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les interventions de personnes extérieures à l’usine : quelles précautions prendre pour prévenir les risques ? Si l’industriel a toujours été amené à faire intervenir sur ses sites divers types de personnes extérieures à l’usine, ces interventions se sont multipliées suite au développement des activités sous-traitées ou de nouveaux services, comme l’informatique. Les obligations juridiques des employeurs se sont elles aussi développées et renforcées, notamment en termes de sécurité, domaine dans lequel l’entreprise est soumise à une obligation de résultat, non de moyens. Le renforcement des obligations mises à la charge de l’employeur au regard de la santé au travail trouve à s’appliquer en cas d’intervention d’entreprises extérieures, en raison des risques dus à l’interférence des activités, des installations et des matériels. La mise en cause de la responsabilité de l’industriel pouvant avoir de lourdes conséquences sur le plan financier et pénal, il est essentiel de s’assurer que l’usine dispose de l’organisation indispensable au respect des prescriptions légales en matière de sécurité des personnes lors de ces interventions (cf.décret n°92-158 du 20/2/1992 et circulaire DRT n° 93/14 du 18/3/1993). Ce cahier juridique expose : 1. Les obligations des cocontractants au regard de la prévention du travail dissimulé 2. Le champ d’application des prescriptions en cas d’interventions de personnes xtérieures e 3. Les obligations de l’entreprise utilisatrice avant l’intervention 4. Les obligations de l’entreprise utilisatrice pendant l’intervention
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5. Le protocole de sécurité pour les opérations de chargement/déchargement
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1. Les obligations des cocontractants au regard de la prévention du travail dissimulé Première obligation qu’il est bon de rappeler : dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, l’entreprise a l’obligation de s’assurer – pour tout contrat d’un montant au moins égal à 3 000 euros, en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce –, que son cocontractant remplit ses obligations au regard du travail dissimulé (art. L.8222-1 du Code du travail). L’entreprise doit ainsi se faire remettre, par son cocontractant, lors de la conclusion du contrat, mais également tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution, les documents suivants : - une attestation de fourniture de déclarations sociales établie par l’URSSAF et datant de moins de six mois ; - une attestation sur l’honneur du dépôt auprès de l’administration fiscale de l’ensemble des déclarations fiscales obligatoires ; - si le cocontractant est obligatoirement inscrit au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) ou au répertoire des Métiers (RM), un extrait de l’inscription ainsi qu’un devis, une correspondance ou un document publicitaire mentionnant sa dénomination, son adresse complète et son numéro d’immatriculation RCS ou RM ; - si le cocontractant est une profession réglementée, le justificatif de l’inscription à la liste ou au tableau professionnel ou la référence de l’agrément délivré par
l’autorité compétente ; - si le cocontractant est en cours d’inscription, le récépissé de dépôt de la déclaration auprès du Centre de Formalités des Entreprises (CFE) compétent ; - si le cocontractant emploie des salariés, une attestation sur l’honneur certifiant que le travail sera réalisé avec des salariés employés régulièrement ; - enfin, si le cocontractant est établi à l’étranger, les documents équivalents selon la législation de son pays d’origine (art. D.8222-6 à D.8222-8). L’entreprise, qui n’effectuerait pas ce contrôle préalable, risque d’être tenue solidairement responsable du paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires dus aux administrations fiscales et sociales, sans oublier les majorations et pénalités sur ces sommes et les rémunérations, indemnités et autres charges dues au titre de l’emploi des salariés dissimulés.
Art. R.4511-5 « Le chef de l’entreprise utilisatrice assure la coordination générale des mesures de prévention qu’il prend et de celles que prennent l’ensemble des chefs des entreprises extérieures intervenant dans son établissement. »
2. Le champ d’application des prescriptions en cas d’interventions de personnes extérieures entre les activités des entreprises : l’initiative, la mise en œuvre, l’application et le suivi sont placées sous la responsabilité du chef de l’entreprise utilisatrice. Est considérée comme entreprise utilisatrice toute entreprise dans laquelle une « opération » est effectuée par du personnel appartenant à d’autres entreprises et qui n’est pas sous sa direction, qu’il y ait ou non relation contractuelle avec les entreprises intervenantes. L’« opération » correspond à toute prestation de services ou de travaux réalisée par une ou plusieurs
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Des prescriptions spécifiques s’appliquent pour les chantiers clos et indépendants ainsi que pour les opérations de bâtiment ou de génie civil, la réparation navale et les installations à hauts risques. Elles ne sont pas abordées dans le présent cahier. La réglementation applicable en cas d’intervention d’entreprises extérieures a pour vocation de mettre en œuvre une coordination générale entre l’entreprise utilisatrice et l’ensemble des entreprises extérieures intervenantes et leurs sous-traitants en vue d’assurer la sécurité des personnes. Cette coordination est, en effet, indispensable pour prévenir les risques liés à l’interférence
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entreprises afin de concourir à un même objectif (art. R.4511-4). La définition est donc particulièrement large. La jurisprudence a confirmé ce caractère extensif : ainsi un chef d’entreprise a été condamné pour défaut d’analyse des risques et d’élaboration de plan de prévention alors que l’entreprise extérieure, sollicitée pour une recherche de fuite destinée à établir la nécessité d’une possible intervention de sa part, était intervenue sur la toiture de l’entreprise utilisatrice sans alors ’avoir informé de cette intervention (Cass. crim.2 oct.2001. n° 00-86.917).
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L’entreprise extérieure est, quant à elle, définie comme toute entreprise juridiquement indépendante de l’entreprise utilisatrice, amenée à faire travailler son personnel dans les locaux de cette dernière, de manière ponctuelle, régulière ou permanente, avec ou sans relation contractuelle avec l’entreprise utilisatrice (cas des sous-traitants d’entreprises extérieures contractantes). Le personnel visé concerne aussi bien le personnel propre de l’entreprise extérieure que leurs travailleurs temporaires.
Exemple de condamnation « Sylvain C, président de la société, est poursuivi pour avoir omis de procéder avec le responsable de l’entreprise extérieure, préalablement à la mise en œuvre des travaux, à l’inspection commune des locaux, à l’analyse des risques et à l’élaboration d’un plan de prévention des risques (…) » Le « prévenu a commis une faute caractérisée ayant exposé autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer », et ce même si l’entreprise extérieure « avait spon-
tanément pris l’initiative de dépêcher sur place deux de ses salariés, à l’insu de l’entreprise utilisatrice et ces derniers, bien que conscients des risques qu’ils encouraient, se sont sciemment hissés sous les combles sans casque et sans ceinture de sécurité, » (…) qu’ainsi non seulement l’entreprise utilisatrice « n’avait pas donné son accord pour que la société C intervienne ce jour-là, mais elle ignorait totalement l’initiative intempestive de la société C (…) » ( Cass.crim. 2 oct. 2001)
3. Les obligations de l’entreprise utilisatrice avant l’intervention Dépassement des 400 heures « Le seuil de 400 heures (…) doit être dorénavant calculé en faisant masse de l’ensemble des contrats conclus pour la réalisation d’une même opération et non plus entreprise extérieure par entreprise extérieure » (circ DRTn°93/14 du 18 mars 1993)
sabilité – qu’il n’y a aucun risque lié à l’interférence, ils n’ont pas d’obligation de plan de prévention écrit. L’inspection commune des lieux de travail : L’initiative en revient au chef de l’entreprise utilisatrice, qui devra : - délimiter le secteur d’intervention, - matérialiser les zones d’intervention,
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On distingue plusieurs niveaux d’obligations, reprenant le schéma usuel en termes de prévention des risques : La première obligation sera d’analyser les risques liés à l’interférence des activités. Cette obligation ne sera remplie qu’avec un échange d’informations entre les entreprises et une analyse des risques, comportant une inspection préalable des lieux de travail. Cette analyse est impérative et doit être faite systématiquement, pour tout type d’intervention : la décision de la Cour de Cassation du 2 octobre 2001 ne laisse aucun doute sur ce point. Si des risques ont été détectés ou si l’opération effectuée dépasse 400 heures sur un an ou comprend des travaux dangereux, des mesures de prévention proportionnées à la nature et au niveau de risque doivent faire l’objet d’un accord écrit entre les entreprises concernées et constituent le plan de prévention. Si les chefs d’entreprise estiment – sous leur respon-
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- indiquer les voies de circulation autorisées, - communiquer aux chefs des entreprises intervenantes les consignes de sécurité en vigueur qui concerneront leurs salariés, - échanger avec les entreprises extérieures toutes les informations nécessaires à la prévention, notamment la description des travaux, des matériels utilisés, et des modes opératoires dès lors qu’ils ont une incidence sur la santé et la sécurité. Toutes les entreprises concourant à l’opération – y compris les sous-traitants – doivent participer physiquement et simultanément à cette coordination générale, leur participation relevant de la responsabilité de l’entreprise utilisatrice. Le Plan de Prévention : Les mesures prévues par le plan de prévention doivent comporter au minimum les informations suivantes : - la définition des phases d’activité dangereuses et les moyens de prévention correspondants, - l’adaptation des matériels, installations et dispositifs
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à la nature de l’opération, - les instructions à donner aux salariés, - l’organisation des premiers secours, - les conditions et modalités de la sous-traitance, incluant l’organisation du commandement des salariés et les mesures prises en vue de la coordination entre les entreprises, - la liste, fournie par chaque entreprise, des postes de travail pouvant relever, du fait des risques liés à l’intervention, d’une surveillance médicale spéciale, - le dispositif mis en place pour la mise à disposition des salariés des entreprises extérieures des installations sanitaires, vestiaires et locaux de restauration et, le cas échéant, la répartition des charges correspondantes entre les entreprises, - l’affichage de consignes de sécurité, un protocole en usage au sein de l’entreprise utilisatrice et des consignes écrites connues des salariés de l’entreprise extérieure ne saurait en aucun cas suffire : il y aurait carence de plan de prévention.
Art. R.4513-2 Le chef de l’entreprise utilisatrice organise, avec les chefs des entreprises extérieures qu’il estime utile d’inviter, des inspections et réunions périodiques, selon une périodicité qu’il définit, afin d’assurer, en fonction des risques ou lorsque les circonstances l’exigent : 1o Soit la coordination
générale dans l’enceinte de l’entreprise utilisatrice ; 2o Soit la coordination des mesures de prévention pour une opération donnée ; 3o Soit la coordination des mesures rendues nécessaires par les risques liés à l’interférence entre deux ou plusieurs opérations.
4. Les obligations de l’entreprise utilisatrice pendant l’intervention Le chef de l’entreprise utilisatrice doit s’assurer que les mesures prévues par le plan de prévention sont exécutées et doit coordonner les mesures nouvelles qui pourraient s’avérer nécessaires lors du déroulement de l’opération (art. R.4513-1). Il a également l’obligation de s’assurer que les chefs des entreprises extérieures ont bien communiqué à leurs salariés les consignes nécessaires (art. R.4513-7).
Cependant, si l’ensemble des opérations des entreprises extérieures présentes sur le site correspondent à une durée totale supérieure à 90 000 heures sur 12 mois, le chef de l’entreprise utilisatrice à l’obligation d’organiser des inspections et réunions trimestrielles.
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Il est en charge de l’organisation d’inspections et de réunions périodiques avec les entreprises extérieures. S’il peut ne convier que certaines des entreprises
concernées par l’opération, toutes devront être informées de ces inspections et réunions. La fréquence de ces réunions et les entreprises conviées à y participer relèvent de la responsabilité de l’entreprise utilisatrice.
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5. Le protocole de sécurité pour les opérations de chargement et déchargement Pour ces opérations, les entreprises sont soumises à des dispositions spécifiques prévues par les articles R.4515-1 à R.4515-11 du Code du travail. Ces opérations s’entendent comme toute activité concourant à la mise en place sur ou dans un engin de transport routier, ou à l’enlèvement de celui-ci de produits, fonds et valeurs, matériels ou engins, déchets, objets et matériaux de quelque nature que ce soit (Art. R.4515-2). Les dispositions applicables visent les opérations de chargement et déchargement exécutées par des entreprises extérieures effectuant le transport de marchandises en provenance ou à destination d’un lieu extérieur à l’enceinte de l’entreprise utilisatrice, dite « entreprise d’accueil ». Ces opérations doivent faire l’objet d’un document écrit dénommé « protocole de sécurité », remplaçant le plan de prévention. Il doit comporter toutes les informations nécessaires à l’évaluation des risques de toute nature générés par l’opération et l’ensemble des mesures de prévention et de sécurité à respecter tout au long de l’opération. Il devra notamment comporter : Pour l’entreprise d’accueil : - les consignes de sécurité ;
- le lieu de livraison ou de prise en charge, les modalités d’accès et de stationnement, le plan et les consignes de circulation ; - les matériels et engins spécifiques utilisés pour le chargement et le déchargement ; - les moyens de secours en cas d’incident et accident ; - l’identité du responsable. Pour l’entreprise de transport : - les caractéristiques du véhicule, son aménagement et ses équipements ; - la nature et le conditionnement de la marchandise ; - les précautions ou sujétions particulières du fait de la nature des marchandises. Ce protocole est applicable tant que les conditions de déroulement de l’opération n’ont subi aucune modification significative. Les opérations ne revêtant pas un caractère répétitif doivent donner lieu à un protocole spécifique. Une opération unique doit donc faire l’objet d’un tel protocole. Si un tel protocole complet ne peut être établi préalablement – par exemple, quand le prestataire ne peut être identifié au préalable par l’entreprise d’accueil – celle-ci a l’obligation de fournir et recueillir toutes les informations requises par tout moyen.
Véronique Vincent Véronique VINCENT,
Soulier Avocats
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Implanté à Paris, Lyon et Bruxelles, Soulier est un cabinet d’avocats pluridisciplinaire indépendant, propoAvocate sant aux différents acteurs du monde économique, industriel et financier une offre de services juridiques intégrée. Il accompagne des entreprises françaises et étrangères, cotées et non cotées, dans la définition et la mise en œuvre de leurs projets stratégiques, notamment dans le cadre d’opérations de sociétés aux plans national et transnational, de restructurations et de contrats commerciaux internationaux. Il représente également ses clients devant les tribunaux judiciaires et dans le cadre d’arbitrages. Son appartenance au World Law Group lui permet de bénéficier de contacts privilégiés dans tous les grands centres économiques et financiers du monde et, ainsi, de coordonner efficacement les projets de ses clients à l’international. www.soulier-avocats.com
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