I LYCÉE LE CORBUSIER I MÉMOIRE DE DESIGN GRAPHIQUE I 2015 I
C'est quoi
ton genre? 2015
Jeanne Dufief LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE
MÉMOIRE DE DESIGN GRAPHIQUE
PARTie 1
GENRE I IDENTITÉ SEXUELLE I FÉMININ-MASCULIN I STÉRÉOTYPES I RÔLE SOCIAL
C'est quoi
ton genre? 2015
Jeanne Dufief LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE
MÉMOIRE DE DESIGN GRAPHIQUE
PARTie 1
partie 1
C’EST QUOI TON GENRE I PRÉLUDE
06
P prelude J’ai fais le choix de me limiter à notre environnement socio-culturel occidental pour ma réflexion.
1
c’est quoi ton genre ? Je tiens à préciser que j’aborde l’égalité garçons-filles dans une perspective purement occidentale. Je n’oublie pas, bien entendu, les discriminations et les crimes dont sont victimes les filles et les femmes partout dans le monde. Mais, trop souvent, ces situations dramatiques servent à relativiser les inégalités, voire à minimiser le combat contre les discriminations en Occident.
preambule
07
introduction En quelques décennies, nous sommes passés, en Occident, de la domination masculine à une société nouvelle où l’égalité des sexes, si elle n’est pas entièrement réalisée, semble en passe de l’être.
Au cours de l’écriture de mon mémoire, lorsque j’évoquais mon sujet autour de moi, les réactions ont été contrastées. Majoritairement, ce sont des femmes qui étaient enthousiastes à l’idée d’aborder ce thème, bien que de nombreux hommes l’étaient également. Cependant certains se sont étonnés qu’un sujet de diplôme tourne autour de l’égalité entre les sexes en France alors qu’elle leur semblait être « acquise ». Certes, les droits des femmes ont fait un pas de géant depuis le début du XXème, nous y reviendrons plus tard.
partie 1
C’EST QUOI TON GENRE I INTRODUCTION
08
Beaucoup d’actions sont menées pour contrer les inégalités, mais les mentalités n’ont pas évolué au même rythme que ces mesures. On considère encore Mais cette revolution est jeune et qu’une fille doit jouer fragile, empêtree dans des sche- à la poupée et un garmas anciens, dont elle peine à se çon aux petites voidefaire. tures, qu’il existe des métiers féminins et masculins et que certains comportements sont innés et propres à un sexe. La société s’est métamorphosée mais demeure prisonnière des stéréotypes liés à l’identité sexuée des individus, ce qui les enferme dans des rôles prédéfinis. Seule l’éducation des enfants et la sensibilisation des adultes peuvent venir à bout de ces clichés. Alerter sur le sexisme ordinaire, celui que nous véhiculons tous, hommes et femmes, filles et garçons.
preambule
09
Cela ne signifie pas nier les différences entre les garçons et les filles, encore moins essayer de les rendre neutres; mais de reconnaître la complémentarité du féminin et du masculin de notre être et dépasser la guerre des sexes afin de combattre les inégalités qui persistent et des stéréotypes qui nous enferment. Cela implique d’intégrer de nouvelles pratiques au sein de l’éducation, d’initier dès le plus jeune âge les enfants en comprenant et combattant les stéréotypes qui saturent leur environnement socio-culturel.
C’EST QUOI TON GENRE I INTRODUCTION
partie 1
10
preambule
11
Quels sont les enjeux des debats autour du genre dans l’institution scolaire ? Comment les normes et inegalites - ainsi que leurs conséquences se manifestent dans l’environnement socio-culturel de l’elève? En analysant les influences politico-socio-culturelles de notre société et enfin, celles qui se manifestent directement au sein de l’institution scolaire, on pourra alors faire le point de la situation actuelle sur l’égalité garçons-filles en France.
partie 1
C’EST QUOI TON GENRE? I SOMMAIRE
12
sommaire 1 LES ENJEUX ET DEBATS AUTOUR DU GENRE 1
A
page 16 à 132
TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
1
A
i
page 17 à 93
FÉMININ_MASCULIN 1-A-1-1-Définition du féminin
p.22-24
1-A-1-2-Quand la féminité est confondue avec la maternité
p.25-29
1-A-1-3-La féminité, allégorie de la beauté et symbole de l’érotisme
p.30-40
1-A-1-4-Dévalorisation du féminin
p.41-53
1-A-1-5-Définition du masculin
p.54-56
1-A-1-6-Quand le masculin est confondu avec la virilité
p.57-64
1-A-1-7-Représentation du masculin
p.65-73
1-A-1-8-Un phallocentrisme culturel
p.74-81
1-A-1-9-Le féminin chez l’homme / le masculin chez la femme
p.82-89
1-A-1-10-Reprise des codes stérotypés dans le transgenre
p.90-93
1
A
2
page 95 à 113
LE RÔLE SOCIAL DÉFINI EN FONCTION DE L’IDENTITÉ SEXUELLE 1-A-2-1-Les précurseurs de l’identité masculine et féminine
sommaire
13
1
A
3
page 114 à 132
CE QUE LA SOCIÉTÉ TRANSMET À L’ENFANT 1-A-3-1-À travers son environnement culturel
p.116-123
1-A-3-2-À travers les médias et la publicité
p.124-132
1
b
page 133 à 145
LES CONSÉQUENCES DE L’INÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, LES ENJEUX DE LA MIXITÉ
1
b
i
page 134 à 140
L’ORIENTATION SCOLAIRE/PROFESSIONELLE
1
b
2
page 141 à 145
LA MIXITÉ : POSSIBLE VECTEUR D’INÉGALITÉS
- Bibliographie
p.148à 149
- Sitographie
p.150
- Filmographie
p.151
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE IINTRODUCTION
partie 1
14
15
L les enjeux et debats autour du genre
1 partie 1 À partir des differences corporelles et biologiques, notre société a construit des différences culturelles, sociales, psychologiques entre les hommes et les femmes. QU’EST CE QUE LE GENRE? Le genre, ou identité sexuée, est le sentiment d’appartenance au féminin ou au masculin. L’identité sexuée est influencée par des données biologiques ( l’appartenance au sexe masculin ou féminin ), mais aussi pyschologiques et culturelles.
partie 1
1 . A
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
16
transmission et REPRODUCTION des normes et inegalites de genre « Quand tu es né, ils t’ont regardé et ont dit : Voilà un bon garçon, intelligent et fort Quand je suis née, ils m’ont regardée et ont dit : Voilà une bonne fille, intelligente et jolie. » « What A Good Boy », Barenaked Ladies
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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Ce n’est pas parce qu’une femme possède un vagin qu’elle est forcement douce et emotive; et ce n’est pas non plus parce qu’un homme a un penis qu’il est forcement fort et actif. En revanche tout dans la societe nous pousse à associer la feminite à la douceur et la masculinite à la force - par exemple Par consequent, nous apprenons, dès l’enfance, à jouer un rôle, - celui qui nous est assigné en fonction de notre sexe biologique.
Ce rôle est joué de manière inconsciente et se construit par l’observation dès le plus jeune âge. À travers quelques exemples, nous allons tenter de « dire » le féminin et le masculin à travers leurs expressions extrêmes que sont la fémininté et la masculinité dans l’art et la culture populaire du XXème jusqu’à nos jours.
19
Ce n’est pas nature (le la sexe biologique) qui fait l’identite (hommessexuee ou femmes) des individus, mais inconscient la culture histoire, collectif,: education, et vie en societe.
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE 20
1 . A . 1
feminite masculinite féminin_masculin
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I INTRODUCTION
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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définition du
feminin e symbole astronomique du féminin est un cercle avec une croix pointant vers le bas, qui peut représenter le miroir à main de la déesse Vénus.
symbole L
du feminin
En biologie, il est utilisé comme signe pour le sexe féminin, le cercle représentant l’utérus, et la petite croix vers le bas étant le symbole de l’accouchement ou l’origine de la vie.
Il est également associé à la planète Vénus et à la déesse de l’amour, de la beauté, des plaisirs charnels et de l’art dans la mythologie romaine - d’où elle tire son nom.
transmission et reproduction
our illustrer cette distinction, on peut s’appuyer sur les définitions de ces deux termes :
la feminite P faux-ami du Le féminin est ce qui est propre à la ce qui détermine son sexe : feminin femme, « les personnages féminins de ce roLa féminité est donc l’ensemble des caractères correspondant à une image sociale de la femme (charme, douceur, délicatesse) que l’on oppose à une image sociale de l’homme.
man » 1. Lorsque l’on dit d’une femme qu’elle est « féminine »; elle correspond à l’image stéréotypée de la féminité.
Cependant, chaque individu possèderait « un degré de féminité et de masculinité » en lui selon Jean Rostand. Nous trouvons des La feminite est un archetype, traits « masculins » et la traduction d’un absolu ( le fe- « féminins » aussi bien minin ) qui evolue à travers un chez la femme que contexte socio-culturel. chez l’homme. La féminité est l’expression de « l’énergie » féminine. Elle n’est ainsi pas réservée au sexe féminin.
1
Simone de Beauvoir, Le petit Robert
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I DÉFINITION DU FÉMININ
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LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
partie 1
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Aucun trait
ni caractere,
n’est reserve à un sexe
en particulier.
transmission et reproduction
Quand la féminité est confondue
avec la maternité vers 24 000–22 000 av J.C
Vénus de Willendorf
Paléolithique supérieur
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I QUAND LA FÉMINITÉ EST CONFONDUE AVEC LA MATERNITÉ
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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ès les premières formes d’art,
jusqu’alors connues, du paléole culte de D lithique supérieur, des figurines en et terre cuite sont retrouvées la fecondite ivoire que l’on a interprété comme étant les formes de représentation feminine premières du sexe féminin. La construction du « féminin » et de la féminité commence avec ces vénus paléolitiques.
1965-1967
Black Venus
Niki de Saint Phalle
transmission et reproduction
ans le tableau Espoir I de Gustav Klimt, la maternité est le sujet central de l’oeuvre.
le caractère D sacre de la mère
Dans cette femme, comme dans l’ensemble du tableau, semble coexister les deux faces que la culture de l’époque attribuait à la maternité, force capable de générer la vie mais aussi la destruction et la mort. Klimt a voulu, en recourant à un symbolisme ésotérique, exprimer le caractère « sacré » de la gestation. La procréation est au premier rang des « devoirs » de la femme. Des siècles durant, la femme a été éduqué à la chasteté et, comme le rappellent souvent les hommes d’église, s’il lui est permis, avec le mariage, d’avoir une vie sexuelle active, c’est uniquement pour donner des enfants à sa famille. 1903
Espoir I
Gustav Klimt Ottawa, National Gallery of Canada
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I QUAND LA FÉMINITÉ EST CONFONDUE AVEC LA MATERNITÉ
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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ous pouvons remarquer que depuis la nuit des temps, nous sommes confrontés à des tableaux représentant la mère et la maternité comme un modèle de féminité; des mères personnellement et entièrement consacrées au bien-être de leur enfant.
N
1997
Femme enceinte
Ron Mueck
1645
Nouveau-né
Georges de La Tour
1905
Maternité
Pablo Picasso
Pastel, 65 x 50,5 cm
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I QUAND LA FÉMINITÉ EST CONFONDUE AVEC LA MATERNITÉ
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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La feminité, allégorie de
la beaute et symbole de
l’erotisme « La beauté de l’homme consiste dans son esprit, et l’esprit de la femme consiste dans sa beauté. » Proverbe Arabe
Depuis l’antiquitE, la femme, souvent nue, est symbole de beautE et d’Erotisme. Dans la dualité qui, depuis l’origine du monde, OPPOSE LE MASCULIN ET LE FÉMININ, la beauté leur est associée comme la force l’est aux hommes.
La Femme incarne la BeautE, la BeautE s’incarne en la Femme.
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I LA FÉMINITÉ, ALLÉGORIE DE LA BEAUTÉ ET SYMBOLE DE L’ÉROTISME
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LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE 32
1955
Marylin Monroe
Hal Berg
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1962
Brigitte Bardot
Inconnu
partie 1
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la performance de la beaute
ès 1929, l’industrie du cosmétique dépensa quatre fois plus en publicité que l’industrie alimentaire, pourtant dix sept fois plus importante.
D
Ainsi, l’image traditionnelle de la beauté féminine qui naît dans les mythes antiques et qui façonne l’image de la femme est transformée au XXème par la diffusion massive ( culture, médias, publicité... ) de la beauté de la femme moderne, séduisante, accrue par le début de la course à la performance notamment en terme de beauté.
1952
Pub pour cosmétique
transmission et reproduction
le narcissime feminin
a culture definit en quelque sorte un concept artificiel de la feminité, concept qui se revèle relatif, car different dans une autre culture.
L
Le plus souvent, la féminité signifie qu’une femme met en valeur artificiellement ses attraits féminins en suivant les stéréotypes du moment. La formule de Simone de Beauvoir «on ne naît pas femme, on le devient.» prend alors un sens complètement différent. La femme devient femme en imitant, en suivant la mode, l’idée qui est momentanément reçue de ce qu’elle doit être en tant que femme sous le regard des hommes.
1890
Vanité
Auguste Toulmouche
1937
Blanche Neige et les sept nains
Studios Walt Disney
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partie 1
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l’hypersexualisation du corps feminin
On explique aussi le fait que le corps soit de plus en plus mis en avant car ce n’est pas la femme mais bien évidemment l’homme qui est le consommateur visé. Ici la femme est un objet de consommation.
2008 Pub pour magasine
ette publicité (à gauche) est destinée à choquer en associant la femme à un jeu vidéo : elle pousse volontairement le sexisme au maximum. La présence d’une femme en sous-vêtements sert également à attirer le consommateur masculin.
C
Ché Magasine
On peut également voir ici une référence évidente aux vénus nonchalantes de la renaissance grâce à la posture suggestive de la femme photographiée.
1538
Vénus d’Urbino
Le Titien
Les femmes occidentales sont libres, en principe du moins, de développer leurs capacités intellectuelles, d’exercer une vaste gamme de professions, d’endosser des responsabilités politiques, d’avoir une vie sexuelle satis-
transmission et reproduction
faisante, de décider, si et quand elles veulent avoir des enfants. Les femmes sont censées être séduisantes, charmantes, fines, douces, pleines de compassion et ne jamais aspirer ouvertement à l’exercice du pouvoir sur les hommes, surtout pas sur les hommes dans leur vie. De nombreuses femmes considèrent leur identité féminine comme une source de satisfaction Les femmes sont evaluees et se profonde. mesurent elles-mêmes par des Elles sont fières de normes interiorisees de feminite, leur capacité à comfondees sur la perception des biner les qualités de femmes comme etant avant tout mère exemplaire et/ partenaires sexuelles des hommes ou de femme séduiet mères. sante ( de préférence les deux à la fois ) avec un travail professionnel et un engagement dans la cité.
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transmission et reproduction
ette image de la femme-objet sert bien entendu l’industrie de consommation en poussant les femmes à acheter vêtements et produits censés leur permettre d’atLes stéréotypes sur l’apparence teindre l’apparence « idéale », comqui réduisent les femmes à des objets sexuels pullulent, binant jeunesse et minceur le plus que ce soit à la télévision, longtemps possible. dans les magazines, Si l’utilisation commerciale de cerla pornographie ou la publicité. tains canons de beauté épargne de moins en moins les hommes, la surabonSi on enlève à une femme tous les dance des images de moyens artificiels de se creer une la femme-objet va image, que restera t-il de sa femide pair avec des exinite ? gences de jeunesse et de beauté bien Il ne reste rien en un sens, pour plus grandes pour les autant qu’elle croie qu’être une femmes. femme implique de s’identifier à tel ou tel stereotype et ressembler Dans l’enchaînement à ce qui est pour le moment un logique de cette samodèle. turation de clichés sur l’apparence féminine, les hommes attendent d’elles
un corps à juger
Planche du 05/11/2014
Projet crocodile
Thomas Mathieu
C
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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d’être en perpetuelle recherche de cet idéal, d’où le genre de remarques désobligeantes (et combien nombreuses dans le quotidien des femmes, que l’on nomme le harcèlement) et l’attente d’une femme qui prend soin de son apparence (une des rares missions qui lui ai jamais été donnée) qui est décrite dans la planche de Thomas Mathieu plus haut.
2012
Yu Wenxia
Miss Univers
Magasines féminins
transmission et reproduction
DEvalorisation
du féminin
« J’ai souvent envie de demander aux femmes par quoi elles remplacent l’intelligence. » Alain
La femme doit maîtriser ses pulsions
une femme, on demande d’être raisonnable. Pondérée, mesurée, jamais d’excès.
a
Prenons l’exemple du personnage d’Elsa dans le Disney Frozen sorti en 2013. Elsa, présente un personnage plus inhabituel et ambigu. Elle est la seule princesse Disney (ou presque) à accéder au titre de reine et elle est toujours célibataire à la fin du film.
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I DÉVALORISATION DU FÉMININ
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partie 1
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i pendant une petite scène on voit le père d’Elsa lui apprendre à cacher son pouvoir en portant des gants ( on étouffe et on cache les capacités des femmes dans une belle tradition patriarcale ).
S
Elle peut accéder au pouvoir, il n’y a aucun problème avec son genre. Et si 2013 les gens qui attaquent Elsa sont exChris Buck, Jennifer Lee Frozen clusivement des hommes, on nous Image extraite du film d’animation - Studio DISNEY fait comprendre que le pire ennemi d’Elsa, c’est ellemême : le principal C’est lorsque la femme est puisresponsable de ses sante qu’elle est malfaisante; c’est débordements, c’est pourquoi on la depossede de ses sa peur et son propre pouvoirs le plus tôt possible. manque de maîtrise de ses pouvoirs puisqu’elle manque de causer la mort de sa sœur cadette à deux reprises.
transmission et reproduction
nfin, contrairement aux patriarches bienveillants ; souverains habituels du royaume Disney, Elsa sème aussi momentanément le chaos dans son royaume menacé de destruction par l’hiver éternel.
E
Août 2005
Ouragan Katrina
NASA
Elsa ne maîtrise pas son pouvoir et déclenche une tempête. Frozen
La première héroïne à régner chez Disney semble avoir bien du mal à s’acquitter de son devoir.
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I DÉVALORISATION DU FÉMININ
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partie 1
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le concept de la muse Dans la mythologie grecque, les Muses sont les neuf filles de Zeus et de Mnémosyne ( déesse de la mémoire ). Les Muses étaient associées à Apollon en tant que dieu de la Musique et des Arts. Elles sont les allégories de l’art.
L
Prenons par exemple le personnage qu’incarne Kate Winslet dans Eternal Sunshine of the spotless Mind ( 2004 ), cette « fée délurée » perpétue le mythe de la femme qui tire le protagoniste de son désespoir et exalte le triste homme solitaire afin qu’il puisse « réparer le monde ». Elle est donc une sorte de muse qui existe en tant qu’inspiratrice de l’homme troublé et torturé.
2004 Eternal sunshine of the spotless mind
a femme de rêve délurée et fantaisiste est un terme crée par Nathan Rabi pour désigner un personnage féminin inventé par les studios de cinéma pour aider l’homme, généralement blanc et souvent hétérosexuel, à se détendre et apprécier la vie.
Michel Gondry
Cependant, cette image d’une femme ( qui n’a aucune histoire en général et est entièrement dévouée à l’homme qu’elle inspire ) renforce le stéréotype de la femme passive, qui existe uni-
transmission et reproduction
quement pour inspirer les hommes, les célébrer ou les sortir de leur dépression. Ce schéma subtil est reproduit dans le dernier film de Hayao Miyasaki Le vent se lève où la bien aimée du protagoniste est malade et passe ses jour2013 nées dans son lit à lui tenir la main ou Hayao Miyasaki Le vent se lève à l’attendre pendant qu’il accomplit l’oeuvre de sa vie, « Ce sont generalement des femmes, elle décède d’ailsans doute parce qu’elles gardent un leurs à la naissance caractère enigmatique, c’est l’enigme du projet. du feminin », On peut cepensuppose la psychanalyste Vannina Micheli-Rechtman. dant remarquer que même si pendant des siècles, des cinéastes, écrivains, peintres et artistes ont souvent cité les femmes comme étant l’inspiration de leurs chef-d’oeuvres, on peut noter quelques exceptions tels que les couples créateurs Camille Claudel et Auguste Rodin ou bien Frida Khalo et Diego Riviera, la muse pouvant également s’exprimer au masculin. 1930
Dali et Gala
Photographe inconnu
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I DÉVALORISATION DU FÉMININ
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1939
Frida Kahlo et Diego Rivera
Nickolas Muray
inconnue
Yves Saint Laurent et Pierre Bergé
inconnu
partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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la femme en detresse Ce schéma narratif désigne une situation dans laquelle le personnage féminin est mis dans une situation dangereuse d’où il ne peut en sortir seul et doit attendre l’aide d’un personnage masculin, ce qui est habituellement utilisé comme motivation principale pour le héros.
n examinant les figures et schémas narratifs utilisés les plus couramment dans l’industrie des jeux vidéos et du cinéma, celui de la femme en détresse est le plus commun.
E
Traditionnellement, la femme en détresse est un membre de la famille ou la dulcinée du héros ( princesses, petites amies, épouses, soeurs... ). Cette figure existe depuis longtemps, on peut trouver son origine dans le mythe grec de Persée ( Lorsque Persée sauve Andromède ). Au Moyen-Âge, elle était un élément commun dans beaucoup de chansons, légendes et contes de fées. Le sauvetage d’une femme sans défense était souvent décrit comme raison d’être dans les romans et poèmes de l’époque impliquant un cheva-
1576 Persée délivrant Andromède
Véronèse
transmission et reproduction
lier errant pour prouver ses qualités chevaleresques, prouesses et vertus ( comme la virilité que nous verrons plus tard ).
1913 Barney Oldfield’s Race for a life
Keystone Cops
Au début du XXème, les jeunes victimes sont devenues un cliché apprécié par l’industrie cinématographique américaine naissante, puisqu’il offrait un procédé narratif facile et spectaculaire. Le court métrage de Keystone Cops de 1913 « Barney Oldfield’s Race for a life » est un premier exemple célèbre qui comporte la scène emblématique de la jeune femme saucissonée à des rails de train par deux bandits. À la même époque, l’image du singe géant emportant une femme qui hurle commençait à devenir très 1976 King Kong
John Guillermin
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I DÉVALORISATION DU FÉMININ
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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populaire dans toutes sortes de médias. Notamment Jane, la copine de Tarzan, capturée par un primate brutal dans la fiction d’Edgar Rice Burroughs en 1912 « Tarzan and the Apes ». 1933 King Kong
Merian Cooper, Ernest Schoedsack
En 1930, Walt Disney utilise cette figure dans un des premiers dessins animés de Mickey appelé « The Gorilla Mystery ». Elle est même exploitée par l’armée américaine pour ses posters de recrutement de la première guerre mondiale.
1930 The Gorilla Mistery
Walt Disney
Cette représentation de la femme comme fondamentalement faible, vulnérable, inutile ou complètement incapable est influencée par les stéréotypes socio-culturels et consolide l’idée sexiste que les femmes ont besoin d’être protégées et prises en charge par les hommes.
transmission et reproduction
’est en 1981, que la société japonaise Nintendo décide de lancer un jeu d’arcade pour le marché américain : Donkey Kong où le héros « Jump Man » devait sauver « The Lady », plus tard elle sera renommée Pauline.
C
De nombreux jeux vidéos cultes sont entièrement basés sur ce procédé narratif.
1932 Tarzan, the Ape Man W. S . Van Dyke
Une manière d’aborder le personnage de la demoiselle en détresse est celle de la dichotomie sujet/objet ( le sujet agit, l’objet subit l’action ). Ici, le sujet est le protagoniste sur qui est centré l’histoire et qui accomplit la plupart des actions; la demoiselle devient alors le sujet de narration releguant le personnage féminin au rôle d’objet ( récompense à gagner, trésor ou but à atteindre ). Le personnage féminin est donc perçu comme un objet volé au protagoniste.
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I DÉVALORISATION DU FÉMININ
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LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
partie 1
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1981
Donkey Kong
Nintendo
transmission et reproduction
En fait, la femme n’est pas le sujet du tout elle est juste l’objet central
d’une competition entre hommes. elle n’est pas l’equipe adverse,
elle est la balle.
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I DÉVALORISATION DU FÉMININ
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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définition du
masculin symbole du masculin Arès ou Mars est le dieu de la Guerre et fils de Zeus, maître des dieux.
Le symbole astronomique du masculin est constitué d’un cercle et d’une flèche représentant respectivement le bouclier et la lance de Mars. Agressif et assoiffé de sang, Mars personnifiait la nature brutale de la guerre. Ces caractéristiques sont attribuées à la masculinité et à la virilité mais ne sont pas «propres» au sexe masculin ( une femme peut faire preuve également de brutalité et d’agressivité ).
transmission et reproduction
a virilité revêt un doubles sens :
la virilite, L • Les attributs sociaux associés aux et au masculin : l’ambition, faux-ami du hommes, la fermeté, le courage, la capacité à se battre, la force, le « droit » à la viomasculin lence et aux privilèges associés à la domination de celles, et ceux, qui ne sont pas, et ne peuvent pas être virils : femmes, enfants...; d’ailleurs les attributs virils sont opposés aux attribus de la féminité. • La forme érectile et pénétrante de la sexualité masculine. La virilité, dans les deux acceptions du terme, est apprise et imposée aux garçons par leur environnement socio-culturel afin qu’ils se distinguent hiérarchiquement des femmes. 1956 La fureur de vivre
Nicholas Ray
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I DÉFINITION DU MASCULIN
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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a virilité est l’expression la plus extrême du masculin et qui n’est donc pas sa seule expression possible comme nous pouvons le constater dans les photographies sensibles de Nan Goldin, qui capture la fragilité du masculin sans pour autant tomber dans une représentation « effeminée » de l’homme.
L 1985
Dieter with the tulips
Nan Goldin
transmission et reproduction
Quand la masculinité
est confondue avec la virilité « On ne naît pas mâle, on le devient. La virilité n’est pas donnée non plus au départ. » Simone de Beauvoir
e rapport de force qui existe entre
virilite et Lle sexe masculin et le sexe féminin via un comportement viril peut domination être la domination. De nouveau, la virilité est essentiellement l’expression extrême du masculin. La virilité est pour l’homme, ce que la sensualité est à la femme.
Ainsi on peut l’illustrer par cette publicité ( le choix ne manque pas cependant ) de Dolce&Gabbana1 montrant une femme plaquée au sol, tenue par les poignets par un homme torse musclé nu, avec au second plan d’autres hommes qui assistent à la scène.
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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ette publicité offense la dignité de la femme, dans le sens où la figure féminine est représentée de manière humiliante. La femme a le regard absent, elle est immobilisée et soumise à la volonté d’un homme.
C
2007 Pub
Dolce&Gabbana
pression sociale et identite
Si l’image ne porte pas de références implicites à la violence physique, elle évoque, en raison de la position passive et désarmée de la femme face aux hommes qui l’entourent, la représentation d’un abus ou l’idée d’une violence à son encontre. Aujourd’hui un homme a presque tous les droits sauf celui d’être fragile. Il peut être mauvais, cupide, cynique, menteur, agressif, vulgaire - la société ainsi que les médias l’encouragent à l’être afin d’affirmer sa « virilité » ( la virilité correspondant à ces caracté-
transmission et reproduction
ristiques ), - et se voir pardonné ; mais s’empêche de dévoiler sa vulnérabilité et ses émotions. Dans une société qui Cette frustration existe surtout exige de l’homme qu’il chez les jeunes hommes, encousoit conquérant, «grande rages depuis l’enfance avec des gueule» et victorieux, et modèles ( produits par la societe qui critique souvent sa elle-même ) reprenant les codes de position dominante incomportements de la virilite, à exjustement plus conforprimer leur « masculinite ». table que celle des femmes, il est quasiment impossible à l’homme d’exprimer son mal-être, ses angoisses et ses difficultés. S’il le faisait publiquement, il dévoilerait sa fragilité – à laquelle la société estime qu’il n’a pas droit s’il est un homme, « un vrai ».
2011 La virilité
Norman fait des vidéos - vidéo youtube
On peut s’en rendre compte avec une vidéo humoristique de Norman Thavaux1, la virilité étant un idéal auquel aspirent de nombreux jeunes qui ne se reconnaissent pas dans cette vision de la masculinité.
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1951 Un tramway nommé désir
Elia Kazan
Marlon Brando dans le rôle de Stanley Kowalski ( et Vivian Leigh dans le rôle de Blanche Dubois )
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ETRE UN HOMME,
UN VRAI ! Il existe une véritble FRUSTRATION liée à la rupture entre
LE MASCULIN ET LE FÉMININ QUI CONJUGUE NOTRE ÊTRE, qui est particulièrement difficile pour les hommes aujourd’hui.
transmission et reproduction
’image de l’acteur Marlon Brando restera à jamais associée à celle de Stanley Kowalski, le héros viril d’Un tramway nommé Désir, succès cinématographique sous la caméra d’Elia Kazan en 1951. Marlon Brando, en symbole sexuel virilisé, s’oppose à une superbe Vivien Leigh sensuelle qui sombre dans la folie. C’est d’ailleurs en opposant ces deux personnages que l’on peut voir apparaître clairement « l’image » de la féminité et de la masculinité de l’époque.
la virilite L à l’etat brut
En plus de son jeu d’acteur révolutionnaire et de sa prestation époustouflante dans un rôle vulgaire et musclé, Marlon Brando crève l’écran et s’impose comme un sex-symbol incontournable, en redéfinissant les critères de beauté masculine pour la seconde moitié du XXème siècle à venir.
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I QUAND LA MASCULINITÉ EST CONFONDUE AVEC LA VIRILITÉ
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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ans la scène de la première rencontre entre Blanche et Stanley : « You must be Stanley ? », on assiste à l’expression des traits caractéristiques de la virilité : un physique très masculin ( muscles très dessinés, stature imposante ), une démarche animale et désinvolte ainsi qu’un puissant magnétisme sexuel communiqué autant par son attitude que par son physique.
la naissance D d’un sex-symbol
L’anthropologue Françoise Héritier appelle ça « le modèle archaïque dominant ». Le mot « virilité » décrit le sentiment de ce qui fait l’homme dans l’homme. Historiquement, La virilite, c’est la construction ce sentiment s’est culturelle des attributions du cristallisé sur trois masculin et s’exprime autant à valeurs : d’abord travers le physique que l’attitude. la force physique ; puis le courage, l’héroïsme guerrier, le goût de la domination des autres hommes ; et enfin, la puissance sexuelle.
transmission et reproduction
Représentation du
MASCULIN « Genre est employé au singulier car en effet il n’y a pas deux genres, il n’y en a qu’un : le féminin; le « masculin » n’étant pas un genre. Car le masculin n’est pas le masculin mais le général. Ce qui fait qu’il y a le général, et le féminin... »
Monique Wittig
uand on conçoit un personnage, on développe d’abord ses particularités physiques voire intellectuelles, qui parfois ne sont pas sexuées à sa création. Le personnage devient masculin par défaut puisque la plupart du temps, on traduit ce personnage au « féminin » pour l’identifier.
la norme Q du masculin
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I REPRÉSENTATION DU MASCULIN
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partie 1
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e personnage neutre devient alors masculin et le personnage féminin devient « Madame personnage masculin ».
L
Il est principalement défini par sa relation avec son homologue masculin via leurs caractéristiques visuelles ou leur connection narrative. date inconnue
Ce procédé fait partie d’une longue tradition dans la narration visuelle. Walt Disney Minnie et Mickey Le fait de créer des « madames personnages masculins » à partir de héros masculins préexistants a été particulièrement populaire « Madame personnage masculin » dans l’animation, le ciest la conceptualisation d’un per- néma, les jeux vidéos sonnage qui est en fait la version et les bandes-dessifeminine d’un personnage mascu- nées durant le dernier lin deja etabli ou standard. siècle. Lorsque la version féminine est une copie exacte, elle est souvent désignée comme homologue féminine ( Superman et Superwoman, Mickey et Minnie etc ). 2006
Superman et Superwoman
Couverture du Comic Superman «Crisis»
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I REPRÉSENTATION DU MASCULIN
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partie 1
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n pourrait se demander, dans le jeu vidéo Pac Man par exemple, de quel sexe est le personnage présenté ?
O
Afin de différencier Ms. PacMan de son homologue internationnalement connu, les créateurs ajoutent une série d’élements stéréotypés ( tels qu’un noeud papillon rouge ( qui évoque également l’idée de jeunesse au féminin ), du rouge à lèvres, un oeil maquillé, de longs cils et un grain de beauté ) : ce sont des indicateurs de genre féminisant. 1981
Ms. PacMan
NAMCO
Ils font partie d’un vocabulaire visuel de notre culture destiné à véhiculer des informations sur le genre aux spectacteurs afin d’identifier rapidement un personnage comme féminin.
1981
Ms. PacMan
NAMCO
transmission et reproduction
e code couleur est un autre élément visuel fréquemment utilisé pour marquer le genre ( rose et couleurs pastel pour les personnages de sexe féminin, et bleu pour le sexe masculin )( Sonic et Amy ).
L
L’industrie vidéo-ludique permet d’identifier les stéréotypes existants dans notre société très facilement, notamment parce que tout est visuellement exagéré, mais aussi parce qu’il s’agit d’un medium populaire ( essentiellement masculin ) où beaucoup de « fantaisies » sont permises. l n’y a rien d’intrinsèquement problématique à porter du maquillage et des talons, cependant lorsque les designers choisissent de marquer les stéréotypes visuels permettant de distinguer un sexe d’un autre, cela renforce la stricte division binaire de l’expression du genre. Les femmes sont ainsi «marquées» tandis
le masculin I est le precurseur
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I REPRÉSENTATION DU MASCULIN
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70
2014
Sonic
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transmission et reproduction
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2014
Amy Rose
partie 1
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LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
que les hommes sont «non marqués» (ils n’ont pas besoin d’éléments de distinction, ils sont la norme). L’histoire de ces deux personnages est simple, Madame personnage masculin ne pourrait exister sans son homologue masculin, puisqu’elle est essentiellement une imitation ou copie dérivée du personnage masculin déja connu. ais ce procédé existe depuis les prémices de notre civilisation! Selon la légende, Dieu créa Adam à son image et plus tard, pris une côte d’Adam ( l’homme est le concept original et code source pour la femme qui est dérivée de son corps ) pour en façonner une femme afin d’être sa compagne. Cette vision phallocentrique du monde est représentée jusque dans les médias les plus populaires de notre société.
M
1628-1629 Adam et Ève, also called La Chute de l’Homme Oil painting, 238 × 184,5 cm, Prado museum, Madrid
P.P. Rubens
transmission et reproduction
L’iconographie qui représente le sexe masculin et le sexe féminin s’empare du même principe, notamment pour un lieu quotidiennement fréquenté et universel : les toilettes! On peut en effet faire le lien avec la distinction entre le « bonhomme » masculin qui est « universel », représentant « l’humain » pour le sexe masculin, alors que le sexe féminin comporte des attributs permettant de le dissocier de son homologue masculin ( comme si la femme était anatomiquement conçue portant une jupe!). Ces images sont aujourd’hui contestées, voires tournées en dérision, mais cette icône de la séparation sexe masculin/sexe féminin est souverainement ancrée dans notre imagerie populaire.
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I REPRÉSENTATION DU MASCULIN
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un PHALLOCENTRISME
culturel
1
« Les garçons sont la norme, les filles la variation; ils sont centraux, elles sont périphériques, ils sont l’individu, elles sont le type. Ainsi, les garçons définissent le groupe, son histoire et ses codes de valeurs; les filles n’existent uniquement en relation avec eux. » Katha Pollitt
1 Le phallocentrisme est un terme créé en 1927, désignant la centration de la théorie psychanalytique sur le phallus.
transmission et reproduction
En prenant
les 45 derniers films primes aux Oscars,
seulement 3 sont exclusivement centres sur la vie de femmes.
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I UN PHALLOCENTRISME CULTUREL
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partie 1 > ne parle que d’hommes
> parle d’hommes ET de femmes
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> ne parle que de femmes
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
12 years a slave (2014)
Slumdog Millionaire (2009)
Argo (2013)
No country for old men (2008)
The Artist (2012)
Le discours d’un roi (2011)
Démineurs (2010)
Les Infiltrés (2007)
Collision (2006)
Million dollar baby (2005)
Un homme d’exeption (2002)
Gladiator (2001)
American beauty (2000)
Shakespeare in love (1999)
Titanic (1998)
Forrest Gump (1995)
La liste de Shindler (1994)
Impitoyable (1993)
Le silence des Agneaux (1992)
Danse avec les loups (1991)
Le dernier empereur (1988)
Platoon(1987)
Out of Africa (1986)
Amadeus (1985)
Des gens comme les autres (1981)
Kramer contre Kramer (1980)
Voyage au bout de l’enfer (1979)
Annie Hall (1978)
Tendres passions (1984)
Rocky (1977)
Le seigneur des anneaux : Le retour du roi (2004)
Chicago (2003)
Le patient anglais (1997)
Braveheart (1996)
Miss Daisy et son chauffeur (1990)
Rainman (1989)
Gandhi (1983)
Les charriots de feu (1982)
Vol au dessus d’un nid de coucou (1976)
Le parrain, 2ème partie (1975)
transmission et reproduction
ans l’industrie cinématographique, on peut également s’aperçevoir que la norme reste celle de l’homme blanc, hétéro et que l’insertion d’un ( la plupart du temps d’un seul ) membre venant d’un groupe marginalisé (femme, personne de couleur... ) - et qui est généralement ultra-stéréotypé - permet aux studios d’apparaître multiculturel.
D
Ce n’est pas étonnant de voir uniquement des histoires centrées sur les hommes et qui excluent les femmes. Ce procédé narratif porte un nom « le principe de la Schtroumpfette », ( donné par Katha Pollitt, une essayiste féministe, en 1991 au sein d’un article dans le NewYork Times ).
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I UN PHALLOCENTRISME CULTUREL
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partie 1
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le principe de la Schtroumpfette C’est la tendance dans les oeuvres de fiction de n’avoir exactement qu’un seul personnage féminin au sein d’un groupe de personnages masculins, représentant ainsi la moitié de l’humanité a un seul caractère.
e procédé tire effectivement son nom du dessin animé « Les Schtroumpfs », où il n’existe qu’un seul personnage féminin dans le village.
C
Si l’on s’attarde quelques instants sur le contenu de ce schéma narratif, on peut s’aperçevoir que les personnages masculins ont tous une personnalité, des traits de caractère qui les définissent et vivent en harmonie dans leur village ( avec leur chef! ). Et pour saboter cette « harmonie », le méchant Gargamel décide de leur envoyer un schtroumf féminin ( qui reprend tous les éléments stéréotypés féminins que nous avons vu précédement ). D’ailleurs, ce personnage n’a aucune autre qualité à part celle d’être féminin ( tandis que les autres en ont : gourmand fait de la cuisine, artiste, bricoleur... ).
1958
La Schtroumfette
Peyo
transmission et reproduction
e procédé narratif est très utilisé, on peut citer le Muppet Show ( avec Peggy ), mais aussi en dehors des programmes pour enfants avec la première trilogie Star Wars par exemple ( Leia, seul personnage féminin de tout l’empire galactique ), plus récent, la série américaine The Big Bang Theory ( avec la « Schtroumpfette » vivant de l’autre coté du couloir ).
C
1980
Le Muppet Show
Jim Henson
Le cinéma actuel reprend actuellement d’anciens succès pour gagner de l’argent sur la nostalgie collective ( « Les Schtroumpfs » le film, sorti en 2011, le prochain film Star Wars... ), ce procédé est ainsi encore perpetué aujourd’hui. Nous verrons plus tard qu’il existe néanmoins des chefs d’oeuvres cinématographiques où les codes sont renversés et où le rôle des femmes est de plus en plus signifiant.
2007 The Big Bang Theory
Chuck Lorre and Bill Prady
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I UN PHALLOCENTRISME CULTUREL
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FEMINITÉ/MASCULINITÉ I UN PHALLOCENTRISME CULTUREL
81
1983 Star Wars, Le retour du Jedi
Georges Lucas
Image tirée du film , de gauche à droite : Mark Hamill, Carrie Fisher et Harrison Ford
partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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Le féminin
CHEZ l'HOMME, le masculin
chez la femme. l’androgynie post-moderne
n constate que les attributs « masculins » ( masculinité ), peuvent très bien être utilisés pour une femme, cela ne pose aucun problème. Ce peut être même un procédé d’érotisation fantasmatique du corps et du comportement féminin. Par contre, aujourd’hui, la « féminité » d’un homme n’a pas vraiment de sens.
O
Ceci dit, pour un homme, la sémantique vire tout de suite du côté de ce qu’on appellera l’« efféminé », que l’on associe à une forme d’« émasculation ». 1962
JEANNE MOREAU Jules et Jim
François Truffaut
transmission et reproduction
la femme et l’homme interieur
a série de photographie à gauche, où les corps sont peints « matérialisent » le moi extérieur et le moi intérieur.
L
Ici, une femme à l’intérieur d’une femme ( le féminin est l’intérieur, la féminité est à l’extérieur ); dans la seconde série, le masculin est à l’intérieur puisque le sexe biologique de cet individu ( en l’occurence Annette Messager ) est une femme. Dans de nombreuses traditions occidentales et orientales, chaque être humain est conçu comme un subtil mélange de masculin et de féminin, de yang et de yin pour reprendre la terminologie chinoise des énergies.
1975
Anette Messager
La femme et la jeune fille, La femme et...
L’homme possède ainsi en lui une part féminine qui cherche à s’incarner en lui.
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I LE FÉMININ CHEZ L’HOMME, LE MASCULIN CHEZ LA FEMME
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partie 1
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ien des hommes refusent cette composante féminine de leur personnalité et la refoulent dans leur inconscient. C. G. Jung a appele « anima » cette Or tout ce qui est repart feminine de l’homme, sou- foulé, court le risque vent inconsciente, qui correspond d’être projeté sur auà l’image interieure que l’homme trui. Et cette « aniporte en lui de tout le feminin. ma » intérieure des hommes est généralement projetée sur les femmes que ceux-ci rencontrent.
B
transmission et reproduction
L’homme possede en lui
une part feminine qui cherche a s’incarner .
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I LE FÉMININ CHEZ L’HOMME, LE MASCULIN CHEZ LA FEMME
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partie 1
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1930
paru et édité en 1996
Sans titre
C.G Jung
Illustration extraite du Livre Rouge, page 135
transmission et reproduction
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I LE FÉMININ CHEZ L’HOMME, LE MASCULIN CHEZ LA FEMME
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1930
paru et édité en 1996 Sans titre
C.G Jung
Mandala extrait du Livre Rouge, page 105
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1972
Ziggy Stardust
créé par David Bowie pour l’album The Rise and Fall of Ziggy Stardust
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I LE FÉMININ CHEZ L’HOMME, LE MASCULIN CHEZ LA FEMME
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2011
image extraite de TomBoy
Céline Sciamma
partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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Reprise des codes
stereotypes dans le
transgenre. ’utilisation de stéréotypes serait nuisible aux hommes et aux femmes, dans la mesure où les personnes transgenres conforteraient ainsi la vision stéréotypée de la société sur le genre féminin et le genre masculin.
L
Si l’on peut effectivement, dans un premier temps, parler de stéréotypes
transmission et reproduction
2012 Half Drag
Leland Bobbé
Photographie tirée de la série Half Drag
( par exemple à propos de la définition d’une femme par son apparence: maquillage, etc .), on y voit surtout des codes qui ont un fonctionnement plus complexe que cela. En effet, la drag queen, par exemple, renvoie à la femme ( au sens biologique et social du terme ) une image d’elle-même qui apparaît souvent comme outrancière, voire caricaturale. C’est ce qu’on voit dans la photographie à gauche, qui met l’accent sur l’outrance et surtout sur l’imitation des codes de la féminité. Il s’agit en effet de codes sociaux destinés à identifier les genres, et à distinguer le féminin du masculin. Ici, on peut faire le lien avec la partie « la norme du masculin » dans le sens où la partie « homme » de la photographie renforce le côté « neutre » de l’homme et la partie « femme » est marquée par des éléments distinctifs « féminins » ( comme si être une femme désignait se comporter et paraître selon les stéréotypes féminins).
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I REPRISE DES CODES STÉRÉOTYPES DANS LE TRANSGENRE
91
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
partie 1
92
1975
Selbstbildnis
Urs Lüthi
Mais on peut également représenter
LE FÉMININ ET LE MASCULIN comme
deux entites differentes
mais qui se quirejoignent, se complètent et apparaissent
a la limite de la distinction. LE FÉMININ ET LE MASCULIN se ressemblent peut-etre
(beaucoup plus)
plus
qu’on ne le pense.
FEMINITÉ/MASCULINITÉ I REPRISE DES CODES STÉRÉOTYPES DANS LE TRANSGENRE
93
transmission et reproduction
1 . a . 2 95
Le role social defini
en fonction de l’identite sexuelle
1983 Un couple
Claire BretĂŠcher
partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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Les précurseurs de l’identité
feminine et
masculine. orsque l’on procède à une analyse
production Liconographique du sexe féminin et masculin, on fait instinctivement le créateur et la créaartistique letionliende entre son image de la femme et de
l’homme. Bien que de nombreuses femmes artistes soient considérées comme de véritables génies créateurs, le point de vue masculin ne peut qu’apparaître dominant dans la mesure où la création et la production artistique ( peintres, stylistes, artistes… ) est demeurée presque exclusivement
transmission et reproduction
l’apanage des hommes ( notamment en raison des études des canons de proportions et des cours de nus, qui sont restés interdits aux femmes jusqu’à l’aube du XXème ). Nous pouvons donc percevoir à travers la représentation qu’il fait d’elle, comment l’artiste et donc l’homme voit et pense la femme. Ainsi, on peut se demander Sans présumer de la si l’image de la femme ( et de perception du statut l’homme ) n’est pas seulement une de la femme par son perception imaginaire masculine. image dans l’art, on peut tout du moins tenter de déceler son rôle social relatif à une certaine position dans la société et ce que on attend d’elle. En effet, si l’on ne prétend pas trouver « la femme » parmi ces différentes représentations du féminin, on peut y trouver ce que l’homme attend qu’elle soit. La « perception du statut de l’homme », quand à lui, est motivée par une certaine image que l’homme entretient de lui-même.
LE RÔLE SOCIAL DÉFINI EN FONCTION DE L’IDENTITÉ SEXUELLE I LES PRÉCURSEURS DE L’IDENTITÉ FÉMININE ET MASCULINE
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
98
representation des rôles sociaux Afin de démontrer qu’il existe une représentation des rôles sociaux genrée à travers l’art, nous allons comparer deux oeuvres qui parlent de division sexuelle.
i on analyse ce tableau au-delà d’une représentation de la classe populaire et ouvrière qui symbolise les progès sociaux du syndicalisme de l’époque, on peut y voir une représentation sociale basée sur l’opposition entre les sexes.
S
On assiste clairement à une division sexuelle des rôles dans la classe populaire : les hommes travaillent, les garçons sont actifs et jouent ensemble alors que les petites filles sont séparées, passives et apportent à manger ( la petite fille en bleu porte à boire et celle en rouge à manger et c’est d’ailleurs le petit garçon à coté d’elle qui se nourrit de son pain ) et les femmes s’occupent des enfants. Le volet de droite représente une accumulation de femmes portant leurs
Entre 1895-1897 Tryptique gauche
Léon Frédéric
transmission et reproduction
enfants dans leurs bras, que l’on peut facilement comparer a Marie et son fils Jésus, représentation qui était déjà très utilisé au Moyen-Âge afin de montrer la famille idéalisée car sainte. La société construit certains comportements et rôles, repris par Léon Frédéric qui représentent la « structure sociale ». L’opposition qui réside dans l’image des rôles sociaux déterminés pour le sexe féminin et masculin est extrèmement puissante et est représentée dans cette oeuvre par les bords du tryptiques qui les séparent. Entre 1895-1897 Tryptique droit
Léon Frédéric
L’organisation du tableau reprenant l’opposition religieuse du bien et du mal accentue cette impression qui est d’ailleurs appuyée par la division des hommes d’un coté et des femmes de l’autre.
LE RÔLE SOCIAL DÉFINI EN FONCTION DE L’IDENTITÉ SEXUELLE I LES PRÉCURSEURS DE L’IDENTITÉ FÉMININE ET MASCULINE
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LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
partie 1
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transmission et reproduction
LE RÔLE SOCIAL DÉFINI EN FONCTION DE L’IDENTITÉ SEXUELLE I LES PRÉCURSEURS DE L’IDENTITÉ FÉMININE ET MASCULINE
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Entre 1895-1897 Les âges de l’ouvrier
Léon Frédéric
Huile sur toile (triptyque) Volets : H. 163 ; L. 94,5 cm ; Panneau central : H. 163 ; L. 187 cm
partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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2007 Jiyeon and Her Pink Things Photographie (Light jet Print) tirée de la série The Pink Project
JeongMee Yoon
transmission et reproduction
LE RÔLE SOCIAL DÉFINI EN FONCTION DE L’IDENTITÉ SEXUELLE I LES PRÉCURSEURS DE L’IDENTITÉ FÉMININE ET MASCULINE
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2007 Ethan and His Blue Things Photographie (Light jet Print) tirée de la série The Pink Project
JeongMee Yoon
partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
104
l’exageration de l’opposition entre les sexes L’artiste a démarré cette étude en 2005, en voyant sa fille de cinq ans raffoler tellement du rose qu’elle ne portait des habits que de cette couleur, tout comme ses objets et ses jouets. Pour son étude, elle a photographié presque une centaine d’enfants dans leur chambre, au milieu de leurs jouets.
« The Pink and Blue Project » - « Le projet rose et bleu » en français est un projet de la photographe sud-coréenne JeongMee Yoon. Bilan de son travail : les jouets, livres, vêtements vendus pour les enfants sont immanquablement roses pour les filles, et bleus pour les garçons. Les thèmes abordés dans leur littérature sont également très catégorisants, rangeant les petites filles dans le monde du maquillage, du ménage de la cuisine et des vêtements, et les petits garçons dans celui des robots; des sciences et des dinosaures. On peut remarquer également que dans les catalogues de jouets, les pages réservés aux « jouets de filles » sont roses ou lavande tandis que celles réservées aux « jouets de garçons » sont de couleurs variés ( à dominante bleue et rouge ).
transmission et reproduction
es stratégies adoptées s’inscrivent donc, la plupart du temps, dans une démarche d’affirmation des attributs traditionnels des genres. L’exemple le plus criant est l’usage d’une signalétique chromatique dans les packagings : rose pour les femmes / bleu ( ou parfois noir ) pour les hommes. Ces couleurs ont vocation à faire comprendre à la cible au premier coup d’oeil que le produit lui est destiné. Mais il n’y a pas que les couleurs. Le design, les champs lexicaux utilisés dans les slogans, les valeurs évoquées, ou même parfois des fonctionnalités spécifiques sont utilisés pour « genrer » les produits.
L
2013
pages de catalogue de jouets
Toys’R’us
Il arrive également que les publicitaires s’éloignent des représentations traditionnelles de genre et s’amusent à casser les codes à travers un discours transgressif.
LE RÔLE SOCIAL DÉFINI EN FONCTION DE L’IDENTITÉ SEXUELLE I LES PRÉCURSEURS DE L’IDENTITÉ FÉMININE ET MASCULINE
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
106
’est souvent en mettant en scène une exagération ou une inversion des rôles sur un ton humoristique que les marques décident de se jouer des genres. Il existe cependant aujourd’hui des évolutions dans certains domaines comme celui de la cuisine ( qui était réservé aux femmes ), est maintenant une pratique unisexe ( même si la cuisine pratiquée par des hommes devient de la « restauration » ou de la « gastronomie » est n’est certainement pas confondue avec la « cuisine de maman »).
C
2012
Publicité pour rasoir
Gillette ( Fusion et Vénus )
On peut rellier les deux oeuvres par l’évolution d’attitudes et de comportements stéréotypées ( socialement construits, représentés à travers l’art, et reproduits ) : les femmes dont le rôle est la procréation, les hommes dont la tâche est de travailler. Aujourd’hui, dans une certaine mesure, on assiste à la même séparation,
transmission et reproduction
les jouets pour enfants, les images, les termes, les normes sont genrés et opposés de la même manière que dans le tableau de Frédéric. Le rose est à l’image du rôle féminin et le bleu à l’image du rôle masculin, ils sont différents voire opposés, et encerclent l’individu. Lorsque l’on crée un contraste visuel coloré aussi saissisant, une opposition se forme entre les images destinées aux garcons et aux filles.
2013
Kinder Surprise
Kinder
Le fait d’appartenir à un sexe et de le représenter par tous les moyens possibles a toujours été primordial, comme si la confusion était impardonnable. Aujourd’hui par exemple, les représentations des genres s’exercent partout, on peut les retrouver dans la publicité, les médias ( cinéma, jeux vidéos, campagnes publicitaires, musique, télévision... ), la rue ( affiches )...
LE RÔLE SOCIAL DÉFINI EN FONCTION DE L’IDENTITÉ SEXUELLE I LES PRÉCURSEURS DE L’IDENTITÉ FÉMININE ET MASCULINE
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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tout ce qui est ( audio )visuel permet à l’imaginaire collectif de véhiculer des normes de genre. Les nouvelles technologies et les progrès de la diffusion d’images reprennent des codes graphiques, des stéréotypes, des clichés qui ont été construits, reproduits depuis des siècles ( notamment par l’histoire de l’art ), se sont ancrés dans un inconscient et une imagerie populaire afin de communiquer au plus grand nombre. Pour faire un parallèle entre Les âges de l’ouvrier et certains stéréotypes implantés dans notre imaginaire, on peut prendre pour exemple la publicité. Elle occupe une place omniprésente dans la vie des femmes, des hommes mais aussi des enfants qui continuent à y être représentés par des stéréotypes. Elle existe depuis toujours ( sous la
transmission et reproduction
forme de réclame par exemple ) mais a commençé à saturer notre vie privée au début du XXème à la radio, puis à la télévision et désormais sur Internet.
2010
Jeu flash en ligne ( gratuit ) pour faire la lessive
Lorsque l’on observe le coté droit du tryptique représentant des femmes ( épouses, jeunes mères et vieilles nourrices ) dans leurs fonctions maternelles et ménagères, on ne peut s’empécher de faire le parallèle avec les publicités de produits d’entretien ménager, qui continuent à s’adresser presque exclusivement aux femmes. 1950
Cendrillon
Studios Walt Disney
2011
Spot publicitaire pour lessive
Ariel
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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n peut faire le même rapprochement avec les photographies de JeongMee Yoon avec les publicités pour enfants : à la télévision, les petits garçons sont surtout présents dans les publicités de jouets aux couleurs variées qui font appel à la force, la puissance, la rapidité, la motricité et l’exploration de l’environnement.
O
Ces publicités sont accompagnées souvent de musique rock et l’annonceur est un homme qui parle sur le ton « viril » d’un animateur de radio. Les garçons sont également en majorité dans les publicités de jouets conçus pour jouer à l’extérieur ( pistolet à eau, freezbee, etc ). Aux petites filles est réservé l’univers des jouets roses, des poupées, des peluches et des jouets délicats. Ces publicités font appel à la coquetterie, à la maternité ( nourrir des poupées et changer leurs couches ) et à la consommation ( acheter de nouveaux
transmission et reproduction
vêtements et des accessoires pour des poupées ou d’autres jouets ). La musique y est enfantine et la narratrice est une femme qui parle sur un ton doux ou exagérément enjoué. Chez les fillettes, les activités les plus encouragées sont la danse ou bien le chant . La séparation et l’opposition entre les sexes est d’autant plus frappante que l’on ne montre presque jamais des garçons et des filles jouant ensemble dans les publicités télévisées. Et pour ce qui est dans leur relation et de leur interaction, les mises en scène reproduisent majoritairement les rôles traditionnels homme-femme ( une fille cuisine pendant qu’un garçon lui tend son assiette ou se verse un café imaginaire ). La représentation de « la femme qui cuisine », par exemple, renforcée par les images des premiers salons des
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arts ménagers au début du XXème reste profondément associée au sexe féminin encore aujourd’hui. Même si les tâches ménagères sont de plus en plus partagées au sein d’un foyer, la majorité demeure l’apanage des femmes. Ces « images » prédisposent ainsi un groupe sexuel à certaines attitudes et comportements par rapport à d’autres. 1952
Salon des Arts Ménagers
Paris, Grand Palais
Puisqu’elles sont fabriquées il est donc possible de les faire évoluer, il n’est pas nécessaire de les déconstruire puisque si l’on en créé de nouvelles qui correspondent à un nouvel idéal de société, elles tomberont d’elles-mêmes en désuétude.
transmission et reproduction
34
Aux femmes 53
sont donc réservées
les publicités de PRODUITS NETTOYANTS et D’HYGIENE CORPORELLE, LES COSMETIQUES ainsi que LES PRODUITS POUR BEBE.
Aux hommes sont réservées
les publicités D’OUTILS, D’APPAREILS ELECTRIQUES, de GADGETS ELECTRONIQUES et de VEHICULES.
LE RÔLE SOCIAL DÉFINI EN FONCTION DE L’IDENTITÉ SEXUELLE I LES PRÉCURSEURS DE L’IDENTITÉ FÉMININE ET MASCULINE
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LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE 114
ce que transmet la societe
a l’enfant
2013 In the Dollhouse
Dina Goldstein
CE QUE LA SOCIÉTÉ TRANSMET À L’ENFANT I INTRODUCTION
115
partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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À travers son
environnement culturel le dessin anime, un univers marque par le desequilibre des rôles
’association des femmes aux travaux domestiques est non seulement un phénomène ancré dans notre quotidien, mais il est également reproduit insidieusement à travers des productions audiovisuelles, comme les dessins animés, qui ne font que répéter un cycle vicieux et rend difficile l’émancipation des rôles plébiscités continuellement par ces images.
L
Attentive aux effets des médias et des images en général sur les enfants, la psychologie s’est naturellement intéressée aux dessins animés, à la fois du point de vue de leur contenu et de leur réception.
transmission et reproduction
es postures adoptées par les psychologues et psychanalystes sont néanmoins très éloignées des problématiques de la sociologie de l’enfance, de la sociologie de la culture ou des « cultural studies » L’image animee ne dit pas la ( donnent à voir un même chose aux garçons et aux spectateur qui connaît filles. les « règles de construction narrative » ). Un travail identitaire complexe se Pour illustrer notre deploie autour des dessins animes propos, nous allons qui engagent la representation ( et prendre appui sur la confirmation reconfortante ) de deux extraits précis l’identite sexuelle de celui qui les de deux films Disney, regarde. studio internationnal américain tout puissant régnant dans l’industrie audiovisuelle pour enfants. On aurait pu s’intéresser aux séries télévisées ou jeux vidéos pour aborder des thèmes différents mais au contenu sensiblement identique. L’intérêt de travailler sur les dessins animés tient à ce que l’enfant les regarde à une période moins tardive, de manière répétée et au cours de
L
CE QUE LA SOCIÉTÉ TRANSMET À L’ENFANT I À TRAVERS SON ENVIRONNEMENT CULTUREL
117
partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
118
laquelle il affirme et interroge son identité sexuée. ( le reste de l’étude sera disponible dans les annexes : Les représentations des rapports sociaux de sexe dans les longs métrages pour enfants ). Le choix de ce studio résulte de son « capital cinématographique » et de son monopole dans l’adaptation filmique des contes de fées européens. Aujourd’hui encore, les « challengers » Dreamworks et Pixar ne se risquent pas à concurrencer Il paraît donc justifie d’etudier Disney sur ce terrain. les productions Disney à la fois L’ancienneté de la en tant qu’archetypes du dessin firme et la quantité anime moderne et en tant que ma- d’oeuvres produites depuis 1937 pertrice du genre. mettent par ailleurs une analyse diachronique qui aurait été impossible si l’on s’intéressait à la production d’autres studios plus récents.
transmission et reproduction
dichotomie interieur/ exterieur
lors même que les femmes sont symboliquement ramenées à l’instinctif, au biologique et au naturel, elles sont paradoxalement associées à la sphère privée, intérieure. Ainsi, bien que de nombreuses héroïnes de la période Blanche-Neige à la période Raiponce nous soient montrées comme des femmes « de l’extérieur » habituées aux promenades sylvestres, le foyer domestique semble constituer leur environnement naturel.
A
1937
Blanche-Neige et les sept nains
Studios Walt Disney
La belle aux bois dormants
Studios Walt Disney
1959
2010
Raiponce
Studios Walt Disney
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LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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omme souvent, Blanche-Neige et les sept nains en fournit un bon exemple. L’émotion que cause à la princesse son errance dans la forêt tranche avec le réconfort que lui procure la découverte d’une chaumière au milieu d’une clairière. Le penchant de Blanche-Neige et de ses consoeurs pour les tâches domestiques s’inscrit d’ailleurs dans cette distinction public-extérieur/privé- intérieur.
C
1950
Cendrillon
Studios Walt Disney
La petite sirène
Studios Walt Disney
Aladin
Studios Walt Disney
Peter Pan
Studios Walt Disney
1989
1992
1953
transmission et reproduction
itôt arrivée dans la maison des nains, Blanche-Neige s’indigne de la saleté des lieux et nettoie l’endroit.
S
On ne s’étonnera pas outre mesure de découvrir une telle scène dans un film datant de 1937. Il est en revanche plus déconcertant de découvrir une scène analogue dans Raiponce, réalisé soixante-treize ans plus tard dans un contexte soCette serie d’images permet de cial et idéolomontrer que de manière systema- gique radicaletique, la femme est à sa fenêtre en ment différent. train d’attendre ou de rêver, cantonnee à son univers domestique. La similitude des gestes, des pas et des paroles des chansons qu’entonnent les deux héroïnes est notoire. Une exeption peut être remarquée dans l’univers Disney avec Merlin l’enchanteur qui utilise la magie pour éviter la vaisselle à Moustique ( même si aucun des deux ne se mouillent les mains au final) .
CE QUE LA SOCIÉTÉ TRANSMET À L’ENFANT I À TRAVERS SON ENVIRONNEMENT CULTUREL
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transmission et reproduction
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À travers les
MEDIAS et la
PUBLICITE la publicite ciblee pour enfants
n regardant les publicités entre les dessins animés pour enfants à la télévision, j’avoue avoir été troublée par les images et leurs contenus narratifs, dont je n’avais absolument pas conscience quand j’étais plus jeune et que j’en étais la cible.
E
Les publicités pour enfants sont extrêmement ciblées pour un sexe précis. Les messages mis en avant sont profondément restrictifs et limitent sévèrement le développement des garçons et des filles de nom-
partie 1
breuses manières. Elles font activement la promotion que les garçons et les filles ont des rôles sociaux et compétences différentes qui sont excessivement stéréotypées, voire très sexistes. Lorsque l’on regarde de plus près les publicités ciblées spécifiquement pour les garçons, ils ont le pouvoir, sont actifs et détruisent des choses la plupart du temps. Elles mettent ainsi en valeur la compétition, avoir le contrôle mais aussi le pouvoir, conquérir et commander. 2014
iPhone 5s - « Parenthood »
Apple
Ces valeurs restreignent les qualités d’expression d’émotions dans le sens où je n’ai jamais vu de publicités où des garçons élèvent ou prennent soin de quelque chose ( d’ailleurs cela choque moins lorsqu’il s’agit d’un homme adulte s’occupant de son bébé ( exemple : pub Apple ) que lorsqu’il s’agit d’un garçon jouant à la poupée ).
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es garçons sont limités en exemples pour réagir à des problèmes ou résoudre des conflits sinon qu’en répondant agressivement.
L
D’autres messages récurrents sont introduits dans ces pubs, ceux qui encouragent les garçons à construire de nouveaux mondes, utiliser leur imagination et à être créatif. Ces qualités qui sont sollicitées chez les garçons leurs permettent de se réaliser pleinement La confiance favorisee par l’acte en créant activement de realiser et construire, voire quelque chose. seulement de faire quelque chose Parlons des publicités est presque entièrement absente destinées au filles jusdes pubs de jouets pour filles. tement, le royaume du scintillant, du brillant, avec des jeunes filles qui préparent des gâteaux, changent les couches de leurs poupées... Ces publicités sont essentiellement centrées sur les tâches ménagères, s’occuper d’enfants et les élever, la popularité, l’image de soi et l’obsession de la beauté.
partie 1
ela restreint leur imagination sur ce que les femmes sont capables de faire et met la priorité sur l’apparence par rapport à leur intelligence. Elles ne sont certainement pas encouragées à être créatives, à bâtir et à construire ( puisque mêmes la plupart des jeux de construction pour filles sont déja On peut s’aperçevoir, dans la ma- « pré-construits » ), et nière dont les deux mêmes jeux prendre ainsi contrôle sont presentes differemment de leur environnepour les garçons et les filles, que ment. le champ lexical, la musique, les L’industrie de la pupersonnages, les couleurs et le blicité et du marketing discours de fond sont clairement pour jeunes dépense opposes ( et stereotypes ) alors que des sommes astronomiques pour comle jeu est exactement le même. muniquer sur leurs produits; et les jeunes regardent plus de 25 000 publicités par an rien qu’à la télévision et cela n’inclut pas les placements de produits qui sont si courants dans les émissions de télé populaires. La segmentation de ce marché qui se
C
CE QUE LA SOCIÉTÉ TRANSMET À L’ENFANT I À TRAVERS LES MÉDIAS ET LA PUBLICITÉ
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transmission et reproduction
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sert des stéréotypes pour le diviser n’a qu’un but : faire plus d’argent, le même produit pouvant être ainsi consommé deux fois, pour les deux sexes. L’énorme somme d’argent que les annonceurs dépensent ne sert pas qu’à produire et faire passer les pubs à la télé, elle sert ausLa publicite visant la jeunesse si à financer les peut être potentiellement dange- toutes dernières recherches en neureuse. rosciences pour déterminer quelles En effet, les jeunes enfants sont incapables de faire la difference images, sentiments entre le programme et la publi- et représentations cite et sont encore en train de de- vont plaire le plus aux enfants aux velopper leur regard critique. esprits en plein développement. Bien que beaucoup de facteurs influencent notre socialisation comme notre environnement familial, nos amis et l’école etc, il est évident que les médias jouent un rôle prépondérant. Ils appréhendent le monde avec les
partie 1
yeux grands ouverts et absorbent comme des éponges les images efficaces et insidieuses de la télévision. Ainsi les enfants ont du mal à se détacher très tôt d’une image préconçue de ce qui est désiré et ce qui est possible en fonction de leur sexe, pour leurs relations et leurs envies créatrices futures. Ces messages sont si manipulateurs, incorporés et conçus avec soin qu’il est même difficile pour un oeil averti de les identifier tous. La façon dont la technologie est présentée aux garçons et aux filles est également différenciée : aux filles sont donnés de petits ordinateurs roses qui sont « fashion » avec des jeux pour maquiller et habiller des poupées; tandis que les garçons jouent en ligne à des jeux d’aventure. Une des raisons pour laquelle le marketing spécifique à un sexe concernant l’usage de la technologie est si inquiétante concerne les statistiques
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LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I TRANSMISSION ET REPRODUCTION DES NORMES ET INÉGALITÉS DE GENRE
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de femmes adultes travaillant dans des domaines technologiques. Seulement 3% des programmeurs open source et seulement 11,5% des développeurs de jeux vidéos sont des femmes ( aux États Unis en 2010 ). Bien qu’il y ait de nombreux autres facteurs affectant les emplois et carrières que les individus choisissent, il n’est pas difficile de relier la publicité ciblée en fonction du sexe à un si jeune âge. Certains gouvernements ont déja tenté de réagir à ces constats alarmants pour la jeunesse comme le Québec, qui a interdit l’affichage et la diffusion de publicité pour les jeunes de moins de 13 ans et la Suède pour les moins de 12 ans.
partie 1
normalisation du sexisme en publicite En plus des publicités discriminantes, couramment diffusées à la télévision, une nouvelle tendance narrative qui utilise un cynisme sexiste voit le jour en publicité.
ette combinaison de cynisme et d’humour avec des caricatures complètement excessives qui, à chaque fois, se révèle raciste et/ ou sexiste dans la publicité afin de vendre risque d’entraîner une « normalisation » du sexisme grâce à l’ironie. Pour les publicitaires c’est une véritable trouvaille scénaristique : « Ils savent que je sais qu’ils savent qu’ils sont sexistes. »
C
On l’appelle également « rétro-sexisme » puisque le schéma narratif de la publicité se base sur des attitudes et des comportements modernes qui imitent ou glorifient des aspects sexistes du passé de manière ironique. La plupart du temps, le sexisme est grossièrement (la copine très naïve, le dragueur un peu lourd...) mis en scène pour que le spectateur puisse l’identifier rapidement.
2013
Ad for Darty
BDDP Unlimited
Certains personnes défendent ces publicités parce qu’elles se « moquent
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transmission et reproduction
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I CONSÉQUENCES DE L’INÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, LES ENJEUX DE LA MIXITÉ
132
du sexisme », qu’il s’agit « d’autodérision », alors que les publicitaires utilisent ce procédé pour employer le sexisme ( qui est déja appliqué massivement en publicité mais de manière plus subtile ) pour se distinguer et dénoncer les discriminations alors qu’en réalité, ils ne font que les reproduire éffrontément.
2014
2013
Eden Park
American Apparel
Les publicitaires n’ont qu’un but, nous vendre leur produit, tout le reste ( l’humour et l’imagerie ) n’existent que pour ça, et la manière la plus facile de le faire est d’utiliser des représentations sexistes qui ne font que reconduire le statu quo et ne remettent rien en question. Ce système permet ainsi, sous la protection de « l’ironie » et de la dérision, d’utiliser toute l’imagerie sexiste, raciste et mysogine et de simultanément prendre leurs distances avec un clin d’oeil entendu du publicitaire.
partie 1
1 . B 133
CONSEQUENCES DE L’INEGALITE entre les sexes, LES ENJEUX de la
MIXITE
partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I CONSÉQUENCES DE L’INÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, LES ENJEUX DE LA MIXITÉ
134
L’orientation
scolaire et
professionelle des inegalites qui demeurent En 2014, une rapide revue de détail des statistiques existantes permettait de prendre la mesure de l’ampleur des inégalités entre les femmes et les hommes. La France se situe plutôt dans la moyenne basse par rapport aux autres pays européens.
’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes a mis au point un indice qui prend en compte six facteurs ( travail, revenu, connaissance, partage du temps, pouvoir économique et politique et accès à la santé ), allant de 0 ( inégalité totale ) à 100 ( égalité totale ). La France obtient un score de 57. Les pays scandinaves étant ceux arrivant en tête, les pays d’Europe du Sud et de l’Est en dernier.
L
En France, l’égalité est loin d’être atteinte en politique.
conquences et enjeux
i le gouvernement Ayrault en 2012 était parfaitement égalitaire, il n’y avait en 2014 que 27% de femmes à l’Assemblée nationale et 22% au Sénat. Si le nombre de femmes qui travaillent est quasiment équivalent à celui des hommes, elles sont majoritaires dans le travail à temps partiel Gouvernement Ayrault 1 et dans les sexteurs les moins porteurs : 75% des travailleurs du secteur éducation-santé-acDans l’entreprise, si les femmes tion sociale sont des ont de plus en plus accès au postes femmes. de cadres, la parite est loin d’être L’accès à l’éducation atteinte. est pafaitement égaliLes hommes gagnent en moyenne taire, mais les choix 16% de plus que les femmes, et 17% d’orientation sont des entreprises françaises sont di- encore très sexués : rigees par des femmes. 70% des élèves des filières lettres ou sciences humaines sont des filles, qui ne sont que 30% dans les filières scientifiques. Au sein des familles, domaine du privé où il est difficile de légiférer, l’égalité n’est pas toujours de mise.
S
2012
L’ORIENTATION SCOLAIRE ET PROFESSIONELLE
135
partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I CONSÉQUENCES DE L’INÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, LES ENJEUX DE LA MIXITÉ
136
i l’autorité parentale est partagée, 4 heures par jour sont consacrées aux tâches domestiques ( entretien de la maison et soins des enfants ) par les femmes, contre 2 heures 30 pour les hommes.1
S
2012
Amnesty International Affiche contre les violences conjugales
Enfin, les femmes sont encore victimes de discriminations et de crimes spécifiques : la quasi-totalité des plaintes déposées pour harcèlement sexuel le sont par des femmes; 90% des victimes de viol et 75% des victimes de violences conjugales sont des femmes.
1
https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/21517/doc_travail_2014_203_travail_domestique_genre.fr.pdf
conquences et enjeux
algré l’arsenal de mesures, un fond d’inégalité demeure dans la société française. En effet, la loi ne peut pas changer les mentalités. Et notre société est encore aux prises avec de nombreux stéréotypes, qui enferment les individus, filles et garçons, hommes et femmes, dans des rôles préétablis. Cela se poursuit lors de la petite enfance : une célèbre Cela commence avant même la étude a mis en valeur naissance d’un enfant, quand ses la force de nos repréparents preparent sa chambre, en sentations sexuées. rose pour les filles, en bleu pour D’un même bébé en train de pleurer, préles garçons. senté comme une fille, on dira qu’elle est triste, présenté comme un garçon, qu’il est en colère. Les parents, mais aussi les soignants, les professionnels de la petite enfance ne s’adressent pas de la même manière à un garçon et à une fille : on favorise le mouvement chez les bébés garçons, les gazouills chez les bébés filles.
les stereotypes : fondement des inegalites
M
L’ORIENTATION SCOLAIRE ET PROFESSIONELLE
137
partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I CONSÉQUENCES DE L’INÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, LES ENJEUX DE LA MIXITÉ
138
l’école, les stéréotypes produisent leurs premiers effets : alors que les garçons et filles ont le même cerveau, on observe, dès le CM2, une différence de résultat en mathématiques en faveur des garçons. Comment l’expliquer autrement que par un « conditionnement » des garçons à davantage aimer les sciences?
A
À la crèche, à la maison, les jouets ne sont pas les mêmes et ne favorisent pas les mêmes apprentissages : aux petites filles les poupées, aux petits garçons les voitures.
70%
70%
30%
FILIÈRE LITTÉRAIRE
30%
FILIÈRE SCIENTIFIQUE
Des choix d’orientation en découlent, aboutissant à une surreprésentation féminine dans les filières littéraires, mais aussi de services à la personne, jugés comme des métiers « féminins », car mobilisant l’attention à l’autre censée être une valeur « féminine » ou favorisant le temps passé en famille, encore majoritairement occupé par les femmes. Ces stéréotypes sont intériorisés, inconscients, ils agissent à l’insu des individus. Mais ils servent à mettre en place de véritables discriminations, punies par la loi.
conquences et enjeux
ais ce n’est là que la face émergée de l’iceberg : les manuels scolaires présentent encore trop souvent des scènes où les femmes sont placées Nous sommes encore prisonniers en situation d’infériodes images : les medias vehiculent rité; la littérature jeuce sexisme ordinaire via des pernesse propose, quant sonnages stereotypes. à elle, de nombreux albums où une vision « traditionnelle » de la famille est encore à l’oeuvre.
M
Des remarques sur la tenue aux caquètements proférés en pleine Assemblée nationale lors de l’allocution d’une ministre1, le sexisme ordinaire est à l’oeuvre partout dans la société; même si aujourd’hui notre société réagit en le tolérant de moins en moins. 2012
Cécile Duflot
63%
68%
+16% 27% 22%
ÉCART DE SALAIRE
ASSEMBLÉE NATIONALE
1
SÉNAT
http://www.lemonde.fr/politique/video/2012/07/18/cecile-duflot-chahutee-a-l-assemblee_1735099_823448.htmlmessieurs, visiblement...»
L’ORIENTATION SCOLAIRE ET PROFESSIONELLE
139
partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I CONSÉQUENCES DE L’INÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, LES ENJEUX DE LA MIXITÉ
140
LA MIXITE :
possible vecteur
D'INEGALITES ? Pour rétablir certaines situations d’égalité garçon-fille à l’école,
faut-il respecter la difference ou l’ignorer? Est-il necessaire de parler de genre?
Afin d’illustrer ce questionnement, on peut prendre pour exemple un phénomène qui prend de l’ampleur aux États-Unis afin de le confronter aux directives opposées dans l’enseignement Suédois.
a mixité ne semble pas plaire à certaines écoles américaines. En effet, de plus en plus de classes séparent les filles et les garçons. Un retour en arrière qui favorise les stéréotypes. De la couleur rose et un poster « Soyez mignonnes tout le temps ! » pour les filles, des photos de footballeurs et un « coin du coach » pour les garçons, voilà à quoi peuvent ressembler certaines classes de CE2 en Floride.
L
conquences et enjeux
ussi absurde que cela puisse paraître, la non-mixité à l’école est en train de refaire surface aux ÉtatsUnis, comme l’explique le New York Times1.
A
En vogue jusqu’au XIXème siècle, les classes unisexes sont devenues de plus en plus rares à l’école publique ( les écoles privées n’ont jamais vraiment adhéré à la mixité ). Mais la donne change dangereusement ces derniers temps. Le phénomène n’est pas isolé. « La raison etant que les diffe- Il se répand dans les rences entre les filles et les gar- grandes villes comme çons affecteraient leur façon d’ap- Chicago, New York et prendre et de se comporter. Philadelphie. Selon le Département de Les separer pourrait donc amelio- l’Éducation, à ce jour, rer leurs competences. » 750 écoles publiques possèdent au moins une classe non-mixte et 850 sont entièrement unisexes (contre 34 en 2004). 1 http://www.nytimes.com/2014/12/01/education/single-sex-educationpublic-schools-separate-boys-and-girls.html?hp&WT.nav=top-news&_ r=2&module=ArrowsNav&contentCollection=Education&action=keypress&region=FixedLeft&pgtype=article
LA MIXITÉ : POSSIBLE VECTEUR D’INÉGALITÉS ?
141
partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I CONSÉQUENCES DE L’INÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, LES ENJEUX DE LA MIXITÉ
142
des stereotypes renforces Ce qui est grave dans la séparation des élèves selon leur sexe, c’est que cela renforce les stéréotypes comme l’explique Rebecca Bigler, psychologue à l’université du Texas. « On dit qu’il y a un problème avec le sexisme mais au lieu de le combattre, on supprime un sexe. »
ela inquiète aussi l’Union Américaine pour les Libertés Civiles ( ACLU ) qui a porté plainte contre quatre écoles de Floride mais aussi au Texas, en Idaho et au Wisconsin. Les défenseurs des classes unisexes prétextent que les garçons sont toujours à la traîne derrière les filles, qu’ils sont moins forts aux tests de compréhension et plus enclins à abandonner l’école. Tandis que les filles seraient « moins douées » en science.
C
Filles et garçons auraient aussi tendance à être plus distraits s’ils sont ensemble. De plus, selon les partisans de la non-mixité, les filles ont forcément des points communs avec les autres filles, idem pour les garçons. Même si les programmes dispensés sont les mêmes, ce sont les détails et le décor qui changent.
conquences et enjeux
e manière opposée, les écoles en Suède, qui sont les plus avancées sur l’application de programme pour l’égalité garçon-fille selon PISA, gèrent « les enfants comme des individus plutôt qu’en fonction de leur sexe », explique Lotta Rajalin, la directrice d’Egalia ( école primaire de Södermalm [quartier Car les ecoles primaires sont de Stockholm] ). censees combattre la repartition Un travail linguistique traditionnelle des rôles entre les ( qui a suscité de nomsexes, promouvoir l’egalite et lais- breux débats et meser les enfants se forger librement naces ) a été réalisé au leur propre identite. sein des classes. Dans les écoles, pour C’est ce que preconise la loi sur désigner l’enfant on l’enseignement de la petite en- n’emploie pas de fance de 1998. termes sexués comme « garçon » ou « fille ». On se sert du prénom ou des termes « personne » ou « kompis » [ copain : désigne un garçon ou une fille ].
l’egalite par la neutralite
D
Les pronoms personnels « han » [il] et « hon » [elle] ne sont pas proscrits,
LA MIXITÉ : POSSIBLE VECTEUR D’INÉGALITÉS ?
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partie 1
LES ENJEUX ET DÉBATS AUTOUR DU GENRE I CONSÉQUENCES DE L’INÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, LES ENJEUX DE LA MIXITÉ
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mais ils sont employés en alternance avec le pronom neutre « hen ». On emploie alors le neutre pour désigner l’enfant. Pour Lotta Rajalin, ces attaques résultent d’un malen« L’idee, ce n’est pas que tous soient tendu : l’école emegaux, ni de les priver de quoi que pêcherait les enfants ce soit, mais que l’enfant soit edu- d’être sexués. que comme un individu unique.
Pour Kristina Henkel, Nous n’avons pas l’intention de la langue est égalesupprimer le sexe biologique. ment l’une des clés C’est sur le sexe ‘social’ que porte du changement, d’où notre travail », fait valoir la direc- l’importance du pronom neutre « hen ». trice d’Egalia. Par exemple, certains enfants peuvent avoir envie de porter des vêtements généralement attribués à l’autre sexe. « La langue nous influence tous, tout le monde a un sexe. C’est pourquoi il est si pratique d’avoir un pronom neutre. Le pronom « hen » permet à l’enfant de se forger librement son identité », assure-t-elle.
conquences et enjeux
ar quelles que soient les bonnes dispositions des adultes, le sexe de l’enfant constitue un élément déterminant de son identité au regard de ses proches. Comme le rappelle Véronique Rouyer, maître de conférences en psychologie du développement de l’enfant à l’Université de Toulouse1, le marquage du sexe de l’enfant est un élément essentiel pour les parents À l’inverse, les hypothèses sur les et l’entourage, même origines biologiques des compor- bien avant la naissance tements ( genetiques, hormonaux ) – raison pour laquelle la ont le plus grand succès auprès naissance d’un enfant intersexué, ou même les du public. cas d’incertitude sur le De même, on traque avec passion sexe du bébé, inhibent les differences cerebrales sup- les échanges et bloquent posees entre les sexes comme des les représentations dans cles objectives de la condition hu- son entourage. Ce sont souvent les visions des maine. adultes qui structurent involontairement les déterminismes comportementaux dits « naturels » des enfants selon leur sexe.
l’impossibilite d’elever un enfant dans la neutralite
C
1 http://www.cafepedagogique.net/regionales/Pages/idf28_Lutteralcolecontrelesstereotypesdegenre.aspx
LA MIXITÉ : POSSIBLE VECTEUR D’INÉGALITÉS ?
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fin de partie Je tiens Ă remercier tous mes professeurs, mes amis, et surtout ma famille.
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bibliographie
le genre et les stéréotypes philosophie :
•Elisabeth Badinter, « XY : de l’identité masculine », éditions O. Jacob, 1992. •Elsa Dorlin, « Sexe, race, classe, pour une épistémologie de la domination », sous la direction de Elsa DORLIN. Editions PUF, 2009. •Marie-Joseph Bertini, « Ni d’Ève ni d’Adam : défaire la différence des sexes », éditions Max Milo, 2009.
sociologie :
•Christian Baudelot, Establet Roger, « Quoi de neuf chez les filles ? Entre stéréotypes et libertés », Nathan, 2007. •Bereni Laure (collectif), « Introduction aux Gender Studies : Manuel des études sur le genre », Paris, De Boeck, 2008. •Guillaume Carnino, « Pour en finir avec le sexisme », éditions L’Echappée, 2005. • Elena Gianini Belotti, « Du côté des petites filles », éditions Des Femmes, 2001. •Georges-Claude Guilbert, « C’est pour un garçon ou pour une fille ? : la dictature du genre », éditions Autrement, 2004. •Michèle Riot-Sarcey ( direction ), « De la différence des sexes : le genre en histoire », éditions Larousse, 2010.
psychanalyse/psychologie:
•Serge Hefez, collab. Valérie Péronnet, « Dans le cœur des hommes, éditions Hachette Littératures », 2007. •Carl Gustav Jung, « Liber Novus ( Le livre rouge ) », éditions Philemon Series & W.W. Norton & Co, écrit entre 1913 et 1930, paru en 2009. •Alain Braconnier, « Le sexe des émotions », Éditions Odile Jacob, 1996.
anthropologie :
•Jean-Claude St Armand, « Garçons et filles, stéréotypes et réussite scolaire », éditions Remue-ménage, 1996. •Françoise Héritier, « Masculin, féminin », éditions O. Jacob, 1996. •Franco La Cecla, « Ce qui fait un homme », éditions Liana Levi, 2002.
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histoire de l’art :
•Simona Bartolena, Marta Alvarez Gonzàlez, « Les Femmes dans l’art », éditions Hazan, 2010. •Nan Goldin, « Le Terrain de jeu du diable », Édition Phaidon, 2008.
neurobiologie
•Catherine Vidal ( dir. ), « Féminin, masculin, mythes scientifiques et idéologie, Belin », 2006 •Catherine Vidal, Dorothée Benoit-Browaeys, « Cerveau, sexe et pouvoir », éditions Belin, 2005.
inégalités de genre dans les médias •Christine Détrez, Anne Simon, « À leur corps défendant : les femmes à l’épreuve du nouvel ordre moral », éditions Seuil, 2006. •Laurent Jullier, Jean-Marc Leveratto, « Les hommes-objets au cinéma », éditions Armand Colin, 2009.
féminisme : •Elisabeth Badinter, « L’un est l’autre : Des relations entre hommes et femmes », éditions Odile Jacob, 1986. •Pierre Bourdieu, « La domination masculine », Éditions du Seuil, dans la collection Liber, 1998. •Simone De Beauvoir, « Le deuxième sexe », Paris, éditions Gallimard, 1949. •John Stuart Mill, « De l’assujettissement des femmes », 1869, Éditions Avatar (1992). •Valerie Solanas, « SCUM : Manifesto », éditions Mille et une nuits, 1998. •Alice Schwarzer, « La petite différence et ses grandes conséquences », éditions des femmes, 1977.
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sitographie
le genre et les stéréotypes
•http://cafaitgenre.org/ •http://sisyphe.org/spip.php?article3160 •http://www.slate.fr/story/56585/bifle-cannes-2012-virilite •http://bf.15actionjuste.free.fr/15heritier.htm •http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/introduction-de-la-theorie-du-149703 •http://www.archipel.uqam.ca/4132/1/M12128.pdf •http://www.ac-grenoble.fr/lycee/vincent.indy/spip.php?article506 •http://womantax.tumblr.com/
inégalités de genre dans les médias
•http://www.lecinemaestpolitique.fr/ •http://www.terrafemina.com/culture/medias/articles/27870sexisme-dans-les-programmes-pour-enfants-geena-davispart-en-guerre.html •http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/01/30/jeu-videoa-l-ouest-on-a-plutot-l-habitude-de-concevoir-des-herosmasculins_4566842_4408996.html •http://feministfrequency.com/ •http://www.humanite.fr/series-animees-les-stereotypes-ontla-peau-dure-551127 •http://www.filmspourenfants.net/video/videotheoriegenre. html •http://www.konbini.com/fr/entertainment-2/disney-personnages-feminins-meme-visage/ •http://www.konbini.com/fr/entertainment-2/femmes-medias-2013/ •http://www.genrimages.org/
féminisme :
•http://blog.monolecte.fr/post/2008/03/04/ce-que-veulentles-femmes •http://blog.monolecte.fr/post/2011/02/28/burka-sociale •http://evene.lefigaro.fr/citations/mot.php?mot=f%C3%A9minisme •http://evene.lefigaro.fr/theatre/actualite/la-barbe-la-cultureest-dominee-par-l-homme-blanc-de-plus-de-1056254.php •http://anneso-on-air.blogg.org/eric-zemmour-le-premiersexe-a115692302 •http://blog.monolecte.fr/post/2010/07/06/coitum-triste
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filmographie
le genre et les stéréotypes films :
•Éléonore Pourriat, « Majorité opprimée », court métrage français, 2010. •Benjamin Parent, « Ce n’est pas un film de cow-boys », court métrage français, 2012. •Jonathan Dayton et Valerie Faris, « Little Miss Sunshine », film américain, 2006. •Céline Sciamma, « Tomboy », film français, 2011.
conférences-vidéos:
•Ève Ensler, « Embrace you inner girl », TedX, 2010. •Anita Sarkeesian « tropes vs women », vidéo youtube, 2013. •Colin Stokes « How movies teach manhood », TedX, 2012. •Norman Thavaud, « La virilité », vidéo Youtube, 2013.
documentaires :
•Cecile Denjean, « Princesses, pop-stars & girlpower », documentaire français, 2014. •Phillipp Enders, Patrick Doberenz, « Tu seras un héros mon fils », documentaire allemand, 2013. •Philippe Collin, Xavier Mauduit, et Frédéric Bonnaud, « Personne ne bouge ! - Spéciale Girl Power », documentaire franco-allemand, 2014.
féminisme films :
•Nigel Cole, « We want sex equality », film britannique, 2011. •Lizzie Borden, « Born in Flames », film de science-fiction féministe, 1983. •Mohamed Diab, « Les Femmes du Bus 678 », film égyptien, 2011. •Ridley Scott, « Thelma et Louise », film américain, 1991.
Comment les normes et inegalites - ainsi que leurs conséquences se manifestent dans l’ environnement socio-culturel de l’elève? Cette première partie étudie les représentations de genre que l’on rencontre mais aussi celles que l’on nous transmet - hommes et femmes nous apprenant, dès l’enfance, à jouer un rôle, - celui qui nous est assigné en fonction de notre sexe biologique.
GENRE I IDENTITÉ SEXUELLE I FÉMININ-MASCULIN I STÉRÉOTYPES I RÔLE SOCIAL
I LYCÉE LE CORBUSIER I MÉMOIRE DE DESIGN GRAPHIQUE I 2015 I
Quels sont les enjeux des debats autour du genre dans l’institution scolaire ?