Enfants du Mékong N°169 SEPTEMBRE OCTOBRE 2011 2,40 €
MAGAZINE
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S U D - E S T
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Webdocumentaire
Au cœur du mal-logement philippin
THAÏLANDE Le tourisme pour les Karens www.enfantsdumekong.com
> Sommaire n°169 Éditorial Passage de flambeau
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Points chauds Philippines Manila Moneyla : au cœur du mal-logement philippin
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Regards sur l’Asie 8
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seront reçus par les habitants de Mae Sot » 10
Vietnam : Heurs et malheurs des Hauts-Plateaux
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Agir En direct Perspectives
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François, Christine et les autres…
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Notre action Comment nous aider ?
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Nos délégations Agenda, échos, annonces
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Courrier
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Découvrir Chronique d’Asie Mariage en pays khmer
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Livres
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20 Rédaction MAGAZINE 5, rue de la Comète 92600 Asnières-sur-Seine • Tél. : 01 47 91 00 84 • Fax : 01 47 33 40 44 • Fondateur René Péchard (†) • Directrice de la publication Christine Lortholary-Nguyen • Rédacteur en chef Geoffroy Caillet • Rédacteur Jean-Matthieu Gautier • Couverture Dans le bidonville de Navotas © Jean-Matthieu Gautier • Maquette Florence Vandermarlière • Impression Éditions C.L.D. 91, rue du Maréchal-Juin 49000 Angers • Tél. : 02 47 28 20 68 • I.S.S.N. : 0222-6375 • Commission Paritaire n° 1111G80989 • Dépôt légal n° 910514 • Tirage du n°169 : 24 000 exemplaires Publication bimestrielle éditée par l’association Enfants du Mékong • Présidente Christine Lortholary-Nguyen • Présidents d’honneur Françoise Texier, François Foucart • Directeur général Yves Meaudre • Abonnement (1 an, 5 numéros) : 12 euros
© J.-M. Gautier
Thaïlande : Une Thaksin chasse l’autre Asie du Sud-Est En bref Thaïlande : « Les touristes de Mae Sot
> Éditorial
Passage de flambeau A
près avoir assumé pendant dix ans la présidence d’Enfants du Mékong, François Foucart me passe le flambeau. Je tiens à le remercier pour la grande liberté d’expression qu’il nous a laissée au sein du conseil d’administration. Il restera présent parmi nous en m’assistant en tant que président d’honneur. Bien sûr, notre action demeurera la même : l’aide aux enfants les plus démunis du Sud-Est asiatique. Notre but est de les aider, par l’éducation, à trouver une place décente dans la société. Comme nos propres enfants, nous les guidons aussi loin que leurs capacités le leur permettent : école primaire, secondaire, supérieure, formation professionnelle. À travers nos foyers, nous leur léguons des valeurs morales qu’ils ont parfois du mal à trouver dans des pays où la corruption est omniprésente. Œuvrant contre la pauvreté, nous ne pouvons ignorer l’énorme problème des bidonvilles. Ceux-ci croissent à une vitesse vertigineuse. D’ici 2025, leur population aura doublé à travers le monde pour atteindre 1,5 milliard. Pour mieux comprendre le phénomène et les motivations qui poussent ces populations rurales à aller s’entasser dans des mégalopoles, nous avons envoyé en 2010 un volontaire, Jean-Marc Oswald, aux Philippines. Il y a vécu plusieurs mois, est entré en contact avec d’autres ONG locales. Il est revenu avec un énorme dossier à partir duquel nous travaillons. Un webdocumentaire qui s’appuie sur cette enquête vient d’être réalisé par Jean-Matthieu Gautier (cf. p. 4-7). Je ne peux que vous encourager à le visionner sur internet. Plus nous avançons dans notre action et dans la connaissance des populations que nous aidons, plus nous nous rendons compte de l’immensité des besoins. Dans ces pays dits émergents, les écarts de pauvreté ne font que s’accroître. Plus que jamais, nous avons besoin de votre aide pour nous faire connaître et nous aider financièrement. Guillaume d’Aboville vous détaille (p. 16-17) plusieurs manières de nous soutenir selon les moyens et la sensibilité de chacun. Nous ne pouvons agir que grâce à vous. Nous essayons de gérer le mieux possible les dons que vous nous confiez. Preuve en est le label IDEAS que nous venons d’obtenir cette année. Il reconnaît la bonne gestion financière et le suivi de l’efficacité de notre action. Merci à tous, parrains, amis, bienfaiteurs ! Christine Lortholary-Nguyen Présidente d’Enfants du Mékong
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Enfants du Mékong présente
MANILA MONEYLA La Vie.fr
en partenariat avec
au cœur du mal-logement philippin ENTRER
À découvrir à partir du 14 octobre sur www.lavie.fr Un webdocumentaire réalisé par Jean-Matthieu Gautier pour Enfants du Mékong
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Webdocumentaire réalisé en partenariat avec lavie.fr, Manila Moneyla est une enquête interactive au cœur du mal-logement philippin. À travers des diaporamas photos commentés et agrémentés de sons d’ambiance, l’internaute est invité à visiter différents quartiers de Manille où vivent des familles victimes du mal-logement. Il peut alors décider de rencontrer les habitants ou de poursuivre sa route vers d’autres situations et d’autres quartiers.
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Par le biais d’un simple clic, une carte lui permet de toujours savoir où il se trouve dans la ville et de revenir visiter un quartier où il serait passé rapidement. Il peut aussi décider d’en savoir davantage sur une situation particulière grâce à de petits « focus » disséminés dans chaque séquence.
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Tourné au mois de février 2011,ce webdocumentaire s’appuie sur une enquête réalisée en 2010 par Jean-Marc Oswald, volontaire envoyé par Enfants du Mékong, sur les causes et les conséquences de l’exode rural aux Philippines.
Points chauds > Philippines
Manila Moneyla : au cœur du mallogement philippin Avec près de 20 millions d’habitants, Manille est l’une Manille des mégalopoles les plus peuplées PHILIPPINES d’Asie. Pourtant, près de la moitié d’entre eux vivent dans des bidonvilles. Ils ont quitté leur province pour fuir une misère qu’ils retrouvent finalement en ville. 200 Km
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Texte et photos : Jean-Matthieu Gautier
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anila Moneyla : c’est ainsi que l’on désigne Manille dans les campagnes depuis les années 60. En quarante ans, la capitale des Philippines s’est forgé une réputation de ville lumière où l’argent coulerait à flot, une ville « qui brillerait aux yeux des plus pauvres », selon le souhait du président dictateur Marcos… En grande partie détruite pendant la Seconde Guerre mondiale lors des combats qui opposèrent soldats américains et japonais, la ville a dû faire appel à une main-d’œuvre essentiellement provinciale pour se reconstruire. Maçons, charpentiers, peintres… une génération entière de petites mains non spécialisées mais attirées par le travail est venue en foule à Manille. Certains sont restés, d’autres sont repartis. C’est par ceux-ci que s’est propagée la nouvelle : Manille est une ville de l’argent facile, une ville où n’importe qui peut trouver du travail. Une demi-vérité, car avec un taux de chômage récemment évalué à 27,2% pour l’ensemble du pays et à près de 6 ❚ N°169 ❚ SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011
50% dans les bidonvilles, la réalité est autrement plus complexe. Surtout, ces chiffres ne rendent pas compte d’une caractéristique des bidonvilles : le nombre d’habitants qui exercent un travail régulier y est très faible. La plupart d’entre eux doivent se contenter de petits jobs à l’heure ou à la journée. Naturellement sous-payés.
Déloger les squatteurs Quoi qu’il en soit, le mal est fait : Manille est la ville de l’argent facile et c’est là-bas qu’il faut être. Quand les familles arrivent, elles s’installent d’abord sur un bout de trottoir, puis disposent quelques cartons, quelques palettes de bois, improvisent un toit… Elles troquent leur dialecte local contre le tagalog, la langue parlée à Manille, se mettent en quête d’un travail. Elles s’arrangent. Puis d’autres familles arrivent à leur tour. S’installent à côté d’elles, s’étalent. C’est un bidonville. La municipalité ne sait pas quoi faire : toute cette misère pollue le paysage. Si un riche investisseur coréen passait
dans le quartier, que penserait-il ? Du reste, l’emplacement où les familles ont élu domicile et qu’elles supposaient – à tort – libre est appelé à accueillir un centre commercial flambant neuf. Il faut déloger les squatteurs, comme sont désignés les habitants des bidonvilles. Pour cela, deux solutions : payer un groupe de petits malfrats qui iront mettre le feu au bidonville en catimini ou déloger les habitants en leur proposant d’aller s’installer à l’extérieur de Manille, dans des centres de relogement.
Échapper au mal-logement La plupart du temps, le relogement est bancal. Les relogés sont livrés à euxmêmes sur un terrain où ils disposent de maisonnettes certes plus confortables, mais où aucune structure n’est prévue pour leur permettre de trouver du travail. Les gens ont un toit mais rien dans leur assiette. Beaucoup décident alors de retourner à Manille. Et recommence alors le cycle du mallogement : bout de trottoir, bout de carton, amorce de bidonville, expulsion, relogement. Pourtant, le problème n’est pas insoluble. Grâce à l’action de certaines ONG et de mouvements d’Église, plusieurs bidonvilles ont réussi depuis quelques années le pari d’échapper au cycle du mal-logement et de vivre dans des endroits plus sains. C’est aussi cette possibilité de s’en sortir que l’on découvre dans le webdocumentaire Manila Moneyla. ■ MAGAZINE
▲ Capture d’écran de la séquence CIMETIÈRE-BIDONVILLE DE NAVOTAS/La vie au milieu des morts. L’internaute est invité à se promener entre les allées du cimetière municipal de Navotas, peu à peu transformé en bidonville par les habitants.
▲ Capture d’écran du menu « Rencontre » de la séquence CALAUAN-LAGUNA/Centre de relogement poubelle. Après s’être promené dans les ruelles tirées au cordeau de ce centre construit pour reloger d’anciens habitants de Manille expulsés de leur bidonville, l’internaute a la possibilité de rencontrer certains d’entre eux.
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Regards sur l’Asie > Thaïlande l’image d’une poupée manipulée, qui ne satisfait ni les observateurs politiques ni les membres d’organisations féministes thaïlandaises.
© Ratchaprasong
Vers la réconciliation ?
Thaïlande : une Thaksin chasse l’autre Les élections législatives de juillet ont permis le retour au pouvoir du clan Shinawatra, par le biais de la sœur de l’ancien Premier ministre Thaksin. Par Geoffroy Caillet
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e sentiment que les scénaristes du feuilleton politique thaïlandais sont en panne d’inspiration est monté d’un cran cet été avec la victoire du Puea Thai, la coalition menée par Yingluck Shinawatra aux élections législatives de juillet, suivie de l’accession de cette femme d’affaires de 44 ans au poste de Premier ministre. Affaires : c’est bien le mot qui vient à l’esprit à l’évocation du plus célèbre patronyme de Thaïlande. Celles dont s’occupait Yingluck, présidente du groupe immobilier SC Asset Corp., une pièce du florissant empire familial, jusqu’à son élection. Mais surtout celles attachées à son frère, le milliardaire Thaksin Shinawatra, chef de gouvernement déchu et exilé à Dubaï depuis son inculpation pour malversations financières. En présentant sa sœur cadette comme son « clone », Thaksin a préparé l’écra-
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sante victoire de cette diplômée de sciences politiques mais novice en la matière, entrée dans la campagne deux mois à peine avant le scrutin. Ellemême a exploité ouvertement le lien familial vis-à-vis de l’électorat rural de
Posture politique ou pas, c’est en prônant l’unité et la réconciliation que Yingluck Shinawatra a fait ses premiers pas de chef de gouvernement. Un prélude indispensable dans un pays divisé, depuis la chute de son frère en 2006, entre « chemises rouges », partisans de Thaksin et d’un électorat populaire, et « chemises jaunes », fidèles aux élites traditionnelles représentées par le palais royal, les hauts fonctionnaires, l’armée et le monde urbain. Leurs affrontements avaient fait près de 100 morts en plein Bangkok en avril et mai 2010 (cf. EdM n°163). Une prudence de principe a ainsi présidé à la composition de son gouvernement : il ne compte aucun leader des chemises rouges, qui ont pourtant contribué à sa victoire du 3 juillet. Conséquence mécanique du retour au pouvoir d’un membre du clan Shinawatra, la nomination de Yingluck a eu un effet immédiat d’apaisement sur les relations avec le Cambodge, dont le Premier ministre Hun Sen est resté un grand ami de Thaksin : l’offre qu’il lui avait faite d’un poste de conseiller économique du gouvernement cambodgien avait, en son temps, fait grincer des dents le prédécesseur de Yin-
En présentant sa sœur cadette comme son « clone »,Thaksin a favorisé l’écrasante victoire de cette novice en politique. son frère à coups de : « Si vous l’aimez, vous m’aimez »… Mais, ce faisant, Thaksin n’a laissé aucun doute sur son intention de continuer à mener, à travers elle, la politique thaïlandaise depuis son exil. Le physique avantageux de Yingluck Shinawatra, très largement commenté pendant la campagne, achève de donner du nouveau Premier ministre thaïlandais
gluck, Abhisit Vejjajiva, aujourd’hui relégué dans l’opposition. Un rapprochement qui fait espérer que les affrontements autour de la zone frontalière de Preah Vihear, objet de litige entre les deux pays, ne devraient pas recommencer de sitôt. Pour le reste, Yingluck Shinawatra est, sans surprise, attendue au tournant.■ MAGAZINE
Regards sur l’Asie > Asie du Sud-Est
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Khmers rouges : limite d’âge ?
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Le second procès des Khmers rouges se heurte à une nouvelle difficulté : l’âge avancé des accusés, qui fait craindre un report du procès. Par Geoffroy Caillet Golfe Phnom Penh de Thaïlande
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es accusés avaient eux-mêmes largement exploité cet argument dès l’ouverture de leur procès, fin juin : leur grand âge, qui faisait déjà craindre l’impossibilité de leur comparution devant le tribunal de Phnom Penh, où ils sont jugés pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Khieu Samphan, ancien président du Kampuchéa démocratique, Nuon Chea, théoricien du régime de Pol Pot, Ieng Sary,
l’ancien ministre des Affaires étrangères, et son épouse Ieng Thirith, ancienne ministre des Affaires sociales, ont en effet tous aujourd’hui de 79 à 85 ans. À 68 ans, Douch, l’ancien chef du centre de torture S-21 condamné l’année dernière à 35 ans de réclusion, faisait figure de benjamin. Les tests médicaux et psychiatriques auxquels un gériatre néozélandais, John Campbell, a soumis Ieng Thirith, lui ont permis de conclure fin août à un état
de « démence de type Alzheimer » qui affaiblit ses qualités cognitives et pourrait compromettre l’équité de son procès. Des examens complémentaires ont aussitôt été demandés par le tribunal. Un nouveau délai qui rend surtout l’issue de ce procès-fleuve un peu plus incertaine aux familles des victimes.■
Thaïlande : le tourisme a le vent en poupe E
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© D. Milherou
xcepté une parenthèse lors de l’occupation de l’aéroport de Bangkok par des milliers de manifestants fin 2008, l’incertitude politique qui agite la Thaïlande depuis cinq ans n’a pas entamé la fréquentation touristique du pays. On pourrait même croire à un effet dopant, comme le montrent les chiffres d’une enquête gouvernementale citée par le Bangkok Post. De 16,5 millions en 2010, le nombre des touristes pourrait passer à 19,5 millions d’ici la fin de l’année. Le sentiment tenace du touriste français d’y croiser nombre de compatriotes nationaux ou européens est pourtant à corriger. C’est auprès de ses voisins d’Asie – Malaisie, Chine, Japon, Corée – que la Thaïlande enregistre ses taux de fréquentation les plus élevés. En nette progression, Russes et Indiens ne sont pas en reste, devant des Européens représentés d’abord par les Britanniques. Suivent Laotiens, Australiens et Américains. C’est seulement ensuite qu’on trouve d’autres pays européens comme la France ou l’Italie. Avec 20% d’augmentation sur un an, le tourisme conforte son rôle moteur dans l’industrie d’un pays qui pourrait s’enrichir cette année grâce à lui de près de 770 milliards de bahts, soit 18 milliards d’euros. Un encouragement mais aussi un défi pour le nouveau gouvernement (cf. p. 8), qui sait que la stabilité politique reste, malgré ces résultats encourageants, le meilleur gage de croissance du secteur. ■ G.C.
MékongExpress CHINE : PAS D’ÉCOLE POUR LES MIGRANTS C’est une conséquence attendue de l’afflux massif des mingong, ces paysans chinois qui migrent vers les villes depuis des années pour fuir des conditions de vie misérables. À la rentrée, des centaines d’enfants scolarisés dans une trentaine d’« écoles pour migrants » ont trouvé porte close dans plusieurs districts de Pékin. L’absence d’habilitation ou les problèmes de sécurité avancés par les autorités cachent mal leur volonté de limiter ainsi le nombre des migrants en ville. Détenteurs de permis de résidence temporaire ou sans-papiers, ils seraient, d’après les autorités municipales, presque aussi nombreux aujourd’hui que les Pékinois. La mesure vise particulièrement les familles qui n’occupent pas d’emploi régulier et qui, faute de pouvoir scolariser leurs enfants, seront contraintes de regagner les provinces rurales. N°169 ❚ SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011 ❚ 9
Regards sur l’Asie > Thaïlande
« Les touristes de Mae Sot seront reçus par les habitants de Mae Sot » Ancienne volontaire THAÏLANDE Bambou, Bangkok Isaure Phnom Penh d’Allard Golfe de Golfe de Thaïlande Thaïlande coordonne une école hôtelière qui vient d’ouvrir ses portes à Mae Sot, dans le nord de la Thaïlande. Son but : permettre à des jeunes de la minorité karen de s’approprier les bases d’un tourisme responsable. Interview et 200 Km
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photos : Jean-Matthieu Gautier
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Quel constat a amené à la création de cette école hôtelière ? Tout est parti du père Alain Bourdery, un prêtre des Missions étrangères de Paris qui a travaillé avec de nombreuses structures pour soutenir les communautés montagnardes, parmi lesquelles Enfants du Mékong et l’IECD (Institut européen de coopération et de développement). Pendant ses 10 ans de présence ici, il a vu la région évoluer à une vitesse folle – notamment au point de vue touristique. Omniprésent dans le nord de la Thaïlande, le tourisme commence à se heurter aux limites de son modèle : les touristes sont sans cesse à la recherche de lieux authentiques, d’une certaine idée d’un retour aux sources, et sont animés par un besoin de découverte de cultures originelles. Mae Sot porte ce potentiel et les touristes sont prêts à y affluer. Mais comment éviter les stigmates du développement brutal dû à cette fréquentation ? Une solution : les touristes de Mae Sot seront reçus par les habitants de Mae Sot.
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En quoi consiste la formation des futurs diplômés et quels débouchés s’offrent à eux ? Elle entend avant tout répondre aux standards de l’hôtellerie internationale, c’est-à-dire aux besoins des professionnels de Bangkok et de Chiang Mai, les deux plates-formes touristiques du pays. Pour cela, notre comité de formation est constitué de représentants des villages de la région de Mae Sot, de professionnels de l’hôtellerie et de la restauration, mais également de référents de l’Éducation nationale. Nous souhaitons en effet doter les élèves d’un bagage généraliste.
chambres. Mais ils auront aussi profité de cours d’informatique, d’anglais et également de karen, pour leur permettre de se réapproprier leur langue d’origine et les bases de leur culture. Tous les jeunes sont pensionnaires de notre établissement, ce qui leur permet de renouer avec une ambiance familiale.
Quel est le profil des élèves qui forment la première promotion de l’école hôtelière ? Nous accueillons des élèves de l’ethnie karen, la plupart issus de familles modestes, qui vivent dans des villages
Cette formation pourra enfin donner une alternative aux Karens. Pendant deux ans, ils suivent une formation principalement axée sur la pratique et se retrouvent en stage pour deux périodes de quatre mois. En sortant de l’école, les étudiants devront connaître l’ensemble des gestes de la profession. C’est pourquoi notre centre comprend un restaurant et une cuisine d’application, ainsi qu’un hôtel de cinq
montagnards et dont le niveau scolaire correspond à celui de la troisième en France. Il nous semblait en effet judicieux de travailler avec un groupe de jeunes qui ont les mêmes repères et les mêmes références culturelles, afin d’organiser les activités et de définir la politique de l’ensemble du centre de formation.
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Les Karens et les minorités ethniques semblent peu représentés dans l’industrie touristique thaïlandaise… Ils sont en réalité fortement présents, surtout à Chiang Mai. Mais ils y occupent malheureusement des postes peu qualifiés. En effet, la formation technique est très faible en Thaïlande. Les employés du secteur y sont majoritairement formés en interne, mais les professionnels souffrent de ce système car il entraîne un turnover très important : les personnes formées sont débauchées par les établissements concurrents, qui veulent une main-d’œuvre prête à travailler, même si cela implique une rémunération plus élevée. Découragés par ce système, les professionnels du secteur ont pris l’habitude de faire appel à une maind’œuvre très bon marché et la font travailler sur le tas. C’est le cas de nombreux Karens, à qui nous souhaitons donner une alternative en leur proposant une formation professionnalisante.
Comment avez-vous été amenée à diriger ce centre de formation ? Je ne le dirige pas exactement. Malheureusement peut-être, car nous sommes toujours frustrés de ne pouvoir organiser les choses comme nous le souhaitons. Heureusement aussi, car les critères de management ne sont pas les mêmes et particulièrement compliqués dans cette « culture du sourire ». Je suis donc coordinatrice, chargée de la communication entre TBCAF (cf. encadré) et l’IECD pour la mise en œuvre du projet. J’avais passé trois ans dans la région en tant que coordinatrice de programmes de parrainage d’Enfants du Mékong. Cette belle expérience, couplée à une formation en gestion du développement, me donnait quelques armes pour répondre à ce poste. ■ UN PROJET À TROIS Porté par une ONG locale, TBCAF (Tak Border Child Assistance Foundation), ce projet est également soutenu par Enfants du Mékong et l’IECD.
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Regards sur l’Asie > Vietnam
Heurs et malheurs des Hauts-Plateaux Convoités pour leurs ressources naturelles, les Hauts-Plateaux du Vietnam abritent aujourd’hui des populations désemparées. Par Anh Duong
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a Teh est proche de l’une des « nouvelles zones économiques » du Vietnam. Une création qui visait à désenclaver les populations réfugiées dans le Sud Vietnam après la guerre, en les envoyant sur des terrains exploitables où ils puissent développer une activité économique. Aujourd’hui, beaucoup subissent encore les conséquences désastreuses de ces déplacements. Les cadres se sont souvent octroyé les meilleurs terrains, laissant aux paysans les parcelles stériles. Aucune mesure concrète n’a été mise en place pour permettre aux villageois de retrouver une activité économique viable.
ter des hévéas et d’y faire travailler les villageois. Mais une fois le bois défriché, ceux-ci n’en ont plus jamais entendu parler. En réalité, la forêt a été exploitée pour le bois de construction, alors même que l’on interdit sa coupe aux petits paysans au nom des conséquences écologiques. Pourtant, l’exploitation industrielle qui en a été faite aux termes d’un accord dissimulé entre le gouvernement local et ses clients est bien plus dangereuse pour l’environnement que la coupe individuelle.
les moyens. Dans son village, la plupart des enfants arrêtent l’école en fin de collège, faute de ressources. Les parents de Tuyen sont sur liste d’attente pour obtenir une « maison d’affection » : une petite maison en dur financée par une œuvre charitable ou, partiellement, par les autorités locales. Réservée aux familles les plus pauvres, cette aide vise à répondre à l’objectif fixé par le gouvernement de faire disparaître les paillotes. Derrière l’incapacité ou le manque de volonté de développer des projets de long terme, se tapit aussi une forme de sinisation des Hauts-Plateaux. À 20 km de Bao Loc, en direction de Dalat, une ville 100% chinoise a éclos. Si les
Pourquoi un tel marasme économique dans une province où la terre semble si riche, où les plants de thé et de café couronnent chaque colline ? Ici, les paysans perdent peu à peu le droit d’usage des meilleures terres. Le père de Nguyen Thi Tuyen et sa famille ont été déplacés sur une terre sèche et rocailleuse de la nouvelle zone économique. Les terrains y ont été redistribués de manière abusive alors que le projet initial demandait aux provinces d’offrir aux réfugiés rizières ou terres en friche. Même le manioc n’y pousse pas. « En 20 ans, aucun progrès n’a été fait », constate cet agriculteur désabusé. À quelques kilomètres de là, les pouvoirs locaux ont récupéré un terrain boisé en interdisant son exploitation aux autochtones. Le projet devait leur bénéficier par ricochet : il s’agissait de planMAGAZINE
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Les paysans perdent peu à peu le droit d’usage des meilleures terres.
Sinisation rampante Le grand-père de Tuyen vit des ressources forestières depuis des années. Malgré son grand âge, il doit aller de plus en plus loin pour couper le bois de petits arbres et de bambous, la coupe des gros arbres lui étant interdite. Tuyen est en lop 9 (la troisième). L’année prochaine, il lui faudra aller au lycée, à 10 km de chez elle, et suivre des cours supplémentaires indispensables à ce niveau d’étude. Mais aujourd’hui, elle n’en a pas
mariages mixtes favorisent la sinisation régionale, de plus en plus de Vietnamiens voisins de la ville chinoise déménagent, mal à l’aise avec une classe ouvrière arrogante et largement composée d’anciens repris de justice, d’après ce qui se raconte autour de Bao Loc. Pour les populations locales, le bénéfice est nul. Dans ce contexte, difficile de ne pas voir dans les Hauts-Plateaux le parent pauvre d’un Vietnam de la croissance vanté partout à cor et à cri. ■ N°169 ❚ SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011 ❚ 13
Agir > En direct LE MOT DU PARRAINAGE
PARTENARIATS
Une visite réussie M
Sens des affaires et sens de l’autre
otivée par l’envie de connaître votre filleul, sa rencontre survient parfois après des années de courriers échangés. Mais il faut vous rappeler que l’univers de cette famille pauvre est limité à un village, un quartier, une école. Votre filleul n’est jamais « parti » en vacances et ne connaît, dans la plupart des cas, pas même le village voisin. Aussi peut-il y avoir un décalage entre l’image d’une rencontre, spontanée et chaleureuse, et celle, souvent plus réaliste, empreinte de réserve et de timidité. La simplicité reste le gage d’une visite réussie. Pour cette visite, un volontaire Bambou ou un responsable de programme vous accompagnera. Chacun sera ravi de vous faire découvrir le pro-
gramme de parrainage de votre filleul. Mais ces bénévoles ont des emplois du temps chargés. Leur travail ne leur permet malheureusement pas de prévoir plus d’une demi-journée de visite. Pour des raisons de responsabilité, la rencontre avec un filleul ne peut se faire sans la présence permanente d’un adulte : les parents de l’enfant, le responsable du programme ou un volontaire. Enfin, toute visite en Asie doit faire l’objet d’une autorisation préalable par l’association. Votre chargée de parrainage à Asnières vous donnera les coordonnées du responsable local à contacter pour vous aider à organiser votre visite, si possible deux mois à l’avance. ■
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VOLONTAIRES BAMBOUS ARTHUR, VOLONTAIRE BAMBOU AUX PHILIPPINES « Laisse-toi saisir par le tout autre » : voilà le précieux conseil d’un homme que j’ai eu la chance de croiser lors de la semaine de formation des volontaires Bambous, le Père Riton. Depuis un mois que je foule cette terre philippine, sa recommandation ne cesse de prendre du sens à mes yeux. Car ici, tout est « découverte » dans ce pays si contrasté : la culture, la langue, les us et coutumes, le climat, la population… et bien évidemment cette incroyable mission. Nous sommes deux Bambous au service d’une association locale de Manille nommée ACAY (Association Compassion Asian Youth). Au sein d’ACAY, le « projet Marcel Van » où nous œuvrons oriente ses actions vers de jeunes prisonniers philippins de 17 à 23 ans à la sortie de leur période carcérale. L’objectif : redonner de la confiance à des jeunes en conflit avec la loi et avec eux-mêmes et les aider à construire leur propre avenir. Alors même si cette nouvelle vie est déstabilisante, parfois oppressante ou encore épuisante, un profond sentiment de bonheur m’habite. Celui de vivre simplement avec des jeunes en reconstruction qui, malgré les nombreux obstacles, découvrent petit à petit le volume qu’ils peuvent donner à leur vie. Et cela, c’est un sentiment incroyable ! Suivez la mission d’Arthur sur : http://prisonniersphilippins.blog.youphil.com 14 ❚ N°169 ❚ SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011
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peine neuf mois d’existence et voilà que notre jeune partenaire, la société Bébé Achat, couvre déjà 15% du budget annuel de sept haltes-garderies de la décharge de Cebu aux Philippines, qui accueillent 70 enfants issus de familles démunies. Dès ses premières ventes, et sans avoir attendu d’avoir les caisses pleines, son jeune fondateur, Alexandre Marlien, a décidé de venir en aide aux enfants de la décharge en leur consacrant un euro par produit vendu. Bebeachat.com est un site de vente qui propose des produits de qualité pour bébés à des prix dégriffés. La société remporte aujourd’hui une adhésion si forte de la part des consommateurs qu’elle prévoit, d’ici fin 2012, de prendre à sa charge la totalité du budget des haltes-garderies, soit 23 000 € par an. Voilà un bel exemple qui prouve qu’il est possible, en France, d’entreprendre et d’être généreux à la fois, sans pénaliser ni la santé de l’entreprise, ni la satisfaction du client. Bébé Achat a montré l’exemple, Patrick Saint-Michel de Micropuces (cf. EdM n°168) lui a emboîté le pas avec le même principe et le même succès. Pour le plus grand bénéfice des enfants pauvres. Merci à ces jeunes entreprises et entrepreneurs qui savent allier sens des affaires et sens de l’autre. Vous voulez en faire de même ? Contactez Christille de Soultrait ■ cdesoultrait@enfantsdumekong.com. MAGAZINE
> Perspectives
François, Christine et les autres… Notre fondateur avait toujours rêvé que son successeur soit un Asiatique. Qui mieux que le docteur Christine Lortholary-Nguyen pouvait réunir les qualités qu’il aurait souhaitées au quatrième président d’Enfants du Mékong ? Par Yves Meaudre, Directeur général
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nistrateurs l’ont suivi pour retenir unanimement la candidature de Christine. On tient à le remercier chaleureusement pour ses dix ans de présidence. S’il y a des dons particuliers que nous lui reconnaissons tous, c’est son autorité ferme et bienveillante, soutenue par son discernement sur les hommes et les situations.
Passage de relais « en famille » Sous sa présidence, les résultats ont été au rendez-vous. L’association est passée de 13 063 à 21 650 parrains, de 4 à 10 millions d’euros, de 399 à 660 programmes de développement et de parrainage, de 15 à 49 Bambous, de 3 à 72 foyers et centres scolaires, de 5 à 7 pays d’action. Il a soutenu l’audacieux défi de ses équipes qui voulaient répondre au souhait du fondateur René Péchard : remonter jusqu’aux sources du Mékong et implanter l’ONG jusqu’en Chine, dans la province du Yunnan, au pied du Tibet. Il a accepté que soit lancé EdM-Entreprendre, connu par sa première réalisation, Soieries du Mékong. Il a permis qu’Enfants du Mékong atteigne le niveau d’une ONG réputée
professionnelle. Ce professionnalisme n’émeut pas François : son premier souci a été de garder à cette œuvre le rayonnement humain et familial qui en fait une des œuvres pour la jeunesse les plus attirantes. Ce rayonnement a été particulièrement spectaculaire lors de la fête de nos 50 ans à l’Unesco en 2008. Il reste bien entendu au conseil pour soutenir la toute nouvelle présidente. L’Asie incarnée, une connaissance intime du terrain, la pratique de la langue, l’exercice d’une vie donnée à l’homme souffrant assurent la légitimité de cette nouvelle présidence. Enfin la famille des Bambous et la communauté asiatique se voient confier cette œuvre née dans les tragédies de l’Asie du SudEst. Bambou et eurasienne, le choix de Christine Lortholary-Nguyen s’avère prometteur. Merci Christine et merci François pour ce passage de relais en famille car Enfants du Mékong est avant tout une famille, une famille où l’on s’aime, où l’on s’entraide dans l’humilité de nos rôles respectifs et la confiance des uns dans les autres. Ce sont les conditions indispensables pour que les enfants pauvres, vers qui tendent tous nos efforts, soient aimés et éduqués dans le temps et la fidélité. ■
© esprit-photo
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ietnamienne par son père, luimême engagé dans les programmes d’Enfants du Mékong dans le sud du Vietnam, française par sa mère, Christine a hérité de cette double culture. Son élection est comme un clin d’œil du fondateur, qui avait fondé son œuvre pour les enfants eurasiens. Avec celle qui fut Bambou pendant deux ans dans les camps de réfugiés auxquels « Tonton » avait consacré avec tant de courage les dernières années de sa vie, c’est le couronnement de générations de volontaires Bambous. Médecin des très pauvres dans les quartiers les plus difficiles de Paris, puis médecin généraliste dans les Yvelines, cette mère de cinq enfants sait ce que représentent les soucis quotidiens d’une famille très nombreuse. Administratrice depuis 1993, secrétaire générale adjointe en 2001 puis secrétaire générale depuis 2009, elle connaît parfaitement le fonctionnement de l’association et son conseil. Très impliquée dans la problématique de l’explosion des bidonvilles, elle l’est aussi dans la mobilisation des étudiants pour le volontariat, depuis ses premiers engagements auprès des Pères Ceyrac et Lang avec Inde Espoir. Avec son mari Olivier Lortholary, professeur de médecine et président du Centre Laennec, elle a habité deux ans Bangkok. L’un et l’autre connaissent le potentiel intellectuel de l’Asie et ses difficultés. En proposant au conseil d’administration la personne la plus habilitée à sa succession, François Foucart, l’homme de presse (ancien rédacteur en chef adjoint de France Inter), passe la main au médecin des pauvres. Habitués depuis les premiers jours à ses très sages avis, les admi-
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Agir > Notre action
Comment nous aider ? (1/5) Vous êtes nombreux à nous demander quels sont les différents moyens de soutenir notre action. Vous les trouverez résumés ci-dessous. N’hésitez pas à nous faire connaître et à nous solliciter si vous voulez davantage d’informations ! Vous souhaitez…
Notre réponse
… permettre à un enfant d’aller à l’école pour 24 € ou 39 € par mois
Parrainage
… soutenir les missions de nos 50 Bambous envoyés sur le terrain (19 € par mois)
Parrainage Bambou
… faire un don ponctuel ou récurrent
Don I.R. ou I.S.F.
… transmettre par testament une partie ou la totalité de vos biens … donner tout ou partie de biens reçus en héritage
Legs Donation sur succession
… souscrire un contrat d’épargne pour verser un capital au(x) bénéficiaire(s)
Assurance vie
Parrainage Bambou Le « Bambou » est un volontaire qui donne un an de sa vie au service des enfants pauvres d’Asie du Sud-Est. C’est un étudiant ou un jeune professionnel chargé d’animer, de coordonner et de soutenir les actions des responsables locaux d’Enfants du Mékong. Relais indispensables de l’association en Asie, les Bambous sont ses « yeux » et ses « oreilles » : ils permettent une proximité et un pragmatisme qui font la particularité d’Enfants du Mékong. Cette année, ce sont 50 Bambous qui sont envoyés en Asie ! Le budget moyen d’une mission Bambou : 7 500 € pour un an, tout compris. Vous pouvez parrainer un Bambou pendant un an (19 € par mois) ou soutenir sa mission ponctuellement*. Vous serez informé grâce à ses lettres d’information trimestrielles. Vous souhaitez soutenir les missions Bambous ou recevoir plus d’informations ? Contactez Guillaume d’Aboville : gdaboville@enfantsdumekong.com (*) Vous êtes un particulier imposable en France : réduction d’impôts de 75% de votre don, dans la limite de 521 € par an. Au-delà, réduction d’impôt de 66% par mois. Ex. du parrainage d’un enfant : 24 € par mois vous coûte réellement 6 € par mois.
Extrait de la Newsletter de Constance, coordinatrice de
parrainage au Cambodge, 2010-2011 « J’ai mis en place des programmes de développement comme la construction de toilettes, des rénovations de maisons, l’installation de bibliothèques dans plusieurs villages. Souvent, les familles me remerciaient avec tant d’émotion que je souhaitais que les parrains et donateurs voient toute cette gratitude ! J’ai visité dans l’année plus de 200 familles pour élaborer les enquêtes sociales, mais aussi remotiver un enfant qui voulait arrêter l’école, visiter une mère mourante, faire un devis pour un toit qui s’effondrait. Bien sûr, les rencontres sont parfois brèves et donc un peu frustrantes. Mais toutes sont riches et uniques.» 16 ❚ N°169 ❚ SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011
MAGAZINE
>>>>>>> Mais où va votre argent ? >>>>>> Répartition des dépenses
84%
de taux de missions sociales 84% des dépenses sont utilisées pour notre action auprès des enfants parmi les plus pauvres en Asie du Sud-Est. Le reste est affecté aux frais de recherche de fonds et de fonctionnement de l’association. Nos ressources proviennent presque exclusivement de dons privés.
Pour en savoir plus, téléchargez notre rapport financier sur : www.enfantsdumekong.com
Si vous êtes imposable en France : un don de 100 € vous coûte en réalité 25 €. 83,7 € sont utilisés en missions sociales.
Nouveau : juin 2011 Enfants du Mékong est labellisé
IDEAS
IDEAS, qu’est-ce et pourquoi ? Le label IDEAS reconnaît la qualité de la gouvernance, de la gestion financière et du suivi de l’efficacité de l’action : il apporte sécurité et efficacité. Quel est l’objectif d’IDEAS ? Faire se rencontrer les attentes des donateurs et les besoins de financement des associations et fondations.
Pour donner sereinement, il faut être informé et avoir confiance.
Quel lien avec des donateurs potentiels ? IDEAS propose à des philanthropes de financer des projets. Découvrez les projets d’Enfants du Mékong soutenus par IDEAS sur http://ideas.asso.fr/
Merci de votre aide pour soutenir les enfants ! Enfants du Mékong est une association de bienfaisance régie par la loi de 1901, habilitée à recevoir des dons et des legs. Enfants du Mékong a reçu le prix des Droits de l’Homme de la République Française. MAGAZINE
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Agir > Nos délégations AGENDA BOURG-EN-BRESSE (01)
Samedi 8 octobre à 19h
Samedi 15 oct. à 19h30
RENCONTRE DE PARRAINS ET AMIS
DÎNER DE PARRAINS ET AMIS
Salle St Roch – 14, rue Allou
Restaurant La Route de Chine – 28, rue du Quatre-Septembre
Dégustez un repas asiatique et partagez le témoignage d’un Bambou de retour de mission. Insc. souhaitée. Contact : Daniel Quiévreux Tél. : 06 70 19 80 37 delegation80@enfantsdumekong.com RENNES (35) Mardi 11 oct. 10h-17h30
JOURNÉE PORTES OUVERTES Maison des associations – 6, cours des Alliés Venez nombreux avec famille et amis ! Nous recherchons également des intervenants en écoles. Le but : sensibiliser les enfants aux conditions de vie de nos filleuls pour engager une action au profit d’Enfants du Mékong. Contact : M.-A. et H.-P. Roisné Tél. : 02 99 54 48 74 delegation35@enfantsdumekong.com CAEN (14) Jeudi 13 octobre à 19h30
DÎNER ENFANTS DU MÉKONG Restaurant du Golf, D60 de Caen à Biéville-Beuville Présentation des missions Enfants du Mékong (projection d’un court-métrage), rencontres et échanges entre parrains, point sur les actions entreprises et celles à venir. Amis bienvenus. Repas : 15 €. Règlement sur place, confirmation souhaitée. Contact : Odile Brochard Tél. : 06 74 29 46 46 delegation14@enfantsdumekong.com PERPIGNAN (66) Vendredi 14 octobre à partir de 20h
SOIRÉE RENCONTRE Salle des Libertés – 3, rue Bartissol, park. Wilson Une soirée conviviale et solidaire ! Film et témoignages vous feront connaître mieux le principe du parrainage, propre à éviter la marginalisation d’un très grand nombre d’enfants. Venez nombreux avec famille et amis ! Entrée libre. Contact : Philippe Landau Tél. : 06 07 30 18 06 delegation66@enfantsdumekong.com
Au programme : témoignage et entretien avec Constance, Bambou qui revient d’un an au Cambodge et projection d’un petit film qui présente l’association. Menu : 20 € (boissons comprises). Contact : Thaddée Mathon Tél. : 04 74 25 22 80 delegation01@enfantsdumekong.com BOIS-COLOMBES (92) Samedi 5 nov. à 19h30 E
3 FÊTE DE LA SOUPE Centre 72 – 72, rue V. Hugo La délégation sera présente avec sa marmite asiatique. Nous y présenterons Enfants du Mékong. Au programme : dégustations, foire aux recettes, animation. Contact : Audrey Guerrero Tél. : 06 63 62 40 72 delegation92nord@ enfantsdumekong.com
profit d’Enfants du Mékong. Contact : M.-S. et J.-F. Achard Tél. : 04 67 59 40 12 delegation34@enfantsdumekong.com LE MESNIL-BACLEY (14) Mardi 15 nov. 10h-19h
VENTE DE SOIERIES DU MÉKONG Chez Francine LeboucherBisson à La Harderie Contact : F. Leboucher-Bisson Tél. : 06 86 86 26 41 delegation14@enfantsdumekong.com MONTPELLIER (34) Mercredi 16 novembre E
22 QUINZAINE DES TIERS-MONDES ET DE LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE Espace Martin Luther King Soirée sur le thème « Éducation, développement et droits des jeunes », qui aura lieu avec la participation de Didier Rochard, délégué d’Île-de-France. Contact : M.-S. et J.-F. Achard Tél. : 04 67 59 40 12 delegation34@enfantsdumekong.com RENNES (35) Samedi 19 novembre
MOUVAUX (59) Vendredi 11 et samedi 12 novembre de 10h à 18h
15E VENTE D’ARTISANAT ET DE CRÉATIONS Centre spirituel du Hautmont, salle des conférences – 31, rue Mirabeau Découvrez la nouvelle collection des Soieries du Mékong, l’artisanat du commerce équitable, des produits régionaux et gastronomiques, les « coups de cœur » du château Montdoyen… Film et échanges avec les volontaires Bambous du Nord. Bénéfices affectés aux garderies d’enfants sur la décharge de Cebu aux Philippines. Contact : J.-P. et T. Delobette Tél. : 03 20 79 32 93 delegation59@enfantsdumekong.com MONTPELLIER (34) Samedi 12 novembre
22E QUINZAINE DES TIERS-MONDES ET DE LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE Place de la Comédie Une vente de soieries et d’artisanat sera organisée au
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REPAS DE PARRAINS ET AMIS Lieu à définir Venez avec famille et amis pour une soirée conviviale, animée par une loterie qui participera à la construction d’un collège au Laos. Contact : M.-A. et H.-P. Roisné Tél. : 02 99 54 48 74 delegation35@enfantsdumekong.com BIHOREL (76) Samedi 19 et dimanche 20 novembre de 10h à 18h
MARCHÉ DE NOËL SOLIDAIRE
INTERNATIONALE
Mardi 13 déc. à 20h30
Place de la Comédie
CONCERT
La délégation de l’Hérault sera présente à la Journée des Droits de l’enfant. Au programme : théâtre et animations. Contact : M.-S. et J.-F. Achard Tél. : 04 67 59 40 12 delegation34@enfantsdumekong.com
Salle Ravel – 33, rue G. Péri, Levallois (92)
PARIS (7e) Mercredi 23 nov. 19h-21h
RÉUNION D’INFORMATION PARRAINAGE Maison des Associations – 4, rue Amélie Nous vous attendons nombreux pour une réunion de présentation d’Enfants du Mékong et d’information sur le parrainage en Asie. Contact : Agnès Ronzet Tél. : 06 81 34 30 67 delegation75@enfantsdumekong.com MONTPELLIER (34) Du 25 nov. au 25 déc.
MARCHÉS DE NOËL Place de la Comédie La délégation sera présente dans les différents villages de Noël de l’agglomération de Montpellier, dans des comités d’entreprise et dans les manifestations de Noël. Contact : M.-S. et J.-F. Achard Tél. : 04 67 59 40 12 delegation34@enfantsdumekong.com
VENTE DE SOIERIES DU MÉKONG Salle des fêtes Contact : François Cousin Tél. : 02 31 78 77 92 delegation14@enfantsdumekong.com
MARCHÉ DE NOËL
22 QUINZAINE DES TIERS-MONDES ET DE LA SOLIDARITÉ
ANNONCE Dimanche 16 oct. à 16h
Présentation des dernières nouveautés des Soieries du Mékong : une excellente occasion de faire vos cadeaux de Noël. Contact : P.-Y. et L. Ferrand Tél. : 02 35 59 72 39 delegation76@enfantsdumekong.com
E
Délégué d’Enfants du Mékong pour le Loir-et-Cher depuis de longues années, Jacques Chiron a été fait chevalier de l’Ordre national du Mérite. Une décoration qui lui a été remise le 11 mars dernier par le président François Foucart et vient récompenser plus de vingt ans d’aide aux populations d’Asie du Sud-Est. La délégation de Loir-et-Cher compte aujourd’hui 112 parrains. Toute la famille Enfants du Mékong adresse ses chaleureux remerciements à Jacques Chiron pour son action à l’occasion de cette distinction.
Samedi 3 déc. 10h-19h et dimanche 4 déc. 9h-19h
BONDUES (59)
Dimanche 20 novembre
ÉCHO
RANVILLE (14)
Foyer municipal, rue Carnot (près de l’église)
MONTPELLIER (34)
Au profit d'Enfants du Mékong : Richard Wagner (Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg / Ouverture), Edvard Grieg (Concerto pour piano et orchestre en la mineur), Ludwig van Beethoven (Symphonie n°5 / Extraits). Piano : Claudio Chaiquin. Jeune Orchestre Symphonique Maurice-Ravel. Direction : Vincent Renaud. Entrée libre. Rés : 01 47 15 76 76. Places à retirer.
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AMIENS (80)
Dimanche 4 déc. 10h-18h Salle Lefebvre MARCQ-EN-BARŒUL (59) Samedi 17 déc. 14h-19h
MARCHÉ DE NOËL ASSOCIATIF Hall des paris de l’hippodrome Vente d’artisanat au profit d’Enfants du Mékong. Contact : J.-P. et T. Delobette Tél. : 03 20 79 32 93 delegation59@enfantsdumekong.com
CONCERT ROMANTIQUE VIOLON ET PIANO : LISZT, GRIEG, FRANK Au Cloître ouvert 222, rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris 8e Avec Nguyen Huu Nguyen, violon, troisième soliste de l’Orchestre National de France, David Saudubray, piano, concertiste, professeur au Conservatoire de Boulogne-Billancourt. Prix : 20 €. Rés. : 06 28 20 77 81 Chèque à Marie Desjars, 130, av. de Clichy 75017 Paris.
MAGAZINE
> Courrier
Aujourd’hui, j’accompagne ma si fragile Sirirat et ma pétillante Sutjitra, de Thaïlande. Je suis devenue mee upatham (« mère qui aide ») parce que ces enfants ont réveillé la part d’humanité qui sommeillait en moi, parce que le monde est beaucoup plus joli avec eux et que je suis déjà plus riche de tout ce qu’ils m’ont apporté. Bien sûr, ils ne nous ont pas attendus pour survivre, mais sans nous ils n’ont pas d’autre choix ou d’autre modèle que de labourer les champs, payés à la journée un salaire de misère. Nous seuls pouvons les aider à construire un lien avec l’école et à lui donner du sens. Parrains, ils ont besoin de savoir qui nous sommes, pourquoi nous les avons choisis et pourquoi ils comptent tout à coup pour nous, eux que nous sommes parfois les seuls à appeler par leur prénom ! Alors écrivez-leur ! Mes petites filles de cœur, je ne vous laisserai pas à la porte de ma vie, entrez sans frapper, je ne suis plus si loin que je ne puisse veiller sur vous. Le chemin est long, à l’image de la vie, mais la route si belle avec vous... Paroles de mon fils Théo, 10 ans, après avoir visité nos deux filleules : « Maintenant, je sais pourquoi j’ai envie de parrainer : ça leur donne le sourire, elles se sentent aimées. » ■
AIDER ELIZA ? À la lecture de l’émouvant témoignage d’Yves Aillerie (EdM n°166 et 167), plusieurs abonnés ont généreusement proposé d’aider Eliza et sa famille. Bonne nouvelle : aujourd’hui diplômée, Eliza a trouvé du travail à Bangkok comme institutrice. Un poste qui lui permet de vivre et d’aider sa famille à Cebu. Un très grand merci pour votre générosité ! ■
© Y. Aillerie
© D.R.
POURQUOI JE SUIS DEVENUE MARRAINE…
Soledad, marraine de Sirirat, 12 ans, et de Sutjitra, 9 ans Vous pouvez nous adresser vos courriers au 5, rue de la Comète 92600 Asnières, en mentionnant « Courrier des lecteurs », ou par e-mail : magazine@enfantsdumekong.com
VIETNAM CAMBODGE THAÏLANDE LAOS PHILIPPINES
MAGAZINE
DU DU DU DU DU
7 AU 21 FÉVRIER 2012 - DU 7 AU 21 MARS 2012 15 AU 28 NOV. 2011 - DU 14 AU 26 FÉVRIER 2012 31 JANVIER AU 14 FÉVRIER 2012 31 JANVIER AU 14 FÉVRIER 2012 25 FÉVRIER AU 11 MARS 2012
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Découvrir > Chronique d’Asie
Mariage en pays khmer
THAÏLANDE
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CAMBODGE Mé
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Bangkok
Golfe Phnom Penh de Thaïlande ©idé
Au Cambodge, le mariage est avant tout une histoire de « face », qui nous emmène bien loin de la vision romantique portée par l’Occident sur cette institution.
LAOS
VIETNAM 100 Km
Texte et photos : Jean-Matthieu Gautier
J
amais le garage de monsieur Rong n’aura été aussi richement décoré et jamais, pour autant, il n’aura paru aussi triste. C’est que monsieur Rong marie sa fille, Sotha. Sotha épouse Sambo, qu’elle n’a rencontré qu’une fois. Deux fois ? Disons trois fois et n’en parlons plus. Sur le visage lisse et épaissi par les crèmes de beauté de Sotha se lit une certaine forme d’indifférence ou de résignation propre à l’Asie de toujours.
Soap opera et traditions Comme beaucoup de jeunes filles de sa génération, Sotha aurait pu préférer « faire un mariage d’amour », selon l’expression en vigueur depuis quelques années : rencontrer un jeune homme de sa condition, voire d’une condition sociale légèrement supérieure à la sienne. Un type à moto avec les cheveux coupés courts comme dans les sirupeux mélodrames coréens qui passent en boucle à la télévision, avec une
LES MARIAGES ARRANGÉS AVEC DES ÉTRANGERS Depuis mars 2011, les étrangers de plus de 50 ans ou ne pouvant pas justifier d’un salaire mensuel équivalant à au moins 1 700 euros ne peuvent plus se marier avec des femmes cambodgiennes. Cette mesure vise en priorité à limiter les mariages arrangés avec des étrangers, notamment sud-coréens, taïwanais et chinois. L’Asie du Sud-Est tout entière s’est transf ormée en quelques années en véritable « vivier à jeunes femmes » pour les pays qui, par suite de politiques de naissances négligentes et largement défavorables aux femmes, se retrouvent dans des situations de « pénurie de femmes ». 20 ❚ N°169 ❚ SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011
situation respectable, doux et honnête, peut-être un brin rêveur… Un sangsa en somme, un ami de cœur comme certaines de ses amies en ont rencontré et que d’autres, beaucoup plus rares, ont réussi à épouser grâce au soutien de familles compréhensives. Mais non, Sambo n’est rien de tout cela, à part peut-être timide. Quant à son côté rêveur, il le doit avant tout à une certaine forme d’absence qu’il manifeste presque malgré lui et qui se lit dans son regard, également résigné. Dans le Cambodge des années 2000, le mariage est encore et toujours, avant tout autre chose, une affaire de tradition et d’arrangement entre deux familles. Dans ce Cambodge où 40% des femmes découvrent le visage de leur mari le jour de leurs noces, le mariage forcé est pourtant interdit par la Constitution : MAGAZINE
« Tout homme âgé de plus de 20 ans et toute femme ayant plus de 18 ans ou plus peuvent choisir de se marier sans le consentement de leurs parents. » Mais dans les faits, la prééminence de la notion de « face » en Asie – et particulièrement au Cambodge – fait que des enfants peuvent difficilement refuser à leurs parents le choix de tel ou tel fiancé sans leur faire perdre la face. La face, c’est l’image que
qui relie Phnom Penh à l’autre rive du Tonlé Sap – le font à la suite d’un pacte amoureux. Interrogée par l’agence de presse Syfia, Ly, une jeune femme qui vit près du pont et assiste souvent, de chez elle, à ces macabres scènes, dit qu’elle se souviendra toute sa vie de ce jeune couple « qui a sauté du pont, leurs mains symboliquement entrelacées pour vivre dans la mort une union qui leur était interdite ».
40% des femmes cambodgiennes découvrent le visage de leur mari le jour de leurs noces. l’on veut donner de soi-même, sa dignité. Faire perdre la face à quelqu’un, fouler au pied sa dignité, constitue l’insulte suprême. Une sorte de mort sociale.
Suicides amoureux Dans ce Cambodge où les traditions sont de plus en plus en butte au courant moderniste, cette situation mène régulièrement certains jeunes à des décisions irréversibles. La vague de suicides qui a cours depuis quelques années à Phnom Penh en atteste. On estime ainsi que la moitié des quatre à cinq jeunes qui se jettent chaque mois du haut du Pont japonais – ce pont
Sotha et Sambo formeront quant à eux un couple harmonieux selon la mode khmère ancestrale : Sotha suivra son destin de srèy krop léa, de « fille dotée de marques favorables », c’est-à-dire une femme qui respectera toujours la tradition et saura développer des qualités de patience et de fidélité, de respect envers son mari et d’organisation pour la vie de sa maison. Sambo sera un mari khmer. Il pourra, s’il le souhaite, fréquenter d’autres femmes, rentrer ivre chez lui… Il pourra également être un homme normal, doux et honnête, droit. Cela non plus ne lui sera pas interdit. À ce stade, la notion de
LES MARIAGES FORCÉS SOUS LES KHMERS ROUGES Le vœu premier de l’Angkar (l’« organisation ») était simple : créer une nouvelle catégorie d’êtres humains vierges de toute pensée bourgeoise. Durant la période où il furent au pouvoir, de 1975 à 1979, les Khmers rouges auraient ainsi organisé entre 200 000 et 300 000 mariages forcés au Cambodge. Les enfants nés de ces unions non consenties étaient aussitôt soustraits à la garde de leurs parents afin d’être éduqués par des membres du parti et de devenir les ferments de cette nouvelle population « propre » qui œuvrerait bientôt à la reconstruction du pays. Aujourd’hui, 700 demandes de constitution en partie civile ont été formulées auprès du Tribunal international en charge du procès des dirigeants Khmers rouges (CETC).
mariage s’efface, et il n’est plus question que de règles de vie. Dans la plupart des cas de mariages arrangés, les familles font tout de même en sorte de choisir une personne respectable pour leur époux. Et si l’amour est rarement au rendez-vous, certaines formes de respect mutuel teinté d’affection très forte naissent souvent de mariages sur lesquels nul n’aurait parié. ■
Découvrir > Livres à lire
on a aimé
à ne pas manquer
Sanctuaire du cœur Duong Thu Huong
Éd. Sabine Wespieser, 800 p., 29 €
Malgré une enfance heureuse, Thanh a fui sans explication la maison de ses parents à l’âge de seize ans. On le retrouve, quatorze ans plus tard, l’amant d’une femme d’affaires de Vung Tau, rencontrée dans une maison close de Saigon où il se prostituait. Au fil de ses souvenirs, la révélation d’un passé déchirant lié à son père émerge lentement de la prose odorante et chatoyante de Duong Thu Huong, auteur remarqué de Terre des oublis (cf. EdM n°145), d’Itinéraire d’enfance (EdM n°149) et d’Au Zénith (EdM n°156). Bâti comme une enquête serrée parfaitement rendue par l’enchâssement maîtrisé de multiples récits, Sanctuaire du cœur n’est pas seulement l’histoire de la dérive d’un homme blessé. Il est aussi une parabole inattendue sur le Vietnam moderne et une humanité asservis par le sexe, l’argent et les rapports de force.
L’Année du lièvre - Tome 1 : Au revoir Phnom Penh Tian
Éd. Gallimard / Collection Bayou, 128 p., 17 €
Dans cette superbe bande dessinée qui débute au jour de l’arrivée des Khmers rouges à Phnom Penh, Tian nous fait vivre le début de l’horreur du régime de Pol Pot sur un mode jubilatoire, parfait pendant de l’immense malentendu suscité par le déferlement des hommes en noir dans la capitale cambodgienne endormie. Une famille bourgeoise décide de fuir la ville, mais sans suivre le mouvement d’évacuation générale. Cap au nord, direction Battambang, où une partie de la famille pourrait les aider avec les moyens du bord. Mais la famille qui se dépouille peu à peu de ses derniers biens en cours de route n’est pas au bout de ses peines… Captivant.
Vivre avec les Vietnamiens
Philippe Papin, Laurent Passicousset Éd. de l’Archipel, 372 p., 20 €
Les Senteurs des forêts de Cà Mau Son Nam
Éd. de La Frémillerie, 324 p., 20 €
Dix-neuf nouvelles réparties en « Destins de vieillards », « Destins de femmes », « Destins d’hommes » et « Leçons de vie » forment la matière de cet ouvrage de Son Nam, figure emblématique de la « littérature du Sud », décédé en 2008. Parmi elles, celle qui inspira le film Gardien de buffles (2005). « De ces récits se dégagent des traits caractéristiques qui permettent d’esquisser une typologie de l’homme du Sud tel que Son Nam l’a décrit », nous prévient le traducteur, Nguyên Duc, dont la préface cerne fidèlement l’univers de l’auteur. Au fil de ces récits tout simples, le lecteur fait naturellement sienne l’impression de Nguyên Duc : « Il faut imaginer l’homme du Sud heureux. »
Hanoï, regards
Jean-Claude Pomonti - Photos de Nicolas Cornet Éd. de La Frémillerie, 134 p., 18 €
Qui d’autre que Jean-Claude Pomonti, correspondant du Monde en Asie du Sud-Est de 1968 à 1974 et lauréat du prix Albert-Londres, pouvait proposer de la capitale vietnamienne un portrait mieux à même de saisir son évolution sidérante des dernières décennies ? Six courts chapitres suivis d’un recueil de photos de Nicolas Cornet lui suffisent pour fixer la Hanoi de la modernité avec ses habitants, ses quartiers, ses commerces, en rappelant sans cesse ce qu’elle était il n’y a pas si longtemps. Un contraste spectaculaire qui justifie l’opinion de l’écrivain Bao Ninh, cité par l’auteur : « L’image de Hanoi est actuellement brouillée et il faudra peut-être attendre des dizaines d’années pour voir ce qu’elle devient. »
Trois autres Thaïlande Étienne Rosse
Éd. Gope, 212 p., 13,85 €
Trois autres Thaïlande est un recueil de nouvelles qui se passent presque toutes à Phuket, lieu que leur auteur connaît bien pour y avoir vécu sept ans. Ces histoires font parfois rire ou sourire, mais plus sûrement encore grincer des dents. Certaines encore nous permettent sans doute d’apprendre des faits nouveaux sur une Thaïlande a priori méconnue. Mais l’enthousiasme qu’elles suscitent s’essouffle bien trop vite pour être convaincant. On trouve alors dommage que ce petit livre ne vaille d’être lu que pour son seul aspect documentaire.
22 ❚ N°169 ❚ SEPTEMBRE - OCTOBRE 2011
Chacun de nous se fait une idée approximative du Vietnam car on ne parvient jamais à mettre la main sur l’information exacte. À partir de l’actualité officielle, d’un journal dissident, d’une multitude de témoignages sur le terrain, on tient tout à la fois quelques morceaux du puzzle et des pièces qui brouillent les pistes. Qui dit la vérité ? Telle qu’elle m’a été rapportée, faut-il la modérer ou, au contraire, la gonfler pour avoir une idée juste de ce qui se passe réellement dans le pays ? Face à la censure, l’histoire réelle vivote par tradition orale, elle arrive aux oreilles tantôt affadie, tantôt extrapolée. Voilà enfin publié un ouvrage totalement accessible sur les arcanes de la société vietnamienne, qui se dévore comme un bon roman. Vivre avec les Vietnamiens balaye toutes les incohérences du régime (il est, bien entendu, censuré au Vietnam) : le drame de l’école publique qui absorbe 40% du budget des ménages, celui des entreprises d’État privatisées de l’intérieur, un libéralisme toléré mais sans reconnaissance officielle donc exempt de cadre juridique, un secteur public qui ne fonctionne que par le système de pots-de-vin, ne pratique pas la redistribution et ne règle ainsi jamais la question des inégalités, etc. Tohu-bohu dans lequel la société vietnamienne vient se mouler, telle un corps liquide, pour tirer parti du cadre imposé ou, tout simplement, pour survivre. Il fallait bien que nos deux auteurs parlent vietnamien pour parvenir à un tel degré d’information, pour recueillir des témoignages aussi précis à tous les échelons de la société. Il fallait aussi qu’ils se soient établis au Vietnam et y aient mené de longues années de recherches pour arriver à un tel recul sur son histoire récente. Nous avons là un livre d’investigation et d’entretiens, donc un récit plein de vie. Certes critique, mais jamais cynique car écrit par deux amoureux du pays. L’introduction annonce : « Quand on ne fait que passer, on ne voit pas grand-chose, quand on y réside, on en voit trop. » Philippe Papin et Laurent Passicousset en ont certainement trop vu et trop entendu. Ils peuvent à présent s’honorer d’avoir relevé le défi lancé par l’une de leurs amies vietnamiennes angoissée par l’ancrage abyssal de la corruption : « Si ce n’est pas vous qui le dites, ce sera qui ? » ■ Anh Duong
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