EDM Magazine n°168

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Enfants du Mékong N°168 JUIN JUILLET 2011 2,40 €

MAGAZINE

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A S I A T I Q U E

Un an d'action en Asie

LAOS Riz contre hévéa www.enfantsdumekong.com


> Sommaire n°168 Éditorial De notre mieux…

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Points chauds Laos Riz contre hévéa

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Regards sur l’Asie Asie du Sud-Est En bref Philippines Le « Crésus d’Inayawan »

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Agir Notre action en 2010 En direct Témoignage

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Un idéal, des V’idéaux…

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Écoliers solidaires Dessine-moi… le monde en 2020

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Portrait « Tout le monde y croit et s’implique »

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Nos délégations Agenda, échos, annonces

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Courrier

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Découvrir Chronique d’Asie Baphuon : le puzzle reconstitué

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Livres

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20 Rédaction MAGAZINE 5, rue de la Comète 92600 Asnières-sur-Seine • Tél. : 01 47 91 00 84 • Fax : 01 47 33 40 44 • Fondateur René Péchard (†) • Directeur de la publication François Foucart • Rédacteur en chef Geoffroy Caillet • Rédacteur Jean-Matthieu Gautier • Couverture Au Vietnam © esprit-photo Maquette Florence Vandermarlière • Impression Éditions C.L.D. 91, rue du Maréchal-Juin 49000 Angers • Tél. : 02 47 28 20 68 • I.S.S.N. : 0222-6375 Commission Paritaire n° 1111G80989 • Dépôt légal n° 910514 • Tirage du n°168 : 25 000 exemplaires • Publication bimestrielle éditée par l’association Enfants du Mékong • Président François Foucart • Présidente d’honneur Françoise Texier • Directeur général Yves Meaudre Abonnement (1 an, 5 numéros) : 12 euros

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> Éditorial

De notre mieux… L

e milieu de l’année est toujours l’occasion de faire le point sur la vie de notre association, en en rappelant très simplement le but : l’aide à l’enfant pauvre et souffrant d’Asie du Sud-Est. Avouons tout de suite que si les besoins demeurent immenses, les difficultés financières en Occident sont maintenant sensibles… et voilà pourquoi nous avons vraiment besoin de votre amitié, de votre aide ! Les points positifs sont nombreux : en 2010 nous avons inauguré à Phnom Penh et grâce à la générosité de M. Alain Mérieux le vaste Centre Docteur Christophe Mérieux. Au Cambodge toujours, le développement de l’association est important grâce, notamment, à notre cher Martin Maindiaux, et nous sommes même désormais partenaires officiels du ministère de l’Éducation. Partout ailleurs, nous continuons à bâtir écoles, foyers d’accueil et centres de soutien scolaire, avec 43 volontaires Bambous en poste. Nous avons aussi lancé officiellement (avec l’envoi en mission d’un volontaire aux Philippines) « EDM – Entreprendre », développement d’un entreprenariat local. Cela dit, vous constaterez en lisant les reportages publiés dans ce numéro que nous sommes, chaque jour, face à des situations locales très difficiles et que, faute de pouvoir changer la nature – y compris politique – des choses, nous ne pouvons qu’être là pour aider, tendre la main, faire « de notre mieux » (comme les louveteaux !). Et je suis bien fier que la présence française se manifeste de cette façon. Vous lirez qu’au Laos, pauvres par nature, des paysans le deviennent plus encore en étant contraints de vendre leurs terres à des sociétés vietnamiennes. Quand le communisme se fait capitalisme sans états d’âme… Nous évoquons aussi, parce que c’est hallucinant, ces populations nichées dans les ordures comme des troglodytes de la misère, enfants compris bien sûr : ici, il s’agit de la décharge de Cebu, aux Philippines, mais il y a aussi la Smoky Mountain à Manille (je l’ai vue), il y a Phnom Penh, Le Caire, il y en a sur toute la planète… D’autres que nous font un très beau travail, mais nous sommes là, nous aussi, pour essayer d’apporter un peu d’humanité à ce monde cruel. Merci, encore et toujours, pour votre aide, pour nos enfants d’Asie… François Foucart Président d’Enfants du Mékong

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Points chauds > Laos

Laos : riz contre hévéa Dans le sud du LAOS Laos, les Vientiane paysans se trouvent contraints ok de vendre leurs terres à des sociétés vietnamiennes qui y pratiquent une hévéaculture intensive. 200 Km

VIETNAM Hanoï

Golfe du Tonkin

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THAÏLANDE Oudomsouk ●

● Pakxé

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CAMBODGE

Texte et photos : Geoffroy Caillet

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’air désolé, Sounthone contemple l’alignement des troncs grêles des deux côtés de la piste de latérite, long serpentin sanguinolent qui tranche sur les feuillages verts. Depuis Paksé, la principale ville du sud du Laos, c’est le même décor à perte de vue. Un paysage que les habitants du district de Bah Tieng ont dû se résoudre à accepter comme le symbole d’un nouveau mode de vie, dicté par l’irruption des forêts d’hévéas.

Toile d’araignée À 50 ans, Sounthone se souvient du temps où il pratiquait la culture du riz sur brûlis. Une pratique découragée par le gouvernement laotien pour ses conséquences néfastes sur la forêt et les sols, mais encore pratiquée par de nombreuses populations, surtout monMAGAZINE


Une équipe d’ouvriers laotiens en route pour les plantations.

tagnardes. Son manque de rentabilité l’avait de toute façon décidé à l’abandonner pour d’autres cultures. « Ici je cultivais du café, et là de l’aréquier [un palmier dont on chique l’écorce] », dit-il en désignant des parcelles qui lui appartenaient il y a encore peu. Pour lui comme pour les autres habitants du village d’Oudomsouk, tout a commencé en 2005, lorsque le gouvernement a attribué la concession de plusieurs dizaines de milliers d’hectares de terre à trois sociétés vietnamiennes. Charge à elles de négocier leur rachat aux propriétaires. À Oudomsouk, le procédé employé fait l’effet d’une toile d’araignée. Une par une, les parcelles

ont été littéralement grignotées par les entrepreneurs au fur et à mesure du défrichage des cultures existantes et de la plantation des hévéas. Comme tous les villageois, Sounthone a dû se résoudre à vendre un par un ses huit hectares, désormais une part infime de cet immense empire. Aujourd’hui, Oudomsouk ne possède plus que 5% de son ancienne surface cultivable. Seuls les terrains accidentés, trop difficiles à exploiter, n’ont pas trouvé preneur. De l’autre côté de la rivière qui traverse le village, tous les autres sont couverts de plants d’hévéas. En décidant de s’installer ici, les Vietnamiens savaient ce qu’ils faisaient : « Au sud de Paksé, la terre est trop

28 000 250 000

hectares d’hévéas plantés au Laos en 2007 MAGAZINE

hectares d’hévéas plantés au Laos en 2010

sablonneuse. Ici elle est volcanique et riche, spécialement pour les hévéas et les arbres fruitiers », souligne Sounthone, une lueur de fierté dans le regard en évoquant sa richesse perdue.

« Négociation » Pas perdue pour tous, si l’on en juge par la faiblesse du prix auquel la société la plus importante, qui a obtenu une DÉFORESTATION Le choix du gouvernement laotien de favoriser la plantation d’hévéas contredit sa volonté affichée de préserver les forêts du pays, dont la disparition inquiétante a été évoquée à Vientiane le 2 juin dernier lors d’un séminaire sur les forêts et l’environnement. En effet, l’hévéa est un arbre particulièrement consommateur des ressources du sol. Rapidement épuisé, celui-ci ne peut supporter une seconde plantation. De nouvelles terres doivent alors être défrichées, aggravant ainsi la déforestation.

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Points chauds > Laos concession de 10 000 hectares, a négocié l’achat des terres à Oudomsouk. Une négociation qui flirte avec la spoliation : 1,5 million de kips par hectare de café, 600 000 kips par hectare de bois et 175 000 kips en moyenne par hectare de rizière, soit respectivement 132, 52 et 15 euros… Pour parvenir rapidement à une exploitation intensive de l’hévéa, les entrepreneurs mettent les bouchées doubles. Tous les moyens sont bons, y compris

l’appropriation hâtive de certaines parcelles. Sounthone secoue la tête : « Les plus petites, qui n’avaient pas encore été vendues, ont été déboisées en cachette à l’occasion d’un défrichage plus important… » Au chapitre des moyens de persuasion officiels, les perspectives de salaires mirobolants ont succédé aux dédommagements dérisoires. Appuyées par le gouvernement, les sociétés ont promis aux anciens propriétaires un tra-

« Aujourd’hui, nous sommes devenus des étrangers sur nos propres terres. » Pour les paysans laotiens, l’abandon des cultures vivrières est lourd de conséquences.

vail d’ouvrier dans les forêts d’hévéas pour 1,5 million de kips par mois, soit 89 euros. Une espérance vite déçue. « Au début, il y avait beaucoup de travail, reprend Sounthone, car il fallait défricher. Mais maintenant, il n’y a plus grand-chose à faire et il faut attendre entre sept et dix ans pour pouvoir récolter le latex. Alors la paie est retombée à 200 ou 300 000 kips [soit 26 euros] au maximum. » Difficulté supplémentaire : seuls les hommes de 18 à 40 ans sont acceptés comme ouvriers. Lorsque l’entretien des plants demande de la main-d’œuvre, Sang, le fils de Sounthone, peut travailler comme journalier pour 25 000 kips par jour. Mais la situation est cruelle pour Sonexay, son père, qui, à 60 ans, se retrouve interdit de travail sur ses anciennes terres. Un emploi qui serait pourtant bienvenu pour gagner le complément nécessaire à acheter le riz qu’il ne peut plus produire. Cette année, le sac de 50 kilos est passé de MAGAZINE


Plusieurs dizaines de milliers d’hectares de cultures ont été défrichés au profit des hévéas dans la région d’Oudomsouk.

200 000 à 350 000 kips. Ketsana, un voisin, s’est endetté de 7 millions de kips pour faire vivre les siens.

Étrangers sur leurs propres terres Sur le bord de la route, un groupe d’hommes marchent en rang d’oignon. « Des Vietnamiens », reconnaît Sounthone à leur conversation. Quelques mètres plus loin, un panneau rédigé dans la langue d’Ho Chi Minh signale les bureaux d’une des trois sociétés établies ici. Pour le Vietnam, pratiquer l’entrisme économique au Laos est un jeu d’enfant. Il peut s’appuyer sur un réseau de Vietnamiens installés là au temps du protectorat français. Négociants de père en fils, ils ont gardé avec leur pays d’origine des connections étroites qui facilitent rapprochements et échanges. Mais c’est au gouvernement laotien que son grand frère de toujours doit surtout, comme la Chine au nord du pays, de pouvoir pratiquer l’hévéaculture MAGAZINE

intensive. La manne juteuse qu’il tire des concessions octroyées contraste avec les contreparties minimes dont bénéficie la population d’Oudomsouk. Sans parler de la dépendance alimentaire à laquelle l’abandon des cultures vivrières expose un peu plus le pays. Beleng, le voisin de Sounthone, parle de plans quinquennaux de développement de la région auxquels s’est engagée la partie vietnamienne. Parmi les mesures effectives, l’électrification de plusieurs villages de la région, dûment signalée par des panneaux vantant une « mise en œuvre de soutien » des sociétés exploitantes. Pourtant, le discours de persuasion des autorités ne convainc plus personne ici : « On nous a dit que nos cultures ne servaient à rien, alors que l’hévéa aidera au développement de la région », se rappelle Sounthone sans y croire. Un manque de volonté politique qui ne passe plus dans un pays à l’agriculture archaïque et au développement écono-

mique balbutiant. « Avant, on n’avait pas beaucoup d’argent mais on pouvait vendre du café et récolter un peu de riz », conclut Sounthone avant de reprendre : « Aujourd’hui, nous sommes devenus des étrangers sur nos propres terres. » ■

RÉGLEMENTATION ? Le ministère laotien de l’agriculture et des forêts a annoncé sa décision de mettre en place une réglementation sur les concessions privées, d’identifier les zones les plus favorables à l’hévéaculture et de développer des mesures d’accompagnement pour l’hévéaculture familiale (titres fonciers, réglementation sur les associations de producteurs…), qui ne représente aujourd’hui que 23% des surfaces d’hévéas.

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Regards sur l’Asie > Asie du Sud-Est

fermeture des camps ? 200 Km

LAOS g on ék

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Vientiane

THAÏLANDE Bangkok CAMBODGE

Le gouvernement thaïlandais a annoncé son intention de fermer les camps de réfugiés sur son territoire. Par Geoffroy Caillet

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ême furtive, la nouvelle n’est pas passée inaperçue des ONG comme Enfants du Mékong, dont l’action a été modelée pendant plus de 15 ans par l’histoire tragique des réfugiés. Début avril, le secrétaire général du Conseil de sécurité de Thaïlande a fait part du projet du gouvernement thaïlandais de mettre fin au système des camps établis le long de sa frontière avec la Birmanie. « Nous avons discuté avec le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) d’un plan pour fermer tous les camps en Thaïlande et les rapatrier en Birmanie », a déclaré Tawin Pleansri, en ajoutant : « Ils vivent en Thaïlande depuis plus de vingt ans et ils sont devenus un fardeau pour nous. » Pour la plupart membres de la minorité Phnom Penh

Golfe de Golfe de Thaïlande Thaïlande

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karen, les quelque 142 000 réfugiés recensés par le Thailand Burma Border Consortium (TBBC) au début de l’année ont fui la Birmanie pour échapper aux persécutions menées contre eux par l’armée.

De nouveaux logements pour les « réfugiés d’Indochine »

A

près 56 ans, il était tout de même temps. C’est bien l’avis d’une centaine d’habitants de Sainte-Livrade-sur-Lot, qui viennent d’emménager dans 32 logements neufs au lieu dit le Moulin du Clos, proche de ce village de 6 000 habitants de Lot-et-Garonne. Une simple opération de relogement ? Pas vraiment. Ces habitants sont les derniers des 30 000 rapatriés d’Indochine, arrivés en métropole après la chute de Dien Bien Phu, en 1954. Accueillis « provisoirement » au Centre d’accueil des Français d’Indochine (CAFI), 1 200 d’entre eux – couples franco-vietnamiens, veuves de soldats et de fonctionnaires français – y ont vécu depuis tout ce temps dans des baraquements aux toits de tôle ondulée. Un camp rudimentaire aux allures sinistres. Même bâtis à proximité immédiate des baraquements, les nouveaux logements (24 T3 et 8 T2) n’épargnent pas désormais un peu de nostalgie aux habitants les plus âgés. Difficile de quitter à 90 ans la maison de toute une vie. Mais le confort d’un chauffage digne de ce nom et l’agrément d’un jardin restent une bonne nouvelle pour les habitants de Sainte-Livrade. Grâce à eux flotte toujours un parfum d’Indochine dans ce petit coin de Lot-et-Garonne. ■ G.C. 8 ❚ N°168 ❚ JUIN - JUILLET 2011

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Thaïlande : vers une

Pour Arnaud Dubus, correspondant de Rfi à Bangkok, cette annonce – qui fait suite à une rencontre du premier ministre thaïlandais et des chefs birmans – « vise surtout à tester la réaction internationale », ce qui explique l’absence de calendrier encadrant l’opération. L’inquiétude des réfugiés et des ONG est en tout cas palpable. Et pour cause : le sort des 4 500 Hmongs rapatriés au Laos par l’armée thaïlandaise en 2010 est resté inconnu. Il laisse donc craindre le pire pour les réfugiés karens s’ils devaient retourner de force en Birmanie. ■

MékongExpress LES HMONGS DU VIETNAM MUSELÉS PAR LE RÉGIME 63 morts et plus de 1 000 prisonniers : ce serait le bilan des affrontements qui ont opposé la police militaire vietnamienne à des membres de la communauté hmong le 30 avril dernier dans la province de Dien Bien, dans le nordouest du Vietnam. Selon la version officielle émise par les autorités et la presse vietnamienne, les Hmongs se seraient rassemblés ce jour-là afin de créer un royaume indépendant. Ils auraient ensuite été dispersés par la police militaire, pacifiquement et sans heurts… Mais certaines sources minimisent le désir d’autonomie des Hmongs et avancent davantage le besoin de liberté religieuse des montagnards – majoritairement chrétiens. MAGAZINE


Regards sur l’Asie > Philippines

Le « Crésus d’Inayawan » 200 Km

Manille

PHILIPPINES

De drôles d’histoires voient le jour sur la décharge de Cebu où, malgré les difficultés, les habitants pourraient presque se dire heureux de leur sort. Texte et photos : Jean-Matthieu Gautier

D

ix heures du matin à Inayawan, un camion pas tout à fait blanc entame sa manœuvre rodée. Derrière, en colonne par deux, pas une tête qui dépasse, une cinquantaine d’habitués disciplinés forment un demi-cercle dont aucun son ne sort. Dans son rétroviseur, le chauffeur du camion vise le cœur de ce cercle, recule et actionne le levier qui commande l’ouverture de la benne. Vomissures d’ordures au milieu des chiffonniers qui se mettent posément, méthodiquement, presque indifféremment au travail. Marche avant du camion qui décampe dans un ● Cebu

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MAGAZINE

nuage de poussière. Une scène de vie ordinaire comme il s’en répète plusieurs fois par jour, tous les jours, toutes les semaines et depuis des années sur la décharge d’Inayawan, à Cebu.

Une montagne de billets de banque Les chiffonniers viennent du bidonville d’à côté. Ils y sont arrivés – souvent en provenance des montagnes avoisinantes – il y a un an, deux ans, parfois dix. Ils y sont nés quelquefois et certains n’ont jamais rien connu d’autre que cette décharge immense qui offre, il faut le dire, une vue assez imparable sur la baie de Cebu et que survolent des

avions je-m’en-fichistes. « La plupart des habitants d’Inayawan sont sans instruction, sans espoir pour leur avenir, mais résolus à rester à proximité de la décharge quoi qu’il leur en coûte », tempère Stéphane Drouillard, volontaire Bambou aux Philippines. « Ici, ils ont un travail. C’est dur, mais en se débrouillant il y a de quoi vivre, tout du moins de quoi manger… Et si l’on compare leur situation à ceux d’autres bidonvilles, ajoute-t-il, on en viendrait presque à les envier ». Sur cette décharge à la fois lieu de vie et lieu de mort, toutes sortes d’histoires voient le jour. L’une des plus emblématiques est très probablement N°168 ❚ JUIN - JUILLET 2011 ❚ 9


celle du « Crésus d’Inayawan ». Au départ, Crésus est un film réalisé par Jean Giono en 1961, dans lequel Fernandel campe un berger simplet qui découvre par hasard une montagne de billets de banque. Chamboulement de son existence rangée, le pauvre devient riche et fait la connaissance d’un monde où l’argent fait la loi. Mais à la fin, patatras, les billets trouvés sont des faux et le rêve est brisé. Fin de l’histoire. Une aventure similaire est arrivée il y a quelques années à un chiffonnier de la décharge d’Inayawan, loterie à ciel ouvert où l’on peut tomber sur tout et n’importe quoi. « Au milieu de ce n’importe quoi, raconte Stéphane tandis qu’une nuée de corbeaux tournoie verticalement dans le ciel gris, le « Cré10 ❚ N°168 ❚ JUIN - JUILLET 2011

sus d’Inayawan » tombe un beau jour sur un sac en plastique rempli de dollars, monnaie dont il ignore l’apparence et surtout la valeur : il croit avoir devant lui des billets de jeux de société comme le Monopoly… »

ces bouts de papier n’ont aucune valeur ! » Naturellement, il serait trop simple que l’histoire en reste là. Le capitaine du barangay (le responsable du quartier, NDLR) qui, à Inayawan, joue le rôle d’un chef de gang vaguement

Nul n’a jamais su ce qu’était devenu tout cet argent. Sous-entendus amers « Inutile, la fortune de ce chiffonnier s’avère même encombrante pour lui qui ignore ce qu’il doit en faire. La placer à la banque ? L’échanger auprès d’une personne mieux à même de gérer ces questions d’argent auxquelles il n’entend rien ? Ces perspectives ne lui viennent pas à l’esprit puisqu’il est convaincu que

mafieux, s’en mêle, ainsi que la police. Tout le monde tombe sur le dos de notre Crésus qui, abasourdi, réalise enfin sa méprise. La fable finit plus tristement que dans le film de Giono. Si le « Crésus d’Inayawan » n’est ni assassiné, ni jeté en prison, il ne repasse pas pour autant par la case départ ni ne touche 20 000 MAGAZINE


Regards sur l’Asie > Philippines

francs… Punition, échec suprême pour un chiffonnier, il quitte Inayawan et part se réfugier dans les montagnes qui environnent Cebu – là précisément d’où il vient et où il avait juré ne jamais retourner… Nul n’a jamais su la valeur réelle de la somme trouvée par le pauvre Crésus. Et nul n’a jamais su ce qu’était finalement devenu tout cet argent. Pourtant, tandis qu’un deuxième camion franchit les grilles depuis longtemps pendantes de la décharge et que se forme instinctivement un nouveau faisceau de chiffonniers prêts à en réceptionner la substantifique moelle, d’autres chiffonniers attentifs au récit de Stéphane concluent, dans un murmure plein de sous-entendus amers, que le capitaine du barangay a changé de voiture il y a peu. ■ MAGAZINE

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BIRMANIE 30 programmes de parrainage 556 filleuls

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© Alexis Frespuech

© L. Lahalle

Agir > Notre action en 2010

LAOS 36 programmes de parrainage 994 filleuls 15 programmes de développement

CHINE (YUNNAN) 1 programme de parrainage 110 filleuls 1 programme de développement

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500 Km

C H I N E ong Mék

INDE BANG. BIRMANIE

Tropique du Cancer

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THAÏLANDE Golfe du Bengale

TAÏWAN

CAMBODGE

Océan Pacifique

Hainan

Mer de Chine Méridionale PHILIPPINES

M A L A I S I E

100 programmes de parrainage 3 153 filleuls 20 programmes de développement

82 programmes de parrainage 2 477 filleuls 12 programmes de développement

351 programmes de parrainage 11 534 filleuls 8 programmes de développement

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59 programmes de parrainage 2 902 filleuls 27 programmes de développement

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VIETNAM

© Dominique Milherou

PHILIPPINES

CAMBODGE

THAÏLANDE

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Focus Cambodge

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Foyers d’accueil et centres scolaires : une réponse adaptée aux besoins des jeunes Cambodgiens rovince rurale, le Banteay Meanchey appartient à la zone du nord-ouest du Cambodge longtemps occupée par les Khmers rouges. Les infrastructures adaptées à une scolarisation suivie y sont rares. Dans une région où les routes sont en mauvais état – parfois impraticables en saison des pluies – l’éloignement reste une des principales causes d’abandon des études. Et même si tous les villages de la zone possèdent aujourd’hui une école primaire, il n’existe que peu de collèges et de lycées. Aussi Enfants du Mékong a-t-il progressivement développé des foyers d’accueil pour collégiens et lycéens dans toute la province, à Sisophon, Banteay Chmar, Thma Puok, Malay… Ces structures permettent aux jeunes d’étudier dans un cadre adapté : proximité de leur école, vie communautaire avec d’autres jeunes et suivi personnalisé de leurs études. En plus de leurs cours dispensés dans des établissements publics, les filleuls suivent aux centres scolaires de Sisophon et Banteay Chmar des cours supplémentaires privés.

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Ouverts à tous les jeunes, filleuls ou non, ces foyers et centres sont financés par : > Les parrainages individuels : ils assurent au filleul hébergé en foyer cours supplémentaires, hébergement, nourriture, matériel d’hygiène et de santé. > Les parrainages collectifs : ils permettent de participer aux frais de fonctionnement des foyers et des centres. > Des projets ponctuels : dans le cadre de dépenses particulières, des projets supplémentaires sont mis en place, comme l’aménagement de salles informatiques ou l’achat d’un incinérateur pour les déchets du centre. > Le reste du budget est financé par des donateurs qui décident de soutenir les projets.

Foyers et centres du Banteay Meanchey Dépenses en $ Recettes en $

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Parrainages individuels

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Reste à financer

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Aujourd’hui, ce sont 600 jeunes qui peuvent suivre leurs études dans de bonnes conditions, dont 468 logés dans des foyers d’Enfants du Mékong. Pour cela, nous avons besoin de votre générosité. Le service parrainage se tient à votre disposition pour vous informer plus précisément sur ces foyers et ces centres.

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Budget prévisionnel

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Agir > En direct PARTENARIATS

Jusqu’au bout… E

Défi du Mékong, de Bruxelles à Paris

n ce début d’été, la plupart de vos filleuls terminent leur année scolaire, grâce à vous qui leur permettez de suivre sereinement les cours. En leur offrant l’accès à l’éducation, vous leur préparez un avenir meilleur. Ils pourront ainsi transmettre leur savoir à leurs enfants, ce que leurs parents n’avaient pu faire pour eux. Atteindre et réussir l’examen de fin d’année leur est nécessaire pour prétendre à l’entrée dans la classe supérieure ou à la recherche d’un métier, diplôme en poche. Nous comprenons bien ce que peuvent représenter pour vous ces 24 € mensuels. À cause de problèmes financiers, certains parrains se voient souvent contraints d’arrêter leur parrainage

en cours d’année et de couper le lien avec leur filleul. Dans ces cas-là, nous faisons le maximum pour trouver rapidement un autre parrain qui permettra à cet enfant de finir son année sereinement. Malheureusement, il n’est pas rare que ce filleul ne puisse être confié à un autre parrain qu’au bout de quelques mois. Il doit alors arrêter l’école subitement, les frais étant trop élevés pour sa famille, même aidée par la caisse de solidarité du programme de parrainage. Aussi nous vous encourageons à suivre votre filleul le plus longtemps possible et au moins jusqu’à la fin de son année scolaire. Pour cela aussi, nous tenons à vous remercier du fond du cœur. ■

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VOLONTAIRES BAMBOUS UN NOUVEAU BAMBOU POUR LES ÉTUDIANTS DE CEBU Le foyer de Cebu accueille 68 étudiants, pris en charge par un volontaire Bambou et une assistante sociale qui essaient de leur apporter une formation humaine de qualité pour les aider à se responsabiliser et à prendre confiance en eux. D’autres étudiants de Cebu parrainés par Enfants du Mékong bénéficient aussi de ce soutien, de la première année d’université à l’obtention de leur diplôme. Parce que l’insertion professionnelle est encore peu développée, Enfants du Mékong a décidé d’ouvrir dès cet été une nouvelle mission de « responsable des partenariats ». Son but : faire connaitre Enfants du Mékong auprès des entreprises et des institutions locales en les impliquant par un soutien (financier ou don de matériel) qui pourrait aider le foyer de Cebu à s’autofinancer, mais surtout à utiliser ce réseau pour développer la professionnalisation des étudiants. Améliorer leur connaissance du monde du travail et de l’entreprise, leur donner les outils et les techniques nécessaires pour se préparer à la vie professionnelle : c’est ce que vise Enfants du Mékong à travers la mission de ce nouveau volontaire Bambou, qui commencera dès la rentrée. 14 ❚ N°168 ❚ JUIN - JUILLET 2011

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LE MOT DU PARRAINAGE

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e Défi du Mékong a encore frappé ! Une petite camionnette réaménagée en dressing, des supporters en grande forme, une équipe de bénévoles en batterie, l’ambiance belge des plus chaleureuses… Nos amis de la délégation belge ont relevé le défi le 29 mai dernier en regroupant plus de 140 coureurs sous la bannière d’Enfants du Mékong et devant les projecteurs de la RTBF. Ensemble, ils ont participé aux 20 km de Bruxelles, entourés de la joyeuse troupe des Dauphins Génials et des 80 supporters qui ont animé quatre points de passage de la course. L’objectif : financer une école au Laos. Avec les 27 000 € collectés, le défi est relevé ! Merci aux centaines de donateurs et entreprises qui ont rejoint la joyeuse équipe du Défi. Une spéciale dédicace aux Dauphins Génials, groupe d’improvisation et grands ambassadeurs de notre association, dont vous pouvez visionner les vidéos sur Facebook et sur le blog d’Enfants du Mékong. La saga continue le 9 octobre prochain pour les 20 km de Paris. Les dossards sont à retirer avant le 31 juillet, alors mobilisez-vous vite ! Rejoignez la folle équipe du Défi en vous connectant sur le blog du même nom, en créant votre page de collecte, en mobilisant votre entourage et surtout en amenant votre bonne humeur ! ■ http://defidumekongparis2011. alvarum.net MAGAZINE


> Témoignage

Un idéal, des V’idéaux… « On croit faire un voyage, mais finalement c’est le voyage qui nous fait ou nous défait », rappelle Nicolas Bouvier. En une semaine de tournage aux Philippines, c’est l’expérience qu’ont vécue quatre membres de l’association V’idéaux, dont le but est de réaliser des films promotionnels pour les ONG. Par Marc-Antoine Sergeant, Édouard Combette, Wandrille George et Pascaline Bertaux

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Forger les aptitudes Direction le bureau de Romnick, ancien élève du programme EdM à Cebu, aujourd’hui employé de NCR, une multinationale informatique. Bien qu’anxieux devant la caméra, il nous livre tout sourire les moments passés au foyer, comme les cours de soutien scolaires donnés aux enfants de la décharge de Cebu. Ni une ni deux, caméra prête à l’emploi, nous voilà partis pour la décharge. Quel choc de voir que ces enfants ont fait de ce champ de détritus leur aire de jeu… et de travail. Cecilio et Villemeline sont avec nous. Ils sont aujourd’hui les deux responsables du soutien scolaire et enseignent aux enfants fractions et dictées en anglais. Pour leur plus grand bonheur, car ceux-ci voient en ces kuya (grand frère) et ate (grande sœur) des modèles de réussite issus pourtant des mêmes bidonvilles. Le lendemain, nous nous rendons dans le village de Tap Tap, où vivent les parents de Teresa, étudiante à la prestigieuse université San Carlos. Quatre morceaux de bois, quatre planches et quatre bambous font office de fondations, de murs et de MAGAZINE

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l est cinq heures, Cebu s’éveille ! Notre équipe aussi, dont le tournage débute ce matin. Nous décidons de commencer par filmer la vie quotidienne du foyer, où vivent 30 étudiants. Petit déjeuner, vaisselle, jardinage, lessive : le but est de prendre de visu les tâches qui responsabilisent ces étudiants âgés de 17 à 20 ans. Mais attention, loin de se cantonner aux tâches quotidiennes, la trame du film est de souligner les valeurs qui font la différence d’Enfants du Mékong : le développement personnel et l’insertion dans la vie professionnelle ! toit… Nul besoin de dicter un discours à Teresa pour que pointe sa reconnaissance vis-à-vis des responsables locaux et de son parrain. Elle nous parle aussi très fièrement de la gestion du budget de nourriture du foyer. Pas facile de gérer 10 000 pesos hebdomadaires, soit cinq fois le salaire mensuel de ses parents, ni d’établir les menus pour 25 personnes. Mais c’est un excellent moyen de responsabiliser l’élève afin de lui (re)donner confiance, en incluant aussi l’idée de communauté dans les décisions qu’il doit prendre.

Insérer les jeunes dans la vie professionnelle Rencontrer personnellement son parrain, voilà sans doute l’un des rêves qui reviennent le plus souvent dans la bouche de ces jeunes. Et travailler pour soutenir sa famille, le leitmotiv dans ce pays où les liens familiaux sont fondamentaux et où les conditions de vie terribles enseignent la solidarité. 19 heures : la sonnette du centre retentit, les yeux s’écarquillent. Les étudiants sont conscients de la richesse des

échanges qu’ils vont avoir avec les membres du Rotary qui se sont déplacés pour passer la soirée avec eux. « C’est en rencontrant des professionnels qu’ils prennent conscience des opportunités qui peuvent s’offrir à eux, tout en restant humbles », nous explique Elise, responsable du foyer. C’est aussi dans cette optique d’insertion dans la vie professionnelle que s’inscrit le partenariat avec Passerelles numériques dont bénéficient plusieurs élèves du programme. À la jonction de leurs études et de leur premier métier, les élèves ont la chance de côtoyer des grands noms du domaine informatique partenaires de Passerelles numériques, tels qu’Accenture, Lexmark, NCR, NEC. Voici les impressions de Wandrille : « Les élèves sont ainsi plongés dans le grand bain dès leur premier emploi, ce qu’ils considèrent comme une marque de confiance dont ils sont reconnaissants. » C’est cette reconnaissance que nous souhaitons transmettre aux responsables rencontrés sur place ainsi qu’aux étudiants, car ils nous ont permis de vivre ce mot de Marcel Proust : « Le seul, le vrai, l’unique voyage c’est de changer de regard. » ■ N°168 ❚ JUIN - JUILLET 2011 ❚ 15


Agir > Écoliers solidaires

Dessine-moi… le monde en 2020 Des écoliers français ont exercé leur talent au profit des écoliers d’Asie du Sud-Est en composant des dessins sur ce thème : à quoi ressemblera le monde en 2020 ? Par Agnès d’Andigné, Miss Écoliers solidaires

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n tant que Miss Écoliers solidaires, ce sont près de 62 interventions que j’ai effectuées dans toute la France en 2009-2010. Partout, j’ai rencontré des enfants avides de connaître et de comprendre la vie de leurs camarades d’Asie du Sud-Est. Pour exprimer leur solidarité devant des conditions de vie difficiles et une scolarité précaire, ils ont imaginé dans des dessins ce que serait le monde en 2020. Au cœur de leurs mille idées, un rêve pour leurs amis : tous à l’école ! Rassemblés, leurs dessins sont devenus un agenda qu’ils ont vendu autour d’eux pour financer les garderies destinées aux enfants de la décharge de Cebu. Une petite initiative pour une grande cause. Nous pouvons être fiers d’eux. ■

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MAGAZINE


> Portrait

« Tout le monde y croit et s’implique » Henry-Paul et Marie-Andrée Roisné sont depuis trois ans délégués d’Enfants du Mékong pour l’Île-et-Vilaine. Partage d’expérience.

Oui, pour nous tout a commencé par le parrainage ! Nous avions toujours eu envie de parrainer car nous aimons cette idée de donner sa chance à un enfant. Or nous avions fait un premier voyage en Asie, et quand nous avons vu sur internet qu’Enfants du Mékong y était présent, nous avons en quelque sorte fait un choix thématique. En 2005, nous avons commencé à parrainer une petite Thaïlandaise, Kerdbondoy. L’année suivante, nous sommes allés lui rendre visite dans son village, à Poblaki. Ça a été une très grande émotion, avec la sensation d’arriver dans un autre monde. Un seul bonjour nous a ouvert toutes les portes ! Aujourd’hui, c’est une belle surprise de savoir qu’elle va rentrer en cinquième à Mae Sot. « Vous n’avez pas fini de la parrainer », nous a dit le père Alain, l’ancien responsable du programme ! Grâce à lui et au dévouement des professeurs de Poblaki, nous avons pu nous rendre compte de l’utilité du parrainage.

Quel a été le déclic pour devenir délégués ? Après Franchir l’Horizon à Rennes, où nous avons participé à la promotion et à l’organisation, nous avons nous aussi franchi le pas ! Nous avions du temps à donner et voulions en faire profiter l’association. La première année, nous étions un peu dépités parce que nous ne trouvions pas la richesse que nous voulions apporter. Et puis petit à petit, les choses se sont mises en place. Nous participons par exemple à des actions dans les écoles pour toucher les MAGAZINE

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Vous êtes avant tout des parrains comblés…

enfants et les jeunes adultes. Nous organisons aussi des dîners de parrains. En novembre dernier, une pièce de théâtre jouée au profit d’Enfants du Mékong a très bien marché et la Tournée Bambou 2010 a remporté l’adhésion de tous les spectateurs, même si ça restait difficile de les faire parrainer. Enfin, nous venons de mettre en place un gros projet avec l’UGSEL (Union générale sportive de l’enseignement libre), dont la communication va durer pendant toute l’année 2011-20112. Il se concrétisera en 2013. En fait, il n’y a pas de recette miracle. D’une façon générale, ce n’est pas facile de convaincre les gens de la nécessité du parrainage, il y a beaucoup de scepticisme à vaincre, même chez nos amis proches. On nous dit souvent : « Il y a tellement d’enfants malheureux en France » ou « Avec 24 euros par mois, qu’allez-vous changer

dans sa vie ? » La seule réponse à donner est : « Mais vous, que faites-vous ?... »

Selon vous, quelles sont les qualités d’un bon délégué ? D’abord, avoir du temps. Les journées n’avaient pas assez d’heures dans notre vie professionnelle, c’est un peu pareil aujourd’hui tant il y a à faire ! Et puis être dynamique, créatif et surtout avoir un bon relationnel. Le tissu relationnel est vraiment au cœur du travail du délégué. À chaque événement organisé par la délégation, de nouvelles relations se créent. À l’image du parrainage, il s’agit de long terme car l’engagement doit vraiment venir de la personne. C’est cette qualité relationnelle qui nous a séduits dans l’équipe d’Enfants du Mékong. On se rend compte que tout le monde y croit et s’implique. C’est très important pour les délégués ! ■ N°168 ❚ JUIN - JUILLET 2011 ❚ 17


Agir > Nos délégations AGENDA LAVAU (89)

CLAPIERS (34)

LA MÉZIÈRE (35)

Dimanche 17 juillet

Dimanche 4 septembre

Dimanche 2 octobre

FOIRE GASTRONOMIQUE ET BROCANTE

FORUM DES ASSOCIATIONS

31e FOULÉES MACÉRIENNES

Théâtre Max Jacob

Pour la troisième année, Enfants du Mékong sera présent avec un stand d’information et de brocante au profit de l’association. Venez nous rendre visite ! Contact : Lise Cassina Tél. : 06 82 01 33 26 delegation93 @enfantsdumekong.com

Venez nous rencontrer, nous vous attendons nombreux ! Contact : Marie-Sylvie et Jean-François Achard Tél. : 04 67 59 40 12 delegation34 @enfantsdumekong.com

Enfants et adultes, venez participer pour votre plaisir et par solidarité avec Enfants du Mékong. Inscription sur le site internet www.courirenbretagne.fr ou par téléphone au 02 99 69 31 25. Tarif : 1 € par enfant et 8,5 € par adulte. Votre solidarité de 1 € par participant sera reversée à Enfants du Mékong et permettra de participer à la construction du collège de Phon Deua au Laos, pour que les enfants puissent étudier dans de meilleures conditions. Nous comptons aussi sur de nombreux spectateurs pour soutenir les coureurs dans un cadre festif. Contact : Marie-Andrée et Henry-Paul Roisné Tél. : 02 99 54 48 74 delegation35 @enfantsdumekong.com

VERNOUX-EN-VIVARAIS (07) Mardi 2 août de 10h à 19h

VENTE DE SOIERIES Château de La Tourrette Soieries, Almanach provençal 2012 et livres sur les jardins (dédicaces de l’auteur). Nous vous attendons nombreux, venez en famille ou avec vos amis découvrir les nouveautés des Soieries du Mékong dans un cadre historique. Grand pique-nique à l’heure du déjeuner, apportez votre panier, vous trouverez sur place boissons fraîches et café (offerts). Contact : Gonzague et Sabine de La Tourrette Tél. : 06 09 84 05 52 gonzague.de-latourette@wanadoo.fr

L’AIGUILLON-SUR-VIE (85) Samedi 10 septembre

COMPÉTITION DE GOLF Golf des Fontenelles Les délégations 35, 44 et 85 attendent les parrains et amis golfeurs pour que cette première compétition en Vendée soit un succès. Les bénéfices seront affectés à la construction du collège de Phon Deua au Laos. Inscription directement auprès du club au 02 51 54 13 94. Contact : Marie-Andrée et Henry-Paul Roisné Tél. : 02 99 54 48 74 delegation35 @enfantsdumekong.com Amaury et Françoise Depras 02 51 46 21 04 delegation85 @enfantsdumekong.com

BAIN-DE-BRETAGNE (35)

MONTPELLIER (34)

Dimanche 4 septembre

Dimanche 11 septembre

FÊTE DU COUDRAY

FORUM DES ASSOCIATIONS

Chapelle du Coudray, route de Messac (près des sapeurs-pompiers) Venez nombreux pour soutenir les Amis du Coudray, qui fêteront leur 40e anniversaire, et pour les remercier de leur fidélité à Enfants du Mékong puisqu’ils parrainent depuis 1984 et ont aujourd’hui cinq filleuls au Vietnam. 10h30 : messe en plein air, suivie d’un après-midi dans le parc ombragé de la chapelle avec une animation par l’association des Polonais de Couéron. Contact : Marie-Andrée et Henry-Paul Roisné Tél. : 02 99 54 48 74 delegation35@ enfantsdumekong.com

Quartier d’Antigone Venez nous rencontrer, nous vous attendons nombreux au stand d’Enfants du Mékong ! Contact : Marie-Sylvie et Jean-François Achard Tél. : 04 67 59 40 12 delegation34 @enfantsdumekong.com AVIGNON (84) Samedi 17 et dimanche 18 septembre

« LES ASSOCIATIVES » Allées de l’Oulle Venez nous rencontrer, nous vous attendons nombreux au stand d’Enfants du Mékong ! Contact : Marie-Françoise et Michel Raguis Tél. : 04 90 01 37 52 delegation84 @enfantsdumekong.com

18 ❚ N°168 ❚ JUIN - JUILLET 2011

MONTPELLIER (34) Week-end des 8 et 9 octobre

REPAS D’AMIS ET DE PARRAINS Château de Flaugergues, avenue Albert Einstein Contact : Marie-Sylvie et Jean-François Achard Tél. : 04 67 59 40 12 delegation34 @enfantsdumekong.com PERPIGNAN (66) Vendredi 14 octobre à 20h

SOIRÉE

ÉCHOS

ANNONCES

DÉLÉGATION DE HONG KONG

LA DÉLÉGATION DE SINGAPOUR RECRUTE DES BÉNÉVOLES !

Dans une ambiance de fête et de joie, la soirée dansante Enfants du Mékong a eu lieu le 25 mars à Hong Kong. L’objectif était de récolter suffisamment de fonds pour la construction d’un bâtiment de trois classes pour l’école primaire de Sras Réang au Cambodge. Grâce à une équipe motivée et à de généreux sponsors, cette soirée a été un véritable succès. Avec les bénéfices des ventes des étoles des Soieries du Mékong (rapportées lors de la visite de la délégation au Cambodge en février) et de ses livres de recettes, la délégation a pu envoyer la très belle somme de 45 000 €, qui a permis de financer non seulement la construction de l’école au Cambodge, mais aussi l’achat d’un véhicule pour les sœurs responsables du foyer d’Om Pai, dans le nord de la Thaïlande. L’autre événement phare de cette année est le lancement de la quatrième édition du livre de recettes Les Cordonsbleus de Hong Kong, qui regroupe 130 délicieuses recettes de cuisine française, traduites en anglais. C’est un joli outil de communication qui permet à la délégation de faire connaître Enfants du Mékong tout en promouvant la cuisine française auprès des communautés anglophones de Hong Kong. www.enfantsdumekong hongkong.blogspot.com

Salle des Libertés – 3, rue Bartissol, parking Wilson Les parrains et marraines des Pyrénées-Orientales invitent les Roussillonnais à partager une soirée de convivialité et de solidarité. Après un petit film et différents témoignages, vous connaîtrez mieux les principaux aspects du parrainage, propre à éviter la marginalisation d’un très grand nombre d’enfants. Venez nombreux avec famille et amis ! Entrée libre. Contact : Philippe Landau Tél. : 06 07 30 18 06 delegation66 @enfantsdumekong.com

ADRESSES MAIL Merci à tous les parrains du Var qui n’ont pas encore communiqué leur adresse mail ou en ont changé de bien vouloir le faire en écrivant à delegation83 @enfantsdumekong.com

Depuis plus de dix ans, notre délégation remplit sa mission : lever des fonds pour financer des projets. Pour cela, nous organisons tous types d’événements. Si vous avez envie d’intégrer une équipe dynamique et de mettre vos compétences au service des enfants d’Asie, rejoignez-nous ! Contact : Amélie Villet + 65 91 29 70 20 amelie_villet@yahoo.com.sg

•PARIS, 100 JARDINS INSOLITES ET 100 RESTAURANTS DANS LA VERDURE •JARDINS INSOLITES ET REMARQUABLES DE RHÔNE-ALPES À travers le premier guide, nouvelle édition remise à jour et augmentée, découvrez cent idées de restaurants où prendre un repas dans la verdure à Paris. Même les plus avertis trouveront des lieux inédits. (14,90 € + 3 € de port = 17,90 €). Dans le second, flânez dans les jardins souvent privés, ouverts au public, connus ou restés secrets, des huit départements de Rhône-Alpes. (15,90 € + 3 € de port = 18,90 €.) Les bénéfices de ces ventes sont entièrement versés à Enfants du Mékong. Chaque livre s’enrichira d’une dédicace aquarellée par l’auteur (déléguée en Drôme-Ardèche). Commander à : Tinou Dumond, Chambedeau, 26760 Beaumont-lèsValence - 06 10 15 06 24 martinedumond@yahoo.fr

MAGAZINE


> Courrier

© J.-M. Gautier

PHILIPPINES Six mois se sont écoulés depuis que j’ai posé les pieds sur le sol philippin. Six mois, c’est pour moi une étape clé. Tout d’abord parce que c’est déjà la moitié de ma mission ici. Mais surtout parce c’est un moment de remise en question. L’émerveillement des premiers mois s’est déjà bien estompé. Non pas que la magie n’opère plus, mais de celle-ci viennent se soustraire tout un tas de nouvelles réalités. On trouve aux Philippines une suite sans fin de paradoxes tragiques qui reflètent l’extrême écart qui y existe entre pauvreté et richesse. L’accompagnement des plus démunis qu’a engagé Enfants du Mékong, leur ouvrant les portes de l’éducation, est pour le moment le moyen le plus juste de participer à l’amélioration de leurs conditions de vie, tant le marasme économique et social semble condamner à jamais le pays. C’est fort de ces constatations que je me lance dans ma deuxième moitié de mission, le charme des Philippins opérant sous un nouvel angle. Celui-là même qui m’interdit de baisser les bras devant une situation insoutenable, quand je constate que ces gens pauvres trouvent toujours la force de se relever. ■

Aurèle Herbillon, volontaire Bambou à Manille

UTILISATION DU PARRAINAGE Merci pour votre article très instructif sur l’utilisation du parrainage (EdM n°167). Je n’avais pas réalisé l’importance des besoins extrascolaires qu’il couvre, en particulier les dépenses de santé et de nourriture pour ma filleule et l’ensemble de sa famille. Vous serait-il possible de diffuser régulièrement des informations sur ces besoins dans « Le mot du parrainage ? » Merci d’avance. Sophie, Paris

« Le mot du parrainage » vise à donner des éclairages généraux sur les conditions et les bénéfices de votre aide en Asie. C’est en revanche le rôle des « lettres au parrain » et des rapports des volontaires Bambous de vous fournir les informations particulières liées à la vie de votre filleule. Ces comptes rendus sont dressés par le Bambou après sa visite dans le village de votre filleule. Une rencontre personnelle avec elle et sa famille lui permet de nouer un contact authentique et de se faire préciser des détails qu’elle ne vous donne pas dans ses lettres : conditions de vie, de santé, événements familiaux… ■

Vous pouvez nous adresser vos courriers au 5, rue de la Comète 92600 Asnières, en mentionnant « Courrier des lecteurs », ou par e-mail : magazine@enfantsdumekong.com

VIETNAM CAMBODGE THAÏLANDE LAOS

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DU DU DU DU

6 AU 20 NOV. 2011 - DU 7 AU 21 FÉVRIER 2012 15 AU 28 NOV. 2011 - DU 14 AU 26 FÉVRIER 2012 1 AU 15 FÉVRIER 2012 18 AU 31 OCTOBRE 2011- DU 1 AU 15 FÉVRIER 2012 ER

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Découvrir > Chronique d’Asie

Premier monument de cette taille où est généralisé le relief sculpté, le Baphuon fut construit par le roi Udayadityavarman II et dédié à Shiva.

Baphuon : le puzzle reconstitué

© Didier Fassio

THAÏLANDE

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Bangkok

LAOS

Golfe Phnom Penh de Thaïlande ©idé

VIETNAM 100 Km

La restauration du Baphuon, l’un des temples les plus emblématiques d’Angkor, vient de s’achever à Siem Reap. Retour sur l’histoire passionnante et mouvementée d’un projet centenaire. Par Geoffroy Caillet

C

eux qui se souviennent du champ de pierres éparses auquel se résumait jusqu’à peu le Baphuon saisiront mieux que les autres la portée de l’événement : le puzzle est désormais reconstitué. Un gigantesque puzzle lapidaire de 300 000 pièces, plus long projet de l’École française d’Extrême-Orient (EFEO), fondée en 1900 pour l’étude des civilisations d’Asie et la restauration des temples d’Angkor que le monde occidental venait de redécouvrir.

Colosse aux pieds d’argile Le monumental Baphuon est de ceuxlà. Un « temple-montagne » du XIe siècle – le premier entièrement construit en 20 ❚ N°168 ❚ JUIN - JUILLET 2011

grès – « aussi fragile que colossal », souligne Pascal Royère, architecte responsable du projet auprès de l’EFEO, qui a mis le point final au chantier le 10 avril dernier. Colossal, il l’est assurément, avec ses 35 mètres de haut et son hectare et demi de superficie. Fragile ? L’explication est simple : sous le coffrage de grès et de latérite, chaque gradin constituant sa structure pyramidale est formé de sable. Un véritable talon d’Achille dans le climat de mousson du Cambodge. Objet des premiers travaux entrepris à Angkor, le Baphuon est dépouillé à partir de 1908 de la gangue végétale qui protège sa structure très affaiblie. Malgré des consolidations postérieures, plusieurs effondrements spec-

taculaires surviennent dans les années 40. Sa restauration est dès lors largement compromise. En 1960, le chantier prend un tournant décisif : l’archéologue BernardPhilippe Groslier entreprend l’anastylose du temple, soit son rigoureux démontage pierre à pierre en vue de le restaurer sur ses niveaux d’origine. Pendant toute la décennie, les dix hectares de forêt entourant le Baphuon accueillent les blocs numérotés et inventoriés un à un. L’entreprise prend forme. C’est sans compter les soubresauts de l’histoire cambodgienne. À nouveau, Angkor se retrouve au cœur des luttes du royaume khmer. Dès 1970, la guerre civile entraîne la fermeture du site et MAGAZINE


le retrait de l’EFEO. Avec la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges le 17 avril 1975, le pire survient : les locaux de l’EFEO sont dévastés et avec eux toutes les archives du Baphuon.

Une œuvre de patience La paix revenue, le chantier rouvre en 1995. Mais après 25 ans d’interruption, Pascal Royère et son équipe se retrouvent devant un problème apparemment insoluble : un puzzle en trois dimensions dont le plan est perdu. Seuls un lot de 979 photos d’archives miraculeusement conservées à Paris et une façade encore intacte peuvent leur venir en aide. Ainsi que, last but not least, un trésor inattendu : la mémoire d’un groupe d’ouvriers réchappés des Khmers rouges, qui avaient participé à la première phase de l’anastylose dans les années 60. « Leur importance a été capitale, explique Pascal Royère, car s’ils ne se souvenaient évidemment pas de l’emplacement des pierres, ils avaient la mémoire du savoir-faire. »

Cure de jouvence Après quinze ans de chantier – la durée probable de la construction ellemême –, ce long travail d’emboîtement des pierres les unes sur les autres vient de prendre fin à Siem Reap, au gré du mouvement des grues et des élévateurs, du travail des charpentiers et des tailleurs de pierre. Pendant tout ce temps, chaque saison des pluies a apporté son lot de craintes pour la poursuite des travaux. D’autres surprises ont été de la partie, comme la découverte de lacunes dans les pierres lors du remontage. Certaines s’expliquent par le Bouddha couché qui s’étend derrière le Baphuon : il a été construit au XVIe siècle avec des matériaux tirés du temple. Les pierres ont donc été remplacées par des fac-similés, vieillis au détail près. Sur le chantier du Baphuon, la perfection est au rendez-vous. Aujourd’hui, la seule satisfaction que s’accorde Pascal Royère est d’avoir mené ce chantier entièrement financé par la France « dans la continuité de ce qui

ANGKOR, L’AVENTURE DU BAPHUON Documentaire, 52 min. Un film de Didier Fassio, produit par CINÉTÉVÉ, l’EFEO, C.TOUT COM ! International avec la participation de France Télévisions et de Planète. « C’est l’histoire de la renaissance du Baphuon que je voulais raconter, replacée dans une filiation plus vaste, afin de rendre hommage à ces hommes du passé qui ont permis à Pascal Royère de mener à bien son accomplissement. Car à Angkor, l’aventure humaine est indissociable de l’aventure archéologique. » (Didier Fassio) D’abord diffusé à la télévision, ce documentaire est aujourd’hui disponible en ligne sur le site de l’École française d’Extrême-Orient (www.efeo.fr). L’association culturelle « C.TOUT COM ! International » détient les droits non commerciaux de diffusion. Tout organisme intéressé par la culture cambodgienne peut ainsi l’utiliser gratuitement à l’occasion d’un événement culturel. Pour plus de renseignements, contactez Guy Maurette, coordonnateur du projet : guy.maurette@orange.fr 06 87 14 05 52

Un gigantesque puzzle lapidaire de 300 000 pièces.

MAGAZINE

avait été entrepris. » Une authentique gageure pour un projet centenaire et rythmé par des aléas aussi nombreux. Prévue pour juillet, la réouverture au public marquera aussi la transmission du monument à l’Apsara (Autorité pour la protection du site et l’aménagement de la région d’Angkor-Siem Reap), responsable de la conservation, de la gestion et de la promotion de ce patrimoine exceptionnel. Charge à elle désormais d’épargner au Baphuon les ravages du temps après une cure de jouvence aussi éblouissante. ■

© Didier Fassio

C’est ce savoir-faire, dans la droite ligne de celui des bâtisseurs du Baphuon, qu’ont mis en œuvre les 300 ouvriers de l’équipe de restauration. Angles, signes d’usure, fragments de décors : le moindre indice a été exploité pour résoudre une véritable équation archéologique, reposant sur le principe que chaque pierre possède son emplacement. Un travail de fourmi pour trouver la combinaison gagnante. Mais aussi de titan, le poids de chaque pierre – entre 500 kilos et une tonne – limitant naturellement les tentatives. Le recours à l’informatique ? « Il a été utile pour visualiser des reconstitutions du Baphuon. Mais aucun logiciel existant n’était capable d’assimiler assez précisément les caractéristiques de chaque pierre pour ordonner le puzzle selon une solution unique », précise Pascal Royère.

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Découvrir > Livres à lire

on a aimé

à ne pas manquer

Quitter Saigon – Mémoires de Viet Kieu Clément Baloup

Éd. La Boîte à Bulles, 98 p., 16 €

Le 29 avril 1975, Jacques est avec son cousin sur le toit d’un immeuble et observe, amusé, les balles traçantes dessiner de curieux dessins autour d’un hélicoptère Apache de l’armée américaine. Mais il faut fuir sans attendre, toute la famille s’embarque sur un petit bateau qui doit en rejoindre un plus gros à destination de la haute mer. Les choses ne se passent pas comme prévu et Jacques et sa famille deviennent des boat-people… Trois histoires, trois destins, trois Viet Kieu racontent leur Vietnam marqué par la guerre et qu’aucun d’eux ne reverra avant longtemps. Une bande dessinée au style grave et limpide qui n’est pas sans rappeler le maître de la BD de reportage, Art Spiegelman.

Comment la mer devint salée Minh Tran Huy, Vanessa Hié Éd. Actes Sud Junior, 32 p., 14 €

« Il y a longtemps, vivaient deux frères dans un petit village de pêcheurs. / En ce temps-là, la mer était douce et l’on pouvait en plongeant […] observer les coraux et les poissons qui filaient dans l’eau claire. » Voilà bien la grâce des contes : il n’y a qu’un pas entre le « Il était une fois » de nos récits occidentaux et l’incipit de ce conte traditionnel du Vietnam, délicatement raconté par Minh Tran, déjà auteur des romans La Princesse et le Pêcheur (cf. EdM n°150) et La Double Vie d’Anna Song (cf. EdM n°160). Comme toujours dans l’univers subtil de l’Asie, le rapport y est étroit entre l’homme et la nature. Bon ou mauvais, chaque acte du premier rejaillit sur les éléments qui l’entourent. C’est ainsi qu’un frère jaloux de son cadet vertueux sala définitivement la mer…

Vingt ans et plus avec le Viet-Nam Philippe Devillers

Éd. Les Indes Savantes, 480 p., 33 €

Philippe Devillers a d’abord été attaché de presse auprès du général Leclerc. S’ensuit une carrière de correspondant pour Le Monde ou Paris-Saigon, qui lui fait suivre les différents conflits indochinois même après son retour en France. L’ouvrage présenté ici rassemble tous les articles de l’auteur de 1945 à 1969, ajoutés à ses Mémoires et à des extraits de son Journal personnel. Le résultat est une somme complète et de première main sur cette période troublée. « Ma seule cause a été celle de l’unité et de l’indépendance du Viêt-Nam », explique l’auteur, qui se présente lui-même comme un « dissident » mais assure aussi avoir été « prudent et réaliste » dans son approche de la situation. Assurément, il donne ici au lecteur tous les moyens de juger honnêtement.

L’Économie de la solidarité Pierre Battini

Éd. L’Harmattan, 242 p., 24 €

Ce livre expose clairement les nouveaux enjeux de la solidarité dans un contexte mondial où les États endettés se voient contraints de réduire l’aide publique au développement. La solution est à chercher dans de nouveaux types d’actions rapprochant solidarité publique et philanthropie privée. Tout en soulignant la nécessité de transparence et d’efficacité des intervenants, l’auteur se demande à point nommé : « À force de vouloir introduire des ferments de rationalité quant aux dons et à la façon de gérer, ne risque-t-on pas d’apporter quelques déviations de rentabilité financière qui n’auraient pas leur place ici ? »

Les liens qui unissent les Thaïs Pornpimol Senawong Éd. Gope, 186 p., 19,75 €

À l’origine, ce petit livre est un manuel commandé par l’université Silpakorn de Bangkok à l’intention d’étudiants en tourisme. Même si les fautes d’orthographe y abondent, il possède le mérite de présenter des connaissances relatives à la culture thaïe. Sont abordés ainsi l’artisanat, les traditions bouddhistes, la nourriture, la langue thaïe dans ses caractéristiques et certaines situations de langage, etc. Dispensable, Les liens qui unissent les Thaïs reste sympathique et permet d’acquérir en peu de temps une somme de connaissances sur la Thaïlande, qui peuvent se révéler très utiles.

22 ❚ N°168 ❚ JUIN - JUILLET 2011

Henri Huet – « J’étais photographe de guerre au Viêtnam » Horst Faas, Hélène Gédouin Éd. du Chêne, 190 p., 45,50 €

Ce qu’il y a de plus frappant dans les clichés d’Henri Huet, c’est ce souci constant d’une composition esthétique où chaque élément trouve sa place dans un équilibre savamment maîtrisé et une culture de l’instant qui est l’apanage des grands photographes. Qu’elles montrent un interrogatoire musclé de prisonnier vietminh, un jeune soldat égrenant son chapelet ou un médecin militaire soignant ses camarades au plus fort de l’action, ses photos-témoins présentent la guerre dans ses aspects les plus sordides, mais surtout les plus humains. L’humain domine parce que Huet semble se concentrer particulièrement sur les expressions et les sentiments qui habitent un moment : angoisse, attente, compassion, épuisement, plaisir d’être ensemble… Cette photo de l’instant décisif chère à Cartier-Bresson et aux photojournalistes en général s’exprime particulièrement en temps de guerre, quand il faut montrer l’action et la figer au cœur d’une histoire qui s’écrit avec un grand « h ». Or écrire l’histoire avec un grand « h », c’est une chose que réussit parfaitement Huet. Né à Dalat, au Vietnam, d’un père français et d’une mère vietnamienne, il a passé son enfance près de Saint-Malo, a étudié la peinture aux Beaux-Arts de Rennes et s’est engagé dans la Marine alors que débutait tout juste la guerre d’Indochine. Il racontera plus tard qu’au moment de son engagement, on lui demanda si une spécialité l’intéresserait. Il répondit « la photographie » parce qu’il ne voulait surtout pas être « radio »… À l’issue de celui-ci, Henri Huet est recruté par l’agence UPI (United Press International) et commence à couvrir la guerre du Vietnam. En 1965 c’est l’AP (Associated Press) qui l’engage, séduite par son talent, son sens de l’information et sa constance dans l’envie de témoigner de ce qu’il voit. Jusqu’au 10 février 1971, date de sa mort à bord de l’hélicoptère qui l’emmenait couvrir le début de l’opération américaine au Laos, Huet sillonnera inlassablement ce Vietnam qui l’avait vu naître et partagera le quotidien de centaines de soldats sud-vietnamiens et nord-américains, prenant son tour de garde dans l’humidité de la nuit, aidant au transport des blessés ou expliquant l’Asie millénaire aux jeunes recrues fraîchement débarquées de leur Kansas ou de leur Ohio natal… Tout en prenant ces fameux clichés qui le placent aujourd’hui au Panthéon des plus grands photographes de guerre. ■ J.-M.G.

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