Enfants du Mékong n°170

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Enfants du Mékong N°170 NOVEMBRE DÉCEMBRE 2011 2,40 €

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Philippines Seconde chance THAÏLANDE Sous les eaux www.enfantsdumekong.com


> Sommaire n°170 Éditorial Voyage en Asie

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Points chauds Thaïlande Bangkok est une île

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Regards sur l’Asie Asie du Sud-Est En bref Cambodge « Un peuple à la fois endurci et fragile »

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Philippines « Ici, on ne badine pas avec l’humain »

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Agir En direct Témoignage

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Chronique d’un parrainage

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Notre action Comment nous aider ?

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Nos délégations Agenda, échos, annonces

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Courrier

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15 © E. di Masso

Découvrir Chronique d’Asie Musée Guimet : « Concilier exigence savante et exigence du public »

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Rédaction MAGAZINE 5, rue de la Comète 92600 Asnières-sur-Seine • Tél. : 01 47 91 00 84 • Fax : 01 47 33 40 44 • Fondateur René Péchard (†) • Directrice de la publication Christine Lortholary-Nguyen • Rédacteur en chef Geoffroy Caillet • Rédacteur Jean-Matthieu Gautier • Couverture « Marcel Van – Seconde chance » © A. de Barry • Maquette Florence Vandermarlière • Impression Éditions C.L.D. 91, rue du Maréchal-Juin 49000 Angers • Tél. : 02 47 28 20 68 • I.S.S.N. : 0222-6375 • Commission Paritaire n° 1111G80989 • Dépôt légal n° 910514 • Tirage du n°170 : 25 000 exemplaires Publication bimestrielle éditée par l’association Enfants du Mékong • Présidente Christine Lortholary-Nguyen • Présidents d’honneur Françoise Texier, François Foucart • Directeur général Yves Meaudre • Abonnement (1 an, 5 numéros) : 12 euros


> Éditorial

Voyage en Asie A

vec Yves Meaudre et Guillaume d’Aboville, notre responsable de la communication, nous revenons du Cambodge et des Philippines. Nous y avons rencontré nos filleuls, nos partenaires locaux et bien sûr nos volontaires Bambous. Nous avons pu constater combien nos enfants s’épanouissent pleinement dans nos foyers, où ils trouvent un environnement familial et une ambiance de travail. Nous avons échangé avec beaucoup d’entre eux : ils sont très attachés à leur parrain ou marraine et conscients de l’opportunité qui leur est offerte d’accéder à un travail décent. Au centre Docteur Christophe Mérieux de Phnom Penh, d’anciens étudiants venus des quatre coins du pays nous avaient organisé une soirée. Quelle récompense de voir ces jeunes bilingues, voire trilingues, ingénieurs, commerciaux... Ils soutiennent désormais leurs frères et sœurs. Dans l’esprit de notre réflexion sur les bidonvilles, nous nous sommes rendus aux Philippines, à Manille et à Cebu. Nous y avons rencontré plusieurs de nos partenaires locaux, français et philippins, et constaté leur extraordinaire travail auprès des enfants des rues. Petite goutte d’eau, mais ô combien utile, dans cet univers d’inhumanité. Même en accédant à un travail régulier, les populations continuent pourtant de vivre dans ces bidonvilles, ne trouvant souvent pas à se loger dans un habitat correct. Nous avons donc décidé de travailler à la racine du problème en concentrant notre aide sur l’île de Samar, d’où la plupart d’entre eux sont originaires. Avec votre soutien, nous voudrions y développer les parrainages scolaires et ouvrir des foyers d’étudiants afin de stabiliser les familles en province. Avant notre retour en France, nous avons séjourné à Bangkok. Si nos filleuls n’ont pas été touchés directement par les inondations, nous sommes soucieux des conséquences économiques de cette catastrophe, illustrées par le reportage que vous lirez dans ce numéro, dont vont souffrir les plus fragiles. Nous revenons de notre mission plus convaincus que jamais de l’efficacité de notre action auprès des enfants nécessiteux. L’aide à la scolarisation par le soutien d’initiatives locales avec des partenaires dévoués, le travail de qualité de nos Bambous ont permis et permettront à des milliers d’enfants de sortir de la misère. En ce temps de lumière et d’espérance d’un monde meilleur, toute l’équipe d’Enfants du Mékong en France et en Asie se joint à moi pour vous souhaiter un très joyeux Noël ! Christine Lortholary-Nguyen Présidente d’Enfants du Mékong

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Points chauds > Thaïlande

BANGKOK

EST UNE ÎLE Les terribles inondations qui frappent la Thaïlande depuis septembre ont focalisé l’attention des médias sur la seule capitale Bangkok. Mais les sacrifices consentis pour sauver la ville mettent en lumière de cruelles inégalités propres au pays du sourire. De notre envoyé spécial : Jean-Matthieu Gautier

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Face aux pires inondations de leur histoire, les habitants de Bangkok s’organisent au jour le jour. À l’heure de sortie des bureaux, rentrer chez soi relève parfois du casse-tête. Pourtant, deux mois après le début de la catastrophe, ils font toujours preuve d’un stoïcisme étonnant.

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Points chauds > Thaïlande

Autre conséquence des inondations : la difficulté pour les commerçants à s’approvisionner, qui a provoqué l’émergence de marchés informels, souvent flottants comme ici, et fortement marqués par l’inflation.

Avec près de 30 milliards de dollars de pertes, le bilan

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n arrivant au cœur de Vientiane Bangkok, moite, THAÏLANDE polluée, bruyante, Bangkok CAMBODGE attachante pourtant, Phnom Penhon est frappé par un Golfe de Golfe de Thaïlande constat cinglant : les Thaïlande berges de la rivière Chao Phraya ressemblent au Rivage des Syrtes. Rien ne s’y passe ou presque. À cette heure encore, Bangkok est une île partiellement isolée et prise au piège des eaux que les pouvoirs publics s’emploient à détourner au moyen d’un système de barrages, par l’ouest ou l’est, vers le golfe de Thaïlande. Sur les rives de la Chao Phraya qui sinue tranquillement à travers la ville, on pense à Henri Mouhot, le « découvreur » de Luang Prabang, qui, devant le spectacle de marmots se jetant dans le Mékong, soulignait que « la situation 200 Km

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même du pays tend à rendre amphibies ses habitants ». Le constat est péniblement le même ici. Les habitants de Bangkok sont condamnés à devenir amphibies ou à migrer ailleurs, comme le suggèrent une vingtaine de députés du parti au pouvoir qui militent depuis peu pour la création d’une « commission chargée de réfléchir à l’opportunité de changer de capitale ou de créer une deuxième capitale ».

Sauver Bangkok, sauver la face Bangkok s’enfonce aujourd’hui sous les eaux. Et, tous les scientifiques s’accordent pour le dire, la seule mousson de cette année, même importante, ne suffit pas à expliquer l’ampleur du désastre. La véritable raison, c’est la croissance démographique démentielle qu’a connue la capitale thaïlandaise en moins de 50 ans, jusqu’à atteindre aujourd’hui 12 millions d’habitants.

Pour y faire face, il a fallu construire toujours plus d’habitations et bétonner les canaux qui parcouraient la ville. Privés de ceux-ci, la Chao Phraya s’est retrouvée seule à la barre pour évacuer les eaux qui, après chaque mousson, tracent naturellement leur sillon des montagnes du nord de la Thaïlande à la mer. À cela s’ajoute mécaniquement un pompage excessif de la nappe phréatique qui a amené la capitale à s’enfoncer d’environ 10 centimètre par an à la fin des années 70. Officiellement ce rythme aurait baissé, mais rien n’est moins sûr, affirment certains experts. Pour contrer la menace, pour sauver Bangkok – et la face vis à vis des Occidentaux, comme a pu le suggérer le fraîchement élu mais déjà très décrié Premier ministre Yingluck Shinawatra – on a bétonné les abords de la capitale, installé des sacs de sable et évacué la MAGAZINE


Le ciment semble encore frais sur ce petit muret bâti à la hâte et destiné à protéger ce magasin de la montée des eaux.

est beaucoup plus lourd que celui du tsunami de 2004. population. Mais au bout de quelques semaines de ce régime minceur, elle d’ordinaire si placide en a eu assez. Assez du sacrifice des pauvres pour sauver les plus riches. Au nord, à l’ouest, à l’est, partout où des barrages ont été érigés, des habitants excédés ont décidé de faire tomber les digues. La police est venue y mettre bon ordre, mais le symbole demeure. Il illustre l’immense problème de Bangkok, celui qui malmène la Thaïlande tout entière depuis des années : BLOQUÉES Des centaines d’entreprises internationales totalement bloquées dans leur chaîne de production pour les secteurs des nouvelles technologies (Nikon, Sony, Canon, Samsung, Pioneer, Panasonic, Western Digital, Lenovo…) et de l’automobile (Toyota, Honda…).

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une certaine forme de cécité, l’incapacité de la riche capitale à entendre les problèmes des provinces pauvres du pays. En somme, son isolement. Une dichotomie déjà illustrée par le conflit politique qui oppose les chemises rouges, le plus souvent issues des provinces rurales, et les jaunes, majoritairement habitants de Bangkok.

Sortir de Bangkok Il faut sortir du centre, riche, sec et fébrile, de Bangkok pour réaliser que les deux tiers de la capitale du royaume se trouvent en réalité sous l’eau. À un arrêt de bus, au nord de la ville, dans le district de Chatuchak, deux ou trois personnes attendent, de l’eau jusqu’à mi-cuisse. Ils font partie des habitants qui ont décidé de rester chez eux malgré l’évacuation du quartier par les autorités. Ils ont pris le pli des inonda-

tions. Ils s’adaptent. Tout le monde s’adapte, d’ailleurs. À deux pas de là, les motos-taxis ont troqué leur véhicule contre de petites barques et les vendeurs de rue, chaussés de bottes, ont surélevé leurs étals pour continuer à vendre leurs denrées. À deux heures de route à l’ouest de Bangkok en temps ordinaire et cinq aujourd’hui, le petit village de Ban Lan s’adapte lui aussi. Maewtong Thanakorn a dû évacuer sa maison et vit désormais dans une tente, installée sur un terreplein qui jouxte la route. Son voisin a été plus prévoyant. Il a astucieusement bouché toutes les issues par lesquelles l’eau pourrait s’infiltrer dans sa maison, construit de petits murs de ciment, obstrué les ouvertures à l’aide de sacs de sable… L’eau entre tout de même, sporadiquement, et pour l’évacuer, Monsieur Pumpuang a acheté une pompe

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Points chauds > Thaïlande électrique. Il en est satisfait, même s’il doit rester vigilant. Il travaille dans une ferme aujourd’hui inondée. Maewtong Thanakorn, lui, est journalier dans le bâtiment : tous les chantiers sont arrêtés jusqu’à nouvel ordre. Alors, toute la journée, ils se réunissent entre voisins et organisent des parties de pêche. La pêche est devenue une activité pratiquée partout dans le pays. Plus loin encore vers l’ouest, le village de Bang Len est pour le coup complètement isolé du monde. Ses habitants se sont réfugiés au deuxième étage de leur maison et se sont constitués en petites communautés de voisins, pour qui l’entraide est le maître AUCUN PROGRAMME DIRECTEMENT TOUCHÉ Bien qu’aucun programme d’Enfants du Mékong ne soit directement touché par ces inondations, certains filleuls ont dû évacuer leur maison. S’il est trop tôt pour dresser un bilan définitif, cette catastrophe apparaît déjà plus importante, au point de vue financier, que le tsunami de décembre 2004 et que la récente catastrophe de Fukushima. Nous vous tiendrons informés de l’évolution de la situation et des éventuels besoins des familles soutenues par Enfants du Mékong.

Plus de 600 morts 1 155 000 familles en zone inondée 30 milliards de dollars de pertes 15 000 usines fermées 600 000 emplois industriels perdus 1,758 million d’hectares de terres agricoles noyées 13,28 millions de têtes de bétail perdues 75 autoroutes coupées mot. Ceux-là ne doivent leur survie qu’aux « caravanes solidaires » organisées plusieurs fois par semaine par des équipes de bénévoles souvent venus des quartiers chics de Bangkok. À Bang Len, le paysage est surréaliste et désolé : un immense lac où surnagent quelques maisons fragilisées par la montée des eaux, qui menacent de sombrer à tout instant. À Ban Lan, Monsieur Pumpuang est tout sourire en désignant du doigt la trace que l’eau a laissée sur le mur de sa maison. « L’eau baisse ! », s’exclame-t-il ravi. En effet l’eau a baissé, de cinq centimètres. Un léger mieux qui, à l’échelle du pays, marque un semblant d’espoir de voir la situation s’améliorer dans les jours à venir. ■

▲ M. Pumpuang a transformé sa maison en une petite forteresse où l’eau a bien du mal à pénétrer. Mais pour y accéder, il doit se contenter de ce petit pont branlant.

Tout est sous l’eau à Ban Lan. Les habitants se sont réfugiés au deuxième étage de leur maison et sont dans l’incapacité de se déplacer autrement qu’en barque.

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Regards sur l’Asie > Asie du Sud-Est

La junte birmane joue à la démocratie Depuis plusieurs mois, la Birmanie multiplie des signes d’ouverture qui suscitent autant d’intérêt que de méfiance. Analyse. Par Jean-Matthieu Gautier

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ment des relations avec les pays occidentaux – ceux des sanctions. D’où cette distribution de hochets démocratiques dont les Occidentaux sont si friands. Tandis que les associations de Birmans en exil et les chantres d’une Aung San Suu Kyi colombe de la paix continuent à dénoncer une parodie de pérestroïka, Thein Sein marque des points, accueille le Secrétaire d’État américain Hillary Clinton et obtient la présidence tournante de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) pour 2014. Par la même occasion, il a les mains libres pour poursuivre ses petites activités guerrières avec les minorités ethniques... Qu’on ne s’y trompe pas. Le véritable but de Thein Sein est bien évidemment d’avoir la paix. Pour cela, la meilleure méthode est de veiller à ce que le peuple ne manque ni de pain ni de jeux.

Philippines : Gloria Arroyo inculpée A

rrêtée alors qu’elle s’apprêtait à quitter le pays pour subir une opération chirurgicale de la moelle épinière, l’ancienne présidente des Philippines, Gloria Macapagal Arroyo, 64 ans, risque la prison à vie. Elle est en effet accusée d’avoir ordonné une gigantesque fraude à l’occasion des élections sénatoriales de 2007. Cette fraude aurait eu lieu sur l’île de Maguindanao, dans le fief de la famille Ampatuan, connue pour le massacre de 57 opposants en 2009. Cette mise en cause de l’ancienne présidente marque la très nette volonté de l’actuel président Benigno Aquino d’en finir avec la culture d’impunité qui règne aux Philippines depuis tant d’années. Aquino avait fait de la lutte contre la corruption l’un de ses principaux thèmes de campagne et offre enfin à ses sympathisants une preuve de sa détermination. Une détermination qui reste toutefois à nuancer, puisqu’on peut aussi bien l’analyser comme le signe d’un simple règlement de comptes. ■ J.-M.G. MAGAZINE

Thein Sein a tiré les leçons de la « Révolution safran » de 2006, où la population était descendue dans la rue pour manifester contre la vie chère. La démocratie n’est donc pas pour aujourd’hui en Birmanie, ni même pour demain. Mais il faut garder ces signes (hochets démocratiques pour Occidentaux ou pas) en mémoire. Les généraux nous ont habitués à tant d’extravagances qu’ils pourraient bien, après tout, laisser Aung San Suu Kyi devenir un jour présidente, elle qui vient d’annoncer qu’elle allait se présenter aux prochaines élections législatives.■

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eu de dupes ou véritable ouverCHINE B. ture ? Au regard des BIRMANIE (MYANMAR) faits depuis le mois de LAOS mars, soit depuis la Naypyidaw dissolution de la junte Rangoun birmane au profit d’un Mer gouvernement civil, il d'Andaman faut noter l’assouplissement de la censure, l’autorisation des syndicats et du droit de grève, la libération de 6 359 prisonniers dont 206 prisonniers politiques, l’ouverture d’un dialogue avec Aung San Suu Kyi et, très récemment, l’adoption par le parlement birman d’un projet de loi autorisant la population à manifester. Le président Thein Sein ne s’en cache pas : le but de toutes ces réformes est bien évidemment la levée des sanctions économiques qui pèsent depuis si longtemps sur le pays. Il souhaite en réalité deux choses : un rééquilibrage du jeu géopolitique en se démarquant de la politique prochinoise passée, comme l’a récemment illustré l’abandon d’un projet de barrage financé par la Chine, et la stabilité économique, donc un apaiseBH.

MékongExpress COUP DE FILET AU VIETNAM C’est ce que l’on appelle généralement la réponse du berger à la bergère. Devant l’augmentation croissante du nombre d’infractions au code de la route et le refus des motards de s’arrêter après les injonctions de la police, celle-ci a décidé de frapper un grand coup. À Thanh Hoa, la police utilise désormais des filets de pêche pour arrêter les motards dangereux et récalcitrants…

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Regards sur l’Asie > Cambodge

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Cambodge : « Un peuple à la fois endurci et fragile » À l’occasion de la sortie de son ouvrage Cambodge, la survie d’un peuple*, Sophie Boisseau du Rocher, maître de conférences à Sciences Po Paris et chercheur à Asia Centre, nous livre son analyse du pays. Propos recueillis par Geoffroy Caillet

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ous parlez du Cambodge comme d’un « pays en convalescence ». Qu’est-ce à dire, 20 ans après les accords de Paris ?

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Si les accords de Paris ont été un événement décisif dans l’histoire du Cambodge contemporain, un événement qui a permis au pays de se pacifier après les traumatismes successifs, ils ont aussi soulevé des attentes qui n’auront été que très superficiellement remplies. Dans cet État pourtant stabilisé sur le plan politique, la démocratie reste un vain mot. Et la croissance crée des inégalités criantes, voire violentes, qui profitent d’abord aux mieux placés. Cette observation de « pays en convalescence » provient du décalage observé entre l’« investissement » sans précédent avancé par la communauté internationale et l’usage qui en a été fait et qui crée, à son tour, une mentalité pernicieuse, voire cynique. On constate, avec le procès des Khmers rouges, combien le Cambodge ne peut encore supporter de traitement radical et combien la société est enfermée dans ce paradoxe : le peuple cambodgien est à la fois endurci et fragile.

les investisseurs étrangers parce qu’il dispose de ressources naturelles : on attend beaucoup des gisements de pétrole et de gaz découverts depuis 2005 par exemple. Produire au Cambodge présente aussi certains avantages : la main-d’œuvre reste parmi les moins chères de la région. Et le secteur du tourisme, en plein développement – et plus seulement autour des magnifiques temples d’Angkor – constitue aussi une manne économique et financière. Enfin, sur le plan politique,

Quels sont les atouts du Cambodge en 2011 ? Le Cambodge est d’abord un pays qui a une vraie histoire. Et quelle histoire ! Son rapport au passé peut lui donner confiance en son aptitude à rebondir : il a déjà démontré sa capacité de résilience et d’ajustement. Sa population est jeune (50% de ses 15 millions d’habitants a moins de 25 ans !) et le niveau d’éducation et de formation remonte lentement. À ce titre, la diaspora khmère et les ONG jouent un rôle pivot. C’est un pays qui intéresse 10 ❚ N°170 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2011

Unis, comprenne les aspirations de la jeunesse au changement. Au demeurant, c’est une évolution qu’on observe aussi dans les autres pays de l’Asean – l’Association des nations de l’Asie du SudEst – dont le Cambodge est membre.

Modèle occidental ou chinois, le Cambodge sera-t-il contraint de choisir et de n’être ainsi qu’un suiveur ? Les progrès sont indéniables, mais on constate qu’ils s’effectuent de fait dans une direction qui échappe de plus en plus à la norme occidentale pour s’aligner sur les pratiques et les modes de gouvernance chinois. La Chine assoit progressivement sa puissance et son influence sur ce petit pays. Les indicateurs montrent une avancée inexorable des intérêts chinois à la fois sur le plan économique et monétaire, sur le plan diplomatique et surtout sur le plan géostratégique. Washington réagit. Mais entre un voisin proactif et un allié éloigné, les jeux sont déséquilibrés. Toutefois, et c’est ici un point important, le Cambodge - comme ses partenaires de l’Asean - n’a pas du tout la mentalité d’un suiveur. Il combine les influences, les superpose, en joue. C’est un atout indéniable dont nous devons, à notre tour, savoir tirer parti. ■ *Cf. Livres, p. 22.

« Grâce au rôle pivot des ONG, le niveau d’éducation et de formation remonte. » on voit se dessiner la transition, l’après Hun Sen se profile. Le Premier ministre, en poste depuis plus de 25 ans, prépare sa succession. Alors certes, on peut déjà regretter que le successeur implicite soit… son propre fils, Hun Manet. Mais on peut aussi espérer que celui-ci, jeune général passé par la prestigieuse académie militaire de West Point aux États-

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Regards sur l’Asie > Philippines

« Ici, on ne badine pas avec l’humain » Unique en son genre, le Manille programme « Marcel Van PHILIPPINES – Seconde chance » permet à de jeunes délinquants philippins de 17 à 23 ans de se bâtir une nouvelle vie. 200 Km

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Par Bruno Delorme, volontaire Bambou aux Philippines Photos : Andrane de Barry

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e n’est qu’un chiffre, mais il est éloquent : d’après une étude universitaire belge, un mineur délinquant a 75% de « chances » de retourner en prison s’il ne bénéficie pas d’un programme de réinsertion efficace lors son séjour derrière les barreaux. C’est ce constat qui est à l’origine de la fondation, en 2002, du programme « Marcel Van – Seconde chance » par l’ONG Acay (Association Compassion Asian Youth / Association Compassion Jeunesse Asie), soutenue par Enfants du Mékong. Mineurs au moment des faits – du vol à la tire au viol, en passant par le trafic de drogue, le braquage et le meurtre – les « boys » qu’il accueille profitent de l’opportunité que leur offrent quatre religieuses de choc, les Missionnaires de Marie, pour réintégrer la société. Aujourd’hui, le programme compte un peu plus de 75 diplômés. Aux dernières nouvelles, seuls deux garçons ont refait un saut par la tragique case prison. Le programme comporte deux phases. La première se déroule avant la libération : c’est la Social Preparation. Par des MAGAZINE

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Regards sur l’Asie > Philippines visites régulières, une écoute attentive des sœurs, un suivi légal des cas, des activités sportives, des formations humaines (définition de la culture des gangs, gestion des peurs, des conflits, des pressions extérieures, confiance en soi, prise de décision), elle prépare les garçons à leur sortie de prison.

Être le moteur de son changement Après la libération, conditionnelle ou totale, intervient l’After Care. Conçue sur 18 mois, cette phase consiste à accompagner le garçon dans sa réinsertion sociale en le faisant progresser sur quatre plans : personnel, familial, scolaire ou professionnel, spirituel. Il s’agit bien d’accompagnement et non d’assistanat. Le garçon doit être le moteur de son changement. Qu’il vive dans son quartier, avec ses parents ou bien dans la nouvelle « Maison d’étudiants Jean Paul II », il est diplômé après cette formation intensive et dynamique. Même s’il est alors pleinement autonome, la porte de « Marcel Van – Seconde chance » lui reste bien sûr toujours ouverte.

Jayson, heureux et confiant en l’avenir Jayson était un tueur à gages de haut vol. En prison, il est devenu leader de sa cellule. Quand il est arrivé au programme Marcel Van il y a 18 mois, il ne parlait pas anglais et n’avait aucun diplôme en poche. Jayson a décidé de changer. Il l’a décidé au fond de lui, dans ses tripes. Mettant tout en œuvre pour passer le ALS (Alternative Learning System, examen permettant d’obtenir le niveau baccalauréat), il l’a brillamment décroché. Désireux d’étudier mais sans argent, il a travaillé et sué cinq mois comme ouvrier sur un chantier. Dans le même temps, il a dû affronter de lourds problèmes familiaux. Sa famille vit dans un squat, au cœur d’un des quartiers les plus dangereux de Manille. Son père, petit baron local de la drogue, s’est fait descendre de trois balles dans le ventre. 12 ❚ N°170 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2011

À ce moment, la volonté de changement de Jayson a été sur le fil. Les sœurs l’ont senti hésitant. Il reprenait un style vestimentaire de gangster à l’américaine, se rasait les cheveux – un signe souvent annonciateur chez nos « boys » qu’ils vont faire une « bêtise » et donc retourner en prison. Jayson s’est retrouvé face à lui-même. Il a fait son choix. Il est revenu à Marcel Van.

« Raymundo a fait du chemin » Beau gosse et danseur de hip-hop hors pair, Raymundo était un élément prometteur du programme Marcel Van. Ami de Jayson, il était aussi leader de sa cellule dans son centre de détention. Malheureusement pour lui, il a décidé il y a un an de quitter le programme. Son désir de changement

Le programme leur offre de devenir des hommes debout et porteurs d’espérance. Désormais diplômé du programme, il fait partie de ces anciens qui montrent le chemin aux autres gars et représente un réel soutien pour l’équipe. Auparavant, Jayson n’était qu’un petit gangster sans avenir. C’est aujourd’hui un étudiant en mécanique, heureux et confiant.

n’était pas assez profond. Deux semaines après, nous le retrouvions dans une prison pour adultes où les conditions décentes de détention avaient définitivement disparu – elles sont plus humaines dans les centres de détention pour mineurs. Il n’avait pas vraiment quitté son gang de braqueurs. MAGAZINE


Regards sur l’Asie > Philippines La police l’a pris la main dans un sac… qui n’était pas le sien. Depuis un an, Raymundo a fait du chemin. Il a réalisé qu’en prison, il n’avait rien appris. Avec le programme Marcel Van, ses amis, eux, ont progressé humainement et scolairement. Il nous l’a écrit noir sur blanc dans une belle lettre. S’il sort, et nous l’espérons de tout coeur, il devrait réintégrer le programme. Pour le moment, nous lui rendons visite, ce que sa famille, malheureusement, ne se donne pas la peine de faire.

Ouvert 24 heures sur 24 Au fil des mois, ces garçons sont devenus des amis. Il a fallu s’apprivoiser, se faire accepter, mettre en place des visites, des activités régulières pour créer avec le temps une confiance, un respect mutuel puis une amitié. À travers leurs sourires, leurs joies, leurs danses, leurs rêves, j’ai appris à profiter et à me réjouir de l’instant présent. Leur résilience m’a bouleversé. Voir certains changer réellement fut une joie profonde. Cette mission sous un climat tropical et dans une mégalopole polluée de 20 millions d’habitants n’est pas évidente. Il m’a bien fallu quatre mois pour accepter la situation de ces jeunes prisonniers et surtout leur passé d’une violence vicieuse, inouïe, à vous ébranler, à vous résigner au fatalisme, à tout simplement vous faire perdre espoir. S’occuper d’êtres humains en crise demande une attention permanente : le « Marcel Van Service » est ouvert 24 heures sur 24, sept jours sur sept et 365 jours par an ! Ici, on ne badine pas avec l’humain. Heureusement, il y a les sœurs et leur caractère fort : Sophie, Édith, Rachel, Laetitia, et toute l’équipe du programme. Leur dévouement à la mission, leur compassion et leur persévérance vous mettent du baume au cœur. Le programme « Marcel Van – Seconde chance » offre à des adolescents dits « sans espoir » de devenir des hommes debout et porteurs d’espérance. Merci pour eux ! ■ MAGAZINE

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Agir > En direct

So British… P

résent en Grande-Bretagne depuis dix ans, Enfants du Mékong s’est doté en juin 2011 d’une nouvelle équipe et d’un nouveau nom : Children of the Mekong. L’objectif de cette structure est d’élargir l’action d’Enfants du Mékong au monde anglo-saxon, afin de profiter pleinement des opportunités de la place financière de Londres. Tous les aspects opérationnels, notamment la traduction des supports de communication en anglais, sont désormais en place. Ils permettent de recruter de nouveaux parrains et d’établir des partenariats financiers pour les programmes de développement. Deux programmes de parrainage destinés aux parrains anglais ont été récemment ouverts en Birmanie : à Kyauk Tan, à l’est de Rangoun, pour soutenir deux foyers de garçons et filles défavorisés ; à Taunggyi, capitale de l’État shan, pour

soutenir un foyer d’orphelins. D’autres programmes vont ouvrir aux Philippines et au Cambodge. Parrains et sympathisants d’Enfants du Mékong, nous comptons sur vous pour que votre réseau amical et familial en Grande-Bretagne se sente concerné par le parrainage ! Vous pouvez les inviter à parrainer en leur communiquant les coordonnées du site internet qui leur est destiné : www.childrenofthemekong.org. À noter que Children of the Mekong accepte le paiement du parrainage en livres sterling et en dollars américains (parrainage scolaire : 24 livres sterling).■ Contacts : Eugénie Prouvost (bénévole à plein temps) eugenie@childrenofthemekong.org Jean-Marc Debricon (président) jm@childrenofthemekong.org

© A.-M. Rémusat

VOLONTAIRES BAMBOUS NOUVELLE MISSION AU CAMBODGE Après l’ouverture d’une première mission « Partenariats » en août dernier au foyer de Cebu (cf. EdM n°169), Enfants du Mékong a décidé de créer une mission similaire au Centre universitaire Christophe Mérieux, à Phnom Penh. Antony Hamon, volontaire Bambou en poste au Cambodge depuis fin novembre, a donc commencé à mettre en place un programme de formation complémentaire visant à assurer l’insertion professionnelle des étudiants. Pour répondre à leurs besoins et lever des fonds destinés à financer le Centre, il organise le mécénat de compétence avec des entreprises locales. Il s’occupe aussi de développer des activités liées à la recherche d’emploi (rédaction de CV, de lettres de motivation, préparation aux entretiens d’embauche), avec l’aide d’un intervenant de la Chambre de commerce franco-cambodgienne. Parallèlement, il organise des visites d’entreprises et des conférences par des professionnels. Enfin, il est le garant du bon déroulement des formations, tant d’un point de vue logistique qu’humain. En bref, une mission bien remplie au service d’étudiants motivés. 14 ❚ N°170 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2011

PROGRAMMES DE DÉVELOPPEMENT

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LE MOT DU PARRAINAGE

Lycée neuf pour Banteay Chmar

L

es professeurs et les élèves de Banteay Chmar attendaient cette construction depuis longtemps. Leur joie a été soulignée par le directeur de l’école, qui a organisé une cérémonie d’inauguration le 1er octobre dernier, en présence des représentants des autorités locales et d’Enfants du Mékong. Les lycéens ont aussitôt pu commencer les cours dans le nouveau bâtiment. Le collège, lui, est désormais installé dans les deux autres bâtiments en dur de l’école. Sur les six salles de classe, quatre accueillent le lycée. Une autre servira de bibliothèque. La dernière permettra de loger cette année deux professeurs en attendant la création d’une nouvelle classe l’an prochain. Le vieux bâtiment en bois qui se dresse encore dans l’enceinte de l’école n’est plus utilisé : les murs attaqués par les termites et le toit percé y rendaient difficiles les conditions d’étude. Dans le nouveau bâtiment, les salles sont lumineuses et aérées. Le sol carrelé permet un nettoyage facile. Grâce au toit élevé et aux tuiles, la température des salles reste agréable toute la journée. D’ici quelques mois, un chemin surélevé permettra alors d’accéder au nouveau lycée.Tous les élèves et professeurs de Banteay Chmar se joignent à Enfants du Mékong pour dire un très grand merci aux donateurs de leur lycée. ■ MAGAZINE


> Témoignage

Chronique d’un parrainage (1/2) Du camp de réfugiés karens aux perspectives d’un véritable avenir, le parrainage de la petite Peusowa est devenue, en douze ans, une formidable aventure humaine. Par Dominique Cordes, déléguée du Lot-et-Garonne

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MAGAZINE

calme, dédramatise tant qu’il le peut et encourage chacun : il y a 40 ans qu’il vit auprès de ce peuple. Les réfugiés trouvent en lui le soutien moral et la protection dont ils ont tant besoin. Les années passent, et les moyens que se donne cette famille pour résister sont remarquables. Ils apprennent avec une avidité et une volonté farouches. Personne ne voudrait nous décevoir ! Ce parrainage crée des liens si forts… Je croyais avoir une filleule, mais c’est

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eusowa, huit ans, vit en Thaïlande dans un camp de réfugiés. Elle est Karen de Birmanie. Le père Joseph Quintard est responsable du programme soutenu par Enfants du Mékong. Il traduit aussi le courrier. En 1999, je commence à parrainer Peusowa. Je lui écris très souvent, mais de courtes cartes pour abréger le travail du père. Toute une collection de petits morceaux de carton brillant et coloré s’envolent chaque mois pour la joie des enfants enfermés dans le camp. Là-bas, ils épinglent sur un piètre tissu ces images envoyées du bout du monde. Peusowa va apprendre la France, ses animaux, ses fleurs, ses paysages, ses églises, la mer, les fruits… Un jour, je lui envoie une carte d’Alsace avec une cigogne. Elle me répond : « Si on avait vu cet oiseau ici, on l’aurait mangé… » Durant des années, nous allons partager inquiétude et affection. J’ai souvent peur pour elle des dangers du camp et des attaques surprises qui y sévissent. L’accès des camps est règlementé, mais le père Joseph fera le nécessaire pour que nous puissions rencontrer nos amis. La première fois, je lui demande : « Que puis- je leur apporter ? » – « Ils n’ont rien », répond-il. – « Rien, c’est quoi ? » – « Rien, c’est rien. » Nous comprendrons vite ce que cette phrase dépourvue de sens signifie en réalité. Nous revenons chaque année et reconnaissons au passage d’autres familles qui bénéficient d’un parrainage. Chacune va beaucoup mieux au fil des ans. Les petites copines de Peusowa m’accompagnent visiter l’école du camp. Mais on côtoie des gens blessés, des enfants mutilés et handicapés, sans appareillage. La souffrance est partout. Le père Joseph nous explique avec

toute sa famille à laquelle je m’attache. Nous nous connaissons de mieux en mieux, dans nos différences et nos sentiments. À chaque visite, nous nous sentons vraiment accueillis ! J’aimerais tant qu’un jour ils viennent à leur tour chez moi. On en parle pour les faire espérer, mais sans y croire vraiment. C’est surtout pour leur faire reprendre courage…

« Il faut tenter ! » Ce jour-là, comme à l’accoutumée, nous prenons place sur la natte posée au sol. La famille est au complet et veut nous

annoncer une nouvelle importante. Le professeur d’anglais, une Karen de l’école du camp, est venue. Elle s’assoit à mes côtés. Ils l’ont choisie pour assurer la traduction du karen à l’anglais. « Ils veulent partir du camp. Actuellement, ils peuvent faire une demande pour émigrer aux États-Unis. Ils souhaitent savoir ce que vous en pensez. » Isaure, la jeune volontaire Bambou, attend nos réactions. Mais personne ne dit rien. Chacun regarde l’autre. Une étincelle de surprise jaillit dans le regard de Louis, mon mari. Il m’a si souvent réconfortée quand je m’inquiétais pour eux ! « Un jour ils seront libres, tu verras, et ils retourneront en Birmanie ! » Isaure me dit : « C’est votre réponse qu’ils attendent, ils insistent et veulent vraiment avoir votre avis ! » Elle a des craintes. Elle ne voudrait pas qu’ils échouent. Elle sait qu’ici Enfants du Mékong prend soin d’eux et que chaque responsable de programme fait de son mieux. Ils sont encadrés, guidés. Mais là-bas ? Chacun imagine le choc psychologique, culturel. Le déracinement. Je les aime si fort, je les sais si courageux et habiles que j’ai confiance en eux. Ils sauront et voudront s’adapter. Le parrainage a relancé leur vie. On ne peut stopper cet enthousiasme. Nous les connaissons vraiment bien maintenant. Ils attendent ma réponse. Alors, après un long moment de silence, je m’adresse au professeur d’anglais qui leur traduit ma phrase décousue : « La liberté… Les enfants sont jeunes. Il faut tenter !... » (à suivre) ■ N°170 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2011 ❚ 15


8 bonnes raisons de voir MANILA MONEYLA ● ● ● ● ● ● ●

Pour mieux comprendre la vie des Bambous à Manille et l’action d’EdM dans le pays Pour découvrir l’association He Cares et les sites de relogement de Montalban Pour savoir ce qu'est un webdocumentaire (laissez-vous guider !) Pour embarquer à bord d'un jeepney, le moyen de transport star aux Philippines Pour impressionner vos collègues lors de la prochaine pause café Pour passer un peu moins de temps sur Facebook aujourd’hui Pour meubler votre pause déjeuner

Plus de 6 500 internautes l’ont déjà visionné !


> Notre action

Comment nous aider ? (2/5) Vous êtes nombreux à nous demander quels sont les différents moyens de soutenir notre action. Voici le deuxième article de notre série. N’hésitez pas à nous faire connaître et à nous solliciter si vous voulez davantage d’informations ! Vous souhaitez… … permettre à un enfant d’aller à l’école pour 24 € ou 39 € par mois … soutenir les missions de nos 50 Bambous envoyés sur le terrain (19 € par mois) … faire un don ponctuel ou récurrent

… transmettre par testament une partie ou la totalité de vos biens … donner tout ou partie de biens reçus en héritage

… souscrire un contrat d’épargne pour verser un capital au(x) bénéficiaire(s)

Don I.R. ou I.S.F.

Notre réponse Parrainage

Le don ponctuel et récurrent Chaque don versé pour soutenir l’action d’Enfants du Mékong est un véritable cadeau, quel que soit son montant…

Parrainage Bambou

Chaque don reçu a une affectation : financement de programmes de développement, de missions Bambous, de nos foyers et centres scolaires…

Don I.R. ou I.S.F.

Nous avons aussi une « caisse » pour répondre aux besoins prioritaires de notre action : les dons ponctuels sont souvent affectés à cette caisse. Ils sont essentiels pour pouvoir répondre rapidement à ces demandes imprévisibles.

Legs Donation sur succession

Enfants du Mékong s’est engagé depuis 53 ans à ne pas diffuser noms et coordonnées de ses donateurs et parrains.

Assurance vie

Comment répondre à ces besoins prioritaires ? ● En

faisant un chèque à l’ordre d’Enfants du Mékong (à envoyer au 5, rue de la Comète – 92600 Asnières) en indiquant « besoins prioritaires ».

Un exemple actuel d’affectation de ces dons

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● En faisant un don en ligne sur notre site internet : www.enfantsdumekong.com

Merci pour votre soutien et votre aide ! Vous souhaitez soutenir nos actions prioritaires ou recevoir plus d’informations ? Contactez Guillaume d’Aboville : gdaboville@enfantsdumekong.com © esprit-photo

À Banteay Chmar, au Cambodge, Johann et Audrey, notre couple de Bambous, nous a fait part de la grave maladie cardiaque de Houk Heus, 7 ans : sans opération, il est condamné à brève échéance. Le délégué de Lyon sollicite ses relations, mais le coût est de 17 000 € (voyage, opération, séjour hospitalier, lourd suivi médical).

Vous êtes un particulier imposable en France : réduction d’impôts de 75% de votre don, dans la limite de 521 € par an. Au-delà, réduction d’impôt de 66% par mois. Ex. : un don de 100 € vous coûte réellement 25 €.

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Agir > Nos délégations AGENDA

Hippodrome, hall des Paris Vente d’artisanat au profit d’Enfants du Mékong lors du marché de Noël associatif. Contact : Éric et Marie-Laure Ibled Tél. : 03 20 72 31 61 delegation59@enfantsdumekong.com GRILLON (84) Samedi 17 décembre

MARCHÉ DE NOËL Salle des Fêtes La délégation du Vaucluse sera présente lors du marché de Noël de la ville de Grillon. Venez nombreux ! Contact : Tinou Dumond Tél. : 06 10 15 06 24 delegation84@enfantsdumekong.com PARIS (75) Vendredi 23 décembre à partir de 19h

CONFÉRENCE-DÉBAT Maison des Associations du 7e arrondissement – 4, rue Amélie, à l’angle du 93, rue Saint-Dominique. Métro La Tour-Maubourg, bus 80, 92, 87, 82.

Nous vous attendons nombreux, accompagnés d’amis ou de membres de votre famille, pour assister et participer à notre conférence débat autour d’un film d’Enfants du Mékong présenté par Didier Rochard, notre délégué d’Île-deFrance. Réponses par mail : agnes.ronzet@wanadoo.fr maison.asso.07@paris.fr Contact : Didier Rochard Tél. : 06 60 40 48 14 delegation75@enfantsdumekong.com ANIANE (34) Vendredi 23 décembre

MARCHÉ DE NOËL ÉQUITABLE La délégation de l’Hérault sera présente au marché de Noël de la ville d’Aniane. Venez nombreux ! Contact : Marie-Sylvie et Jean-François Achard Tél. : 04 67 59 40 12 delegation34@enfantsdumekong.com AIX-LES-BAINS (73) Jeudi 12 janvier à partir de 19h30

NOTRE AMI H. DE SAINT MARC DÉCORÉ

Hôtel Ariana La délégation de Savoie organise une présentation d’Enfants du Mékong au Rotary Club d’Aix-les-Bains. La présentation sera suivie d’un dîner. Contact : Christiane et Michel Barbero Tél. : 04 79 60 06 91 delegation73@enfantsdumekong.com

Enfants du Mékong se réjouit que le commandant Hélie Denoix de Saint Marc ait été promu à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur des mains mêmes du Président de la République. La cérémonie a eu lieu aux Invalides le 28 novembre dernier. Cet officier de la Légion

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l’assurons ici de nos affectueuses félicitations pour une vie si bien donnée. François Foucart

étrangère, homme d’honneur précisément et dont la vie fut éprouvante (déporté à 19 ans, combattant des campagnes d’Indochine et d’Algérie, avant de se révolter en 1961 « parce qu’un officier ne peut se parjurer »), est un grand ami de notre association. Passionné de l’Asie, il fut spécialement marqué par l’abandon forcé des populations devenues amies alors qu’il était à Talung, dans les montagnes du Tonkin. Nous

UN CHÈQUE DE 3000 EUROS Gérald Bruley des Varannes, délégué d’Enfants du Mékong pour l’Indre-et-Loire, a reçu le 19 septembre dernier un chèque de 3 000 euros du Rotary Club de Tours. Il participera au financement de la construction de l’école de Ban Koo Pha Tone, au Laos.

Dimanche 15 janvier à 12h30

JOURNÉE ENFANTS DU MÉKONG La délégation invite les parrains et amis de l’association à participer à une journée Enfants du Mékong : déjeuner asiatique à 12h30, puis nouvelles d’Asie et vente d’artisanat. Prix 18 €, lieu à venir. Inscription obligatoire avant le 7 janvier. Contact : Marie-Hélène Perret Tél. : 05 59 31 86 01 delegation73@enfantsdumekong.com MOUILLERON-LE-CAPTIF (85) Vendredi 20 janvier à partir de 19h30

DÎNER Salle du foyer rural (derrière la mairie) La délégation de Vendée organise un dîner où sont invités les parrains et les amis de l’association. C’est un moment de partage et de rencontre, n’hésitez pas à nous contacter pour plus de renseignements. Contact : Amaury et Françoise Depras Tél. : 06 61 87 02 86 delegation85@enfantsdumekong.com

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MARCHÉ DE NOËL

ÉCHOS

SOIRÉE ENFANTS DU MÉKONG

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Samedi 17 décembre de 14h à 19h

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MARCQ-EN-BARŒUL (59)

ANNONCE ALMANACH PROVENÇAL 2012 365 jours de soleil assurés ! Réalisation coordonnée par notre déléguée en Drome-Ardèche Petites et grandes histoires provençales, recettes de cuisine et de jardinage, expressions, musées et lieux secrets à découvrir, traditions populaires… Nous vous l'envoyons ou l'envoyons de votre part (avec dédicace de votre choix, si vous le souhaitez). 15 € - Port offert pour l'achat de 5 exemplaires. Un almanach de 64 pages en couleur, 165 x 230 mm, vendu exclusivement au profit d’Enfants du Mékong.

FONTAINES-SUR-SAÔNE (69) Mardi 24 janvier à partir de 19h30

SOIRÉE DÉCOUVERTE À la MJC

BON DE COMMANDE

La délégation du Rhône organise le 24 janvier une soirée découverte d’Enfants du Mékong avec la projection d’un film et la vente de Soieries du Mékong. Venez nombreux ! Contact : Anne Baud Tél. : 04 74 05 73 71 delegation69@enfantsdumekong.com

(1 exemplaires. x 15 €) + 3,25 port = 18,25 €

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(2 exemplaires x 15 €) + 4,20 port = 34,20 € (3 exemplaires x 15 €) + 5,50 port = 50,50 € (4 exemplaires x 15 €) + 5,50 port = 65,50 € (5 exemplaires x 15 €) - port 6,40 € offert = 75 € …… exemplaires x 15 € (port offert pour 5 ex ou plus.)

Indiquez votre adresse, mail et téléphone. Chèque à l’ordre d’Enfants du Mékong, à adresser à : Tinou DUMOND Montée de la Vieille Porte 84600 GRILLON 06 10 15 06 24 martinedumond@yahoo.fr

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> Courrier

© O. de Fresnoye

DU VIETNAM… Cher parrain, Chaque matin, je me dis que j’ai beaucoup de chance d’aller à l’école grâce à vous. Ma maison est très loin de la route et il n’y a pas de voiture. Les jours où je n’ai pas d’amis pour me ramener, je dois attendre des heures pour rentrer. Mais en pensant à vous, parrain, et à ma famille, je ne peux pas me plaindre. Mon père travaille la terre du matin au soir, qu’il pleuve ou qu’il vente, mais le rendement ne suffit pas pour vivre. Chez nous, la vie est très difficile. L’année prochaine, je dois me préparer à rentrer à l’université. Je terminerai l’année mais je ne suis pas sûre que ma famille me laissera étudier ensuite. Je suis vraiment inquiète et triste. Je souhaiterais avoir fini mes études pour pouvoir l’aider. Il y a des jours où je me sens si fatiguée. Je dois continuer à étudier et je pense à vous qui êtes loin. Mais j’entends votre voix qui m’encourage : « Courage, mon enfant ! » Je me permets de me confier à vous car je partage très peu ma tristesse à mon entourage et je ne peux pas tout garder pour moi. Alors j’en profite pour vous écrire tout cela. Je ne sais pas si vous pourrez lire ma lettre mais sachez vous êtes ma source d’espoir à chaque moment de tristesse. J’espère que le mois prochain arrivera vite pour que je puisse vous écrire et vous faire lire d’autres confidences. ■

Votre filleule, Phan Thi Nhung

VIETNAM CAMBODGE THAÏLANDE LAOS PHILIPPINES

MAGAZINE

DU DU DU DU DU

À PROPOS DE « RIZ CONTRE HÉVÉA » « Je viens vous faire part de la tristesse qui a rempli mon cœur à la lecture de l’article « Laos : riz contre hévéa » du numéro de juin-juillet d’EdM Magazine. Il se trouve que je suis depuis quelques années marraine à Oudomsouk. Nous avions à l’époque, avec mon mari, décidé de prendre un parrainage au Laos parce que le père de notre arrière-petit-fils est d’origine laotienne. Comme je voudrais contribuer à faire que nos amis retrouvent intégralement la propriété de leur sol ! Et qu’il en soit ainsi dans le monde entier pour les petites gens qui sont comme eux privés de leurs droits les plus élémentaires. Espérons qu’en faisant « de notre mieux », nous arrivions à obtenir que la justice soit rétablie, que nous construisions enfin une économie à visage humain. En union profonde de sympathie, de prière et d’action ! » Jeanne, Haute-Savoie Vous pouvez nous adresser vos courriers au 5, rue de la Comète 92600 Asnières, en mentionnant « Courrier des lecteurs », ou par e-mail : magazine@enfantsdumekong.com

7 AU 21 FÉVRIER 2012 - DU 7 AU 21 MARS 2012 14 AU 26 FÉVRIER 2012 31 JANVIER AU 14 FÉVRIER 2012 31 JANVIER AU 14 FÉVRIER 2012 25 FÉVRIER AU 11 MARS 2012

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Découvrir > Chronique d’Asie

Musée Guimet :

« Concilier exigence savante et exigence du public » Spécialiste de la civilisation khmère et homme de terrain, Olivier de Bernon, 54 ans, est depuis le 1er septembre le nouveau président du musée Guimet. Rencontre. Propos recueillis par Geoffroy Caillet - Photos : Jean-Matthieu Gautier

V

ous avez passé un an en Thaïlande en 1986 auprès des réfugiés laotiens et cambodgiens. Qu’est-ce qui vous a amené dans les camps ?

J’avais appris le cambodgien aux Langues O’ pour me distraire un peu de la préparation de ma thèse de doctorat en philosophie. L’idée m’est d’abord venue d’aller rencontrer des Cambodgiens dans les trois provinces khmérophones de Thaïlande. À mon retour en France, j’ai soutenu mon mémoire de cambodgien, puis j’ai voulu faire une « B.A. » en proposant mon aide dans les camps. Un de mes professeurs de cambodgien, M. Khin Sok, était un homme très dévoué et actif pour l’éducation dans les camps. Il m’a donné quelques renseignements et j’ai atterri dans une ONG, le SIPAR (Soutien à initiative privée pour 20 ❚ N°170 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2011

l’aide à la reconstruction des pays du sud-est asiatique), qui m’a chargé de mettre sur pied leur premier programme en Asie. Au camp de Phanat Nikhom, je m’adressais aux Laotiens en siamois. Aux Cambodgiens, je parlais le khmer appris aux Langues O’. Un khmer un peu désuet, qui ne me permettait pas de dire : « J’aimerais manger une soupe », mais plutôt : « Je voudrais consommer un potage »… Comme tant d’autres périodes de ma vie, je pourrais dire que celle-ci a été la plus belle.

Comment s’est passée la réouverture de l’École française d’ExtrêmeOrient (EFEO) au Cambodge, qui vous a été confiée en 1990 ? De l’EFEO, il ne restait rien. La bibliothèque avait été détruite, les installations de Phnom Penh et Siem Reap

squattées. Les Cambodgiens étaient à la fois demandeurs de soutien et un peu peinés qu’on ait tant tardé à revenir. Je dois signaler que le roi Sihanouk, à qui nous avions écrit au moment des premiers contacts, nous a répondu une lettre chaleureuse, accompagnée d’un chèque de soutien. C’est un hommage à lui rendre, car la date de son retour n’était alors pas fixée et les accords de Paris pouvaient encore capoter. Mais il a eu conscience que l’EFEO était qualifiée pour préserver et mettre en valeur le patrimoine du Cambodge, et il a fait abstraction de l’incertitude politique. Lorsque je suis arrivé à Phnom Penh, l’ex-palais royal était devenu le « ministère de la culture et de la propagande ». Pour abriter mon laboratoire de conservation des manuscrits khmers que je récoltais, ce ministère m’avait alloué MAGAZINE


un petit bâtiment dans son enceinte. Quand le roi Sihanouk est revenu, il m’a offert son patronage, ce qui m’a valu de continuer à être hébergé pendant neuf ans dans un palais royal rendu à sa destination. J’envoyais périodiquement à Sihanouk un rapport d’activité qui lui

Aujourd’hui, il apparaît clairement que l’Extrême-Orient devient le centre du monde. L’Inde et la Chine accèdent au rang de puissances au sens où nous l’entendions en Europe au début du XXe siècle. Or ces puissances ne sont pas nées de rien, elles ont produit des œuvres magnifiques dont

« D’une façon générale, le public français ignore l’extraordinaire richesse des collections et souvent même de l’art oriental. » permettait de suivre attentivement nos travaux. Puis, en 2004, il m’a envoyé un fax pour me dire qu’il faisait don à l’EFEO de ses archives personnelles. Je suis donc allé quatre ou cinq fois à Pékin pour organiser leur versement à Paris, aux Archives nationales. Ça a été le début de quatre années d’un long et passionnant travail de classement puis de publication d’inventaire.

le musée Guimet est, pour une part représentative, le réceptacle et la vitrine. Il a donc des responsabilités qui s’inscrivent dans l’histoire traditionnelle de l’orientalisme français : un orientalisme qui consiste à se sentir comptable des civili-

sations qui ne sont pas la nôtre. À Guimet, nous étudions, nous mettons en valeur, nous connaissons. Aujourd’hui, s’ajoute une mission pédagogique vis-à-vis d’un public qui sera de plus en plus confronté à la nécessité de connaître cet ExtrêmeOrient puissant. Pour le familiariser avec ses formes esthétiques et mentales, le musée Guimet est un instrument privilégié. Il s’agit donc de définir un rôle qui concilie l’exigence savante et l’exigence du public. C’est assez difficile, car il faut à la fois ne rien galvauder et ne pas détourner le public. Mais c’est une institution magnifique ! ■ Musée Guimet - 6, place d’Iéna - 75116 Paris Tél. : 01 56 52 53 00 - Fax : 01 56 52 53 54 www.guimet.fr

Le musée Guimet est un musée ancien, parisien et résolument moderne depuis les travaux qui se sont achevés en 2001. Il reste pourtant peu connu du grand public. Comment l’expliquez-vous ? Précisément, je ne me l’explique pas ! Mais je me donne comme mission d’inverser cette proposition. Pour cela, il nous faut mettre en place une programmation vivante, claire, et une visibilité plus grande dans Paris. Quelqu’un me faisait remarquer qu’un guide du type Michelin parle du musée Guimet comme du « Louvre de l’Asie ». Or je souligne depuis longtemps l’existence de « Joconde » à Guimet : des objets que certains visiteurs viennent voir, parfois du bout du monde. D’une façon générale, le public français ignore l’extraordinaire richesse des collections et souvent même de l’art oriental. Autrefois, le public du musée Guimet était un peu élitiste : pas forcément savant, mais toujours cultivé. Et l’Orient, avant l’invention catastrophique du tourisme de masse, était un Orient lointain. Il y avait donc une adéquation entre ce musée un peu mystérieux et élitiste et son public. MAGAZINE

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Découvrir > Livres à lire

on a aimé

à ne pas manquer

Thaïlande contemporaine

Stéphane Dovert et Jacques Ivanoff Éd. Irasec/Les Indes savantes, 626 p., 35 €

Comme bien souvent, les monographies publiées par l’Irasec (l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est) sont des ouvrages à vocation exhaustive qui rassemblent, décortiquent et font la lumière sur une quantité fascinante de sujets. Thaïlande contemporaine remplit on ne saurait plus honnêtement son rôle. La plupart des thèmes (culture et identité thaïes, développement économique, géostratégie et politique étrangère…) chers à ce pays « en pleine effervescence mais à l’avenir incertain », sont ainsi passés au crible d’une armée de chercheurs de renom et nous font entrer dans les arcanes d’une Thaïlande bien plus complexe et codifiée qu’il n’y paraît de prime abord.

Angkor, lumière de pierre

Mireille Vautier, photographies Olivier Germain-Thomas, textes Éd. Actes Sud, 160 p., 49 €

Nouvel ouvrage sur Angkor – qui continue à fasciner toujours et toujours plus – cet ouvrage richement illustré par les photos de Mireille Vautier et les textes d’Olivier Germain-Thomas laisse pour le moins perplexe. Les textes du grand écrivain qu’est Germain-Thomas, érudits, poétiques, oniriques même, renvoient aux différents découvreurs d’Angkor et à toute l’histoire légendée de la mythique cité. Les photos de Mireille Vautier, photographe à la renommée internationale, nous plongent dans l’intimité d’un Angkor qui semble de plus en plus fantasmé. La démarche est belle, poétique encore une fois, textes et photos remplissent parfaitement leur rôle. Mais l’ensemble peine à convaincre. Mouhot, Loti, Malraux n’ont-ils pas déjà tout dit sur ces pierres ?

Cambodge – La survie d’un peuple Sophie Boisseau du Rocher Éd. Belin, 192 p., 20,90 €

Fidèle au principe de la collection « Asie plurielle », Sophie Boisseau du Rocher remporte le pari de faire tenir l’histoire complexe et mouvementée du Cambodge dans un ouvrage aux proportions raisonnables, loin des sommes parfois décourageantes sur ce sujet. En explorant rigoureusement l’histoire khmère, elle élargit les clichés actuels auxquels ce pays difficile à appréhender est trop souvent réduit, pour mieux mettre en valeur atouts et faiblesses du Cambodge contemporain. Une synthèse brillante et parfaitement documentée.

Viêt Nam, Histoire Arts Archéologie Anne-Valérie Schweyer, textes Paisarn Piemmettawat, photographies Éd. de La Frémillerie, 134 p., 18 €

À mi-chemin entre le guide de voyage et le « beau livre », ce Viêt Nam est une somme richement illustrée de 859 photographies en couleur et de 40 cartes et plans. Quatre parties déclinent l’histoire et la géographie du pays, les civilisations viêt (au nord) et cam (au centre et dans le sud) avec leurs sites historiques respectifs, les principaux musées du Vietnam. Une éblouissante plongée, où l’érudition sait toujours se faire pratique et accessible, au cœur d’un pays millénaire, qui captivera le voyageur las de la jungle urbaine à laquelle le Vietnam moderne semble parfois avoir tout sacrifié.

Li, le jeune archer du roi de Chine

Pascal Vatinel, illustrations de Peggy Adam Éd. Actes Sud junior, 104 p., 7,50 €

Alors qu’il s’apprête à partir en pèlerinage sur la montagne sacrée où vit l’Empereur de Jade, le vieux Lao Sheng raconte à sa petitefille l’histoire de Li Ming. Guidé par un mystérieux oiseau, ce jeune archer valeureux délivre les habitants de la plaine et le roi de Chine de l’aigle, de l’ours et du tigre qui les menaçaient. Écrit d’une plume souple et précise par un sinologue habile à s’adresser aux adultes comme aux enfants, ce charmant conte de la série « Fleur de printemps » répond à la perfection à l’intention qu’elle s’est fixée de familiariser les enfants français à l’univers de la culture chinoise ancestrale. Dès huit ans.

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Les Réfugiés – Hoà Yves Meaudre

Éd. Dominique Martin Morin, 256 p., 22 €

Dans l’immense production littéraire, certains livres intéressent, d’autres indiffèrent, d’autres passionnent. La raison ou l’émotion suffit à classer votre lecture. Les Réfugiés est tout autre : c’est un livre rare ! Son titre même est une personne, incarnation du destin des peuples du Sud-Est asiatique. L’intrigue révèle des circonstances trop souvent oubliées de l’histoire tragique de ces peuples qui ont payé de leur vie des combats idéologiques si éloignés de leurs cultures. L’histoire – la vraie – y trouve son compte. Les péripéties dramatiques vécues par les personnages sont authentiques dans leur cruauté comme dans leur grandeur. Mais, bien au-delà, à travers le regard de Hoà, c’est l’âme de ces peuples qu’Yves Meaudre nous révèle. Tout dans ce livre – le style sobre et alerte, l’écriture incisive à travers des descriptions belles ou tragiques, la précision des personnages – manifeste l’amour de l’Asie. Seul un grand connaisseur de ces peuples et de ces cultures pouvait trouver les justes mots pour restituer l’extraordinaire complexité des impressions qui vous assaillent dans la rencontre comme dans la contemplation. Par leur histoire, par la nature toute particulière des relations qui se sont établies entre nos cultures, les peuples d’Asie du Sud-Est nous sont mystérieusement proches. Voilà qu’un auteur lève le voile sur une partie du mystère. L’analyse est objective, raisonnable, mais c’est bien par le cœur qu’Yves Meaudre nous permet d’entrer dans l’insondable profondeur de la sagesse confucéenne transcendée par la révélation de l’Évangile : « La complémentarité entre ce que Confucius a apporté à son peuple et l’intuition de nos plus grands mystiques, saint Jean de la Croix ou sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, est extraordinaire. » Car Les Réfugiés est le récit d’un auteur confronté aux situations les plus tendues, les plus désespérées. Un jésuite, Ong Harald, grand serviteur de ces réfugiés qui œuvra 13 ans dans les camps à la frontière thaïlandaise, en résume ainsi le principe : « Nous ne pouvons tout expliquer, mais la clé est que Dieu est Amour et que nous en sommes chacun le reflet. Au nom de cela, nous devons faire. Chacun a le droit d’être un homme debout. Il faut agir en ce sens. Tout le reste n’est que paroles. » La grandeur de ce récit tient à ce qu’il nous révèle le sens de la vie de l’homme en ce monde. René Péchard fut de ces acteurs infatigables. Son histoire – aujourd’hui complétée par Enfants du Mékong – montre que la vie est belle dans sa tragédie et que le don total de soi est une priorité de l’existence. Un livre rare, promesse d’espérance, qu’il faut donner à chaque jeune de notre entourage qui attend ce témoignage pour croire en sa vie. ■ Didier Rochard MAGAZINE




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