Julien Morice
Enseignant : Pierre Musso
Master 1 TEF N° : 20504026
Fiche de lecture
Le SamouraĂŻ virtuel
De Neal Stephenson
Introduction Nous allons étudier le très célèbre ouvrage de Neal Stephenson : le samouraï virtuel , de son vrai nom « Snow crash », qui est un outil privilégier pour aborder l’univers de la science fiction et en particulier celui de la réalité virtuelle.
Ce roman que beaucoup dirons inspirer de Gibson est de l’incontournable Néromancien s’inscrit dans la « tradition » d’un mouvement très controversé : le cyber punk.
Dans un premier temps, nous dresserons un rapide portrait de l’auteur, avant de nous lancer dans l’analyse de l’ouvrage, qui, nous le verrons ne manque pas de richesse.
Au préalable, nous ne manquerons pas d’aborder le mouvement cyber punk, ainsi que les liens de Neal Stephenson avec ce dernier.
Ensuite nous aborderons la question de la convergence et du territoire qui est très présente tout au long du roman.
Enfin, nous comparerons cet ouvrage à l’œuvre cinématographique Matrix afin de distinguer ce qui diffère en terme de territoire.
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L’auteur
Neal Stephenson est né le 31 Octobre 1959 à Ford Meade dans le Maryland. Auteur de science fiction aujourd’hui fort réputé, il est devenu avec Gibson est bien d’autre, l’un des écrivain phare du genre.
C’est son ouvrage, le Samouraï virtuel (1992) qui va le faire connaître du grand public. Les oeuvres qu’il publiera par la suite connaîtront un franc succès. Parmi celle-ci nous pouvons citer : - l’âge de diamant (1995) : qui décrit un monde dans lequel les nano technologies ont pris une place prépondérante dans la société, et où l’humanité est divisée en castres culturelles - la trilogie Cryptonomicon (1999) : qui aborde dans un contexte de guerre l’importance décisive du cryptage et de la technologie.
D’aucun ne niera l’imagination explosive de l’auteur et surtout sa clairvoyance en terme de réalisme et de rapport à notre monde contemporain. Stephenson se situe bien loin des grandes utopies scientistes qui vouent au progrès de la technologie une foie sans limite et la clé du bonheur humain. Pour lui aux avancées scientifiques rimes autant progrès que régression. C’est en cela que ses romans gagnent en réalisme et en crédibilité.
Bien connu pour ses fins « qui ne finissent rien » comme dirons certaines critiques, ses livres ne manquent pas de laisser au lecteur toute sa subjectivité et son imagination. Ils constituent un excellent terrain d’analyse, de réflexion, d’anticipation et de critique de notre monde contemporain. Cet adepte du système d’exploitation Linux et de la philosophie Gnu1, inscrit ses romans et en particulier « le samouraï virtuel », dans une mouvance qui se veut anti utopique et très accès sur les nouvelles technologies et l’avenir : le cyber punk.
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Fondée par Richard M.Stallman
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Le mouvement cyber punk Avant d’entrer dans le résumé à proprement parlé du Samouraï virtuel, il est important, afin de saisir l’esprit de cet ouvrage et l’ambiance particulière qui y règne, de dire quelques mots sur le mouvement cyber punk.
Les rapports de Neil Stephenson avec l’univers du cyber punk sont très controversés. Certains affirment qu’il la même enterré, car il a avec son roman le samouraï virtuel, en quelque sorte bouclé la boucle et rendu caduques toutes tentatives d’immixtion dans le style. Ce dernier fait en quelque sorte office de « bouquet final » tant sur le point de la richesse des idées que sur la quantité des thèmes abordés (politique, réalité virtuelle, cybernétique). Cette théorie est cependant contestée par l’émergence de nouveaux auteurs de talent. Par la suite, c’est plus dans l’univers du Steampunk, que nous ne développerons pas ici (voir l’âge de diamant) que l’auteur va puiser son inspiration.
1) historique
Le cyber punk est à l’origine un genre littéraire qui s’est progressivement étendu à un mouvement culturel très influant.
Ce mouvement qui prend naissance dans les années 80 induit la notion de dystopie synonyme de contre utopie qui ce caractérise par des univers plutôt pessimistes, souvent emprunt de violence et de Chaos. Cela consiste souvent en une extrapolation à l’extrême certaines tendances de notre société contemporaine afin de mettre en exergue les dangers de tel où tel mouvement politique, philosophique où religieux. Parmi les ouvrages phare que l’on peut citer, il y a les très célèbres 1984 de Georges Owell et le meilleur des mondes de Aldous Oxleys très caractéristique d’une vision cauchemardesque de notre futur par anticipation.
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2) Caractéristiques
Les personnages des romans sont souvent des êtres améliorés ou on pourrait dire boostés (à l’instar de Ghost in the shell2). Le rapport à la technologie est omniprésent et la cybernétique est souvent une composante essentielle de ces univers. Précisons aussi l’importance de la drogue et de tout ce que l’on peut qualifier de paradis virtuels.
Pour revenir à la notion de chaos, il est fréquent dans les références du styles que les états soient supplantés par des firmes, des entreprises privées, des multinationales…C’est une extrapolation à l’extrême d’une forme de libéralisme dont nous voyons déjà l’ombre recouvrir la mappemonde et toutes les organisations humaines.
En fait, politiquement parlant, ce mouvement découle directement de la fin de la guerre froide et de la débâcle communiste. L’équilibre mondial (certes terrifiant) entre deux bloques ennemis a été rompu et de fait, les états Unis donc le modèle capitaliste sont sortie vainqueur. Laissant libre cours à toute une politique libérale à l’échelle mondiale, avec tous les avantages et les inconvénients que cela comporte.
3) La fin du mouvement
Si le mouvement cyber punk n’a jamais été aussi d’actualité, c’est paradoxalement ce qui provoque sa chute. Il semble en effet que la destiné de ce dernier ne pouvait être qu’éphémère. C’est justement la clairvoyance de ces adeptes et en particulier de Neil Stephenson qui l’enterre à jamais.
En effet, sous certains aspects les romans cyber punk qualifiés de fiction font corps avec la réalité contemporaine, et les thèmes sur lesquels ils prennent appuie, à savoir, la pollution, le terrorisme international, l’empire des multinationales, la cybernétique ou encore et surtout la réalité virtuelle et le monde
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Film de Mamouru Oshi inspiré de la bande dessinée de Masamune Shirow
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des réseaux, sont plus que jamais au centre de nos intérêts et de nos préoccupations. Ainsi, la fiction et la réalité se chevauchent est les romans cyber punk n’ont plus lieu d’être puisqu’il n’y a plus anticipation mais quasi description de notre réalité.
Ce n’est du moins, je le précise qu’une théorie car de nouveaux auteurs, à l’instar de Richard Morgan se prétendent encore de ce mouvement.
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Résumé de l’ouvrage 1) le contexte
L’histoire se déroule dans un environnement fidèle à la tradition des univers cyber punk que j’ai décrit précédemment. Le lecteur est immergé dans une Amérique en quelque sorte balkanisée en une multitude de micro sociétés fédérées par des multinationales sous fond de corruption, guerre de gang et conflits d’intérêt. L’état nation a éclaté et il n’y a plus a proprement parlé de lois. Ainsi, chaque organisation définie elle même les droits et les devoirs de ses mandataires, les derniers étant souvent plus nombreux et important que les premiers.
En terme de temporalité, l’histoire se déroule dans un avenir proche, puisque l’auteur fait souvent référence à des évènements historiques lorsqu’il s’immisce dans les histoires de vie de ses personnages.3
Les états Unis d’Amérique n’existent plus et sont donc devenus une zone plus où moins anarchique où organisations mafieuses et groupes paramilitaires coexistent. L’une des caractéristiques de cette nouvelle société, est le communautarisme se traduisant par l’appartenance de groupes ethniques à une même organisation.4
Il reste cependant une organisation d’état rescapée, les Feeds. Présentée au départ comme l’alliance d’individus ayant le sens du devoir, de la patrie et des responsabilités, qui semblent, de plus, désintéressés car ils ne travaillent pas exclusivement pour l’argent. De fait, ils en gagnent très peu. Cependant, la réalité est moins édulcorante lorsqu’on s’aperçoit des conditions de travail auxquelles les Feeds sont soumis. L’auteur semble ici nous faire la caricature d’un état communisme et totalitariste à l’instar du du célèbre ouvrage de George Orwell.5 3 4
Référence à la Guerre du Vietnam, voir référence à Elvis Presley etc. Exemple des groupes narco colombiens où des siciliens etc.
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En effet, dans cette organisation très puritaine, c’est la communauté qui compte avant l’individu. Au travail l’auteur aborde la notion d’interchangeabilité, et finalement de désindividualisation. Enfin, autre point très important, celui de la liberté, puisque pour ainsi dire, elle n’existe pas, tant dans l’enceinte de l’organisation que dans la sphère privée. Concrètement, quand on rentre chez les Feeds, on signe un contrat qui leur donne tous les droits sur la personne mandataire.
Dans cet univers du Samouraï virtuel trois secteurs d’activité « embauchent » : -
La sécurité : car comme les lois n’existent plus et le port d’armes est très démocratisé. Ainsi, les organisations ont besoin pour survivre d’un système de sécurité performant autant d’un point de vue humain que matériel.
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Les renseignements : la première stratégie des organisations qui veulent s’imposer est de connaître ses ennemis et tout ce qui peut lui apporter des profits. Ainsi, un système en réseau la CIC « centrale intelligence corporation », que nous détaillerons par la suite emploi, où du moins commissionne, des milliers de collaborateurs et vend de l’information.
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Le secteur des transports : le territoire reste matériel, du moins en partie comme nous le verrons, ainsi, il faut toujours assurer la distribution des biens sur ce dernier.
Mais finalement, cette société reste malgré tout, une société de l’information et de la communication qui se caractérise par l’importance du secteur des services.
2) La technologie
a) un monde futuriste
Si dans le Samouraï virtuel il est bien évidant qu’en comparaison à notre réalité contemporaine il y bien eu régression social, ce n’est pas le cas en terme de progrès de la technologie.
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1984
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Ces progrès se traduisent dans un premier lieu en terme de matériel de sécurité, comme c’est bien souvent le cas. Entendons par là, les armes, les systèmes d’auto défense, de radar et de détection et les moyens de circulation. Nous ne rentrerons pas ici dans une énumération de tous les gadgets et outils présents, qui vont des fameux chienchien cyborg à la bombe à hydrogène, dont Neal Stephenson nous fait la description très détaillée, l’intérêt d’un tel exercice étant tout à fait relatif.
D’ailleurs, à ce sujet, Stephenson aborde un thème que je nommerai : extension du pouvoir individuel où on pourrait dire également, surpuissance individuel. Cela ce traduit par la détention d’outils technologiques très dangereux pour un grand nombre d’individu en possession d’une seule personne. Ce thème pourrait ce rapprocher du terrorisme, il se traduit dans Le Samouraï virtuel par le personnage de Raven qui ne sort jamais sans sa bombe H. Le détonateur de cette dernière est directement relié à son cerveau : s’il meurt, elle explose. C’est pourquoi sa force de dissuasion lui permet d’agir à peut près comme il l’attend car les forces de sécurité ferment les yeux sur ses agissements et même, le protège. C’est là encore un sujet bien d’actualité qui va de paire avec l’accroissement des technologies et l’efficacité des réseaux en terme de diffusion d’information relatives à la fabrication de bombes artisanales par exemple.6
Les progrès se traduisent aussi en terme de matériel informatique, puisque qu’à l’ordinateur actuel à deux dimension s’est substituer l’ordinateur équipé de lunettes qui offre à son propriétaire la possibilité de voire en trois dimensions. La mémoire de stockage a elle aussi bien évidemment explosé. Abordons d’ailleurs dès maintenant, très brièvement, ce qui par la suite va concerner la majeure partie de notre travail : Le Métavers. Ce n’est autre qu’un monde virtuel dans lequel l’individu connecté se déplace sous la forme d’un avatar plus où moins élaboré graphiquement. Nous aborderons plus précisément sa description dans notre partie consacrée aux réseaux et à la réalité virtuelle.
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Comme on peut en trouver sur Internet
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b) L’accès aux technologies
Interessons nous maintenant à un thème cher au cyber punk que Neal Stephenson ne manque pas de nous décrire, à savoir, les inégalités. Si à l’heure actuelle les écarts de niveaux de vie entre les pays et en particulier entre le Nord et le Sud sont avérés, dans le samouraï virtuel, il semble que sur ce point, là encore, les choses ne sont pas allées en s’améliorant. En effet, il est souvent question de la misère humaine en terme économique cette fois, et souvent aussi, en terme d’alimentation. D’ailleurs, le faible pourcentage de personnes qui ont la possibilité de se connecter au Métavers7 est représentatif de cet état des choses. Il semble en effet que la loi de Moore8 n’a profité qu’à un petit nombre de privilégiés.
Dans le samouraï virtuel, l’hétérogénéité au sein du même pays est immense, certains possèdent à eux seul un véritable empire9, d’autres croulent sous la misère. Il n’y a bien sûre aucune couverture sociale, et si Neil Stephenson n’évoque pas le devenir des personnes âgées qui ne peuvent plus travailler, nous pouvons redouter le pire quant à leur destiné.
C’est encore une caractéristique des conséquences que pourrait avoir le libéralisme poussé à l’extrême : les riches deviennent très riche et les pauvres, de plus en plus pauvres.
c) Les réseaux et la réalité virtuelle
La CIC : centrale intelligence numérique
Nous en venons à l’élément du livre qui est le plus intéressant pour notre étude sur la convergence numérique. Avant d’analyser cet aspect d’une manière plus
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Quelques millions de personnes sur plusieurs milliards Baisse des prix et augmentation de la puissance 9 Bob Rife l’inventeur du métavers ou encore Enzo, le chef de la mafia 8
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approfondie dans notre dernière partie, nous allons faire la description du réseau d’information CIC « centrale intelligence corporation », et de cet univers virtuel qu’est le Métavers. Le personnage principale de notre roman : Hiro protagoniste10 est, parmi ces nombreuses autres activités, un correspondant de la centrale intelligence corporation. C’est une gigantesque banque de donnée dans laquelle des milliers de correspondants dispersés aux quatre coins de la planète viennent déverser des informations. Ces derniers sont rémunérés en fonction du nombre de personnes à qui la CIC vendra l’information. Ainsi, seul 1% du contenu dans cette banque de données est consulté, pour le reste les informateurs ont travaillé, pour ainsi dire, gratuitement. C’est encore, une caractéristique du système libérale avec la méthode des fameuses commissions et de la rémunération au mérite qui est beaucoup utilisé dans le secteur de la vente à l’heure actuelle. Finalement la CIC, n’est autre qu’un immense réservoir d’information consultable en réseaux. Elle contient tous types d’informations sous tous formats (vidéo, audio, écrit…). En fait, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une base de donnée, telle que l’on en trouve sur Internet à l’heure actuelle, qui a l’avantage de générer un gros effort humain assurant ainsi à ce produit (car finalement c’est de cela qu’il s’agit) une valeur qualitative toujours mise à jour.
La CIC, vend à ces clients les plus aisés, ce que nous pourrions nommer en langage commerciale : « un packaging ». Il se compose, d’un accès à toutes les informations de la CIC, d’un avatar bibliothécaire très performant pour aider l’utilisateur dans ses recherches et même d’un logiciel nommé « planète ». Ce dernier se présente sous la forme de la planète terre qui planant à côté de l’utilisateur et dans laquelle il peut se projeter, tel un cosmonaute, et scruter chaque détail de la mappemonde.
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En version original : Hero protagoniste (ce qui ne manque d’humour)
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Ce logiciel n’est pas sans rappeler l’outil google heart récemment mis en place. Sur ce point, nous pouvons également apprécier la logique de l’auteur qui conçoit que l’outil ne peut fonctionner en tant réel (ce qui nécessiterait bien trop de moyens) mais est actualisé sur une échelle de quelques heures. Ce qui est déjà techniquement très difficile à réaliser même dans les temps futurs.
La réalité virtuelle : le Métavers
Hiro, ancien hacker, est également un fervent utilisateur de son ordinateur mais il s’en sert la plupart du temps pour vivre une seconde existence ou du moins sous une seconde forme. C’est ce que l’on pourrait qualifier de nouvel usage de l’outil informatique. En effet, il existe grâce aux réseaux, un univers totalement virtuel dans lesquels Hiro
se
connecte
à
l’aide
de
son
ordinateur
équipé
de
lunettes
multidimensionnelles et d’écouteurs. Cet univers, c’est le Métavers. Il se présente sous la forme d’un grand boulevard virtuel dans lequel on peut se déplacer à l’aide d’un avatar que l’on a programmé soit même ou que l’on a acheté dans le commerce. Les avatars respectent cependant un protocole particulier, en effet, il est impossible que l’avatar soit plus grand que l’utilisateur connecté.
Comme le réseau est mondial, la population dans le métaver évolue en fonction de l’heure. En effet, quand Hiro se connecte pendant la nuit, il rencontre plus de personnes asiatiques que d’origine américaine.
Le Métavers rend possible l’existence d’autre protocole informatique, l’un créé entre autre, par Hiro, qui s’appelle le soleil noir. C’est un espace au sein du Métavers dans lequel ne peut accéder qu’une élite et qui ressemble encore plus à la réalité.
Mais nous resterons pour l’instant volontairement vague afin de ne pas empiéter sur notre prochain chapitre lié à la convergence.
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3) L’intrigue
L’intrigue tourne autour du mythe de la tour de Babel, auquel l’auteur prête réalité historique, du moins en ce qui concerne la langue.
Pour faire face à un mystérieux virus qui semble affecter à la fois le monde virtuel du Métavers et le monde réel, notre « héro protagoniste » assister de Y.T, une jeune fille de 15 ans, particulièrement habile, va devoir décrypter l’histoire du peuple sumérien. Cette histoire est intimement liée à celle de sa langue considérée comme le fameux langage universel compris de tous.
Partant du postulat que le langage n’est pas simplement un outil mais fait partie des structures profondes de notre cerveau et que tous les langages ont en commun une même base considérée, en langage informatique, comme notre système d’exploitation.11 Pour illustrer cela, l’auteur ce sert des travaux d’un de nos contemporains : Noam Chomsky, dont la théorie affirme que les structures profondes du langage sont des composants naturels du cerveau qui lui permettent d’accomplir certaines sortes d’opérations formelles sur des chaînes de symbole. Tout un programme. Dans ce que j’ai lu sur le sujet12, Chomsky se base sur le béhaviorisme (ou comportementalisme) « qui ne peut rendre compte de la capacité humaine à produire une infinité d’énoncés à partir d’un nombre fini d’éléments appris. Il faut donc supposer une faculté langagière innée. »
C’est par ce biais que l’auteur donne donc vie et réalité au mythe de la tour de Babel en affirmant que la chute de cette dernière, soit la disparition du langage universel, n’a pas desservi l’homme. Au contraire, elle l’a protégé contre le virus neurolinguistique en multipliant les langages pour le rendre inopérant.
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Dans cette métaphore, les langues n’étant les programmes Encyclopédie Wikipédia
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Hélas, le virus contre attaque dans « le samouraï virtuel » en se propageant chez les hacker et programmeurs par le biais du langage binaire que ces derniers, inconsciemment, maîtrisent. De plus, comme le virus s’installe dans les structures neuronales puis dans l’ADN, Bob Rife (qui a le rôle du « méchant ») souhaite le transmettre à l’ensemble des individus par le biais de la transfusion sanguine.
Il est inutile de développer ici ce qui est de l’ordre de l’action et du dénouement qui n’a pour nous qu’un intérêt mineur.
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La question de la convergence : l’articulation entre la réalité et le Métavers. Non allons, maintenant analyser en quoi Neal Stephenson dans le samouraï virtuel est bien en accord avec l’idée que le réseau ne se substitue pas au territoire réel mais s’articule avec lui. Ainsi nous étudierons la notion de convergence en nous basant sur les principales caractéristiques du Métavers et en particulier du Soleil Noir.13
1) La ressemblance au réel
Comme nous en avons fait la description de manière succincte précédemment, le Métavers ressemble à un grand boulevard, avec des bâtiments dans le centre et dans la périphérie, qui s’apparente à la réalité. Les programmeurs prévoyant son succès en cour des années on vu large, et le protocole donne au boulevard un rayon de 10 000 kilomètres conférant au Métavers une circonférence totale de 60 000 kilomètres. Nous abordons ainsi la notion de territoire virtuel qui s’avoisine à la superficie de notre planète.
Certains lecteurs se sont même montré déçu de ce « manque d’imagination » comme j’ai pu le lire dans des groupes de discutions à ce sujet sur Internet. Une critique m’a d’ailleurs particulièrement intéressé : « la réalité virtuelle construite par l’auteur m’a d’abord frappé par sa pauvreté, sa grande proximité avec le monde réel….Ce n’est partant pas absurde : les outils conçus par les humains, qui doivent s’adapter à la forme humaine et aux habitudes mentales que nous avons prises, n’évoluent que lentement, et retombent souvent sur des formes anciennes ». 13
Nouveau territoire virtuel au sein du Métavers
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Il est bien question ici de sociologie des usages, et nous le savons ; si l’innovation des techniques est exponentielle, la vitesse des usages est quant à elle très longue. Ainsi c’est souvent les techniques qui doivent s’adapter aux usages, et c’est bien le cas du Métavers comme l’a finalement compris notre internaute.
La ressemblance est même frappante dans les moindres détails, l’auteur aborde même la notion de logistique et de déplacement au sein du Métavers. Comme dans la réalité, il existe des ports dans lesquels on arrive en se connectant et même des moyens de transport. Les avatars se déplacent également comme dans le territoire réel : en mettant un pied devant l’autre.
Tout est fait de manière à oublier qu’il ne sont pas dans la réalité physique, d’ailleurs, lorsque que les individus se saluent, ils s’inclinent, car ils n’aiment pas simuler une poignée de main, compte tenu de la transparence des corps dans le Métavers (contrairement au Soleil Noir) qui rappelle qu’ils ne sont pas vraiment là, ce qu’ils oublient souvent.
2) Articulations entre les des deux « territoires »
Dans le Samouraï virtuel, l’articulation entre la réalité et le Métavers est omniprésente, nous allons en faire la démonstration.
Articulation en terme économique
Le Métavers représente une formidable manne de profit pour ces inventeurs, en effet, dans le Métavers se côtoient les personnes les plus influentes de la planète car rappelons le, l’accès au réseau n’est réservé qu’à des privilégiés. De fait, la publicité par exemple, constitue un grand secteur économique pour les propriétaires de cet espace virtuel. On imagine très bien le succès d’une affiche située en plein boulevard aux yeux des plus riches de la planète.
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Il y a également articulation, et complémentarité du monde réel et du Métavers lorsque Neal Stephenson aborde la possibilité pour les plus modestes, d’acheter dans le commerce un avatar standard14, qui permet de ce promener dans le Métavers à moindre coût.
Articulation en terme de rapports sociaux
Ce qui, selon moi, fait la jonction la plus importante entre le Métavers et le réel, est la qualité de rapports sociaux. En effet, c’est en particulier cela que les connectés viennent chercher. Le territoire n’étant pas toujours très adapté au déplacement physique en raison des dangers encourus, le Métavers est l’endroit privilégier pour nouer des contacts et des relations qui par la suite pourrons se prolonger à la vie réelle.
En ces termes, il est très important de soigner la qualité de son avatar et d’en faire le prolongement de son soi réel. C’est ce qui fait le succès de Soleil Noir puisque l’ancienne compagne d’Hiro15 a particulièrement soigné cet aspect que ses collaborateurs considéraient dérisoire.
Neal Stephenson, met d’ailleurs l’accent sur la cupidité dont font preuve certaines personnes qui pensent que seul ce qui constitue un changement et une nouveauté technique est voué à être rentable, alors qu’en fait, c’est le caractère réaliste, en rapport toujours avec la sociologie des usages, qui fait le succès du Soleil Noir. J’attend par là, la sociologie de usage en terme relationnel, car malgré tous les moyens techniques mis à notre disposition nous tendons toujours à privilégier les relations frontales, et à mettre l’accent sur la communication non verbale des émotions qui se lisent sur le visage, dans les regards et dans les postures corporelles. C’est encore une fois, en cela que l’univers du Soleil Noir imaginé par Stephenson est des plus pertinents en terme de social. Car outre la qualité des avatars, ces
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Les modèles : Brandy et Clint Juanita : qui est elle aussi une « hackeuse »
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derniers ont la possibilité de se toucher ce qui est une révolution dans la réalité virtuelle.
Lorsqu’on envisage les rapports sociaux, on doit également aborder le thème de la convergence en ce qui concerne les inégalités. Car à l’instar du monde réel, il existe plusieurs formes d’exclusion, cette dernière ne semblant pas, par ailleurs, connaître de frontière. Elle se fait notamment sur : -
La qualité de l’avatar
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La personne elle-même qui n’a pas forcement l’accès au Soleil Noir qui n’est réservé qu’à une certaine catégorie d’individus
De plus, l’exclusion se fait également en amont, dans le monde réel, car tout le monde n’a pas accès au réseau. Il y a donc la même discrimination que dans la réalité, et on retrouve même toutes les formes de rejets liées au corps. En effet, dans le Métavers, les avatars en noir et blanc, par exemple, sont très mal acceptés par les autres qui ne sont pas très avenant à leur égard.
Cela relativise, certain discours que nous pouvons entendre à l’heure actuelle sur le réseau synonyme d’intégration, de mélange des classes sociales et d’anti communautarisme. Si l’on peut prêter certaines qualités à ce dernier en la matière, les processus discriminatoires n’ont pas disparu, ils ont seulement changé de forme16. Neal Stephenson n’a pas manqué de nous en faire part dans sa vision du monde virtuel.
De plus, la notion d’espace privé, ou interdit, existe encore, et par la même la notion de propriété. C’est finalement le prolongement de la nature humaine qui a toujours fonctionné, ou du moins en partie, sur ce modèle.
C’est en cela que le Métavers ne constitue pas un monde fantaisiste, mais bien le prolongement de la réalité.
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Exemple des tchats et de la maîtrise du langage écrit
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Articulation en terme d’espace temps
L’un des attraits du Samouraï virtuel est lorsque que l’auteur joue de l’interaction entre les deux mondes. A la question de Y.T : « où est tu ? », Hiro répond : « où, dans la réalité où dans le Métavers ? ». Cette réplique témoigne de la grande interaction qu’il existe entre les deux territoires.
D’ailleurs, Sherry Turkle qui a étudié les interrelations qui se développent entre la psyché humaine et les ordinateurs se demande si « l’homos virtualis », ne va pas sombrer dans la schizophrénie. Cependant, à l’instar de Stephenson sur ce point, il reste optimiste et pense que la distinction que nous faisons entre le monde de l’ordinateur et le nôtre va aller en s’atténuant.
Vers la substitution d’un territoire à l’autre ?
J’aimerai enfin pour terminer cette analyse portant sur la convergence, faire part au lecteur de la description du personnage, tout à fait atypique, nommé N.G. Il est à lui seul la caricature du parfait « homos virtualis ». En effet, il s’agit, dans le monde réel, d’un handicapé, et dans le Métavers du propriétaire de la plus somptueuse demeure virtuelle. Il est équipé dans la réalité d’un grand nombre des gadgets reliés au réseau qui lui permettent de diriger sa vie réelle à partir du Métavers, par le biais de son avatar.17 Si dans le Métavers il est impossible d’avoir des sensations tactiles et physiques, il a trouvé la parade. Il est en fait relié à tout un système qui lui permet, par exemple, quand il boit un verre dans le territoire virtuel, de recevoir dans la réalité par le biais de tuyaux reliés à sa bouche, du liquide. D’autre système lui permettent également de ce faire masser virtuellement et réellement etc. En d’autres termes, les dernières barrières qu’il restait entre le territoire virtuel et le territoire réel à savoir le sens du toucher et de l’odorat ont été franchies.
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Particulièrement soigné d’ailleurs
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Ainsi, dans le cas d’N.G, la notion de convergence semble même dépassée, car il y a presque substitution d’un territoire (réel) à un autre (virtuel). Et paradoxalement, si dans le monde réel N.G est très limité, dans le Métavers ces capacités dépassent largement celles du commun.
Cependant, à la question que je pose dans le titre de ce paragraphe, je réponds par la négative même dans le cas d’N.G. De fait, ce dernier voit ses capacités augmenter également dans la réalité grâce à la convergence des deux mondes qui se complètent.
Comparaison de l’univers du Métavers à la Matrice
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Sans autres précisions, le lecteur aura tout de suite compris que je m’intéresse à l’univers du très célèbre Matrix18 inspiré du roman Neuromancien qui a également fortement influencé Neal Stephenson. Il me parait donc intéressant de comparer ces deux œuvres.
Cependant, nous nous intéresserons surtout à la question des mondes virtuels et aux réseaux, Matrix étant bien trop riche pour être analysé ici dans son entier.19
1) Les scénarios et les rapports à la technologie
Dans matrix le monde est dominé par les machines, il semble en effet que dans l’histoire de l’humanité les trois lois de la robotique telles que définies par Isaac Isamov, aient été violées et que les machines se soient révoltées à l’instar du film terminator par exemple. Dans le roman de Neil Stephenson, les robots, qu’ils soient réels ou virtuels servent les hommes. Ils n’ont pas de conscience, ni donc l’ambition de se révolter.
Matrix se positionne donc dès le départ dans le scénario épique d’une guerre contre les machines qui sont donc liées à la technologie, alors que dans
le
Samouraï virtuel il est question d’un virus qui se sert de la technologie pour se propager.
2) Comparaison des différents territoires et réseaux
Si le monde virtuel de la matrice a été conçu par les machines pour asservir les humains et leur donner l’impression de mener une existence réelle, le Métavers est quant à lui un espace virtuel, volontairement créé par les humains qui a pour fonction de se compléter à l’espace réel. Il y a bien ici convergence.
Dans Matrix pour la plupart des humains, il n’y a pas complémentarité des deux territoires, puisque la quasi totalité ne soupçonne même pas l’existence de la 18 19
Film des frère Wachowski (1999) Voir livre sur Matrix et la philosophie
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réalité. En fait Matrix et sur ce point semblable à l’allégorie de la caverne de Platon car de la réalité, les êtres humains ne perçoivent que l’ombre sans le savoir.
Finalement sur bien des points, la Matrice et le Métavers sont opposés : -
Dans Matrix la majorité des êtres humains ne connaissent que la réalité virtuelle alors que le Métavers est réservé à certaines personnes et que l’ensemble de la population vie dans le territoire réel.
-
La Matrice est plus accueillante que le monde réel dans l’œuvre des frères Wachowski alors que le Métavers et plutôt sombre.
-
Dans Matrix, si on meurt dans le territoire virtuel on meurt dans le réel, alors que si dans le Soleil Noir s’il est possible de tuer un avatar, son porteur ne connaîtra pas le même sort.
-
La Matrice est une prison alors que ce n’est pas le cas du Métavers.
Le phénomène étrange que peut provoquer Matrix à l’égard du spectateur est que ce dernier, lorsqu’il est transporté par l’action à l’impression que la Matrice est le territoire réel. Pourtant, on sait dès le début de la trilogie que ce monde n’est régit que par des programmes. Cela s’explique par le fait qu’à la différence du Samouraï virtuel, le monde du spectateur, son territoire, est semblable à celui de la matrice.
Pour bien comprendre ce qui distingue les deux territoires virtuels il faut analyser en trois dimensions. Je m’explique. Matrix est d’une certaine manière plus profond puisqu’il remet en cause notre réalité, ce qui n’est pas le cas du Samouraï virtuel. Et Finalement, on pourrait imaginer si l’on fusionnait les deux scénarios, que la Matrice serait l’univers réel du Samouraï virtuel, et que le Métavers ne serait qu’un programme de la Matrice comme un autre. C’est en cela qu’il y aurait trois dimensions : -
La Matrice
-
Le Métavers (programme de la matrice)
-
La réalité (avec la domination des machines)
Et encore, je n’aborde pas le Soleil Noir qui pourrait être considéré comme un quatrième territoire faisant partie du Métavers et donc de la Matrice. 22
De plus, Matrix pourrait théoriquement correspondre à notre réalité alors que le Samouraï virtuel le pourrait également mais seulement dans le futur.
3) Conclusion
Matrix pose en fait une question existentielle et philosophique qui est de l’ordre de la croyance. Le roman de Neil Stephenson est quant à lui plus réaliste mais paradoxalement moins probable. Pour que l’univers du Samouraï virtuel se réalise un grand nombre de facteurs doivent se synchroniser alors que si Matrix est moins logique dans notre esprit, le scénario n’en est pas moins possible.
Matrix a créé un territoire qui n’est plus virtuel mais éventuel, en effet, qui pourrait prétendre démontrer que ce n’est pas la réalité. Cela reviendrai à peut près à prouver, ou non, l’existence de Dieu. C’est pour cela que le scénario de Matrix est passionnant même si pour ma part je lui préfère le roman de Neil Stephenson qui me semble plus logique et de fait, moins métaphysique.
Qui sait, je suis peut être de ceux qui n’auraient pas choisi la pullule bleu ?
Note : je tenais à émettre une critique non pas sur l’ouvrage de Neil Stephenson lui-même, mais sur la traduction de ce dernier en français, qui manque parfois de clarté. Il est surtout étonnant d’avoir choisi comme titre en français : Le Samouraï virtuel, pour traduire « Snow Crash ». Enfin, et c’est la dernière chose que j’ajouterai à ce sujet, la couverture me semble également trop fantaisiste en comparaison au sérieux de l’œuvre. Cependant, malgré tout, Le Samouraï virtuel ne reste pas moins un livre phare de par son incroyable richesse, tant au niveau de l’originalité que de la réflexion qui en découle. 23
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