Document complémentaire
Restitution du travail photographique et de recherche Ce document présente un exemple d’association du travail photographique et de recherche réalisé à Abidjan, en Côte d’Ivoire, en février 2009. Il s’articule autour du portrait de Fofana Adama, représentant de la classe moyenne modeste, des extraits d’interviews et de travaux de recherche axés selon les différents thèmes liés aux classes moyennes. Lors du reportage réalisé en Côte d’Ivoire, une dizaine de personnes représentant de manière efficace et diversifiée les classes moyennes en Afrique ont été rencontrées. L’un des objectifs du projet « Les classes moyennes en Afrique » est de restituer les travaux photographiques et de recherche de manière originale et efficace pour chaque pays étudié en y associant du son, photo et texte.
Fofana ADAMA « J’ai 27 ans, je suis musulman, originaire du nord du pays, marié et père d’une fillette. Sans réel diplôme, je travaille comme mécanicien et chauffeur de taxi collectif. Je perçoit $300/mois de revenus pour faire vivre sept personnes. Mon frère a émigré aux USA il y a quelques années et fait construire une maison à Abidjan. »
Chaque dimanche, il part à la plage à quelques kilomètres d’Abidjan pour passer du temps à manger et à boire avec des amis.
Qui sont les classes moyennes ?
Extrait des travaux de recherche
Études générales Rien ne fait plus « classe moyenne » que le fait d’avoir un travail bien rémunéré et stable, d’avoir peu d’enfants, de dépenser beaucoup plus pour leur santé et l’éducation de leurs enfants. (Abhijit Banerjee et Esther Duflo - 2008) Étude spécifique à la Côte d’Ivoire Une famille fait partie de la classe moyenne lorsque le revenu du chef de famille est compris entre $14 et $80 / jour en considérant que ce revenu est le seul dont dispose la famille. Les revenus des personnes des classes moyennes sont donc compris entre $1,55 / jour / tête et $8,88 / jour / tête. La classe moyenne en Côte d’Ivoire représente sur cette base 33% de la population totale en 2008 pour 40% des revenus totaux du pays. (Toh & Kouyate - 2009)
« Je vis dans le quartier populaire de markory. Ma maison, avec deux pièces, me coûte un loyer de $40/mois auquel il faut ajouter $10/mois pour l’eau et l’électricité. Le transport pour aller au travail me coûte environ $20/jour. Je prend en charge 6 personnes : la femme de mon frère, 2 neveux, la sœur de ma femme, ma femme et sa petite fille. »
L’appartement ne compte que 2 pièces et abrite 6 personnnes par conséquent les discussions ont souvent lieu sur le pas de porte.
Habitat
Extrait des travaux de recherche
Des enquêtes menées à Abidjan, il ressort que la perception de la classe moyenne est liée à des indicateurs socio-économiques qui sont : la possibilité de subvenir aux besoins nutritionnels de sa famille : offrir les 3 repas par jour aux membres du ménage ; le lieu d’habitation : habiter un logement décent, non précaire, mais pas extravagant ; l’équipement du domicile : bénéficier d’un minimum d’équipement tel que TV, radio, télévision, ventilateur, … James Shikwati (« Rising Africa », 2007) considère que la classe moyenne est constituée de gens ordinaires, qui parfois risquent leur bétail pour acheter des actions à la Bourse de Nairobi, qui flambent et aspirent à devenir une plaque tournante régionale, pendant que s’étendent la pauvreté et les bidonvilles autour de la ville. (Decarro, 2008)
« Je considère faire partie de la classe moyenne puisque je mange 3 repas par jour et peux payer mon loyer. La petite épargne que je réalise est systématiquement rognée pour aider la famille au village. Dans 5 ans, j’aimerais avoir mon propre garage, mais je ne sais pas comment je vais faire pour acheter ce garage. Je veux vraiment que ma vie s’améliore car dans 5 ans ma fille ira à l’école et cela fera des dépenses en plus. »
Fofana Adama dans son salon avec sa femme et sa fille.
Famille
Extrait des travaux de recherche
La pression sur les revenus engendre « la précarisation des solidarités communautaires », qui prend forme à travers une individualisation ou une nucléarisation des ménages essentiellement autour de la chose alimentaire. Dans les milieux pauvres, particulièrement à Abidjan, la tendance est à la mise en commun des faibles ressources pour affronter les incertitudes alimentaires. Pour les classes moyennes en revanche, l’expression collective des difficultés à joindre les deux bouts et l’idée socialement de plus en plus partagée du « poids de plus en plus insupportable de la famille » tendent à modifier les règles de solidarité. (Alain Marie) Tout fonctionnaire limité uniquement à ses activités professionnelles officielles ne peut faire partie de la classe moyenne (le salaire d’un fonctionnaire débutant est d’environ $300, et les niveaux de salaires n’ont pas été revalorisé depuis plus de 10 ans). Les fonctionnaires de la classe moyenne sont donc ceux qui réalisent ou exercent d’autres activités. (Toh & Kouyate 2009)
« En 2003, je suis embauché comme mécanicien à Abidjan, chez un garagiste libanais pour seulement $95/ mois mais les nombreux impayés de salaire me contraignent à démissioner. Je travailles ensuite dans un autre garage mais ne suis payé ($10/jour) que lorsqu’il y a des voitures à réparer, et elles sont moins nombreuses du fait de la crise. Je passe donc mon permis de conduire pour être en parallèle chauffeur de taxi collectif et ainsi améliorer mes revenus. »
Chef mécanicien, Fofana n’est payé que lorsqu’il y a des voitures à réparer.
Travail - Salaire
Extrait des travaux de recherche
18,7% des emplois sont occupés par des salariés, près de la moitié (48,8%) sont des travailleurs indépendants (pour la plupart des micro-entreprises informelles) et enfin 31,6% de ses emplois sont tenus par des travailleurs non rémunérés. Plus de stabilité dans leur activité et leur revenu reste donc un objectif pour les classes moyennes. Cet objectif peut être atteint en obtenant un emploi de fonctionnaire qui ne constitue pas une fin en soi mais plutôt une base de revenus sure à partir de laquelle développer avec plus de sérénité des activités privées et assumer les responsabilités familiales. (Toh & Kouyate 2009)
« Je suis inscris dans une école franco-arabe en 1996 dans laquelle j’étudies le Coran. Je mets fin à mes études coranique en 1997 pour me consacrer à un métier et ma passion : la mécanique. Depuis mon arrivée à Abidjan, je suis Imam au sein de ma communauté et guide les deux premières du soir à 18h et 19h30. »
Formé dans une école coranique, Fofana est imam, Il guide la prière dans le frin, espace de rencontre et de discussion du quartier.
Religion - Politique
Extrait des travaux de recherche
Études générales Les Classes Moyennes se mobilisent dans les associations, les partis politiques et sont massivement représentées dans les institutions électives et également dans l’exécutif. (Robin Luckham, Emmanuel Gyimah-Boadi, William Ahadzie et Nana Boateng - 2005) Étude spécifique à la Côte d’Ivoire Alors que le fait politique est au cœur de l’actualité nationale depuis de nombreuses années, les classes moyennes à leur niveau paraissent peu impliquées dans la politique. Elles estiment en effet qu’elles ont plus à perdre qu’à gagner à s’impliquer au delà d’une simple adhésion de circonstance à un parti. Leur temps est monopolisé par le fonctionnement de leur activité, souvent peu rentable et donc très chronophage. L’implication politique forte paraît être plus le fait de personnes issues de milieux pauvres qui voit en l’engagement politique une façon de grimper l’échelle sociale. (Toh & Kouyate 2009)