C'est quoi ton genre ? Partie 2 - Mémoire - Jeanne Dufief

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I LYCÉE LE CORBUSIER I MÉMOIRE DE DESIGN GRAPHIQUE I 2015 I

C'est quoi

ton genre? 2015

Jeanne Dufief LE GENRE À L’ÉCOLE

MÉMOIRE DE DESIGN GRAPHIQUE

PARTie 2

GENRE I IDENTITÉ SEXUELLE I FÉMININ-MASCULIN I STÉRÉOTYPES I RÔLE SOCIAL





C'est quoi

ton genre? 2015

Jeanne Dufief LE GENRE À L’ÉCOLE

MÉMOIRE DE DESIGN GRAPHIQUE

PARTie 2


partie 2

C’EST QUOI TON GENRE I PRÉLUDE

06

P prelude J’ai fais le choix de me limiter à notre environnement socio-culturel occidental pour ma réflexion.

2

c’est quoi ton genre ? Je tiens à préciser que j’aborde l’égalité garçons-filles dans une perspective purement occidentale. Je n’oublie pas, bien entendu, les discriminations et les crimes dont sont victimes les filles et les femmes partout dans le monde. Mais, trop souvent, ces situations dramatiques servent à relativiser les inégalités, voire à minimiser le combat contre les discriminations en Occident.


preambule

Quels sont les enjeux des debats autour du genre dans l’institution scolaire ? Comment les normes et inegalites - ainsi que leurs conséquences se manifestent dans l’ environnement socio-culturel de l’elève? En analysant les influences politico-socio-culturelles de notre société et enfin, celles qui se manifestent directement au sein de l’institution scolaire, on pourra alors faire le point de la situation actuelle sur l’égalité garçons-filles en France.


partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I SOMMAIRE

08

sommaire 2 LE GENRE A L’ECOLE 2

page 12 à 82

A

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE

2

A

i

page 14 à 34

UN PEU D’HISTOIRE

2

A

3

page 50 à 80

UN ENSEIGNEMENT SEXUÉ AU QUOTIDIEN

2

A

2

ÉGALITÉ ET IDENTITÉ

page 35 à 49

2-A-3-1- Des interactions pédagogiques empruntes des stéréotypes de sexe

p.01-45

2-A-3-2-Se positionner comme garçon ou comme fille

p.01-45

2-A-3-3-Les inégalités de genre dans les outils pédagogiques, les pratiques éducatives et la socialisation scolaire

p.01-45


sommaire

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2

A

4

page 80 à 82

DE LA MIXITÉ À L’ÉGALITÉ

2

page 83 à 93

b

TENTATIVES DE DÉCONSTRUCTION

2

b

i

page 85 à 89

LES BONNES RAISONS D’EN PARLER AUX ENFANTS

2

b

2

page 90 à 93

PRISE DE CONSCIENCE

- Conclusion

p.94-95

- Sitographie

p.98

- Bibliographie

p.99


C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

partie 2

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L le genre a l’ecole

2 partie 2 Avant de nous interroger sur la meilleure manière d’aborder l’égalité garçons-filles avec les enfants, quelques rappels historiques sont indispensables afin de comprendre comment la domination masculine et le système patriarcal se sont mis en place. Comment, à partir du XVIIIème siècle, les revendications d’égalité ont vu le jour et se sont déployées?


partie 2

2 . A

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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LEStransmises NORMES PAR L’ECOLE


LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I INTRODUCTION

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partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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un peu

D'HISTOIRE. Des anthropologues comme Françoise Héritier et des sociologues comme Pierre Bourdieu se sont penchés sur l’histoire de l’humanité afin de mieux comprendre pourquoi et comment la domination masculine, répandue dans la totalité des sociétés du monde, s’est mise en place.

la domination masculine On pourrait supposer que cette domination est «naturelle», qu’elle découle de facteurs biologiques.

ertes, les femmes sont plus petites et moins fortes que les hommes, il serait donc logique que les hommes les dominent. Or, dans l’histoire, la force seule n’a jamais pu expliquer la domination d’un groupe sur un autre. On va dire alors que les hommes sont plus intelligents.

C


normes transmises par l’ecole

L’humanité constate cette évidence : les femmes et les hommes sont différents.

Leur sexe biologique n’est pas le même.

Mais dire que deux choses sont differentes

ne veut pas dire

que l’une est superieure a l’autre. Alors pourquoi les humains ont-ils instauré

une hiérarchie sexuée?

COMMENT

la domination masculine s’est-elle imposee?

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I UN PEU D’HISTOIRE

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partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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r les nouvelles techniques d’imagerie cérébrale nous ont prouvé qu’il n’y a pas de différences entre les cerveaux féminins et les cerveaux masculins, Le cerveau gauche ( suppose plus mais des différentes feminin ) et le cerveau droit ( sup- multiples entre tous pose plus masculin  ) commu- les individus. neurobiologiste niquent en fait sans arrêt, chez les La Catherine Vidal hommes comme chez les femmes. ( Hommes, femmes : avons-nous le même cerveau? Le pommier, 2007 ) montre bien que la suprématie d’un hémisphère sur un autre n’existe pas.

O

=

On peut aussi argumenter sur le caractère féminin  : «  naturellement » soumis à l’influence des hormones par exemple. Le taux très bas de testostérone chez les femmes est par exemple évoqué pour justifier leur soi-disant tendance à être moins agressives, ce qui les empêcherait de dominer.


normes transmises par l’ecole

r aucune étude n’a encore prouvé que l’influence seule des hormones jouait un rôle sur le caractère des individus : il existe des femmes violentes, dominaForce est de constater que tous trices, voire tortionces arguments en faveur d’une hie- naires. rarchie « naturelle » entre hommes Il faut dès lors adet femmes s’effondrent souvent face mettre que la domination masculine s’est aux progrès de la science. imposée par la culture, au fil de l’histoire. Mais cela nous demande un effort : ce serait tellement plus facile de l’expliquer par la biologie. Nous sommes là face à ce que Françoise Héritier appelle un « butoir de pensée ». Pour l’expliquer, les anthropologues, remontant aux temps préhistoriques, pensent que les femmes n’auraient pas eu accès aux armes et donc au pouvoir.

O

1985

« LA DAME DE FER »

Margaret Thatcher

David Montgomery pour The Daily Best

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partie 2

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ais cette domination n’est possible que si les femmes l’acceptent. Elles ont peu à peu appris à jouer leur rôle de soumission, car si elles le remettaient en cause, elles remettaient en cause leur identité même. Cette soumission consentie est efficace et encore bien vivante. Elle se manifeste, par exemple, par le goût des femmes pour les hommes « virils» ( que nous avons étudié précédemment ). Outil d’asservissement des femmes, la domination masculine a un effet pervers sur les hommes. Car si elle enferme les femmes dans la soumission, les hommes, eux sont obligés de se conformer au rôle de dominant. Ils se retrouvent à devoir sans cesse répondre à ce que la société attend d’eux : être les plus forts. Et les femmes les encouragent dans ce jeu en leur apportant un sentiment de sécurité et de compréhension.

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

M

1960

« C’est agréable davoir une femme à la maison» Publicité Dacron (textile)


normes transmises par l’ecole

ces schemas archaiques guident

toute l'histoire de l'humanite. ils sont a l'origine du

systeme patriarcal ou le patrimoine

( donc le pouvoir )

se transmet

par les hommes.

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le patriarcat au fil de l’histoire On retrouve le système patriarcal dans toutes les sociétés antiques. En Grèce ancienne, la démocratie ne reconnaît que des citoyens masculins, et les femmes sont considérées comme des mineures cantonnées au soin de la famille.

’avènement du judaïsme, du christianisme puis de l’islam vont perpétuer le système patriarcal en mettant l’accent sur la nécessaire complémentarité des deux sexes. Les trois religions monothéistes reconnaissent un rôle essentiel aux femmes, celui de mère, et les valorisent ainsi, tout en soulignant leur coté « maléfique » ( Ève étant la première pécheressse ). Cette dualité féminine atteint son sommet dans la religion chrétienne avec les figures de Marie, la vierge mère, et de Marie-Madeleine, la prostituée repentie.

L

On remarque cependant des figures féminines « guerrières » comme Penthésilée ( reine des amazones ) et la déesse Athéna ou même Jeanne d’Arc, toutes vierges, comme si la guerre ( donc le pouvoir ) était incompatible avec la maternité. 1874

Jeanne D’Arc

Statue de bronze - Emmanuel Frémiet


normes transmises par l’ecole

e système monarchique français met, quand à lui en place, dès le VIème siècle, les règles de succession au trône, via la loi salique, qui exclut les femmes du pouvoir.

L

Jusqu’au XVIIIè siècle, partout en Occident, le patriarcat est donc bien installé.

447 av J.C ( Grèce Antique )

«  Athéna de Varvakeion » Statue en marbre paratélique - Phidias Athènes - Copie d’Athéna Parthenos

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e nombreuses femmes ont revendiqué l’égalité hommes-femmes avant la Révolution française. Mais avec la philosophie des Lumières, qui voit l’émergence de l’individu et des revendications de liberté et d’égalité, la société occidentale se met à penser les femmes non plus comme « les autres » mais comme « la moitié de l’humanité ». Les fers de lance des revendications nouvelles (dont Olympe de Gouges) seront écartées du pouvoir. Malgré l’action des femmes du peuple et les revendications La Revolution Française va rater d’Olympe de Gouges une occasion exceptionelle : genera- avec sa Déclaraliser son ideal à l’ensemble de l’hu- tion des droits de la manite. femme et de la citoyenne, les femmes n’obtiendront pas le droit de vote. Le rôle des femmes étant d’éduquer les futurs citoyens, il était inconcevable à l’époque de les détourner de cette tâche par l’engagement politique.

le tournant de la Revolution Française

D


normes transmises par l’ecole

Elles connaissent cependant d’immenses avancées dans les droits civils (héritage, divorce, même si le 1er Empire reviendra dessus).

revendications politiques

1880

« La Fronde »

Estampe - Hélène Dufau Paris ; musée Carnavalet

out au long du XIXème siècle, des revendications s’élèvent. Louise Michel, avant de prendre les armes lors de la Commune de Paris en 1871, milite pour l’éducation des filles, premier pas vers leur émancipation. Des mouvements féministes se structurent, en France comme ailleurs en Occident, dans les années 1880.

T

Des hommes s’engagent aux côtés des femmes pour appuyer leurs revendications. Maria Deraismes et Léon Richer organisent ainsi, en 1878, le congrès internationnal du droit des femmes. Marguerite Durand, à la tête d’un journal entièrement écrit et imprimé par des femmes, La Fronde, milite pour l’égalité salariale entre hommes et femmes pour le même travail.

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lle se joindra bientôt aux militantes pour le droit de vote : Hubertine Auclert, Louise Weiss, qui prennent exemple sur les suffragettes anglaises.

E

4 Juillet 1936

LOUISE WEISS (tout à gauche)

manifestation de « Femme nouvelle » (association féministe)

C’est alors que les femmes inventent le « happening» politique : elles s’enchaînent devant des photographes. Une tradition que l’on retrouve dans tous les mouvements féministes, jusqu’à aujourd’hui.

Malgré des actions spectaculaires et le soutien de nombreux hommes politiques, les femmes françaises ne parviendront pas à obtenir le droit En 1945, la France est donc l’un des de vote avant la derniers pays occidentaux où les Seconde Guerre femmes obtiendront le droit de mondiale. vote. Parmi les arguments contre le suffrage féminin, on retrouve la peur de boulverser l’ordre dit « naturel » des choses.


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e plus, elles n’ont toujours pas le droit de travailler ni d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leur mari, avancées qu’elles n’obtiendront qu’au cours des années 1960.

D

Écrit en 1949, « Le deuxième Sexe », de Simone de Beauvoir, souligne combien les inégalités sont prégnantes, dans tous les domaines. Ce texte va inspirer bien des mouvements féministes postérieurs. 1949 Le Deuxième Sexe

Simone de Beauvoir

1945 Une femme vote pour la première fois pour le réferendum d’Octobre

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le contrôle des naissances

1960 Mouvement Français pour le Planning Familial (MFPF)

u lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il restait aux femmes un domaine à conquérir, le plus important, car il est au fondement de la domination masculine : le contrôle des naissances.

A

Tant que les femmes seraient empêchées de s’éduquer, de travailler, de s’engager en politique par des grossesses non désirées, elles ne pourraient prétendre jouer le même rôle que les hommes dans la société. De nouvelles associations féministes voient le jour, comme le Planning familial, qui militent pour le contrôle des naissances. L’invention de la pillule contraceptive à la fin des années 1950, son autorisation en France en 1967 grâce à la loi Neuwirth est une révolution. Les femmes peuvent affirmer « Mon corps m’appartient. »


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n assiste alors à un bouleversement des rapports entre les femmes et les hommes. Une libération de la sexualité, d’abord, qui a contribué à renforcer l’affirmation de soi. Mais surtout une remise en question de l’ordre établi : l’égalité était désormais à portée de main.

O

1972

Femme prenant sa pillule (Triphasil 28)

Le Mouvement de libération des femmes (MLF), qui a vu le jour en 1970, appelle à une véritable révolution dans tous les domaines de la société : travail, sexualité, famille, éducation, etc.

publié le 5 avril 1971 pétition du journal Le Nouvel Observateur 343 signatures de femmes déclarant avoir avorté pour réclamer le droit à l’avortement (également appelé manifeste des 343 salopes.)

Suite à de nombreux procès contre le viol et pour l’avortement, dont celui célèbre de Marie-Claire qui sera le déclencheur de violents débats et la publication du « manifeste des 343 femmes qui ont eu le courage de dire : je me suis fais avorter » rédigé par Simone de Beauvoir. 1975 Simone Veil à l’assemblée nationale pour la loi sur le droit à l’IVG

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aboutissent a

la loi Veil, votee en 1975, sur le droit a

l’interruption

volontaire de grossesse.

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Ces combats


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etat des lieux C’est comme si nous avions eu l’illusion de mettre en place un système égalitaire et que nous étions en train de nous réveiller en nous demandant ce qui a réellement changé.

45 ans Après la grande vague féministe des années 1970, où en sommesnous en France? Depuis 2012, la question de l’égalité femmes-hommes a fait un retour fracassant sur la scène médiatique. Outre la volonté gouvernementale de mettre ces questions à l’ordre du jour, c’est un mouvement de fond qui s’observe dans la société, comme si nous arrivions à la fin d’un cycle et devions franchir un nouveau pas.


normes transmises par l’ecole

vers l’egalite Depuis les années 1970, de multiples mesures en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ont été prises en France : Cette liste non exhaustive donne un aperçu de l’avançée de la société française depuis plus de quarante ans. En contrepoint, le féminisme a subi un creux de la vague jusqu’aux années 2000. L’image négative qu’il a toujours portée s’en est trouvée accrue : « À quoi bon manifester et protester : l’égalité est en marche, il suffit d’attendre un peu »

L’expression « autorité parentale » remplace

1970 « puissance paternelle » : la mère a autant de droits que le père sur ses enfants.

La loi sur la mixité scolaire met fin à des

1975 siècles d’éducation différenciée pour les filles et les garçons. Le développement des crèches et des autres modes de garde permet de favoriser l’accès des femmes au travail. La loi Veil sur l’IVG est votée. Loi définissant plus précisément le viol, à

1980 l’initiative de Gisèle Halimi est votée.

Loi qui pose le principe de l’égalité profes-

1983 sionnelle entre les femmes et les hommes. La discrimination envers une personne en fonction de son sexe devient un délit. La loi sur la parité entend corriger la sous-re-

2000 présentation des femmes en politique.

Loi qui précise les mesures à prendre en cas

2010 de violences faites aux femmes.

Loi qui redéfinit précisément le harcèle-

2012 ment sexuel.

Loi qui pénalise les clients de prostitué(e)s et

2013 instaure des mesures d’aide à la sortie de la prostitution.

Loi pour l’égalité réelle entre les femmes et

2014 les hommes est votée. Elle vise à promouvoir l’égalité dans tous les domaines de la société et, notamment, réforme le congé parental pour inciter les pères à le prendre. Un période de partage de six mois est réservée à chaque parent.

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Se dire féministe en 2014

EST COURAGEUX, car on s'expose

au mieux a l'ironie, au pire a l'hostilite Peut-être parce qu'on a

CONFONDU

le fait

d'être pour l'égalité, avec

le fait

d’être contre les hommes,

Pourtant des inégalités criantes persistent,

qui justifient

les combats feministes ou antisexistes actuels.


normes transmises par l’ecole

egalite et

identite differences et complementarite Le contraire d’« égalité » est « inégalité », et non « différence ». Le contraire de « différence » est « similarité ».

uand il est question d’égalité des sexes, le thème de la différence émerge très rapidement. On oppose aux revendications les soi-disant différences entre hommes et femmes, qui expliqueraient la persistance des inégalités.

Q

On évoque «  la complémentarité des sexes » pour que chacun reste dans le rôle qui lui a été assigné depuis des siècles. Or, en quoi une différence a jamais justifié une inégalité?

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I ÉGALITÉ ET IDENTITÉ

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partie 2

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’est un discours qui, en d’autres temps, au nom de la « différence » des Noirs, a permis l’esclavage ou la colonisation.

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

C

Dès lors, on confond l’envie que les hommes et les femmes aient les mêmes droits ( donc l’accès aux mêmes destins au sein de la société ) avec l’envie que les hommes et les femmes soient similaires. C’est une confusion vieille comme le féminisme lui-même puisque, dès la Révolution, on rétorquait aux femmes qu’avec l’égalité des droits, les femmes deviendraient des hommes. 2014

« Different ways » ( Chemins différents) Affiche féministe de Molly Stapleton

C’est un débat que l’on retrouve au sein du féminisme lui-même, entre celles qui revendiquent une égalité qui ne tienne pas compte du sexe des individus ( les égalitaristes ), et celles qui soulignent un apport spécifique des femmes au monde ( les essentialistes ).


normes transmises par l’ecole

Les femmes, afin de parvenir à l’égalité des droits, ont souvent adopté les codes vestiDès lors, ce n’est pas tant le fait d’être mentaires mascufemme qui est rejete, mais ce que lins ( pensons aux cela implique : « sois belle et tais toi », Garçonnes des an« sois douce, comprehensive », voire nées 1930 ) ou du moins rejeté les « soumise ». carcans imposés à leur corps au nom de leur embellissement ( du corset aux talons hauts, en passant par le maquillage, le soutien gorge, etc. ).

l’identite sexuee Nous avons déja expliqué que le genre est ce qui fait l’identité sexuée des individus. Cette notion, qui fait débat depuis le début des années 2000, est pourtant ancienne.

Le célèbre « On ne naît pas femme, on le devient », de Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe ( 1949 ), est le point de départ d’un renversement de la pensée : comme nous l’avons déja expliqué plus haut ce n’est pas que la nature ( le sexe biologique, mâle ou femelle ), qui fait l’identité sexuée des individus ( hommes ou femmes ), mais aussi la culture dont il fait partie.

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C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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ependant, comme nous l’avons expliqué plus haut, les attitudes et codes de reconnaissance sexués ne sont pas basés sur le sexe mais sur un stéréotype, soulevant alors le questionnement, à quoi aspire vraiment le transsexuel?

C

2014

« Like a girl » ( Comme une fille) Campagne publicitaire (spot) - Always Plusieurs personnes sont incitées à courir « comme des filles », ils s’executent en exagérant une attitude stéréotypée. On a ici un parfait exemple d’un mimétisme de stéréotype.

On peut ainsi se demander si le mimétisme des stéréotypes du sexe opposé est la seule alternative pour affirmer son identité sexuée lorsque celle-ci est différente de notre sexe biologique.


normes transmises par l’ecole

depasser la peur de la confusion des sexes

2014

Conchita Wurst ( né Thomas Neuwirth )

Chanteur Autrichien - Gagnant de l’Eurovision 2014

uoi de plus troublant que de se trouver face à quelqu’un dont il nous est absolument impossible de déterminer son sexe.

Q

Ce désarroi soulève une peur, celle de la confusion des sexes. On retrouve dans les mythes la figure de l’hermaphrodite, évoqué par Platon ( tiré du Discours d’Aristophane dans « Le Bouquet », écrit environ 380 av J.C ), à la fois homme et femme, qu’il convient de séparer pour en faire un homme et une femme à part entière. Cette peur est relayée par les opposants à une soi-disant « théorie du genre ». Or cette théorie n’existe pas. Dans les années 1970, sont apparues aux États-Unis, les gender studies, ou « études de genre », qui se sont attachées, dans la lignée de Simone de Beauvoir, à souligner comment l’identité sexuée se construit et détermine nombre de nos actions en société.

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I ÉGALITÉ ET IDENTITÉ

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udith Butler, avec « Trouble dans le genre » ( 1990 ), est l’une des auteures phares de ce mouvement. Ces études de genre questionnent notre rapport au féminin et au masculin, mais aussi à l’orientation sexuelle ( homo/hétéro/bisexualité ). Car il y a, sous-jacente à la peur de la confusion des sexes, une peur de l’homosexualité. Un garçon qui ne se conforme pas au rôle masculin non seulement remet en question une répartition jugée « naturelle », mais « risquerait » d’être tenté par d’autres formes de sexualité que la norme hétérosexuelle. Il en est de même pour une fille, même si l’homosexualité féminine est perçue comme plus « anodine » que l’homosexualité masculine ( encore un signe de l’inferiorité des femmes dans nos sociétés ).

J

2012

Ce n’est pas un film de cow-bows

Court métrage français - Benjamin Parent Deux lycéens discutent du film diffusé la veille à la télévision, Le Secret de Brokeback Mountain. Un des deux garçons ne comprends pas ( et n’accepte pas ) d’avoir été ému par un film d’amour homosexuel.

On comprend mieux, à la lumière des travaux des auteurs spécialistes des études de genre, comment ces ques-


normes transmises par l’ecole

tions nous touchent au plus profond de nous-mêmes. Car notre identité sexuée est non seulement une construction sociale (« la société souhaite que je me comporte en homme ou en femme »), mais aussi un sentiment d’appartenance (« je me sens homme ou femme »). Ce sentiment d’appartenance n’est pas immuable, il évolue tout au long de notre vie. Il est fragmenté : on peut se sentir très femme pour certaines choses, très homme pour d’autres. Surtout, quel qu’il soit, il ne doit pas constituer Dès lors, comment faire en sorte que de frein au bienles enfants puissent construire leur être de l’individu. propre identite sans se conformer à S’il est impossible tous les stereotypes? d’envisager la neutralité, on peut néanmoins imaginer des identités sexuées plus « souples », non caricaturales, où l’on puisse à la fois être un garçon très doux, une fille très forte, être mécanicienne et porter

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I ÉGALITÉ ET IDENTITÉ

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des talons hauts, être puériculteur et jouer au foot. Une société où tout est possible, pour chacun. La crainte de tomber dans des extrêmes et de tout juger à travers le prisme du sexisme Comment, en tant que parent, pro- de peur de véhiculer fessionnel de la petite enfance, ensei- des clichés peut en gnant ou tout simplement citoyen, décourager certains. faire en sorte de sortir des stereo- Pourtant, des actions types sexues? simples peuvent être mises en place, et ce Comment construire, hommes et dès le plus jeune âge, femmes, une education non sexiste pour ouvrir le champ pour les filles comme pour les gar- des possibles aux çons ? filles et aux garçons.


normes transmises par l’ecole

ans une école mixte, on pourrait s’attendre à ce que les élèves, quel que soit leur sexe, réalisent des parcours très différents, dès lors qu’on leur offre des chances identiques.

l’education à D l’egalite

Aujourd’hui, les acquis et les cheminements scolaires des filles et des garçons continuent à être relativement les mêmes. On pourrait se demander si les filles et les garçons sont instinctivement intéressés par certains domaines ou si leur environnement socio-culturel, ainsi que l’école, les encouragerait à épouser certaines aspirations tandis qu’on les découragerait à en viser à d’autres.

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I ÉGALITÉ ET IDENTITÉ

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partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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La différence des sexes explique t'elle

leur inEgalitE dans

L'INSTITUTION SCOLAIRE? Les stéréotypes de genre que prescrit

le système scolaire renforceraient-elles

l'inegalite entre filles et garcons?


normes transmises par l’ecole

les stereotypes : des faciliteurs de perception sociale Depuis notre naissance, nous apprenons à travers la sphère familiale, l’ecole, les medias, « des signaux qui associent des traits de caractère, des competences, des attitudes à un sexe plutôt qu’à un autre et qui forgent notre vision de la place et du rôle des hommes et des femmes dans cette societe ».

our ne pas se laisser submerger par un nombre trop important d’informations, il est plus facile pour notre cerveau de fonctionner avec des catégories préconçues. Ainsi, nous possédons tous des opinions généralisées sur un type d’individus ou sur un groupe appelées stéréotypes. Ces croyances sont là pour nous épargner une réflexion. Elles fonctionnent selon des schémas simplistes et non sur des faits avérés et prouvés.

P

Lorsqu’il est question d’hommes et de femmes, on parle de stéréotypes de genre. Ces stéréotypes sont extrêmement puissants. Ces stéréotypes sont ces idées, implicitement véhiculées par la société, de ce qui est attendu d’un homme et d’une femme. Ainsi, nos représentations du masculin et du féminin sont le fruit d’une construction sociale

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I ÉGALITÉ ET IDENTITÉ

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C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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dont nous n’avons pas réellement conscience. Comme l’explique Françoise Héritier dans « La différence des sexes explique-t-elle leur inégalité ? »1, « Rien de ce que nous faisons ou pensons, systèmes de vie, d’attitude et de comportement, n’est issu directement de lois naturelles. Tout passe par un filtre mental, cérébral et idéel, produit d’une réflexion collective qui prend forme à un moment de notre histoire, évolue et peut encore évoluer. ». Ainsi l’idée du masculin et du féminin a été « pensée » par l’Homme. Pour établir un lien entre l’influence socio-culturelle de l’enfant et son parcours scolaire, il est intéressant d’explorer l’environnement dans lequel l’enfant évolue à l’école et quelles pourraient être les suggestions sexuées voire sexistes qui l’influencent dans son parcours personnel et professionnel. Puis, plus précisement dans le contenu péda1 Françoise HÉRITIER, «La Différence des sexes explique-t-elle leur inégalité ?», éditions Bayard, 2010.


normes transmises par l’ecole

gogique et culturel que lui propose l’école afin de comprendre comment les stéréotypes de genre sont transmis, construits et reproduits.

la construction de l’identite sexuee

’enfant passe par plusieurs étapes avant d’assimiler que le sexe est stable et est déterminé biologiquement. Kohlberg (1966) a défini trois étapes dans la construction identitaire:

L

•L’identité de genre: les enfants âgés de 2 ans identifient le sexe d’un individu en se basant sur des éléments socioculturels, comme la coiffure, l’habillement, etc. •La stabilité de genre apparaît vers 3-4 ans. Les enfants ont intégré que le sexe d’un individu est une donnée stable au fil du temps. Les filles deviendront des femmes et les garçons des hommes. Toutefois, les enfants n’ont pas encore compris que le sexe est égale-

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I ÉGALITÉ ET IDENTITÉ

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partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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ment une donnée stable par rapport aux situations. Un garçon qui porte une jupe devient une fille. Ce n’est que vers 5-7 ans que les enfants atteignent le troisième stade, appelé •la constance de genre. Ils ont intégré le fait que le sexe est une donnée immuable à travers le temps et indépendante des Des etudes ont montre toutefois situations. que les âges auxquels les enfants atteignent chaque stade peuvent varier. Ils comprennent surtout que l’apElles ont aussi mis en evidence pareil génital est que les enfants dès 2-3 ans ont des différent selon connaissances sur les rôles sexues. qu’on est une fille ou un garçon. Ils savent reconnaître les professions typiquement exercées par les hommes et les femmes, et elles-ils adoptent des activités et comportements sexués et choisissent des attributs faisant partie du sexe auquel elles-ils appartiennent : jeux et jouets, habits, accessoires, etc.


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ès 3 ans, ils prennent conscience que les adultes se comportent différemment en fonction du sexe de l’enfant, et cette prise de conscience augmente avec l’âge.

D

des images qui emprisonnent Les images stéréotypées de filles aux cheveux longs et garçons audacieux restent plébiscitées dans l’iconographie et l’imagerie populaire ; mais derrière elles, se construit une vision réductrice du monde, où les garçons conquièrent et où les filles se réservent.

l n’est pas simple de lutter contre les stéréotypes de genre, surtout à l’heure où ils sont brandis comme le dernier bastion des repères culturels et sociaux. Ces lieux communs consensuels où tout le monde se retrouve, cultures et origines sociales confondues, ont la commodité des vieilles connivences.

I

Certains modèles alimentent généreusement la matrice des inégalités sociales, professionnelles et familiales, que l’on attribuera ensuite, avec fatalisme, à un ordre naturel des choses, adossé si besoin à des considérations biologiques.

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I ÉGALITÉ ET IDENTITÉ

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partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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un enseignement

SEXUE au

QUOTIDIEN « Les différences entre les sexes tiennent à une multitude de mécanismes quotidiens, parfois très fins, en général inconscients qui font que filles et garçons vivent à l’école quelque chose de profondément différent ». Marie Duru-Bellat1

1 Duru-Bellat M. (1990), « L’école des filles : quelle formation pour quels rôles sociaux ? », Paris, L’Harmattan.


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fficiellement, les élèves sont en quelque sorte des « apprenants » asexués, cependant le quotidien des classes est le théâtre d’interactions entre enseignants et élèves profondément marquées par les représentations sociales du masculin et du féminin. Des mécanismes subtils s’opèrent et se glissent dans les relations adultes-enfants, dans les interventions pédagogiques, dans les contenus des enseignements, les évaluations etc.

O

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partie 2 partie 2

52

2 . B

C’EST QUOI C’ESTTON QUOI GENRE? TON GENRE? I LE GENRE I LE GENRE À L’ÉCOLE À L’ÉCOLE

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des interactions

pedagogiques empruntes, des

stereotypes de sexe


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l existe une attente spécifique en fonction du sexe de l’enfant dans certains domaines, pour certains comportements et certaines attitudes de l’enseignant. Ils produisent également des évaluations différenciées.

I

En sociologie, toutes les observations fines de classes, menées avec des enregistrements vidéo, montrent que Les enseignants ( et les adultes en les enseignants, general ) ne se comportent pas de la dans les classes même facon avec une fille qu’avec un mixtes, sans en garcon. avoir conscience, interagissent nettement plus avec les garçons qu’avec les filles.1 Énuméré ci-dessous les principales interactions et comportements dans la relation élève-enseignant et fille-garçon nuisibles à la déconstruction des stéréotypes. 1 Pichevin Marie-France, « De la discrimination sociale entre les sexes aux automatismes psychologiques : serions-nous tous sexistes ? » , in (coll.), 1995, La place des femmes. Les enjeux de l’identité et de l’égalité au regard des sciences sociales, Ephesia, Paris, La Découverte.

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a_Temps de latence Les enseignants interrogent plus souvent et plus longtemps les garçons que les filles. Ils tolèrent davantage leurs interventions spontanées et les reprennent plus souvent, les gratifient de plus d’encouragements et aussi de plus de critiques. Quand les garçons sont interrogés, ils ont plus de temps pour répondre (temps de latence).

b_Les attentes et jugements Les stéréotypes de sexe influencent aussi les représentations, les attentes et les jugements des enseignants, vis à vis des élèves de chaque sexe. Au niveau de l’évaluation, les corrections en aveugle, montrent que les mêmes copies, quand elles sont attribuées à des garçons, sont évaluées plus positivement, quand elles sont bonnes, et plus sévèrement, quand elles sont mauvaises.


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c_Double standard Inconsciemment, les enseignants jugent filles et garçons selon un « double standard ». Cela est vrai pour les performances mais aussi pour les comportements des élèves : l’indiscipline des garçons est tolérée, vue comme un comportement fâcheux mais inévitable, alors qu’elle est stigmatisée et rejetée parfois violemment chez les filles dont on attend la docilité. Le double standard joue aussi sur l’appréciation des capacités des élèves.1

d_Les garçons sous-réalisateurs Ils imaginent que les garçons « peuvent mieux faire », c’està-dire qu’ils leur prêtent des capacités qui dépassent leurs performances effectives et attribuent leur réussite à leurs capacités ; les filles, elles, sont supposées ne pas avoir de capacités au-delà de leurs performances, elles « font tout ce qu’elles peuvent » ; leurs résultats sont attribués à leur travail, voire à leur conformisme, et non pas d’abord à leurs capacités.

1 Pichevin Marie-France, « De la discrimination sociale entre les sexes aux automatismes psychologiques : serions-nous tous sexistes ? » , in (coll.), 1995, La place des femmes. Les enjeux de l’identité et de l’égalité au regard des sciences sociales, Ephesia, Paris, La Découverte.

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e_L’effet Pygmalion ( provocation chez l’autre du comportement attendu ) Ces jugements des enseignants, ayant leurs propres préjugés de genre dû à leur influence socio-culturelle propre, peuvent affecter et influencer à leur tour, les enfants à qui ils enseignent . Ainsi, à l’école, les garçons apprennent à s’exprimer, à s’affirmer, à contester l’autorité de l’adulte, quand les filles apprennent à « prendre moins de place », physiquement et intellectuellement, à moins exprimer publiquement leur pensée, à se limiter dans leurs échanges avec les adultes, à être moins valorisées par les adultes, à se soumettre à leur autorité et à supporter, sans protester, la domination de certains garçons.


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f_La notion de destin probable « On profile les garçons pour occuper les fonctions masculines d’autorité et de pouvoir et les filles pour prendre en charge les enfants, le foyer, le mari » Baudelot 1 Selon l’auteur, notre société communique l’idée que les femmes sont plus douées pour la compréhension des autres que pour la compréhension du monde. Ainsi, les filles intériorisent, à partir des discours de leurs familles, des médias, de l’école et finalement de la société dans son ensemble, que leur place est davantage dans des activités intérieures qu’extérieures. De même, sans en avoir pleinement conscience, elles se dirigent spontanément vers une orientation qui leur permet de concilier vie professionnelle et vie privée. Ce « destin probable » constitue une sorte de voie normale qu’il est naturel de suivre et qui peut donc influencer leurs choix d’orientation scolaire.

1 Baudelot,C., Establet, R.(1992) « Allez les filles ! » Paris : Seuil.

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g_Le sentiment d’auto-efficacité ou d’efficacité personnelle Selon Bandura1, nous nous engageons plus ou moins facilement dans un comportement en fonction de nos attentes et notamment des sentiments d’efficacité personnelle que nous nous sommes construits antérieurement. Ainsi, les élèves s’engagent plus facilement dans une voie professionnelle s’ils se considèrent capables de réussir. De façon générale, les filles se jugent elles-mêmes moins « efficaces » et aptes à réussir dans les filières scientifiques que les garçons ; on comprend alors pourquoi elles ont tendance à moins s’engager dans ces voies. es enseignants (hommes et femmes), dès l’école pré-élémentaire, opposent très souvent le groupe des filles et le groupe des garçons et formulent des attentes différenciées vis-à-vis d’eux. Ils se comportent, quoique souvent involontairement, différemment avec les garçons et avec les filles, en raison de préjugés sur chacun des deux groupes.

L

1 Bandura, A. (1980). « L’apprentissage social ». Bruxelles.


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L'école ne les traitant pas de la même manière

garcons et filles, vont mettre en place

des comportements qui resteront opérants dans la construction

de leurs carrieres

scolaires et

professionnelles Nicole Mosconi parle de « division sociale des fonctions du savoir »1.

1 Mosconi Nicole, (1994), « Femmes et savoir. La société, l’école et la division sexuelle des savoirs », Paris, L’Harmattan.

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ertaines attitudes enseignantes affaiblissent l’ambition scolaire des filles.

C

Malgré ( ou peut-être en raison de ) leur adhésion en apparence plus forte que celle des garçons aux normes scolaires ( attention, discipline, respect de l’autorité, discrétion, capacité de concentration, etc. ), les filles pâtissent d’une moindre attention de la part des enseignants. En classe, filles et garçons adoptent des comportements différents qui correspondent aux attentes des enseignants. En resultent souvent une moindre Les observations confiance en elles, ainsi qu’une au- réalisées par des tocensure notamment dans le choix chercheurs dans de leur filière d’etude. des salles de classe montrent que les garçons sont moins attentifs, plus bruyants et perturbateurs que les filles, et qu’ils cherchent à accaparer l’attention de leurs camarades et


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des enseignants. Ils prennent plus facilement la parole, y compris sans autorisation : ils occupent « l’espace sonore »1. L’affirmation de soi, la mise en place d’un rapport de force avec l’enseignant se retrouvent souvent chez les garçons. Plus calmes, les filles utilisent des techniques corporelles pour être ou paraître attentives : maîtrise de soi, regard soutenu vers l’enseignant ou le Or le developpement de comporte- tableau, etc. ments differencies deviennent des freins, en particulier dans la vie pro- Si les filles fessionnelle. semblent davantage adhérer aux La confiance en soi, la capacite à de- normes de l’école fendre une opinion et à faire valoir que les garçons ses interêts se mettent en place à (assiduité, travail l’ecole. personnel, etc.) et obtiennent de meilleurs résultats scolaires (taux de réussite plus élevé aux examens, scolarité plus longue) – ce qui ne leur garantit pas une meilleure intégration 1 Ruel S. (2010), « L’espace classe. Structure de gestion de la construction culturelle des sexes pour les enfants de l’école élémentaire », Agora débats/jeunesse, n° 55, p. 55-66 ; Zaidman C. (1996), La Mixité à l’école primaire, Paris, L’Harmattan.

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professionnelle –, d’autres compétences prisées sur le marché du travail sont cependant peu évaluées et valorisées à l’école, et sont surtout investies par les Encourager les filles à developper ces garçons. competences dans le cadre scolaire Il s’agit par exemple pourrait, d’une part, accroître leur de la prise de parole confiance en elles et, d’autre part, en public, de l’inleur être utile au moment de l’entree vestissement assosur le marche du travail et tout au ciatif, de la prise de long de leur future carrière. responsabilités, etc. Ainsi les jeunes filles se dirigent vers des filières moins porteuses d’emploi, sont majoritaires dans les filières littéraires et en sciences humaines, et restent sous-représentées dans les filières scientifiques et techniques.1 Les femmes restent moins bien payées que les hommes et ce quel que soit leur statut. Plus elles occupent un statut socioprofessionnel élevé, plus l’écart se creuse.2 1 Académie de Clermont-Ferrand, « Clichés en tout genre » (PDF), 2011. 2 INSEE, 2009


partie 2

« Imaginons par exemple que nous soyons amené(e)s à parler avec nos élèves des métiers du bâtiment, des sciences ou des travaux publics. Demandons-nous très honnêtement si nous n’allons pas spontanément nous adresser en priorité aux garçons ? » Houadec & Lizan

1

La présupposée infériorité « naturelle » féminine e précurseur Poullain de la Barre se prend ainsi à rêver de postes de générales ou de présidentes de Parlement dans son essai « De l’égalité des deux sexes », publié en 1673 ( des femmes commencent à atteindre les plus hautes instances du pouvoir, notamment en Amérique du Sud ). Helvétius prétend que rien ne distingue un cerveau masculin de

L

1 Costes, J., Houadec, V., & Lizan, V. (2008). « Le rôle des professeurs de mathématique et de physique dans l’orientation des filles vers des études scientifiques ». Educations et formations, 77, 55-61.

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partie 2

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son équivalent féminin et, comme Condorcet, il proclame que la prétendue infériorité de la femme n’est due qu’à son manque d’éducation, à la culture donc. Beauvoir affirme l’égalité des sexes par-delà leurs différences, seule façon, à ses yeux, de faire progresser la cause féminine. Ces philosophes ne defendent pas Au risque, aussi, de l’idee d’une «  predisposition natu- faire de la femme « un relle » à certaines aspirations en fonc- homme comme les tion du sexe. autres », comme le souligne la philosophe SylL’inegalite de traitement que su- viane Agacinski dans bissent les femmes n’a donc pas de « Politique des sexes » : fondement naturel, mais procède la femme, chez Beaud’un prejuge culturel. voir, « est un être piégé biologiquement, victime d’abord de son appartenance à l’espèce -qui la destine à la fécondité et à la procréation- et voué par conséquent à la passivité. » reprend la philosophe, « elle aurait donc pu dire [...]: on ne devient pas femme, on le reste ».


normes transmises par l’ecole partie 2

se positionner comme

fille garcon ou

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2 . B


partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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Au-delà de ce qui se joue au travers des interactions pédagogiques, les relations entre garçons et filles constituent un aspect essentiel de l’expérience scolaire.

n primaire, les enfants passent beaucoup plus de temps à jouer avec des enfants du même sexe qu’avec des enfants du sexe opposé, et dans ces groupes unisexes, les styles d’interaction et de jeux diffèrent : les garçons jouent en plus grand groupe que les filles, utilisent plus d’espace, ont des rapports davantage hiérarchisés, où la domination physique joue un certain rôle. Les filles ont d’ailleurs tendance à se sous-estimer dans les domaines connotés comme masculins quand elles sont en présence de garçons.

E

Du pouvoir des hommes sur les femmes Selon le philosophe anglais J.SMill1, c’est aussi en limitant le potentiel de révolte des femmes que les préjugés sur leur supposée « nature » renforcent leur subordination. Leur absence de révolte est tout d’abord due à leur position objective1 J.S.Mill, « De l’assujettissement des femmes », 1869, Éditions Avatar (1992).


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ment inférieure, qui rend forcément la subversion ouverte plus ardue. L’une des raisons pour lesquelles les femmes ne se Mill ajoute que, si les femmes sont soulèvent pas en aussi peu enclines à se rebeller, c’est tant que groupe aussi à cause de l’education à la pas- opprimé réside sivite qu’on leur inflige depuis leur ainsi dans le pouenfance. voir objectif des hommes sur leur Cette passivite s’expliquerait aussi vie. par une socialisation leur enseignant qu’elles doivent avant tout plaire aux Si ce pouvoir était hommes et, à cette fin, les soutenir, bien entendu très les encourager et les choyer, plutôt prégnant à une que les combattre. époque où les femmes dépendaient des hommes pour le moindre acte posé, il persiste sous des formes plus tamisées et moins assumées.

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partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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La sous-estimation du féminin « Nous sommes conditionnées car les valeurs du féminin ont été dévalorisées. Avant c’était très simple : le « féminin » appartenait aux femmes et le « masculin » aux hommes. Aujourd’hui ce qui est nouveau c’est que les femmes n’ont plus le monopole du féminin et les hommes n’ont plus le monopole du masculin, ce qui provoque beaucoup de confusion.

Nous sommes obligés tous, homme ou femme, d’être homme et femme à la fois. Le problème est que nous avons dû adopter les valeurs masculines pour faire notre place dans la société, or, ces valeurs étaient perverties dans la mesure où elles étaient très méprisantes envers le féminin. Nous sommes tombées dans le même travers, nous avons adopté les valeurs du masculin coupées du féminin qui donnent un masculin hypertrophié. Les valeurs du masculin sont les valeurs de l’absolu : il faut être parfait. Les valeurs du féminin sont les valeurs du relatif, on a le droit d’être vulnérable. Les mots vulnérabilité, passivité, dépendance sont devenus des insultes. Pourtant, le féminin est aussi éminent que le masculin. On a oublié la puissance qui se cache derrière la vulnérabilité, la passivité, et même derrière la dépendance. » 1

Valérie COLIN-SIMARD

1 Valérie COLIN-SIMARD, « Quand les femmes s’éveilleront ... Oser le féminin», (Albin Michel, 2008)


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n a bien l’idée, chez Valérie Colin-Simard, que quelque soit son statut, son métier ou sa fonction, tout ce que fait une femme a traditionnellement moins de valeur que ce que fait un homme. Ce n’est donc pas étonnant de retrouver des inégalités de genre au sein même de l’éduToutes les traditions spirituelles cation nationale, nous disent que le feminin est aussi l’environnement soimportant que le masculin et que s’il cio-culturel de l’eny a desequilibre, cela provoque de fant étant imprégné gros degâts psychiques et même phy- de ce déséquilibre et siques concrets. de préjugés.

O

Donc il est urgent aujourd’hui de rehabiliter et de revaloriser le feminin.

C’est bien entendu l’équilibre entre les valeurs du masculin et du féminin qui peut ramener l’équilibre dans notre société gravement déséquilibrée. Il y a de multiples signaux d’alertes comme la consommation massive d’antidépresseurs et d’anxiolitiques ou l’état écologique de la terre. A travers la psycho-

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partie 2

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logie, j’ai voulu donner un éclairage, une grille de lecture du monde. On a libéré la femme dans la société. Sur le principe, nous sommes d’accord que la femme sait faire aussi bien que l’homme si ce n’est mieux, les chiffres montrent que la présence de femmes dans les comités de direction provoque en moyenne 30% de bénéfices supplémentaires par comparaison avec des entreprises moins féminisées ; mais on n’a pas encore libéré le féminin. Le féminin est tout autant dévalorisé qu’avant. Les femmes oui, mais à condition qu’elles agissent comme des hommes. Souvent nous sommes obligés de passer par les extrêmes avant de trouver le juste milieu. La prochaine étape pour nous est d’arriver à trouver l’équilibre entre les deux facettes de notre être.


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Était-ce un passage obligé, une sorte

D'OPPOSITION

DES EXTREMES avant un retour à

PLUS D'EQUILIBRE ENTRE LE

FEMININ ET LE

MASCULIN ?

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partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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Le féminisme était en lutte

contre

L’homme, Le féminin se fera

AVEC

LUI.


normes transmises par l’ecole

« Le mouvement féministe a permis aux femmes de se réapproprier des valeurs totalement dévolues aux hommes, mais ce, au détriment des valeurs féminines qu’elles ont occultées pour pouvoir conquérir des positions sociales. Le temps est venu de mettre en avant les valeurs du féminin afin de trouver un équilibre profitable à tous : - Mettre de l’émotion dans l’intellect pour atteindre une finesse d’analyse ; - Mettre de la vulnérabilité dans la force pour obtenir la fermeté ; - Mettre de l’intériorité dans l’action pour donner du sens à l’activité. » Valérie Colin-Simard

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partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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2 . B

LES INEGALITES DE GENRE

dans

LES OUTILS PEDAGOGIQUES,

LES PRATIQUES EDUCATIVES et

LA SOCIALISATION SCOLAIRE.


normes transmises par l’ecole

es progrès de la scolarisation des filles, depuis le début du XXe siècle et plus encore depuis les années 1960, sont incontestables.

L

Au point que celles-ci font aujourd’hui en moyenne une demi-année d’études de plus que les garçons et qu’elles obtiennent majoritairement un diplôme plus élevé. L’introduction de la mixité obligatoire en 1975 dans tous les établissements publics d’éducaUn système de valeurs et de represen- tion, la parution de tations inculque aux enfants qu’ils nombreux textes, doivent, selon qu’ils sont des filles ou notamment depuis les années 1980, des garçons. pour favoriser Ils priviligent certaines manières l’égalité entre filles de penser et d’interagir, adopter des et garçons à l’école, traits de personnalite specifiques et ainsi que la mise en même choisir certaines options et place du principe de choix «  libre disciplines scolaires. et éclairé » des filières et des orientations par les élèves laissent penser que cette égalité s’est instaurée partout.

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I UN ENSEIGNEMENT SEXUÉ AU QUOTIDIEN

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partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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Entretenue par l’institution scolaire elle-même, cette catégorisation signale que l’école n’a pas un simple rôle de transmission des connaissances. Elle demeure à bien des égards un lieu d’apprentissage de comportements sexués figés, qui reflète les rôles sociaux traditionnels des hommes et des femmes à l’âge adulte.

le sexisme de la litterature educative et des programmes

Néanmoins, dès l’école pré-élémentaire, on constate une catégorisation très marquée entre les filles et les garçons, que ce soit sur le plan de leur socialisation (sociabilité juvénile codifiée, occupation inégalitaire de l’espace de cours ou de récréation), et de l’attitude des personnels (comportements attendus et tolérés des élèves selon leur sexe), - que nous avons explorés précédemment - mais aussi des contenus des enseignements et des apprentissages (manuels et littérature scolaire, activités, jeux pour les plus petits). algré une évolution qui, ces dernières années, va dans le sens de l’égalité et qui a été rendue possible par plusieurs travaux de recherche et par la mobilisation de certains acteurs associatifs et politiques, les livres, les manuels mais aussi les programmes scolaires restent fortement prisonniers des stéréotypes de genre.

M


normes transmises par l’ecole

Les mises en scène de la place des filles et des garçons, des femmes et des hommes dans la société restent normées et traditionnelles3, 4 (  absence de parité, partage inégal des « Tout ce qui a été écrit par les tâches domestiques et parentales, hommes sur les femmes déséquilibre entre les métiers dits « fédoit être suspect, minins» et « masculins » ), notamment car ils sont à la fois juge et partie. » du fait de résistances structurelles Simone De Beauvoir ou idéologiques.

savoirs scolaires masculinistes D’autre part, alors que l’institution scolaire a pour principale mission la transmission des savoirs, les enseignants appliquent des programmes et utilisent des manuels qu’on pourrait qualifier de masculinistes.

e « masculinisme », selon la définition de Michèle Le Doeuff, dans « L’étude et le Rouet », est « ce particularisme qui non seulement n’envisage que l’histoire ou la vie sociale des hommes mais encore double cette limitation d’une affirmation ( il n’y a qu’eux qui comptent et leur point de vue ) » ( p.55). Dans les savoirs scolaires, les femmes sont invisibles dans les sciences, dans l’histoire, la vie sociale et la culture ; ainsi ils tendent à

L

3 Sinigaglia Amadio S. (2011), « Le genre dans les manuels scolaires français.» 4 «Des représentations stéréotypées et discriminatoires », in Cromer S. et Hassani-Idrissi M. (coord.), « Valeurs, représentations et stéréotypes dans les manuels scolaires de la Méditerranée », Tréma, n° 35-36, p. 99-112.

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I UN ENSEIGNEMENT SEXUÉ AU QUOTIDIEN

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partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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persuader les élèves, filles et garçons, que les femmes n’y ont pas de réelle importance. Les garçons ont de nombreux modèles identificatoires, on cite beaucoup de « grands hommes « mais pas - ou très peu - de « grandes femmes ». Les filles, manquant de modèles de leur sexe, risquent d’avoir du mal à imaginer qu’elles pourraient apporter une contribution personnelle à un domaine de pratique sociale ou politique ou à la culture, la science ou l’art. Et - plus grave encore - les garçons de leur côté sont confortés dans leur conviction que les hommes sont supérieurs aux femmes, puisqu’il y a de nombreux « grands hommes » ou « héros culturels » et pas de « grandes femmes  » ou d’ «  héroïnes culturelles ». Et cette conviction les met, surtout ceux qui ne réussissent pas à l’école,


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dans des contradictions insolubles, puisque leur supposée supériorité ne se traduit pas par une supériorité intellectuelle sur les filles de la classe. Leurs modes de défense sont de déCette education scolaire est probavaluer les savoirs blement aussi dommageable pour scolaires et tout ce les garçons que pour les filles. qui est intellectuel et de se rebeller contre Cela les conforte dans la conviction l’école. de leur superiorite que toute l’organ somme, filles nisation sociale, sinon leur educaet garçons aption, tend à leur inculquer. prennent ainsi que les filles et les femmes sont moins « intéressantes » et moins importantes que les garçons et les hommes, puisqu’elles ont si peu d’importance dans les savoirs et les manuels, et qu’il est donc légitime qu’elles aient une place secondaire comme elles ont une place secondaire dans la classe.

E

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I UN ENSEIGNEMENT SEXUÉ AU QUOTIDIEN

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partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

80

de la

mixite à

l'egalite « Il n’est nullement question de faire gouverner la société par les femmes mais bien de savoir si elle ne serait pas mieux gouvernée par les hommes et par les femmes. ». John Stuart Mill


normes transmises par l’ecole

es grandes changements qui devront s’opérer (qui sont également des axes de mon projet) sont l’apprentissage à critiquer les stéréotypes sexistes, la valorisation du rôle des femmes dans les contenus d’enseignement et leur transmission, la gestion des relations entre garçons et filles en appliquant la convention de 2006 sur le resLes consciences commencent à pect entre filles et s’aperçevoir que la mixite ne suffit garçons, le rééquiplus à realiser pleinement l’egalite librage des interacdes sexes à l’ecole. tions dans la classe et la formation des enseignants au programme pour l’égalité entre les sexes.

L

Il ne faut pas négliger, certes, l’immense progrès que la mixité représente, par rapport à une situation antérieure de ségrégation des sexes qui aboutissait à plus d’inégalités encore face aux savoirs. Mais tant qu’on laisse jouer les méca-

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I DE LA MIXITÉ À L’ÉGALITÉ

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partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

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nismes spontanés dans la vie scolaire quotidienne, les rapports sociaux de sexe, tels qu’ils existent dans l’ensemble de la société, tendent à se perpétuer. Cependant un certain nombre d’enseignants aujourd’hui sont sensibilisés à ces questions et tentent de changer leurs pratiques vers plus d’égalité. Ils ne font d’ailleurs qu’appliquer les textes officiels qui leur demandent d’œuvrer en ce sens. On peut seulement déplorer que ces textes soient si peu connus et par conséquent si peu appliqués. Ainsi - en tant que designer graphique - je peux collaborer avec les enseignants, afin de leur proposer des outils et des supports pédagogiques afin d’appliquer le programme pour l’égalité fille-garçon, questionner l’enseignant sur ces propres pratiques afin d’éveiller le regard critique des élèves.


tentatives de deconstruction

2 . b

TENTATIVES de

DECONSTRUCTION

TENTATIVES DE DÉCONSTRUCTION I INTRODUCTION

83


partie 2

C’EST QUOI TON GENRE? I LE GENRE À L’ÉCOLE

84

DECONSTRUIRE ce n’est pas

'' DETRUIRE. Judith Butler


tentatives de deconstruction

les bonnes raisons

d’en parler aux

enfants l’egalite entre les sexes est loin d’être realisee

1.

’ils baignent dans un milieu favorisé où les parents se partagent les tâches ménagères et travaillent tous les deux, où les modèles familiaux ne sont pas traditionnels, les enfants peuvent avoir l’illusion que l’égalité des sexes est réalisée, et qu’il est inutile d’en parler.

S

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Ces enfants-là ont de la chance, mais ils sont peu nombreux au regard des statistiques sur les écarts salariaux entre hommes et femmes ou le temps passé aux tâches domestiques. Surtout, ces enfants n’ont pas conscience que le sexisme est plus insidieux, qu’il se glisse dans nos attitudes, nos représentations et qu’il induit des inégalités.

les inegalites ne sont pas d’origine biologique

2.

n évoque souvent un ordre « naturel », la biologie, pour justifier les inégalités, ce qui conduit à les considérer comme une fatalité.

O

« Si la nature l’a voulu ainsi, alors on ne peut rien y changer ! ». Cette forme de désenchantement est grave, elle mine la société et atteint même les enfants, qui devraient pourtant être les moteurs du changement.


tentatives de deconstruction

Faire comprendre que ces inégalités ne sont pas innées mais construites permet de donner aux enfants les outils pour les combattre.

3.

valoriser les filles

duquer à l’égalité, lutter contre les stéréotypes liés à l’identité sexuée permettent de mettre davantage les filles en avant, dans toutes leurs dimensions, et pas seulement dans celles de « bonnes élèves » et futures mère parfaites.

E

Cela permet de corriger une orientation scolaire encore très dépendante des rôles traditionnellement attribués aux hommes et aux femmes.

4.

laisser s’epanouir les garçons

’égalité, c’est important également pour les garçons. L’institution scolaire attend davantage d’eux, et lorsqu’ils ne sont pas à la hauteur, ils peuvent s’enfermer dans le rejet de l’école.

L

Rééquilibrer les rapports entre filles et

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partie 2

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garçons en classe est bénéfique aussi pour eux. Et leur permettre de s’intéresser aux activités ou aux matières dites « féminines », c’est leur ouvrir au maximum le champ des possibles.

5.

mettre fin à la guerre des sexes

’égalité permet de ne plus penser les rapports entre hommes et femmes comme de la rivalité, car il n’y a pas d’égalité sans respect.

L

Cela suppose d’accepter d’abandonner certains privilèges, mais les hommes gagnent en retour de ne plus être obligés de se conformer au modèle de performance que leur impose la société. Attention cependant à ne pas tomber dans une soi-disant complémentarité : celle-ci cantonne les femmes dans des rôles attitrés.


tentatives de deconstruction

6.

prevenir le harcèlement

duquer à l’égalité et à la sexualité permet de prévenir le harcèlement sexiste dans le cadre scolaire ou amical : contre les filles, mais aussi contre les garçons qui ne se conforment pas aux clichés liés au masculin.

E

Il s’agit des filles « garçonnes », des garçons dits « éfféminés » et de ceux et celles qui ne répondent pas aux canons de beauté sexistes.

7.

prevenir les violences

ernière bonne raison, la plus importante, parler d’égalité dans la relation homme-femme permet de prévenir les violences, les agressions sexuelles et les viols.

D

C’est la domination d’un individu sur l’autre qui est à l’origine des violences. Une société où prime l’égalité est, par définition, moins violente.

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Prise de

conscience (INDUSTRIE, MÉDIAS, LITTÉRATURE JEUNESSE (bande dessinés, livres illustrés...) ET INSTITUTIONS SCOLAIRES)

l y existe une réelle prise de conscience dans les médias, sur les réseaux sociaux et internet.

I

De nombreuses réactions, beaucoup d’articles, ainsi que des projets commencent à agir contre la consternation contemplative qu’il existe autour de ces inégalités.


tentatives de deconstruction

Nous avons vu l’exemple de la mise en place d’un nouveau système pédagogique en Suède, mais il existe d’autres manières d’intervenir sur l’environnement culturel de l’enfant. Certaines entreprises de jouets tel que GoldieBox présentent des jouets reprenant tout ce qui n’est réservé qu’aux garçons dans l’industrie du jouet pour le proposer aux filles.

2013

Affiche pour Egalia

2014 Feminist Frequency

On peut également noter de nombreuses vidéos critiquant, expliquant le sexisme au sein des médias, qui permettent de comprendre simplement comment certains stéréotypes sont reproduits insidieusement dans notre quotidien. En france, des sites proposant des outils pédagogiques, comme sur Canopé, afin d’aider l’enseignant à parler d’égalité au sein de sa classe. La littérature pour enfants reste for-

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partie 2

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tement imprégnée de stéréotypes sexistes. Il n’y a plus beaucoup d’ouvrages où la maman fait la Mais malgre tout, les stereotypes per- vaisselle pendant durent car le masculin est toujours que le papa lit son mis en avant, il est toujours mieux à journal dans le même de representer l’universel. fauteuil. Cependant, les personnages d’enfants sont de moins en moins clivés, contrairement à ceux des adultes. Les rôles des filles et des garçons sont beaucoup plus interchangeables qu’auparavant. Une nouveau mouvement de littérature non sexiste s’installe, comme s’il sagissait d’une littérature haut de gamme qui propose de nouvelles images aux enfants, déconstruit celles qui auraient eu tendance à fabriquer une forme de déterminisme.1 1 http://rue89.nouvelobs.com/rue69/2011/08/17/des-livres-jeunesse-nonsexistes-pour-tordre-les-cliches-a-la-racine-218159


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C CONCLUSION Malgré des avancées historiques, sociétales et législatives, il reste du chemin à parcourir pour que l’égalité des chances entre les filles et les garçons devienne une réalité.

rendre en compte la dimension de l’égalité entre les sexes implique de modifier profondément notre façon de penser et de voir le monde, de le structurer. L’égalité interroge nos représentations, nos valeurs, nos croyances. Elle remet en question nos définitions du genre, des rôles sociaux et professionnels, de l’identité.

P

La question de l’égalité a trait aux valeurs véhiculées dans les médias, la culture, le système éducatif et la société dans son ensemble. Finalement, travailler sur la question de l’égalité-mixité est complexe car cela implique de modifier ce qu’il y a de plus profondément ancré en nous : nos stéréotypes.


Certes, il est important de donner des repères à l’enfant afin qu’il puisse s’épanouir, on pourrait même se demander s’il est légitime de changer les stéréotypes qui lui les lui donnent. Ils contribuent à la Cependant, nous avons pu observer persistance des inéque ces stereotypes constituent des galités en influant sur obstacles à la realisation des choix les choix des filières individuels, tant des hommes que d’éducation, de formation ou d’emploi, des femmes. sur la participation aux tâches domestiques et familiales et sur la représentation aux postes décisionnels. C’est pourquoi il est nécessaire d’intervenir auprès des enseignants, afin de leur permettre de prendre conscience de ces inégalités et d’avoir les outils nécessaires pour initier l’égalité garçons-filles à l’école.

LES NORMES TRANSMISES PAR L’ÉCOLE I INTRODUCTION

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partie 2

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fin de partie


34 97 53


partie 2

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bibliographie

le genre en contexte scolaire représentations de genre :

•Laure Mistral, « La fabrique de filles : Comment se reproduisent les stéréotypes et les discriminations sexuelles » , éditions Syros jeunesse, Amnesty International, 2010. •Nicole Lucas, « Dire l’histoire des femmes à l’école : les représentations du genre en contexte scolaire » Paris, A. Colin, 2009. •MarieDuru-Bellat, « L’Ecole des filles : quelle formation pour quels rôles sociaux ? », éditions L’Harmattan, 2006 •Françoise et Claude Lelièvre, « L’histoire des femmes publiques contée aux enfants », PUF - sciences sociales et sociétés, 2001. •Nicole Lucas, « Dire l’histoire des femmes à l’école : les représentations du genre en contexte scolaire », Paris, éditions A. Colin, 2009. •Jessie Magana, « Comment parler de l’égalité filles-garçons aux enfants », éditions Le Baron Perché, 2014.

outils scolaires :

•Carole Brugeilles, Sylvie Cromer, « Comment promouvoir l’égalité entre les sexes par les manuels scolaires : Guide méthodologique à l’attention des acteurs et actrices de la chaîne du manuel scolaire », UNESCO, Division pour la promotion de l’éducation de base, Paris 2008. •Virginie Houadec, Michèle Babillot, « 50 activités pour l’égalité filles - garçons », éditions CRDP de Midi-Pyrénées, 2008 . •Tisserant P., Wagner A.L., « Les stéréotypes et les discriminations liés au genre dans les manuels scolaires - Place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires. », 2007.

interactions sociales :

•Nicole Lucas, « Dire l’histoire des femmes à l’école : les représentations du genre en contexte scolaire », éditions Armand Colin, 2009. •Collectif, « Filles et garçons à l’école », Cahiers pédagogiques, IREA-SGEN-CFDT, Le manuscrit, 2012. •Anne Dafflon Novelle, « Filles-garçons : socialisation différenciée ? » Presses universitaires de Grenoble, 2006. •Michael Gurian, « Ce qu’il y a de formidable chez les garçons : mieux les comprendre », Éditions Albin Michel, 2002.


bilibliographie - sitographie

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le combat pour l’égalité :

•« Les chiffres clés de l’égalité entre les femmes et les hommes », publication du Service des Droits des Femmes et de l’Egalité, 2002. •« Les dates clés de l’égalité entre les femmes et les hommes », publication du Service des Droits des Femmes et de l’Egalité, 2002.

sitographie

le genre en contexte scolaire représentations de genre :

•http://rue89.nouvelobs.com/rue69/2011/08/17/des-livresjeunesse-non-sexistes-pour-tordre-les-cliches-a-la-racine-218159

outils scolaires :

•http://www.rencontresludiques.org/index.php/jouets-jeuxet-genre-pour-une-education-non-sexiste •http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/RM2012-151P_egalite_ fille_garcon_petite_enfance.pdf •http://www.reseau-canope.fr/outils-egalite-filles-garcons. html

interactions sociales :

•http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/12/12/anormale-ou-en-6e-les-filles-sont-mieux-notees-en-sciencesque-les-garcons_4539154_4355770.html

le combat pour l’égalité :

•http://femmes.gouv.fr/le-ministere-2/chronologie-des-dispositions-en-faveur-de-legalite-des-femmes-et-des-hommes/ • http://www.courrierinternational.com/article/2012/03/01/legalite-des-sexes-des-le-plus-jeune-age




Comment les normes et inegalites - ainsi que leurs conséquences se manifestent dans l’ environnement socio-culturel de l’elève? Cette deuxième partie rapelle quelques faits historiques pour comprendre comment la domination masculine et le patriarcat se sont mis en place. Afin de nous interrroger sur la meilleure manière d’aborder l’égalité garçons-filles avec les enfants, cette partie propose des pistes pour revendiquer l’égalité et étudie celles déja mises en place.

GENRE I IDENTITÉ SEXUELLE I FÉMININ-MASCULIN I STÉRÉOTYPES I RÔLE SOCIAL

I LYCÉE LE CORBUSIER I MÉMOIRE DE DESIGN GRAPHIQUE I 2015 I

Quels sont les enjeux des debats autour du genre dans l’institution scolaire ?


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