DÉMYSTIFIER LE RÔLE DE L’AUMÔNIER Panser les plaies du déploiement Quand vient le temps de vivre avec les conséquences d’un conflit armé, que l’on parle de décès ou de blessures, le rôle de l’aumônier prend tout son sens.
Lorsqu’un décès survient en Afghanistan, l’aumônier fait partie de l’équipe qui annonce la dure nouvelle à la famille du défunt, en compagnie d’autres officiers. Au cours de la dernière rotation, 13 militaires de Valcartier ont perdu la vie et le capt Noël s’est déplacé à maintes reprises avec l’équipe. Pour intervenir dans ces moments sombres, il n’existe pas de formule magique. «Tu te rends là avec toute ta personne et une énorme compassion. Ce que tu viens annoncer, c’est un drame. La nouvelle que tu portes va complètement changer la vie de la personne à qui tu l’annonces», insiste-t-il, précisant que souvent la personne saisit au premier regard. Par la suite, le proche doit traverser un cheminement de deuil et d’acceptation. L’aumônier devient alors une ressource parmi tant d’autres, mais peut accompagner le proche dans ses questionnements portant sur le sens de la tragédie. «C’est en écoutant la personne qu’elle construit ses réponses», signale le padré Noël. Cette oreille attentive, elle fait du bien selon lui. Cet été, face à l’incompréhension d’une femme ayant perdu son conjoint à Kandahar, il a toutefois prononcé ces paroles : «Peut-être que tu ne saisis rien là et c’est correct. Laisse le reste de ta vie te répondre. Celui qui est mort, ce qu’il Le capitaine Jean-François Noël prononce une souhaite pour toi, c’est que tu la continues, cette vie. Ton prière lors de l’enterrement d’un militaire de devoir, ton combat à toi, c’est de continuer.» Valcartier, l’été dernier. - Photo : Courtoisie Guider les blessés L’aumônier visite également des soldats blessés dans les hôpitaux, au Canada et outre-mer. Pour ces soldats, les blessures peuvent être autant physiques que morales, rappelle le padré Noël. «Vivre une guerre, c’est tout ce qui va avec, c’est confronter la réalité du mal», dit-il. Inévitablement, beaucoup de questions spirituelles traversent leur esprit : «Padré, l’armée c’était toute ma vie et là, j’ai perdu mes deux jambes. Pourquoi?», donne en exemple le padré June Reid, agente de pastorale à la chapelle Sainte-Jeanne d’Arc. Un phénomène, appelé la culpabilité du survivant, est même susceptible de surgir chez un blessé. Il se traduit ainsi : «Pourquoi moi? Je suis blessé, mais un autre est mort. Pourquoi n’est-ce pas vice-versa?». En résumé, l’individu se tourmente par rapport à un événement sur lequel il n’a plus aucun contrôle. Selon le padré Noël, chaque soldat devrait se poser la question suivante avant un déploiement: «Si j’ai à perdre un membre, ultimement, est-ce que je suis plus qu’un bras ou une jambe? Ma valeur, elle se situe où comme personne?» Un militaire pour qui l’activité physique était au cœur de son quotidien, et qui du jour au lendemain se retrouve amputé, devrait se dire : «Je suis encore quelqu’un et j’ai encore quelque chose à offrir aux Forces canadiennes, aux familles et à mes frères d’armes». Puisqu’il y aura de plus en plus de blessés dans les Forces, l’officier ajoute que chacun peut être «porteur d’espérance». Durant un déploiement, un aumônier qui reste sur la garnison est parfois appelé à aider les familles des soldats de leur unité en mission. Qu’il s’agisse d’amis proches, de mères ou de conjoint(e)s inquiets ou en détresse, l’aumônier peut intervenir auprès d’eux à toute heure de la nuit, s’il le faut. Un merci spécial à June Reid, agente de pastorale, pour avoir généreusement alimenté la réflexion entourant l’écriture de ce dossier.<@txt>