Enfants du Mékong N°165 NOVEMBREDÉCEMBRE 2010 2,40 €
MAGAZINE
A I D E
À
L ’ E N F A N C E
D U
S U D - E S T
A S I A T I Q U E
VIETNAM Les orphelins de Chu Se
Cambodge Une nouvelle voie ? www.enfantsdumekong.com
> Sommaire n°165 Éditorial Pour la promotion de l’homme
3
4
Points chauds Cambodge Une nouvelle voie ?
4
Regards sur l’Asie 8 10 11 12 © esprit-photo
Vietnam Les orphelins de Chu Se Asie du Sud-Est En bref Thaïlande Savoir perdre son temps… Cambodge Un achat, une rencontre
Agir En direct La boutique de Noël Portrait Madel,
14
filleule aux doigts de fée
17
Nos délégations Agenda, échos Courrier
18
15
8
19
12
Découvrir Chronique d’Asie Vat Phou, l’autre Angkor
20
Livres, expositions Rencontre « Le défi de la jeunesse
22
passe par l’éducation »
23
20
Rédaction MAGAZINE 5, rue de la Comète 92600 Asnières-sur-Seine • Tél. : 01 47 91 00 84 • Fax : 01 47 33 40 44 • Fondateur René Péchard (†) • Directeur de la publication François Foucart • Rédacteur en chef Geoffroy Caillet • Rédacteur Jean-Matthieu Gautier • Couverture Au Cambodge © J.-M. Gautier Maquette Florence Vandermarlière • Impression Éditions C.L.D. 91, rue du Maréchal-Juin 49 000 Angers • Tél. : 02 47 28 20 68 • I.S.S.N. : 0222-6375 Commission Paritaire n° 1111G80989 • Dépôt légal n° 910514 • Tirage du n° 165 : 22 500 exemplaires • Publication bimestrielle éditée par l’association Enfants du Mékong • Président François Foucart • Présidente d’honneur Françoise Texier • Directeur général Yves Meaudre Abonnement (1 an, 5 numéros) : 12 euros
> Éditorial
Pour la promotion de l’homme L
e développement des chemins de fer chez nous (depuis Louis-Philippe et Napoléon III) signait l’essor du développement industriel. En revanche, le remplacement progressif des métiers à tisser manuels par les métiers mécaniques Jacquard provoqua à Lyon une grave révolte des canuts en 1831. Quel rapport, direz-vous, avec les reportages que vous trouverez dans ce numéro à propos du Cambodge ? Eh bien, dans ce pays comme dans d’autres « émergents », il y a d’une part un début de développement dû au libéralisme, à l’argent international, et cela concerne la renaissance du rail cambodgien ; d’autre part la nécessité, pour l’instant, dans les campagnes, de maintenir un certain artisanat indispensable, et il s’agit pour nous du tissage sur métier manuel. C’est toute la question de l’avenir, à moyen terme, des pays d’Asie. En effet, la montée en puissance d’un pays suppose – outre des moyens éthiques et politiques satisfaisants – l’arrivée de moyens industriels lourds, usines et moyens de transport, énergie notamment. Cela ne concerne pas, semble-t-il, une organisation humanitaire comme Enfants du Mékong, même si nous avons pu récemment bâtir un projet lié au développement intellectuel et humain, le Centre Docteur Christophe Mérieux, à Phnom Penh. Au-delà de l’acier, du ciment ou de l’asphalte pour les routes, un grand projet bien sûr ne s’inscrit d’abord que dans la promotion de l’homme. En revanche, et dans l’état actuel du Cambodge profond, le maintien dans des villages (Banteay Chmar) d’activités artisanales comme le tissage se justifie parfaitement car il permet de « vivre au pays » sans la tentation de l’exil en Thaïlande. Depuis la création de Soieries du Mékong avec Espoir en soie, association-sœur, l’idée d’un travail traditionnel villageois a fait ses preuves. Il y a d’autres projets, par exemple du maraîchage, dans l’esprit de ce que nous appelons « Enfants du Mékong Développement ». Dans un registre très différent, nous fêtions l’autre soir à Rungis avec nos amis étudiants le souvenir des saint martyrs du Vietnam (XIXe siècle). Tout cela dans la fidélité à une action humanitaire, depuis 52 ans. Aidez-nous, s’il vous plaît, à continuer. ■ François Foucart Président d’Enfants du Mékong
MAGAZINE
N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 ❚ 3
Points chauds > Cambodge
Une nouvelle voie ? THAÏLANDE
CAMBODGE g
kok
En 2010, le Cambodge est entré dans une nouvelle ère, comme en témoigne le projet de rénovation de l’unique voie de chemin de fer du pays. Mais tout cela a un coût.
LAOS
Mé
ko n
Battambang ● Golfe Phnom Penh de Thaïlande ● ©idé Sihanoukville
VIETNAM 100 Km
Texte et photos : Jean-Matthieu Gautier
I
l y a six mois de cela, la petite gare de Tani, d’aspect plus que misérable, ne semblait pas vraiment avoir repris du service. Pas encore. Simplement, jour et nuit, un petit gardien y veillait. Gardien d’une double paire de murs déliquescents pendant plusieurs années, il a été de novembre 2009 à octobre 2010 le gardien d’un amoncellement de rails, d’un gros tas de boulons et de toute une batterie de poutrelles et autres barres transversales. Mais aujourd’hui, la petite gare de Tani qu’environne une campagne rase, fermée par les premiers massifs de la chaîne des Éléphants, est ressuscitée et de nouveau ouverte. Le rail cambodgien, né en 1929 et restauré pour la dernière fois en 1960, est de nouveau opérationnel, au moins pour sa partie sud : le tronçon de Touk Meas – non loin de la frontière vietnamienne – à Phnom Penh. Le chantier s’est ouvert en janvier 2008, financé par la Banque asiatique de développement (BAD), l’Agence de développement australienne Ausaid et l’Opep pour un montant global de 141,1 millions de dollars. La Malaisie a offert les rails, la réhabilitation des voies a été confiée à l’entreprise française TSO, la
ligne est exploitée par une joint-venture australo-cambodgienne, Toll Royal. Pour le moment et jusqu’à nouvel ordre, la ligne ne concernera qu’un service de fret – chose qui fait doucement rire certains Khmers, dont beaucoup sauront s’arranger de cette contrainte.
Pays en vente Le sort des 2 629 personnes vivant le long de la voie et désormais à « reloger » s’inscrit dans une logique légèrement autre. Quand l’Australien David Kerr, directeur de Toll Royal, affirme en mai dernier que des arrangements ont été trouvés, l’organisation Amnesty International parle de son côté d’évictions et d’expulsions, en dénonçant des pratiques qui semblent inséparables du mode de développement du royaume (150 000 expulsions en 2008, cf. également EdM n°162). Pourtant, c’est vrai, le Cambodge se développe. Les gratte-ciels poussent à Phnom Penh, les routes de terre se bitument, les réseaux de distribution d’eau et électriques se dessinent, et c’est bien pour répondre à l’augmentation du trafic de marchandises entre 2005 et 2006
qu’il a été décidé de moderniser les voies en 2007. Ouf, le train pourra désormais rouler à 50 kilomètres à l’heure au lieu de 25 auparavant. De quoi rassurer les investisseurs étrangers, français d’une part, qui avec les groupes Accor, Total, Vinci, Saint-Gobain etc., constituent l’un des dix premiers pays partenaires du Cambodge, mais aussi et surtout chinois, qui viennent de lancer un nouveau plan quinquennal sur le Cambodge : 1,6 milliard de dollars injectés dans les infrastructures cambodgiennes durant les cinq prochaines années. Une « aide » que l’on sait n’être jamais sans contrepartie. Ainsi, après avoir vécu pendant des années sous perfusion d’aide internationale de toute sorte, le petit royaume découvre le libéralisme à l’asiatique. De fait, les « affaires » pleuvent littéralement. Quand Total verse 28 millions de dollars au gouvernemnt cambodgien pour explorer une zone au potentiel pétrolier prometteur, 8 millions s’envolent dans un vague fonds social cambodgien dont nul n’est en mesure de connaître l’utilisation précise. Le reste est à l’avenant. Est-ce le prix à payer ? ■
DE PHIRRO SEM À PIERROT SEM Curieux destin que celui de Pierrot – autrefois Phirro –, improbable marlou à la gouaille contagieuse. Il porte l’énorme montre de marque et les gourmettes manifestement d’argent, les lunettes de soleil qui le feraient prendre pour un patron de boîte de nuit niçoise. Il rit doucement, il parle sans en faire trop malgré, peut-être, une petite tendance à l’exagération – voire à l’affabulation par-ci par-là. Son regard ne fuit pas mais s’échappe parfois. Il a quatre ans le 17 avril 1975. Son père est adjoint du ministre des Finances du général Lon Nol : il vient clairement du mauvais camp. La vie change aussitôt. Il a quatre ans et se retrouve, près de Pursat, à ramasser des bouses de vache pour faire du combustible. Il trouve cela amusant au début mais, toute la journée, du lever au coucher, c’est du boulot. Quand il le découvre, il a grandi. Il parvient à s’enfuir. Le revoilà à 14 ans, dans le camp de réfugiés de Ban Vinai où il rencontre René Péchard, qui l’envoie en France au foyer Enfants du Mékong de Valence, bientôt transféré à Asnières. Aujourd’hui, il est chef de chantier sur un tronçon du colossal projet de rénovation de la voie de chemin de fer du Cambodg e. Il se sent heureux, épanoui, fier du chemin parcouru, reconnaissant envers « Tonton ». Longtemps repoussé, son retour au Cambodge est pour lui un accomplissement. 4 ❚ N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010
MAGAZINE
▲▼ Démonter les rails, écarter, enlever les anciennes traverses, assembler les rails au milieu pour que l’excavateur puisse nettoyer les bas-côtés, consolider le talus… Les tâches demandées aux ouvriers (non spécialisés) demeurent assez basiques et toutes réalisées à la main.
MAGAZINE
N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 ❚ 5
Points chauds > Cambodge
▲▼ Les blessures ne sont pas rares durant la phase de démontage des rails. Cet ouvrier a été blessé par la chute d’un rail. Ses frais d’hospitalisation sont pris en charge par l’entreprise TSO, chargée de la rénovation des voies.
6 ❚ N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010
MAGAZINE
▲▼ Recrutés parmi les habitants des villages à proximité de la voie, les ouvriers sont payés entre 3 et 3,5 dollars par jour. Un salaire d’ouvrier journalier normal au Cambodge.
MAGAZINE
N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 ❚ 7
Regards sur l’Asie > Vietnam Sur les HautsPlateaux Hanoi Vientiane du Vietnam, VIETNAM un système d’adoption Bangkok permet de Phnom Penh Golfe de Thaïlande sauver la vie d’enfants jaraï menacés par des coutumes cruelles. 200 Km
LAOS
M
g on ék
Golfe du Tonkin
THAÏLANDE
●
CAMBODGEPleiku
Golfe de Thaïlande ©idé
Par Geoffroy Caillet
Tués au nom de la coutume Ces femmes ne sont pas les mères biologiques des enfants qui se trouvent là. Adoptés par elles en bas âge, tous étaient orphelins. Des orphelins d’un genre particulier. « Ce sont des rescapés », signale
Les orphelins de Chu Se
© G. Caillet
Diem Ly, la dynamique Vietnamienne qui vit depuis 19 ans parmi les Jaraï du district de Chu Se, près de Pleiku, dans la province de Gia Lai. Et elle explique avec force détails les circonstances dans lesquelles ces enfants ont échappé de justesse à une mort dictée par la coutume. « Certaines traditions ancestrales des Jaraï imposent de mettre à mort un bébé », reprend-elle, visiblement émue à la seule évocation d’une situation qu’elle connaît pourtant par cœur. « Ainsi, lorsqu’une femme jaraï meurt en couches, le père préfère enterrer vivant le nouveau-né avec elle 8 ❚ N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010
plutôt que de le voir dépérir par manque de lait », souligne Ly. Une superstition s’attache aussi aux jumeaux, considérés comme un signe maléfique. L’un d’eux doit être sacrifié. Les bébés sont alors enivrés à mort ou étouffés. Ly se souvient avec effroi : « À mon arrivée chez les Jaraï, j’entendais les adultes discuter de la façon dont il fallait les tuer… »
Retomber sur leurs pieds Depuis l’installation de leur mission à Pleiku en 1969, les pères rédemptoristes vietnamiens se sont attachés à MAGAZINE
© D.R.
S
ous l’immense tente dressée devant la chapelle, des dizaines d’enfants assis sur leur fauteuil de plastique rouge écoutent sagement « maman Ly » leur donner les dernières instructions pour accueillir dignement les visiteurs. De l’autre côté de l’allée, un nombre identique de femmes de tout âge, vêtues de l’habit traditionnel des Jaraï, couvent la scène d’un œil attendri. À un signal de Ly, cinq fillettes se lèvent et, au son des gongs en bambou, entament une danse traditionnelle. La hotte jaraï sur le dos, elles exécutent de gracieux moulinets des mains. Le groupe des femmes applaudit et s’attendrit un peu plus.
© G. Caillet
MAGAZINE
› Diem Ly, une vie pour
les Jaraï
DIEM LY, C’EST LE LAPIN BLANC D’ALICE AU PAYS DES MERVEILLES. TOUJOURS PRESSÉE, ELLE COURT DE FAMILLE EN FAMILLE, POSE UNE QUESTION À L’UN, PRODIGUE UN CONSEIL À L’AUTRE, RÉPOND À UN TROISIÈME. LA VISITE AVEC ELLE OBÉIT À UNE RÈGLE : RENCONTRER LE PLUS DE JARAÏ POSSIBLES POUR FAIRE COMPRENDRE LEUR MODE DE VIE, LEURS DIFFICULTÉS, ET CONNAÎTRE COMME ELLE L’HISTOIRE DE CHACUN.
À
47 ans, Diem Ly est devenue plus jaraï que nature. Cette Vietnamienne kinh – l’ethnie majoritaire du Vietnam – originaire de Hué a « consacré [sa] vie » aux Jaraï. Catholique fervente, elle cherchait à vouer sa vie aux plus pauvres, sans savoir comment. « Un jour, l’évêque de Kontum m’a parlé de la situation difficile des minorités ethniques des Hauts-Plateaux, et notamment des Jaraï. Je n’en savais rien et le simple récit de leurs malheurs m’a fait pleurer », raconte-t-elle, les yeux brillants d’émotion. Pour Ly, pas de doute : « J’avais enfin reçu l’appel que j’attendais. » Les malheurs des 400 000 Jaraï de la région de Pleiku (cf. EdM n°157), c’est la « vietnamisation » progressive de terres où ils étaient majoritaires il y a encore quelques décennies. Spoliations organisées par le gouvernement, disparition de la forêt, de leur habitat et de leurs traditions, leur sort est aujourd’hui critique. « Une chanson
© D.R.
combattre cette sinistre tradition alors solidement ancrée. Si elle perdure dans certains villages isolés de la province de Gia Lai, elle a entièrement disparu chez les Jaraï convertis au catholicisme, dans le district de Chu Se. Sous l’impulsion de Ly, l’ouverture d’un « Programme orphelins » en 1992 permet désormais aux enfants épargnés d’être recueillis par ces mères adoptives, qui les élèvent comme les leurs. « La plupart du temps, précise Ly, ces mères sont des membres de la famille plus ou moins proche : grand-mère, tante, cousine. » Ly a dénombré 375 orphelins de ce genre et autant de familles d’adoption à Chu Se. Particulièrement pauvres, celles-ci ne peuvent que rarement leur assurer un accès à l’école. Pour eux, Ly a donc mis en place en 2005 un projet de microcrédit financé par l’association française Hôt-Lua. À la fois simple et ambitieux, il vise à acheter un bovin à chaque orphelin déshérité. Un précieux capital de 4 millions de dongs pour un veau et jusqu’à 10 millions pour une vache, que les enfants pourront choisir de faire prospérer ou d’utiliser pour suivre des études. Aujourd’hui, ce sont 341 bovins qui ont pu être achetés. « Après des débuts difficiles, les enfants pourront enfin retomber sur leurs pieds et prendre un bon départ dans la vie », conclut Ly, soulagée de voir « ses » orphelins tirés d’affaire. ■
jaraï énonce plaintivement tout ce qu’ils ont perdu : les forêts et leurs tigres, les torrents et leurs poissons… », soupire Ly. En 1991, elle rejoint la mission catholique de Pleiku auprès des Jaraï et y travaille depuis lors comme volontaire. Pour les Jaraï, elle a repris des études qui lui ont permis de décrocher un diplôme d’assistante sociale et de gagner ainsi en efficacité à leur service. Une action aux contours plutôt larges, puisqu’elle est à la fois spirituelle (très importante pour les quelque 60 000 Jaraï catholiques), sociale, économique et éducative.
Son cheval de bataille : l’éducation « La première fois que j’ai rencontré une famille jaraï, la mère m’a demandé : “Pourquoi étudier ?” Elle était trop pauvre pour pouvoir se passer de ses enfants. » Après les orphelins, Ly fait de l’éducation son cheval de bataille en ouvrant plusieurs « classes d’affection », des écoles gratuites qui accueillent les enfants pauvres. Grâce aux parrains d’Enfants du Mékong, la scolarisation de dizaines d’enfants jaraï est devenue possible. Ceux qui s’orientent aujourd’hui vers un cursus universitaire ou professionnel n’iront pas grossir les rangs des jeunes qu’on voit chaque matin arpenter la route, dans l’attente de se faire embaucher à la journée comme ouvriers agricoles par des Vietnamiens kinh. Aujourd’hui, la malaria contractée par Ly en 1995 n’est plus qu’un lointain souvenir. Infatigable, celle qui se dépense sans compter pour les Jaraï avoue fièrement : « J’ai failli partir aux États-Unis pour gagner de l’argent, mais on m’a dit que je serais plus utile ici. » Ce ne sont pas les Jaraï qui la contrediront. ■
N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 ❚ 9
Regards sur l’Asie > Asie du Sud-Est
Aung San Suu Kyi : le sens d’une libération CHINE
B.
Naypyidaw Rangoun
LAOS THAÏLANDE
BIRMANIE
Mer
Célébrée par les médias occidentaux, la libération, au lendemain des élections, du leader historique de l’opposition démocrate ne résout rien en Birmanie. Par Geoffroy Caillet
d'Andaman
©idé
B
ien sûr, le résultat des élections législatives du 7 novembre était connu d’avance. Bien sûr, la fraude, souvent grossière, a été à l’ordre du jour. Bien sûr enfin, les médias occidentaux ont entonné l’air du « on le savait bien ». Mais n’est-il pas plus judicieux, comme le suggère Sophie Boisseau du Rocher, chercheur à l’Asia Centre de Sciences Po, dans Le Figaro du 4 novembre, « d’analyser les “avancées à la marge” » ? Parmi celles-ci, la tenue des premières élections depuis vingt ans a été une opportunité de taille pour agiter les consciences et stimuler les forces démocratiques, même muselées, de Birmanie. Les pays occidentaux semblent l’avoir négligé en condamnant d’emblée
© D.R.
INDE
200 Km
les résultats des urnes. Aujourd’hui, force est de constater que la politique d’isolement menée par eux vis-à-vis de la Birmanie a surtout eu pour résultat
Bousculade tragique au Cambodge THAÏLANDE
LAOS
L
Mé
ko n
g
e Cambodge est sous le choc après Bangkok CAMBODGE la tragique bousculade VIETNAM Golfe Phnom Penh de qui a fait 347 morts et Thaïlande 100 Km 395 blessés sur un pont de Phnom Penh le 22 novembre dernier, le jour de la clôture de la traditionnelle Fête de l’eau. Les premiers éléments de l’enquête en cours font état d’une rumeur, « le pont va s’écrouler », qui se serait propagée en quelques secondes, entraînant un mouvement de panique sur ce pont étroit, très fréquenté par les 3 millions de Cambodgiens présents dans la capitale pour les festivités. Une journée de deuil nationale prescrite par le Premier ministre Hun Sen a été observée le 25 novembre. ■ G.C. ©idé
10 ❚ N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010
Mékong-Express JOYEUX ANNIVERSAIRE À HANOI ET VIENTIANE Cet automne a été marqué par l’anniversaire de deux capitales d’Asie du Sud-Est. Les Vietnamiens ont fêté pendant toute l’année les 1 000 ans de Thang Long, nom primitif de la ville devenue Hanoi en 1831. La célébration de ce millénaire s’est achevée sur dix jours de festivités dans la capitale, du 1er au 10 octobre : meeting, parade, défilé sur la place Ba Dinh et spectacle au stade national My Dinh. L’année 2010 avait été choisie à dessein comme année du tourisme par les autorités vietnamiennes. Au Laos, le pays a fêté du 15 au 21 novembre les 450 ans de Vientiane lors de festivités analogues destinées à stimuler l’exaltation nationale. Et pour cause : cet anniversaire coïncidait aussi avec les 35 ans de l’accession au pouvoir du Parti révolutionnaire populaire lao.
MAGAZINE
© M.-M. Favre
Mékong
BH.
d’isoler Aung San Suu Kyi, le leader historique de l’opposition. Sur cette libération même, les médias occidentaux ont globalement manqué de prudence. Elle n’a d’abord rien d’extraordinaire, puisqu’elle est advenue à l’échéance des 18 mois prévus par la junte (13 novembre). Tout au plus sa proximité avec le scrutin a-t-elle servi de gage de bonne volonté de la part du gouvernement birman. Quant à Aung San Suu Kyi, ses déclarations dénotent surtout une volonté marquée d’incarner l’avenir politique de la Birmanie. Mais malgré une popularité intacte, il est difficile de voir en elle l’espoir d’un pays dont elle a été coupée, à son corps défendant, pendant près de vingt ans. Elle est âgée de 65 ans et reste affaiblie par sa réclusion. Son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), a été dissout par la junte avant les élections, et rien n’indique que les jeunes cadres qui ont rejoint la Force démocratique nationale (NDF) sont aujourd’hui prêts à la reconnaître comme chef. À l’heure où la junte apparaît plus puissante que jamais, le prix Nobel de la paix va être obligé de tenir compte de cette opposition plus diversifiée et de reconstruire, quoi qu’il en soit, une véritable stratégie politique. ■
Regards sur l’Asie > Thaïlande
Savoir perdre son temps… En Asie, on a le temps. On nous avait prévenus, mais quand même ! Quelques anecdotes pour illustrer la célèbre attente asiatique et la « non-ponctualité » bien connue. Par Marion Taÿ Pamart, volontaire Bambou en Thaïlande ’ai rendez-vous à 9 heures et demie avec le père Kringsac pour aller dans les villages karens. À l’heure, j’attends une demi-heure avant que le pado (« père » en karen) n’arrive. Logique. Je vis ma première expérience de l’attente asiatique… et ce n’est que le début. Ici, il ne faut pas être pressé ni avoir un plan complet de sa journée en tête. On ne sait jamais ce qui peut se passer. D’abord j’apprends que, finalement, nous ne partons pas une mais trois nuits. Je retourne donc faire mon sac pendant qu’il prépare le départ. Il est 10 heures et quart et nous voilà enfin partis. Sur la route, la jante avant gauche fait des bruits étranges, il va falloir passer au garage. J’apprends à cette occasion que le véhicule a presque mon âge… Arrivés à Chom Thong, nous voilà au garage, non sans nous être arrêtés préalablement au bureau de poste. Enfin, un garage… Un grand hangar où des hommes pleins de cambouis tapent à la masse sur ce qui a pu être des voitures un jour. Nous les laissons démonter la roue et donner de grands coups dans la jante. On attend. Je sors mon bouquin parce que ça commence à être long, quand même. J’ai toujours un livre sur moi. Ce n’est pas ici que ça va changer.
« On n’est pas pressé » Trois quarts d’heure plus tard nous voilà repartis, avec une voiture qui semble marcher. Bon, il me semble qu’on en avait pour trois heures, il serait peut-être temps d’y aller, non ? Petit tour de la ville. MAGAZINE
© M. Taÿ Pamart
J
Je m’éclipse avec mon livre et mes cigarettes. Une heure plus tard, on déjeune sur place, puis on repart. Il est loin le temps où je croyais encore que nous allions décoller à 9 heures et demie du matin. Il est une heure et demie de l’après midi et le voyage commence enfin !
Ici, les rendez-vous n’ont pas de réelle signification. Vingt minutes plus tard, le téléphone du père sonne. Il se gare dans une station-service et répond. Puis il en profite pour aller acheter quelques trucs à grignoter (bah tiens !). Vingt minutes encore avant de repartir. Le lendemain, même topo, nous revoilà sur la route. Après une pause téléphone et une pause... – euh bah rien, on a juste attendu, je n’ai pas compris pourquoi mais j’ai arrêté de chercher, de toute façon… – nous atteignons enfin notre destination. Le surlendemain à 10 heures, alors que nous sommes partis depuis moins
d’une heure... pause (vous aviez deviné hein ?) au milieu de nulle part. J’en profite pour aller me promener un peu dans la montagne. De toute façon, on n’est pas pressé ! Une demi-heure plus tard, on repart (mon bouquin a bien avancé depuis le départ). Je commence à comprendre : le but est de mettre le plus de temps possible à faire le trajet, non ? Quand je pense qu’en France, lorsqu’on a moins de quatre heures de route, on s’arrange pour ne surtout pas avoir à s’arrêter et faire le trajet d’une traite, le plus vite possible… Ici, les rendez-vous n’ont pas de réelle signification. Avoir rendez-vous à telle heure signifie plutôt : « On se retrouve vers quatre heures si on n’a pas quelque chose de plus important à faire et si on n’oublie pas. » Une fois parti, on s’arrête prendre de l’essence. On s’arrête acheter à manger. On s’arrête acheter à boire. On s’arrête tout court. La demi-heure de trajet se transforme en heure. Allez, quittez vite cette page, vous allez être en retard à votre prochain rendez-vous. Moi ce n’est pas grave, j’ai le temps… ■ N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 ❚ 11
Regards sur l’Asie > Cambodge
Un achat, une rencontre À Banteay Chmar, les tisserandes de Soieries du Mékong se sont prêtées au jeu d’un film documentaire. Reportage sur les coulisses du tournage. Texte et photos : Jean-Matthieu Gautier
C
hamrun Rann discute pluie et beau temps avec Gonzague. Elle semble un brin stressée mais ça devrait aller. Son mari, lui, est en grande conversation avec Claire. Ils parlent thaï, une langue que ne comprend pas Chamrun Rann mais que son mari pratique parce qu’il lui est souvent arrivé d’aller travailler en Thaïlande. Il explique la frontière très proche, la forte demande de main-d’œuvre, les salaires supérieurs à ceux pratiqués au Cambodge. Il est très étonné d’entendre cette jeune Française parler si bien le thaï. Et Claire sent que des explications s’imposent. Elle était volontaire Bambou en Thaïlande il y a quelques années, elle vit aujourd’hui à Bangkok avec son mari. La discussion va bon train. Gonzague plaisante avec Chamrun Rann, lui dit qu’elle sera bientôt une star internationale. Chamrun Rann pouffe de rire.
12 ❚ N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010
Claire, toujours en pleine conversation mondaine, s’inquiète néanmoins pour la lumière : sera-t-elle suffisante ? Le trépied installé, la caméra en place, les principaux cadrages repérés, il faut encore de longues minutes avant que le tournage ne commence. C’est une sorte de leçon asiatique, où l’échange est un préalable à toute activité. « Oh ! vous regardez les buffles ? Mais non ! Allez voir mon métier à tisser, c’est plus intéressant ! », lance Chamrun Rann en riant. Noir caméra, une fleur de lotus stylisée apparaît à l’écran, surlignée du slogan : « Rejoignez celle qui a tissé pour vous. » En fond sonore, le bruit d’un avion qui
« Nous sommes bel et bien sortis de “l’achat charité”. » décolle, tandis qu’une carte du Cambodge apparaît dans un effet de zooming. Au nord-ouest, le petit village de Banteay Chmar. Et revoilà Chamrun Rann devant son métier à tisser, à côté de son mari, un brin gêné, dans leur petite maison. « Je m’appelle Chamrun Rann, dit la jeune tisserande, j’ai 28 ans et mon mari 43 ans. Je travaille pour Soieries du Mékong depuis un an et je tisse à la maison depuis deux mois. » Suivent quelques vues de Chamrun Rann au travail puis, très vite, il faut partir. Chamrun Rann et son mari saluent leurs visiteurs sur le pas de la porte, générique et fin. Le temps de cette « rencontre » proposée par Soieries du Mékong n’a pas excédé deux minutes. MAGAZINE
Des salaires décents pour des produits de qualité « Ce produit a été confectionné pour vous par… Chamrun Ran. Partez à sa rencontre. » Sur les étiquettes des produits en soie estampillés Soieries du Mékong, la petite entreprise sociale que dirige Gonzague de Borde depuis juillet 2008, ce message porteur d’une promesse s’affiche en petites lettres d’or : « Voyez cette personne, elle réalise des choses superbes et en plus elle est heureuse. » « Les gens achètent pour se faire plaisir, mais en plus ils ont la possibilité de savoir qui a confectionné l’écharpe, l’étole ou le krama qu’ils vont porter. Que demander de plus ? », interroge Gonzague. Ce sens de la rencontre typiquement asiatique va de pair avec l’esprit qu’il a voulu pour son entreprise : des salaires décents pour des produits de qualité. Il signifie également un tournant. « Au début, explique Gonzague, Soieries du Mékong était un simple projet d’Enfants du Mékong développé en partenariat avec l’association Espoir en soie. Nous proposions des produits certes de qualité, mais l’un de nos principaux arguments de vente reposait sur le beau geste réalisé. MAGAZINE
Cela revenait à dire : en achetant ce produit, vous aidez une personne à l’autre bout du monde à se bâtir un avenir. Nous sommes dans une logique très différente aujourd’hui. Les clients s’offrent nos écharpes parce qu’ils les trouvent tout simplement magnifiques. Cela se ressent dans la qualité de nos créations, qui s’est considérablement accrue grâce aux formations suivies par nos tisserandes, mais aussi grâce à leur épanouissement personnel. »
« Permettre aux gens de s’en sortir financièrement en leur fournissant un emploi, c’est très bien, résume Gonzague, mais aujourd’hui nos tisserandes sont épanouies parce qu’elles sont fières de savoir qu’à l’autre bout du monde, d’autres personnes portent et apprécient le fruit de leur travail. Un gage de pérennité plutôt réjouissant pour nous et qui nous fait penser que nous sommes bel et bien sortis de “l’achat charité”. » ■ N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 ❚ 13
Agir > En direct PARTENARIATS
Les «CP» en mission
Défi du Mékong fait des petits…
V
ous le savez, la chargée de parrainage (CP) fait l’interface entre les parrains en France et les responsables de programme et les filleuls en Asie. Côté France, les contacts sont quotidiens, par téléphone, par mail ou lors des événements organisés par les délégués de l’association (dîners de parrains). Une à deux fois par an, votre chargée de parrainage se rend en Asie dans sa zone d’action pour une mission de deux à trois semaines, au contact direct des responsables et des filleuls. Les objectifs de ces missions sont nombreux : - faire la connaissance des responsables - améliorer sa connaissance des zones où sont implantés les programmes dont elle a la charge - se rendre compte des grandes tendances de développement du pays, des
difficultés et besoins de chaque zone d’action afin d’orienter et d’adapter le développement des programmes - former les responsables, les conseiller et les aider dans leur travail quotidien auprès des enfants. Selon l’organisation de nos sept pays d’action, ces missions se déroulent en collaboration avec les volontaires Bambous sur place. Dans certains pays où les Bambous sont moins nombreux, les chargées de parrainage jouent ellesmêmes le rôle du volontaire. Ces missions sont indispensables pour se confronter à la réalité des pays et aux difficultés que rencontrent les responsables. Elles sont aussi le meilleur moyen d’appréhender les programmes de parrainage et les bienfaits de l’aide apportée. Un moyen privilégié, enfin, de répondre aux parrains et de les informer ! ■
© D.R.
VOLONTAIRES BAMBOUS Partir un an au service des plus pauvres en Asie du Sud-Est, c’est le choix fait par 42 volontaires d’Enfants du Mékong en 2010. Chargés de programmes de parrainage ou de développement, de missions d’animation ou de responsable de foyer, tous ont en commun le désir de donner temps et compétences. Mais la seule générosité ne suffit pas. Être volontaire demande une bonne capacité d’adaptation, d’organisation et d’analyse, également une solide stabilité psychologique. À la phase d’émerveillement des premières semaines peut succéder un cruel manque de repères, qui met à l’épreuve les intentions initiales. C’est pourquoi le recrutement comprend depuis 2007 trois entretiens successifs (dont un avec une psychologue) auquel s’ajoutent deux rendez-vous : en avril une journée des volontaires Bambous, destinée à discerner les bonnes et mauvaises raisons de partir, et début juillet la session de formation. Un long recrutement certes, mais pour une candidature vraiment mûrie ! À noter que le recrutement 2011-2012 a commencé le 1er décembre 2010. Responsable des volontaires : Stéphane Saunier Candidatures à adresser par mail à Véronique Taÿ Pamart : vtaypamart@enfantsdumekong.com 14 ❚ N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010
© D.R.
LE MOT DU PARRAINAGE
L
e 10 octobre dernier, 260 coureurs, 150 supporters, SoYouTV, Altran CIS, Optimind, Decathlon et Air France se sont retrouvés comme une seule grande équipe pour la course des 20 km de Paris. Tout de vert vêtus, ils ont représenté très activement l’association, qui a été remarquée par les 22 000 coureurs. Ce défi sportif et solidaire a été une vraie réussite : l’association a été la plus visible le jour J, les coureurs ont collecté environ 40 000 € pour construire une école au Laos ainsi qu’un deuxième projet ! Depuis mars, une équipe organise des entraînements-apéros et autres rendez-vous pour que les motivés du Défi puissent se rencontrer. Un outil de collecte en ligne est mis à disposition pour informer et susciter des dons, défiscalisés à 75%. Défi du Mékong fait des petits, car Défi du Mékong Bruxelles se met en place pour les 20 km de Bruxelles le 29 mai 2011 ! Une page sera bientôt en ligne pour proposer de participer aux Défis du Mékong ou de créer son propre Défi. Tous ceux qui le souhaitent pourront ainsi agir d’une façon ou d’une autre et le faire savoir à leur entourage pour se faire soutenir et collecter des dons: www.enfants dumekong.com/defidumekong ■ Pour plus d’informations, contactez Alban d’Avout : 01 47 91 00 84 adavout@enfantsdumekong.com
MAGAZINE
La Boutique de Noël Enfants du Mékong vous présente sa collection de cartes de vœux 2011
PARTICULIERS Lot de 6 cartes doubles sans texte + enveloppes (21 x 10 cm) 10 € En achetant ces cartes, vous participez à l’action d’Enfants du Mékong et offrez un avenir à des milliers d’enfants.
ENTREPRISES Lot de 50 cartes doubles + enveloppes (14,5 x 14,5 cm) 67 € Possibilité de personnaliser vos cartes par un feuillet individualisé intégrant votre logo, vos coordonnées et un message en quadrichromie.
Cette année, la carte de vœux d’Enfants du Mékong est destinée au projet de construction d’une école primaire de 100 enfants de 4 à 8 ans au Laos, dans le village de Tha Theng. Une bonne façon de faire circuler la solidarité auprès de vos collaborateurs, internes et externes, et de valoriser l’image de votre entreprise. Plus d’informations sur www.enfantsdumekong.com/thatheng.
BON DE COMMANDE
✂
Coupon à renvoyer à : Enfants du Mékong – 5, rue de la Comète – 92600 Asnières. Tél. : 01 47 91 00 84.
PARTICULIERS
ENTREPRISES
…. lot(s) x 10 € de 6 cartes + 6 enveloppes = ……. €
… lot(s) x 67 € de 50 cartes + 50 enveloppes = …… € … lot(s) x 80 € de 100 feuillets personnalisés = …… € Pour la personnalisation de votre feuillet, merci de contacter Laure Pastoureau : lpastoureau@enfantsdumekong.com 01 47 91 00 84
Montant total de ma commande : ………… € + ………… € Participation aux frais de port (2 € par lot pour les particuliers, 5,50 € par lot pour les entreprises). Soit un chèque de : ………… € à l’ordre d’Enfants du Mékong Nom : ............................................................................................. Prénom :.............................................................. Adresse : ..................................................................................................................................................................... ..................................................................................................................................................................................... Code postal : .................................................. Ville : .................................................................................................. Tél. : ............................................................... Signature : .......................................................................................... Conformément à la législation, l’achat de cartes de vœux ne peut donner droit à une déduction fiscale.
> Portrait
Madel, filleule aux doigts de fée Ancienne filleule d’Enfants du Mékong aux Philippines, Madel est la première mécanicienne embauchée par Porsche. Portrait d’une jeune fille véloce, qui a fait la une des journaux de son pays. Par Geoffroy Caillet
D
ès les premières minutes de l’interview, elle fait mentir les stéréotypes. Non, Madel Bejerano n’est ni une féministe en mal d’inspiration, ni une fille qui se serait trompée de voie. Tout au plus « un peu garçon manqué », reconnaît-elle en souriant. Et d’avouer que ce qui l’embête le plus dans son travail, « c’est d’avoir les ongles noirs chaque soir », preuve supplémentaire s’il en fallait d’une féminité intacte. Il faut dire que le métier de Madel donnerait des complexes à plus d’un garçon de son âge : depuis un an et demi, cette jolie Philippine de 19 ans est la première mécanicienne féminine chez Porsche. Avec une simplicité encore enfantine, Madel déroule un parcours qui a tout d’une jolie success story. D’abord son enfance au Laura Squat, un quartier pauvre de Quezon City, la principale ville de l’agglomération de Manille. Au lycée, d’où elle est sortie huitième de sa promotion, elle travaille à la cantine pour payer ses études en préparant la nourriture entre deux heures de cours. Grâce au Père Daniel Godefroy, responsable du programme de parrainage d’Enfants du Mékong à Laura Squat (cf. EdM n°164), elle bénéficie alors du soutien d’une marraine française, qui lui permet d’intégrer une formation professionnelle auprès de l’Institut technique Don Bosco.
étudiants, je me suis mise sur les rangs. C’était en décembre 2007. » Au terme d’un rigoureux processus de recrutement, la bonne nouvelle tombe : Madel est embauchée. Fièrement, elle apporte à ses parents la lettre reçue de la prestigieuse entreprise allemande. « Je ne leur avais rien dit pour ne pas leur donner de faux espoirs », plaide-t-elle. Commence alors une autre période de formation intensive de dix mois, à raison de six jours par semaine.
Voitures de stars Sa timidité du début a désormais entièrement disparu devant son entrain à raconter un métier exigeant, où son goût de la précision a trouvé à s’épanouir. Les richissimes clients philippins de Porsche savent-ils que leurs bolides sont désormais entretenus par
« Je suis heureuse de pouvoir rendre à mes parents ce qu’ils m’ont donné ! »
une jeune fille ? « Ils sont un peu étonnés lorsqu’ils amènent leur voiture, mais m’acceptent vite. » Les célébrités abondent dans le petit monde des propriétaires de Porsche. Madel ne compte plus les acteurs de cinéma et les sportifs qui lui ont confié leur véhicule. La dernière en date n’est rien moins que Kris Aquino, sœur du président de la République et présentatrice télé vedette de l’archipel. Aujourd’hui mécanicienne confirmée, Madel a accompli deux rêves : réussir dans un monde réputé difficile pour une jeune femme et soutenir efficacement ses parents. « Dans quelques mois, j’aurai assez d’argent pour leur acheter une maison. Je suis heureuse de pouvoir leur rendre ce qu’ils m’ont donné. Tout le mérite leur revient. » Elle est modeste, Madel, et elle ne manque pas de style. À l’image des monstres qui passent entre ses jolis doigts. ■
Là, elle choisit d’abord une formation à l’électronique avant de se raviser et d’intégrer finalement un cours de mécanique automobile de dix mois dont elle sort brillamment. « Nous n’étions que trois filles sur 60 élèves », se souvient-elle amusée. « Ensuite, j’ai essuyé deux refus de formation en alternance parce qu’ils ne prenaient que des hommes. Mais je suis têtue ! » La troisième fois est la bonne, et par la voie royale. « Lorsque j’ai su que Porsche recrutait des MAGAZINE
© EdM
Trois filles sur soixante élèves
Agir > Nos délégations AGENDA QUIMPER (29) Dimanche 12 décembre, à partir de 13h30
BONNEVILLE (74) Dimanche 19 décembre toute la journée
FÊTE DES DROITS DE TOUTES LES COULEURS
MARCHÉ DE NOËL
Pavillon de Penvillers En ce 21e anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, les enfants et leurs parents sont invités à découvrir la solidarité depuis Quimper jusqu’aux quatre coins du monde. Stands associatifs, nombreuses animations et jeux pour les enfants, expositions, spectacles... La délégation du Finistère tiendra un stand et animera un jeu. Parlez-en autour de vous et venez nombreux avec vos enfants ! Contact : Anne-Marie Dallant Tél. : 06 21 03 85 04 amarie.dallant@wanadoo.fr
Organisé au profit de l’association les Gîtes du cœur. Nous vous y proposerons les Soieries du Mékong et autres objets originaux pour vos cadeaux de Noël. Contact : Christiane Barbero Tél. : 06 30 02 33 50 delegation73@ enfantsdumekong.com AMIENS (80) Mardi 21 décembre
MARCHÉ DE NOËL Square Saint-Denis L’équipe Enfants du Mékong de la Somme sera présente au chalet des associations. Vente de soieries. Contact : Daniel Quiévreux Tél. : 03 22 49 68 34 quievreux.daniel@wanadoo.fr
MARCQ-EN BARŒUL (59) Samedi 18 décembre de 14h à 19h
LE PRADET (83) Vendredi 7 janvier à 20h30
MARCHÉ DE NOËL
CONCERT
Hippodrome, salle des Paris Le stand Enfants du Mékong vendra des allume-feu et de l’artisanat asiatique. Venez nombreux ! Contact : Jean-Pierre et Thérèse Delobette Tél. : 03 20 79 32 93 delegation59@ enfantsdumekong.com RADON (61) Samedi 18 décembre de 10h à 19h
MARCHÉ DE NOËL Foyer rural Contact : Chantal Jousset Tél. : 02 33 31 92 12 chjousset@yahoo.fr PARIS (75006) Samedi 18 décembre
MARCHÉ DE NOËL Place Saint-Sulpice, en face de la mairie du 6e Chalet d’exposition d’Enfants du Mékong avec soieries, cartes de vœux et gobelet de thé pour le froid ! Contact : Agnès Ronzet Tél. : 06 81 34 30 67 delegation75@ enfantsdumekong.com
Espace des Arts Concert de la Doctor Jazz Society dans le cadre de la Saison Musicale d’Enfants du Mékong. Contact : Nicole et Claude Brandebourg Tél. : 04 94 36 28 46 cnbrandeb@free.fr AVIGNON (84) Samedi 15 janvier à 11h30
DÉJEUNER Restaurant asiatique « Les Etoiles », centre commercial Cap Sud Bienvenue aux parrains et amis ! Repas à 20 €. Contact : Marie-Françoise et Michel Raguis Tél. : 04 90 01 37 52 ou 06 30 32 10 29 delegation84@ enfantsdumekong.com PAU (64) Dimanche 16 janvier
DÉJEUNER Restaurant Vietnam – 168, avenue Jean Mermoz Cette rencontre traditionnelle, ouverte à tous, est plus spécialement destinée aux Béarnais et aux Hauts-Pyrénéens. Réservation obligatoire avant le 7 janvier.
18 ❚ N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010
Contact : Marie-Hélène Perret Tél. : 05 59 31 86 01 mhperret@wanadoo.fr VANNES (56) Vendredi 21 janvier à 18h
VENTE DE TABLEAUX Hôtel des ventes, rue du docteur Joseph-Audic, zone d’activités du Tenenio Vente de tableaux contemporains (marines et Bretagne) de Jean Justum, au profit du foyer des étudiants de Champassak (Laos). Contact : Hervé de Villeneuve Tél. : 06 12 90 03 68 hvilleneuv@aol.com SAINT-MAUR-DES-FOSSÉS (94) Dimanche 23 janvier de 10h à 19h
VENTE ANNUELLE DES ARTISTES Salons de l’Hôtel de ville, place Charles de Gaulle, RER A, station Le Parc Saint-Maur 150 artistes amateurs et professionnels seront présents. 20% de chaque œuvre vendue reviennent au choix à Enfants du Mékong ou à une autre œuvre humanitaire au Sénégal. La recette du buffet organisé à cette occasion est intégralement reversée à Enfants du Mékong. Contact : Bruno Marion Tél. : 01 45 11 98 88 bruno.marion@ mairie-saint-maur.com MONTAUBAN (82) Vendredi 28 janvier à 20h30
APÉRO-ROCK IRLANDAIS Le Rio – 3, rue Ferdinand Buisson Avec The Tones, dans le cadre des Rendez-vous des mélomanes de la Saison Musicale d’Enfants du Mékong. Contact : Sandrine Aymard Tél. : 06 61 19 99 79 sandrinemorlet@wanadoo.fr MARSEILLE (13) Dimanche 6 février à 16h30
CONCERT Église Notre-Dame du Mont
Chopin, avec Édouard Exerjean au piano, dans le cadre de la Saison Musicale d’Enfants du Mékong. Contact : Georges Robert Tél. : 04 91 41 48 29 robert.edm13@orange.fr PARIS (75007) Mardi 8 février à 20h
CONCERT Cathédrale Saint-Louis des Invalides Chopin et Tchaïkovski, avec Marc Laforet et l’Orchestre de chambre de la Nouvelle Europe dirigé par Nicolas Krauze, dans le cadre de la Saison Musicale d’Enfants du Mékong. Contact : Didier Rochard Tél. : 06 60 40 48 14 dirochard@orange.fr GRENOBLE (38) Jeudi 10 février à 20h précises
DÎNER Restaurant Le Phnom Penh – 18, rue Thiers, parking Venez nombreux au dîner de la délégation de l’Isère.
Au programme, dîner asiatique, projection d’un film, échanges entre parrains. Ne manquez pas l’occasion de présenter à vos amis l’action d’Enfants du Mékong et invitez-les. Menu tout compris : 18 €. Réservation. Contact : Anne-Corinne Favre Tél. : 04 76 87 39 14 favrejc@free.fr
ÉCHOS
DÉLÉGATION 59 Dans l’espace accueillant du Centre spirituel du Hautmont à Mouvaux, 140 parrains se sont retrouvés en novembre autour d’Yves Meaudre et de l’équipe nationale pour partager un « repasrencontre » très convivial. Des parents de volontaires Bambous en mission étaient aussi présents. Des Bambous de retour d’Asie et une filleule laotienne ont donné des témoignages percutants et pleins d’émotion. Déjà beaucoup de parrains souhaitent renouveler de telles retrouvailles ! Jean-Pierre et Thérèse Delobette, responsables de la zone Nord
PAMPANILLA spectacle d’opérette Venez découvrir le nouveau spectacle d’opérette des Palétuviens au profit d’Enfants du Mékong ! De Monte Carlo à l’Amérique du Sud, en passant par la Savoie et Marseille, sur des airs de tango, de valse et de polka, suivez les aventures rocambolesques de Gisèle, superbe danseuse étoile, et de Jean, jeune aventurier romantique. les jeudi 13 et samedi 15 janvier à 20h le dimanche 16 janvier à 15h les lundi 17 et mardi 18 janvier à 20h le dimanche 23 janvier à 15h le lundi 24 janvier à 20h Lieu : Théâtre Adyar – 4, square Rapp, 75007 Paris. Métro : Alma-Marceau ou École militaire. Prix : 16 € en prévente (12 € pour les étudiants ou les chômeurs), 20 € sur place, gratuit pour les moins de 7 ans. Réservations sur internet : www.paletuviens.fr Informations et autres moyens de paiement : 01 75 84 55 23 Recettes intégralement reversées au profit d’Enfants du Mékong.
MAGAZINE
> Courrier
uand elles écrivent à Cherry Ann aux Philippines, Célestine et Marine rivalisent de talent tout en révisant leur anglais et leur géographie. Réponse enthousiaste assurée ! ■
Q
Famille Vandermarlière (69)
PARRAINS EN HERBE… n lisant le courrier des lecteurs du numéro 160, nous avons été interpellés par l’initiative de Perrine et Delphine de collecter des fonds pour leur « petite sœur » Xay. À notre tour, nous voulons témoigner de l’initiative de nos enfants. À quatre, Flore, Amandine, Augustin et Côme ont décidé de parrainer un enfant. Pour gagner l’argent nécessaire, ils réalisent différentes actions. Par exemple, ils ont vendu dans le quartier de la compote fait maison pomme-kiwi du jardin. Ils ont aussi réalisé un petit journal spécial Asie qu’ils ont vendu lors des réunions de famille. Aux beaux jours, ils vendront quelques jeux en brocante. Bref, ils ont plein d’idées et sont très fiers et heureux de pouvoir aider JohnKarl, un Philippin de 13 ans. Grâce à cette jeune génération, l’action d’Enfants du Mékong a encore de longs et beaux jours devant elle ! ■ Famille Ibled - Contact pour le Nord
✂
Legs, donation, assurance vie… Et s’ils en bénéficiaient ?
Coupon à renvoyer à : Enfants du Mékong – 5, rue de la Comète – 92600 Asnières.
OUI, je souhaite recevoir sans engagement de ma part votre brochure sur les legs, donations et assurances vie. Nom : ……………………………………………………………… Prénom : ……………………………………… Adresse :…………………………………………………………………………………………………………………… Code postal :……………………………… Ville : …………………………………………………………………
©T. Alisier
Veuillez envoyer de ma part cette brochure à Maître……………………………………… Adresse :…………………………………………………………………………………………………………………… Code postal : …………………………… Ville : …………………………………………………………… Pour savoir comment faire un legs ou une donation à Enfants du Mékong ou désigner l’association comme bénéficiaire d’une assurance vie, contactez Philippine de Lacoste au 01 47 91 00 84.
© DR
E
Découvrir > Chronique d’Asie
Vat Phou, l’autre Angkor Dans le sud du Laos, le majestueux sanctuaire de Vat Phou peut s’enorgueillir d’avoir été, avant Angkor, la première capitale du royaume khmer. Texte et photos : Geoffroy Caillet
S
itôt gravies les marches disjointes du premier escalier qui mène au sanctuaire, une moiteur de jungle vous tombe sur les épaules. Dans l’air saturé du parfum des frangipaniers et des fumées d’encens, des vols de libellules stationnent en bourdonnant. Il ne manque que les cris des singes pour se croire transporté dans l’un des temples antiques du Madya Pradesh, qui inspirèrent à Rudyard Kipling certains décors de son Livre de la jungle. Mais ici le trésor, constitué de quelques statuettes khmères en bronze de Vishnou et d’effigies de Bouddha, est conservé au musée. Quant au serpent Kaa, il n’existe que sous la forme sculptée d’un naja – le serpent à sept têtes du panthéon bouddhique. 20 ❚ N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010
La plus ancienne ville de la péninsule indochinoise Pour une fois, l’impression du néophyte est la bonne. L’air de parenté que présente ce site de 390 km2 avec celui, plus fameux, d’Angkor a sa légitimité. « Mahendravarman, le premier roi de l’empire khmer, était originaire de Champassak, la province de Vat Phou, à 40 km de Paksé », précise Laurent Delfour, architecte des bâtiments de France et chef du projet de coopération entre la France et le Laos pour la mise en valeur et le développement du site. Dès le Ve siècle, une ville hindouiste dédiée à Shiva est fondée à quelques encablures du Mékong, sous l’actuel village de Wat Luang Khao, à la sortie de Champassak. Rien moins que la plus
ancienne ville de la péninsule indochinoise, dont ne restent plus aujourd’hui que quelques fondations qui affleurent, çà et là, au bord de la route. Première capitale politique du royaume khmer, elle est rapidement délaissée au profit d’Angkor, mais les liens des souverains avec leur cité d’origine demeurent : riches donations et constructions nouvelles conservent au site son importance religieuse. Dans le prolongement de la ville hindouiste et à l’emplacement d’un premier temple des Ve et VIe siècles, un sanctuaire khmer est ainsi édifié entre le XIe et le XIIIe siècle. Une route de 250 km entre Angkor et Vat Phou permettait au roi et à sa cour de s’y rendre en pèlerinage.
Shiva et Bouddha C’est ce sanctuaire que l’on visite aujourd’hui. Adossé au flanc d’une montagne (phou) et ordonné suivant un plan axé est-ouest et non centré comme à Angkor, il frappe le visiteur par sa MAGAZINE
majesté. De la plaine, on rencontre d’abord deux immenses bassins (baray) servant de réservoirs, suivis d’une allée de bornes et d’une esplanade où se font face, de part et d’autre, deux petits palais de grès et de latérite actuellement en réfection. Véritable pèlerinage, l’ascension se poursuit sur 60 mètres de dénivelé, avec trois terrasses successives et autant d’escaliers dont le dernier, formé de plusieurs séries de onze marches, ouvre sur la terrasse supérieure. C’est là que s’élève le sanctuaire principal, du milieu du XIe siècle, transformé aujourd’hui en temple bouddhiste. Derrière lui, le pied de la falaise abrite, cachée sous la roche, une source qui alimentait le sanctuaire. « On trouve à Vat Phou de nombreux éléments inconnus ailleurs, tel ce système d’adduction d’eau desservant en permanence le sanctuaire », rappelle Laurent Delfour. Comme à Angkor en revanche, la succession des cultes hindouiste puis bouddhiste s’y lit clairement. À l’entrée du site, le musée de Vat Phou présente ces deux grands ensembles religieux, dont une stèle atteste même la concomitance au VIIIe siècle.
Du culte de Shiva relève la vénération du linga, le symbole phallique de la création, identifié au sommet de la montagne à laquelle s’adosse le Vat Phou et dont on a retrouvé de nombreux exemplaires taillés, aujourd’hui visibles au musée. Au bouddhisme appartiennent les multiples effigies du maître et l’actuel sanctuaire, où a lieu encore chaque année en février un pèlerinage rassemblant des milliers de fidèles.
La France au chevet de Vat Phou C’est cette permanence du culte depuis 1 000 ans autant que l’intégration de ce vaste ensemble spirituel dans un environnement naturel qui ont motivé l’inscription du site au patrimoine mondial en 2001. Témoignage de premier ordre sur l’empire khmer, Vat Phou témoigne d’une continuité rare puisque, comme le remarque Laurent Delfour, « il y a entre le début et la fin de sa construction le même écart qu’entre Notre-Dame de Paris et l’Opéra Garnier… ».
Les besoins de Vat Phou ont motivé le projet de coopération entre la France et le Laos, qui a pour objectif la mise en place d’une structure autonome de gestion du site. « Il ne s’agit pas ici d’une intervention ponctuelle mais d’un projet de transmission de savoir-faire dans plusieurs domaines d’intervention », souligne Laurent Delfour. Au programme : entretien et conservation des monuments, gestion du paysage naturel, de l’urbanisme et des aménagements, musée et animation culturelle, administration et valorisation économique de Vat Phou. Sur le site, un chantier-école de restauration a également vu le jour. Le porche du palais sud, datant du XIe siècle, fait depuis décembre 2009 l’objet d’un patient démontage, doublé d’un rigoureux inventaire des blocs effondrés. Un travail retardé par les ravages, trois mois plus tôt, du typhon Ketsana qui, en emportant des arbres solidement enracinés dans les pierres des bâti-
« On trouve à Vat Phou de nombreux éléments inconnus ailleurs. » ments, a provoqué quelques dégâts réparés depuis. Le projet de coopération s’étend à l’ensemble de la région visée par l’inscription de l’Unesco, dans son patrimoine matériel comme immatériel. Sont ainsi concernés les maisons coloniales de Champassak et les chapelets de villages qui la prolongent, l’éclairage du site par les offrandes lumineuses des villageois les soirs de pleine lune ou les fééries du théâtre d’ombres… À Champassak justement on voit encore, le long de l’unique rue, les maisons de l’ancienne famille souveraine du royaume homonyme, tombé contre les Siamois en 1768. On y croise ses descendants, à vélo ou à moto, pareils à n’importe quel paisible habitant de cet endroit béni des dieux. Au fond, à Vat Phou comme dans Le Guépard de Lampedusa, il faut que tout change pour que tout reste comme avant. ■
MAGAZINE
N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 ❚ 21
Découvrir > Livres, expositions à lire
on a aimé
à ne pas manquer
Le Papillon de Siam Maxence Firmin
Éd. Albin Michel, 160 p., 14,50 €
Henri Mouhot, découvreur si l’on peut dire de la cité d’Angkor en 1860, est un personnage aussi fascinant que méconnu en France. Né à Montbéliard, il semble avoir voulu, dès l’âge de 15 ans, devenir un explorateur insatiable. On le suit donc à Saint-Pétersbourg où, répétiteur, il gâche une première occasion d’un mariage qui lui aurait apporté l’aisance financière que ses rêves exigeaient. On le suit encore à Jersey, où il se pique d’étudier les papillons et décide de partir au Siam, à la recherche d’un certain papillon pour le moins mythique. Sa vie valait bien un roman, mais truffé de procédés téléguidés, celui-ci est raté.
Enfants de migrants lao Marie-Hélène Rigaud
Éd. L’Harmattan, 424 p., 38 €
Condensé de la thèse d’ethnologie-anthropologie de l’auteur, cet ouvrage se propose d’étudier, à travers l’exemple des familles d’origine lao établies à Montpellier après 1975, la transmission de l’identité lao. Il souligne ainsi le maintien du lien entre les enfants de migrants lao et leur pays d’origine, et la réinterprétation personnelle qu’ils font des traditions parentales. Riche de témoignages et de nombreux éléments sur la culture (bouddhisme, danse, musique…) et l’histoire laotiennes, cette enquête met bien en évidence la situation si particulière de ces enfants entre deux cultures et avides de bâtir leur propre identité, malgré et grâce à elles.
Laos, autopsie d’une monarchie assassinée
La Route de la soie
Éd. L’Harmattan, 338 p., 31,50 €
Éd. Olizane, 576 p., 26 €
Dans une indifférence quasi générale, le petit royaume du Laos a cessé d’exister en décembre 1975. Victime collatérale d’une guerre du Vietnam envahissante qui aboutit à la prise du pouvoir du Nèo-LaoHakxat, parti procommuniste vietnamien, l’ancien royaume du million d’éléphants et du parasol blanc devient alors la République démocratique populaire du Laos. Un livre essentiel pour comprendre comment ce royaume plusieurs fois centenaire a été amené à une telle hécatombe, par l’un de ses témoins clés, fils du Premier ministre de l’ancien gouvernement.
« Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion », écrivait Hegel dans sa Raison dans l’histoire. C’est ironiquement vrai et tout ce qui raconte l’histoire de la route de la soie ne pourrait qu’appuyer ce postulat. L’un des premiers personnages liés à cette histoire à pouvoir en attester est Marcus Lucinius Crassus. Quand le consul triumvir de Rome en Syrie décida d’aller porter le fer à l’est pour s’offrir une petite conquête bien à lui, comme Pompée et comme César, il rencontra l’armée parthe, qui n’était pas constituée de rigolos et le défit. Adieu Crassus, adieu ou en enfer. Il n’empêche que cette petite épopée au-delà des rives de l’Euphrate compte parmi les premières du monde occidental vers l’est – si l’on fait abstraction de celles d’Alexandre. Mais surtout, « auro sericeisque vexillis », écrit l’historien Florus pour décrire l’armée parthe : des étendards d’or et de soie… De soie ! C’est la première apparition du terme dans un récit occidental.
Prince Mangkra Souvannaphouma
Les Carnets retrouvés (1968-1970) Dang Thuy Trâm
Éd. Philippe Picquier, 282 p., 19 €
Que n’a-t-on écrit sur la guerre d’Indochine et les souffrances endurées par de jeunes engagés français qui se battaient pour une cause qu’ils ont toujours estimée juste ? C’était oublier qu’en face aussi, malgré l’embrigadement communiste, certains idéaux pouvaient poindre. Les Carnets retrouvés de Dang Thuy Trâm, jeune médecin vietminh idéaliste, possèdent une poésie rare et une histoire qui l’est plus encore. Morte dans le bombardement de l’hôpital dont elle avait la charge en 1970, ses carnets seront récupérés par un agent des services secrets américains et restitués à sa famille quelque 35 ans plus tard.
EXPOSITION HANOI, 1000 ANS D’ÉTERNITÉ À travers une centaine de photographies de Michel Klein, l’exposition Hanoi, 1000 ans d’éternité invite à un voyage entre passé et présent, au cœur de la capitale vietnamienne. Ce périple inédit dévoile une cité millénaire où se côtoient et s’entremêlent les traditions culturelles les plus anciennes et la modernité du XXIe siècle. Musée de l'Armée - 129, rue de Grenelle Paris 7e Tél. 01 44 42 38 77 Horaires : tous les jours, de 10h à 17h. Musée et exposition fermés le 1er lundi du mois, les 25 décembre et 1er janvier. Tarifs : visite de l’exposition incluse dans le ticket d’entrée du musée : 9 €, 7 €. Gratuit pour les moins de 26 ans. Accès métro : Invalides, Varenne, La Tour-Maubourg.
22 ❚ N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010
Luce Boulnois
Et cependant cela ne prouve rien. Luce Boulnois, historienne prudente, avisée, amusée aussi des tournants que sait prendre l’histoire, nuance tout cela en un tournemain, rappelant divers éléments et soulignant le fait que Florus écrivit son Abrégé d’histoire romaine plus de 150 ans après la défaite de Carrhes, que le mot « soie » n’existait donc pas encore et qu’il mettrait encore un certain temps à apparaître. Et encore, cela n’est qu’un début. Et si la route de la soie que les Occidentaux ont toujours perçue dans un sens ouest-est n’était pas plutôt née dans l’autre sens ? Voilà que nous apprenons dans La Route de la soie – Dieux, guerriers et marchands, que le tracé de cette route aurait commencé à se dessiner à la suite d’expéditions chinoises vers le monde occidental, que cette route que l’on appelle « de la soie » fut avant tout pour les Chinois une route des chevaux, nerfs de la guerre et qu’il fallait bien aller chercher quelque part, que Marco Polo, le Vénitien qui devisait sur le monde, n’aurait probablement pas vécu tout ce qu’il prétend avoir vécu… La route de la soie fut avant tout une route des passions et son histoire, sublimée par la plume précise et infiniment riche de Luce Boulnois, est proprement fascinante. ■ J.-M. G.
MAGAZINE
Découvrir > Rencontre
« Le défi de la jeunesse passe par l’éducation »
Propos recueillis par J.-M. Gautier
P
lusieurs responsables de programme d’Enfants du Mékong en Thaïlande et au Cambodge sont prêtres des MEP. Quels sont la place et le sens de l’aide à l’éducation dans leur mission ?
La mission des MEP est variée et correspond à la vocation missionnaire. En France, on est curé de paroisse, aumônier de lycée, de fac ou d’hôpital. Des missions apostoliques magnifiques. Les prêtres missionnaires sont tout cela à la fois, mais sont aussi appelés à répondre à d’autres défis en fonction des pays où ils sont envoyés. Parmi ces défis, celui de l’éducation tient une place prépondérante en Asie du Sud-Est. C’est le cas en Thaïlande, au Cambodge et dans les autres pays où Enfants du Mékong est présent. C’est le défi de la jeunesse finalement, un défi que l’on connaît bien. Dans les villes livrées à elles-mêmes, cela donne le phénomène des enfants des rues. Dans les campagnes – je pense particulièrement à la Thaïlande – on connaît le problème des minorités ethniques qui n’ont pas toujours les mêmes chances que les autres et se retrouvent parfois défavorisés par le système de l’éducation nationale. Grâce à Enfants du Mékong, mes confrères de Thaïlande ou du Cambodge ont pu ouvrir des écoles et c’est encore grâce au parrainage qu’ils ont pu permettre à certains enfants d’être scolarisés. Tous ces efforts consentis en faveur de l’éducation sont MAGAZINE
les conditions du développement d’un pays. Or le développement fait partie intégrante de la vie missionnaire.
Quel souvenir gardez-vous de la Chine, où vous avez été enseignant pendant huit ans ? J’ai beaucoup reçu de la Chine, j’y ai tout appris et c’était les plus belles années de ma vie. J’y ai reçu des témoignages extraordinaires de fidélité à l’Église et d’espérance de la part de gens qui ont passé 25 ou 30 ans en camp de travail ou en prison.
Cette période m’a marqué profondément dans mon identité de prêtre et de missionnaire et cela me permet encore aujourd’hui, dans ma mission de supérieur général des Missions étrangères, de relativiser beaucoup de difficultés. J’ai connu des gens qui ont été confrontés à quelque chose d’inimaginable et qui ont donné une réponse d’une beauté et d’un radicalisme évangélique extraordinaires.
Pour vous, quel « secret » l’Occident a-t-il à apprendre de l’Asie ? Je ne dirais pas qu’il s’agit d’un secret, mais les pays d’Asie du Sud-Est se caractérisent par un double phénomène : une fidélité à leurs racines, religieuses plus ou moins affichées selon les pays, ou disons spirituelles, et en même temps la conviction et la capacité de s’adapter au monde moderne et de le faire rapidement. L’Asie du Sud-Est donne l’impression d’être passée du Moyen Âge à la démocratie parlementaire en à peine 50 ans ! Cette zone a connu des changements politiques, économiques et sociaux énormes en l’espace de quelques dizaines d’années seulement. Dans notre relation avec ces pays, cette capacité d’adaptation étonnante nous a aussi contraints à adopter de nouvelles règles dont il me semble que nous sortons grandis. Aujourd’hui, ces gens sont chez eux et nous allons chez eux en frères. Il n’y a plus ces rapports de force ambigus qui ont pu avoir cours par le passé. ■ © J.-M. Gautier
Nommé en juillet dernier supérieur général des Missions étrangères de Paris, le père Georges Colomb est aussi un fin connaisseur de l’Asie.
J’habitais à l’université, c’était un peu du pain bénit pour un missionnaire puisqu’il y avait des milliers d’étudiants sur ce campus. Naturellement, les rapports étaient régis par un grand nombre de formalités, on était très surveillé, le courrier était plus ou moins contrôlé… Mais une fois que l’on connaissait les règles du jeu, on pouvait s’adapter et prendre les mesures de prudence qui s’imposaient, de sorte que toutes ces années ont pour moi été marquées par quantités d’échanges d’une profonde humanité.
N°165 ❚ NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2010 ❚ 23