un investissement total de 80 millions d’euros sur les

(producteurs et consommateurs) et d’optimiser ainsi à tout

réseaux de transport et de distribution de l’électricité, de

moment la gestion des ressources disponibles.

la part des gestionnaires de réseaux RTE et ERDF. Ce dé-

Cette évolution inéluctable constitue un changement de

ploiement permettra d’établir une vitrine industrielle des sa-

modèle dans la façon de concevoir et de piloter le réseau

voir-faire français dans le domaine des réseaux électriques

électrique. Cela nécessite en effet d’adapter les outils logi-

intelligents, adaptée aux spécificités de chacun des deux

ciels existants, voire d’en créer de nouveaux, en introduisant

dossiers.

de l’intelligence aux nœuds stratégiques du réseau afin de

Le projet Smart Community Nord, déposé par le Conseil

permettre de gérer la multiplicité des sources de production

régional de la Martinique, fera l’objet d’un accompagnement

et de faire face aux aléas résultant du déséquilibre à un ins-

adapté, dans le cadre de la mise en oeuvre de la programma-

tant donné entre les ressources et la demande.

tion pluriannuelle de l’énergie de la Martinique, compte tenu

La solution qui ne consisterait qu’à renforcer les réseaux actuels serait à terme inopérante du fait d’une répartition

des enjeux de gestion des réseaux électriques et de stockage de l’énergie en outre-mer.

des utilisateurs de plus en plus inhomogène sur le territoire

Ces décisions sont importantes pour le déploiement sur

(concentration urbaine croissante), de la difficulté à faire ac-

le territoire national des solutions de type Smart grids aux-

cepter par le public de nouvelles infrastructures et des coûts

quelles la SEE a apporté récemment une importante contri-

importants que cela induirait en termes d’investissements.

bution sur les aspects cybersécurité. Cette contribution s’est traduite par un Livre blanc1 rassemblant les conclusions du

Les résultats de l’appel

groupe de travail constitué sous son égide à cet effet au sein

Le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer

du « Cercle des entreprises ». Rappelons d’autre part que la

et le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

SEE est membre de l’Association “Think Smartgrids” créée

ont rendu public les résultats de l’appel à projets pour le

dans le cadre de la Nouvelle France Industrielle afin de struc-

déploiement à grande échelle de réseaux électriques intel-

turer la filière française des REI. Elle vient de présenter aux

ligents, lancé le 15 avril 2015, dans le cadre de la solution

membres de Think Smart Grids, le 21 mars 2016, ce Livre

« ville durable » de la Nouvelle France industrielle.

blanc, ainsi que les derniers développements dans la cyberr

Après analyse des cinq candidatures par un collège d’experts indépendants, le jury a retenu les trois propositions

sécurité des réseaux électriques intelligents, qui sont suivis de près par le groupe de travail ad hoc visé supra. Q

AB

suivantes : s Flexgrid, dossier déposé par le Conseil régional de s Flexgrid, Provence-Alpes-Côte d’Azur ; s Smile, candidature déposée par le Conseil régional de s Smile, Bretagne, en lien avec les Pays-de-la-Loire ;

14 Z REE N°2/2016

1

Le Livre blanc du Cercle des entreprises de la SEE, intitulé : La cybersécurité des réseaux électriques intelligents a fait l’objet d’un dossier de la REE dans son numéro 2015-3, pp. 34-74.


ACTUALITÉS

Shock Waves�, � Nature Communications, Vol. 6, Number

ration and conďŹ nement of gas-plasma in photonic die-

6117, 2015.

lectric microstructure�, Optics Express, Vol. 21 Issue 21, pp. 25509-25516, 2013. Q

[4] Benoit, A., Beaudou, B., Alharbi, M., Debord, B., GĂŠrĂ´me, F., Salin, F., Benabid, F.: “Over-ďŹ ve octaves wide Raman combs in high-power picosecond-laser pumped H2-

FrĂŠdĂŠric GĂŠrĂ´me est nĂŠ Ă PĂŠrigueux, Dordo-

ďŹ lled inhibited-coupling Kagome ďŹ berâ€?, Optics Express,

gne. De 1998 Ă 2002 il fait ses ĂŠtudes supĂŠrieures Ă

Vol. 23, Issue 11, pp. 14002-14009, 2015.

la facultĂŠ des Sciences de Limoges. Il obtient son

[5] Debord B., Gerome F., Honninger C., Mottay E., Husakou

doctorat en tĂŠlĂŠcommunications spĂŠcialitĂŠ photo-

energy-level comb and superA., Benabid F.: “Milli-Joule “ superr-

nique à l’universitÊ de Limoges en 2005. Il part en-

continuum generation in atmospheric air-ďŹ lled inhibited

suite de 2006 Ă 2008 faire un stage postdoctoral au

coupling Kagome ďŹ berv #,%/ 53 0OSTDEADLINE *4H #

Centre for photonics and photonic materials à l’universitÊ de Bath en

3AN *OSE #ALIFORNIA -AY

Angleterre (pionnière des ďŹ bres Ă cristal photonique). Fin 2008, il rentre

; = $EBORD $EBORD " *AMIER 2 'Ă?RĂ™ME & ,EROY / "OISSE ; = Laporte, C., Leprince, P., Alves, L.l., Benabid, F.: “Gene-

au CNRS en tant que chargÊ de recherche et est affectÊ à l’institut de recherche Xlim. En 2011, il cofonde la sociÊtÊ GLOphotonics.

Controverses sur le chiffrement : Shannon aurait eu son mot Ă dire %N CE DĂ?BUT D AVRIL DEUX CONTRO-

service un système de chiffrement de bout en

VERSES SUR LE CHIFFREMENT FONT POLĂ?MIQUE SUR

bout des communications assurant un niveau

LESQUELLES #LAUDE 3HANNON QUI AURAIT FĂ?TĂ?

extrêmement ÊlevÊ de protection. Ce système très complexe, dÊcrit dans un

SON ANNIVERSAIRE LE AVRIL AURAIT EU CERTAI-

livre blanc publiĂŠ le 4 avril 2016 par Whatsapp

NEMENT SON MOT ĂŒ DIRE La première de ces polĂŠmiques concerne les

“WhatsApp Encryption Overview�1, utilise les

codes d’accès Ă l’i-phone 5C retrouvĂŠ sur la dĂŠ-

mĂŠthodes les plus robustes de chiffrement et

pouille du terroriste Syed Rizwan Farook, coauteur

d’authentiďŹ cation aujourd’hui connues. Il est en

d’une attaque qui ďŹ t 14 victimes, le 2 dĂŠcembre

particulier fondÊ sur l’utilisation de la courbe el-

2015 Ă San Bernardino en Californie. Pendant

liptique DifďŹ e-Hellmann 25519 (ECDH 25519)2

des semaines, le FBI s’est efforcÊ de contourner ou de craquer les clÊs de chiffrement bloquant

Figure 1 : Claude Shannon. Source : Wikipedia.

qui supporte une variante du protocole classique DifďŹ e-Hellmann. Cette mĂŠthode permet Ă deux correspondants dotĂŠs chacun d’une

l’accès Ă ce tĂŠlĂŠphone mobile qui pourrait renfermer des informations primordiales pour la suite de l’enquĂŞte.

paire de clÊs elliptiques publique-privÊe d’Êchanger sur un

N’y parvenant pas, et devant le refus de coopÊrer de la so-

rĂŠseau non sĂŠcurisĂŠ un secret partagĂŠ qui pourra ĂŞtre uti-

ciĂŠtĂŠ Apple, le FBI a portĂŠ l’affaire en justice aďŹ n qu’il soit

lisĂŠ comme clĂŠ de chiffrement ou pour dĂŠriver une autre

ordonnÊ à Apple d’apporter son concours.

clĂŠ servant Ă chiffrer les communications subsĂŠquentes par

Une controverse est ainsi nÊe sur la lÊgitimitÊ d’une telle

chiffrement symĂŠtrique.

requête à laquelle Apple n’entendait pas se plier, mettant en

La courbe ECDH 25519 a ĂŠtĂŠ proposĂŠe en 2005 par Da-

avant son souci de prĂŠserver la conďŹ dentialitĂŠ des donnĂŠes

NIEL * "ERNSTEIN %LLE A SUSCITĂ? UN INTĂ?RĂ?T CONSIDĂ?RABLE ĂŒ PARTIR

de ceux qui lui font conďŹ ance. Apple ne voulait pas en outre

de 2013 après qu’il est apparu ĂŠvident, suite aux rĂŠvĂŠlations

faire la dÊmonstration qu’il Êtait possible d’installer une porte

d’Edward Snowden, que la NSA (National Security Agency)

dĂŠrobĂŠe sur ses ĂŠquipements.

avait introduit une porte dÊrobÊe dans l’algorithme EC-DRBG

La question commença à faire sÊrieusement polÊmique

de gĂŠnĂŠration de nombres pseudo-alĂŠatoires utilisĂŠ dans les

jusqu’à ce que le FBI annonce, le 21 mars 2016, qu’il avait mis

mĂŠcanismes de chiffrement par clĂŠs elliptiques, normalisĂŠs

au point une procÊdure de contournement avec l’aide d’un

par le NIST et l’ISO, mettant en question de ce fait la soliditÊ

tiers, selon plusieurs sources la sociĂŠtĂŠ israĂŠlienne Cellbrite. On croyait l’affaire entendue mais au tout dĂŠbut d’avril 2016, WhatsApp, le système le plus populaire de messagerie sur mobile, promu par Yahoo, annonçait qu’il avait mis en

18 Z REE N°2/2016

1

Voir https://www.whatsapp.com/security/WhatsApp-Security-Whitepaper. pdf 2 Cette courbe 25519 s’exprime par y2 = x 3 + 486662x 2 + x qui repose sur le nombre entier 25519 Êgal à 2255-19.


ACTUALITÉS

de la protection offerte par les mécanismes SSL/TLS à la base de HTTPS.

Celui-ci dans ses théorèmes de 1949 sur les systèmes cryptographiquement sûrs a démontré que pour atteindre la

La démarche de Whatsapp traduit clairement la volonté

sécurité parfaite, il fallait utiliser de nouvelles clés à chaque

de s’écarter des systèmes de protection normalisés dont

chiffrement, les clés étant aussi longues que les messages

la fiabilité est douteuse. L’utilisation de la méthode ECDH

transmis et constituant une suite véritablement aléatoire de

25519 permet de générer à chaque transmission une “Mes-

bits. C’est ce que le « téléphone rouge » entre Moscou ett

sage key” servant elle-même à générer une clé éphémère de

New-York s’efforçait d’approcher au temps de la guerre froide

36 octets (256 bits) pour le chiffrement des messages en

(de 1963 à 1971) avec des valises de clés véhiculées entre

AES 256-CBC et une autre de 36 octets, éphémère éga-

les deux capitales destinées à être utilisées selon le principe

lement, pour la génération par HMAC-SHA256 d’une em-

du « masque jetable ».

preinte de hachage permettant de s’assurer de l’intégrité de

Dans un avenir peut-être pas très éloigné, l’arrivée des cal--

la transmission. L’authentification d’un correspondant, afin

culateurs quantiques risquent, une nouvelle fois, de modifierr

d’éviter une attaque du type « homme du milieu3 », peut être

complètement le panorama de la cryptographie en rendantt

fait à tout moment en scannant un QR-code ou en compa-

obsolètes les algorithmes de chiffrement de sécurité calcula--

rant des codes d’identification à 60 digits.

toire qui sont aujourd’hui réputés sûrs sans pour autant res--

Le protocole « Signal » ainsi mis en œuvre par WhatsApp

pecter la condition de Shannon. Q

JPH

est présenté comme inviolable. Il suppose cependant que l’on fasse confiance à ceux qui l’ont développé et à ceux qui l’implémentent. Il pose également le problème des limites de la protection et de l’éthique de ces protections dans un monde où les communications peuvent plus que jamais être utilisées à des fins criminelles ou terroristes. Les clés à 256 bits sont ainsi devenues d’usage courant.

Claude Shannon aurait aujourd’hui 100 ans

Mais il faut se souvenir qu’avant que l’AES (Advanced Encryp-

Claude Shannon est né le 30 avril 1916 à

tion Standard), fondé sur des clés de 128, 192 ou 256 bits,

Petoskey dans le Michigan. Il est mort en 2001 dans

ne soit retenu par Le NIST en 2001, le DES (Data Encryption

le Massachussetts. Il est considéré comme le père

Standard) utilisait des clés de 56 bits et constituait la solution

de la théorie de l’information introduisant notamment

de référence qui a été couramment utilisée pendant deux

la notion centrale d’entropie. Ses travaux aux MIT et

décennies.

pour les laboratoires Bell l’ont conduit à énoncer un

On doit rappeler également que dans la plupart des pays

certain nombre de théorèmes fondamentaux : le

les systèmes de chiffrement ont été pendant longtemps

théorème d’échantillonnage dit de Nyquist-Shannon

considérés comme des armes de guerre, leur utilisation et

(1928-1949) sur l’échantillonnage (aussi appelé cri-

restric-a fortiorii leur exportation étant soumises à de fortes restric

tère de Shannon), le premier théorème de Shannon

tions. En France, ce n’est qu’en 1999 que le libre usage des

(1948) sur la limite théorique de la compression

clés de chiffrement a été relevé de 40 à 128 bits et c’est en

d’une source, le deuxième théorème de Shannon

2004 que la loi pour la confiance dans l’économie numé-

(1948) sur la capacité d’un canal de transmission et

rique (LCEN) a posé dans son article 30-I que « L’utilisation

le théorème dit de Shannon-Hartley sur la capacité

des moyens de cryptoloqie est libre ».

maximale de transmission d’un canal bruité.

Mais au fur et à mesure que les clés se sont complexifiées,

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Shannon

le jeu du chat et la souris entre renforcement des protections

travaille en cryptographie pour les services secrets

et sophistication des attaques s’est poursuivi et aujourd’hui

de l’armée américaine. En 1949, il publie un article

personne n’a démontré mathématiquement qu’un algo-

intitulé “Communication Theory of Secrecy Systems”

rithme de chiffrement pouvait être considéré comme invio-

DANS LE "ELL 3YSTEMS 4ECHNICAL *OURNAL QUI EUT UNE

lable. C’est là que nous retrouvons Claude Shannon !

influence considérable sur l’étude de la cryptographie.

3

Attaque qui a pour but d’intercepter les communications entre deux parties, sans que ni l’une ni l’autre ne puisse se douter que le canal de communication entre elles a été compromis.

REE N°2/2016 Z 19


!"#"

! " , 4: " + , :8:;6 $ 49 , , ) 66 4 89 <3 6: 4: , / * * dĂƌŝĨƐ ϮϬϭϲ ;ĞŶ ĞƵƌŽƐͿ ;DĞƌĐŝ ĚĞ ĐŽĐŚĞƌ ůĂ ĐĂƐĞ ĚĞ ǀŽƚƌĞ ĐŚŽŝdžͿ

^ƚĂŶĚĂƌĚ

ZĞƚƌĂŝƚĠƐ͕ ĞŶƐĞŝŐŶĂŶƚƐ͕ ũĞƵŶĞƐ ĂĐƚŝĨƐ ;ф ϯϱ ĂŶƐͿ

ƚƵĚŝĂŶƚƐ͕ ĞŶ ƌĞĐŚĞƌĐŚĞ Ě͛ĞŵƉůŽŝ

! -4.

! ) 453(33 0

) 473*33 0 - .

! Ͳ ! -4. -5.

! ) 93(33 0

) :3*33 0 - .

, " -6.

<3(33 0

-%* * . , " " 458(33 0

83(33 0

43(33 0

;4(33 0

48(33 0

-4. " 5349 , ! "! ! -5. " " ! Ͳ " * -6. "$ " ! ! " ( "# ! ! " ! ! " ! *

$ " - /////////////////////////. 4 " - ///////////////////////.. " ## - //////////////////////////////

" # - ////////.// 5 " !% 0 " " "$ " 2 # , %" " 1 #$ " " 3

////////////////////////////////////////

4 "$

#$

$ & $ "( $ " # " " & " % $%" % #% & $ %" $ " $ - /////////////////////////////////. " ## - ///////////////////////////////////.

- ////////////.

(# - ///////////////////////////////.. Ͳ - //////////////////////////////.. $ , # $%" $ $ 0 $" " # , #0 ( % -

#$ - ////////////.////. (# - /////////////// 4 $" % %$ " - ///////////////////////.

$ " %" " $ "# "

" $ % 6816717;9:, & %# # # ) 0% " $ 0 # %' " $ # !% & %# " $ $ " $ $ . $ $ " # "& $# .


L'ARTICLE INVITÉ

JACQUES MARESCAUX1, 2 MICHELE DIANA1, 2 1

©Eranaian IRCAD

IRCAD, Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif, Strasbourg 2 IHU strasbourg, Institut de chirurgie mini-invasive guidée par l’image, Strasbourg

La chirurgie de demain ABSTRACT Surgical innovation relies on two criteria, patient safety and quality of life, which both require a drastic decrease in surgical trauma. Several advances towards less invasive approaches are simultaneously underway in all the fields of surgery, interventional radiology, and endoscopy. Minimally invasive surgery offers real benefits to patients in terms of postoperative results. A novel concept of cybertherapy has been created through the development of computer science and robotics, which aims to combine man and machine. In addition, the combination of surgery, endoscopy, and interventional radiology into one hybrid treatment modality, namely image-guided minimally invasive surgery, holds great promises. In this article, the linchpins of these new paradigmatic shifts are briefly outlined, and we them in light of our own experience and our vision of the future

D

Introduction epuis environ trois décennies, l’avènement

d’une pathologie ciblée, avec préservation de l’organe, permet de réduire la morbidité et la mortalité.

des techniques mini-invasives a profondé-

La fusion de la chirurgie mini-invasive, de l’endoscopie et

ment révolutionné la pratique de la chirurr

de la radiologie interventionnelles en une modalité de traite-

gie. La chirurgie mini-invasive se pratique à

ment hybride, à savoir la chirurgie mini-invasive guidée par

travers de petites incisions permettant l’introduction d’une

l’image, pourrait allonger la liste des pathologies pouvant être

caméra et de micro-instruments. Cette approche génère un

prises en charge par traitements ciblés non-invasifs.

traumatisme moindre et des bénéfices largement prouvés

En 2012, nous avons lancé à l’IHU de Strasbourg, une

pour le patient en termes de réduction de la douleur et de

fondation scientifique, dédiée à la recherche clinique fonda-

morbidité post-opératoire, tout en respectant les principes

mentale et translationnelle autour de thérapies guidées par

fondamentaux de la chirurgie « classique ». Le développe-

l’image : notre objectif était et demeure de développer une

ment des techniques mini-invasives a été influencé par les

nouvelle discipline hybride et de concevoir un programme

progrès spectaculaires des dispositifs chirurgicaux, notam-

d’enseignement permettant de promouvoir le profil d’un

ment des caméras à haute définition et de nouveaux instru-

nouveau médecin, en intégrant les compétences d’un chirurr

ments utilisés pour disséquer et coaguler les tissus.

gien mini-invasif, d’un radiologue interventionnel et d’un

Des progrès également impressionnants ont été observés

endoscopiste.

dans le domaine de la radiologie, qui a pris un tournant inter-

Les techniques mini-invasives ne sont pas intuitives et

ventionnel. Les techniques d’imagerie modernes permettent

nécessitent un entraînement spécifique pour surmonter

d’obtenir des clichés très précis du corps humain et nom-

les défis intrinsèques. Par exemple, dans la chirurgie mini-

breuses pathologies qui autrefois nécessitaient une exérèse

invasive, l’opérateur est confronté à une perte de la proprio-

chirurgicale peuvent désormais être abordées par les radiolo-

ception haptique et du sens de la profondeur, étant donné

gues interventionnels à l’aide de cathéters circulant dans les

que l’axe main-œil est désuni et que le champ opératoire

vaisseaux sanguins ou d’aiguilles percutanées réalisant des

est visualisé à travers un moniteur bidimensionnel. De plus,

ablations guidées par l’image.

le retour d’information tactile est très limité, ce qui entraîne

De même, l’endoscopie gastro-intestinale a subi une

une perte d’informations, comme par exemple celles d’une

mutation profonde en passant d’un outil dédié au seul dia-

raideur tissulaire, de la présence d’un nodule ou d’une pul-

gnostic à une plate-forme d’intervention dans ou à travers la

sation vasculaire. En endoscopie flexible, la difficulté prin-

lumière intestinale. Les cancers gastro-intestinaux précoces

cipale avec les instruments actuellement disponibles, est

peuvent ainsi être traités efficacement par des résections en-

d’obtenir une exposition correcte du « champ opératoire »

doluminales (comme par exemple, une résection muqueuse

et une traction-contretraction suffisante sur les tissus. Ces

endoscopique ou une dissection sous-muqueuse endos-

contraintes augmentent les temps opératoires ainsi que

copique), en ambulatoire plutôt que par abord chirurgical.

les risques de perforation et d’hémorragie. En radiolo-

Ce glissement de l’exérèse radicale d’un organe à la résection

gie interventionnelle, le déplacement des organes dû à la

REE N°2/2016 Z 25


L'ARTICLE INVITÉ

Figure 1. Le processus d’obtention de la réalité augmentée (RA) en chirurgie.

respiration rend difficile la réalisation d’ablations ou de biop-

et les marges de résection. Les logiciels de RV à visée médi-

sies percutanées ; par ailleurs les cathéters actuels pour

cale sont désormais capables d’élaborer un modèle virtuel

les techniques endovasculaires disposent de très peu de

3D du patient à partir d’images en format DICOM (imagerie

degrés de liberté.

numérique et communication médicale) obtenues à partir

L’informatique et la robotique ont mis au point des tech-

d’un scanner ou de clichés IRM.

nologies qui permettent d’optimiser ces limites de la chirur-

Le modèle virtuel en 3D permet ainsi de réaliser une ex-

gie mini-invasive. Le concept de thérapie assistée par ordina-

ploration virtuelle du corps humain et de déceler des détails

teur (un mélange d’automatisation robotisée et de guidage

anatomiques difficiles à repérer sur des clichés classiques.

par l’image) vise à faciliter ces techniques et à optimiser les

Un traitement ciblé, qu’il soit chirurgical ou ablatif, peut être

performances de l’opérateur.

planifié et simulé sur le modèle virtuel avant sa réalisation

Quels sont les principaux défis et les solutions potentielles?

sur le patient réel. En plus, à l’issue de la planification, le modèle de RV peut être superposé au cours de l’intervention sur les images réelles du patient : ce procédé de su-

L’expérience accumulée au sein des instituts strasbour-

perposition, mélange d’images synthétiques et réelles, est

geois dans lesquels nous travaillons, l’Institut de recherche

caractéristique de la réalité augmentée (RA). La RA est un

contre les cancers de l’appareil digestif (IRCAD) d'une part,

excellent moyen de navigation qui permet de visualiser les

l’Institut de chirurgie guidée par l’image d’autre part, nous a

structures anatomiques délicates et inapparentes, comme

conduits à formuler les quatre défis auxquels est confrontée

les vaisseaux, grâce à une transparence modulaire virtuelle

notre pratique chirurgicale.

des organes (figure 1). La première application clinique de la réalité augmen-

Défi numéro 1 : une navigation optimisée pour des traitements ciblés et personnalisés utilisant la réalité virtuelle et/ou augmentée – L’œil augmenté

tée en chirurgie viscérale a été réalisée par notre groupe à l’IRCAD, afin de guider une surrénalectomie laparoscopique : la RA a permis de guider le chirurgien et de déterminer la position des vaisseaux surrénaliens ainsi que la localisation

L’informatique permet de naviguer virtuellement dans

de la tumeur avec une marge d’erreur maximale de 2 mm.

l’anatomie du patient et, grâce à la réalité virtuelle (RV),

Le logiciel (VR-RENDER®) développé à l’IRCAD, outre le fait

d’identifier les structures importantes, les plans de dissection

qu’il permet de visualiser les plans de résection et qu’il aide

26 Z REE N°2/2016


L'ARTICLE INVITÉ

Figure 2. Logiciel VR-RENDER® : un outil de planification des résections chirurgicales guidées par l’image. à planifier l’intervention, peut aussi calculer les volumes de résection, comme en cas de résections hépatiques mini-

Défi numéro 2 : amélioration de la voie d’abord mini-invasive

invasives. (figure 2). Plus récemment, nous avons utilisé avec

Tout comme l’endoscopie rigide, l’endoscopie flexible a

succès la réalité augmentée pour guider la résection lors

évolué depuis les premières polypectomies jusqu’aux nou-

d’une duodénocéphalopancréatectomie.

velles techniques de dissections sous-muqueuses (ESD)

La réalité augmentée, tant en chirurgie qu’en radiolo-

ou la technique POEM (myotomie per-orale endoscopique)

gie interventionnelle, est compliquée par les mouvements

pour traiter les troubles de la déglutition (achalasie) « sans

respiratoires et la déformation des tissus mous lors des

cicatrices », développée par notre collègue, le Dr. Inoue.

manipulations ; ceux-ci rendent en effet difficile le proces-

La chirurgie NOTES, chirurgie sans cicatrice, est un

sus d’enregistrement (superposition parfaite des images

concept fascinant et révolutionnaire qui repousse les limites

synthétiques et réelles). Nous travaillons actuellement sur

techniques de la chirurgie mini-invasive : elle implique une

deux approches différentes pour assurer une reconstruc-

incision planifiée à travers la paroi d’orifices naturels pour

tion anatomique précise et flexible de la superposition

accéder à la cavité péritonéale et réaliser une intervention

virtuel/réel. Une première approche est la prédiction du

chirurgicale sans incision cutanée.

déplacement d’organe, en intégrant les propriétés biomé-

A l’IRCAD nous avons débuté un programme de recherche

caniques des organes et en simulant la déformation grâce

sur NOTES dès 2004 et après avoir préparé le terrain avec

au suivi en temps réel des mouvements superficiels de

plus de 400 interventions expérimentales, nous avons réalisé

la peau par lumière structurée. Une alternative que nous

la première cholécystectomie transvaginale « sans cicatrices »

explorons également est de « mettre à jour » le modèle

en 2007, puis la première cholécystectomie transgastrique.

virtuel du patient en temps réel grâce au système d’ima-

Bien que ces expériences initiales aient été réalisées avec

gerie robotisé Artis Zeego DynaCT (Siemens Healthcare),

succès, elles ont pointé les multiples défis à relever. Les

couplé à un système de guidage électromagnétique mis

chirurgies NOTES sont limitées par la technologie actuelle

au point à l’IRCAD.

et par les endoscopes flexibles disponibles à ce jour sur le

Les clichés de la figure 2 représentent respectivement :

marché. Ces endoscopes sont trop flexibles pour faciliter la

(A) reconstruction 3D d’un scanner obtenu par VR-RENDER® ;

traction et ils n’offrent pas la possibilité de triangulation des

en vert : grosse tumeur. (B) le plan de résection (en violet) préparé en suivant les repères vasculaires et en calculant les marges adéquates. (C) le volume de résection est également calculé.

instruments pour exercer une traction/contre-traction. La chirurgie NOTES est actuellement développée selon deux axes : Le premier axe est représenté par la technique POEM,

(D) vue peropératoire du même patient

déjà brillamment mise en œuvre dans plusieurs centaines de

(E) RA obtenue par superposition en temps réel du modèle

cas et qui se substitue aujourd’hui à la myotomie de Heller

virtuel sur les images laparoscopiques.

dans notre unité de chirurgie.

REE N°2/2016 Z 27


LES GRANDS DOSSIERS

Introduction

L’Afrique et l’électricité L’énergie au cœur des problématiques de l’Afrique

où le taux d’électrification est proche de 100 %.

L’Afrique est une zone de dévelop-

Par ailleurs, pour des raisons géogra-

pement au potentiel immense. Parmi

phiques, géopolitiques et économiques

les 54 pays qui la constituent, plusieurs

assez évidentes, les systèmes élec-

ont une économie figurant aujourd’hui

triques des pays riverains de la Médi-

parmi les plus dynamiques au monde,

terranée tendent à s’interconnecter, ce

avec une population jeune et de plus en plus éduquée, et souvent des ressources naturelles abondantes.

Jacques Horvilleur Secrétaire général de la SEE

Toutefois les freins au développe-

qui conduit les pays d’Afrique du Nord à être davantage tournés vers l’Europe, alors que le Sahara reste une frontière infranchissable.

ment sont également importants. L’accès à l’éner-

Compte tenu de ces différences entre l’Afrique

gie est l’un d’entre eux. Au Sud du Sahara, 32 %

du Nord et l’Afrique subsaharienne, nous avons fait

seulement de la population ont accès à l’électricité

le choix de nous limiter à l’Afrique subsaharienne

et plus de la moitié des pays ont un taux d’électrifi-

et à la problématique de son électrification, en trai-

cation inférieur à 20 %.

tant à la fois les questions techniques, financières

L’Afrique doit aussi faire face au défi de sa démo-

et stratégiques générales, ainsi que la question

graphie. Sa population très jeune continue d’aug-

spécifique de l’électrification des régions rurales.

menter. Elle est passée de 440 millions d’habitants

En effet, au sein même des différents pays, les

en 1980 à près de 1,2 milliard en 2014. L’augmen-

zones rurales, majoritairement très peu électrifiées,

tation de la population, accompagnée d’une amé-

se distinguent des villes, qui sont généralement

lioration du niveau de vie et de l’émergence d’une

électrifiées de longue date, mais où le développe-

classe moyenne, entraîne des besoins accrus en

ment des réseaux (souvent vétustes) n’a pas suivi

énergie. Il en résulte que, même si le taux d’élec-

celui de la demande potentielle, conséquence de la

trification augmente — certes lentement (moins de

croissance démographique et économique, parfois

1 % par an au cours de la dernière décennie) —, le

aggravée par l’exode rural (lui-même lié au sous-

nombre d’habitants ne bénéficiant pas d’un accès à

équipement des régions rurales ).

l’électricité continue de s’accroître.

La situation de l’Afrique du Nord mériterait certes aussi qu’on s’y intéresse, notamment pour revenir

Un dossier consacré à l’électrification de l’Afrique subsaharienne

sur la réussite de ses démarches d’électrification rurale – qui constituent des exemples très intéressants

Si l’Afrique consomme globalement peu d’éner-

pour d’autres pays – et parce que l’interconnexion

gie par rapport à son poids démographique (15 %

méditerranéenne a commencé à se mettre en place

de la population mondiale, 3 % de la demande en

et pourrait se développer encore bien davantage.

énergie primaire), ces chiffres moyens occultent

Nous reviendrons sur ces sujets dans de pro-

une réalité encore plus cri-

chains numéros.

tique : les 30 % de la population

africaine

vivant

Quelques réalités à prendre en compte à propos de l’électrification de l’Afrique subsaharienne

au

Maghreb et en Afrique du Sud représentent 80 % de l’énergie

consommée

par

l’ensemble du continent (hors biomasse). Et si les zones

Sortir l’Afrique subsaha-

rurales de l’Afrique subsaha-

rienne de la pauvreté éner-

rienne sont très peu électri-

gétique qui frappe plus de

fiées, il n’en va pas de même

620 millions d’habitants est

de celles de l’Afrique du Nord

30 Z REE N°2/2016

L’Afrique vue du ciel – Source : Slideshare.

une urgence absolue.


Introduction

Mais il faut prendre en compte une difficulté majeure : les faibles ressources des populations. Même si la situation économique s’améliore, près

LES GRANDS DOSSIERS

Le dossier Situation générale et investissements nécessaires

de la moitié de la population d’Afrique subsaha-

Le présent dossier débute par une présentation

rienne vit avec moins de 1,25 USD par jour. Cela

générale de la situation. Issu des travaux de l’ADEA

ne permet évidemment pas de financer l’électrifi-

(Association pour le développement de l’énergie en

cation des campagnes, ni même le développement

Afrique), présidée par Jean-Paul Favennec, son ob-

des moyens de production et des réseaux dans les

jectif est de chiffrer les investissements nécessaires

zones urbaines. Et, si le continent est riche en res-

pour accroître très sensiblement les taux d’accès à

sources naturelles, ces dernières sont inégalement

l’électricité, à près de 90 % dans les villes et à près

réparties. Certains pays (Nigéria, Angola, Congo,

de 60 % dans les campagnes. L’article souligne éga-

Gabon, Guinée Équatoriale…) bénéficient ainsi

lement que l’électrification de l’Afrique ne se réduit

d’une rente pétrolière mais qui n’est pas toujours

pas à un problème de moyens financiers. C’est aussi

utilisée à bon escient.

un problème d’organisation, de gouvernance et de

Le développement économique étant à la fois

formation. Une évaluation des dépenses à prévoir est

cause et conséquence de celui de l’énergie, l’en-

donnée en fin d’article. Cette présentation est illus-

clenchement d’un processus vertueux suppose

trée par celle du cas, exemplaire et paradoxal, de la

donc le recours aux aides internationales et aux

RDC, qui est faite par Albert Mbafumoya Tchomba,

financements bilatéraux ou multilatéraux.

conseiller principal Mines-électricité auprès du pre-

Outre un faible accès à l’énergie, l’Afrique subsa-

mier ministre de RDC et par Henri Boyé, conseiller

harienne est également victime des conséquences

principal en énergie (USAID-ECODIT) à la Primature

du changement climatique, même si elle émet elle-

de la RDC.

même très peu de gaz à effet de serre (moins de 3,8 % des émissions mondiales). La désertification progresse. La vulnérabilité des villes côtières à l’élévation des océans est élevée.

Hydroélectricité et financements La problématique du développement de l’hydroélectricité est ensuite abordée par Frédéric Louis, qui

Du point de vue des gaz à effet de serre, il est

bénéficie d’une longue expérience, au sein de la

notable que l’Afrique dispose d’une capacité de

Banque mondiale et de la Direction internationale

production d’énergie propre considérable :

d’EDF. Frédéric Louis insiste sur la nécessité de mobi-

s ,E POTENTIEL HYDROÏLECTRIQUE EST IMPORTANT ET

liser toutes les sources de financement nécessaires :

en majeure partie inexploité. C’est ainsi que la

multilatérales et bilatérales, publiques et privées.

seule République démocratique du Congo (RDC)

Mais au-delà du développement de projets neufs,

possède un potentiel hydroélectrique estimé à

il évoque aussi la nécessaire durabilité des installa-

100 000 MW, soit 13 % du potentiel hydroélec-

tions, qui requiert des politiques d’exploitation et de

trique mondial ; ce potentiel est supérieur à la

maintenance permettant de garantir le fonctionne-

puissance aujourd’hui appelée par l’ensemble

ment des installations sur le long terme.

de l’Afrique subsaharienne. La puissance installée totale est évaluée actuellement à 2 516 MW,

Distribution

soit 2,5 % du potentiel total, pour une production

La question des réseaux électriques est en-

moyenne possible de 14 500 GWh. Pour des rai-

suite abordée sous deux angles : l’amélioration

sons de maintenance des installations, la produc-

de l’efficience des réseaux existants (Ousmane

tion effective n’est actuellement que de 6 000 à

Sall, ERDF) et une réflexion sur la pertinence de

7 000 GWh.

solutions « smart grids » dans le contexte africain

s )L N EST PAR AILLEURS PAS BESOIN D INSISTER SUR LE

(Moussa Bagayoko, consultant exerçant en France

potentiel de l’énergie solaire en Afrique : un extra-

et au Mali, et Henri Boyé). L’insuffisance des ré-

terrestre débarquant sur terre ne manquerait pas

seaux de distribution dans la quasi-totalité des

de s’étonner de voir les maisons d’Europe conti-

pays se traduit à la fois par des heures de coupure

nentale se couvrir de panneaux photovoltaïques,

quotidiennes et par des pertes d’énergie, d’origine

cependant que la quasi-totalité des villages afri-

technique aussi bien que commerciale, totalement

cains vivent sans électricité.

hors normes, couramment de l’ordre de 40 %.

REE N°2/2016 Z 31


LES GRANDS DOSSIERS

Introduction

La solution n’est pas seulement dans la mobilisa-

des politiques publiques des dernières décennies,

tion de financements permettant de développer les

présente une autre approche, mise en œuvre par

réseaux : elle est aussi dans la mise en œuvre de

son ONG : l’apport de solutions décentralisées

programmes de développement cohérents et de

(hors réseau), reposant sur une production photo-

politiques de maintenance, ainsi que dans des poli-

voltaïque, à un coût raisonnable. Le succès durable

tiques tarifaires adaptées.

d’une telle approche suppose l’implication de la population locale dans la gestion et la maintenance

Electrification rurale

du système1.

Dans ce contexte difficile, l’électrification des

Dans le même esprit, une autre ONG, blueEnergy

immenses zones rurales africaines

(Jacky Bauley, y Pauline Caumon

apparaît comme le défi majeur,

Ingénieur Telecom, Jacques

et André-Jean Guerin), nous pré-

d’autant plus que les ressources

Horvilleur a consacré l’essen-

sente ses interventions en Ethiopie,

financières des populations y sont

tiel de sa carrière, au sein du

caractérisées à la fois par des ins-

les plus faibles, voire inexistantes.

groupe EDF, à l’étude et à la

tallations solaires, par des actions

Même dans une vision optimiste, il

gestion des réseaux électriques.

de renforcement des capacités des

est évident que le processus d’électrification par extension des réseaux sera très long et durablement incomplet.

Jean-Pierre

Cerdan,

Il a notamment été responsable des politiques techniques d’ERDF. Il a également, pendant une dizaine d’années, été en charge du développement d’EDF

secrétaire général de l’association

et d’ERDF dans plusieurs régions

ESF (Electriciens sans frontières),

du monde.Depuis 2015, il est le

prenant acte du peu de résultats

secrétaire général de la SEE.

structures locales… et par un enthousiasme communicatif. Q 1

De façon peut-être anecdotique, on remarquera que, dans des pays développés comme les Etats-Unis ou la France, l’élecc trification des campagnes n’a pas été le fait de grandes compagnies d’électricité, mais plutôt de coopératives villageoises…

LES ARTICLES

Electrifier l’Afrique - Les investissements financiers et humains nécessaires Par Jean-Pierre Favennec, Henri Beaussant ......................................................................................................... p. 33 Le développement de l’hydroélectricité en Afrique subsaharienne Par Frédéric Louis .......................................................................................................................................................... p. 44 Un enjeu majeur : améliorer l’efficience de la distribution Par Ousmane Sall, Thierry Ledoux, Jacques Horvilleur ................................................................................ p. 50 Des smart grids en Afrique ? Par Henri Boyé, Moussa Bagayoko ......................................................................................................................... p. 55 L’électrification rurale en Afrique Par Jean-Pierre Cerdan ............................................................................................................................................... p. 58 Le développement des énergies renouvelables en Ethiopie Un exemple de renforcement des capacités d’une structure locale Par Jacky Bauley, Pauline Caumon, André-Jean Guérin ................................................................................. p. 69

32 Z REE N°2/2016


L’AFRIQUE ET L’ÉLECTRICITÉ

DOSSIER 1

Par Jean-Pierre Favennec, Henri Beaussant. Avec la collaboration de Bernard Duhamel et GĂŠrard MalengĂŠ Association pour le dĂŠveloppement de l’Ênergie en Afrique Only 32 % of the population of sub-Saharan Africa has access to electricity (while North Africa and the Republic of South Africa are almost fully electriďŹ ed). A major part of the population without access to electricity lives in rural areas. ElectriďŹ cation is less than 5 % in more than a dozen sub-Saharan countries. Currently 620 million Africans have no access to electricity. According to the projection made in this article, this ďŹ gure will still amount 530 million in 2040, despite the fact that over a billion people will progressively have access to this energy. But meanwhile the population will have increased about one billion people between 2015 and 2040. The purpose of this paper is to quantify the investment necessary to increase signiďŹ cantly the access to electricity, with a target of circa 90 % in cities and 60 % in the countryside. Such a goal is realistic: in emerging countries, access to electricity has increased from 20 to 80 % in 20-30 years. An evaluation of the training expenses requested by such a strategy is also given.

ABSTRACT

Introduction

Puissance installĂŠe (GW)

Seuls 32 % de la population d’Afrique subsaharienne ont accès Ă l’ÊlectricitĂŠ alors que l’Afrique du Nord et la RĂŠpublique d’Afrique du Sud sont pratiquement entièrement ĂŠlectriďŹ ĂŠes. Une part très importante de la population sans accès Ă l’ÊlectricitĂŠ se situe dans des zones rurales. L’ÊlectriďŹ cation y est infĂŠrieure Ă 5 % dans plus d’une vingtaine de pays d’Afrique subsaharienne.

Occidentale

2015

2025

2040

15,8

33,9

102,9

Accroissement (GW) 2015-25 2025-40 18,1

69,0

% annuel

2015-40

2015-2040

87,1

7,8 %

Centrale

3,6

6,9

16,5

3,3

9,6

12,9

6,3 %

Orientale

9,3

20,3

54,8

11,1

34,5

45,6

7,4 %

Australe

66,5

80,7

106,1

14,2

25,4

39,7

1,9 %

OcĂŠan Indien

1,1

1,5

2,6

0,5

1,1

1,5

3,7 %

96,2

143,3

282,9

47,1

139,6

186,7

4,4 %

Total Afrique sub-saharienne

Tableau 1 : Evolution de la puissance installĂŠe, 2015-2040.

Ainsi, actuellement 620 millions d’afri-

ďŹ nanciers. C’est aussi un problème d’or-

rĂŠalisĂŠe par EDF dans le cadre du pro-

cains n’ont pas accès Ă l’ÊlectricitĂŠ. Dans la

ganisation, de gouvernance et de for-

jet Inga rĂŠalisĂŠ pour la Banque africaine

projection ďŹ nancière qui est faite dans cet

mation. Une ĂŠvaluation des dĂŠpenses Ă

de dĂŠveloppement en 20121. Les prĂŠ-

article, ce chiffre sera encore de 530 mil-

prĂŠvoir est donnĂŠe en ďŹ n d’article.

visions elles-mĂŞmes font rĂŠfĂŠrence aux

lions en 2040 malgrĂŠ le fait que plus d’un milliard de personnes auront enďŹ n accès Ă cette ĂŠnergie. Mais la population aura augmentĂŠ d’environ un milliard de personnes entre 2015 et 2040.

Les investissements Ă horizon 2040 Evolution de la puissance installĂŠe

diffĂŠrentes ĂŠtudes de la demande ĂŠlectrique des pays membres de chacun des quatre pools ĂŠlectriques africains, rĂŠalisĂŠes par plusieurs consultants entre 2010 et 2011. Le tableau 1 prĂŠsente

L’objectif de cet article est de chiffrer

Le volume des investissements a

l’Êvolution de la demande en puissance

les investissements nĂŠcessaires pour ac-

ĂŠtĂŠ calculĂŠ pour les deux pĂŠriodes rete-

installĂŠe dans chacune des cinq rĂŠgions.

croĂŽtre très sensiblement les taux d’accès Ă

nues pour l’Êtude : 2015-2025 et 2025-

Pour l’ensemble de l’Afrique subsa-

l’ÊlectricitĂŠ, Ă près de 90 % dans les villes

2040. Les besoins en investissements

harienne (ASS), la puissance installĂŠe

et à près de 60 % dans les campagnes.

sont basÊs sur l’Êvolution attendue de

augmente de 50 % entre 2015 et 2025,

Un tel objectif est rĂŠaliste : dans des pays

la puissance installĂŠe au cours de ces

soit 4,2 % en moyenne par an. Entre

ĂŠmergents, le taux d’accès Ă l’ÊlectricitĂŠ

deux pĂŠriodes, ĂŠgale Ă la demande de

2025 et 2040, elle s’accroit lĂŠgèrement

est passĂŠ de 20 Ă 80 % en 20 Ă 30 ans.

pointe plus une marge de rĂŠserve de

Ă 4,6 % par an, soit une croissance glo-

Cependant, il convient de souligner

puissance de 20 %.

que l’ÊlectriďŹ cation de l’Afrique ne se

L’estimation de l’Êvolution de la de-

rÊduit pas à un problème de moyens

mande de pointe provient de l’Êtude

1

Etude du dÊveloppement du site hydro-Êlectrique d’Inga. EDF-AECOM, pour la Banque Africaine de DÊveloppement, avril 2012.

REE N°2/2016 Z 33


DOSSIER 1

L’AFRIQUE ET L’ÉLECTRICITÉ

bale de 4,4 % par an sur l’ensemble de la période 2015-2025. Les variations entre régions sont sensibles : sans surprise, les plus forts accroissements proviennent des régions actuellement le plus démunies, Afrique occidentale en tête, tandis que l’Afrique australe, tirée par le taux d’équipement déjà élevé de l’Afrique du Sud (58 % du total de l’ASS en 2015), connaît une croissance beaucoup plus faible. L’accroissement de la demande des pays de l’océan Indien est essentiellement le fait de Madagascar : les îles « riches » de Maurice et des Seychelles,

Figure 1 : Satisfaction de la demande de pointe par source d’énergie en Afrique subsaharienne en 2025 (gauche) et 2040 (droite).

où le taux d’électrification avoisine les 100 %, ne devraient connaître qu’une croissance très faible.

Le mix énergétique Pour évaluer l’évolution du mix énerr gétique, c’est-à-dire la part de chaque source d’énergie dans la puissance installée, nous avons retenu les prévisions établies par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans le rapport Africa Energy Outlook de 20142. Le parc de production est actuellement dominé, et de manière écrasante,

Figure 2 : Coûts unitaires des installations de production électrique ($/kW).

par le poids des combustibles fossiles. Près de la moitié de la puissance ins-

concentre dans les pays riverains du

Côte d’Ivoire et le Ghana, et en Afrique

tallée disponible est fournie par le seul

Golfe de Guinée, en Afrique centrale et

australe (de 1 % à 26 %). La part de

charbon, suivi des produits pétroliers

occidentale ; l’hydraulique domine en

l’hydraulique restera relativement stable

(fuel lourd et gasoil) et le gaz naturel

Afrique centrale et orientale, tandis que le

(de 21 % à 24 %) tandis que les renou-

(pour un tiers). L’hydraulique représente

pétrole comble les déficits et se retrouve,

velables, hors hydraulique, décolleront

un cinquième de la puissance, tandis

dans des proportions variables (de 10 %

pour atteindre 21 % en 2040.

que le nucléaire, présent seulement

en Afrique Australe à 70 % dans l’Océan

en Afrique du Sud, est négligeable à

Indien) dans toutes les régions.

Coût des différentes technologies

l’échelle du continent, de même que les

Les prochaines décennies vont ame-

autres renouvelables hors hydraulique

ner un bouleversement du mix énergé-

Les coûts unitaires (en USD par kW

(solaire, éolien, géothermie, biomasse).

tique. Si toutes les sources primaires vont

de puissance installée) ont été établis à

Là encore les différences entre les

connaître un accroissement en volume,

partir d’une liste de 125 projets de pro-

régions peuvent être considérables. Le

la part globale des combustibles fossiles

duction électrique récents ou en cours

charbon est présent uniquement en

(charbon, pétrole et gaz) devrait très sen-

d’instruction ou de développement en

Afrique australe, où il répond à près de

siblement baisser entre 2015 et 2040

Afrique subsaharienne, relevés dans la

70 % des besoins ; le gaz naturel se

(de 78 % à 55 %), malgré le fort déve-

revue professionnelle African Energy.

loppement du gaz naturel (de 10 % à

Les coûts de ces projets tiennent ainsi

26 %), en particulier en Afrique occiden-

compte de certaines conditions parti-

tale (de 11 % à 50 %) avec le Nigeria, la

culières à l’Afrique (tels les éventuels

2

Africa Energy Outlook : A Focus On Energy Prospects In Sub-Saharan Africa. IEA, 2014.

34 Z REE N°2/2016


Jicable'15

Introduction

Jicable’15

e

9 conférence internationale sur les câbles d’énergie isolés Versailles, 21 au 25 juin 2015 Trentième anniversaire de Jicable :

sur les câbles au service des grands en-

une participation record pour considérer

jeux énergétiques actuels.

l’état de l’art et les perspectives d’innova-

Deux conférences exceptionnelles ont

tions technologiques des câbles isolés au

été organisées dans le cadre des cérémo-

service des enjeux électriques mondiaux.

nies d’accueil et d’ouverture : « La situa-

Jicable’15,

neuvième

rendez-vous

tion du Brésil en termes d’énergie : défis

mondial de la recherche et de l’industrie

et perspectives » par Matos de Araujo,

sur les câbles électriques isolés, s’est tenu à Versailles du 21 1 au 25 juin 2015. L’innovation technologique du domaine y a été largement analyssée, partagée et diffusée.

Lucien Deschamps Président du Comité d’Organisation, Jicable’15

Jicable’15, do ont le comité directeur

vice-président du CNB CIGRE et directeur de la régulation d d’Eletrobras, Brésil et « Le réseau européen de transport d’électricité : une clé p pour la transition énergétique » par Pierre e Bornard, direc-

était présidé par M. Laurent Tardif, était organisé par

teur général délégué de RTE et préssident du conseil

la SEE, le CIGRE, le SYCABEL, ERDF, RTE et le SERCE.

d’ENTSO-E, France.

Près de 800 délé égués (chercheurs, ingénieurs, déci-

Le programme de la conférencce, établi par un

deurs, fabricantss de matières premières, construc-

comité scientifique et technique in nternational pré -

teurs, consultan nts, installateurs et utilisateurs)

sidé par M. Marco Marelli (Italie), a ensuite permis

provenant de 47 pays ont participé à 55 sessions de

d’examiner et de discuter 326 comm munications pro -

travail orales ou affichées dans six salles parallèles

venant de 36 pays. Cinq tutoriels su ur des sujets spé -

au Palais des con ngrès de Versailles.

cialisés d’actualité ont par ailleurs é été suivis par 111

Plus de 30 anss se sont déjà écoulés depuis l’orga-

participants. Une exposition technique rassemblait

nisation de la première conférence Jicable. Trente

les principaux acteurs du domaine e : 40 exposants

années au courss desquelles plus de 1500 commu-

(457 m2) issus de 14 pays. Trois viisites techniques

nications ont dé émontré une dynamique technolo-

ont également été organisées sur des sites autour

gique et industrielle remarquable des câbles isolés.

de Paris rassemblant 67 participan nts. Des sessions

En 1984, nous étions au début du développement

vidéo furent enfin proposées aux p participants ainsi

des câbles hautte tension à isolation synthétique.

qu’une exposition photographique à caractère his-

Ces matériels so ont aujourd’hui largement dévelop-

torique sur les métiers du câble ap pparus dès la fin

pés en courant alternatif et en courant continu pour

du 19e siècle.

le transport et la distribution en terrestre ainsi qu’en

Les enjeux énergétiques des câ âbles isolés sont

sous-marin. De nombreuses b évolutions l sont égale l -

majeurs, j tant au niveau i llocal,l national que mon-

ment intervenues pour le développement de câbles

dial. Il s’agit, par exemple, d’améliorer l’efficacité et

spéciaux : tenue au feu, aux radiations... Une session

la continuité de service des réseaux, tout en préser-

de Jicable’15 était dédiée aux nouveaux câbles pour

vant les paysages par un usage adapté du souterrain

l’avionique, notamment électrique.

dont les performances ne sont plus à démontrer. Il

Le développement des réseaux constitue un élé-

s’agit aussi de construire des réseaux à moindre coût

ment clé de la transition énergétique imposée par la

pour la collectivité, de concevoir les “smart grids” par

recherche d’un développement soutenable de la pla-

l’association de câbles de puissance à des systèmes

nète. Les câbles isolés sont un élément essentiel de

d’information intelligents, de tirer le meilleur parti des

ces réseaux et des réseaux intelligents du futur, en

énergies renouvelables – notamment par des liaisons

permettant notamment leur intégration dans l’envi-

sous-marines permettant de raccorder les éoliennes

ronnement.

off-shore – ou encore d’acheminer l’électricité au

L’objectif de Jicable est clair : mettre les dernières avancées de la connaissance et des développements

74 Z REE N°2/2016

cœur des zones à l’urbanisation galopante. Pour cela, les défis à relever consistent en particulier :


Introduction

Jicable'15

s ĂŒ ACCROĂ”TRE LA QUANTITĂ? D Ă?LECTRICITĂ? TRANSPORTĂ?E ET

AďŹ n d’augmenter la durĂŠe de vie des liaisons

la longueur des liaisons en minimisant les pertes

souterraines, le suivi en ligne de deux paramètres

d’Ênergie ;

critiques est rĂŠalisĂŠ : les dĂŠcharges partielles et

s ĂŒ RĂ?DUIRE LES COĂ&#x;TS TOUT EN AMĂ?LIORANT LA lABILITĂ?

les courants de gaine. Des plans de maintenance

s ĂŒ MINIMISER L IMPACT SUR L ENVIRONNEMENT

peuvent ainsi ĂŞtre mieux adaptĂŠs Ă la rĂŠalitĂŠ.

Tous les fronts technologiques oĂš un progrès peut ĂŞtre recherchĂŠ ont ĂŠtĂŠ abordĂŠs par Jicable’15 :

2. Tester des câbles sous-marins pour des charges combinĂŠes de compression axiale et de exion.

nouveaux matĂŠriaux, ĂŠvolution des technologies,

Un programme d’essai a ÊtÊ rÊalisÊ sur une nou-

amĂŠlioration des procĂŠdĂŠs de fabrication, diagnos-

velle plate-forme construite Ă grande ĂŠchelle spĂŠ-

tic, ďŹ abilitĂŠ, modĂŠlisation, essais, optimisation de

cialement conçue pour des essais combinÊs de

la maintenance, nouvelles solutions techniques ori-

compression et de charges de exion. L’objectif est

ginales pour le grand transport, pour l’installation,

de vĂŠriďŹ er qu’un câble d’alimentation dynamique

nouveaux matÊriaux supraconducteurs ainsi qu’un

peut supporter la compression et des charges de

examen des gran nds projets de câbles sous-marins.

exion cycliques combinÊes.

Les nanotechnolo ogies Êtaient Êgalement à l’ordre du

3. Le challenge de la localisation d des dĂŠfauts dans

jour car les  nan nomatÊriaux  recèlent un potentiel

les câbles sous-marins de grande e longueur

important. Plusieurs communications ont abordĂŠ

La rÊparation de câbles Êlectriques sous-marins

des problèmes Êconomiques associÊs au dÊvelop-

endommagĂŠs nĂŠcessite des naviress et des experts

pement des câbles isolÊs.

spÊcialisÊs pour rÊcupÊrer le câble d du fond marin et

Les câbles à courant continu ont ÊtÊ particulière-

remplacer la section de câble dÊfecctueuse. La com-

ment à l’honneurr : leur utilisation se gÊnÊralise et ils

munication prĂŠsente les mĂŠthodes d de localisation de

prĂŠďŹ gurent les so olutions aux dĂŠďŹ s ĂŠnergĂŠtiques des

dĂŠfauts les plus efďŹ caces pour câbles sous-marins.

grands projets de e rĂŠseau des prochaines dĂŠcennies,

4. LillebÌlt – Installation et essai de rÊception du

comme par exem mple les rĂŠseaux sous-marins nĂŠces-

premier câble tripolaire 420 kV so ous-marin.

saires au dĂŠvelop ppement des ĂŠoliennes off-shore ou

La communication prÊsente l’expÊrience de

certaines liaisonss terrestres de grande longueur. La

conception, de fabrication, d’installation et de mise

ÂŤ mixitĂŠ Âť des rĂŠseaux, pour optimiser la complĂŠmen-

en service du premier câble sous-marin tripolaire

taritĂŠ entre le cou urant continu et le courant alternatif,

420 kV du monde.

est un thème de grand intÊrêt.

Ce document couvre tous les asspects relatifs au

La table ronde e de clĂ´ture prĂŠsidĂŠe par M. Ja Yoon

système de câble, de la conception n à la rÊalisation

Koo (CorÊe) a pe ermis d’effectuer un tour d’horizon

du projet, ainsi que le dÊmantèlement des anciennes

des recherches dans le monde sur les matĂŠriaux,

lignes aĂŠriennes.

câbles et système es de câbles à courant continu.

5. DĂŠveloppement d’une liaison ten nsion continue Ă

Des informatiions dÊtaillÊes sur Jicable’15 sont

trois terminaux pour la connexion n de la France au

disponibles sur le site www.

Royaume-Uni viia l’Île Alderney : Lucien Deschamps a ÊtÊ conseiller

jicable.org.

scientiďŹ que Ă ElectricitĂŠ de France. Ses

***** Parmi les communications prÊsentÊes à Jicable’15, nous avons sÊlectionnÊ pour ce dos-

travaux ont portĂŠ sur les matĂŠriaux pour l’Êlectrotechnique, les câbles de transport d’Ênergie et la prospective technologique. Il a en particulier travaillĂŠ sur l’ÊnergĂŠtique

Le projet FAB. Le

projet

France-Alderney-

Grande-Bretagne (FAB), 1400 -7 ## VISE ĂŒ ACCROĂ”TRE LA CAPACITĂ? d’interconnexion entre la France

spatiale et le concept de centrale solaire

et la Grande-Bretagne. La com-

sier Azur de la REE cinq articles :

spatiale. Lucien Deschamps a crĂŠĂŠ et

munication examine le problème

1. Projets de R&D du gestionnaire

organisĂŠ de nombreux ĂŠvĂŠnements interr

de la conception et de la protec-

de rĂŠseau RTE concernant la

nationaux dont en particulier le cycle des

tion du câble aďŹ n de faire face

maintenance prĂŠdictive basĂŠe

congrès Jicable. Il est aujourd’hui SecrĂŠtaire

aux dĂŠďŹ s liĂŠs Ă la rĂŠalisation d’un

sur la surveillance en temps

gĂŠnĂŠral de l’association de prospective Ă

câble sous-marin adaptÊ à une

rÊel de paramètres critiques

long terme Prospective 21OO et PrĂŠsident

zone Ă dynamique ĂŠlevĂŠe ayant

des câbles HT enterrÊs.

de la commission Astronautique de l’AÊro-

de forts courants de marĂŠe. Q

club de France.

REE N°2/2016 Z 75


Jicable'15

Introduction

th

Jicable’15

9 international conference on insulated power cables Versailles, 21-25 June 2015 Jicable’s 30 th anniversary: record numbers of attendees were reached to discuss the latest deve-

transition� by Pierre Bornard, Deputy CEO of RTE and Chairman of the Board at ENTSO-E, France.

lopments and opportunities in technological innova-

The conference programme was established by

tion in insulated cables in relation with international

an International Technical and ScientiďŹ c Commit-

electricity-related challenges

tee led by Mr. Marco Marelli from Italy, allowing the

Jicable’15, the 9 th international meeting dedicated

examination and discussion of 326 papers from 36

to insulated power cable research and industry, was

countries. Five tutorials on topical subjects were

held in Versailles from 21 to 25 June 2015. The event

attended by 111 participants. A technical exhibition

focused on analyysing, sharing and discussing tech-

brought together the main actors in n the ďŹ eld: 40 ex-

nological innovattions in the ďŹ eld.

hibitors (457 m2) from 14 countriess. Three technical

Jicable’15 wass organised by SEE, CIGRE, SYCABEL,

visits were also organised on sites around Paris: 67

ERDF, RTE and SERCE, and its steering committee

participants. Finally, video sessionss were also offe -

was chaired by Mr. Laurent Tardif. Near 800 dele-

red to participants, as well as a histo orical photo exhi-

gates (researchers, engineers, decision makers, raw

bition about cable work which starrted to appear at

material manufacc turers, builders, consultants, ďŹ tters

the end of the 19 th century.

and users) from 47 countries participated in 55 oral

There are signiďŹ cant challengess with insulated

or poster work sessions in six parallel rooms at the

cables at a local, national and intternational level.

Palais des Congrè ès in Versailles.

For example, a key challenge is improving grid

More than 30 0 years have passed since the ďŹ rst

service continuity and efďŹ ciency w whilst preserving

Jicable conferencce was held. During this period, over

the landscape, through the adapte ed use of under-

1500 papers ha ave demonstrated the remarkable

ground cables which are clearly a ssuccess. Another

technological and d industrial uses of insulated cables.

challenge is to produce these gridss at a lower cost

In 1984, we were e at the forefront of the development

for the community, develop smart g grids through the

of high voltage ca ables with synthetic insulation. This

association of power cables with sm mart information

equipment is now widely used with AC and DC for

systems, make the best of renew wable energies –

land and submarine transmission and distribution.

particularly through submarine linkks to connect off-

Various changes have taken place to develop special

shore wind farms – or even to ch hannel electricity

cables: ďŹ re resisttant, radiation resistant... A session

to the heart of areas which are ex periencing rapid

during Jicable’15 5 was dedicated to new cables for

urbanisation. The speciďŹ c challeng ges that need to

the avionics, partticularly for electric aircrafts.

be met include:

Grid development is a key k element l off the h energy transition linked to research into environmentally-

s INCREASING THE TRANSMITTED POWER AND THE LENGTH OF I I H I D links whilst minimising energy losses;

friendly developments. Insulated cables are a key

s REDUCING COSTS WHILST IMPROVING RELIABILITY

part of these grids and of the smart grids of the fu-

s MINIMISING THE ENVIRONMENTAL IMPACT

ture, allowing their integration into the environment.

All the technological themes able to generate

Jicable has a clear goal: to raise awareness about

progress were considered during Jicable’15: new

the latest progress and developments for cables

equipment, changes in technology, improvements in

used to cope with major energy challenges.

manufacturing processes, diagnosis, reliability, mo-

Two exceptional lectures were given as part of the

delling, testing, improvement of maintenance, new

welcome and opening ceremonies: “Brazil’s energy

original technical solutions for large-scale transmis-

situation: challenges and opportunities� by Matos

sion and for installation, new superconductor equip-

de Araujo, Vice President of CNB CIGRE and Chief

ment, as well as an examination of major submarine

Regulation OfďŹ cer at Eletrobras, Brazil, and “The Eu-

cable projects. Nanotechnology was also on the

ropean electricity transmission grid: a key to energy

agenda, as nanomaterials have huge potential. Seve-

76 Z REE N°2/2016


Introduction

ral papers dealt with the financial problems linked to the development of insulated cables.

Jicable'15

To verify that a dynamic power cable can withstand combined compression and cyclic ben-

Direct current cables were given particular pride

ding loads, a test program has been performed in a

of place at Jicable’15: their use is becoming wides-

new built full-scale rig specially designed for testing

pread, and they provide solutions to energy chal-

combined compression and bending loads.

lenges for the major grid projects in the coming

3. Challenge of Fault Location on Long Submarine

decades, such as the submarine grids required to de-

Power Cables.

velop off-shore wind farms, or some land links over

Repair of damaged submarine power cables re-

long distances. The mix of networks to optimize the

quires specialized ships and experts to recover the

complementarities between DC and AC is a theme

cable from the seabed and replace the faulty cable

of great interest.

section. The paper illustrates the most efficient cable

The closing roundtable, led by Mr. Ja Yoon Koo from Korea, provided an overview of international research on DC ca able systems, cables and equipment. More informattion about Jicable’15 is available on the website at www.jicable.org.

fault location methods for submarine cables. 4. Lillebælt – Installation and Commissioning of world’s first 400 kV 3-core Subma arine Cable. The design, production, installatiion and commissioning of the world’s first 420 kV 3 3-core submarine cable are presented.

******

This paper covers all aspects in n relation to the

Among the papers presented at Jicable’15 we

cable system, from conception to o the realization

have selected for this REE Azur special edition,

of the project and the decommissioning of the old

five articles:

overhead lines.

1. REE’s research and development projects related to

5. Development of a three-termin nal ready HVDC

predictive main ntenance based on monitoring of critii

interconnector between France a and Great Britain

cal parameterss in high voltage underground cables.

via Alderney.

In order to in ncrease useful life of underground

The France-Alderney-Britain (FAB) project, 1400

links, the online e monitoring of two critical para-

MW DC aims at increasing the inte erconnection ca-

meters is perform med: partial discharges and sheath

pacity between France and Great Britain. The paper

currents. Maintenance design plans are then more

explores the issue of cable design a and protection in

adequately adaptted to reality.

order to cope with the challenges lin nked to the deve -

2. Testing Submarine Cables for Combined Axial

lopment of a submarine cable in a high energetic

Compression and Bending Loads.

area with strong tidal currents. Q

LES ARTICLES

REE’s research and development projects related to predictive maintenance based on monitoring of critical parameters in high voltage underground cables. Gonzalo Donoso, Ricardo Reinoso, Rafael García, Luis Felipe Alvarado, Javier Ortego, Luigi Testa ............................................................................................................................................... p. 78 Testing submarine cables for combined axial compression and bending loads Andreas Tyrberg, Erik Eriksson, Frank Klæbo, Jørgen Grønsund ................................................................ p. 84 Challenge of fault location on long submarine power cables Manfred Bawart, Massimo Marzinotto, Giovanni Mazzanti ............................................................................p. 90 Lillebælt – Manufacturing, installation and commissioning of world’s first 420 kV 3-core submarine cable Morten Ahrenkiel Vilhelmsen, Flemming Krogh ...................................................................................................p. 96 Development of a three-terminal ready HVDC interconnector between France and Great Britain via Alderney Gro Wæraas De Saint Martin, Jean Charvet, Chris Veal ..................................................................................p. 102

REE N°2/2016 Z 77


DOSSIER 2

78 Z REE N째2/2016

Jicable'15


REE’s research and development projects related to predictive maintenance based on monitoring of critical parameters in high voltage underground cables

REE N°2/2016 Z 79


GROS PLAN SUR

L’énergie positive

«

Introduction

Plus sérieusement, en s’inspirant des travaux

L’Energie positive » fait actuellement partie

menés en Allemagne sur la Passivhaus et en

des buzz-words du monde de l’énergie,

Suisse dans le cadre du label Minergie, le CSTB

au même titre que la croissance verte,

et l’ADEME ont lancé dès le début des années

la croissance sobre, les énergies douces,

2000 des actions de recherche visant à « prépa-

la transition énergétique, etc. L’expression est

rer des bâtiments à énergie positive apportant une contribution nulle à l’effet de serre ». Ces ini-

souvent usitée accolée au terme de bâtiment, on parle alors de BEPOS (bâtiment à énergie positive), ou à celui de territoire, ce qui conduit au TEPOS (territoire à énergie positive). Mais on

Jean-Pierre Hauet Membre émérite de la SEE

parle également d’éco-quartiers, de routes, de fa-

tiatives ont notamment conduit à la constitution en mars 2005 de la Fondation bâtiment énergie et à différentes opérations menées dans le cadre du PREBAT (Programme de recherche et d’expé-

milles et même de bars à énergie positive. Ainsi, à la COP 21

rimentation sur l’énergie dans le bâtiment). Plus récemment,

au Bourget, un large stand expliquait comment, en pédalant

l’association Effinergie a institué en 2013 un label pilote

suffisamment longtemps et vigoureusement, chacun pouvait

BEPOS Effinergie 2013 s’appuyant sur la réglementation

mériter un jus de fruit (figure 1).

thermique 2012 (RT 2012) et fondé sur un bilan en énergie

1

primaire des consommations nettes non renouvelables. 1

Voir http://www.familles-a-energie-positive.fr/

Figure 1 : Le « bar à énergie positive » à la COP 21.

The term "positive energy" is a buzzword that is often used abusively. But this term is used in the French law dated 17 August 2015 relating to energy transition and green growth. It is therefore necessary to look for a precise definition. We try in this article to define the notion of "positive energy" in the case of buildings which are of prime importance in terms of energy consumption and CO2 emissions. We recommend to qualify a PlusEnergy building (in French BEPOS) on the basis of objective criteria, consistent with the guidance given by the law and chosen to avoid any gap between the calculations that can be made locally and those which have to be made at the national level in order to comply with the requirements of the 2015 law and with European directives. One of the key points, and relatively innovative, lies in how a balance account of renewable energy used for meeting local needs can be done. A methodology is proposed that may lead to the institution of “BEPOS” and “BEPOS+” labels. We show that among the techniques that may be used to implement the concept of positive energy, the heat pump is the solution that offers the best technical and economic advantages. At territorial level, the extension of the definition of positive energy raises very difficult problems and the relevance of the concept can even be questioned. However at the local area level, there are synergies between productions and consumptions that deserve to be exploited, particularly in view of smart grids and smart cities, and that the positive energy concept allows to highlight.

ABSTRACT

108 Z REE N°2/2016


L’énergie positive

Le concept d’énergie positive interpelle « positivement »

manifestation de la tendance générale à considérer que le

l’esprit de la plupart de nos concitoyens mais, pour intuitif qu’il

“small” est “beautiful” mais certains vont plus loin et parlent

soit : « Produire plus qu’on ne consomme », il n’est pas d’une

d’autonomie retrouvée, de liberté dans les choix, de partici-

limpidité totale. La loi du 17 août 2015 relative à la transition

pation citoyenne, de démocratie locale, etc.

énergétique pour la croissance verte (la LTECV) a d’ailleurs

Toutes ces considérations relèvent de l’émotionnel mais

estimé utile de préciser en ces termes la notion de TEPOS :

n’ont guère de sens En premier lieu, il faut rappeler que

« Un territoire qui s’engage dans une démarche permettant

l’énergie est un intrant thermodynamiquement indispensable

d’atteindre l’équilibre entre la consommation et la production

à toute activité, humaine en particulier. Il faut certes utiliser

d’énergie à l’échelle locale en réduisant autant que possible

l’énergie de façon efficace mais les principes de la thermody-

les besoins énergétiques et dans le respect des équilibres

namique font qu’in fine il y a toujours des pertes. La consom-

des systèmes énergétiques nationaux. Un territoire à éner-

mation d’énergie ne doit pas être considérée comme une

gie positive doit favoriser l’efficacité énergétique, la réduction

maladie honteuse si elle se fait à bon escient et la recherche

des émissions de gaz à effet de serre et la diminution de la

de l’autonomie locale à tout prix est un contresens technique

consommation des énergies fossiles et viser le déploiement

et économique si les ressources locales raisonnablement

d’énergies renouvelables dans son approvisionnement ». La

accessibles ne sont pas suffisantes et si d’autres ressources

même loi stipule « qu’un décret en Conseil d’Etat définit les

sont disponibles ailleurs.

exigences auxquelles doit satisfaire un bâtiment à énergie

Il faut rappeler à ce stade l’importance essentielle des ré-

positive ». Un tel décret n’est pas simple à écrire. On peut pen-

seaux qui permettent par un effet de mutualisation et de foison-

ser que la définition du BEPOS se référera à la définition du

nement, de tirer parti des complémentarités tant à la production

TEPOS telle qu’elle figure dans la loi mais ceci reste à préciser.

qu’à la consommation. Si chacun devait installer à son niveau

Passer d’une notion intuitive et sympathique à une définition

des capacités de génération électrique correspondant à ses

juridique n’est pas un acte élémentaire et amène à réfléchir à

besoins maximaux, la puissance totale nécessaire excèderait

la signification exacte du concept.

de plusieurs fois la puissance totale aujourd’hui installée. Au

Compte tenu de l’importance des enjeux qui s’attache

niveau de la production, les réseaux permettent d’organiser des

à ces notions, dans le monde de l’énergie mais aussi dans

stratégies de maintenance appropriées (complémentarité entre

celui de la construction et de l’urbanisme, il nous a paru utile

nucléaire et énergies intermittentes) et de tirer parti, dans une

de rassembler dans cet article quelques réflexions autour de

certaine mesure, des différences qui peuvent exister entre les

l’énergie positive, afin notamment d’en clarifier le sens, d’en

régimes des vents et les périodes d’ensoleillement.

montrer les limites et de proposer des lignes directrices pour

Ce n’est pas par hasard ni pour répondre à la seule inspira-

le définir de façon précise sur le plan réglementaire, dans les

tion politique du moment que les entreprises de production,

domaines du bâtiment et des territoires.

transport et distribution de l’électricité au nombre de 2 408 à

Un concept séduisant mais dont les limites doivent être posées

la Libération ont été regroupées à 94 % au sein d’Electricité de France. Par ailleurs, il faut rappeler que les usagers souhaitent avant toute chose un accès à l’énergie qui soit sûr et

La notion d’énergie positive évoque une contribution

compétitif. Pour ce faire, quel que soit le degré d’autonomie

par définition « positive » à la résolution des problèmes de

atteint grâce aux énergies locales, il est toujours nécessaire

l’énergie et chacun se plait à y voir un moyen de passer du

de prévoir un raccordement aux réseaux pour assurer l’ap-

statut de consommateur – et donc de prédateur des biens

point et/ou le secours et dans bien des cas, en zone rurale

de la nature – à celui de créateur de nouvelles ressources

notamment, on est même conduit à prévoir un renforcement

et de bâtisseur d’un monde meilleur. Il n’est donc pas éton-

de ces réseaux pour permettre l’évacuation des productions

nant que cette notion, alimentée par un battage médiatique

locales lorsque celles-ci deviennent excédentaires.2

souvent excessif autour des énergies nouvelles, fasse florès

Le législateur de 2015 a par ailleurs clairement affirmé que

auprès d’un public peu au fait des contraintes techniques et

l’autonomie énergétique n’était pas la seule préoccupation à

des coûts qu’elles emportent. Par ailleurs, la notion d’énergie positive, dans ses applications usuelles actuellement, tend à donner la préférence au développement des ressources locales aux dépens des ressources aujourd’hui partagées grâce aux réseaux, qu’il s’agisse de gaz, d’électricité ou de chaleur. On peut y voir une

2

Le renforcement des réseaux rendu nécessaire par le développement des énergies intermittentes peut prendre une importance considérable lorsqu’on le considère au niveau des régions. On se référera sur ce point à l’exemple allemand et au déséquilibre entre l’Allemagne du Nord, forte productrice d’électricité d’origine éolienne, et l’Allemagne du Sud forte consommatrice.

REE N°2/2016 Z 109


GROS PLAN SUR

prendre en considĂŠration pour dĂŠďŹ nir le concept d’Ênergie posi-

que des bilans puissent ĂŞtre ĂŠtablis. Certains, pour diverses

tive. La loi sur la transition ĂŠnergĂŠtique a en effet dĂŠďŹ ni un trĂŠ-

raisons qui ne sont pas toutes techniques, continuent Ă

pied sur lequel doit reposer le TEPOS et par infĂŠrence le BEPOS :

prĂŠconiser la tenue de comptabilitĂŠs en ĂŠnergie primaire

s EFlCACITĂ? Ă?NERGĂ?TIQUE s EFlCACITĂ? Ă?NERGĂ?TIQUE

de prĂŠfĂŠrence Ă l’Ênergie ďŹ nale. Avec l’arrivĂŠe massive des

s RĂ?DUCTION DES Ă?MISSIONS DE GAZ ĂŒ EFFET DE SERRE ET DIMINUs RĂ?DUCTION DES Ă?MISSIONS DE GAZ ĂŒ EFFET DE SERRE ET DIMINU-

ĂŠnergies renouvelables, cette approche, imaginĂŠe pour

TION DE LA CONSOMMATION D Ă?NERGIES FOSSILES TION DE LA CONSOMMATION D Ă?NERGIES FOSSILES s DĂ?PLOIEMENT D Ă?NERGIES RENOUVELABLES s DĂ?PLOIEMENT D Ă?NERGIES RENOUVELABLES

agrĂŠger entre elles les ĂŠnergies fossiles et rendre compte des prĂŠlèvements opĂŠrĂŠs sur les ressources naturelles, n’a

Ces trois notions constituent des exigences incontourr

plus aujourd’hui aucune justiďŹ cation. En effet comment par-

nables de la notion de BEPOS et de TEPOS et nous les expli-

r ler de consommation en ĂŠnergie primaire pour des ĂŠner-

citerons plus loin. La question se pose cependant de savoir si

gies renouvelables qui par dĂŠďŹ nition ne s’Êpuisent pas ?

ces notions de nature ĂŠnergĂŠtique doivent ĂŞtre complĂŠtĂŠes

L’utilisation de coefďŹ cients convenus pour la transformation

par d’autres exigences relevant de l’Êco-responsabilitÊ : recy-

des ĂŠnergies en ĂŠnergie primaire conduit Ă des paradoxes

clage des dĂŠchets, protection des ressources en eau, sau-

qui ont ĂŠtĂŠ maintes fois mis en ĂŠvidence3. Par ailleurs, la

vegarde de la biodiversitÊ‌ La question n’est pas anodine

comptabilisation en Ênergie primaire est contraire à l’esprit

car la rÊponse conditionnera les règles qui seront imposÊes

de l’Ênergie positive qui est une approche par le bas partant

aux bâtiments de demain. Elle ne semble pas tranchÊe à ce

de l’usager alors que l’Ênergie primaire est une approche

stade et certains voudraient que la notion de BEPOS s’efface

amont qui implique des hypothèses sur la façon dont le sys-

devant celle plus gÊnÊrale de bâtiments Êco-responsables.

tème ĂŠnergĂŠtique rĂŠpond Ă l’ensemble des besoins ďŹ naux

Au niveau des territoires, on observe que les pouvoirs publics

en ĂŠnergie.

ont lancÊ en 2014 un appel d’offres en faveur des  Terri-

Il faut donc une fois pour toutes dĂŠcider de raisonner en

toires Ă ĂŠnergie positive pour la croissance verte Âť se rĂŠfĂŠ-

ĂŠnergie ďŹ nale pour ĂŠvaluer les besoins et la façon dont ils

rant à des critères qui vont au-delà des seules considÊrations

sont localement satisfaits. Ceci est au demeurant conforme

ĂŠnergĂŠtiques. Mais la loi de 2015 fait une claire distinction

aux prescriptions de la LTECV qui impose d’Êvaluer en Ênerr

entre deux concepts complĂŠmentaires mais distincts : celui

gie ďŹ nale les progrès d’efďŹ cacitĂŠ ĂŠnergĂŠtique et de pĂŠnĂŠtra-

de ÂŤ bâtiments Ă ĂŠnergie positive Âť et celui de ÂŤ bâtiments Ă

tion des ĂŠnergies renouvelables.

haute performance environnementale Âť. Nous ne prendrons pas parti dans cet article sur la question de savoir si ces deux concepts doivent se rejoindre et nous resterons dans le cadre

Sur quelle pĂŠriode apprĂŠcier l’autonomie d’un bâtiment L’autonomie qui sous-tend le concept d’Ênergie positive

de  l’Ênergie positive  laquelle pourra toujours être complÊtÊe, en tant que de besoin, par d’autres considÊrations.

peut ĂŞtre recherchĂŠe Ă tout instant mais il est plus naturel

Quels que soient les critères retenus, l’intĂŠrĂŞt de me-

de chercher à l’apprÊcier sur un cycle complet des saisons

ner une rÊexion “bottom-upâ€?, allant des consommateurs

c’est-à -dire sur une pÊriode de un an. Ceci laisse pendantes

vers les producteurs, complĂŠmentaire par consĂŠquent de

les questions de uctuations climatiques pour lesquelles il

l’approche “top-downâ€? traditionnellement utilisĂŠe dans le

faut convenir de mĂŠcanismes de correction par rapport Ă une

domaine de l’Ênergie, mÊrite d’être soulignÊ. Cependant il

annĂŠe-type mais ceci n’est pas le plus difďŹ cile.

faut que ces deux approches puissent se rencontrer et donc qu’elles soient menĂŠes sur des bases cohĂŠrentes de façon Ă ne pas conduire Ă des hiatus entre la vision des ÂŤ dĂŠcideurs

Autoproduction, autosatisfaction ou autoconsommation Plus dĂŠlicate est la question a priori triviale de la dĂŠďŹ ni-

d’en haut  et celle des  consommateurs d’en bas .

Le bâtiment Ă ĂŠnergie positive S’entendre sur les principes

tion même de l’autonomie. Celle-ci renvoie à trois notions complÊmentaires mais distinctes : l’autoproduction, l’autoconsommation et l’autosatisfaction des besoins. Prenons le

Avant d’approfondir la notion d’Ênergie positive appliquÊe

cas d’une maison dotÊe d’une certaine surface de panneaux

au bâtiment et lui donner une signiďŹ cation opĂŠrationnelle, il

photovoltaĂŻques de ÂŤ petite toiture Âť. Ces panneaux assurent

nous faut s’entendre sur quelques principes essentiels.

une production d’ÊlectricitÊ qui, selon les moments de la journÊe (et selon les saisons Êgalement) sera infÊrieure ou

La comptabilitĂŠ des ĂŠnergies

supĂŠrieure aux besoins en ĂŠnergie du bâtiment (ďŹ gure 2).

Il faut tout d’abord dĂŠďŹ nir la façon dont les consommations et les productions d’Ênergie seront comptabilisĂŠes aďŹ n

110 Z REE N°2/2016

3

Voir en particulier  le kWh mal traitÊ (1ère partie)  dans la REE 2014-4.


ENTRETIEN AVEC PHILIPPE JOUBERT

Ancien directeur général délégué du groupe Alstom Executive Chairman de la Global Electricity Initiative auprès du Conseil mondial de l’Energie, Conseiller énergie et climat auprès du Conseil mondial des entreprises pour un développement durable (WBCSD)

L’accès universel à l’électricité : comment y parvenir dans le cadre du trilemme « sécurité d’approvisionnement, respect de l’environnement et compétitivité » ? REE : Philippe Joubert, vous avez été

et que nous déclinons nos messages.

porteuses d’avenir et de sens mais se

President d’ALSTOM Power et directeur

GEI a présenté fin 2014 les conclusions

heurtent à trois difficultés majeures :

général délégué du groupe Alstom.

d’une enquête explicitant les messages

s L INTERMITTENCE DES SOURCES ET UNE MOINS

Vous êtes à présent Executive Chairman

essentiels que les responsables de ces

de la Global Electricity Initiative auprès

entreprises veulent mettre en avant.

du Conseil mondial de l’énergie. Pouvez-vous nous parler de “Global Electricity Initiative” ? Philippe Joubert : La Global Energy Initiative (GEI) est une initiative que le World

bonne prévisibilité de production ; s LA STRUCTURE DES RÏSEAUX DE DISTRIBUTION et leurs modes de fonctionnement en

GEI : la voix des électriciens pour un accès universel à l’électricité propre, sûre et compétitive

étoile demandant des investissements d’adaptation importants ; s L ABSENCE DE TECHNOLOGIE DE STOCKAGE pour de grandes quantités d’électricité.

Energy Council (Conseil mondial de l’énergie) et le WBCSD (World Business Council for Sustainable Development)

REE : Quelles ont été les principales

m’ont demandé de diriger et de dévelop-

conclusions de cette enquête ?

per en partant d’une première étude éta-

P. J. : En premier lieu et malheureu-

blie à Durban en 2011 par ESKOM et une

sement la reconnaissance que, sur la

dizaine d’électriciens mondiaux. Elle vise

base des tendances actuelles, l’objectif

à exprimer et à faire entendre la voix des

d’accès universel à l’électricité en 2030

leaders du secteur de l’électricité auprès

ne sera probablement pas atteint sauf si

des acteurs du secteur, des régulateurs et

les gouvernements et la communauté

Si l’on se focalise sur le problème-clé

des gouvernements. Les grandes entre-

internationale conviennent d’une action

de l’accès à l’électricité dans les pays en

prises y sont représentées à leur plus

concertée reposant sur des principes

voie de développement, il faut raisonner

haut niveau et c’est une soixantaine de

d’action fondamentalement nouveaux.

avec un modèle électrique très différent

Les énergies fossiles resteront majoritaires pour la production de l’électricité bien au-delà de 2030 si l’on ne change pas les structures et fondamentaux du marché

CEO qui s’y expriment. Ces entreprises

En second lieu, la constatation que

de celui que nous connaissons dans les

sont présentes dans des pays représen-

le monde, malgré tous les efforts dé-

pays européens. L’Afrique par exemple

tant 80 % de la puissance électrique dis-

ployés pour développer les énergies

a un immense besoin d’électricité et la

tribuée dans le monde.

renouvelables, continuera à dépendre

solution la plus efficace pour franchir la

Notre but premier est de susciter et

majoritairement jusqu’en 2030 et au-

première marche est “l’off-grid”, c’est-à-

d’encourager des actions visant à per-

delà des énergies fossiles pour la pro-

dire le développement de petits réseaux

mettre à chacun d’accéder à l’électri-

duction d’électricité sauf changements

isolés qui apportent aux collectivités ru-

cité au plus tard en 2030, d’une façon

fondamentaux dans la structure et les

rales les services minimaux qui leur sont

fiable, durable et compétitive en ligne

prix du marché et en particulier l’intro-

indispensables en matière d’éclairage,

avec l’objectif de SE4ALL (Sustainable

duction d’un prix du carbone crédible

de conservation des aliments, de santé

Energy for All, qui est une organisation

et incitatif.

et de communication .

des Nations Unies). C’est autour de ce

Les énergies renouvelables sont déjà

Lorsque l’économie se développe

trilemme que s’organise notre réflexion

très importantes, elles sont évidemment

et que les exigences en matière de

118 Z REE N°2/2016


continuité de fourniture deviennent plus

pourquoi en ajouter ? Une abomination

fortes, on peut passer au modèle des

parce que son exploitation pose sou-

« mini-grids » où des mini-réseaux sont

vent des problèmes graves en matière

interconnectés par des réseaux HT assu-

de gaspillage de la ressource en eau et

rant le secours et les échanges. C’est le

d’atteinte à l’environnement et à l’inté-

cas dans les grandes agglomérations et

grité des sols. S’ajoute à cela la question

dès que l’industrie apparaît ; c’est aussi le

des émissions de méthane qui, si les

cas d’une grande partie de la Chine où de

exploitations sont mal conduites, – mais

grands réseaux se construisent de façon

comment savoir si elles le sont correcte-

à pouvoir changer le type de centrales

ment ? – peuvent se révéler très nocives

et les éloigner des agglomérations urr

du point de vue du réchauffement cli-

baines pour des raisons de pollution. Ces réseaux permettront aussi de connecter des mini-grids qui assureront la desserte des zones rurales le long de leur parr

L’électrification dans les pays en développement se fera au départ sur les modèles de l’off-grid et du mini-grid

cours et l’acheminement des ressources

matique. Les schistes et les sources non conventionnelles sont des sujets qui vont se régler d’eux-mêmes d’ailleurs si les prix du fuel et gaz restent là où ils sont. Même avant de tenir compte des

d’énergie renouvelables, qui sont là où

climat. En effet celui-ci est venu perturr

externalités, l’exploitation de ces sources

elles sont et pas nécessairement là où les

ber les régimes hydriques, a entrainé la

n’est plus rentable a priori.

consommateurs en ont besoin.

fonte des glaciers et modifié la forme

L’exploitation du gaz et du pétrole

Nous sommes très loin des pro-

de la ressource, en la rendant plus aléa-

de schiste aux Etats-Unis a bénéficié de

blèmes débattus aujourd’hui en Europe.

toire, souvent insuffisante, parfois très

nombreux facteurs favorables, concomi-

L’ubérisation du système électrique est

violente. Comment gérer des précipi-

tants et uniques. Le régime de propriété

une préoccupation de pays riches qui

tations qui, à volume égal, se trouvent

du sol qui emporte celle du sous-sol,

doivent faire leur transition vers le bas

concentrées sur quelques jours au

une moindre sensibilité aux problèmes

carbone certes mais qui oublient un peu

lieu de plusieurs mois ? L’ensemble de

de l’environnement, une infrastructure là

vite que les générations qui les ont pré-

notre parc thermique dépend de l’eau

aussi déjà disponible et surtout la priorité

cédé ont construit et payé l’infrastruc-

en qualité et quantité et je ne parle pas

donnée à l’un des aspects du trilemme

ture dont nous faisons bien peu de cas

des nappes phréatiques dont la gestion

(la sécurité) au détriment d’un autre (la

aujourd’hui ! La théorie du coût marginal

irresponsable dans certains endroits

protection de l’environnement). Mal-

zéro est bien sûre un peu courte pour les

nous conduira à des conflits qui affec-

heureusement les services rendus par

domaines de l’électricité.

teront la production d’électricité, la vie

la nature ne sont pas rémunérés à leur

économique en général et la paix des

juste prix car la nature n’envoie pas de

nations.

factures. Ou du moins, elle ne se fait pas

Ceci dit, la GEI appelle l’attention sur deux problèmes essentiels :

payer comptant…

s LE PROBLÒME DU hLANDv C EST Ì DIRE DE s LE l’espace disponible. C’est une limitation

REE : Vous nous dites que les res-

forte au développement des énergies

sources fossiles resteront indispen-

renouvelables, qu’il s’agisse d’éolien

sables pour de longues décennies

OU DE SOLAIRE EU ÏGARD AU RAPPORT K7H encore, il faut donc se féliciter de OU DE SOLAIRE EU ÏGARD AU RAPPORT K7H

Le gaz et le pétrole de schiste : toujours inutiles et parfois une abomination…

produits sur mètres carrés occupés et

la mise en valeur des du gaz et du

aux empreintes nécessaires pour les

pétrole de schiste ?

REE : L’instauration d’un prix du CO2

nouveaux réseaux d’acheminement de

P. J. : On sort la du cadre du GEI qui

n’est-elle pas un moyen de contenir,

l’électricité ainsi produite ;

n’a pas été interrogé sur le sujet. Le gaz

dans des proportions acceptables,

s LE PROBLÒME DE L EAU QUI EST UN SUJET de schiste est d’après moi un non-sens s LE

le recours aux énergies fossiles ?

majeur ayant des connexions fortes avec

et souvent une abomination environne-

P. J. : Bien entendu, mais les systèmes

celui du développement des ressources

mentale. Un non-sens parce que l’on

que nous connaissons actuellement

énergétiques et pas seulement dans le

n’en a pas besoin puisque il y a suffisam-

sont une vraie mascarade. A l’évidence

domaine de l’hydraulique. On ne réalise

ment de pétrole, de gaz et de charbon

les niveaux de prix constatés sont beau-

pas à quel point l’eau est devenue une

dans les réserves enregistrées aux bilans

coup trop faibles et les systèmes en

ressource rare, mal répartie et fantasque

des entreprises du secteur ou des pays

place, en Europe notamment, ne sont

dont la gestion est devenue de plus en

producteurs. Ces réserves sont déjà

pas suffisamment prédictibles et n’en-

plus complexe du fait de l’évolution du

menacées d’être des non-valeurs, alors

voient pas un signal sur la base duquel

REE N°2/2016 Z 119


PROPOS

LIBRES

Un bilan des Lumières Claude Riveline Professeur à Mines Paris Tech

plication des  hommes inutiles 2, chômeurs, rÊfugiÊs, vieillards abandonnÊs, enfants sans familles. Mais la solitude revêt un visage plus insidieux, car il sÊvit chez les mieux nantis : c’est la fascination exercÊe

Un bilan dramatiquement contrastĂŠ

E

par les ĂŠcrans.

ntre 1680 et 1715, si l’on en croit l’historien

Il est frappant d’observer le temps que nous passons

Paul Hazard , est graduellement apparue

aujourd’hui, de la petite enfance Ă l’âge le plus avancĂŠ,

l’idÊe, folle audace pour l’Êpoque, de se

Ă contempler des ĂŠcrans. Dans les cours de rĂŠcrĂŠation,

1

passer des dieux ou de Dieu pour penser le

dans les repas familiaux, dans les rĂŠunions de travail et

monde. Que mettre Ă la place ? Cela va de soi : la Raison

même à l’AssemblÊe Nationale, chacun regarde un DVD,

et son produit le plus parfait : la Science. Moins d’un

consulte ses mails, reçoit et envoie des SMS, emmurÊ

siècle auparavant, GalilÊe avait dÊjà proclamÊ :  Dieu

dans un rapport Ă des textes et Ă des images et coupĂŠ

est mathĂŠmaticien Âť, Descartes avait publiĂŠ sa MĂŠthode

de ses camarades, commensaux ou collègues, pourtant

et Newton, en ce même dÊbut du XVIIIe siècle, avait

prÊsents tout près de lui.

apportĂŠ une ĂŠclatante conďŹ rmation Ă ces idĂŠes en mon-

Ainsi, la raison n’a vaincu ni la violence, ni la misère,

trant que le ciel ĂŠtait gouvernĂŠ par des ĂŠquations. Spi-

ni la solitude, quand elle ne les a pas aggravĂŠes. Que

noza avait dĂŠjĂ majestueusement remplacĂŠ le CrĂŠateur

s’est-il passÊ ? Nous allons le comprendre en examinant

par sa crÊation, la Nature. Nous sommes aujourd’hui

successivement :

les hĂŠritiers de cette mutation, puisque la RĂŠvolution

s LA DIFFĂ?RENCE ENTRE CONNEXION ET RELATION

Française a dĂŠiďŹ ĂŠ la Raison, avec des auteurs comme

s LA DIFFĂ?RENCE ENTRE LE i DUR w ET LE i MOU w

Condorcet et Laplace, suivis un demi-siècle plus tard par

s LA VILLE DONT LE PRINCE EST UN ENFANT

Auguste Comte et le positivisme, parmi bien d’autres. Que doit-on penser aujourd’hui de cet hÊritage ?

Nous conclurons sur deux sujets a priori inattendus : la Tour de Babel et l’Êpilepsie.

Au premier chef, que les victoires de la raison sont fabuleuses, au-delĂ de ce que tous les optimistes des XVIIIe

Connexions et relations

et XIXe siècles avaient pu rêver. Même les plus hardis

ConsidĂŠrons deux questions que je pourrais poser

utopistes, comme Jules Verne, sont dĂŠbordĂŠs. Il avait

à mon Êpouse. Première question : quelle heure est-

annoncÊ que l’homme se poserait sur la lune, mais non

il ? Deuxième question : est-ce que tu m’aimes comme

que toute la terre assisterait à l’ÊvÊnement à la tÊlÊvi-

avant ? Il est clair que le rapport que ce dĂŠbut de dialogue

sion. L’ÊlectricitĂŠ naguère, l’Êlectronique aujourd’hui,

va instituer entre nous ne sera pas du tout de mĂŞme

pour s’en tenir aux domaines de nos lecteurs, donnent

nature. Dans le premier cas, je connaÎtrai l’heure, sans

accès à toutes les informations du monde, et peuvent

plus. Mais dans le second cas, un petit drame s’amorce,

relier tous les ĂŞtres humains. Les deux maux que sont

car elle se demande pourquoi je demande ça, elle se dit

l’ignorance et la solitude sont apparemment vaincus,

que quelle que soit sa rÊponse (oui ou non), j’enchaÎnerai

sinon la misère et la violence, qui sÊvissent toujours.

sur autre chose, et cet ĂŠchange va nous modiďŹ er tous les

Va pour l’ignorance, pour peu que l’on ait des ques-

deux, il faut espÊrer en bien. Mais pour connaÎtre l’heure,

tions. Mais pour ce qui est de la solitude, le spectacle

je pourrais aussi bien consulter un ĂŠcran, auquel cas ma

du monde actuel inspire de grands doutes, et mĂŞme

solitude restera intacte, alors que si j’interroge ma femme,

de grandes alarmes. Outre les victimes des violences

une minuscule relation humaine s’est amorcÊe. Mais rien

terroristes et guerrières, de plus en plus nombreuses

Ă voir avec le second dialogue, qui illustre une vĂŠritable

par l’effet des progrès des armes, on assiste Ă la multi-

relation. Le premier ressemble Ă une simple connexion.

1

2

Paul Hazard. La crise de la conscience europĂŠenne 1680-1715. Fayard 1964.

Pierre-NoÍl Giraud. L’homme inutile. Du bon usage de l’Êconomie. Odile Jacob. Septembre 2015.

REE N°2/2016 Z 125


PROPOS

LIBRES

La tentation se prĂŠsente d’afďŹ rmer que paradoxale-

Je dĂŠclare de tels objets : mous. Descartes ne cache

ment, plus il y a de connexions, moins il y a de relations.

pas son embarras devant de tels objets. Des sciences

Cette conclusion brutale mÊconnait le fait qu’un email

dites humaines se sont donnÊ pour ambition d’appliquer

est aussi une lettre et, de fait, en tient lieu de plus en

au mou les mĂŠthodes qui rĂŠussissent dans le dur : la

PLUS MAIS LA RAPIDITĂ? DE LEUR RĂ?DACTION ET DE LEUR TRANS-

psychologie pour combattre les angoisses, la sociologie

mission fait qu’on en reçoit de telles quantitĂŠs qu’il est

pour combattre les conits, l’Êconomie pour combattre

difďŹ cile d’y rĂŠpondre, si tant est qu’on les ait lus.

la pauvretĂŠ. Si elles ont donnĂŠ lieu Ă de grandes Ĺ“uvres,

Mais considĂŠrons le spectacle de petits enfants hyp-

on ne peut pas dire qu’en plus de bonnes questions,

notisĂŠs par un ĂŠcran oĂš se dĂŠroule un ďŹ lm d’animation,

elles aient livrĂŠ sufďŹ samment de bonnes rĂŠponses. An-

le plus souvent violent, forme particulièrement pratique

goisses, conits et misère sĂŠvissent toujours, et l’orgie

de baby-sitting. Ils n’y comprennent rien, mais rien ne

de numÊrique que l’on observe aujourd’hui fait penser

les invite à rÊagir, c’est à dire à progresser. La force des

au bouquet ďŹ nal d’un feu d’artiďŹ ce. Mais je n’oppose pas

images leur vidange, si l’on peut dire, le cerveau, ce qui

pour autant sciences dures et sciences molles : il y a du

me conduit au passage à m’interroger sur la pertinence

dur et du mou partout. En matière humaine, la dÊmo-

de l’introduction massive des tablettes dans les Êcoles.

graphie et la science mĂŠdicale, par exemple, offrent de

L’insufďŹ sance des relations a des liens ĂŠtroits avec les trois Êaux considĂŠrĂŠs ci-dessus. Avec la solitude, cela

solides vÊritÊs et la physique moderne souffre de bien de zones d’ombre.

va de soi. Avec la violence, c’est presque aussi Êvident,

Comment maÎtriser le mou ? Le cÊlèbre sociologue

car la violence est la sanction d’une insufďŹ sance de dia-

Emile Durkheim4 professe que toute religion repose sur

logue. Avec la misère, Amartya Sen, prix Nobel d’Êcono-

trois piliers : des mythes, des rites et des Êglises. J’ai

mie 1998, a dĂŠmontrĂŠ que les famines ne sont pas la

proposÊ5 de gÊnÊraliser ce modèle à tous les groupes

consĂŠquence d’une insufďŹ sance de ressources globales

humains qui ont une certaine permanence, en rempla-

mais des conits.

çant  Êglises  par  tribus . Je donnerai, pour me faire

Il nous faut comprendre à prÊsent pourquoi l’humani-

comprendre, trois exemples au hasard d’entitÊs à fortes

tĂŠ a privilĂŠgiĂŠ les connexions sur les relations. RĂŠponse :

normes, oĂš ces trois aspects sont aisĂŠs Ă distinguer : le

c’est la faute à Descartes.

corps des instituteurs de France, la Croix Rouge Internationale, Google.

Le dur et le mou3

C’est ainsi que l’humanitÊ a maÎtrisÊ ses ignorances

Dans le Discours de la MĂŠthode, Descartes ĂŠnonce

avant les temps modernes : le mythe rĂŠgnant ĂŠtait que

les quatre règles nĂŠcessaires et sufďŹ santes pour at-

les Ecritures, les prĂŞtres, les maĂŽtres savaient tout. La re-

teindre la vĂŠritĂŠ. Voici le première : ÂŤ ‌ ne recevoir

cherche scientiďŹ que moderne a commencĂŠ lorsque les

jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse

meilleurs esprits ont acceptĂŠ leurs ignorances et entrepris

Êvidemment être telle ; c’est-à -dire d’Êviter soigneuse-

de les combattre. Ainsi a pris corps le mythe de la Raison

ment la prÊcipitation et la prÊvention ‌ . (Descartes

universelle, dont nous percevons aujourd’hui les limites.

– Discours de la MĂŠthode – Bibliothèque de la PlĂŠiade.

Aussi faut-il envisager de redonner leur lĂŠgitimitĂŠ Ă

p.137) PrĂŠcipitation et prĂŠvention : voilĂ les mots-clĂŠs.

des mythes locaux, en soulignant leur cohĂŠrence avec

A première vue, quoi de plus raisonnable ? Cela marche

des tribus et des rites eux-mĂŞmes singuliers. Toutefois,

à merveille pour l’Êtude des objets qui s’y prêtent, parce

un exemple effrayant s’offre aujourd’hui à l’attention :

qu’ils ne sont ni fugitifs, ni subjectifs, comme dans la

celui du djihadisme. Mais sans doute faut-il, Ă partir de

fameuse loi de Descartes sur la rÊfraction de la lumière :

cet exemple pathologique, admettre que des systèmes

chacun peut recommencer indĂŠďŹ niment l’expĂŠrience

de relations cohĂŠrents avec des conditions matĂŠrielles

dite du bâton brisÊ. Je dÊclare de tels objets : durs.

et des cultures locales sont de nature Ă rassurer et main-

Mais si l’une de ces bonnes propriĂŠtĂŠs fait dĂŠfaut, Ă

tenir en ordre des ensembles humains diversiďŹ ĂŠs.

savoir que l’objet sous l’examen est soit ĂŠphĂŠmère, soit subjectif, la règle de Descartes ne peut plus s’appliquer. 3

Cf. C.Riveline. ÂŤ Essai sur le dur et le mou Âť. La Jaune et la Rouge Âť Juillet-aoĂťt 1985. Accessible sur le site Riveline.net.

126 Z REE N°2/2016

4

Emile Durkheim. Les formes ĂŠlĂŠmentaires de la vie religieuse. PUF 1985.

5

Claude Riveline. ÂŤ La gestion et les rites Âť Annales des mines. SĂŠrie GĂŠrer et Comprendre, 1993. Accessible sur Riveline.net.


LIBRES

PROPOS

Ce qui me conduit à une vision d’une humanité à la

Déluge, et se contenta de mélanger leurs langages, afin

fois moderne et harmonieuse : mondialiser tout ce qui

qu’ils aient du mal à se comprendre. Alors ils cessèrent

est objectivement « dur », c’est-à-dire universel, comme

de construire la tour.

la recherche scientifique, les transports, les communica-

J’ai formulé jadis6 l’hypothèse que la langue unique

tions, l’anglais de base (le “globish”), et favoriser le déve-

du début était, comme la langue du numérique, com-

loppement de gouvernements locaux autonomes qui

posée de deux mots seulement, zéro et un. Nul besoin

gèrent le « mou », avec leurs langues, leurs écoles, leurs

de relations : le seul objectif était matériel : construire

constitutions et leurs tribunaux. La Suisse et les Etats-Unis

une tour. Peut-être faut-il voir dans la volonté de tous

livrent dès aujourd’hui des ébauches d’un tel système.

les Etats d’aujourd’hui de poursuivre indéfiniment la

Mais l’exemple du djihadisme fait réfléchir.

croissance économique comme l’équivalent moderne de cette tour.

La ville dont le prince est un enfant

L’intervention divine prend alors tout son sens au

La numérisation a donné un pouvoir déraisonnable,

regard des remarques qui précédent : obligeant les

démesuré, redoutable, à des adolescents, voire à des

hommes à déchiffrer la singularité de leurs prochains, il

enfants, très tôt virtuoses dans la manipulation des

a transformé les connexions en relations.

écrans, envahis par la conviction qu’ils sont en relation avec la terre entière, et cela dans les deux sens : ils

L’épilepsie Dans son dernier essai7, le professeur Lionel

envoient des messages et en reçoivent de partout, en

Naccache, neuro-cogniticien à la Pitié Salpêtrière, part

particulier des messages d’incitation à la violence. La violence, ils la connaissent bien : ils en sont abreu-

de la remarque que l’activité normale du cerveau est

vés depuis leur première vidéo et, pour eux, habitués à

matérialisée par des transports d’électricité entre les

des images meurtrières et à des fracas de bombes, cela

neurones. L’épilepsie consiste en une multiplication

n’a rien de tragique. Si de plus leur existence est triste,

anarchique de telles communications qui fait que le su-

s’associer à une cause qu’on leur présente comme pres-

jet est atteint de symptômes violents et qu’il peut perdre

tigieuse au risque d’y laisser leur vie leur parait un choix

toute conscience. L’auteur propose un parallèle avec la

désirable, surtout à ces âges où l’effet d’entrainement

multiplication des réseaux sociaux, qui véhiculent une

est puissant s’ils sont convaincus qu’un tel choix leur

telle quantité de messages que ceux-ci s’appauvrissent,

vaudra un grand prestige, fût-il posthume.

s’uniformisent et suscitent des aberrations comme des

Toutefois, la violence, à côté de son cortège de mal-

affaissements culturels ou des fanatismes religieux. Face

heurs, présente un avantage : on peut être assuré que,

à ces risques de totalitarisme planétaire, il appelle de

tôt ou tard, elle s’arrête toute seule, lorsque les jeunes

ses vœux une riche cohabitation entre des singularités

gens violents s’avisent que cela ne les conduit nulle

traditionnelles soigneusement entretenues et des mon-

part. C’est ainsi que le journaliste américain Victor Alsop

dialisations raisonnables, sur des objets qui s’y prêtent

(1898-1988) a observé qu’en Europe, aux XIX et XX

et qui n’appauvrissent pas les identités. On retrouve le

siècles, on s’est étripé en moyenne tous les vingt ans,

modèle d’une humanité apaisée proposé ci-dessus.

e

e

durée nécessaire et suffisante pour oublier les malheurs précédents. Notons au demeurant que cette fatalité a

Conclusion Le bilan du siècle des Lumières est donc contrasté.

été déjouée, puisque la paix règne depuis soixante-dix ans au sein de la Communauté européenne.

A côté des immenses bienfaits qui lui sont dus, ne seraitce que le spectaculaire allongement de la vie humaine

La Tour de Babel

et les commodités de la vie pratique, il est légitime de

La Bible relate un mythe d’une surprenante perr

lui faire grief des violences qui ont marqué les siècles

tinence par rapport à notre sujet. Les hommes, en ce

ultérieurs et qui sévissent toujours. Or, la violence, quelle

temps-là, dit le texte, parlaient tous le même langage. Ils entreprirent de construire une tour qui atteigne le ciel pour prendre la place de Dieu. Ce dernier ne les punit pas vraiment, comme il l’avait fait lors de l’épisode du

6

Cf. Le modèle de l’Occident. Colloque des intellectuels juifs de langue française. PUF 1977 p.21.

7

Lionel Naccache. « L’homme réseau-nable. Du microcosme cérébral au macrocosme social ». Odile Jacob. 2015.

REE N°2/2016 Z 127


Une publication de la Edition/Administration : SEE - 17, rue de l’Amiral Hamelin - 75783 Paris cedex 16 Tél. : 01 5690 3709 - Fax : 01 5690 3719 Site Web : www.see.asso.fr Directeur de la publication : François Gerin

ConFrEGE 2016 CONférence FRancophone sur l’Eco-conception et le développement durable en Génie Electrique Photos aimablement transmises par Genève Tourisme

Comité de rédaction : Bernard Ayrault, Alain Brenac, Patrice Collet, André Deschamps, Jean-Pierre Hauet, Jacques Horvilleur, Marc Leconte Secrétariat de rédaction : Alain Brenac, Aurélie Bazot Tél. : 01 5690 3717 Partenariats Presse & Annonces : Mellyha Bahous - Tél. : 01 5690 3711 Régie publicitaire : FFE - Cyril Monod - Tél. : 01 5336 3787 cyril.monod@revue-ree.fr Promotion et abonnements : 5 numéros : mars, mai, juillet, octobre, décembre. Aurélie Bazot - Tél. : 01 5690 3717 - www.see.asso.fr/ree Prix de l’abonnement 2016 : France & UE : 120 F - Etranger (hors UE) : 140 F Tarif spécial adhérent SEE : France & UE : 60 F - Etranger : 70 F Vente au numéro : France & UE : 28 F - Etranger : 30 F

Vous voulez... Vous abonner à la REE ? Acheter un numéro ? Cliquer ICI Conception & réalisation graphique Ou bien téléphoner au 01 56 90 37 04 JC. Malaterre - Tél. : 01 7946 1470

Impression : Jouve - 53100 Mayenne. Siège social : 11 Bd de Sébastopol - 75027 Paris cedex 1 Tél. : 01 4476 5440 CPPAP : 1017 G 82069 Copyright : Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des présentes pages publiées faite sans l’autorisation de l’éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon. Toutefois les copies peuvent être utilisées après autorisation obtenue auprès du CFC - 20 rue des Grands Augustins, 75006 Paris (Tél. : 01 4404 4770) auquel la SEE a donné mandat pour la représenter auprès des utilisateurs (loi du 11 mars 1957, art. 40 & 41 et Code Pénal art. 425). La revue REE est lue par plus de 10 000 ingénieurs et cadres de l’industrie, dirigeants d’entreprises, directeurs des ressources humaines, formateurs... Profitez de ce lectorat ciblé et de qualité pour publier vos annonces (emplois, stages, manifestations...). Répertoire des annonceurs Schneider Electric .............................................................................. C 2 LEM ....................................................................................................p. 3 REE Abonnement 2016 ...................................................................p. 24 GENERAL CABLE .......................................................................... p. 107 CIGRÉ ..................................................................................................C 3 GENERAL CABLE ...............................................................................C 4 Prochains Grands Dossiers Dossier 1 : Le stockage des déchets radioactifs Dossier 2 : L'imagerie médiacale

Impression : Jouve - 53100 Mayenne

132 Z REE N°2/2016

Dépôt légal : mai 2016

27-29 juin 2016 Genève - Suisse Lieu de la conférence

Organisé avec le concours de

www.confrege.laplace.univ-tlse.fr


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.