Paysages submersibles - Rotterdam, durable et résiliente

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Paysages Submersibles Rotterdam, durable et rĂŠsiliente


Paysages Submersibles Rotterdam, durable et rĂŠsiliente


Johan PICORIT École Nationale Supérieure de Paysage de Versailles Mémoire de recherche 2017/2018 Encadrant Patrick Moquay



Remerciements

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Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et rĂŠsiliente.


Je remercie sincèrement mon directeur de mémoire, Patrick Moquay pour son aide précieuse et pour le temps qu’il a bien voulu m’accorder tout au long de ce travail. J’exprime toute ma gratitude aux personnes qui on pris le temps de communiquer avec moi sur le sujet. Mille mercis à tous mes camarades qui m’ont apporté leur vision et leurs conseils. Pour les séances Microclimats qui m’ont permis d’enrichir mes propos, je remercie Alexis Pernet, Roberta Pistoni, Auréline Doreau, Mathilde Rue et Cécile Mattoug. Un grand merci à tous les professeurs qui m’ont aidé lors des journées écritures, à Pauline Frileux, Sonia Keravel et Martin de la Soudière pour leur qualité d’écrivain. Un merci tout particulier à Ambroise Jeanvoine, pour l’intérêt qu’il a porté à mon sujet, pour m’avoir soutenu et partagé mon expérience du terrain. Merci à toute ma famille, Axel Picorit et Olivier Vrignaud, qui m’ont suivi et encouragé durant ce travail de mémoire. Bien-sûr un immense merci à ma mère, Gaëlle d’Argent, pour m’avoir élevé, mené jusque-là et aidé en m’apportant ses qualités de relectrice.

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Avant-propos

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Mon intérêt pour ce sujet provient d’une accumulation de découvertes personnelles notamment faites lors des différents ateliers de projet proposés à l’École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles. Étant d’origine vendéenne et ayant vécu le drame de la tempête Xynthia en 2010, j’ai pu constater les effets dévastateurs des changements climatiques. Une première prise de conscience d’un monde qui se dérègle. Lors de la seconde année du cursus, j’ai découvert une étude intitulée « +2° degrés » montrant des images prospectivistes de Paris avec des conditions climatiques différentes. Une étude qui a retenu toute mon attention face à une préoccupation personnelle qui somnolait en moi. De plus l’un des ateliers que j’ai le plus apprécié est celui qui portait sur le climat à Las Vegas. Déjà bien conscient des problèmes climatiques qui nous entourent c’était l’occasion de réfléchir à des solutions possibles à mettre en place pour s’adapter. Toutes ces expériences on fait émerger en moi une envie de changer les choses. De prendre part à la question climatique. Nous sommes aujourd’hui dans l’urgence et je ne vois pas comment ne pas traiter de cette question climatique et c’est pour cette raison que j’ai voulu me tourner vers ce sujet de recherche. C’est également dans ce sens que j’ai choisi d’orienter mon sujet de diplôme sur l’avenir des territoires côtiers face aux changements climatiques liés à l’eau. Le thème de ma recherche porte sur la qualité de durabilité et de résilience de la ville de Rotterdam. Je cherche à savoir s’il existe une relation entre ces deux termes, si l’un nourrit l’autre… Le métier de paysagiste concerne des questions d’avenir importantes pour nos sociétés. Dans quel monde sommes-nous destinés à vivre ? J’espère pouvoir contribuer à ma mesure à l’amélioration du cadre de vie des paysages urbains et pouvoir apporter des connaissances pour enrichir le métier. Et ainsi participer à créer un avenir meilleur. Ainsi, pour pourvoir mener à bien ma mission et développer mon sujet de recherche, j’ai suivi mes expériences personnelles, interrogé mes connaissances et complété mon sujet par des recherches bibliographiques. Enfin un arpentage du terrain m’a permis de bien comprendre le site tel qu’il est et avoir un aperçu très concret des connaissances que j’ai accumulées grâce aux lectures précédentes.

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Tout d’abord, mes premières lectures ont porté sur le thème des villes durables que j’ai pu trouver dans le domaine de l’urbanisme et de l’architecture, qui m’ont permis de bien comprendre la complexité de ce terme « passe partout ». Finalement, j’ai complété mes recherches par des publications d’organismes telles que des articles ou des études un peu plus localisées, plus concrètement appliquées aux pays nordiques. De manière générale j’ai beaucoup appris sur les aspects théoriques dans mes lectures mais j’ai bien plus appris sur les aspects concrets de la ville de Rotterdam grâce à l’arpentage de terrain. Avec un emploi du temps serré, les deux jours passés sur site ont été intenses. J’y ai parcouru la ville en marchant et rejoignant différents points stratégiques préalablement définis. Durant une phase d’analyse, j’ai recherché tous les projets pour la résilience de la ville et les projets de l’agence de paysagistes-urbanistes De Urbansiten qui se trouvaient à Rotterdam. Après cartographie de ces derniers je m’y suis rendu pour les étudier, les photographier, les dessiner et les comprendre. Après la découverte du terrain, je suis revenu sur les différents aménagements, les ai analysé tout en continuant mes lectures sur ces derniers afin de trouver des relations possibles entre durabilité et résilience. Grâce à ce sujet de mémoire qu'il me tenait à cœur d’étudier, j’ai pu approfondir mes connaissances personnelles sur le sujet qui me seront nécessaires pour le diplôme et qui peut-être donneront aux autres lecteurs l’envie de continuer dans la quête éternelle de l’amélioration du cadre de vie et de l’adaptation aux changements climatiques pour un avenir meilleur.

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Sommaire

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Remerciements

Avant-propos

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Introduction

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o1. Des modèles Nord-Européens face au risque.

Des modèles de villes durables. De l’eau et des villes. Les Pays-Bas au cœur de la résilience.

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o2. De la rivière à la ville il n’y a (avait) qu’une digue. Rotte-Erdam. Ville Delta, ville vulnérable. De la lutte à l’adaptation.

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o3. Le projet de paysage, trait d’union entre durabilité et résilience.

De Urbanisten. Dessin d’un paysage urbain. Quels enseignements en tirer ?

Conclusion. Bibliographie.

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Introduction

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De tout temps la planète est soumise aux aléas naturels et voit son climat fluctuer. Provoquant ainsi des changements de températures, des baisses et des montées d’eau… Mais aujourd’hui, le réchauffement climatique fait l’objet d’intérêts particuliers. On voit les professionnels s’inquiéter quant à la pérennité de notre planète, on entend les médias faire état des nouvelles catastrophes climatiques dévastatrices : Du nombre de personnes disparues ou des surfaces incendiées, ensevelies et dévastées. Du nomadisme à la sédentarité, l’homme s’est progressivement regroupé en société afin de mettre en commun ses forces et partager les ressources. Implantés sur des endroits stratégiques, ces groupements ont donné des villages, des bourgs puis des villes. Aujourd’hui plus de la moitié de la population mondiale vit dans les villes. Et on estime que d’ici 2050 nous serons 70 %. Une population urbaine qui ne cesse de croître et de transformer son territoire. Cet essor démographique a conduit à un développement économique favorisant l’utilisation des ressources fossiles, encourageant la déforestation et l’agriculture intensive. Toutes ces actions de l’homme sur le paysage ont mené à la libération excessive des gaz a effet de serre ayant des répercutions fortes sur les aléas climatiques tels que la hausse des températures et des épisodes de chaleurs intenses plus nombreux, l’élévation des océans, leur acidification, la baisse de la ressource en eau douce et parallèlement, l’augmentation des précipitations. Héritage d’un mode de consommation quelque peu trop poussé. Le développement des villes conduit à artificialiser le paysage, à créer des territoires urbains denses, aux sols non perméables, aux surfaces de toitures importantes… Ce sont ces territoires qui sont les plus mis en danger notamment du fait du nombre important d’habitants car la qualité imperméable de ces villes combinée au risque les rendent vulnérables. Et la bétonnisation par l’homme du paysage amoindrit sa résilience naturelle. Car un paysage de caractère « naturel » est bien souvent façonné par le temps et les événements climatiques de façon à être de lui même résilient.

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Un problème se pose entre le nombre d’habitants demandant une importante quantité d’eau potable et la baisse de la ressource en eau douce, de même que le nombre d’habitats mis en danger par le risque de submersion et des fortes précipitations. C’est pourquoi ces territoires urbains sont des plus vulnérables. Après l’urbanisation intensive, le boom immobilier et le tout pavillonnaire, une prise de conscience s’est opérée depuis quelques décennies. On voit des villes se renouveler, changer de peau. Des villes au caractère plus « naturel », où l’on cherche à penser un urbanisme différemment pour limiter l’aggravation des phénomènes climatiques. Ou l’on cherche à améliorer la qualité de vie tout en favorisant le développement économique. Ces villes sont donc l’une des premières réactions aux changements climatiques, et une prise de conscience que l’homme a eu sur son habitat et sur sa consommation. C’est le cas notamment des villes durables. Les réflexions combinées sur les villes durables et sur les territoires submersibles m’ont mené à étudier une zone géographique particulière. Les villes nord-européennes, et plus particulièrement Rotterdam, sont qualifiées comme des villes durables. D'après le classement effectué par Arcadis (Sustainable cities index 2016) qui s'appuie sur trois critères, économiques, sociaux et environnementaux, elles font partie des villes les plus durables du monde. Pourtant, ces villes sont, pour la plupart d’entre-elles, des villes vulnérables notamment parce qu’elles ont des situations géomorphologiques particulières. Toutefois, elles cherchent à s’adapter continuellement pour continuer à exister. C’est pourquoi je me suis intéressé à la relation de ses villes vulnérables au risques liés à l’eau tels que la submersion et à leur qualité de durabilité. Ces villes qui sont de véritables « modèles durables » ont elles une relation avec le phénomène de résilience ? Comment la résilience de ces villes participe-t-elle à créer des territoires durables ?

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o1. Des modèles NordEuropéens face au risque

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Des modèles de villes durables Les villes nord-européennes sont largement perçues par les populations comme des modèles en terme de ville durable. En effet, comme on l’a vu précédemment, l’accroissement de la population en ville est de plus en plus important. Toutefois, on constate que ce sont essentiellement les pays émergents qui sont touchés. L’attractivité des villes du sud et leur dynamisation économique ont des répercussions fortes. Le coût au niveau de la santé sociale est particulièrement élevé car les richesses de ces pays émergents proviennent essentiellement des énergies fossiles. Ce sont donc ces villes qui sont visées en priorité par la transition énergétique. Pourtant les villes nord-européennes restent des modèles car à la différence des villes au sud du globe, elles prennent en compte la vivabilité. Leur taux de pollution est inférieur ou égal aux normes de l’Organisme Mondial de la Santé (OMS). Les villes d’Europe du nord, d'après le classement effectué par Arcadis (Sustainable cities index 2016), apparaissent dans les vingt premières villes les plus durables. Aujourd’hui, la question qui se pose c’est de savoir si le bien-être des générations futures n’est pas compromis par nos modes de vies. A l’heure actuelle, les économies des pays développés mettent en péril le niveau de vie futur en raison des émissions de gaz à effet de serre trop élevées. Nous ne recyclons pas assez et épuisons les ressources non renouvelables qui nous sont, par conséquent, limitées. Pour bien comprendre comment ces villes nord-européennes ont gagné leur titre de « modèle », il faut revenir sur les bases du développement durable. D’après Sustainable cities index 2016 publié par Arcadis, une ville durable n’est durable que s’il existe une corrélation entre trois domaines. Il existe alors un réel équilibre que si la ville prend en compte le domaine social (Qualité de vie, la santé, l’éducation, le logement, les crimes, les coûts quotidiens) ainsi que le domaine environnemental (consommation d’énergies, pollutions et émissions de gaz à effets de serre, partage des énergies renouvelables, espaces verts, recyclage et o1. Des modèles Nord-Européens face au risque.

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compostage, risques naturels, eau potable, pollution de l’air) et enfin, le domaine économique (performance d’entreprises, infrastructures de transports, tourisme, PIB par habitant, l’importance de la ville dans le réseau économique mondial, connexions internet, taux d’embauche). De nombreux paramètres sont donc pris en compte pour le classement des villes durables. Mais on voit très clairement qu’il existe un lien fort entre développement économique et durabilité. En effet, de manière générale, les pays développés sont en haut du classement, tandis que les pays en voie de développement auront tendance à apparaître en fin de classement. Sur les cent villes étudiées, de nombreuses villes européennes sont classées en bonne position, en Allemagne, au Royaume- uni, en Suède, au Danemark et aux Pays-Bas. Les villes durables sont de nouveaux modes d’urbanisme, des villes qui sont différentes des grands ensembles ou du tout pavillonnaire considérés comme des expériences non satisfaisantes dans le domaine. Les auteurs nous l’apprennent dans leur ouvrage : Pour un nouvel urbanisme, la ville au cœur du développementdurable. Conférer le titre de ville durable c’est penser un urbanisme plus cohérent et plus en harmonie avec l’environnement. L’étalement urbain infini ne peut continuer. Tendre vers une ville durable c’est parler de densification. C’est créer une société moins individualiste au profit du collectif. D’après les deux livres : Pour un nouvel urbanisme, la ville au cœur du développement durable et La ville durable, Perspectives françaises et européennes, pour obtenir une ville durable, il faut réduire les facteurs provoquant la mobilité et/ou changer les modes de déplacement. Les ouvrages parlent de mixité sociale, de rapport de proximité entre l’habitat, les commerces et services. Même si les deux ouvrages sont quelques peu similaires et tiennent les même propos, ils ont des différences. Dans l’ouvrage de Chalon, Clerc, Magnin et Vouillot, le caractère environnemental et énergétique est plus abordé. Tandis que l’ouvrage de Offner et Pourchez est plutôt centré sur le caractère de structure urbaine. Sources pages suivantes : 1. J.Picorit 2. Ibid.

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Une grande part de politique intervient dans la structuration d’un modèle

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urbain. De nombreux acteurs entrent en jeu, et il n’y a finalement pas de projet sans préoccupations politiques. On le voit par exemple dans les quartiers tels que Vesterbro et Orestäd, à Copenhague, BO01 à Malmö et Ijburg à Amsterdam. Vesterbro est un quartier réhabilité de Copenhague qui touche København Havn (le port de Copenhague). La ville appartient à une région nommée Öresund englobant la Suède et le Danemark. Un pont a d’ailleurs été construit en 2000 entre les deux pays joignant alors Copenhague à Malmö et potant le nom de : Pont Öresund. Le quartier s’est construit entre 1850 et 1920, de grands immeubles insalubres logent les personnes à faibles revenus. D’après l’article : Quartiers durables : Guide d’expériences européennes publié par ARENE Île-de-France, la ville a mis en place des événements clés comme l’« Acte de renouvellement urbain et d’amélioration des logements ». Le quartier devient attractif pour les personnes à niveau social plus élevé et une mixité sociale apparaît dès lors. En 1993, l’Etat élabore un agenda 21 et en 1999 les lignes directrices pour le renouvellement urbain et la politique des logements subventionnés durables apparaît. En 2001, ces lignes directrices sont réactualisées. Cette énumération de dates montre que la mise en place d’un quartier durable se fait aussi par de nombreuses politiques, ce qui rejoint les ouvrages précédents. Encore une fois, apparaît la dimension participative. L’article nous parle des habitants comme acteurs de leur projet grâce aux concertations. L’amélioration du quartier n’a pas été simple à mettre en place. Afin de satisfaire les citoyens, une prise en charge financière a été effectuée. Par exemple, le relogement temporaire des résidents. La rénovation du quartier a été un coût important pour la ville et l’État. La question qui se pose alors c’est de savoir quelle est la limite financière à une projet de territoire durable ?

Sources pages suivantes : 3. J.Picorit 4. Ibid. 5. Ibid.

o1. Des modèles Nord-Européens face au risque.

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pollution en μg/m3

<20 >150

1. Répartition des villes et taux de pollution.

Copenhague Malmö

Amsterdam Rotterdam

2. Répartition des villes nord-européennes les plus durables et menacées par la submersion.

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expériences

Vacance

expériences

Vacance

Vacance

expériences

3. Les piliers d’une ville durable.

4. Investir la vacance par l’éxpérimentation

5. Passer à une économie plus locale

6. Densifier les centres pour remplacer l’étalement urbain o1. Des modèles Nord-Européens face au risque.

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Le coût important de ces renouvellements urbains rend les opérations difficilement reproductibles. C’est le cas pour le quartier de Vesterbo mais également pour le quartier Bo01. Ce quartier est quant à lui situé au sud-ouest de la Suède. C’est un nouveau quartier crée pour servir de modèle en terme d’écologie et de qualité de vie. Cet ancien site portuaire et commerçant, le polder Västra Hamnen, a subi la crise des chantiers navals et de l’industrie du textile. Il a été réquisitionné en 2001 pour l’Exposition européenne de l’habitat. Un site stratégique, faisant face à la mer et à Copenhague. Ce nouveau quartier est un projet durable très centré sur la qualité environnementale. La ville et les promoteurs signent d’ailleurs une charte de Qualité Bo01 en 1999. Le quartier est approvisionné à 100 % par des énergies renouvelables. Il doit dégager une qualité de vie soignée. C’est pourquoi on y trouve de nombreux espaces verts, une réelle gestion de l’eau et un front de mer valorisé. Un quartier donc « modèle » de qualité mais pas réellement exemplaire en terme d’échéance et de financement. Les deux articles apportent des informations en terme de planification urbaine, des règles et dates clés, et parlent beaucoup d’énergie et de rapport à l’habitat mais peu de paysage en terme de projet et d’aménagements. A aucun moment les articles ne parlent d’Écoquartiers. Seulement de rénovation urbaine. Peut-on se demander si les villes durables sont composées d’Écoquartiers ? L’ouvrage : Écoquartiers, secrets de fabrication, analyse critique d’exemples européens s’attarde, comme son nom l’indique, sur des modèles européens et nous présente de fait ce qu’est un écoquartier. Quelle relation ce dernier entretient-il avec la ville durable, comment est il construit et qui intéresse-t-il? Tout d’abord, Taoufik Souami distingue « Écoquartier » et « quartier durable » en deux termes distincts. Même si dans son livre il utilise les deux de façon comparable, il insiste sur le fait que l’écoquartier soit un projet du domaine environnemental seulement et que le quartier durable, lui, intègre la dimension environnementale mais touche également au domaine social et économique. Les écoquartiers sont connus pour leurs performances en matière d’énergie, d’économie d’eau, ou de

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recyclage. Les performances environnementales sont clairement ce qui fonde ses modèles de développement urbain durable. C’est un outil de communication et de valorisation du territoire. Les villes durables sont envisageables soit par situation de prospérité, soit par temps de crise. En effets de nombreux quartiers durables ont vu le jour au début des années 1990, lorsque l’immobilier est en crise économique. A Amsterdam ou à Malmö, les quartiers durables sont apparus pour répondre au risque de désaffection et dépérissement. Ils ont cherché respectivement à améliorer leur image et à créer de la concurrence afin d’attirer les gens. L’auteur nous dit : « Dans tous les cas, les quartiers durables sont initiés au sein de problématiques socioéconomiques locales comme l’occasion de travailler l’image et l’identité locales » (Souami, p.39). Contrairement à ce que l’on peut croire, les quartiers durables ne sont pas l’application des politiques locales mais sont menés en parallèles de ces dernières et servent à se construire mutuellement. Et dans les années 1970-1980 la tendance était d’opposer les termes « nature » et « ville ». L’écoquartier est justement là pour dépasser cette vision et créer un urbanisme plus respectueux de l’environnement.

L’une des fortes dimensions apparaissant dans les écoquartiers est l’implication des citadins, qu’ils soient impliqués dans les choix de conceptions, pour donner leur avis ou encore dans l’entretien de leur quartier. Mais ce que l’on peut dire, c’est que l’image des modèles nord européens qui attirent les habitants est avant tout basée sur la dimension environnementale contrairement à la France qui privilégie une image sociale et économique. Les écoquartiers sont mis en place par certains choix, pas toujours aussi positifs qu’espérés. Par exemple la réduction des gaz a effet de serre (GES) à Amsterdam. Dans le quartier GWL Terrein sans voiture, les habitants n’ont pas réduit leurs trajets à l’extérieur. Le bilan n’est donc pas à la hauteur des espérances. A Malmö, l’autosuffisance énergétique a été atteinte. Cependant, elle a été difficile à mettre en place, avec des moyens humains, financiers et techniques importants. Ce qu’on constate alors, c’est que la seule échelle prise en compte est celle du quartier. Or, nous avons vu qu’il o1. Des modèles Nord-Européens face au risque.

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est bien plus efficace de réaliser de nombreuses réhabilitations moyennement performantes que d’en réaliser peu très performantes comme c’est le cas aujourd’hui à Malmö. Ce que nous dit l’auteur c’est de sortir ces villes nord-européennes de la catégorie « modèle exemplaire » pour les voir davantage comme des lieux d’expérimentations. Ce qui permet d’accepter une plus grande marge d’erreur. Notamment parce que ces projets d’écoquartiers ont des phases de maturation du projet plus longues que la normale, pour une qualité environnementale optimale. En revanche les délais de réceptions ne changent pas. C’est pourquoi la réalisation de ces projets est plus rapide, parfois précipitée (3 ans) provoquant le non respect partiel des engagements en terme de qualité environnementale. Il n’y a donc pas de contexte économique particulier pour amorcer un quartier durable, en revanche une forte anticipation pour intégrer le quartier à son contexte et ne pas se baser sur l’échelle du quartier uniquement est nécessaire. De manière générale, il faut être vigilant à la relation entre performances environnementales et techniques utilisables, Le choix des acteurs qui entre en jeu doit être pluridisciplinaire et polyvalent, en ayant un mélange de compétences. Les questions qui se posent sont celles du stock dans la ville. Le problème est la perte d’énergie entre la production et la consommation. Y a t il une réelle viabilité de ces quartiers durables qui certes créent une qualité environnementale mais qui coûtent cher ? Comment le quartier durable participe au développement durable d’un territoire plus large ? On ne parle pas seulement du produit fini mais de sa fabrication, des effets et de la contribution pour la collectivité.

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De l’eau et des villes Le monde entier est composé de villes submersibles et de tout temps ces villes ont cherché à lutter contre les inondations. Un risque qui fait de plus en plus parler de lui et dont certaines tempêtes dévastatrices ont été le révélateur. Sophie Dulau, architecte diplômée du Master Théorie et Démarche du Projet de paysage à l’ENSP Versailles aborde le sujet dans son mémoire de recherche. L’ouvrage est intitulé : Les projets d’interface entre terre et mer, une solution vers la résilience des territoires côtiers face au risque. Comme on peut le constater dans le titre même, apparaît le terme de résilience, une notion clé dans le sujet.

Sources pages suivantes : 7. https://www.meretmarine.com/fr/content/ tempete-xynthia-la-mission-parlementaire-senprend-au-zonage 8. https://www.herodote. net/31_janvier_1953-evenement-19530131.php

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L’auteur compare deux catastrophes naturelles et étudie les enjeux du changement climatique, les acteurs et les politiques de projets, le rôle des paysagistes. Ce sont les cas de la tempête Xynthia en France qui a beaucoup touchée la Charente-Maritime en 2010 et l’ouragan Sandy aux États-Unis en 2012. Depuis très longtemps les hommes s’installent sur le littoral souvent pour des raisons commerçantes, mais aussi afin d’étendre les terres agricoles. L’homme à donc conquis de plus en plus d’espace sur la mer en y artificialisant le trait de côte, usant du béton. Toutes ces infrastructures lourdes ont eu pour conséquence une amplification du phénomène d’inondation et de l’érosion côtière. De plus, le littoral est devenu vulnérable, car l’homme a affaibli sa résilience naturelle. Le réchauffement climatique apportera - ou apporte déjà - de sérieuses modifications. La baisse de la ressource en eau douce, l’acidification des océans, l’accélération de l’érosion côtière, l’augmentation du risque de submersion ne sont que quelques exemples. On a souvent pensé que les lourdes infrastructures permettraient de contrer les risques naturels. Malheureusement, et les tempêtes étudiées le montrent, ce n’est pas le cas. Le béton a parfois l’effet inverse. C’est pourquoi des changements sont en train de voir le jour dans les sociétés. Ce sont de nouveaux modèles pour la gestion des littoraux, souvent en réponse aux catastrophes d’ailleurs. Sophie Dulau apporte des exemples de projets pour justifier ses propos. Par exemple, en France, Landescape propose d’accepter la submersion Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


marine temporaire dans l’espace public en y dessinant des ouvrages de dessins multifonctionnels. Aux États-Unis, l’approche est différente. Pour le concours Rebuild by design, des équipes ont proposé de restaurer des wetlands, servant à la fois de parc et comme dispositif pour restaurer une résilience naturelle. Ces projets montrent que pour se protéger on passe d’une démarche de défense à une démarche d’adaptation. Malgré tout, l’approche de la défense contre la mer reste majoritaire en France car nous manquons de données pour faire valoir ces nouvelles méthodes et prouver leur efficacité. Ce n’est pas le cas partout. Les pays nordiques ont amorcé un programme de partage des connaissances dans le domaine. L’auteur dans la dernière partie nous fait part de quelques réflexions sur des actions paysagères à mener pour s’adapter. D’abord, une réorganisation spatiale est à envisager. Ne plus construire en zone à risque semblerait judicieux et désurbaniser progressivement permettrait l’élargissement, à terme, du trait de côte. Cela pourrait même faire l’objet de nouvelles zones dans les documents de planification. Ensuite, ces changements pourront voir le jour uniquement si le regard de l’homme change également. C’est pourquoi de nouveaux outils de médiation paysagère et culturelle doivent être mis en place. Cet ouvrage qui ne parle pas spécifiquement des villes nord-européennes, apporte tout de même un contexte sur les risques de submersion, des idées et des questionnements sur les adaptations possibles à la gestion de l’eau et des risques liés à l’eau. Les villes nord-européennes du fait de leur conditions géomorphologiques sont particulièrement vulnérables face au risque de submersion. L’un des articles intitulé Sustainable cities water index est un rapport qui parle des villes durables ayant une forte relation à l’eau. Mais l’eau est un terme très large et les villes doivent savoir la gérer. Une ville doit être capable de gérer les eaux polluées et donc avoir des systèmes d’assainissement corrects. Elle doit être capable de gérer l’eau potable, le stockage, la ressource parfois insuffisante. Mais une ville doit également o1. Des modèles Nord-Européens face au risque.

Sources pages suivantes : 9. Dulau, les projets d'interface entre terre et mer, une solution vers la résilience des territoires côtiers face au risque. 10. J.Picorit .

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7. Inondation de la tempête Xynthia à la Faute-sur-mer.

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8. Rupture de digue aux Pays-Bas. Faiblesse d'un ouvrage bétonné

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9. Une résilience naturelle restaurée grace au projet "Meadowland" de Rebuild by Design.

10. Zone de la Randstad vulnérable aux inondations

o1. Des modèles Nord-Européens face au risque.

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savoir se protéger contre les risques d’inondation et de submersion. C’est pourquoi l’eau est un terme si compliqué car c’est à la fois une menace et une ressource. C’est également un thème passionnant à travailler car elle est aussi à la source de toute vie. Un terme qui revient souvent dans les recherches et particulièrement bien adapté pour traiter la dualité du caractère de l’eau est celui de résilience. D’après le Centre Nationale des Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) la définition mécanique et physique de la résilience est la « Résistance d’un matériau au choc » à laquelle vient s’ajouter une définition figurative : la « Force morale, qualité de quelqu’un qui ne se décourage pas, ne se laisse pas abattre ». La résilience comme le dit Olivia Torelli dans son mémento (2017, p.22), est une notion qui apparaît aujourd’hui en réponse « face à l’échec de nombreuses infrastructures de protection lors d’événements catastrophiques récents. » elle ajoute, « La résilience fait aujourd’hui figure d’alternative à ces méthodes trfaditionnelles dans la gestion des risques ». Concrètement, la résilience appliquée à une ville est sa capacité à rebondir face a un traumatisme, c'est accepter le risque afin de vivre avec. Après une pertrbation, il ne s'agit pas de retourner à un état d'équilibre antérieur (immuable) mais bien d'intégrer les transformations dans l'évolution de la ville. La résilience est tout de même un terme difficile à cerner qui porte en elle une pluralité de domaines. Cependant on peut dire que dans la gestion du risque, elle s’appuie fortement sur la dimension écologique. En effet, deux logiques d’adaptation se sont développées. La première « centralisée et verticale » fait référence aux infrastructures « grises » lourdes et coûteuses. La seconde « distribuée et horizontale » s’appuie sur les infrastructures vertes suite à l’échec du système vertical. Dans tous les cas les villes durables cherchent à atteindre un état d’équilibre tandis que la résilience cherche à s’adapter et à subsister à un état de déséquilibre. Le but étant par cette dernière d’intégrer l’incertitude afin d’aboutir à un état plus ou moins stable. D’après le rapport d’Arcadis, une ville résiliente à l’eau permet de protéger ses habitants des inondations ou de la sécheresse en conservant un approvisionnement

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en eau. Et c’est bien là le but premier de la résilience, de protéger les citoyens de la ville. On en revient aux changements climatiques : des phénomènes météorologiques extrêmes apparaissent de plus en plus, la hausse des températures et du niveau des océans, l’érosion des littoraux sont des préoccupations actuelles et croissantes. Ce concept est pour moi l’une des réponses à ces changements climatiques et qui plus est intègre entièrement la notion de durabilité des villes.

o1. Des modèles Nord-Européens face au risque.

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Les Pays-Bas au cœur de la résilience D’après Sustainable cities water Index, plus particulièrement le directeur général de l’eau et des villes, John Batten, les villes ont toujours été et sont encore aujourd’hui liées à l’eau, c’est ce qui leur donne leur « magnétisme ». Les villes sont des lieux stratégiques qui se sont développés grâce aux transports, à l’activité de commerce et surtout à l’accès à l’eau. Aujourd’hui, la demande en eau est de plus en plus forte tandis que les nappes phréatiques se vident. Les phénomènes météorologiques sont changeants et les villes se voient devoir gérer une trop grande ou trop faible quantité d’eau. L’urbanisation entraîne une demande en eau potable, des réseaux d’assainissement et parallèlement imperméabilise les sols conduisant aux inondations. Ce qu’il faut retenir avant tout, c’est que les « Les villes qui utilisent leurs ressources hydrauliques de manière raisonnée et créative pour obtenir un avantage stratégique sur le plan urbain seront finalement plus vivables, plus sûres et plus compétitives » (Batten p.2). D’après le rapport, il y a une forte relation entre l’eau et l’économie. Nous sommes actuellement au cœur d’enjeux environnementaux. L’eau ou plutôt la crise hydrique est l’un des plus grands risques mondiaux et ce sont les villes qui agiront les premières face aux changements climatiques liés à l’eau, qui seront les plus adaptées et donc concurrentielles économiquement. C’est pourquoi l’eau est un facteur des plus importants à prendre en compte dans l’urbanisme des villes durables. Le rapport, pour effectuer son classement est basé sur trois piliers. Le premier est la résilience (Ressource en eau, dégâts et risques liés à l’eau et vulnérabilité). Le deuxième est l’efficacité (les pertes d’eau, la réutilisation de l’eau, les frais). Enfin, le troisième pilier est celui de la qualité (la santé, la pollution, l’assainissement et les effets environnementaux). Grâce à ces trois domaines, le rapport a pu classer les villes les plus durables en terme de gestion de l’eau. Le podium non pas par simple coïncidence est remporté par trois villes d’Europe du Nord : Rotterdam, Amsterdam et Copenhague.

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L’Europe du Nord est donc particulièrement bien classée. En effet, la plupart des villes ont des systèmes d’eau bien établis qui ont été construit sur de longues périodes pour répondre aux problèmes rencontrés, comme à Rotterdam et Amsterdam qui ont subi de grandes inondations au XXe siècle. D’ailleurs, dans le sous classement dédié à la résilience, se sont les deux premières villes.Cette notion prend en compte : le risque d’inondation, la quantité d’espaces verts, les risques de catastrophes liés à l’eau, la réserve en eau, le stress hydrique, l’écoulement de l’eau. Les Pays Bas, et notamment Rotterdam sont donc considérés comme résilients. Rotterdam est l’une des villes en bonne voie, qui cherche à assurer un avenir vivable pour les générations futures. Elle possède un plan de développement qui s’étale sur trois ans entre 2015 et 2018. Depuis l'élaboration du rapport en 2016, la situation à probablement du évoluer. Rotterdam cherche grandement à développer les énergies renouvelables, sur des économies innovantes. L’un des objectifs des villes durables est l’attractivité. La ville mène des initiatives en partenariat avec les habitants ce qui la rend plus attrayante. Un bon point donc pour l’économie et le tourisme. Par exemple, l’une des initiatives développées est le « 7 Square Endeavour ». C’est une mission internationale destinée à préparer les villes pour l’avenir. Ce programme va permettre de réaménager la place du théâtre de Rotterdam en servant de zone expérimentale pour des technologies innovantes et des modèles économiques. On peut d’ailleurs dire que les Pays-Bas sont relativement bien préparés pour l’avenir et continuent d’innover car Amsterdam a toujours été une ville commerçante et innovante. D’ailleurs, en 2016, elle a été élue Capitale Européenne de l’innovation. L’institut Advanced Metropolitan Solutions (AMS) qui pense des solutions pour développer la ville a été moteur de ce prix. Aujourd’hui la ville investit dans des mesures de durabilité pour améliorer la qualité de vie. Par exemple la participation au programme Zero Emissions Cities (ZEC), au World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), un organisme qui pense le développement durable dans les entreprises dans quatre domaines (l’énergie, l’alimentaire et l’utilisation des terres, les villes et les mobilités et enfin la redéfinition de la valeur). o1. Des modèles Nord-Européens face au risque.

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Aux pays bas, les villes sont donc des « modèles » d’innovation et d’expérimentation, deux termes qui leur permettent d’évoluer vers un avenir plus durable. Un article intitulé : Experimental city : How Rotterdam became a wold leader in sustainable urban design, apporte quelques informations sur le développement de ces villes durables. Rotterdam est une ville qui a subi la destruction d’un centre urbain et un déclin de population. De nombreux espaces vacants ont donc été disponibles et sont utilisés comme terrains de jeux. Des expérimentations en terme de développement durable, d’architecture et de trame urbaine. Des questions concernant la gestion des eaux de pluie sont abordées, notamment car la ville est plus basse que le niveau de l’océan. Rotterdam est une ville de test grandeur nature et n’hésite pas à se lancer dans des projets même si la viabilité de ces derniers est incertaine. Certains projets ont été testés et ne fonctionnent pas merveilleusement bien, mais les habitants s’en contentent et c’est un premier pas dans l’avancement des recherches pour les villes durables. En revanche, l’un des aspects majeurs de la ville est son réseau cyclable très performant. Les réseaux individuels et séparés entre les voitures, les vélos et les piétons, invitent largement le citadin à emprunter un mode de transport plus respectueux de l’environnement car facile d’accès. La ville de Rotterdam c’est finalement beaucoup d’expérimentations sans peur de l’engagement.

Sources pages suivantes: 11. J.Picorit 12. Ibid.

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Les pays-bas maintiennent un programme d’investissement pour les digues, les dunes, et les barrières anti-inondation (Maeslantkering). Rotterdam est la ville la mieux classée du rapport. En effet, parmi les trois domaines pris en compte pour le classement, c’est la ville qui obtient le meilleur équilibre. Là encore on parle de résilience, car c’est l’une des villes les plus innovatrice en terme de gestion de l’eau et protection contres les risques d’inondation. La ville possède d’ailleurs une personne en charge spécialement de la résilience et donc de la recherche des stratégies d’adaptation. Ce qui permet d’obtenir les meilleures résultats. C’est pourquoi Rotterdam est l’une des villes les plus sûres au monde dans ce domaine.

Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


Une série de vidéos sur la ville de Rotterdam ont semblé intéressantes. La première : Rotterdam and extreme rainfall de Daniel Goedbloed, qui concerne les phénomènes pluvieux intenses montre que les réseaux enterrés ne sont soit pas assez nombreux, soit mal dimensionnés mais que dans tous les cas ils ne suffisent à drainer la trop grande quantité d’eau. De plus la ville, du fait de ses revêtements, est fortement imperméable et accentue ce phénomène d’inondation. C’est pourquoi la ville a conçu le premier water square Benthemplein qui permet de se remplir d’eau et de se vider progressivement dans des réservoirs et surtout de décharger les réseaux. Mais ce n’est pas tout. Les deux autres vidéos: Rotterdam and flood managment inner-dikes areas de Nick van Barneveld et Rotterdam and flood managment unembanked areas de Peter van veelen sont très semblables. Rotterdam est une ville Delta, autrement dit, est-elle située au croisement de deux rivières et d’une mer c’est pourquoi elle est si vulnérable contre les inondations. Les premières protections sont du coté du littoral des dunes naturelles et du coté des rivières des digues. L’un des ouvrages important est l’immense barrière «Maeslantkering» qui s’ouvre et se ferme selon les fortes marées. La ville a également décidé de surélever certaines routes servant de digue. Aujourd’hui, la ville a des systèmes de protections très sûrs mais la difficulté est plutôt de les intégrer dans la planification urbaine. Comme vu précédemment, la ville de Rotterdam est particulièrement bien adaptée dans la gestion des risques d’inondations. Un film court qui s’intitule : De l’espace pour le fleuve - Innover contre les inondations parcourt le Rhin, des Alpes jusqu’à l’embouchure à Rotterdam, apporte des informations complémentaires et étudie différents cas. Le Rhin est un fleuve qui a été canalisé pour des raisons de navigation, autrefois il était constitué de nombreux méandres qui se faufilaient à travers les plaines. Malheureusement, cette contrainte de gabarits a amplifié les crues et inondations. C’est le cas aux Pays-Bas en 1993 et 1995. D’après la vidéo la moitié du pays se situe sous le niveau de la mer. Pourtant ses moyens de défense très performants l’ont bien protégé de la submersion marine mais les plus grandes o1. Des modèles Nord-Européens face au risque.

Sources pages suivantes: 13. J.Picorit 14. Ibid.

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Désaffection

Investissement

Attractivité et compétitivité

11. De la vacance à l'attractivité.

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Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


Le marc de café sert à faire pousser des champignons qui sont revendus par la suite au même restaurant qui produit les déchets.

12. Exemple d'économie circulaire à Rotterdam.

13. Une provenance de l'eau multiple.

14. Plus d'espace donné au fleuve pour moins d'inondations.

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inondations viennent du Rhin. Le pays lutte contre ces montées des eaux depuis les années 1980 en créant des digues toujours plus hautes mais depuis quelques années un changement s’opère. Il faut redonner de l’espace au fleuve. L’étalement du Rhin lui permet d’abaisser son niveau d’eau et d’appréhender les crues. D’ailleurs un grand projet est en cours à l’entrée de Rotterdam. La création d’un bras secondaire pour le Rhin nécessitant encore une fois des coûts humains, techniques et financiers importants. C’est une situation assez ironique de voir que l’on a consacré soixante ans de travaux pour canaliser le Rhin et qu’aujourd’hui on fait de même pour lui redonner de l’étalement. Il est clair qu’à l’époque toutes les données n’avaient pas été prises en compte. On a pensé au navigable sans vraiment porter d’intérêts aux conséquences. Aujourd’hui, il faut arrêter de penser au chacun pour soi et voir plus large car les villes telles que Rotterdam même en étant très bien préparées n’ont d’autres choix que de lutter contre les inondations, la plupart du temps avec des systèmes de digues. Le problème des digues c’est que leur élévation nécessite aussi un étalement en largeur. Or, la ville ne possède pas toujours la place nécessaire. Il faut donc régler le problème en amont, c’est un projet d’ensemble qui s’étale sur le long du Rhin tout entier. Nous sommes à l’heure actuelle dans une période de transition tourné vers l’avenir, où l’on ne cherche pas à bannir les crues mais à cohabiter avec. Grâce aux différentes lectures, nous avons pu apprendre sur la qualité des villes nord-européennes submersibles. En effet, ces villes que certains appellent «modèles» ne doivent plus être considérées comme telle mais plutôt comme expérimentales car elles sont dans l’essai et dans l’innovation. Ce sont des notions importantes dans la recherche du durable. Pour faire en sorte qu’une ville soit durable, il ne suffit pas d’y construire des écoquartiers à préoccupation environnementale mais il faut créer une corrélation entre le domaine social, l’économie et l’environnement. La ville la plus durable sera donc celle qui aura le meilleur équilibre entre ces trois domaines. Une ville durable c’est avoir une structure urbaine plus cohérente, une économie innovante, une mixité sociale... Les performances environnementales sont de véritables outils de communication et de vivabilité. Les quelques villes étudiées m’ont montré que souvent elles sont

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Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


apparues après désaffection. Les grands projets de réaménagements leur ont permis de devenir attractive et compétitive mais il n’y a en réalité pas de contexte particulier à avoir. La qualité de durable d’une ville nécessite cependant de prendre en compte la grande échelle, pour créer une cohérence territoriale. Enfin, tout projet de ville durable s’accompagne de grands programmes, de politiques et intègre le participatif, la relation à l’habitant. Les villes durables sont en train d’émerger progressivement en réponse au réchauffement climatique. En effet parmi les nombreux effets indésirables et aléas climatiques on compte tous ceux liés à l’eau. La montée des océans, l’augmentation des phénomènes pluvieux, l’érosion des littoraux par exemple mettent en péril l’avenir des villes. L’artificialisation des sols, des littoraux et des berges posent des problèmes d’inondation. Aujourd’hui la vision de gestion du risque évolue. On passe alors de la défense à l’adaptation. Plutôt que de lutter contre les inondations, on cherche à faire avec. En acceptant la submersion temporaire ou en renaturant les berges, on retrouve une résilience naturelle. Ainsi, des notions de planification urbaine et de réorganisation spatiale, que l’on retrouve pour les villes durables, apparaissent. La gestion de l’eau est une clé pour obtenir une ville vivable, sécurisée et compétitive. C’est le cas des Pays-Bas par exemple. Les villes telles que Rotterdam et Amsterdam sont résilientes. Elles s’adaptent pour se protéger contre les risques climatiques. C’est là encore une notion clé. Afin d’être les plus performantes dans le domaine de la gestion du risque d’inondation, elles ont œuvré d’une part pour un programme de partage des connaissances et d’autres part pour des ouvrages urbains. Des dunes sur le littoral, des digues pour le fluvial et des barrières. De plus en plus la ville s’aménage pour contrer ou intégrer les inondations qui viennent essentiellement du Rhin. Mais pour éviter que la ville subisse les crues il faut une vision d’ensemble, collective à grande échelle, encore une fois, comme pour avoir une ville durable en redonnant de l’espace au fleuve. On trouve plusieurs points communs entre les villes durables et le phénomène de submersion. Par exemple, les politiques et programmes mis en place en parallèle de projet, l’innovation, l’adaptation, la gestion collective et à grande o1. Des modèles Nord-Européens face au risque.

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o2. De la rivière à la ville il n’y a (avait) qu’une digue

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Rotte-Erdam L’actuelle ville de Rotterdam prend ses origines au Xe siècle, lorsqu’un petit groupe de personnes décide de s’installer le long de la rivière. La localité se fait alors appeler Rotte-Erdam, une toponymie qui en dit long sur ses caractéristiques. En effet, les termes « Dam » signifiant digue et « Erdam », digue de terre, viennent s’accoler à la rivière Rotte qui se jette dans la mer. Les habitants construisent alors ce qu’on appelle des « terpes », des terrains sur-élevés permettant leur installation. C’est ainsi que naquit Rotterdam, une petite ville où la main de l’homme permit de bâtir les demeures autour de l’eau. Malheureusement, la tempête dévastatrice de 1164 rasa la ville. Elle s’en remit doucement et reprit les travaux d’endiguement. L’habitat domestique et les parcelles agricoles s’installent alors au bord de la Rotte à proximité même de cette ressource d’eau. Pour pérenniser les habitations et protéger les cultures, on voit apparaître au cours du XIIe siècle un groupement de propriétaires appelé Watershappen que l’on peut traduire aujourd’hui par « organisation de l’eau ». Ces derniers sont investis dans l’entretien et la construction des digues qui les protègent. On peut dire que les Rotterdamois ont toujours dépensé beaucoup d’énergie pour sauver leur terre saturée d’eau. C’est alors que les premières grandes digues « Middeldam » aujourd’hui appelé Hoogstraat apparaissent en 1270. On a donc une région protégée et cultivée qui grandit doucement. Au XVIe siècle, autrement appelé le siècle d’or, la ville de Rotterdam connaît un développement économique important notamment lié au commerce. Grâce à sa situation propice, c’est tout naturellement que la ville se tourne vers le commerce de marchandise et l’activité portuaire. Les premiers bassins sont aménagés dans le port pour faciliter la circulation. On a donc une première approche des canaux et bassins pour des raisons économiques. Au cours du XVII e siècle, alors que la ville prospère, l’exploitation intensive de la tourbe affaiblit le sol créant alors des résurgences d’eau au cœur de la ville. Cette dernière se retrouve alors une fois de plus inondée. Après avoir creusé les premiers canaux liés à l’activité portuaire, la ville continue de développer cette pratique. On voit notamment à partir de 1841 un o2. De la rivière à la ville il n’y a (avait) qu’une digue

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grand projet d’assainissement et d’embellissement de la ville apparaître. Le nom très significatif de « waterproject » est donné pour répondre à la vision hygiéniste de l’époque. En effet, de nombreux Rotterdamois, bien souvent les plus démunis, buvant l’eau polluée tombent malades. Une épidémie de choléras touche la ville, donnant l’alarme d’un changement à effectuer. La construction d’égouts et l’amélioration de l’eau potable voient le jour. En parallèle, une approche combinée de la vision hygiéniste, esthétique et de la gestion de croissance urbaine est alors réfléchie et mise en place par le paysagiste Jan D. Zocher. Les canaux, appelés « Singels » sont construits à travers la ville et bordés d’allées de grands arbres. A la fin du XIXe siècle, la ville décide de creuser une fois de plus de nouveaux bassins. On parle ici du « Rijnhaven » et « Maashaven » conçue afin de traiter rapidement les marchandises des bateaux. On voit clairement que la ville de Rotterdam et l’eau possèdent une relation de longue date, fusionnelle et je reprendrais une phrase très juste de Thierry et Rousseau (2009, p8) : « l’eau, bien sûr, n’a pas seulement structuré le paysage de Rotterdam. Elle est la condition même de son existence1». L’homme s’est progressivement installé sur ce territoire, à la fois en luttant contre l’eau et en l’apprivoisant. Les digues ont permis à la ville de se protéger mais l’homme a, peut-être malgré lui on l’a vu pour des raisons économiques et hygiénistes, participé à rendre la ville poreuse par la création des canaux.

Sources page ci-contre : 15. THIERRY, ROUSSEAU. Portrait de ville: Rotterdam 16. Ibid.

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16. La dualité entre la ville de l’eau et la ville de la terre. Rotterdam, 1689.

Espaces verts Eau Bâti 15. Évolution de l'eau et des espaces verts dans la ville. Cartes retravaillée de Anne Pellissier et Idris Yangui.

o2. De la rivière à la ville il n’y a (avait) qu’une digue

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Ville Delta, ville vulnérable Comme vu précédemment, la ville de Rotterdam a de tout temps été en relation étroite avec l’eau et ce en raison de sa situation géographique très particulière. En effet, elle fait partie de la Randstad, une conurbation regroupant les villes d’Amsterdam, de Haarlem, La Haye, Dordrecht et Utrecht. Ces quelques grandes agglomérations composent un paysage parcouru par de nombreux fleuves et cours d’eau. Rotterdam est une ville entourée par l’eau, qu’elle vienne du Rhin, de la Nouvelle Meuse ou encore de la mer du Nord. C’est d’ailleurs à la confluence entre la rivière originelle Rotte et la nouvelle Meuse que se rencontrent les eaux douces et les eaux salées et où la fluctuation des marées est toujours perceptible.

Sources page suivante: 17. J.Picorit 18. http://geoconfluences. ens-lyon.fr/informations-scientifiques/ dossiers-thematiques/ risques-et-societes/ articles-scientifiques/littoral-pays-bas

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Le territoire est considéré comme fluctuant, notamment car les limites entre la terre et l’eau, mais également avec la mer et la rivière sont en perpétuelle mouvance. Des limites variables causées par les changements climatiques ou avec le temps mais aussi par l’homme. Depuis la création de digues, de polders, le dragage des chenaux, des canaux et des barrages l’homme n’a cessé de vouloir domestiquer l’eau. De plus le sous-sol composé de sable, de tourbe ou d’argile est particulièrement instable, il n’y a pas de socle rocheux sur lequel la ville aurait pu s’installer. Compte tenu de la topographie, on a surnommé la région le plat pays. La ville de Rotterdam à d’ailleurs un relief très faible ne dépassant pas les dix mètres d’altitude et la plupart de la ville est en dessous du niveau de la mer. D’ailleurs, son point le plus bas est atteint dans le quartier de Prins Alexander à 6,67m en dessous du niveau de la mer. Ici, nous prenons comme référence le niveau 0 de la mer d'Amsterdam à marée basse. C’est pourquoi la ville est particulièrement vulnérable au risque de submersion marine. Mais l’eau semble venir de partout. De la mer, du sol par capillarité, de la rivière ou encore du ciel par les fortes précipitations. La région est naturellement prédisposée chaque saison aux précipitations abondantes et l’augmentation de la fréquence des épisodes pluvieux. Les changements climatiques risquent d’autant plus de mettre à mal le fragile équilibre de la ville.

Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


D’ailleurs la ville à de nombreuses fois subit de fortes tempêtes, parfois dévastatrices. La première fut en 1164 où les premiers « terps » furent détruits. La zone fut submergée pendant dix ans. Bien plus tard une série de tempêtes frappa la ville. En 1775, les inondations causèrent la destruction du port Delfhaven avec un niveau recensé à 2,75m au dessus du niveau 0 de la mer d’Amsterdam à marée basse. L’année suivante une seconde inondation frappa la ville. Puis différentes inondations comme en 1916 avec 3,37m NAP (Normal Amsterdam Piel), en 1894 avec 3,17m NAP, enfin en 1953 avec 3,75m NAP. Durant de nombreuses décennies et au cours des siècles la ville a littéralement eu les pieds dans l’eau bien souvent en raisons de conditions météorologiques extrêmes favorisant les inondations depuis la mer, de la rivière ou encore des pluies. Rotterdam s'est implantée au cœur du delta et s’est développée avec l’eau perçue à la fois comme une ressource et comme un danger. Mais « Au-delà des questions sociales, les défis écologiques, et en particulier le réchauffement climatique et la montée du niveau de la mer qui lui est liée, concernent Rotterdam au premier chef » (Thierry, Rousseau, 2009, p. 59). Du fait de son rang de deuxième plus grosse ville des Pays-Bas, Rotterdam est particulièrement touchée par ces problématiques. Son caractère très urbain conféré par le développement de l’activité portuaire lui vaut également la place de premier port européen. La ville aujourd’hui densément peuplée et vivante revient pourtant de loin. Les nouvelles architectures hétéroclites et gratte-ciels qui s’élèvent dans la ville n’ont pas toujours été présentes. Au contraire, en 1940 c’est 90% du centre ville qui est détruit par les bombardements allemands. La reconstruction s’est opéré progressivement par la suite, dédensifiant le centre et élargissant les voies. La ville de Rotterdam subit de nombreux événements tragiques, endura les Sources page suivante : https://resilientcircoups jusqu’à devenir plus forte. Les nombreux défis au cours du temps qu’ils soient 19. cle.wordpress.com/tag/ politiques, économiques ou historiques participèrent à rendre la ville plus résiliente. europe/ Aujourd’hui l’enjeu primordial reste toujours la maîtrise de l’eau et des risques liés 20. https://historiek.net/ aux changements climatiques. de-wederopbouw-van-rotterdam-in-lego/53404/

o2. De la rivière à la ville il n’y a (avait) qu’une digue

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18. Tempête dévastatrice de 1953 aux Pays-Bas.

19. Les inondations ancrées dans l'histoire.

17. La Randstad parcourue par de nombreux fleuves et rivières

20. Rotterdam détruite suite aux bombardements.

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Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


De la lutte à l’adaptation De tout temps donc les hommes ont cherché à maîtriser l’eau et parfois même a lutter contre la submersion grâce à une politique d’endiguement, dans laquelle ils sont devenus très performants. On le voit par la citation des auteurs : « une façon somme toute de rappeler au flâneur que la terre qu’il foule est le fruit d’un éternel combat contre l’eau » (Thierry, Rousseau, 2009, p.7). Aujourd’hui, la tendance actuelle est sans doute celle qui consiste à donner plus d’espace au fleuve. À laisser entrer l’eau dans la ville. Afin de mener à bien l’éternelle mission d’adaptation aux changements climatiques, la ville s’est engagée dans des programmes d’échange des connaissances. Le programme Connecting Delta Cities (CDC) a été développé par l’organisme mondial C40 cities climate Leadership Group. L’objectif de Connecting Delta Cities est de développer un réseau de villes delta actives dans le domaine du développement spatial, de la gestion de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, afin d’échanger des connaissances sur l’adaptation au changement climatique et de partager les meilleures pratiques. Développer leurs stratégies d’adaptation. C’est un groupe de cinquante neuf villes engagé dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et des risques climatiques. C40 aide les villes à identifier, développer et mettre en œuvre des politiques et des programmes locaux qui ont un impact global collectif. Ce programme est un réseau mondial de partage des connaissances en faveur de la résilience des villes. Ce projet cherche à aider les villes à résister au mieux aux défis physiques, sociaux et économiques qui nous entourent aujourd’hui. Le programme prend en compte les contraintes de tout type tels que les chocs et le stress lié et s’appuie sur les trois grands piliers qui forment le développement durable. A terme le but étant d’obtenir la ville la plus résiliente et durable possible. Afin de mener a bien sa mission, quatre grands lignes sont à suivre par la ville. Un nouveau poste innovant de « Chef de la résilience » dans la gouvernance de la ville o2. De la rivière à la ville il n’y a (avait) qu’une digue

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est ouvert pour diriger les actions à mettre en place. Des experts et scientifiques soutiennent le développement de stratégies solides pour la résilience. L’accès des solutions aux partenaires des secteurs privés, publics et organisations non gouvernementales (ONG) qui peuvent les aider à mettre en œuvre les stratégies. Enfin, les villes doivent adhérer au réseau de partage des connaissances afin de s’entraider. C’est de cette manière que le programme aide les villes de façon individuelle à devenir plus résilientes mais également à construire les stratégies globales de résilience. La ville de Rotterdam cherche réellement à lier la résilience du territoire avec sa condition de ville durable, car comme le dit le document Rotterdam Exchange : Water management & Multi-Benefit Solutions, (2015, p7.) « As a delta city situated primarly below sea level, Rotterdam always been in the vanguard of innovation in water management, with a long history of designing solutions that not only aim to reduce flooding in the city, but also connect water with economic opportunity, recreation and beautification.» Rotterdam se considère elle-même comme un laboratoire vivant, où des expériences sur l’eau sont effectuées dans ce paysage urbain. Pour comprendre les clés d’innovations de la ville, le programme d’échange s’est attardé sur cinq grands projets mis en place allant des structures flottantes en réponse directe à l’élévation du niveau de la mer aux zones éponges pour l’absorption de l’eau. D’ailleurs Rotterdam a été choisie pour accueillir le centre des villes delta résilientes. En tant que ville la plus résiliente au monde, la logique voulait qu’elle accueille ce centre comme modèle. Ce centre rassemble un réseau d’organismes qui cherche à accélérer la transition vers des villes delta sécurisées et durables à l’échelle mondiale. En partageant leurs connaissances, ils cherchent à développer des solutions intégrées pour la résilience et qui ajoutent de la valeur à la ville en terme de qualité environnementale, socialement et en potentiel économique.

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Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


Ces programmes d’échange des connaissances ne sont pas présent partout, et toutes les villes n’en font pas partie. Pourtant c’est véritablement une preuve du travail collectif. Ces plateformes collectives permettent de traiter des informations d’ordre mondial puisque participent des pays du monde entier. Dans le cadre de ce programme d’échange des connaissances, l’organisme C40 Climate Leadership Group a mis en place une opération appelée Climate Change Adaptation in Delta City. Comme son nom l’indique, Rotterdam en tant que ville Delta est directement concernée. Ainsi grâce à ce cadre chaque ville a pu développer son propre programme d’adaptation. Par exemple, à Ho Chi Minh City : Triple-A Strategic Planning et à Copenhague : Public-Private finance scheme. Pour Rotterdam c’est le programme Climate Change Adaptation Strategy qui a été choisi. Dans le cadre du programme pour les villes Delta, l’organisme C40 a publié un guide des bonnes pratiques. Toutes les stratégies pour le développement durable dans les villes delta doivent intégrer un plan d’adaptation pour réduire la vulnérabilité face aux risques et impacts du changement climatique. Le document émet donc différentes approches de « bonnes pratiques » qui sont les suivantes : Avoir une approche intégrée de l’utilisation de l’espace et des systèmes d’approvisionnement en eau. Engager les populations dans la planification de l’utilisation des côtes et des berges. Gérer les eaux de pluies. Limiter l’affaissement des sols et surveiller le niveau des nappes phréatiques avec la montée du niveau des océans. Chercher un équilibre entre une quantité d’eau potable disponible et les moyens de protection des rivières. Adopter une approche aux risques pluriels. Utiliser les budgets prioritaires et créer des financements pour une sécurité à long terme.

o2. De la rivière à la ville il n’y a (avait) qu’une digue

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Les différentes approches peuvent se répéter dans certaines villes. Cependant même si les villes possèdent toutes ces approches, il y en a une principale. Par exemple, Comme Ho Chi Minh City, Rotterdam a décidé d’avoir une approche intégrée de l’utilisation de l’espace et des systèmes d’approvisionnement en eau. En revanche, la ville de Jakarta a préféré agir auprès des populations… Rotterdam a donc mis en place le programme Climate Change Adaptation Strategy, dans lequel tous les projets qui voient le jour sont régis par ce cadre. En théorie, les projets respectent les conditions du programme et intègrent les différentes approches. La ville a dans un premier temps, en 2008 adopté « The Rotterdam Climate Proof » puis plus tard en 2013, « The Rotterdam Climate Change Adaptation Strategy ». Dans cette dernière mise à jour d’une éternelle recherche d’adaptation, la ville de Rotterdam s’est donné quelques grands axes à respecter. Les différents projets envisagés doivent donc répondre à l’un de ces critères, parfois plusieurs : Renforcer le système robuste contre les inondations et se défendre contre les tempêtes et la montée du niveau des océans Adapter l’espace public en combinant trois fonctions : éponge (water squares, zones d’infiltration et espaces verts), protection (digues et dunes) et limiter les dégâts (routes d’évacuation, bâtiments isolés de l’eau, et des structures flottantes). Augmenter la résilience de la ville par une gestion intégrée Favoriser les opportunités économiques que les changements climatiques apportent tout en améliorant la qualité de vie et en augmentant la biodiversité. Sources pages suivantes : 21. http://www.urbanisten. nl/wp/?portfolio=rotterdam-adaptation-strategy 22. Ibid.

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Ainsi, la ville de Rotterdam a développer des projets dont les résultats sont pour le moment plutôt considérés aujourd’hui comme des réussites. Le système d’adaptation de Rotterdam est basé sur un système de défense contre les inondations et la montée du niveau des océans, avec dans un premier temps, une

Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


barrière amovible contre les tempêtes appelé Maeslantkering. Puis par des dunes le long de la côte et des digues le long des rivières. La ville adopte une approche adaptée des « inner-dyke » et « outer-dyke ». Il y a d’abord, les digues internes de la ville situées sous le niveau de la mer. Elles se composent d’un système de polders qui drainent l’eau grâce aux pompes à l’extérieur, protégées par les secondes digues plus hautes. La zone des digues externes de la ville, est située approximativement entre trois et cinq mètres au dessus du niveau des océans, accueille quarante mille citadins. La zone est vulnérable à la montée du niveau des océans ou des petites inondations. La ville s’adapte par des innovations technologiques (Floating pavillon), ou des techniques plus traditionnelles comme l’isolation des façades ou des systèmes électriques hors de danger. En plus de systèmes de défense contre les inondations de la rivière et de la montée du niveau des océans, Rotterdam s’attaque aux menaces de fortes pluies. Pour cela elle a construit des espaces de stockage de l’eau comme le Museumpark garage et intègre dans la ville des espaces verts, cours d’eau et bassins. Ces derniers permettent les processus hydrologiques naturels comme le réapprovisionnement en eau des nappes phréatiques et minimisent les inondations. De plus cela permet d’augmenter la biodiversité et assurer une meilleure qualité de vie. La ville de Rotterdam a également développé les toitures végétalisées. Le lancement du projet Zomerhofkwartier montre l’engagement de la ville en faveur de l’adaptation totale de la ville delta. En effet ce projet combine le développement des espaces verts, des jardins d'eau, les toitures végétalisées et même les espaces publics servant de réservoir d'eau. Une multitude de projet donc en faveur de la résilience de Rotterdam.

Sources pages suivantes : 23. J.Picorit 24. Ibid.

o2. De la rivière à la ville il n’y a (avait) qu’une digue

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Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.

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Pincipes de base du programme «Rotterdam Climate Adaptation Strategy». 22. Principe de base du programme "Rotterdam Climate Adaptation Strategy".

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21. Système robuste de gestion de l'eau et de protection contre les inondations. Schéma montrant le système robuste de gestion de l’eau et des protections contre les inondations.

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ZOMERHOFKWARTIER

AGNIESBUURT Benthemplein Square Dakakker

Blue city SCHIEDAM Museum Park Garage

DakPark

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Het Park Floating Pavillon

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23. Cartographie des espaces verts dominants de Rotterdam.

Agniesbuurt

Zomerhofkwartier

Benthemplein Square Dakakker

Blue city

SCHIEDAM Museum Park Garage

DakPark

Noordereiland

Het Park Floating Pavillon

Digues Trajet jour 1 Trajet jour 2

24. Cartographie des projets visités lors de l'arpentage à Rotterdam.

o2. De la rivière à la ville il n’y a (avait) qu’une digue

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Avec ce programme de partage des connaissances, plusieurs projets ont vu le jour à Rotterdam. La ville a par exemple développé le projet appelé Floating Pavillon. En français, le pavillon flottant est une structure installée dans le port « Rijnhaven ». Ce bassin creusé dans la Meuse est entouré par de nombreux bâtiments récents et les quartiers avoisinants sont en transformation urbaine. Cela fait de ce lieu un endroit particulièrement bien placé pour le développement innovant d’un nouveau mode d’habiter, les structures flottantes. Comme indiqué dans le document, Delta Rotterdam : « The Rijnhaven is a unique testing ground », ainsi, la municipalité a pu développer le premier exemplaire d’un développement spatial sur l’eau : Le Pavillon Flottant. Ce dernier est très adaptés aux changements climatiques et fait partie des innovations des plus résilientes et durables. Ce pavillon flottant permet de suivre la montée et descente de l’eau et cherche a réduire les émissions de gaz a effet de serre. Les matériaux utilisés et son mode de fonctionnement sont particulièrement durables. En effet, le pavillon fonctionne à l’énergie solaire et la gestion du chauffage est intelligente. Seules les pièces utilisées sont chauffées. Le matériau pour le toit est fait de façon à favoriser la lumière naturelle et retenir la chaleur. Les eaux usées sont purifiées avant d’être rejetées dans le bassin. Sources pages suivantes: 25. J.Picorit 25.1 Ibid 25.2 Ibid 25.3 https://ecofriend.com/ eco-architecture-rotterdams-floating-pavilion-will-beresilient-to-climate-changes. html 25.4 https://www. drijvendpaviljoen.nl/floating-pavilion-event-location 26. Document personnel 26.1 https://www.greenplanetarchitects.com/en/ project/commercial/museumpark

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La ville souhaite développer ce modèle et créer des quartiers flottants. Ce type de structures à de nombreux avantages. Tout d’abord il est résilient puisque s’adapte à la montée des eaux. Mais il permet également le développement économiquement du quartier du « Rijnhaven » puisque les structures peuvent être utilisées pour tout type d’utilisation. Bureaux, commerces, habitat etc. Les structures permettent d’améliorer la qualité de vie des résidents en leur proposant de participer aux activités de développement du quartier et en créant de l’emploi. Enfin, ces structures qui flottent ne nécessitent pas de grands travaux de terrassement, d’imperméabilisation des sols et n’impactent pas la biodiversité. Si la ville développe ce modèle et construit plusieurs pavillons flottants, un quartier entièrement flottant verra la jour. Ainsi, la quantité d’eau sera probablement plus importante que la quantité de pavillon et l’on pourra véritablement parler de Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


porosité horizontale. Car aucune infrastructure n’entravera le chemin de l’eau. La ville de Rotterdam a donc utilisée une solution innovante afin de permettre le développement spatial aquatique. Mais la ville a également décidé de porter son attention sur le tissu urbain déjà existant. Premièrement, nous avons pu constater que la ville est parcouru par de nombreux kilomètres de canaux. La ville laisse donc entrer en elle une partie de l’eau créant un tissu poreux. Des canaux bien souvent bordés par des espaces végétalisés et arborés. De nombreux parcs sont également présents dans la ville. Ces derniers permettent d’anticiper la montée de l’eau venant de la rivière, des marées mais permettent aussi de réduire les inondations en récoltant les eaux de pluies. On constate alors très clairement, de par la présence de l’eau et de la végétalisation, que le cadre de vie des habitants en est amélioré. Les canaux et parcs servent au développement économique par les activités qu’ils portent (touristique, portuaire…) et favorisent le développement de la biodiversité. Allant des oiseaux aquatiques vers les poissons et passant par toute la faune et la flore caractéristique des zones de berges. Offrant ainsi un panel faunistique et floristique varié des milieux secs et humides. En plus d’avoir une porosité horizontale offerte par les canaux, la ville a développé des systèmes et aménagements en faveur d’une porosité verticale. Autrement dit où l’eau s’infiltre dans le sol. C’est le cas par exemple du Museumpark Garage. Le parking a été conçu de façon à pouvoir stocker un peu plus de mille voitures. Mais c’est surtout l’un des plus grands réservoirs d’eau souterrains de la ville avec une capacité de dix mille mètre cubes (10 millions de litres). Le réservoir situé sous le parking mesure soixante mètres de long et trente cinq mètres de large. Il se remplit lors de fortes pluies et se vide lorsque les réseaux d’égouts ont de l’espace disponible. Le principe étant de réduire les inondations et de décharger les réseaux trop faiblement dimensionnés. Ce parking est multi-usages, il est d’une part bénéfique pour la résilience de la ville et d’autre part utile pour les usagers du site. Étant enterré, il bénéficie d’une large dalle comme toit, servant bien souvent de Skate park. Ce parking est aussi conçu pour le piéton car l’un des principes de base est l’entrée de la lumière naturelle o2. De la rivière à la ville il n’y a (avait) qu’une digue

Sources pages suivantes: 26.2 J.Picorit 26.3 https://www.greenplanetarchitects.com/en/ project/commercial/museumpark 26.4 J.Picorit 27. Document Personnel 27.1 http://www.luchtsingel. org/en/locaties/roofgarden/ 27.2 Ibid. 27.3 J.Picorit 27.4 http://www.luchtsingel. org/en/about-luchtsingel/ the-idea/

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25. Floating Pavillon

25. 1

26. Museumpark garage

26. 1

27. Projet Lutchsingel

27. 1

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Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et rĂŠsiliente.

25. 2

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25. 3

25. 4

26. 4

26. 3

27. 3

27. 4 o2. De la rivière à la ville il n’y a (avait) qu’une digue

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et l’accessibilité facile. Le parking payant bénéficiant notamment au Museumpark crée de l’économie. Discret et bien agencé, le parking est agréable, multi-usages, et crée une activité sociale. La ville de Rotterdam bénéficie donc d’une porosité horizontale et verticale par la création des aménagements dans son tissu urbain. Elle a complété ses aménagements en faveur de la porosité verticale par des toitures végétalisées. Progressivement, les toits terrasses sont entrain d’émerger dans la ville. La municipalité les appelles les « toitures durables ». La ville possède quatorze kilomètres carrés de toitures inutilisées. Quatre type de toitures existent. Les toitures végétalisées, les toitures pour récolter les eaux de pluies, les toitures qui génèrent de l’énergie et enfin les toitures d’espace public. Toutes ces toitures peuvent être mixées pour obtenir des toits-parcs, des toits-événementiels, toit-fermes, toitparcs solaires… Il s’agit là d’utiliser les espaces vacants qui peuvent être investis. Les espaces libres sont une richesse et peuvent faire office de lieu de production. C’est le cas par exemple du DakAkker crée en 2012. Ce projet est né avec un grand projet de renouvellement urbain qui a vu le jour dans le centre de Rotterdam, combinant toits végétalisés et parcs. Le Projet nommé DakAkker Green Rooftop, est un site expérimental de ferme urbaine sur toit. On y cultive des légumes, des fruits, des herbes et récolte le miel des abeilles. Le projet de renouvellement urbain appelé Lutchsingel fait partie d’un programme d’initiative de la ville qui permet d’organiser des participations publiques en relation avec les habitants. Le quartier de Hofplein autrefois oublié et négligé, pourtant situé au cœur de la ville et non loin de la gare centrale est aujourd’hui devenu vivant. Dans l’espace disponible, quatre projets ont été réalisés. Le DakAkker, The Bridge : Un pont piéton de 390 mètres de long très emprunté par les piétons connecte des toits végétalisés et des quartiers de Rotterdam, notamment les quartiers Agnesebuurt, Benthemplein et Zomerhofkwartier. La Station Hofplein : L’ancienne station de métro subit elle aussi des changements conséquents avec le quartier. Elle se dote de commerces et restaurants, le toit est

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Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


entièrement végétalisé et sert d’espace de loisir pour pique-niquer par exemple. Enfin, le Park Pompenburg : L’espace vacant coincé entre les rails des trains, les routes et surplombé par le fameux pont jaune se transforme en espace de récréation et d’agriculture urbaine. L’augmentation des surfaces végétales, au sol ou sur toit, permet de créer une porosité verticale. La quantité d’eau de pluie ruisselante sur le sol imperméable est donc amoindrie et réduit les inondations. L’économie du quartier s’est développée avec des commerces et des lieux de production urbaine. Le projet à permis et permet toujours d’améliorer la qualité de vie des habitants. D’une part grâce a la consultation des habitants et aux participations publiques qui permettent une appropriation du lieu par les résidents. Et d’autre part grâce à la vie de quartier créée par les commerces et les parcs comme lieux de productions qui rassemblent les habitants. Enfin, la présence du parc et des toitures permet encore une fois l’augmentation de la biodiversité. De la flore, de la faune et la microfaune souterraine. La ville de Rotterdam a bénéficié d’espaces vacants qu’elle à réinvestis. Elle s’est dotée d’une véritable politique de recyclage. Comme dit précédemment, ne pas recycler c’est pousser à la consommation. C’est épuiser des ressources qui nous sont limitées. L’organisme Blue city à pris en main ce mode de vie et poussé le recyclage au plus haut point. Il a commencé par recycler de l’espace vacant en s’installant dans une piscine abandonnée. Dans ce lieu se rassemblent des start-up innovantes qui cherchent à développer l’économie du futur. Une économie circulaire où les déchets sont traités de façon intelligente, où les déchets des uns sont la ressource des autres. La piscine est un véritable terrain de jeu, l’expérimentation est de rigueur. Les start-up cherchent des moyens pour développer l’économie circulaire à petite échelle. La réutilisation des déchets permet de boucler la boucle et de ne pas avoir un surplus de déchet a ne plus savoir quoi en faire. A terme, le but est de développer cette économie circulaire de façon a vivre mieux tous ensemble et d’améliorer la qualité de vie.

o2. De la rivière à la ville il n’y a (avait) qu’une digue

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De nombreux exemples sont donnés par Blue city : Les déchets de café produits par Aloha Bar-Restaurant servent de sol nutritif pour les champignons de RotterZwam. Le dioxyde de carbone qui est libéré dans le processus est utilisé par Spireaux pour la création de spiruline, et dans le mycélium BlueCity Lab est utilisé pour développer des matériaux d’emballage. Bien sûr, pour compléter ce cercle parfait, vous trouverez finalement les champignons qui ont poussé sur les déchets de café d’Aloha au menu du même restaurant. La cire d’abeille de l’apiculteur urbain Stadsimker Abderrahim Bouna est utilisée par le fabricant de meubles OKKEHOUT, Community Plastics recycle les déchets plastiques de voisinage en produits que le voisinage peut utiliser comme des armoires à œufs par exemple. Les déchets de fruits issus du marché sont récoltés par Fruitleather et transformés en un matériau semblable au cuir qui peut être utilisé pour les sacs et les livres. La marque de mode KEES recycle les pneus de voiture et de vélo en accessoires uniques et le fait avec des personnes éloignées du marché du travail. Verdraaid Goed transforme les flux de déchets industriels en produits de consommation. Ces personnes peuvent ensuite accéder à un emploi rémunéré à l’intérieur ou à l’extérieur de BlueCity.28

Source: 28. Texte traduit de l'anglais http://www.bluecity. nl/

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Rotterdam est donc une ville qui a évolué et grandi avec une politique d’endiguement très forte, véritable marqueur social et ancré dans les mœurs. Un héritage du passé, où la ville a du s’adapter aux conditions géomorphologiques du pays. Les nombreux événements traumatisants naturels ou politiques tels que les tempêtes, inondations ou bombardements ont grandement participé à créer une ville résiliente. Aujourd’hui, la politique de lutte contre les inondations qui est née avec les digues tend à évoluer vers une stratégie d’adaptation. C’est pourquoi de nombreux projets voient le jour, qu’ils soient en faveur d’une porosité bidimensionnelle ou faisant partie de grandes innovations technologiques. Tous les projets se développent dans un cadre de gouvernance multiple et de façon systémique grâce à un partage des connaissances et des compétences. Enfin, les zones de vacance disséminées dans la ville sont bien souvent recyclées comme lieu d’expérimentation afin d’y implanter des projets pour la résilience et durabilité de la ville.

Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


o2. De la rivière à la ville il n’y a (avait) qu’une digue

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o3. Le projet de paysage, trait d’union entre durabilité et résilience

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Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


De Urbanisten Lors de mes recherches j'ai découvert l'agence dans le concours Rebuild by design notamment avec le projet New Meadowland. Après quelques recherches je me suis rendu compte que l'agence est un acteur important de la ville de Rotterdam sur le sujet de la résilience et de la gestion de l'eau. De Urbanisten est une agence de paysagistes-urbanistes installée à Rotterdam. Fondée en 2008 par Florian Boer (1969) et Dirk van Peijpe (1962). A la base, l’agence impliquée dans les travaux publics cherchait à faire de la ville un lieu de vie plus sain. Ainsi, ils participaient à fournir à la ville de l’air pur et de l’eau propre, de l’énergie et un système de gestion des déchets. Ce mélange entre dessin de la ville et préoccupations techniques est pertinent pour le métier. Les systèmes d’eau, d’énergie, de mobilités impactent l’environnement urbain. C’est pourquoi l’agence cherche à contribuer à une meilleure qualité de vie. De urbanisten est très impliquée dans les projets qui prennent en compte la gestion de l’eau. Leur réflexion porte sur des systèmes de défense comme les digues ou adaptatifs comme les aménagements à la fonction « éponge ». Ils travaillent aussi sur des projets dont leur réflexion porte sur les cycles énergétiques. Cette agence de paysagistes-urbanistes est donc un acteur moteur dans la création d’une ville plus durable. Ces préoccupations d’adaptation et de protection sont au cœur de leur réflexion. Et c’est pourquoi cette agence est réellement intéressante pour le sujet. En effet, leurs nombreux projets situés à Rotterdam sont des sources d’informations de compréhension pour allier résilience et durabilité. De plus l’agence a été et est toujours acteur dans les différents projets du programme Connecting Delta City. En effet, ils ont participé en étudiant par exemple les projets de toitures durables, l’aménagement des abords de berges et des digues, les systèmes de stockage de l’eau avec le fameux projet Benthemplein Square… L’agence traite donc de problèmes liés à l’eau afin de rendre la ville plus résiliente tout en combinant une démarche durable. De plus, tous les projets cherchent à favoriser les opportunités économiques, améliorer la qualité de vie et augmenter la biodiversité notamment, car les paysagistes traitent du monde vivant, composent avec le végétal dans un environnement urbain qu’est la ville de Rotterdam. o3. Le projet de paysage, trait d’union entre durabilité et résilience.

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Dessin d’un paysage urbain

Sources pages suivantes: 29. http://www.urbanisten. nl/wp/?portfolio=rivierdijk-rotterdam 30. http://www.urbanisten. nl/wp/?portfolio=rotterdam-adaptation-strategy 31. De urbanisten, Climate adaptative ZOHO 32. Ibid. 33. Ibid.

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L’un des projets de l’agence était de penser l’avenir des abords de la Meuse. Ce projet appelé « Riverdike Rotterdam » s’inscrit clairement dans le programme d’adaptation aux changements climatiques et s’intéresse notamment à la montée des eaux de l’océan. En effet, cette dernière apporte de sérieux défis car la ville est située à un point particulièrement vulnérable. D’une part dû à l’élévation du niveau de l’eau et d’autre part car la quantité d’eau apportée qui vient de la rivière en amont est de plus en plus importante. Construites depuis les premiers jours de Rotterdam, les digues sont des ouvrages très importants et particulièrement ancrés dans la culture locale. De Urbanisten cherche à transformer la menace en opportunité. Il s’agit ici de repenser les digues afin de les rendre plus adaptées. Elles ne sont plus perçues comme de simples ouvrages de protection mais bien multiusages. Les digues sont pensées comme support de développement urbain, elles peuvent être l’objet d’une transformation de l’espace public, être intégrées aux bâtiments ou encore être support d’espace public. Chaque projet cherche à rendre la ville plus durable. Le réaménagement des digues est l’occasion de développer le secteur économique, support d’innovation. La transformation des digues permet la multiplicité des usages, tout en conservant leur fonction protectrice ; en les transformant en parc, espace public et en y installant bien souvent les voies piétonnes et cyclables. Enfin, ces dernières permettraient d’accueillir des espaces plus naturels au style «Meadowland » favorisant la résilience naturelle et la biodiversité. On observe par exemple à Rotterdam, le Maasboulevard et la Westzeedijk qui sont des routes où les pistes cyclables sont surélevées, parfois sont support de développement de bâtiments, où la transformation n’a pas encore eu lieu. De urbanisten n’a pas travaillé que sur des projets de protection contre la montée des océans. Elle a aussi cherché les manières de modifier le tissu urbain en faveur de la résilience. Elle a par exemple travaillé sur le quartier de « Zomerhofkwartier » et « Agniesebuurt ». Un grand projet de réaménagement

Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


de l’espace public et de renouvellement du système de gestion des eaux usées est entrepris. Comme l’explique l’agence, une dualité existe dans la ville car elle est partagée entre, d’un côté la rareté de l’eau et de l’autre côté son abondance. Étant donné que les quartiers possèdent une bonne capacité d’infiltration, le projet cherche à créer une stratégie ou le quartier retiendrait 100 % de ses eaux de pluie localement. Ceci nécessite de réaménager l’espace public afin de collecter et stocker l’eau, puis faire en sorte que les bâtiments réutilisent leur propre eau. La ville renouvelle son système d’égout dans le quartier. Le projet cherche à combiner cette action avec de nouveaux systèmes intelligents de gestion de l’eau. Le système d’égout doit seulement être utilisé pour le transport des eaux usées des bâtiments, ce qui signifie qu’il peut être plus petit et ne doit pas transporter de grandes quantités de pluie vers un lieu de stockage lorsqu’un événement de pointe se produit. La modification de l’espace public passe par plusieurs caractéristiques telles que la gestion de l’eau et l’implantation d’une trame végétale plus importante. Le système de réseaux enterré est donc changé, des lieux de stockage de l’eau et systèmes de récupération des eaux de toitures voient le jour. Apparaissent également des jardins d’eau, des toitures végétalisées et une végétalisation des rues. L’agence a travaillé plus spécifiquement à l’intérieur de ce grand projet de renouvellement urbain sur le quartier Zomerhof. Dans le cadre de Rotterdam Climate Adaptation Strategy, le quartier a été défini comme un laboratoire urbain qui met en œuvre les pratiques définies par le programme. Le quartier « ZoHo » a longtemps été en déclin, quelques entrepreneurs et associations de quartier s‘y sont installés pour expérimenter la reprogrammation des lieux. Le projet cherche donc à créer un quartier plus résilient et vivant. Le projet prend forme sous de multiples petites actions qui permettent de remplacer les surfaces imperméables par des espaces verts plus poreux, des aménagements pouvant retenir l’eau… Parmi les différentes actions menées, on compte par exemple le site expérimental « ZoHo », le projet très connu « Benthemplein square », la végétalisation des toitures telles que « Hofbogen » et « Katshoek »...

Sources pages suivantes: 34. http://www.urbanisten. nl/wp/?portfolio=water-sensitive-zomerhof-agniese-district 35. Ibid. 36.J.Picorit 37. De urbanisten, Climate adaptative ZOHO 38. Ibid.

o3. Le projet de paysage, trait d’union entre durabilité et résilience.

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Digues pour transformer l’espace public

Digues comme support de développement urbain

Digues comme support d’espace public

Digues intégrées aux bâtiments

29. Schéma des quatre types de digues.

30. Trois exemples d'adaptation en fonction du type de quartier.

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Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


31. Axonométrie des quartiers Agniesbuurt et Zomerofkwartier.

1 2 3 6

4 5

32. Répartition des aménagements dans le quartier ZOHO.

33. Végétalisation participative du quartier.

o3. Le projet de paysage, trait d’union entre durabilité et résilience.

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34. Vijverhofstraat : Un espace public plus vert et plus simple

36. Séparation des réseaux d'eau sale et propre. 35. Vijverhofstraat : 100% des eaux sont stockées et infiltrées

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Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


37.Le développement des toitures durables sous forme d'agriculture urbaine.

38. Parcours et recyclage de l'eau, du parking au Benthemplein square.

o3. Le projet de paysage, trait d’union entre durabilité et résilience.

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Le programme d’investissement et de transformation des toits terrasses apparaît une fois de plus dans ce projet. Le toit du garage de stationnement «Katshoek » devient un lieu de stockage et de réutilisation de l’eau de pluie pour l’agriculture urbaine. C’est également un lieu de festivités ouvert au public. C’est également le cas pour le toit de l’ancienne station « Hofbogen » citée dans la partie précédente. Les jardins d’eau s’implantent également dans le quartier. Par exemple, le « ZoHo raingarden », transforme un parking imperméable en jardin d’accueil attractif qui collecte les eaux de pluie des bâtiments alentours.

40. J.Picorit

Enfin le fameux « Benthemplein Square » est l’une des innovations les plus connues de Rotterdam. Il combine le stockage temporaire de l’eau avec l’amélioration de la qualité de l’espace public. Il a été une première étape dans les stratégies d’adaptation. Grâce à l’aspect concluant du projet, le projet a cherché à agrandir la zone d’expérimentation au quartier. Le square est un espace récréatif par temps sec et stocke l’eau en cas de fortes pluies. Ce square est né d’une grande démarche participative ou l’avis de nombreux habitants, jeunes, étudiants, professeurs, a compté. L’espace public a été dessiné de façon à lier les usages récréatifs avec la gestion de l’eau. Il y a 3 bassins. Deux plus petits se remplissent lorsqu’il pleut, le bassin du milieu (terrain de basketball, football...) ne se remplit qu’en cas de très forte pluie, lorsque les deux autres sont déjà pleins. Des gouttières en aciers récoltent les eaux des toitures et du sol et conduisent l’eau jusqu’aux bassins. Ces mêmes gouttières servent également de rampe de skate. L’eau stockée s’infiltre ensuite dans le sol afin de faire face aux sécheresses et maintenir les arbres en bonne condition. Les eaux collectées rejoignent également des réseaux spécifiques, sans se mélanger aux eaux sales, améliorant progressivement la qualité de l’eau de la ville.

41. http://www.urbanisten. nl/wp/?portfolio=waterplein-benthemplein

Tous les projets se sont inscris dans une démarche durable. En effet, la démarche principale a été de rendre particulièrement agréable le lieu à la

Sources pages suivantes: 39. http://www.urbanisten. nl/wp/?portfolio=waterplein-benthemplein

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Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


population. Les projets ont cherché à améliorer la qualité de vie des résidents et usagers. Les concepteurs des projets se sont fortement appuyés sur des démarches participatives et ont cherché à concevoir avec l’habitant. Les projets ont été des moyens de favoriser les opportunités économiques en réinvestissant la vacance par des commerces et de la restauration ou encore de l’activité de production agricole par exemple, en recyclant les espaces disponibles qui sont des ressources. Enfin, les projets ont été très favorables à l’augmentation de la biodiversité. Cela va de soi, le projet de paysage traite du vivant et donc des relations faunistiques et floristiques avec le site. La végétalisation de l’espace, des toits, la création de lieux de stockage de l’eau, tous les aménagements en faveur de la résilience passent par une porosité. C’est faire pénétrer l’eau dans la ville et dans le sol qui relie biodiversité et résilience.

Sources pages suivantes: 42. http://www.urbanisten. nl/wp/?portfolio=waterplein-benthemplein 43. J.Picorit 44. Ibid. 45. Ibid.

o3. Le projet de paysage, trait d’union entre durabilité et résilience.

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39. Benthemplein Square: terrain vivant et résilient.

40. Le terrain de basketball comme réservoir principal.

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41. Le réservoir tertiaire, lieu de rassemblement

Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


43. Gouttières et rampes de skate.

44. Arrivée des eaux de toitures dans les bassins.

45. Le mur d'eau du bassin principal. 42. Schémas montrant le parcours de l'eau et les infrastructures nécessaires à son transport.

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Quels enseignements en tirer ? Tous les projets étudiés précédemment s’inscrivent dans une démarche durable et résiliente. Rotterdam a mis en place plusieurs projets au sein même de la ville et nombre d’entre eux ont été pensés par des paysagistes. Notamment par l’agence De Urbanisten qui a par exemple étudié les systèmes de toitures durables, pensé le reprofilage des berges de la Meuse ou encore cherché à faire évoluer le tissu urbain vers le style « éponge ». Le cœur du métier de paysagiste est de travailler avec la matière vivante. Combiné avec le travail de structure urbaine des urbanistes, l’agence dotée de ces deux professions est particulièrement bien adaptée pour travailler sur la ville de Rotterdam. A la différence des projets de la ville tels que le pavillon flottant ou le parking du Museumpark, chaque projet intègre la dimension végétale. C’est ce qui fait la spécificité du paysagiste et ce qui fait de lui un acteur particulièrement adapté dans la recherche d’une ville plus durable et plus résiliente. Les villes rendues imperméable sont vulnérables par leur artificialisation. Et bien souvent, on constate que les paysages dits naturels sont des espaces qui ont su s’adapter avec le temps, développant une structure ou un type de végétation adapté au milieu. C’est le cas par exemple des marais ou des forêts alluviales. C’est en cela que les projets de paysagistes ont un avantage et sont des solutions d’avenir dans la gestion des risques liés à l’eau. Car travailler avec le vivant c’est en quelque sorte restaurer une résilience naturelle grâce à la végétation mais aussi et surtout grâce au sol qui la supporte. La ville a mis en place des projets très satisfaisants en termes de résilience et favorisant la création d’un ville durable, mais en dépit des innovations technologiques qui permettent de pallier au manque d’une résilience naturelle, le projet de paysage est quant à lui plus adapté car il permet de fournir cette même résilience naturelle liée au vivant. Les projets de résilience qui passent par le caractère naturel ont un avantage indéniable. Un avantage qui participe à rendre la ville plus durable, celui de l’augmentation de la biodiversité. Cette dernière caractéristique passe avant tout par la porosité.

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Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


Il existe deux types de porosité. Une porosité horizontale qui consiste, en l’occurrence, à donner plus d’espace au fleuve. Autrement dit, à laisser entrer l’eau dans la ville, à avoir un tissu poreux. C’est le cas par exemple grâce aux nombreux canaux creusés et aux berges actuellement sous formes de digues repensées style « Meadowland », ou encore aux quartiers flottants. Le but étant simplement de ne pas limiter l’étalement spatial de l’eau. La deuxième porosité, qui concerne davantage l’aspect paysager, est la porosité verticale. En effet, cette dernière permet de laisser pénétrer l’eau dans le sol et ainsi favoriser le développement de la faune et de la flore, sans compter le réapprovisionnement en eau des nappes phréatiques... Qu’elle soit verticale ou horizontale, la porosité du tissu urbain permet d’amoindrir le risque d’inondation. En ce qui concerne la rivière, plus on donne de l’espace à l’eau et moins les risques de submersion sont importants. Un même volume d’eau dans des contenants de largeurs différentes n’aura pas la même hauteur d’eau. Tout comme pour les pluies : toute l’eau qui s’infiltre dans le sol est un volume en moins qui ruisselle dans la ville. Car à terme, les ruissellements conduisent à inonder les zones de la ville les plus basses. Travailler la résilience naturelle a de réels avantages dans le sens où l’augmentation des espaces verts joue sur la qualité de l’environnement. Sans compter bien évidemment, l’indéniable efficacité des végétaux dans la réduction des gaz à effet de serre, les espaces verts ont un effet sur l’amélioration de la qualité de vie socialement parlant c’est un véritable bénéfice pour les populations. De plus les espaces verts peuvent être bénéfiques économiquement, notamment lorsqu’on parle de ces espaces en termes de lieu de production. Les projets de résiliences, surtout lorsqu’ils sont liés à la végétation, sont en tout point favorables à la création d’une ville durable. L’avantage de traiter la résilience par les milieux « naturels » et mélanger deux milieux distincts, terrestre et aquatique. Tout d’abord, les milieux terrestres végétalisés sont plus riches en terme de biodiversité qu’un milieu urbain artificiel et imperméable. Il permet de rassembler une faune de plusieurs gabarits allant des vertébrés aux mollusques en passant par les arthopodes et une flore de différentes strates. Lorsqu’on y intègre le milieu aquatique, la biodiversité se voit multipliée. Il y a alors une faune et une flore spécifique à chaque milieu, mais il y a aussi l’espace transitoire entre ces deux milieux qui apporte une nouvelle faune et flore. De plus la diversité faunistique est o3. Le projet de paysage, trait d’union entre durabilité et résilience.

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induite par la chaîne alimentaire et la qualité du milieu. Qu'on parle de faune ou de flore, la biodiversité se développe suivant des systèmes simples. Les végétaux et animaux se développent dans des milieux qui leurs sont favorables, là où ils trouvent des ressources nourricièrent et et où la condition du milieu est propice à la reproduction et assurer les générations futures, car la but ultime est de faire prospérer leur espèce. La richesse du milieu donc rend la ville d’autant plus durable puisque la diversité permet d'entretenir les cycles de vies des espèces et assurer la résilience naturelle. Si les villes cherchent à développer les milieux naturels au sein de leur tissu urbain c’est d’une part pour éviter l’aggravation du réchauffement climatique et d’autre part pour leur permettre de devenir concurrentielles. Comme cité précédemment, les villes durables ou souvent vu le jour suite à une désaffection, à une vacance. Les actions de renouvellement urbain ont été pour elles des moyens de devenir attractives. Nous sommes, économiquement parlant, dans un système de croissance. C’est pourquoi les villes cherchent à devenir toujours plus attractives afin de rester dans cette course sans fin. Aujourd’hui, étant donné la situation critique, la compétition passe par l’adaptation au réchauffement climatique. Les villes les plus adaptées seront donc les plus concurrentielles. On développe des économies innovantes et l’on fait de la ville un laboratoire vivant. Même si les projets qui voient le jour dans la ville sont généralement pensés par des professionnels, on les considère comme expérimentaux car leur viabilité n’est pas toujours certaine. C’est pourquoi la ville se caractérise comme une ville expérimentale plutôt que « modèle ». Les projets pour la résilience sont donc des moyens pour les villes de devenir économiquement concurrentielles et attractives.

Sources pages suivantes: 46. J.Picorit 47. Ibid. 48. Ibid. 49. Ibid.

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Créer une ville durable c’est varier les échelles. Il est nécessaire de faire intervenir une multitude d’acteurs pour créer la ville la plus adaptée. Les projets en faveur de la résilience sont de très bons catalyseurs comme vu précédemment dans le texte, car ils permettent de relier les échelles allant du mondial avec le programme Connecting Delta Cities au local, avec les participations publiques. Comme le

Paysages Submersibles : Rotterdam, durable et résiliente.


montrent les projets, varier les échelles nécessite obligatoirement d’agir et/ou de penser collectivement. Le programme permet d’échanger des connaissances en faveur de la résilience à l’échelle mondiale via des plateformes mises en réseaux. Les projets font intervenir des professionnels mais aussi les habitants de quartiers. On retrouve notamment cette pratique dans les projets de paysagistes tels que ceux de De Urbanisten. Il est important d’intégrer l’habitant à la réflexion du projet car on cherche à créer une meilleure qualité de vie. L’implication du citadin permet d’avoir une vue sur l’usage des lieux, et permet une appropriation de ce dernier au site. S’il y a appropriation, il y a usage. L’habitant, ou l’usager s’y sent alors à l’aise ce qui augmente sa qualité de vie. Impliquer le résident permet de répondre au mieux a la demande des lieux et des usagers.

o3. Le projet de paysage, trait d’union entre durabilité et résilience.

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Les canaux de la ville favorisent une porosité horizontale

Aménagements et bassins de stockage favorisent une porosité verticale

Les espaces verts permettent une porosité bidirectionnelle

46. Deux types de porosités rassemblées grâce aux espaces verts.

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MONDE VILLE QUARTIER PROJET

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48. Une pluralité d'acteurs mise en relation

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47. Prospective de développement des pavillons flottants qui permettent une porosité horizontale 49. La richesse des milieux augmente la biodiversité

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Conclusion

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L’émergence des villes durables aujourd’hui permet, bien que partiellement, de répondre aux enjeux du réchauffement climatique planétaire. La situation dans laquelle nous vivons actuellement évolue et tend à devenir de plus en plus critique. Les villes sont les acteurs premiers dans cette transition, dans cette quête éternelle du « vivre mieux ». Si rien ne change alors l’homme ne cherchera pas à vivre mieux mais tout simplement à survivre. C’est pour cette raison que les villes qui voient leur population toujours plus nombreuse, participent à leur échelle à faire changer les choses. L’étude du cas de Rotterdam en tant que ville durable m’a permis de comprendre comment la ville s’est développée dans ce sens et comment les projets pour la résilience lui ont permis d’obtenir cette qualité de durable. Rotterdam est une ville qui se dit « laboratoire vivant ». En effet, de nombreux projets voient le jour même si leur viabilité est incertaine, ce qui m’a fait changer de vision et sortir la ville du titre de « modèle » durable. Par des projets parfois expérimentaux, les villes cherchent à assurer une meilleure qualité de vie, à favoriser les opportunités économiques et à augmenter la biodiversité. C’est ainsi qu’en obtenant le meilleur équilibre, les villes deviennent plus vivables et donc plus attractives. La gestion de l’eau est un facteur des plus importants dans cette ambition. Les villes néerlandaises et notamment Rotterdam sont particulièrement douées dans ce domaine. Les conditions géomorphologiques du pays et la présence abondante de l’eau les rendent vulnérables aux aléas climatiques. Les changements à venir ne peuvent que les mettre encore plus en danger. Heureusement, le temps a rendu ces villes très adaptées et bien protégées. Les événements vécus les ont rendus particulièrement résilientes. Si l’on a toujours lutté contre les inondations et cherché à domestiquer l’eau, ce n’est plus tout à fait le cas. La politique d’endiguement très présente se voit aujourd’hui complétée par une stratégie d’adaptation. Désormais on ne cherche pas à battre la rivière dans le duel de la submersion, mais plutôt à cohabiter avec. On cherche à donner plus d’espace à l’eau, à faire en sorte qu’habiter la ville et gérer l’eau ne soit plus un défi mais une opportunité. Tous les projets vont dans ce sens et respectent une charte qui permet de rendre la ville plus durable. Tous les projets qui voient le jour permettent à la ville d’avoir un tissu urbain poreux. On distingue cependant porosité verticale et porosité

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horizontale. Tous les projets vont à l’encontre de la caractéristique principale d’une ville, son imperméabilité. Qu’ils fassent partie des innovations technologiques ou des projets de paysage, tous cherchent à rééquilibrer la balance. Le projet de paysage est l’un des outils les mieux adaptés pour répondre à ce problème. C’est notamment parce que le paysagiste travaille avec le vivant qu’il peut participer à la création d’une résilience naturelle. En effet, ce sont les paysages dits «naturels» qui ont évolués avec le temps et qui ont pu devenir d’eux même résilients tout en étant les plus adaptés. C’est dans ce sens-là que le paysagiste peut intervenir. Le projet de paysage a l'avantage de ne pouvoir être remplacé par les innovations technologiques. Dans tous les cas, le projet de paysage permet des porosités de deux types, il permet de donner plus d’espace à l’eau et de la laisser s’infiltrer dans le sol, donc de développer la biodiversité. Il permet par la même occasion de développer les deux autres piliers du développement durable car le paysagiste travaille sur les usages des lieux et donc l’aspect social et économique. Le projet de paysage est donc par nature durable c’est pourquoi cela fait du paysagiste un acteur moteur dans le développement des villes durables. Le paysagiste est donc l’un des acteurs qui entre en jeu mais il n’est pas seul. Pour pouvoir faire en sorte que les projets pour la résilience soient bénéfiques à la création d’une ville durable, il faut que la gouvernance soit multiple. L’intervention de plusieurs échelles politiques est nécessaire. Les programmes d’échange des connaissances permettent de réunir des acteurs à l’échelle de la planète tandis que le projet de paysage par exemple permet de faire intervenir l’habitant. C’est cette mise en commun des connaissances et des compétences, ainsi que les concertations publiques qui rendent la ville durable. Les projets pour la résilience, notamment à travers la porosité, sont donc des outils qui servent à créer les villes durables. L’image principale des villes durables est celle d’une ville à haute qualité environnementale. Cela permet aux villes de devenir attractives. Aujourd’hui, ce sont sans hésiter les villes les plus adaptées aux changements climatiques qui seront les plus attractives. La villes dont la qualité de vie sera la meilleure et qui possédera le meilleur équilibre entre les trois domaines (environnemental, économique et social) sera donc la ville la plus durable et donc la plus compétitive. A l’heure actuelle, le

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réchauffement climatique est une question primordiale et une préoccupation que les professionnels prennent très au sérieux. Pourtant, s’adapter au réchauffement climatique est aussi vu comme un moyen d’être le plus concurrentiel possible. Après cette étude et ce constat, de nombreuses questions me viennent en tête. Il faut se demander si cette concurrence et cette course à l’attractivité n’est pas nuisible au réel problème qu’est le réchauffement climatique. Que risque-t-on dans cette compétition ? Ne risque-t-on pas d’oublier le vrai fond du problème ? Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour rester en tête du classement ? Et qu’en est-il du paysagiste ? Quelle est sa place dans tout ça ? Finalement la résilience n’est-elle pas qu’un outil de communication politique ? Et le paysagiste n’est-il pas qu’un pion dans cet échiquier géant ?

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Bibliographie

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