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BLUE. SHARK SERENITY, comment

Blue Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d’Hommes, Que j’ai honte de nous, débiles que nous sommes ! La Mort du loup, poème d’Alfred de Vigny – 1843 (extraits)

Le constat est simple : le requin est le loup d’aujourd’hui ! Hier le canidé fut victime de la folie des hommes qui, poussés par la peur du Diable, ont éliminé le sublime animal avant d’essayer de le réintroduire dans son milieu naturel un siècle plus tard… débiles que nous sommes !

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SHARK SERENITY

COMMENT APPROCHER LES GRANDS REQUINS EN TOUTE SÉRÉNITÉ

Par Jacques Rombi

Plusieurs dizaines de millions de requins sont éliminés chaque année, mettant ainsi en péril tout l’écosystème marin. Ici, une arrivée de pêche aux Émirats arabes unis en 2011 – depuis, la situation à cet endroit a évolué, mais certains pays, y compris en Europe, continuent le massacre, voir https://www. stop-finning-eu.org/

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Le shark feeding (nourrissage de requins) peut être un outil précieux à la préservation des requins. À condition que le site et la pratique soit élaborés, mis en place et encadrés par de vrais spécialistes, suivant un ensemble de protocoles et de règles précises, et à l’écoute des comportements des animaux et des circonstances locales. Le tourisme requin attire de nombreux touristes et journalistes, chaines de télé, etc.

© photo Thomas Vignaud

Le poème d’Alfred de Vigny n’aura donc pas servi de leçon et les massacres continuent sur terres et océans. Pourtant si sur terre, les quelques rares îlots de protection (réserves intégrales, safaris et autres zoos géants) nourrissent l’espoir de conserver des reproducteurs qui pourraient un jour être réintroduits dans leurs milieux naturels (s’ils existent encore), sous les océans c’est une autre histoire. Un grand requin ne se domestique pas et ne s’observe pas à travers un bocal aussi grand soit-il !

Aussi avant qu’il ne soit trop tard, quelques spécialistes (encore trop rares) proposent des solutions pour réconcilier l’homme avec les grands requins à travers des modèles mêlant à la fois respect des écosystèmes, rentabilité économique et paix sociale. En bref le triptyque du développement durable.

C’est l’exemple du projet Serenity développé par le docteur Thomas Vignaud, spécialiste des grands requins : « Les écosystèmes du monde entier souffrent du développement humain. Pourtant, ce sont ces mêmes écosystèmes qui sont le socle de la vie humaine : nous coulons notre propre et unique bateau. Aujourd’hui, nous savons qu’il est possible de restreindre ces impacts, de restaurer et d’accompagner les écosystèmes, sans perdre en qualité de vie.

Ces solutions prennent naissance tous les jours, particulièrement en ces temps de crise propices à l’innovation de rupture. Les résultats de la recherche peuvent apporter des outils formidables à intégrer dans tous les aspects de la vie, mais il arrive parfois que la science manque d’outils, de données ou simplement de temps pour répondre à des besoins urgents. Dans ce cas, l’intégration de la recherche couplée à l’expérience et à l’innovation permet le lancement de projets qui peuvent conduire à des résultats étonnants car leur raison d’être est le résultat mesurable appelé aussi la recherche/action.

Le projet Serenity se base sur des années d’expérience et les meilleurs résultats scientifiques disponibles. Nos valeurs ? Travailler avec les autorités, les privés et la population, et s’adapter aux circonstances locales. En équipe, nous intégrons tous les aspects pour créer un plan et un programme qui permet à tous, y compris la Nature, de grandir en harmonie ».

Le shark-feeding c’est à la fois le respect des écosystèmes, la rentabilité économique et la paix sociale, soit la définition du développement durable

En proposant ce schéma, le projet Serenity colle parfaitement au schéma du développement durable qui se heurte malheureusement aux réactions épidermiques et vengeresses qui sont constatées après chaque attaque de requins : les requins d’Australie, de Nouvelle Calédonie ou de la Réunion sont actuellement massacrés en toute impunité. Pire encore, ces programmes sont financés en totalité par l’argent public (vos impôts !) et en plus d’être barbares, rien ne prouve que ces pratiques sont efficaces.

Sur ce sujet, il est important de

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SHARK SERENITY

Thomas Vignaud est un scientifiqueexplorateur-entrepreneur

Docteur en biologie marine diplômé de l’École Pratique des Hautes Études, ses activités incluent un travail de scientifique sur les requins et les écosystèmes marins, la conservation et la reconstruction des récifs coralliens, la valorisation des richesses naturelles et de développement de solutions innovantes pour un futur durable. Il travaille avec des organismes tel que le Criobe*, Blue finance**, des sociétés privées ou des services publics souhaitant innover dans la gestion de la Nature ou de l’économie bleue. Un de ses projets, Sharkserenity, se base sur une accumulation de connaissances et d’expériences, comme le développement d’un projet éco touristique aux Fidji sur les grands requins. Sur la photo, Thomas forme un plongeur fidjien, « Sai », à l’identification individuelle des requins bouledogues pour approvisionner les bases de données scientifiques (© Steve De Neef).

prendre en compte TOUTES les pièces du puzzle et d’élaborer des plans qui intègrent ces aspects dans des solutions globales. Les expériences réussies sur des projets de shark feeding permettent de constater que les meilleurs résultats sont obtenus en travaillant vers des solutions à l’échelle locale, étape par étape, et que la somme des projets positifs locaux résonne ensuite à l’échelle mondiale.

Voilà pour la théorie, quant à la pratique, Thomas Vignaud explique comment fonctionne Serenity : « En bref, il s’agit d’identifier un site propice au nourrissage des requins en évitant les conflits avec les usagers de la mer. Le site sous-marin doit être savamment choisi et aménagé par les experts selon de nombreux critères, et les requins attirés sur place. Leur nourrissage permet alors de les concentrer à cet endroit précis, de façon temporaire et sans impacts sur leur santé ou leur écologie, pour le bonheur des plongeurs, des chercheurs et de l’économie locale. Rappelons ici qu’un requin vivant peut rapporter des dizaines de milliers de dollars par an sur un site de shark-feeding (contre quelques dizaines de dollars à peine pour la vente de ses ailerons). Leur observation quotidienne permet de les étudier, mieux les connaitre et même de réduire le risque de morsure dans la région en influençant la façon dont ils interagissent avec l’Homme ». Même si, faut-il rappeler ici, le risque zéro n’existe jamais quand on choisit de fréquenter un milieu sauvage comme l’océan.

Thomas rajoute : « Les dernières recherches montrent que la grande variabilité des personnalités des grands requins, comme les requins bouledogues, donne parfois naissance à l’émergence d’individus à problème (voir le travail du Pr. Eric Clua). Les caractéristiques spécifiques de ces individus à problème font qu’ils sont beaucoup plus dangereux que les autres – on observe d’ailleurs dans l’histoire des agglomérats de morsures de prédations dans le temps et l’espace qui suggère le fait d’un seul individu – cela est parfois avéré, comme la terrible histoire du New Jersey en juillet 1916 qui a inspiré le film de science-fiction « Les Dents de la Mer », et bien d’autres. Nous commençons également à avoir des preuves directes avec les individus à problèmes vivants identifiés.

* Le CRIOBE (Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement) créé en 1971, est l’un des plus éminents laboratoires français pour l’étude des écosystèmes coralliens. Ses activités s’exercent à travers de multiples disciplines - l’écologie, la génétique, la chimie - sur deux sites géographiques principaux, le campus de l’Université de Perpignan en France et la station de terrain sur l’île de Moorea en Polynésie Française.

** Blue finance est une association à but non lucratif ayant pour mission le développement durable de l’économie bleue dans les écosystèmes coralliens. Elle se spécialise en particulier dans le développement d’initiatives et solutions économiques bénéficiant à la gestion des aires marines protégées.

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Les bénéfices du projet Shark Serenity

La lecture de ce tableau permet de comprendre rapidement comment ce système peut fonctionner et surtout comment il peut être dupliqué partout où le trio requin-touriste-acteur local peut se retrouver pour une approche dans un esprit gagnant-gagnant. C’est le cas de nombreuses îles de l’Indianocéanie où le docteur Vignaud a déjà identifié des sites où ces solutions peuvent-être implémentées. Reste à convaincre les autorités, et là c’est une autre histoire – la peur de l’inconnu l’emporte sur le courage politique. Le philosophe Arthur Schopenhauer découvrit ce principe : « toutes les vérités passent par trois phases : elles sont d’abord tournées en ridicule, puis elles sont violemment opposées. Enfin, elles sont acceptées comme évidentes. » La Nature, elle, a déjà compris l’intérêt d’un tel projet !

Les effets du projet Shark Serenity apportent de nombreux bénéfices à l’homme et à la nature. Ce programme prend appui sur le nourrissage des requins comme outil de travail. Ces effets sont résumés ici de façon schématique, pour permettre une vue d’ensemble. Pour plus de détails, visitez www.sharkserenity.com ou prenez contact.

Pêche artisanale

• Moins de casse de filets, ligne • Plus de poissons, plus gros • Possibilité de diversifications ou de reconversion • Partenaires associatifs

Pêche industrielle

• Impact productivité • Labels • Bonnes pratiques • Infomations scientifiques

Pour le tourisme

• Plus de touristes • Diversification des activités • Moins de risques d’attaque • Satisfaction et retour clients • Package, partage, réseau • Diversification

Pour la plongée

• Nouveau site unique • Diversification des activités • Plus de plongeurs • Fidélisation • Prestige • Meilleure santé des récifs

Pour la population locale

• Conservation et mise en valeur du patrimoine • Tourisme plus respectueux • Opportunité emplois/business • Fierté, prestige • Education, formations

Pour le gouvernement

• Prestige à plusieurs niveaux • Science, recherche • Ocean Economy • Tourisme • Développement durable • Valorisation du patrimoine • Moins de risques d’attaques • Education, formation • Compétitivité • Présence d’experts • Collaborations internationales • Nombreux effets positifs indirects

Pour le récif et l’écosystème

• Matière organique disponible • Programme de conservation • Restauration de l’écosystème • Effets de la présence d’espèces clef-de-voute • Effets bénéfiques à long terme • Recherche, science, éducation

+ Productivité + Biodiversité + Surveillance + Protection + Résilience

Pour les poissons

• Meilleure santé et reproduction • Protection locale, zone source • Meilleure éco-organisation • Restauration des écosystèmes • Effets bénéfiques à long terme • Science, recherche, éducation

+ Boidiversité + Biomasse + Espèces rares + Effet réserve (-40 km)

Pour les requins

• Nourriture disponible • Renforcements sociaux • Meilleure santé • Protection • Restauration de l’écosystème • Education, sensibilisation • Prestige, exemplarité • Science, recherche • Moins d’attaques

Pour en savoir plus www.sharkserenity.com

« Nous n’avons pas hérité de la terre de nos parents pour en faire ce que nous voulons. Nous l’empruntons à nos enfants et devons faire attention à l’utiliser dans leur intérêt ainsi que dans le nôtre. » Moss Cass

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Indian Ocean Trepang est une entreprise d’élevage d’holothuries à Madagascar, qui permet aux populations locales de fonctionner comme des petits exploitants, en collaboration avec des ONG locales.

AQUA SPARK

LANCE UN FONDS D’INVESTISSEMENT POUR L’AQUACULTURE

« Nous avons deux investissements en cours en Afrique, un au Mozambique et un à Madagascar. Avec nos partenaires IDH, l’Initiative pour le commerce durable aux Pays-Bas, Msingi, la Fondation Gatsby et quelques autres, nous lançons un fonds d’aquaculture spécifiquement axé sur l’Afrique”, a déclaré Mike Velings, fondateur d’Aqua-Spark.

par Tsirisoa R. & J.Rombi

L’annonce de Mike Velings fait suite à une déclaration de Manuel Barange, directeur de la politique de la pêche et de l’aquaculture à la FAO, qui notait lors du Sommet Mondial de l’Océan en juin 2020 que “l’Afrique risque d’être laissée pour compte en termes de disponibilité de poissons et de produits de la mer pour sa population croissante ».

En réponse, Mike Velings a signalé qu’Aqua-Spark, aux côtés d’un éventail de partenaires dont le fonds d’investissement Hatch, cherchait précisément à résoudre ce problème. Hatch fait partie du portefeuille d’investissements d’Aqua-Spark.

La majorité des produits de l’aquaculture est fournie par la Chine, à 60 %, et à 85 % par l’Asie en général. L’Afrique ne fournit que 2,5 % de la production aquacole mondiale et sera le seul continent dont, d’après la FAO, la consommation de poisson par habitant diminuera d’ici 2030. En effet le contexte africain est très défavorable :

« L’Afrique est encore en situation de sous-alimentation, le continent n’a pas assez de financement, et ne produit pas assez d’alevins. En outre, l’Afrique ne présente pas de bons contrôles de la biosécurité ni de lutte contre les maladies. Il y est nécessaire d’y créer un environnement favorable en termes de politique et de réglementation, d’accès à la terre, d’accès à l’eau, de mesures d’incitations. Tous ces éléments, si vous les regardez individuellement, ont un grand potentiel pour développer l’aquaculture en Afrique, mais nous devrons commencer très rapidement, et tout de suite. Nous ne pouvons plus retarder cela », a rajouté Manuel Barange.

Pour Mike Velings : « Nous avons construit ce montage pour nous assurer que nous avons de bonnes chances d’empêcher la production et la consommation de baisser, et c’est aussi une excellente opportunité d’investissement ».

© Droits réservés

Aqua-Spark est un fonds d’investissement mondial basé à Utrecht, aux Pays-Bas, qui investit dans des entreprises aquacoles durables. Ici, une image de Chicoa Fish au Mozambique.

De réelles opportunités

Pour rappel, Aqua Spark a investi dans deux sociétés du secteur à Madagascar. Le premier était en 2016, à hauteur de 2,75 millions de dollars avec Indian Ocean Trepang (OIT)*, qui cultive des concombres de mer. Le second investissement, à 2,5 millions de dollars dans la même année, était avec l’américain LoveTheWild, producteur de produits de l’océan installé à Madagascar et orienté vers la maîtrise de la chaîne durable, de la production à la commercialisation.

Aqua Spark est également présent au Mozambique avec Chicoa Fish Farms où ce dernier a levé 1,5 million de dollars en 2015 dans l’aquaculture de tilapias.

Contacté par nos soins, Olivier Avalle, expert du secteur qui a notamment développé OIT à Tulear (Madagascar), reste néanmoins sceptique sur le développement de cette filière : « je reste assez pessimiste sur les possibilités de développement à Madagascar et en Afrique en général, entre épidémies, corruptions, guerres, instabilités chroniques, etc…. C’est dommage car de nombreux pays ont le potentiel».

*Indian Ocean Trepang (concombre de mer ou holothurie) est une exploitation industrielle d’holothuries, née en 2012 grâce à un procédé d’élevage unique au monde et développée in situ à Tulear.

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