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GREEN. L’AGRI HUB DE FERNEY, le

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Les premiers fruits des artichauts vont produire les premières semences mauriciennes.

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La canne à sucre n’est plus rentable depuis longtemps dans nos petites îles des Mascareignes. La preuve ? elle a dû sa survie ces dernières années grâce à des subventions et prix garantis sur le marché international. La mutation de cette monoculture vers des cultures vivrières plus variées (et plus rentables !) peut se faire rapidement, à condition de trouver le bon business model. Cette petite révolution agricole se dessine du côté de la vallée de Ferney, au sud de l’île Maurice. L’AGRI HUB DE FERNEY, LE NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE ?

Texte & photo : Jacques Rombi

Révolution ? Le mot n’est pas trop fort car ce modèle pourrait se décliner à toutes les îles de notre grand océan Indien : prenez des propriétaires terriens à la recherche de nouveaux modèles de production, ajoutez-y une population aussi variée qu’éclectique mais animée d’une abnégation au travail et passionnée par le travail de la terre, et vous tenez enfin une des clés à notre autonomie alimentaire (et du coup, une moindre dépendance avec la mondialisation castratrice). Concrètement, c’est l’expérience qui a commencé en septembre dernier à Ferney, sur les terres du puissant groupe Ciel, qui a choisi de transformer progressivement ses plantations cannières en productions vivrières bio. Pour Jean Marc Rivet, Estate manager à Ferney : « nous avons mis en location 34 hectares de terrains naguère plantés de canne à sucre et qui jouxtent notre ancienne usine. Ces terrains sont loués au prix du marché (soit environ 90 euros par hectare et par mois), mais ils ont tous accès à une alimentation en eau et en électricité. Ils sont donc très attractifs, car si de nombreuses terres sont en jachère à Maurice, rares sont celles qui peuvent être sécurisées et connectées aux réseaux électrique et hydraulique. La seule condition demandée est de produire en mode Bio ».

Créer un écosystème pour le développement de l’agriculture Bio

Mais les avantages ne s’arrêtent pas là. Le groupe Ciel, classé sixième dans le Top 500 régional de notre confrère l’Eco austral, dispose d’une crédibilité et d’une écoute auprès des institutions que n’ont pas les petits producteurs indépendants. Aussi, en se regroupant tous sous une même enseigne, ils peuvent collectivement profiter de l’interface du groupe pour accéder aux précieux sésames des financements, formations et suivis techniques.

« Nous avons engagé un vrai partenariat entre nous, les agriculteurs et les institutions qui permet par exemple de profiter d’un accompagnement technique avec le ministère de l’agro-industrie, notamment le service FAREI spécialisé dans les productions non sucrières. Ils ont pu bénéficier

Déjà 13 lots sur 17 disponibles ont fait l’objet d’un bail de 5 ans pour des parcelles allant d’un demi à 3 hectares.

Les profils des agriculteurs sont très variés : ici Bradley Vincent, champion mauricien de natation qui a tombé le maillot pour enfiler la tenue du jardinier. Objectif : produire sur 7500 m2 les premiers artichauts mauriciens à base de semences australiennes, en combinant : élevage de poules (pour l’engrais et les mauvaises herbes) et vergers de grenadiers (qui fourniront de l’ombre à ses poules).

de prêts intéressants émanant de la Devlopment Bank of Mauritius, ou encore de prix d’achat de fournitures grâce à nos plateformes d’achat à grande échelle. »

Soulignons que le FAREI a permis de donner des formations qualifiantes à ces nouveaux agriculteurs ainsi qu’à des riverains du site, préparant ainsi à une demande de main d’oeuvre spécialisée dans la production Bio quand la phase de croissance sera soutenue.

Un incubateur de start-up agricoles « Made in Moris »

En phase 2 de l’exploitation, il s’agira pour le Ferney Agri Hub, d’obtenir le label commun « Made in Moris » grâce à un cahier des charges (Bio) commun et de s’engager sur la voie de la production Hitech : « à Maurice nous estimons avoir 10 ans de retard par rapport à des pays comme Israël ou l’Europe du Nord. C’est pourquoi nous nous sommes rapprochés du cabinet norvégien Katapult en vue de mettre en place un incubateur de projets ici. Leur représentant à Maurice, Thomas Berman travaille déjà à la levée de fonds sur le marché international pour lancer cette phase 2 » précise Olivier Lincoln, Ferney Agri-Hub Production Manager.

Des besoins en trésorerie estimés à 3 millions US$ et qui permettront de mettre dans cet incubateur 8 start-up internationales aux côtés de deux start-up mauriciennes qui seront identifiées par appel à projets liés à l’agriculture Bio.

La phase 3 serait donc celle de l’éclosion de projets Hi tech qui pourront alors permettre plus de productivité à Maurice ou encore être exportés à l’étranger. Autant de valeur ajoutée qui serait issue du développement de cet écosystème lié à l’agriculture Bio et soutenu par les Autorités (Economic development Board, Mauritius Research innovation council, entre autres).

Ferney commence à aménager dans les locaux de l’ancienne usine sucrière, des petites et moyennes surfaces pré équipées pour accueillir les bureaux et les laboratoires de ces start up agricoles. Au vu de l’enthousiasme et la volonté d’entreprendre de nos interlocuteurs on ne peut que penser à une phase 4 qui verrait une généralisation de cet écosystème ailleurs dans l’île et dans la région proche. À commencer par Ferney : sur le millier d’hectares dont dispose le groupe Ciel, une centaine pourrait être mis à disposition d’autres candidats à cette agriculture du futur.

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GROUPEMENT D’ENTREPRISES. Une dizaine d’entreprises oeuvrant dans l’agroalimentaire vont travailler ensemble pendant trois ans pour aborder l’international avec une stratégie et une offre communes.

L’EXPORTATION COLLABORATIVE LE BON MODÈLE DU CLUB EXPORT

« L’Exportation collaborative » est le nom donné à la nouvelle plateforme mise en place par le Club Export. Derrière cette appellation se cache peut-être une solution pour le développement à l’export des petites structures réunionnaises et de toute la région. Explications.

Texte : Jacques Rombi

© Droits réservés

Laurent Lemaître, président du Club Export, et Bernard Picardo, président de la Chambre de Métiers lors de la signature de la convention de partenariat le 16 septembre dernier.

« Mieux qu’une simple plateforme il s’agit d’une mise en commun de compétences de petites entreprises oeuvrant dans un secteur similaire en vue d’exporter un ou plusieurs de leurs produits », dixit Laurent Lemaître, président du Club Export de La Réunion et instigateur de cette initiative qui précise : « les entreprises qui participent à l’expérience s’engagent pour 3 ans sous une identité visuelle commune, de façon à promouvoir un produit ou un service à l’export ».

L’idée est relativement simple mais encore fallait il y penser et surtout la mettre en œuvre : comme on le sait, le tissu entrepreneurial réunionnais est composé majoritairement de TPE et PME (Très Petites et Moyennes Entreprises) qui seules, n’ont pas les outils et les moyens pour se lancer à la conquête de marchés extérieurs. En se regroupant sous une entité commune, elles peuvent ainsi jouer groupé : « nous avons signé une convention de partenariat avec la Chambre de Métiers le 16 septembre dernier. Nous sommes en train de constituer un premier groupement composé de 10 entreprises maximum oeuvrant dans l’agroalimentaire haut de gamme, elles…

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L’exportation collaborative (suite)

…seront engagées sur une durée de trois ans renouvelable. Ensuite, elles bénéficieront d’une identité visuelle commune qui leur permettra de mutualiser les coûts de communication, de packaging et pourront partager une plateforme web commune. »

Ensemble on va plus loin

L’idée, in fine, est de leur favoriser la visibilité à l’international pour pouvoir exporter suivant un planning qui prévoit la création du groupement ce mois de juin et une création de l’offre (identité commune, web, brochures..) avant la fin de l’année. Actuellement le Club Export analyse les offres des entreprises candidates. Concrètement, prenons l’exemple de producteurs de confitures indépendants et trop petits pour s’attaquer tout seuls au marché international. En se regroupant sous une même enseigne, ils peuvent ainsi profiter d’économies d’échelle ainsi que d’aides immatérielles comme la synergie et les liens de confiance qui peuvent naître dans de telles associations. En bref comme dit le dicton : « ensemble on va plus loin »

En outre, le projet de Laurent Lemaître est de donner les rênes à ces entrepreneurs collaboratifs : en aval ils pourront gérer euxmêmes tout le process après des périodes de formations assurées par la Chambre de Métiers, mais en amont aussi, ils sont sollicités pour adhérer au groupement mais aussi pour demander les subventions auprès des bailleurs potentiels de leur côté. L’exportation collaborative est peut être la solution à l’émergence internationale des petits entrepreneurs réunionnais : un modèle à dupliquer dans les autres îles ? A suivre !

Le Club Export s’est inspiré d’exemples déjà réussis avec des vignobles bordelais ou encore avec ces producteurs d’huiles d’olives de Provence.

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Eco-Sud. Des centres agro-écologiques en gestation

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« Nous avons reçu 41 projets », indique Sébastien Sauvage, manager de l’Ong L’association écologiste Eco-Sud a initié un certain nombre d’ctions pour venir en aide aux familles touchées par la marée noire provoquée par le naufrage du MV Wakashio, dans le sud-est de Maurice. Cette catastrophe écologique a provoqué la fermeture du lagon du sud-est et la mise au chômage de centaines de personnes. Déjà, au début de la crise sanitaire liée au Covid-19, l’Ong avait soutenu les familles vulnérables en distribuant des repas. Après le naufrage du MV Wakashio cette action s’est intensifiée et Eco-Sud a soutenu 75 familles par mois. Entre fin septembre et début décembre une cellule psycho-médicale a examiné 277 personnes atteintes de pathologies directement ou indirectement liées à la marée noire. En décembre 2020, Eco-Sud avait lancé un appel à projets pour les habitants des régions touchées. « Au 15 février 2021, date limite pour la soumission des projets, nous avons reçu 41 projets », indique Sébastien Sauvage, manager de l’Ong. Ces projets proviennent de 10 entreprises, 1 coopérative, 25 Individus, 5 associations et seront lancés entre fin mars et début avril, selon Sébastien Sauvage. 36 d’entre eux porteront sur la production de moyens de subsistance alternatifs. Avec Mahébourg Espoir et CARITAS, Eco-Sud met aussi en place une boutique solidaire qui sera accompagnée de plusieurs activités en lien avec l’agronomie. « La boutique ouvrira en avril », annonce Sébastien Sauvage. à terme, l’objectif est de favoriser l’émergence de centres agro-écologiques, dans la région de Mahébourg. L’Ong a récolté Rs 21,9 millions (environ 460 000 € NDLR) à travers la plateforme Crowdfund.mu provenant de 12 200 donateurs de 121 pays mais principalement du Japon, de Grande-Bretagne, des Etats-Unis, de Maurice, du Canada, d’Australie, d’Allemagne, de France et de Suède.

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C’est dans une centaine de grottes du sud-ouest que vivent les chauves-souris à l’origine du guano transformé par la firme.

ENGRAIS BIOLOGIQUES LE MARCHÉ RÉGIONAL : UN ATOUT IMPORTANT POUR GUANOMAD

Il est resté optimiste malgré le contexte socioéconomique marqué par la crise du coronavirus, qui lui a fait perdre 40% de parts de marché. Le PDG de Guanomad, Erick Rajaonary, mise toujours sur l’exportation, qui assure 60% de ses ventes, tout en espérant une nouvelle « révolution verte » sur la Grande île pour permettre à sa firme d’optimiser ses potentialités de production.

Liva Rakotondrasata

« Nous avons déniché une nouvelle clientèle à La Réunion à la suite de notre participation à une foire, il y a trois ans », précise Erick Rajaonary PDG de Guanomad.

Guanomad produit des engrais biologiques à base de fiente de chauves-souris depuis quinze ans avec initialement 5 employés. Aujourd’hui, l’entreprise compte une soixantaine d’employés permanents et quelques 200 à 300 saisonniers, avec des clients en Europe (France, Belgique, Pays-Bas, Croatie, Slovénie), aux Etats-Unis, en Afrique de l’Est et à La Réunion. Le marché régional reste un atout pour Guanomad qui compte exporter 200 tonnes d’engrais à La Réunion cette année, pour quelque 80 000 dollars. « Nous avons déniché une nouvelle clientèle à La Réunion à la suite de notre participation à une foire, il y a trois ans », précise Erick Rajaonary. Au niveau régional tout peut évoluer assez vite, malheureusement en raison de la crise sanitaire les commandes mozambicaines de 700 tonnes d’engrais, équivalant à quelque 350 000 dollars, ont été annulées l’année dernière. Pour cette année, le PDG table sur une production de 4000 à 7000 tonnes. L’exportation constitue la majeure partie des revenus pour Guanomad. Pour une production de 4000 tonnes, la société pourra en effet espérer un revenu de 1,6 million de dollars. Ce qui est cependant bien en deçà de la capacité de production qui est de 1000 à 1500 tonnes de produits finis par mois, soit plus de 15000 tonnes par an. Si la demande ne faiblit pas en raison de la crise, Guanomad pourra donc maintenir le cap.

Le choix de la ville de Tulear, dans le sudouest de Madagascar, pour la mise en place de l’usine de transformation a été lié à la possibilité d’exportation à partir du port local. C’est dans la même région et une autre région contigüe, le Menabe, que sont exploitées également les matières premières, dans une centaine de grottes où vivent les chauves-souris à l’origine du guano transformé par la firme.

Une politique agricole efficace

Le marché local, qui représente pour le moment 40% des ventes de Guanomad, ne saurait cependant se développer si on n’accorde pas suffisamment d’importance au secteur agricole. « Nous avons à Madagascar des superficies importantes de terrains non encore exploitées, alors que 80% de la population sont des paysans », rappelle Erick Rajaonary, avant de poursuivre qu’une « politique agricole efficace doit être mise en place pour que la situation puisse évoluer». Vers 2008, à titre d’exemple, la « révolution verte » menée à travers les régions agricoles du pays a permis

à Guanomad d’atteindre une production de 13000 tonnes en une année. La marge de progression est importante quand on sait que le recours aux engrais est encore assez limité sur la Grande île par rapport à d’autres pays : on parle d’environ 200 kilos à l’hectare pour des pays de la l’Union Européenne, ou encore de 50 kilos à l’hectare pour l’Afrique du Sud, contre 5 kilos seulement pour Madagascar.

Engagements environnementaux

L’exploitation des engrais biologiques à base de guano doit toutefois être menée de manière raisonnable pour s’assurer de la pérennité de la production. D’autant qu’une minéralisation de 15 à 20 ans est nécessaire pour certaines matières qui se mélangent aux fientes de chauves-souris pour obtenir le guano. Ainsi, l’exploitation du guano ne peut pas s’effectuer pendant la période de l’hibernation. Une campagne de sensibilisation a été menée également auprès des populations locales qui ont, à un certain temps, chassé les chauves-souris pour les consommer. « Leur pratique de chasse permet de tuer en une heure une centaine de chauves-souris », précise le PDG de Guanomad. La société dispose déjà depuis dix ans d’un cahier de charges environnementales. Cela inclut notamment l’interdiction d’utilisation de machines dans les grottes, ainsi que l’obligation de restauration de la zone d’exploitation du guano. Les actions menées au cours des dernières années ont permis la disponibilité continue des matières premières. « Des grottes exploitées en 2008 ont pu ainsi régénérer du guano en 2018 », spécifie Erick Rajaonary.

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BIOMASSE VALORISABLE L’AGRICULTURE RÉUNIONNAISE MISE SUR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Paradoxe : l’agriculture réunionnaise importe 230 000 tonnes d’intrants agricoles chaque année mais « perd » 255 000 tonnes de biomasse réutilisable issue de ses propres sols. Une étude du CIRAD vient de montrer comment ce gisement pourrait être valorisé. Ambition : rendre l’île quasi-autonome sur cette question.

Olivier Pioch

Le constat est sans appel : bon an mal an, l’agriculture réunionnaise importe près de 30 000 tonnes d’engrais et 200 000 tonnes d’aliments d’élevage. Ces chiffres posent question, autant en termes économiques qu’environnementaux. Ils sont issus d’une étude menée ces trois dernières années par le CIRAD, en collaboration avec les fédérations et les coopératives agricoles : le projet GABIR (gestion agricole des biomasses à l’île de La Réunion).

Selon un inventaire réalisé dans le cadre de ce projet, La Réunion dispose pourtant d’un gisement de biomasse approchant les 2,1 millions de tonnes de matière brute. La bagasse de canne en représente environ 20 %, elle est majoritairement brûlée pour produire de l’énergie. Sur les 1,7 million restant, 83 % sont valorisés en agriculture et 2 % dans le secteur urbain. Reste 15 % qui sont enfouis, donc éliminés.

« Dans l’ensemble, ces chiffres prouvent qu’une forme d’économie circulaire construite autour de l’agriculture existe déjà à La Réunion, explique Mathieu Vigne, chercheur au CIRAD et coordinateur du projet. La majeure partie de la biomasse utilisée localement est produite directement par les agriculteurs (fourrages issus de prairies, paille de canne, effluents d’élevage, etc.) ou par des acteurs d’autres secteurs (écumes de sucreries, déchets verts urbains, etc.). »

Déchets verts, fibres de coco, biodéchets ménagers… De multiples gisements pourraient être mieux valorisés

Cette biomasse est utilisée comme aliment pour le bétail, en litière, sous forme de compost ou en épandage, comme fertilisant des plantes ou amendant des sols. Le problème réside plutôt dans ces 15 % de biomasse éliminée ; soit 255 000 tonnes qui seraient bien utiles si on les compare aux 230 000 tonnes d’intrants importés !

« Tout n’est pas substituable, mais des solutions existent, abonde Mathieu Vigne. Déchets verts, fibres de coco, biodéchets ménagers… De multiples gisements pourraient être mieux valorisés. La loi de transition énergétique va d’ailleurs dans ce sens et des initiatives sont en cours à La Réunion. »

La qualité agronomique des biomasses déjà utilisées pourrait par ailleurs être améliorée. Il s’agit notamment de réduire les pertes de carbone et de nutriments (azote, phosphore, potassium) entre le moment où la biomasse est produite et celui où elle est utilisée. Des aspects logistiques sont ici pointés : capacité de stockage, transport, échanges en circuit court, transformation en compost…

Il s’agit aussi de mieux équilibrer l’offre et la demande en fonction des types d’agriculture et des besoins des territoires. L’agriculture biologique (AB), par exemple, est clairement en demande. Bien qu’en forte croissance depuis dix ans à La Réunion, ce secteur peine à trouver des solutions pour mieux se développer. Une biomasse locale répondant au cahier des charges de l’AB et accessible à bon marché pourrait évidemment y aider !

La Réunion dispose d’un gisement de biomasse approchant les 2,1 millions de tonnes de matière brute

© A.Franck, Cirad

Fort de son expérience dans la valorisation énergétique de la bagasse, Albioma est devenu le partenaire privilégié des industriels du sucre pour produire de l’énergie renouvelable dans les territoires déconnectés des réseaux continentaux. (Photo au bas)

© Albioma

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Faire du compost en ville, c’est possible !

« Le compost c’est le garde-manger du sol ; le fertilisant, le fast-food des plantes ! » Fondateur en juin 2020 des Alchimistes Péi, une entreprise réunionnaise spécialisée dans le compostage des biodéchets alimentaires, Patrick Ouriaghli aime à répéter cette phrase qui résume bien sa philosophie. « Nous sommes partis du constat qu’il n’y a aucun sens à gâcher ces déchets, explique-t-il. Aujourd’hui, ils sont enfouis à 100 % alors que le gisement est colossal, c’est une aberration écologique et économique ! » D’autant qu’à fin 2023, le cadre légal européen imposera à chaque foyer l’obligation de les trier et les valoriser. Pour y parvenir, les Alchimistes s’en remettent donc au bon sens. Leur solution ? Le compostage contrôlé mécaniquement, une opération d’une simplicité étonnante ! « C’est une pratique ancestrale dans nos campagnes, reprend Patrick Ouriaghli. Nous avons juste amené un peu de savoir-faire supplémentaire pour produire un compost de qualité, sur un temps très réduit, à l’échelle urbaine. » Car c’est là toute l’originalité du projet : récolter et valoriser les biodéchets produits en ville. L’enjeu est de taille : une poubelle sur trois ne serait ainsi ni enfouie ni incinérée ! Un premier site de compostage électromécanique a été livré en 2020 à Saint-André, à l’ARDIE, une association d’insertion sociale. 30 tonnes de biodéchets par an, issus principalement des cantines scolaires du quartier Fayard, y sont valorisées. « Grâce à différents procédés, nous obtenons un compost conforme à la norme européenne en 8 semaines quand il faudrait 8 mois sans notre intervention. » De quoi voir plus grand. Sur leur prochain site, les Alchimistes Péi envisagent de traiter 2 000 tonnes de biodéchets pour produire 150 tonnes de compost commercialisable et 500 tonnes de pré-compost à mâturer qui serait livré gratuitement aux agriculteurs. A cet effet, ils cherchent un terrain, idéalement en zone périurbaine et dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant.

Dossier

ECONOMIE CIRCULAIRE

PHILIPPE MURCIA :

« Un euro investi dans l’économie bleue rapporte davantage qu’un euro investi dans une autre industrie »

Avec la crise sanitaire subie depuis près d’une année, la question de la coopération régionale est plus que jamais d’actualité… Cette crise va t’elle amplifier nos problématiques régionales de transport ou au contraire permettre de nouvelles opportunités ? Nous avons interrogé Philippe Murcia*, expert en économie bleue pour l’Afrique sub-saharienne et les îles de l’océan Indien.

Propos recueillis par Jacques Rombi

Pour lui : « Cette crise sanitaire provoque à la fois une aggravation de certaines problématiques dans le transport, mais génère aussi un électrochoc dans le tissu économique qui peut faire émerger des opportunités. Une étude que nous avons menée avec des experts de la Commission économique des Nations Unies montre qu’un euro investi dans l’économie bleue rapporte davantage qu’un euro investi dans une autre industrie.

Pourquoi ? Tout simplement parce que nous vivons sur des îles et nous sommes donc extrêmement dépendants de notre environnement marin que nous devons protéger car c’est notre richesse principale. Qu’il s’agisse de pêche, d’aquaculture, de transport maritime, d’industrie portuaire, de gestion de l’eau, de la magnifique biodiversité océanique, de tourisme, de ressources sous-marines, d’énergies de la mer, c’est un potentiel significatif de créations d’emplois dans des métiers traditionnels et innovants, donc de lutte contre la pauvreté ».

Philippe Murcia : Nous le répétons depuis des années : « l’union fait la force » et toutes ces îles du sud-ouest de l’océan Indien qui ont un potentiel import-export limité devraient conclure des accords maritimes inter-îles. Mais c’est l’inverse qui se produit, chacun se réfugie dans un marché interne qu’il tente de protéger à tout prix - c’est le cas de le dire - et on importe à la Réunion des carottes d’Australie et de Chine, aux Comores du sucre L’UNION FAIT du Brésil, etc… au lieu de se fournir en succulentes carottes de Madagascar ou du sucre aux normes LA FORCE internationales disponible à Maurice par exemple. Il est vrai que les armateurs au long cours sont sans doute plus intéressés par des flux sur des longues distances qui équilibrent leurs voyages, que par des transports maritimes sur de courtes distances qui n’entrent pas dans leurs stratégies de globalisation. Il est compréhensible qu’ils s’adaptent à des flux du marché totalement déséquilibrés où l’import à destination des îles prime considérablement sur l’export. En conséquence, les navires porte-containers arrivent pleins sur les îles en provenance d’Europe mais repartent vers l’Asie car le volume de marchandises à embarquer est insuffisant pour revenir directement vers l’Europe. D’un transit time (délai de mer) de deux semaines à l’aller en provenance Le Journal des Archipels : Les grands flux de d’Europe on passe facilement pour le retour à circulation maritime sont en train de chan- huit semaines avec des containers (y compris ger : comment développer nos échanges réfrigérés) qui partent des îles pour transborder inter-îles dans le cadre de ce nouvel ordre par exemple à Singapour avant de revenir vers mondial ? l’Europe, bonjour l’empreinte carbone … !

Les navires porte-containers arrivent pleins sur les îles en provenance d’Europe mais repartent vers l’Asie car le volume de marchandises à embarquer est insuffisant pour revenir directement vers l’Europe.

La solution est donc de rechercher absolument un développement du transport maritime régional qui échapperait aux contraintes des grands armateurs et qui boosterait le développement des échanges inter-îles car les produits alimentaires dont on a besoin sont souvent là à proximité, à quelques heures de navigation…

« La solution est de rechercher absolument un développement du transport maritime régional »

JDA : Nos infrastructures portuaires sont souvent de grande qualité mais pas toujours exploitées à 100%. Comment changer la donne en optimisant nos échanges régionaux et capter plus de flux internationaux ?

P.M : Les infrastructures portuaires sont souvent de qualité et aux normes : Port Louis, Port Réunion, le port de Longoni et bientôt le port de Tamatave grâce à la réhabilitation financée par la coopération japonaise (JICA), mais ne répondent pas aux mêmes besoins des populations. Les transports maritimes inter-îles devraient bénéficier d’un régime spécial qui les allègerait de coûts portuaires dissuasifs pour les petites unités navales nécessaires à l’approvisionnement régional.

C’est-à-dire que seul un volume massif de containers est aujourd’hui rentable pour une ligne régulière de navires de commerce et les retards de navigation entre les îles pendant les périodes cycloniques augmentent aussi le défi de la rentabilité. Le « business case » d’une ligne régionale mérite l’attention bienveillante de toutes les parties prenantes, car si nous continuons comme cela, rien ne changera et le déséquilibre restera là pendant des années.

* Fondateur d’Ocean Company Consulting, ancien directeur régional du groupe CMA CGM et précédemment directeur général du Port d’Ehoala pour Rio Tinto QMM, conseille aujourd’hui le groupe malgache ENAC. Il est également expert en Economie Maritime auprès de la Commission des Nations Unies pour l’Afrique (UNECA). Il a fait partie du collectif qui a rédigé le livre « L’Economie bleue en Afrique : Guide Pratique ».

Dossier ECONOMIE CIRCULAIRE

PORT REUNION DIX ANS POUR DEVENIR UN HUB MAJEUR DE TRANSBORDEMENT

Le Grand Port Maritime de La Réunion a validé l’an dernier son projet stratégique pour les cinq prochaines années. Mais face aux bouleversements des échanges mondiaux, c’est bien l’horizon 2030 qui est visé. Objectif : devenir un hub majeur de transbordement dans la région.

Olivier Pioch

Depuis 2014, le Grand Port Maritime de La Réunion (ou « Port Réunion ») adopte tous les cinq ans un nouveau projet stratégique censé le mettre en ordre de marche face aux défis d’un nouvel ordre mondial qui évolue à vitesse grand V.

Dans un contexte de grands bouleversements (changement climatique, basculement du barycentre économique mondial vers l’Asie, explosion démographique et développement d’une nouvelle classe moyenne dans les pays émergents), La Réunion a quelques atouts dans sa manche.

Région française et européenne dans l’océan Indien, elle représente un îlot favorable de développement économique, de sécurité et de stabilité. Ensuite, son voisinage direct est constitué de pays d’Afrique Australe et Orientale (AFAO) qui sont amenés à connaître ces changements de grande ampleur dans les années à venir, entraînant de facto des conséquences sur l’activité maritime et sur les ports de la zone.

Enfin, le bassin océan Indien est bordé par les pays du Moyen-Orient, du sous-continent Indien et d’Asie. Et de fait, une partie des échanges Europe/ Afrique/Asie passe à proximité de, voire par La Réunion.

Le projet stratégique 2014-2018 intégrait déjà ces données, avec une série d’actions qui ont permis de consolider la place du complexe portuaire dans l’économie locale, nationale et même internationale grâce, notamment, à une politique d’aménagement volontariste soutenue par de solides investissements (142 M€ sur la période). Le tout, dans une démarche de développement durable assez exemplaire.

Sur tous ces points, le projet stratégique 2019-2023, adopté l’an dernier, va plus loin. La nouvelle stratégie décline deux ambitions (être un port « responsable » et un port « rayonnant ») qui visent clairement un objectif à dix ans.

Responsable, Port Réunion entend l’être par sa politique sociale, ses mesures en faveur de l’environnement et sa capacité à assurer la transition énergétique. Quant au rayonnement, il sera atteint par des politiques de coopération régionale susceptibles de développer la connectivité maritime, mais aussi par des mesures plus locales, en particulier l’essor des escales de croisière, d’une vraie économie bleue à l’échelle de l’île et la modernisation des installations pour s’adapter au gigantisme des nouveaux navires.

Autant de mesures qui, à terme, pourraient permettre à Port Réunion de consolider son rôle de place forte locale et devenir le principal hub de transbordement régional.

© Pierre Marchal

Nous avons essayé de contacter Henri Dupuis, directeur d’exploitation commerce du Grand Port, pour en savoir plus. En vain.

Une économie BLEUE, CIRCULAIRE, DURABLE pour les îles d’Afrique

La pollution marine plastique est un véritable fl éau. Pour y remédier, il faut intervenir en amont. À travers le projet SWIOFISH2, la Commission de l’océan Indien et la Banque mondiale mobilisent les Etats insulaires d’Afrique et de l’océan Indien* pour développer l’économie circulaire. L’objectif est de réduire, réutiliser, recycler les déchets plastiques et de créer des fi lières innovantes génératrices d’emplois et de croissance.

L’action de SWIOFISH2 porte sur les stratégies et cadres à mettre en place aux niveaux national et régional pour créer les conditions nécessaires à l’émergence d’initiatives et de partenariats en faveur de l’économie circulaire. Construction d’une plateforme d’échanges en français, anglais et portugais et trois études en cours :

• Stratégie et plan de sensibilisation pour la réduction de l’utilisation des plastiques et soutenir l’économie circulaire • Droits de propriété intellectuelle pour soutenir l’innovation dans l’économie circulaire • Établissement de cadres nationaux et régionaux en matière d’économie circulaire.

*Comores, Réunion, Madagascar, Maurice, Seychelles, Cap Vert, Guinée Bissau, Sao Tome et Principe, Maldives.

Commission de l’océan Indien, Blue Tower, rue de l’Institut – Maurice - www.commissionoceanindien.org

Dossier

ECONOMIE CIRCULAIRE

© DR Le projet développé par Sealogair s’inspire en partie de ce modèle de porteconteneurs équipé d’une voile de kite.

Le mot n’est pas trop fort : Révolution ! Pourquoi ? En combinant les nouvelles technologies à une nouvelle logistique, le tout desservi à terme par un navire écologique fonctionnant avec nos déchets, le marin Christophe Deboos nous donne tout simplement une leçon d’économie circulaire. Explications.

Par Jacques Rombi

SEALOGAIR PRÉPARE LA RÉVOLUTION MARITIME RÉGIONALE

Si Christophe Deboos peut nous donner des leçons c’est bien qu’il a le profil d’un professeur : ex Area Manager Réunion-Mayotte chez Maersk (entre 2004 et 2008), cet accompagnateur de Compagnons (il accompagne de jeunes scouts à bâtir et réaliser un projet à l’étranger), s’est mis à son compte pour expérimenter le projet Sealogair. Parallèlement, il a mis en place le projet Fourmize qui a fait ses preuves à La Réunion et qui fait partie intégrante du développement de Sealogair. Avec un affrètement de navire parfaitement adapté aux besoins des échanges maritimes entre nos îles, Christophe Deboos avait pu tester en 2019 les problématiques liées à la connectivité maritime intra régionale. Même si le projet Sealogair a marché relativement bien, la crise liée au Covid aura ralenti la phase 2 du développement qui consistait en une levée de fonds pour créer une compagnie maritime. Et c’est tant mieux si l’on en croit le bouillonnant entrepreneur : « aujourd’hui le monde va très vite et il faut avoir une longueur d’avance qui, chez nous, se traduit par une vision en 2025 ». C’est le temps que Christophe Deboos estime pour mettre sur pied un projet révolutionnaire en deux

«Le monde va très vite et il faut avoir une longueur d’avance… »

Christophe Deboos

temps : la première étape, qui a déjà commencé, consiste en la mise en service d’une application et des mini box qui vont permettre de fluidifier les échanges Air-terre-mer : « grâce à notre expérience avec Sealogair en 2019, nous avons développé une application qui permet de grouper des petits et moyens volumes, les suivre jusqu’à leur destination finale. C’est une caractéristique dans notre région, les flux sont souvent trop faibles pour intéresser les grandes compagnies maritimes qui préfèrent mettre leurs conteneurs sur les grandes routes. Chez nous, avec les mini box* il est désormais possible à nos industriels ou agriculteurs d’expédier une quantité relativement faible de leur production vers les autres îles ou de diversifier les sources d’approvisionnement. Le système fonctionne comme une centrale de réservation et le client, le transitaire ou l’importateur peut suivre en temps réel la marchandise qui peut aussi bien être transportée par camion, avion, bateau… »

NOS PLASTIQUES ET HUILES USAGÉES COMME CARBURANT

Mais la révolution ne fait que commencer par là. Alors que tout le monde l’attend sur l’achat d’un bateau et la création d’une nouvelle compagnie maritime, Christophe Deboos, que nous avons contacté en France métropolitaine début avril, voit déjà plus loin : « les bateaux au fioul, même peu chargés en soufre, c’est fini, les banques n’en veulent plus. Aussi nous travaillons sur la conception d’un navire hybride qui fonctionnera à la fois à la voile et au fioul vert, c’est-à-dire produit à partir des plastiques et des huiles usagées consommées dans nos îles ». Et c’est là où le professeur d’économie circulaire nous donne

Nam, consed que pra prae. On cusapisquiae si consecto maximus dolorrum rem nulless inctiatus dolorum, sit, te corio expero quam fugitat. Nos consed qui volupta tquibea prem latus aut

une leçon : « avec l’entreprise Fourmize, qui s’implante à Maurice cette année, nous allons investir dans une machine qui, par un système de pyrolyse, va produire du fioul vert à partir du plastique. Pour le cas de La Réunion seulement, les stocks sont largement suffisants avec 120000 tonnes de plastiques annuels. Soit de quoi produire localement la moitié des 13000 tonnes de fioul importé de Singapour seulement pour les besoins locaux du transport maritime. On pourrait donc utiliser ce fioul vert non seulement pour les besoins de notre bateau, mais aussi en revendre à d’autres compagnies ». Christophe Deboos lance une perche à tous ceux qui réclament depuis plus de 20 ans la création d’une compagnie maritime pour nos îles. Aujourd’hui les compagnies privées et publiques sont invitées à participer à ce projet qui dépasse largement celui d’une simple compagnie. A suivre dans nos colonnes.

*Le MCP Famagusta, navire affrété par Sealogair en 2019, transportait jusqu’à 600 MCP (Mini Container pool). C’est un bateau de ce type, hybride de 100 à 150 mètres de long, qui pourrait desservir nos îles. Au niveau de l’ingénierie, des concepteurs de notre région doivent participer à son développement aux dires de Christophe Deboos.

Fourmize s’implante à l’Ile Maurice

Fourmize achète à des particuliers des déchets recyclables avec des bons de réduction (des Mizes) dans des commerces associés. Ce projet social et solidaire concerne plus particulièrement des populations qui ne pratiquent pas le tri sélectif à la source et qui, intéressées par ces bons de réduction, se rendent dans un point de collecte de proximité appelé “La Fourmizière”. Un modèle qui connait le succès à La réunion où il a été développé depuis 2020 et qui peut être répliqué sur d’autres territoires. Ce modèle d’économie circulaire a été repéré par le FASEP (Fonds d’études et d’aide au secteur privé) qui dépend de la Direction Générale du Trésor en France et qui sélectionne les projets innovants français qui peuvent s’exporter. Grâce à une subvention de 300 k€, l’entreprise s’implante à l’Ile Maurice cette année avec l’embauche d’une dizaine de personnes pour commencer. Elle est dirigée par Dominique Augsburger, impliquée chez Sealogair avec son agence Plum consulting.

Dossier

ECONOMIE CIRCULAIRE

« Quels sont les flux de marchandises et quelles sont les volontés des états à entrer dans ces échanges régionaux ? »

C’est ce qu’il faut déduire quand on essaie de décrypter ceux qui sont aux commandes des grandes orientations structurantes de notre région. Nous avons rencontré à Maurice Vinay Guddye, chef du département logistique aérienne et maritime à l’Economic development board (EDB) et Raj Mohabeer, chargé de mission à la Commission de l’océan Indien (COI). Leur vision sur cet éternel serpent de mer.

Par Jacques Rombi

Du côté des pays concernés, une étude est dans les tuyaux : « L’étude de la COI de 2015 a eu le mérite de confirmer nos doutes : nos petites économies insulaires ne justifient pas la création d’une compagnie maritime qui serait déficitaire. En revanche cette compagnie pourrait être viable si l’on associe les pays de la COI à des pays du Canal de Mozambique. Nous avons interrogé les gouvernements de la Tanzanie, Mozambique et Kenya qui tous sont favorables à une telle compagnie » dixit Vinay Guddye. L’idée étant de mettre en place des points de transbordement dans nos îles et sur la côte africaine (à Maputo, Dar es Salaam et Mombasa précisément) ; à partir de là les grandes compagnies maritimes pourraient être intéressées par UN PROJET DE l’utilisation de ces hubs régionaux . Ce que ne dit pas le responsable de COMPAGNIE MARITIME l’EDB ni les autres personnes interrogées dans ce dossier pour PORTÉ PAR LES ETATS ne pas froisser nos voisins sud-africains, c’est que ces nouveaux DE LA RÉGION ? hubs pourraient alors capter une partie des flux aujourd’hui centralisés sur le méga hub de Durban en Afrique du Sud. L’idée in fine étant de moins dépendre des grands pays exportateurs et de construire enfin une résilience régionale : « la crise du Raj Mohabeer Covid nous a permis de reconsidérer la chaîne est l’homme de de valeurs. Les carences de certains pays ont l’ombre qui pousse les projets de l’Indianocéanie au été mises en évidence car ils ont du mal à se procurer des vaccins ou simplement des PPN soleil, comme le (Produits de première nécessité). D’où l’intérêt projet abouti de de jouer groupés dans une vraie coopération câble Metiss. Il pose ici à côté de stocks de matériel destinés à la Somalie régionale où chacun apporterait sa pierre à l’édifice en optimisant nos outils comme par exemple les zones hors taxes et sous douane ». dans le cadre du Les autorités ont commencé avec le MFD* projet de sécurité c’est à cette condition que nous aurons une maritime MASE, géré par quatre organisations vraie sécurité d’approvisionnement, que nous appelons désormais la glocalisation. régionales dont Une logistique freeport AIR TERRE la COI. MER qui aurait toute sa logique à condition

Nam, consed que pra prae. On cusapisquiae si consecto maximus dolorrum rem nulless inctiatus dolorum, sit, te corio expero quam fugitat. Nos consed qui volupta tquibea prem latus aut

d’envisager des capacités plus importantes et surtout plus de connectivités inter îles.

La glocalisation, ou comment transformer nos chaînes de valeurs

Une autre étude nommée « Eastern Indian Ocean Company Project » plus ambitieuse et prenant en compte ces nouveaux paramètres post covid ainsi que ces partenaires africains est en cours du côté de la COI. C’est Raj Mohabeer, chargé de mission, qui en a la responsabilité : « En 2015 nous avions étudié la question du lancement d’une compagnie régionale avec l’achat d’un bateau. Aujourd’hui nous prenons la problématique par l’autre sens : quels sont les flux de marchandises et quelles sont les volontés des États à entrer dans ces échanges régionaux ? » L’étude, initiée à l’issue du Forum sur l’économie circulaire organisé par la COI en décembre 2019, a été stoppée suite à la crise Covid. Elle reprend aujourd’hui avec un financement de 875 000 dollars émanant de la coopération japonaise. A l’heure où nous bouclons ce numéro (début avril) Raj Mohabeer en était à la phase de finalisation des Termes de Références et au choix des trois experts (un Français, un Allemand et un Sud-africain).

Un projet qui, si sa viabilité est avérée après cette étude, devra faire l’objet d’un MOU (Memorandum of Understanding) des pays concernés. Fort de cet engagement et de ces prévisionnels, « les bailleurs de fonds devraient nous accompagner » précise un haut cadre de l’EDB qui conclue : « c’est possible mais il faut que tous les pays concernés parlent d’une même voix » A suivre en mode vigie !

* Mauritius Freeport Development (MFD) est un pôle de distribution et de logistique industrielle pour les marchés locaux, régionaux et internationaux

Madagascar : enfin des routes pour les ports de Diego et Ehoala

La Banque Européenne d’Investissement (BEI) a versé en septembre dernier la première partie de la subvention de l’Union européenne destinée à la modernisation des routes situées à l’extrême nord (RN 6) et l’extrême sud du pays (RN 13). Avec un montant de 235 millions d’euros, les deux routes devraient enfin pouvoir desservir les ports de Diego Suarez et surtout d’Ehoala dans le Sud. La réhabilitation de la RN°13 est déjà lancée avec un premier tronçon Fort Dauphin-Ambovombe long de 114 kilomètres. Cette route pourrait enfin donner au port d’Ehoala toute sa dimension régionale. Occupé seulement une semaine par mois pour les besoins du minier QMM qui l’a construit voici une décennie. Le port d’Ehoala est un des premiers ports en eaux profondes de la région avec16 mètres de tirant d’eau et 400 hectares de terre-pleins. Longtemps enclavé, la réhabilitation de la route du sud par l’UE le positionne aujourd’hui idéalement sur l’axe Afrique du Sud / Mascareignes / Asie.

Dossier

ECONOMIE CIRCULAIRE

Madagascar a exporté 2,64 milliards de dollars de marchandises en 2019, contre 3,92 milliards de dollars d’importation.

Tamatave demeure le principal port de Madagascar avec plus de 90% des marchandises y transitant pour être distribuées dans toute l’île, mais également pour la majorité des exportations. Les autres ports tiennent un rôle secondaire, notamment ceux du nord et de l’ouest de la Grande Île. Celui d’Ehoala à Fort-Dauphin, initialement dédié à l’exportation d’ilménite pour QMM (Rio Tinto), reçoit, comme Tamatave, Diego Suarez et Nosy-Be, des bateaux de croisières. Mais les choses pourraient changer.

Par nos correspondants permanents à Madagascar : Liva Rakotondrasata et Tsirisoa R.

MADAGASCAR AU CENTRE DE LA CONNECTIVITÉ RÉGIONALE ?

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Le port d’Ehoala, un pion important sur l’échiquier maritime régional. Conçu essentiellement pour l’exportation de l’ilménite extraite par la société Qit Madagascar Minerals (QMM)*, le Port d’Ehoala et ses 16 mètres de tirant d’eau a limité son potentiel à accueillir quelques paquebots de croisière. Mais la réhabilitation en cours de la Route nationale menant vers Fort-Dauphin va-t-elle changer la donne ? De belles perspectives expliquées par Andriantsoa Rabiaza, directeur du Port d’Ehoala. Lire la suite en scannant le QR CODE

En 2019, Madagascar a reçu 753 navires d’une taille moyenne de 24.400 tonnes, dont 269 navires de vrac (liquide et sec), 147 navires de charge classiques, 35 rouliers, 230 porte-conteneurs et 72 navires à passagers dont des bateaux de croisière. En termes de connectivité, les pays de provenance et de destination des navires qui opèrent sur la Grande Île sont l’île Maurice pour les produits manufacturés, Oman pour du fuel brut importé, Seychelles pour le tourisme, Singapour pour des produits manufacturés, et le Mozambique pour des produits divers. L’Afrique du Sud, la France, la Belgique et les Emirats Arabes Unis qui font entrer des produits manufacturés à Madagascar ferment ce classement.

ACCÉLÉRER LES INVESTISSEMENTS EN INFRASTRUCTURES DE TRANSPORTS

Le port de Tamatave a dépassé les 260,000 EVP à la fin 2018, avec 2,9 millions de tonnes de volume traité. Géré par la Société de Port Autonome de Toamasina (SPAT), ce port est en cours d’extension avec l’agence japonaise JICA pour une livraison totale en 2025. Cette relative performance laisse une marge de croissance à Madagascar sur le secteur maritime par rapport aux autres îles de l’océan

Nam, consed que pra prae. On cusapisquiae si consecto maximus dolorrum rem nulless inctiatus dolorum, sit, te corio expero quam fugitat. Nos consed qui volupta tquibea prem latus aut Le Canal des Pangalanes, autrefois cordon ombilical du commerce dans l’est du pays, sur lequel pourraient transiter à nouveau des produits agricoles vers le port fluvial de Tamatave. Le projet, un temps appuyé par le consortium marocain MarchicaMed, cherche encore une nouvelle formule pour son développement.

Indien. Plusieurs projets d’infrastructures conditionnent le développement de ce secteur afin de multiplier le volume d’échanges de Madagascar avec l’étranger : routes, ports secondaires, infrastructures logistiques comme le stockage et les ports secs, hôtels, …

Madagascar a exporté 2,64 milliards de dollars de marchandises en 2019, contre 3,92 milliards de dollars d’importation. Ce déficit de 1,28 milliard de dollars oblige le pays à accélérer ses investissements en infrastructures de transports afin d’acheminer plus rapidement les produits d’exportation vers les ports. L’Agence Portuaire, Maritime et Fluviale (APMF), qui gère pour le compte de l’Etat toutes les infrastructures et les opérations du transport maritime et fluvial, a finalisé la Politique nationale du Transport maritime (PNTM) en 2020. Cette politique appuie la connectivité prônée au niveau de la Commission de l’Océan Indien (COI) afin d’augmenter les échanges commerciaux entre les îles, tout en s’ouvrant aux marchés asiatiques et africains. Plus d’informations et de chiffres exclusifs sur lejournaldesarchipels.com

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Acheminement d’ilmenite vers le port d’Ehoala.

Dossier ECONOMIE CIRCULAIRE Madagascar au centre de la connectivité régionale ? (Suite)

NOUVELLES OPPORTUNITÉS D’ÉCHANGES AVEC L’ASIE : LA CHINE AU PREMIER PLAN

Si les grandes crises créent de nouvelles opportunités, la crise sanitaire et économique actuelle devrait rebattre les cartes pour les ports maritimes de l’océan Indien, et ceux de Madagascar auront tout à gagner dans une vision d’ensemble régional et surtout en s’orientant vers l’Afrique.

Les accords commerciaux récents entre des pays de la région avec ceux d’autres continents devraient en effet ouvrir de nouvelles voies de croissance pour nos ports. L’accord commercial de libre échange signé entre la Chine et l’île Maurice en 2018 est entré en application cette année. L’île Maurice en sera le premier bénéficiaire avec des facilités sur des droits de douane, mais des pays comme Madagascar où résident des industries mauriciennes, comme dans le textile, pourront en bénéficier. Le volume d’échange commercial total entre la Chine et l’île Maurice était de 842 millions de dollars en 2018, avec seulement 37 millions de dollars d’exportation mauricienne vers le géant asiatique. L’accord devrait ainsi avoir une incidence bénéfique directe pour le port de Tamatave par lequel transitent les produits manufacturés à Madagascar vers Port-Louis. Cette ligne et l’accord cité devraient également dégager des débouchés pour d’autres produits bruts ou semi-finis comme l’agroalimentaire malgache vers la Chine via des manufactures à Maurice qui vont augmenter leurs demandes sur les produits concernés par l’accord avec la Chine : le textile, l’acier et d’autres produits manufacturés. L’énorme demande chinoise sur ces produits est connue et l’accord mis en application récemment est un premier signal pour cette opportunité réelle pour les deux îles de l’océan Indien.

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L’accord ChineMaurice devrait avoir une incidence bénéfique directe pour Tamatave par lequel transitent les produits manufacturés à Madagascar vers Port-Louis.

L’énorme potentiel de productions agricoles et autres produits périssables du pays pourra être exporté quand les routes, puis les ports pourront être rénovés. L’Agence Portuaire, Maritime et Fluviale (APMF) a finalisé dans ce sens la Politique nationale du Transport maritime (PNTM) en 2020. Illustrations : les futurs ports de Diego (au nord du pays) et Tamatave (à l’est). Plus d’informations à lire sur notre site : QR CODE.

Dossier

ECONOMIE CIRCULAIRE

« C’est au 18e siècle, sous l’impulsion de Mahé de Labourdonnais en référence à sa connectivité maritime que l’Ile Maurice prit le surnom de « l’étoile et la clef de la mer des Indes. »

30 000 navires traversent chaque année l’océan Indien. Lancés sur une trajectoire qui les mène de l’Asie vers l’Europe, la plupart de ces navires passent au large des îles Mascareignes et de Madagascar. D’autres y font une brève escale pour se ravitailler, débarquer et/ou embarquer des marchandises, comme jadis les premiers navigateurs, mais à la différence qu’aujourd’hui leurs besoins ont évolué. Le fioul et l’électroménager ont remplacé l’eau et les épices.

Par Thierry Chateau LA « CLÉ DE LA MER DES INDES » S’ORGANISE EN AMÉNAGEANT SES INFRASTRUCTURES

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Mais pour les îles rien n’a changé, car leur dépendance des échanges maritimes est presque totale. Environ 90% du commerce dans l’océan indien se fait par voie maritime. Mais avec à peine 3% d’échanges régionaux, nos îles dépendent largement de l’extérieur et la crise mondiale liée à la pandémie de Covid-19, subie depuis près d’une année, constitue un défi à relever pour le secteur des transports maritimes dans le sud-ouest de l’océan Indien. « 2020 restera comme une année singulière avec une crise pandémique qui révèle à la fois les limites d’une mondialisation des échanges tout en révélant des pratiques innovantes », lance Ramalingum Maistry, Chairman de la Mauritius Ports Authority (MPA) et président en exercice de l’Association des Ports des Iles de l’océan Indien (APIOI). L’arrêt quasi planétaire des mobilités humaines a contrasté avec l’intensité des trafics logistiques qui ont garanti des approvisionnements maritimes et aériens devenus vitaux pour la plupart des territoires. Depuis février-mars 2020, Inde, Chine et Europe ont été affectés, les flux d’approvisionnement ont été remis en question. L’impact du coronavirus sur les activités portuaires et maritimes dans les îles de l’océan Indien a été, et reste, conséquent. Au plus fort du confinement, les bateaux étaient au point mort, les conteneurs vides, le prix du fret a connu des fluctuations. « Le volume des cargaisons a chuté mais les opérations se sont poursuivies », intervient le capitaine René Sanson, représentant du géant mondial Mediterranean Shipping Company (MSC) à Maurice où

«La crise pandémique révèle à la fois les limites d’une mondialisation des échanges et des pratiques innovantes. » Ramalingum Maistry Chairman de la Mauritius Ports Authority (MPA)

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Port-Louis : le port de pêche prend forme

L’ambitieux projet de port de pêche à Port-Louis est en train de prendre forme. La Mauritius Ports Authority (MPA) va investir Rs 1,6 milliard dans l’ensemble du projet (environ 33,5 M€ NDLR). Dans un premier temps, les travaux pour aménager un quai de 50 m et un bassin tranquille pouvant accueillir une centaine de bateaux sont en phase d’achèvement. Ils devraient être livrés dans le courant de cette année. Le projet comprend aussi la construction de 300m de quais supplémentaires et d’une zone industrielle qui accueillera des unités de transformation de poissons. Situé à Fort William, dans la zone sud du port mauricien, le futur port de pêche s’avance résolument vers le large. Son aménagement a nécessité le comblement d’une importante partie du lagon, à cet endroit. La construction d’un remblai et d’un brise-lames sera également nécessaire. Pour la deuxième phase du projet la MPA va faire appel à des opérateurs privés qui seront désignés à l’issue d’un exercice d’appel à candidatures. Les autorités portuaires mauriciennes comptent finaliser le choix de cet opérateur avant la fin de 2021 de façon à ce que le projet soit mis sur les rails dans les meilleurs délais.

il est leader sur le marché pour les volumes de transbordement. D’ailleurs chez MSC à Port-Louis, les bureaux sont restés ouverts en pleine période de confinement même si une bonne partie des employés s’étaient mis au télétravail. Comme dans d’autres secteurs le Covid-19 a eu des effets contraires sur les transports maritimes et les activités ont doublé. Pour les lignes maritimes notamment celles qui sont spécialisées dans le transport de conteneurs, 2020 a même été une bonne année, avec notamment une baisse dans le prix du pétrole…

LE COVID-19 A EU DES EFFETS CONTRAIRES SUR LES TRANSPORTS MARITIMES ET LES ACTIVITÉS ONT DOUBLÉ

Le Covid-19 a ainsi considérablement bouleversé la donne, changé le mode de consommation de la société globale et notamment celui des petites économies insulaires. Les ports du sud-ouest de l’océan Indien en ont subi les conséquences. « Il y a eu un grand désordre qui s’est installé dans la façon d’opérer des compagnies maritimes », note Dominique de Froberville, CEO de Mauritius Freeport Development (MFD), plateforme logistique leader dans la chaîne d’approvisionnement du port mauricien. La difficulté a été de gérer les flux des containers et la façon dont ils sont acheminés, vidés, dans un contexte mondial où la production industrielle avait été suspendue. Par exemple, les usines textiles mauriciennes ont fait face, à un moment, à un manque de matière première en provenance d’Inde à cause d’une indisponibilité dans le nombre de containers. La crise sanitaire a aussi eu un impact important sur le travail humain. Elle a provoqué un déséquilibre dans le système de rotation des équipages. Les contraintes liées aux mesures de sécurité n’ont pas aidé la fluidité…

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René Sanson, représentant du géant mondial Mediterranean Shipping Company (MSC)

Dossier ECONOMIE CIRCULAIRE

JOUER LA CARTE DES CROISIÈRES

Avec la pandémie de Covid-19, les activités de croisières sont au point mort. C’est le secteur maritime le plus durement touché, plongé en pleine crise. Dans la région, les croisières avaient pris leur envol depuis quelques années avec, notamment, le géant italien Costa Croisières. Dans le circuit des Iles Vanilles, il y avait, avant la crise, 35 escales par saison (décembre-mars). Aujourd’hui il y en a… zéro ! Mais les ports restent confiants de pouvoir renouer avec cette activité qui finalement représente cette opportunité de collaboration inter-îles tant souhaitée. « Nous estimons que la reprise des activités se fera en 2022 et devons nous y préparer », indique Ramalingum Maistry. « Nos ports doivent permettre d’ouvrir nos îles à un tourisme d’intérieur encore largement inexploité dans certains de nos pays », ajoute le président de l’APIOI. Ramalingum Maistry veut aller plus loin, vers l’Afrique de l’Est et le Golfe persique, s’appuyant sur une étude menée récemment par l’APIOI. Sur le continent, plusieurs options sont disponibles pour figurer sur la carte des croisières dans le sud-ouest de l’océan Indien. Dans le Golfe, Abu Dhabi serait un point d’entrée intéressant et ce port est déjà actif au niveau des croisières… « Les croisières ne peuvent se développer en isolement, donc tous les ports de la région peuvent en bénéficier », ajoute M. Maistry. Et le corollaire à l’activité de croisières c’est tout ce qui concerne le ravitaillement des paquebots. Pour les croisières, il devrait donc y avoir un « avant » et un « après » pandémie. …du trafic et continuent de peser lourd dans le bon fonctionnement du système. C’est le cas notamment à Maurice où les opérateurs n’hésitent pas à critiquer une certaine « rigidité ». « Le changement d’équipages est devenu extrêmement difficile à gérer », note un agent maritime spécialisé dans la gestion portuaire et les services aux équipages. Les règlements sanitaires, aux yeux des opérateurs, sont beaucoup trop rigides.

RECOURS ACCÉLÉRÉ AUX NOUVELLES TECHNOLOGIES

« Avec la pandémie, la question de l’efficacité des ports est devenue un enjeu de survie national. Il nous faut ainsi avoir recours aux nouvelles technologies, telles que l’intelligence artificielle, le big data, et la blockchain pour améliorer les performances portuaires », insiste Ramalingum Maistry. Pour le président de l’APIOI, l’efficacité du travail des ports est devenue un enjeu technologique. Il est rejoint en cela par Dominique de Froberville. « Tout développement de la chaîne d’approvisionnement doit reposer sur la compétitivité et l’efficacité d’un port », intervient le CEO de MFD. La crise sanitaire a démontré l’importance de dématérialiser les procédures : cette

Des coûts qui ont flambé depuis la crise Covid

« L’augmentation du coût du fret est une réalité qui porte un rude coup aux activités économiques. Dans le cas de Maurice, il a augmenté par trois voire beaucoup plus. Les explications sont multiples. «Les gros porte-conteneurs ne transbordent pas par Port-Louis actuellement et préfèrent le faire à Colombo (Sri Lanka), ce qui ajoute une étape et a un impact sur le coût», indique un promoteur mauricien qui a vu ses dépenses monter en flèche. Mais si elles reconnaissent qu’il y a eu augmentations, les compagnies maritimes présentes à Maurice se défendent et affirment ne pas être les seules à blâmer. «Les entreprises de camionnage ont elles aussi drastiquement augmenté leurs tarifs et ça, ça n’est pas contrôlé», insiste le cadre d’une grande compagnie maritime.»

transformation numérique qui a lieu dans les ports aura tout intérêt à être coordonnée car elle facilitera les échanges et sera source de richesse. À terme, cela entraînera une automatisation quasi complète des processus, interconnectés par l’internet des objets, optimisant ainsi à la fois les coûts et le temps passé sur de nombreuses activités opérationnelles. Par exemple, le port de Port Louis compte introduire une plateforme électronique pour planifier le meilleur moment et le meilleur endroit pour l’accostage des navires, améliorant ainsi considérablement l’efficacité des opérations. Les compagnies maritimes ont elles aussi franchi un cap avec la crise. « On s’est rendu compte que l’on pouvait aller plus loin dans le numérique, dans l’écologique », indique Tanguy Le Texier, président de l’Association Professionnelle de Agents Maritimes de Maurice (APAMM) et directeur général de CMA CGMs pour l’océan Indien. Depuis janvier 2020, les compagnies maritimes sont tenues de faire tourner les moteurs de leurs navires avec un carburant contenant seulement 0,5 % de soufre, au lieu de 3,5 % auparavant. Lire la suite sur lejournaldesarchipels.com en scannant le QR Code

Tanguy Le Texier, président de l’APAMM.

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«On s’est rendu compte que l’on pouvait aller plus loin dans le numérique, dans l’écologique »

APIOI, le réseau régional des ports

L’APIOI a été formée en 2008. À ce jour, les membres de l’association sont le port de Maurice (MPA), ceux de Toamasina et d’Ehoala (Madagascar), Port Réunion (Réunion), la Seychelles Ports Authority, le Port de Longoni, (Mayotte) et celui de Mutsamudu (Comores). Relativement jeune, l’APIOI doit se pourvoir des moyens nécessaires pour élaborer des plans d’action pour la réalisation de ses objectifs. Une étroite collaboration existe entre elle et la Commission de l’Océan Indien (COI), celle-ci considérant l’APIOI comme son bras exécutif maritime.

L’Association a pour but de promouvoir et commercialiser la région océan Indien pour y attirer les navires de croisière et de plaisance aussi bien que les bâtiments de commerce et de pêche semi- industrielle. Elle vise aussi à renforcer la coopération entre les différentes autorités portuaires, les organismes d’États des différentes nations membres et les opérateurs maritimes.

Mayotte : aménagement d’un « quai Mozambique » ?

Alors que la situation se complique au Mozambique* le port de Mayotte continue à s’organiser afin d’accueillir une partie de la logistique de Total, en plein chantier en vue de l’exploitation d’un gigantesque gisement gazier dans la province de Cabo Delgado. C’est le projet défendu par Ida Nel, la présidente de Mayotte Channel Gateway (MCG) qui assume la Délégation de Service Public pour la gestion du port de Longoni. La « patronne » du port a déjà soumis un plan d’extension et de modernisation du port afin de devenir la base arrière pour Total qui doit commencer son exploitation en 2024. D’après notre confrère Denis Hermann : « Lassée des lourdeurs administratives (dossiers du FEDER et du Plan de Convergence), Ida Nel a décidé de faire à sa manière en optant pour des prêts bancaires… » Le port actuel devrait être doté d’un nouveau quai, le « quai Mozambique » qui consiste en un aménagement du quai n°1 du port. A suivre dans nos colonnes.

*Au bouclage de ce numéro, des troupes djihadistes venaient d’envahir Palma, à proximité immédiate du site d’exploitation aménagé par Total.

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