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INSTANTS D’AUDIENCES
TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE RENNES
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Charlotte, 22 ans, revient sur les raisons qui, à Bruz, en mai dernier, l’ont poussée à consulter Louis, un électricien en retraite qui pratique à l’occasion l’activité de magnétiseur. « Je m’intéresse à la circulation de l’énergie et à la mémoire cellulaire. Louis m’a convaincue qu’il pouvait me guérir. On a beaucoup échangé sur mes di cultés, sur ma vie. J’avais une grande confi ance en lui. Du coup, je lui ai dit oui. A chaque fois qu’il me demandait de me déshabiller un petit peu plus, je lui ai dit oui. Tout a été amené habilement. Il a toujours demandé. Et moi, j’ai toujours dit oui. Il n’arrêtait pas de me parler, de me dire : “C’est la meilleure chose que tu vas vivre. Ça va te libérer.”» La présidente la coupe : « Et quand il a mis ses doigts dans votre sexe, a-t-il demandé ? » « Non, ça je ne savais pas. Je me suis cambrée. Il a retiré ses doigts. Du coup, il a arrêté et est revenu à des massages plus classiques. Il m’a dit que normalement, il ne faisait pas cela avant la quatrième séance. » Interrogé, Louis, 62 ans, reconnaît avoir massé le clitoris de Charlotte mais pas plus. « Je voulais la rééquilibrer. Remettre le chakra racine de son vagin en ligne. » « Et quelle formation avez-vous eu pour pratiquer ces massages tantriques ? », questionne la présidente. « J’ai fait une formation par téléphone. » « Ah, je me demande comment on apprend à masser par téléphone, s’interroge la présidente. Mais j’ai du mal à comprendre votre démarche de soin. Vous pensiez résoudre le malaise d’une ancienne agression sexuelle par une nouvelle atteinte à l’intimité. C’est un peu le même principe que le vaccin ? Vous inoculez la maladie ? Mais qui vous a dit de faire ça ? Dans quel livre, c’est écrit ? » Louis confesse : « Je reconnais que ce n’est pas malin d’avoir fait ça. Vu ce qu’elle m’a expliqué. J’aurais dû lui dire que son cas était trop lourd pour moi. » Louis est condamné à dix mois de prison avec sursis. Il est inscrit au fi chier des délinquants à caractère sexuel et a interdiction d’exercer une activité impliquant de la manipulation physique. Il devra verser 4 800 € de dommages et intérêts à sa victime.
21 SEPTEMBRE
Transport, détention, acquisition, cession, usage de stupéfi ants… Les charges retenues contre Enfardine, 20 ans, sont nombreuses. La justice reproche à cet habitant de Villejean d’avoir participé à la vente de quatre barrettes de cannabis et de deux cocottes de cocaïne dans un immeuble de la rue du Nivernais, le 30 novembre 2016. Après avoir vu son identité contrôlée sur place, les résultats d’analyse en laboratoire ont prouvé que ce sont bien les empreintes digitales d’Enfardine qui fi guraient sur les deux cocottes de cocaïne saisies. « Oui, j’ai aidé à les fabriquer. J’étais curieux de voir comment on faisait. Mais elles ne sont pas à moi », explique Enfardine. « Et comment expliquez-vous que, lors d’une perquisition chez vous, les policiers ont retrouvé 2 640 € en petites coupures ? » « Je voulais payer mon permis de conduire. » « On a du mal à imaginer comment vous avez amassé une telle somme alors que vous ne travaillez pas… », s’agace la présidente. « Mon frère qui bosse dans l’armée, m’avait donné de l’argent », répond tranquillement le jeune homme aux cheveux blond platine sur le dessus et noir de jais en dessous. « Parlez-nous des violences qui apparaissent dans les écoutes téléphoniques ? », questionne la présidente. « Comment ça ? Quand je me suis pris une balle ? » « Oui, c’est ça ! », répond la présidente, en écarquillant les yeux. « Je marchais dans la rue et je me suis pris une balle. C’est tout », livre Enfardine avec une incroyable nonchalance. Le procureur requiert huit mois ferme et la confi scation des 2 640 €. La présidente l’interrompt lors de son réquisitoire. « Page 17, je ne comprends pas ce que les 121 gr de cocaïne en date du 12 décembre viennent faire là. Je ne sais pas à quoi cela correspond. » « Moi, non plus », abonde le procureur. « Je le mets dans le débat », prévient la présidente. Après la suspension de séance, la présidente annonce : « Vous êtes relaxé de l’ensemble des chefs d’inculpation sauf celui d’usage. Vous écopez d’une amende de 500 €. Les 2 640 € saisis vous seront rendus. Vous devez cependant vous acquitter des 127 € pour frais de procédure. » Enfardine sautille jusqu’à la gre ère pour payer. « Non, non, nous ne sommes pas au supermarché ! Vous paierez en temps et en heure. » Enfardine repart avec un sourire jusqu’aux oreilles. Claire Staes
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