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GIGSTA

Gigsta « Je suis obsédée par le lien entre les mots et la techno »

Animatrice de Fictions sur Cashmere Radio et rédactrice chez Tracks, DJ Gigsta est aussi doctorante en littérature comparée. Elle défend une approche éthique de la techno.

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Le Mensuel: Qu’avez-vous ressenti pendant votre tout premier set ?

GIGST A : J’avais peur. Je suis timide face à la foule. Un soir, alors que je mixais à l’Antipode, j’ai remarqué des gens qui dansaient les yeux fermés. Ça m’a aidée à me dépasser. La danse est très importante pour moi.

Que gardez-vous comme souvenirs de Track/Narre, votre émission sur Canal B?

Ça m’a permis de rencontrer des gens, de commencer à me faire un nom quand j’arrivais à Rennes. Ça me plaisait de raconter des histoires en 90 minutes, de collectionner des disques. Je dépense tout en vin yles. J’en ai 1000. Je regrette parfois d’avoir laissé Rennes derrière moi. Mais j’ai une émission radio géniale à Berlin, dans un bar clandestin, au milieu des clients.

Comment définissez-vous votre style ?

Je mixe de tout : disco, house, techno… en fait, je crois que ce que j’aime bien dans les morceaux, ce sont les lignes de basse. J’ai vu un documentaire sur un chef qui a sacrifié sa vie à la recherche du meilleur sushi. Il est perfectionniste, il en rêv e la nuit. En le v oyant, je me suis rendue compte que la musique me garde en vie mais que je m’impose énormément de sacrifices.

Des artistes que vous appréciez ?

Ethiquement, j’aime l’approche du mix du Rennais Philo. Il voyage beaucoup, il fait beaucoup de soul, de disco, de funk. Il ne fait pas ça pour l’ego. Il s’intéresse à l’origine et à la signification des sons. Il y a aussi Nagababa, très engagé sur la question de la parité. C’ est lui qui m ’a poussée à mixer devant des gens.

Vous préparez une thèse sur l’écriture des musiques électroniques…

Je suis obsédée par le lien entre les mots et la techno. Comment décrire ce que nous fait cette musique, ce qui se passe en nous quand on danse ? Mes profs me disaient que la techno n ’avait pas créé une littérature comme le rock. J’avais en vie de prouver que cette musique avait au contraire suscité énormément d’écrits critiques et de fictions. En Allemagne, à la chute du Mur, la critique s’est axée sur son côté politique et symbo lique. En France, il y avait un fort besoin de revendication car c’était une musique minoritaire. Didier Lestrade, de Libération, s’est démarqué. Il citait des détails techniques, comme le nombre de battements à la minute.

Gigsta tient à ce que son visage ne soit pas médiatisé.

Je vais avoir un discours de vieux con, mais Internet a fragilisé l’économie de ces musiques. La critique est de plus en plus rare car il n ’y a pas de sous. En parallèle, énormément de marques investissent dans la scène. Certaines se posent comme institutions ou médias. J’ai plein d’amis qui mix ent et se disent de gauche tout en trouvant que la Redbull music academy c’est trop cool, sans s’interroger sur ce que ça implique. La question éthique se pose beaucoup moins dans ce milieu que dans d’autres.

Vos recherches et votre musique s’influencent-elles ?

Je trouve des morceaux, à travers ma recherche, que je mixe en tant que DJ. Et j’ai une vue d’ensemble sur la pratique car j’y réfléchis en tant que chercheuse. Comme beaucoup de choses ont été faites depuis trente ans, ça me permet de sor tir des sentiers battus. Julien Joly

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