LE CIRQUE DANS LA VILLE Quelle place occupe aujourd’hui le cirque contemporain dans la ville ? Rapport de licence 2019 - ENSAPVS Encadré par Léa Mosconi Julie STOCKMANN
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SOMMAIRE
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AVANT PROPOS INTRODUCTION
I) L’ACCUEIL DES ARTS DU CIRQUE DANS L’ESPACE URBAIN 1) Origines et évolution du cirque 2) L’intégration du cirque dans l’espace urbain du Moyen Âge à aujourd’hui 3) Des acteurs et un terrain à l’origine de la présence de circassiens dans la ville
II) INSTALLATIONS ÉPHÉMÈRES ET TRANSMISSION DES VALEURS CIRCASSIENNES AVEC LES SPECTATEURS 1) Architecture circassienne : l’installation d’un signal dans la ville 2) Le chapiteau : un lieu fédérateur et un spectacle qui s’adapte à son architecture 3) Les roulottes : des itinérants dans la ville
III) EN DEHORS DU CHAPITEAU 1) Les arts du cirque participent au développement social et culturel d’une ville 2) Le Festival de rue : les artistes s’approprient la ville 3) Quand les arts du cirque investissent les constructions permanentes, un nouveau débat CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE ANNEXES
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AVANT - PROPOS
Depuis mon stage de première pratique, réalisé au Pôle Patrimoine Bâti de la ville de Rambouillet, je m’intéresse de plus en plus à l’aménagement de l’espace public et à la manière de rendre une ville dynamique. Je pense qu’un architecte peut jouer un rôle de médiateur afin de proposer une nouvelle façon de vivre ensemble dans les espaces publics et dans la ville. Pendant mon stage, la responsable des services techniques, Alexandra Harmand, ainsi que le directeur culturel Eric Fauveau, souhaitaient créer un espace cirque pour accueillir des chapiteaux dans l’optique de développer l’activité culturelle, de fédérer les écoles aux arts du cirque en échangeant avec les artistes itinérants. Nous avons alors rencontré les responsables de l’Espace Cirque d’Antony, que je prendrai comme cas d’étude, afin de comprendre le fonctionnement et les atouts qu’il apporte à la ville. De plus, durant mes trois années d’architecture, j’ai compris qu’un projet doit être global : il doit répondre à des besoins, des demandes et concilier l’architecture, l’urbanisme, le paysage, etc. Un espace cirque, pour qu’il soit durable doit être pensé comme un projet en intégrant également l’aspect culturel et social. Par ailleurs, étant également passionnée par les arts corporels (danse, musique, théâtre) et étant spectatrice des arts du cirque, je me suis donc intéressée pour mon rapport de licence à la place du cirque contemporain dans l’espace public.
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INTRODUCTION
L’histoire du cirque a fortement évolué aujourd’hui. Il a toujours eu un rapport important avec la ville et ses habitants. Le chapiteau est l’image du cirque, il représente un choix technique et surtout un choix artistique. Cependant il est amené à disparaître pour se retrouver dans les théâtres. Nous verrons que le cirque contemporain, qui se développe aujourd’hui particulièrement en France, offre une diversité culturelle et un dynamisme important pour une ville. Défendre le spectacle sous chapiteau, c’est transmettre les valeurs circassiennes et offrir un spectacle singulier tout en recherchant l’innovation. Cependant c’est aux villes, de penser à l’aménagement de leur territoire afin de penser à un projet global et d’y intégrer un réel espace cirque. Notamment dans les ouvrages de Christian Dupavillon, j’ai d’abord recherché l’origine du cirque et son évolution pour comprendre la place que ces arts vivants ont aujourd’hui dans notre société et pourquoi les artistes sont attachés aux valeurs circassiennes. Par la suite, j’ai rencontré et interrogé, Marc Jeancourt, directeur culturel d’Antony, et Jean-Jacques Legros, directeur technique de l’Espace Cirque d’Antony afin de comprendre la nécessité pour une ville de développer un espace offrant une richesse culturelle différente et quels ont été les enjeux pour le créer. Afin d’analyser le mode de vie des circassiens mais aussi la singularité d’un spectacle sous chapiteau, je me suis rendue à la représentation du spectacle Vol d’usage, de la Cie Quotidienne, à Antony. Puis, j’ai échangé, avec l’artiste Jean Charmillot, à propos de la vie en itinérance, de l’importance qu’il consacre au chapiteau et ce qu’il pense de son devenir. Cependant, certains chapiteaux comme celui du Plus petit cirque du monde à Bagneux ou celui de l’Académie Fratellini à Saint-Denis que j’ai pu visiter, sont construits et accueillent à la fois une école des arts du cirque, des résidences d’artistes ou encore des spectacles. Ils proposent une alternative aux circassiens qui ont dû abandonner le chapiteau éphémère… Enfin, j’ai recherché de nombreux articles, revues traitant les différentes formes de cirque que l’on retrouve en ville : les circassiens investissent les chapiteaux, les espaces vides, les théâtres, mais aussi les rues. Cependant, leur liberté d’expression est limitée par toutes les normes et la sécurité actuelle. Suite à mes observations, à mes lectures et à mes entretiens j’ai organisé mon propos en trois parties pour répondre à la question suivante : Quelle place occupe aujourd’hui le cirque contemporain dans la ville ? Tout d’abord, dans une première partie nous aborderons l’accueil du cirque dans l’espace urbain. Puis dans une deuxième partie, nous parlerons des installations éphémères et de la transmission des valeurs circassiennes aux spectateurs. Enfin, nous verrons ce qui se passe en dehors du chapiteau.
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L’ACCUEIL DES ARTS DU CIRQUE DANS L’ESPACE URBAIN
(c) BNF
(c) BNF
Origines et évolution du cirque
Montreur d’ours (Saint-Pathus) (XVème siècle)
Cirque antique : courses de chars
source : BNF, Guillaume de Saint-Pathus, Vie et miracles de Saint Louis, www.bnf.fr
L’amphithéâtre Astley et le cirque équestre (1768) source : HLM, 2019, Centre national de ressources des arts de la rue et des arts du cirque, www.horslesmurs.fr
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(c) Fonds Fratellini
(c) Musée de Londres
source : BNF CNAC, Hippodrome de la Barrière de l’Étoile, direction Victor Franconi’après un dessin de François-Hippolyte Lalaisse, 1845, www.bnf.fr
Cirque familial : Duo Fratellini (1909)
source : HLM, 2019, Centre national de ressources des arts de la rue et des arts du cirque, www.horslesmurs.fr
De l’Antiquité au Moyen Age En 5000 av JC, en Chine et en Asie mineure, apparaissent les premières formes d’arts du cirque qui se pratiquent dans la rue : les paysans que ce soient des enfants, des femmes et des hommes maniaient déjà des objets (objets usuels et guerriers). Puis en 3000 av JC, nous avons retrouvé des fresques égyptiennes montrant que les rois Égyptiens organisaient des parades d’animaux sauvages venant d’Afrique afin de divertir le peuple. Les romains ont inventé le cirque dans des constructions appelées “circus” ou “arène” afin d’accueillir des courses de chars et des combats de gladiateurs. Accueillant jusqu’à 300 000 personnes, le Circus Maximus de Rome représentait l’installation ludique la plus importante de la ville et était organisé par l’empereur afin “d’occuper les citoyens” et éviter qu’ils se révoltent.. À son origine latine, le mot “circus” désigne un cercle et sa configuration permet de faire converger les regards vers le centre de la piste. Au Moyen âge, le public ne se rend plus au cirque mais ce sont les artistes (troupes de saltimbanques) qui se déplacent dans les villes et qui produisent leurs numéros de jonglages et d’acrobaties sur des estrades, des parvis et des théâtres pendant les marchés et les foires. Ce sont des spectacles qui s’adressent à une classe populaire. Afin de gagner leur vie, ces artistes vivent de façon nomade et se déplacent dans toute l’Europe. Du cirque traditionnel au cirque classique Il faut attendre le 18ème siècle pour voir apparaître le cirque traditionnel avec l’écuyer anglais Philip Astley. Il s’agit de représentations équestres basées sur la voltige. En 1768, de façon rudimentaire, il loue d’abord un terrain près de Londres, trace un cercle sur le sol obligeant le cheval à le suivre, installe des barrières et des gradins. Le cercle facilite ainsi l’équilibre du voltigeur qui en cas de chute tombe vers le centre et permet au public de suivre l’évolution du cavalier : le spectacle équestre exprime la liberté et le voyage. De plus, c’est de là que le diamètre de référence d’une piste de 13 m nait : c’est la distance nécessaire entre l’écuyer, la longe et le cheval. Ainsi, “Le cheval est la raison d’être de la piste et du cirque” 1. Afin de diversifier ses spectacles, il fait venir sur la piste d’autres disciplines comme des funambules, clowns, acrobates. Rapidement, il ajoute un toit, des sièges puis des palissades en bois pour accueillir ses spectacles. En 1783, il fit construire à Paris le premier cirque français appelé le Nouvel Amphithéâtre. Étant un cirque à demeure, stable, il est composé d’une piste de 17 m de diamètre, de loges, d’une charpente et d’un vélum, d’une estrade pour l’orchestre et de deux entrées : une pour les artistes et les chevaux et une autre pour le public. Astley et ses concurrents voyagent de cirque en cirque qui se multiplient en Europe et qui sont à demeure ou de relais. À partir de 1825, le cirque classique apparaît, provenant des américains qui se déplaçaient avec leurs tentes. Ces artistes appartenant généralement à une même famille sont ambulants afin d’avoir un public toujours différent. Ils investissent chaque ville en y installant leur chapiteau sur des terrains vides, et en paradant avec toutes les caravanes pour avertir les habitants de leur venue. Le spectacle est caractérisé par un enchaînement de numéros indépendants. Le terrain doit être suffisamment grand afin d’y accueillir une façade, un chapiteau, un campement et une ménagerie pour les animaux. Aujourd’hui ces cirques familiaux jouent généralement sous un chapiteau fixe pendant la saison hivernale et le reste du temps ils voyagent. 1
BNF CNAC, Les arts du cirque, 2016, http://cirque-cnac.bnf.fr, consulté le 05/03/2019
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L’ACCUEIL DES ARTS DU CIRQUE DANS L’ESPACE URBAIN
(c) Christophe Raynaud de Lage
Origines et évolution du cirque
Spectacle Les Colporteurs : Une vraie mise en scène autour du fil source : DUTHUIT Dominique,2014, Un terrain à partager, Loubatières, p. 22
Premier cirque construit français par Astley
Parades d’animaux en Egypte Chars et combats de gladiateurs dans les cirques romains
Arts du cirque apparaissent en Asie
5000 av JC
3000 av JC
Troupes saltinbanques
600 av JC
V-XVème siècle
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Philip Astley Cirque traditionnel équestre
1768
1783
Le cirque contemporain (“Cirque Nouveau”) et la création des écoles circassiennes Concurrencé par la modernité, le cinéma et la télévision, le cirque connaît en 1970 une crise. Cependant, de nouveaux jeunes artistes provenant de la rue, du théâtre et de la danse tentent de sauver le cirque en bousculant les codes du cirque classique et traditionnel. Le spectacle est conçu avec une mise en scène en utilisant des décors, des éclairages spécifiques, des nouvelles technologies de l’image et du son en abandonnant la présence d’animaux. Afin d’être toujours à la conquête d’un nouveau public, les artistes nomades persistent. Cependant le spectacle peut avoir lieu sous chapiteau, dans la rue mais aussi sur des scènes de théâtre. Il tend à se diversifier et les univers des compagnies étant très différents cela permet d’étendre la richesse culturelle et d’avoir une autre vision du cirque. En 1970, deux écoles Annie Fratellini et Alexis Gruss ouvrent afin que tout le monde puisse apprendre les arts du cirque et les valeurs circassiennes pour être amateur ou devenir professionnel. Depuis, de plus en plus d’écoles sont construites soit en dur soit sous chapiteau stable et renouent avec les fondamentaux traditionnels : le nomadisme, l’esprit de troupe, la relation du spectacle avec le circulaire ou la forme du lieu qui l’accueille tout en faisant évoluer l’image du cirque en y apportant une touche de modernité et d’originalité. Aujourd’hui, comme le dit Anne Quentin, “L’État a fortement investi sur la formation des artistes (il lui consacre la moitié du budget du cirque) (...) c’est cet investissement qui a permis le renouveau des arts du cirque)”. 2
Ouverture de nombreux cirques parisiens
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1840 1850
Fondation de compagnies
Cirque reconnu par l’Etat Français
Crise du cirque classique Dèbut du cirque contemporain
Cirque classique sous chapiteau en Amérique
1825
Ouverture des écoles de cirque Gruss et Fratellini
1970
1974
DIGNE Jean, Le guide Goliath des arts du cirque, Hors les murs, 2010
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1978
Innovation du cirque contemporain
1980
De nos jours
L’ACCUEIL DES ARTS DU CIRQUE DANS L’ESPACE URBAIN
(c) Julie Stockmann
L’intégration du cirque dans l’espace urbain du Moyen-Age à aujourd’hui
Paysage urbain éphémère en banlieue
source : Photo prise par Julie STOCKMANN, le 15 mars 2019 à l’Espace Cirque d’Antony
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Un évènement au coeur de la ville Les arts du cirque ont toujours eu une relation étroite avec la population et la ville. Au départ, les troubadours et saltimbanques se montraient dans les centres villes en se faisant une place dans l’espace public. Puis par la suite, avec le cirque traditionnel, les artistes étaient fortement attendus dans le centre ville. Ils avaient un lieu défini où se poser. Par exemple, au centre de Paris, au 18ème siècle, il était encore possible de trouver des terrains à louer afin de construire des cirques stables. Généralement, ces cirques étaient municipaux et les troupes itinérantes venaient ensuite louer et réserver ces édifices pour une durée plus ou moins longue. En dehors des tournées, ces édifices servaient à d’autres utilisations pour des pièces de théâtre, des concerts, etc, .. A l’époque, alors que les villes étaient moins densifiées, les chapiteaux pouvaient s’implanter plus facilement. Leur venue était vue de tous : l’arrivée de toutes les caravanes dans les rues, annonçait déjà le spectacle ainsi que le montage et le démontage du chapiteau. Les circassiens sortaient également investir les rues pour faire du jonglage et des acrobaties. Les gens sortaient pour venir à leur rencontre et cela pouvait même encombrer fortement les rues. Suite à une augmentation de l’urbanisation des villes et de leur modification, la place qui pouvait accueillir le cirque dans les centres villes disparaît peu à peu et est repoussée à la périphérie des villes. Un cirque en périphérie : un atout pour la ville Cependant, le cirque se modernisant, il est tout de même prisé par les communes pour l’activité culturelle. Ainsi, les villes les accueillent sur des terrains vides. Il peut s’agir, pour la plupart du temps des cirques familiaux, d’une autorisation à occuper un parking pour une durée donnée. D’autre part, certaines villes comme celle d’Antony, envisagent de créer un espace cirque afin d’accueillir des chapiteaux dédié au cirque contemporain. Il s’agit de transformer dans la ville, un espace inhabité et inutile. A Antony, « il faut savoir qu’à l’endroit où a été créé l’Espace Cirque, il y avait jusque dans les années 1975, des pâturages avec des vaches et des chevaux»3. Sachant que c’était une zone inondable et qu’il fallait protéger les tours d’habitations qui se trouvaient à proximité, une digue a été construite et sur ce terrain y étaient stockés les matériaux pour la réaliser. Ainsi, en recouvrant ce terrain délaissé de 5 m de gravats et en stabilisant le sol, l’Espace Cirque d’Antony est devenu en 2003 un espace qui encore aujourd’hui accueille les chapiteaux éphémères des compagnies de cirque contemporaines. Se situant quartier Pajeaud, dans un quartier populaire et isolé du centre ville, il est entouré de tours, d’un gymnase, d’un parc et de la Bièvre. L’Espace cirque situé au centre de ces éléments constitue un paysage original éphémère : il fait la transition entre la nature et la cité. De plus, par son éloignement du centre, il permet aux habitants de ce quartier d’accéder plus facilement aux activités culturelles destinées à tous. Il répond aux besoins des artistes mais aussi des habitants en créant un espace d’échanges, de visites, de spectacles et d’initiation aux arts du cirque. Il permet également de redynamiser la zone car il attire de nombreux visiteurs venant de toute l’Ile de France. Alors que la visibilité, comme nous verrons, est bien gérée, la question de l’accessibilité est à poser. En effet, l’espace se situe à 30 min d’Antony et de la gare et ne dispose pas de parkings, ce qui rend l’accès compliqué pour un établissement recevant du public. Ainsi par cet exemple, on peut comprendre les enjeux et les atouts pour une ville de créer un espace pour accueillir les circassiens. 3
DUTHUIT Dominique, Un terrain à partager, Loubatières, 2014, p7
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L’ACCUEIL DES ARTS DU CIRQUE DANS L’ESPACE URBAIN
(c) Julie Stockmann
Des acteurs et un terrain à l’origine de la présence de circassiens dans la ville
L’aménagement d’un terrain vide pour créer un espace cirque (Antony) source : Schéma réalisé par Julie Stockmann, le 22/05/2019
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Un projet qui demande réflexion Avant de construire un espace cirque, un responsable culturel (ex : directeur du pôle culturel) de la ville et un responsable technique (ex : architecte des services techniques) doivent faire des demandes d’autorisation auprès du maire, chercher un terrain approprié n’ayant pas un coût élevé et comprendre le fonctionnement du mode de vie circassien. Les demandes d’aides financières pour ce genre de projet se font auprès du Ministère, de la Région et du Département. Le niveau d’activité du cirque est important et porté par la France. Puis il faut convaincre le maire, en montrant les atouts que peut apporter un espace cirque dans sa ville. Une fois un premier accord donné comme à Antony, Marc Jeancourt (directeur culturel) et Jean-Jacques Legros (directeur technique) ont dû chercher un terrain d’environ 4800m². Le terrain doit être libre, appartenant à la ville pouvant accueillir un chapiteaux, ses équipements et ses caravanes, un espace sanitaire, des espaces de stockage, une billetterie, etc, ... Une fois le terrain trouvé, le sol «doit être stabilisé avec 40 cm de béton concassé qui permet d’avoir un sol très dur, comme ça il n’y a pas d’arrachements des pinces et permet de résister aux poids lourds»4 L’implantation de ce type d’espace est tout un travail urbain pour qu’il soit avantageux. La création d’un pôle cirque doit pouvoir créer des interactions avec les milieux sportifs, scolaires et associatifs et ne doit donc pas être isolé urbainement. Installation et sécurité Dans le cas d’Antony, où l’espace accueille des chapiteaux éphémères, un architecte intervient pour délimiter le terrain en y mettant une clôture si l’espace est sécurisé, il dessine les plans pour les accès, pour l’alimentation en eau et prévoit les groupes électrogènes. Dans le cas de Bagneux, avec Le plus petit cirque du monde, les architectes Patrick Bouchain et Julienne Loic ont construit un chapiteau en dur ainsi que des éléments qui s’organisent autour (salle de danse, vestiaires, bureaux, salle de résidence artistique). Contrairement aux chapiteaux éphémères, le cirque en dur demande un permis de construire. Une charte a été établie pour l’accueil des cirques dans les communes. Elle permet de «favoriser le dialogue entre les collectivités territoriales, d’améliorer les conditions de l’accueil des cirques dans les communes»5, de le rendre accessible et de répondre aux besoins du public, de faire respecter les mises en norme des règles de sécurité, etc … Afin de faciliter la venue des artistes, ces derniers vérifient les dimensions de l’espace cirque (plans et fiches techniques mis à disposition par la ville), insèrent sur les plans le profil de leur chapiteau et la disposition de leurs caravanes. Ils communiquent ensuite ces documents au directeur technique de la ville qui les reçoit. Étant un ERP (un établissement recevant du public) de type CTS (Chapiteau, Tente et Structure), l’espace cirque, le chapiteau et la manière dont les circassiens l’installent sur le terrain doivent répondre à des normes de sécurité et d’accessibilité. «Chaque compagnie doit tenir un registre de sécurité à montrer en cas de commission de sécurité. Par exemple, la sécurité repose sur la stabilité mécanique des structures, la réaction au feu de la toile et la sécurité contre l’incendie. L’Espace doit également respecter certaines normes par rapport à : la qualité du sol, l’hygiène du lieu, la sécurité de l’aire d’accueil, etc ...»6.
cf Annexe 1 : Entretien avec Jean-Jacques Legros, directeur technique d’Antony, 2019 KREPS SELLAM Monique, Charte des accueils de cirque dans les communes, AMF, 2001 6 cf Annexe 1 : Entretien avec Jean-Jacques Legros, directeur technique d’Antony, 2019 4 5
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INSTALLATIONS ÉPHÉMÈRES ET TRANSMISSION DES VALEURS CIRCASSIENNES AVEC LES SPECTATEURS
(c) Nouvelles Editions Loubatières
Architecture circassienne : l’installation d’un signal dans la ville
Montage du chapiteau Cie 111 Aurélien Bory : Le montage d’un signal source : DUTHUIT Dominique,2014, Un terrain à partager, Loubatières, p. 15
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Un terrain qui reprend vie Avant que les circassiens investissent l’Espace Cirque d’Antony, le terrain est quasiment vide et ne présente aucune trace du chapiteau venu auparavant. Il y a seulement l’espace billetterie et des containers contenant les sanitaires et les douches qui restent tout au long de l’année. Lorsque le terrain est inoccupé, on sait qu’il va se remplir prochainement; c’est un lieu qui se transforme et qui transforme la ville à chaque passage de nouveaux artistes. L’arrivée des caravanes, le montage et le démontage du chapiteau constituent déjà le début du spectacle en suscitant la curiosité des habitants et des passants. Ils sont attirés par le bruit, le nuage de poussière qui se forme, par la structure en acier du chapiteau qui est monté par les artistes. En une journée, les techniciens commencent par tracer au sol l’implantation du chapiteau, plantent à l’aide du perforateur des “sardines géantes”, montent le(s) mât(s), tirent la toile avec des tire-forts, installent les gradins, le plateau, les décors et enfin l’éclairage. Le chapiteau et les caravanes sont un réel outil de communication qui représente l’univers du cirque: « C’est le centre de toutes les attentions. Quand tu arrives en ville avec un chapiteau, c’est la meilleure publicité que tu puisses faire; c’est un signal, les gens ça leur marque tout de suite que c’est du cirque»7. De plus, comme le confirme une habitante aux alentours du cirque, «tout le monde est forcément au courant c’est obligé, un chapiteau, ça se voit de nos fenêtres, en plus ils sont de couleurs vives»8. De plus, à Antony, le terrain étant en hauteur, les chapiteaux sont d’autant plus visibles. Cependant, lorsque le lieu est vide, on sait tout de même qu’il existe grâce aux conteneurs abritant la billetterie, visible depuis la route départementale et distinguable par ses couleurs vives (rouges et jaune) rappelant l’univers circassien. Une image toujours différente De plus, selon la compagnie qui se trouve sur l’Espace, le lieu n’est pas le même : la dimension, les formes, la hauteur, les couleurs, le nombre de mâts du chapiteau changent. La disposition et le nombre de caravanes varient également selon le nombre d’artistes. De l’extérieur, on a alors une première impression du spectacle. En effet, ce sont les artistes eux même qui choisissent la morphologie de leur chapiteau selon le nombre qu’ils sont. En effet, le spectacle Vol d’usage, comprenait deux artistes sur scène. Afin d’ajuster au mieux leurs figures, une piste et un petit chapiteau était plus judicieux. De plus, selon Jean Charmillot le ratio est important: «Pour nous cette jauge là était un choix dans le sens où on est quatre sur scène; et si on fait un ratio rapide de 300 spectateurs pour 4 artistes, ça fait que le prix du spectacle par rapport au nombre de spectateurs est intéressant.(...) Plus tu augmentes ta jauge, plus tu as des contraintes techniques, plus tu as besoin d’un grand espace, plus tu as besoin de monde pour monter le chapiteau» 9. La notion du temps est intéressante. En effet, le cirque étant éphémère le signal est ponctuel et annonce un évènement. Par sa structure légère, il semble “fragile”, exprime la légèreté et la liberté dans un milieu entouré de constructions en béton : on sait que le chapiteau est ancré dans le paysage pour une durée déterminée et qu’il va continuer ensuite sa route. A Antony, l’Espace Cirque accueille « entre quatre à cinq spectacles, que l’on diffuse et après on a des résidences de travail, des gens qui sont dans une phase de création»10. L’Espace Cirque est occupé 200 jours par an. Une compagnie peut rester sur l’espace entre 2 jours à 3 semaines et fait ses représentations uniquement le week-end.
cf Annexe 2 : Entretien avec le circassien Jean Charmillot, 2019 DUTHUIT Dominique, Un terrain à partager, Loubatières, 2014, p38 9 cf Annexe 2 : Entretien avec le circassien Jean Charmillot, 2019 10 cf Annexe 1 : Entretien avec Jean-Jacques Legros, directeur technique d’Antony, 2019 7 8
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INSTALLATIONS ÉPHÉMÈRES ET TRANSMISSION DES VALEURS CIRCASSIENNES AVEC LES SPECTATEURS
(c) Julie Stockmann
Le chapiteau : un lieu fédérateur et un spectacle qui s’adapte à son architecture
«Chapiteau bar» : un lieu de rencontre entre les spectateurs et les circassiens
(c) Cyril Duc
source : Photos prises par Julie STOCKMANN, le 15 mars 2019 à l’Espace Cirque d’Antony
Compagnie Quotidienne, Spectacle Vol d’usage : Utilisation poétique du cercle source : DUC Cyril, 2018, Spectacle de cirque : Vol d’usage, http://cyril-duc.com
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Un lieu qui favorise l’échange La présence d’un chapiteau au sein d’une ville, permet de créer des relations humaines mais aussi de s’enrichir culturellement en proposant des spectacles différents de ce que l’on peut voir habituellement (théâtre, concert, cinéma). La figure circulaire, favorise naturellement l’attroupement, le groupement. Le cirque permet une mixité sociale. Par exemple, à Antony, on peut voir un mélange entre les personnes venant des tours de la cité, des personnes venant de la région et d’autres venant aussi d’ailleurs. Généralement, toutes les catégories d’âges sont rassemblées : on y va en famille, entre amis, on rencontre ses voisins, les artistes, etc … Assis sur des bancs/gradins circulaires les personnes entrecroisent constamment leur regard. Ce que l’on voit en premier avant que le spectacle commence ce n’est pas l’artiste mais le spectateur qui est en face de nous. Sous les petits et moyens chapiteaux, il n’y a pas de loges, toutes les places sont au même prix et ont quasiment la même qualité. Ainsi, les hiérarchies sociales disparaissent au moment du spectacle contrairement au théâtre. Au cirque, il y a une relation forte entre le public et les artistes. Il y a un véritable échange. Le cercle et la superposition des gradins favorisent la vision de l’artiste vers les spectateurs et inversement : «Comme il y a beaucoup de proximité, on voit tout le monde, on entend tout le monde. Il y a tout un échange qui se crée»11, indique J. Charmillot. D’autre part, le spectateur voit tous les traits du visage du circassien mais aussi tous les mouvements de son corps. C’est un art de l’instant présent : les émotions et les rires sous le chapiteau sont “communicatifs”. A l’Espace Cirque, la rencontre entre artistes et spectateurs est davantage favorisée par la présence d’un “chapiteau-bar” monté lorsque les compagnies sont présentes. Implanté juste à côté du chapiteau principal, il est ouvert le week-end avant et après le spectacle. Cela permet de venir passer une grande partie de la journée au cirque, qui devient alors un véritable lieu de vie : le public a l’occasion de boire, manger, et rencontrer les artistes. Un spectacle qui se construit sous le chapiteau Lorsque l’on se rend au cirque contemporain sous chapiteau, on découvre un univers particulier. Avant tout, le sol poussiéreux devient, quand le spectacle commence lumière. Dans ce type de cirque, il y a généralement peu de décors. Toute l’ambiance est rendue par la présence des spectateurs et leurs réactions mais aussi par les jeux de lumières qui se reflètent sur la toile donnant des effets d’ombre. La lumière est centrée soit sur l’ensemble de la piste soit sur les artistes mais dans tous les cas elle concentre notre regard sur leurs faits et leurs gestes. Par ailleurs, il y a un véritablement un lien entre le chapiteau et les artistes qui l’occupent pendant leur performance. On peut observer que les mouvements se font de manière circulaire en suivant les courbures de la piste. Jean Charmillot et Jérôme Galan, les deux acrobates de Vol d’usage utilisent de manière poétique et mathématique les atouts du cercle mais aussi la structure du chapiteau pour faire leur spectacle : «C’était important pour nous, comme on présentait un espace vide, sans décors, que les choses comme les mâts ne deviennent pas seulement une contrainte mais aussi un élément de décor. Tout ce qui est présent : chaises, sangles et mâts deviennent éléments de spectacle.»12. Afin de “s’envoler”, ils utilisent des sangles accrochées en hauteur au dessus du centre de la piste et la traversent ainsi sur des axes suivant les rayons du cercle. Il y a vraiment une symbiose entre les mouvements, les regards et la forme de l’espace. 11 12
cf Annexe 2 : Entretien avec le circassien Jean Charmillot, 2019 idem
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INSTALLATIONS ÉPHÉMÈRES ET TRANSMISSION DES VALEURS CIRCASSIENNES AVEC LES SPECTATEURS
(c) Julie Stockmann
Les roulottes : des itinérants dans la ville
Le campement des circassiens
source : Schéma réalisé par Julie Stockmann, le 22/05/2019
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L’itinérance, un choix de vie Vivre le nomadisme est parfois difficile à cause des intempéries : pluie, gel, neige. En effet, les artistes habitent pendant le temps de leur tournée, dans de petites entités mobiles comme des caravanes. Ainsi, ils passent la majorité du temps à l’extérieur où ils disposent des tables et des chaises. Chaque compagnie, vit l’itinérance différemment. Par exemple, la Compagnie Quotidienne, part généralement 2 mois en tournée et prend 3 semaines de pause. Pendant la tournée, ils se déplacent ensemble (afin de gérer les problèmes de pannes par exemple) et vivent en communauté: «On aime vivre en communauté, on a choisi ce métier aussi pour ce mode de vie»13, affirme Jean Charmillot. Cependant, pendant la pause, on retrouve l’individualité de chacun. Parfois, certains artistes, quand ils ne sont pas en tournée, retourne habiter avec leur famille dans un domicile fixe. D’autres n’ont pas forcément de point d’ancrage mais font de la cohabitation temporaire. Vivre en communauté Sur le campement, c’est un lieu de vie mais surtout de travail. En effet, toute la semaine, les artistes répètent leur spectacle et entretiennent le chapiteau en resserrant les sangles. Ils doivent cohabiter ensemble toute la journée, en adoptant un rythme de vie, mais peuvent également s’isoler “chez eux” dans leur caravane. «On est toujours ensemble, ça se passe comme dans toutes les colocations. Parfois on a envie d’être ensemble, des fois moins. On a chacun nos maisons, sa caravane. Quand on a envie d’être un peu tranquille, ça permet de dire “moi je vais chez moi”. C’est un rythme qu’il faut apprendre à mettre en place quand tu es en compagnie et qui varie en plus selon chacun.»14 (Jean Charmillot, 2019) Lorsqu’ils arrivent dans une ville, les circassiens ont conscience que la ville ne leur appartient pas et qu’ils doivent la respecter. Cependant, le fait qu’une ville possède un espace cirque aménagé permet de les accueillir convenablement. A Antony, l’Espace étant situé dans un parc contribue au confort des artistes (végétation, absence de nuisances sonores, etc …). De plus, comme l’indique Jean-Jacques Legros, «ils ont des vrais toilettes, ils ont des douches, c’est chauffé, il y a un vrai accueil, une distribution électrique qui est bien, des commerçants autour : ça reste un lieu relativement confortable».15 Les caravanes : une image du cirque Lorsque l’on va au cirque on voit le chapiteau mais aussi les caravanes, lieu de vie des artistes. Elles participent à l’envers du décor, participent à son univers en racontant le mode de vie des circassiens. Ainsi ils les disposent de façon esthétique. L’implantation dépend aussi de la compagnie et du lieu dans lequel ils se posent. Nous avons l’impression qu’il n’y a pas réellement de limite entre le privé et le public. «Quand tu es en ville avec un chapiteau, tout le monde te voit. On sait que ça fait partie de la curiosité des gens, de venir voir et c’est aussi pour ça que l’on fait en sorte que ce soit bien rangé. C’est comme une maison, les gens voient une paroie, une fenêtre et du linge qui sèche.»16. Les roulottes attisent notre curiosité, et l’espace totalement ouvert facilite les échanges.
cf Annexe 2 : Entretien avec le circassien Jean Charmillot, 2019 idem 15 cf Annexe 1 : Entretien avec Jean-Jacques Legros, directeur technique d’Antony, 2019 16 cf Annexe 2 : Entretien avec le circassien Jean Charmillot, 2019 13 14
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EN DEHORS DU CHAPITEAU
(c) Julie Stockmann
(c) Le plus petit cirque du monde
Les arts du cirque participent aux développement social et culturel d’une ville
Echange entre la Compagnie La Relative avec les scolaires et exposition de dessins des enfants d’Antony
Le plus petit cirque du monde à Bagneux : Une école de cirque ancrée dans un quartier source : Le plus petit cirque du monde, 2015, Centre des arts du cirque et des arts émergents www.lepluspetitcirquedumonde.fr
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(c) Le plus petit cirque du monde
source : ( à gauche) Le plus petit cirque du monde, 2015, Centre des arts du cirque et des arts émergents, www.lepluspetitcirquedumonde. fr ; (à droite) Photo prise par Julie STOCKMANN, le 15 mars 2019 à l’Espace Cirque d’Antony
L’intégration du cirque dans le cursus scolaire et dans les associations sportives Aujourd’hui on retrouve de plus en plus, les arts du cirque dans les écoles que ce soit sous forme d’ateliers d’arts plastiques ou en éducation sportive. Le cirque serait un outil pédagogique pour les enfants. En effet, ses disciplines sont diverses, participant au développement de l’enfant que ce soit au niveau de la personnalité ou de la motricité. Il permet de susciter la curiosité et l’inventivité tout en développant la sensibilité et le sens critique de chacun. Il peut également ouvrir sur des perspectives d’avenir. Cela permet de donner l’opportunité à tous les enfant d’accéder à la culture en allant voir des spectacles, en rencontrant des artistes et en s’exerçant à leur tour. Ainsi, à l’Espace Cirque d’Antony, les circassiens qui le souhaitent peuvent participer à cet échange. Si les agrès peuvent être utilisé seulement sous chapiteau, les écoles se déplacent jusqu’à l’espace cirque, ce qui permet de l’ouvrir au “public” également en semaine en dehors des temps de spectacle. Sinon, ce sont les artistes qui emmènent leur matériel dans les écoles et réalisent les activités dans des grands espaces comme des préaux. «Ce sont les relations publiques qui s’occupent de ça et qui organisent cela avec les compagnies. Certaines s’y prêtent et d’autres ne veulent pas.(...) C’est une manière de sensibiliser les enfants au cirque et de les attirer avec l’école aux spectacles ou de les faire revenir avec leurs parents.» 17. Le projet à Rambouillet vise à créer un espace cirque dans un quartier en périphérie du centre ville, dans le quartier de la Louvière. Il est composé actuellement d’habitations, d’une école et d’un gymnase. Le but serait d’y implanter l’espace afin de faciliter les échanges entre le chapiteau et les infrastructures qui l’entourent mais aussi de reconstruire un gymnase où pourront se fixer des agrès pour pratiquer les arts du cirque. Dans le futur, ce serait tout un projet urbain à penser. Des écoles de cirque dans la ville ouvertes à tous En France, on voit la multiplication d’écoles de cirque qui sont généralement des associations. J’ai eu la chance de pouvoir visiter Le plus petit cirque du monde à Bagneux. Ces écoles ont plusieurs buts recherchés : favoriser la mixité sociale et l’accès à la culture pour tous, proposer des formations pour tous niveaux, rechercher de nouveaux projets et attirer un nouveau public, dynamiser un territoire. Cette école est constituée de plusieurs espaces : un foyer d’accueil, une chapiteau en dur de 360 places, un espace extérieur de démonstration, une salle de danse, des vestiaires, des bureaux et d’une salle de résidence artistique. Cette salle permet aux circassiens de s’y installer afin de créer et d’expérimenter de nouveaux spectacles tout en donnant des représentations “essais”. De plus, certaines de ces structures comme le Théâtre Firmin Gémier/La Piscine à Antony, sont appelées «Pôle national des arts du cirque». Ces lieux «ont vu le jour pour accompagner les parcours professionnels des artistes, et tenter de répondre aux besoins décuplés, en matière de création et de diffusion»18. Ainsi, une ville ayant obtenu ce label acquiert une légimité culturelle et permet d’être ainsi plus attractive.
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cf Annexe 1 : Entretien avec Jean-Jacques Legros, directeur technique d’Antony, 2019 PAISSON Claire, Un nouveau label pour le cirque : pôle national des arts du cirque,Territoires de cirque, 2012
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EN DEHORS DU CHAPITEAU
(c) cie cirque-autour
Le Festival de rue : les artistes s’approprient la ville
Des artistes en mouvement dans la ville : La parade Les Blancs, Cie Cirque Autour
Un regroupement de spectateurs autour des acrobates de la Cie Cirque Aital source : Cirque Aital, 2012, http://www.cirque-aital.com
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(c) Jean-Marc Hélies
source : Cirque Autour, 2018, Spectacles déambulatoires, www.cirque-autour.com
Une rencontre culturelle différente À certaines périodes de l’année, généralement à partir du mois de juin, les villes organisent des festivals des arts du cirque. Les spectacles qui se déroulent dans les rues sont totalement différents de ceux que l’on peut voir sous un chapiteau. Le but de ces festivals est de favoriser l’échange entre le public et le cirque, mais également encore une fois de développer les projets culturels de la ville. En effet, ce n’est plus aux habitants de forcément se déplacer dans un lieu culturel mais ce sont les artistes qui se rendent dans leur lieu de vie, la rue. Le cirque, comme on a vu, étant aujourd’hui poussé aux périphéries des villes peut alors retrouver sa place dans le centre ville mais sous une autre forme. L’espace public devient alors un lieu de rencontre et d’expression artistique. Le spectacle de rue est différent de ce qui se passe dans un espace cirque. «Investir l’espace public, et cela n’est pas réservé au cirque, nécessite de s’adapter, de compter avec l’aléatoire des flux de la ville. Pour limiter le risque, la prouesse circassienne demande au contraire la plus grande maîtrise et donc de supprimer cette part d’aléatoire. La rue n’offre pas « la stabilité » de la salle ou du chapiteau. Les artistes doivent réajuster sans cesse leurs repères»19. Même si les artistes peuvent se permettre une représentation à 360° à l’extérieur, l’absence du chapiteau peut complètement changer un spectacle. Par exemple, pour le spectacle Vol d’usage, ils utilisent des sangles attachées à la structure du chapiteau mais aussi la piste circulaire. Il n’est pas possible pour eux d’adapter leur spectacle dans la rue. Cependant d’autres artistes, proposent des démonstrations autant à l’intérieur qu’à l’extérieur. La caractéristique d’un spectacle en dehors du chapiteau c’est qu’il faut s’adapter à son environnement, à l’espace, aux équipements urbains, aux flux, aux intempéries éventuelles, la sécurité, … La ville est autant un espace libre qu’un espace contraignant. Aborder autrement la ville Pendant le temps du festival, les habitants peuvent vivre différemment la ville. En effet, à Antony, du 22 au 30 juin 2019, la ville propose un festival des arts du cirque. «Pour le public ça peut l’amener sur des endroits inhabituels»20. Le directeur culturel ainsi que le directeur technique choisissent des lieux “particuliers” soit sur des trottoirs, des places, des squares, des jardins et proposent aux artistes d’y faire leurs spectacles. Ces lieux “particuliers” peuvent être par exemple, une fontaine ou même un arbre d’une grande envergure. Par ces éléments fixes, les circassiens doivent approprier leurs mouvements à l’espace qu’il leur est proposé afin de jouer entre leur savoir faire et le lieu où ils sont. Ils permettent de réinventer la vision que l’on a de la ville. De plus, on peut observer deux mouvements “inhabituels” qui s’opèrent dans la ville pendant un festival. Premièrement, un rassemblement puis un groupement fixe de spectateurs viennent entourer les artistes. Puis, on peut voir également, à l’inverse, un mouvement de parade : les spectateurs sont fixes et sur une ligne étendue, regardent passer les artistes qui défilent. La plupart du temps, certains axes de circulations routières sont fermés pour laisser place aux flux piétons. La ville est ainsi transformée de façon éphémère. Cependant, ces périodes de rencontres festives imposent de nombreuses contraintes pour les agents des villes, que ce soit administratives, matérielles, réglementaires et relevant de la sécurité publique surtout dans un contexte où la vigilance anti-terroriste est renforcée. Ces contraintes peuvent réduire la liberté d’expression des circassiens.
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Guyez Marion, Le cirque et la rue : amorce d’état des lieux esthétique, Hors les murs, 2014 cf Annexe 1 : Entretien avec Jean-Jacques Legros, directeur technique d’Antony, 2019
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EN DEHORS DU CHAPITEAU
(c) Cirque-Théâtre d’Elbeuf
Quand les arts du cirque investissent les constructions permanentes, un nouveau débat
La rencontre des arts contemporains avec le cirque historique d’Elbeuf (Normandie)
Une nouvelle construction pour les arts du cirque qui conserve la piste : L’Académie Fratellini
source : (à gauche) AMC, 2003, Equerre d’argent Patrick Bouchain et Loic Julienne Académie Fratellini, www.amc-archi.com (à droite) Académie Fratellini, A propos de l’Académie, http://www.academie-fratellini.com
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(c) Académie Fratellini
(c) Philippe Ruault
source : Cirque théâtre Elbeuf, 2015, Pôle du cirque national de Normandie, www.cirquetheatre-elbeuf.com
La crise du chapiteau Aujourd’hui les artistes quittent progressivement le chapiteau pour des raisons économiques (coût des transports, du chapiteau), par l’ancrage difficile des chapiteaux dans les villes, par une peur d’une mauvaise production, etc … 20% des circassiens se produisent sous chapiteau et 80% en salle. Jouer dans un théâtre permet de ne plus vivre en itinérance, un choix de vie non voulu par certains artistes. Il permet également de gagner du temps et de l’argent en ne montant pas un chapiteau. Cependant, comme affirme Jean-Jacques Legros, «Le chapiteau, il a une histoire. Présenter un spectacle sous chapiteau c’est jouer en 360 degrés. Si on perd ça, on perd tout un savoir faire, des choses que l’on ne pourra pas représenter de face au théâtre, ce sera tuer une certaine forme de cirque.»21 . En effet, au théâtre, on perd la notion du cercle et de la piste, on a une vision du spectacle frontale. De nouveaux lieux en ville pour le cirque contemporain Le cirque contemporain peut également se produire dans des cirques anciens comme le cirque théâtre Elbeuf (1892). L’édifice contient une piste qui permet des créations circulaires. Il fait partie des huit derniers cirques en dur de France et permet une certaine conservation de l’histoire du cirque. Jean Charmillot, en parlant de jouer dans ce type de lieu, trouve cela «intéressant, car il y a un patrimoine, une histoire. Mais en France il y en a que cinq dont deux qui servent à faire des spectacles. Aujourd’hui, ça n’existe plus les tournées en cirque en dur.»22 On voit cependant apparaître aussi de nouveaux cirques en dur et qui reprennent certaines caractéristiques architecturales du chapiteau. Par exemple, le premier construit en France est le grand chapiteau de l’académie Fratellini situé à la Plaine Saint Denis (2003). Il est construit en bois en reprenant la piste classique de 13 m de diamètre et le volume d’un grand chapiteau. Ce qui est intéressant, c’est qu’il permet d’y installer de nouveaux concepts comme notamment une partie circulaire mobile ou encore un filet trampoline. Le cirque peut se dévoiler également dans des lieux abandonnés et leurs redonner vie par la mise en scène, les éclairages, etc … Ainsi, un lieu peut devenir spectaculaire sous l’effet des arts du cirque. Cependant, ici et comme dans ces trois exemples, perdre le chapiteau c’est abandonner un espace populaire, un lieu où toutes les populations se rassemblent et c’est perdre la singularité de ce genre de représentation. De nombreux artistes défendent le fait de se produire sous chapiteau pour protéger les valeurs circassiennes et “l’outils du théâtre populaire”23 selon Marc Jeancourt. Aujourd’hui, l’image du cirque se fait par le chapiteau, c’est un symbole d’un lieu fédérateur entre circassiens et spectateurs. Même si le fait que le “Nouveau Cirque” peut se jouer de différentes façons selon le lieu qui l’accueille et qu’il offre davantage une diversité de créations, il est important d’encourager l’implantation des chapiteaux en ville. De nombreux acteurs de la ville ainsi que des artistes comme Jean Charmillot défendent fortement cette cause : « Si on joue en dur c’est dans des théâtres, et les théâtres c’est frontal, et moi j’ai pas envie de faire ça. Mes disciplines sont faites pour être jouées en circulaire et être vu de tous les côtés. Le spectacle circulaire donne un rassemblement, où les spectateurs sont plus investis. C’est ce qui donne le fait que ce soit accessible à tout le monde. C’est pourquoi je défends ça.»24
cf Annexe 1 : Entretien avec Jean-Jacques Legros, directeur technique d’Antony, 2019 cf Annexe 2 : Entretien avec le circassien Jean Charmillot, 2019 23 JEANCOURT Marc, Le cirque d’art à la rescousse du chapiteau, Territoires de cirque, 2007, p.2 24 cf Annexe 2 : Entretien avec le circassien Jean Charmillot, 2019 21 22
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CONCLUSION
Depuis l’Antiquité, le cirque permet le divertissement, la création et l’échange. Il a toujours eu sa place dans la ville. Même si aujourd’hui, les chapiteaux se retrouvent en périphérie, les circassiens n’hésitent pas à s’approprier le centre-ville pour aller à la rencontre de son public. Le cirque contemporain est aujourd’hui en plein essor et n’investit pas seulement les chapiteaux, mais s’adapte par choix de vie ou par nécessité économique à différents lieux comme des théâtres, des cirques en dur, etc … Le cirque contemporain offre de nombreux atouts pour la ville : richesse culturelle et populaire, la mixité sociale, les échanges entre la culture, le sport, l’éducation, etc ... Les acteurs des villes et beaucoup d’artistes souhaitent aujourd’hui conserver le spectacle sous chapiteau. En effet, quitter la piste et la toile, c’est perdre un savoir faire. De plus, l’éphémérité d’un lieu se détache d’un autre et forme un espace unique. Cependant, en France, il y a seulement une dizaine d’espaces cirque. En effet, la plupart des espaces sont convoités pour construire des logements ou des bureaux et il faut se battre pour garder un espace vide dans une ville dédiée à accueillir des artistes. Comme le dit Marc Jeancourt : « Le cirque est une leçon d’occupation de l’espace public.» 25 Peut-être faudrait-il davantage que les collectivités pensent à des projets globaux, où les éléments (écoles, gymnases, chapiteau) interagissent entre eux mais aussi valoriser des terrains ou des espaces comme des friches industrielles pour ancrer un chapiteau et permettre ainsi aux arts du cirque de perdurer. Cependant, il n’est pas évident pour toutes les villes, pour une question de superficie et de budget, de réaliser ce projet. Si cette analyse avait été plus longue, j’aurai voulu réaliser plus d’entretiens et notemment avec des architectes, des habitants, des élus municipaux et d’autres artistes. Cependant, je souhaiterais poursuivre cette étude en master, avec le domaine d’étude Territoire de l’architecture. En effet, la création d’un espace qui comme celui-ci peut accueillir un chapiteau, peut engendrer des transformations de l’organisation urbaine et des espaces publics pour créer des interactions valorisantes. De plus, le Pôle Patrimoine et Bâti de la ville de Rambouillet a accepté que je participe à leur projet qui consiste à créer un espace cirque au sein d’un quartier et d’un espace où se trouveront également des logements, un gymnase et une école. Ce sera également un projet urbain à concevoir et je souhaite m’engager dans ce projet dans les années à venir.
JEANCOURT Marc, 2007, Le cirque d’art à la rescousse du chapiteau, Territoires de cirque, 5 p. https://www.territoiresdecirque.com/content/-le-cirque-d-art-a-la-rescousse-du-chapiteau/jeancourt_cirque_art. pdf 25
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TABLE DES MATIERES AVANT PROPOS
p. 4
INTRODUCTION
p. 5
I) L’ACCUEIL DES ARTS DU CIRQUE DANS L’ESPACE URBAIN
p. 6
1) Origines et évolution du cirque
a) De l’Antiquité au Moyen Âge b) Du cirque traditionnel au cirque classique c) Le cirque contemporain (“Cirque Nouveau”) et la création des écoles circassiennes
p. 6
2) L’intégration du cirque dans l’espace urbain du Moyen-Âge à aujourd’hui
p. 10
3) Des acteurs et un terrain à l’origine de la présence de circassiens dans la ville
p. 12
a) Un évènement au coeur de la ville b) Un cirque en périphérie : un atout pour la ville a) Un projet qui demande réflexion b) Installation et sécurité
II) INSTALLATIONS ÉPHÉMÈRES ET TRANSMISSION DES VALEURS CIRCASSIENNES AVEC LES SPECTATEURS
p. 14
1) Architecture circassienne : l’installation d’un signal dans la ville
p. 14
2) Le chapiteau : un lieu fédérateur et un spectacle qui s’adapte à son architecture
p. 16
3) Les roulottes : des itinérants dans la ville
p. 18
a) Un terrain qui reprend vie b) Une image toujours différente
a) Un lieu qui favorise l’échange b) Un spectacle qui se construit sous le chapiteau
a) L’itinérance, un choix de vie b) Vivre en communauté c) Les caravanes : une image du cirque
III) EN DEHORS DU CHAPITEAU
p. 20
1) Les arts du cirque participent au développement social et culturel d’une ville
p. 20
2) Le Festival de rue : les artistes s’approprient la ville
p. 22
3) Quand les arts du cirque investissent les constructions permanentes, un nouveau débat
p. 24
a) L’intégration du cirque dans le cursus scolaire et dans les associations sportives b) Des écoles de cirque dans la ville ouvertes à tous
a) Une rencontre culturelle différente b) Aborder autrement la ville
a) La crise du chapiteau b) De nouveaux lieux en ville pour le cirque contemporain
CONCLUSION
p. 26
BIBLIOGRAPHIE
p. 28
ANNEXES a) Annexe 1 : Entretien avec le directeur technique d’Antony b) Annexe 2 : Entretien avec un circassien
p. 30 p. 33
27
BIBLIOGRAPHIE Ouvrages ALEXANDROFF, 1980, Errants, nomades, voyageurs, Centre Georges Pompidou, 96 p. BARTABAS et COCANO Claire, 2010, Habiter Zingaro, ACTES SUD, 110 p. DAVID GIBERT Gwénola, 2006, Les arts du cirque, Logiques et enjeux économiques, DEPS, 208 p. DUPAVILLON Christian, 2001, Architectures du cirque : Des origines à nos jours, Le Moniteur, 285 p. DUPAVILLON Christian, 2004, De la tente au chapiteau, NORMA, 120 p. DUTHUIT Dominique, 2014, Un terrain à partager, Loubatières, 60 p. JACOB Pascal et POURTOIS Christophe, 2002, Du permanent à l’éphémère : espaces de cirque, CIVA, 222 p.
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Audios COPPET Catherine et SAMOUILOFF Véronique, 25/02/2014, Les bancs du cirque ou l’école de Châlons, Histoire du cirque, LA FABRIQUE DE L’HISTOIRE, ARTE, 52” HODAK Caroline, 24/02/2014, Du théâtre équestre au cirque moderne, Histoire du cirque, LA FABRIQUE DE L’HISTOIRE, ARTE, 52”
Exposition Centre d’interprétation de l’Architecture et du Patrimoine, du 28 mars au 3 novembre, 13m de diamètre, Les temps du cirque, Office de tourisme d’Amiens,
Spectacle Cie.Quotidienne, du 15 mars au 7 avril 2019, Vol d’usage, Espace cirque d’Antony
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ANNEXES ANNEXE 1 : Entretien réalisé avec Jean-Jacques Legros, directeur technique de l’Espace cirque d’Antony, le 9 mai 2019, au théâtre de la piscine à Châtenay-Malabry Qui a eu l’idée de l’espace cirque à Antony et pourquoi? « C’est Marc Jeancourt qui a eu l’idée de proposer au maire d’Antony de l’époque ce projet là, en disant qu’il y avait une demande du public et qu’il avait envie d’y répondre car c’est un milieu qui pouvait apporter quelque chose de plus dans l’évènement culturel que l’on proposait déjà; et on a eu un espace provisoire sur un terrain qui avait des projets de constructions d’immeubles. Mais pendant un moment s’était figé en terrain vague, donc on a fait une petite installation provisoire et on a accueilli trois chapiteaux. Pas trop énorme pour débuter, puis on a rempli les salles et cela a convaincu le maire de l’époque et il a fallu que l’on parte de ce terrain là. Le maire a dit qu’il était d’accord mais il a dit “débrouillez-vous pour trouver un terrain”. Avec l’aide d’une personne en mairie, qui était ingénieur des Ponts et Chaussées et qui connaissait très bien la ville. On a sillonné la ville avec des pistes qu’il pouvait nous donner et puis on a eu celle des lieux actuels et là-dessus j’ai fait un cahier des charges pour voir techniquement ce que l’on pouvait faire pour avoir un espace cirque qui puisse fonctionner tout de suite avec un minimum, et puis on est parti de là. Donc ce n’était pas un espace qui était constructible? Non, il n’était pas constructible car il faisait partie de la coulée verte, donc on ne peut pas en faire n’importe quoi. Le fait de faire un espace cirque, en aucun cas ça fige des choses comme des immeubles. Après les 10 ans de l’espace cirque on a posé des modules plus confortables ou des sanitaires, un bureau compagnie et pour nous une billetterie, des toilettes publiques plus confortables que l’on est pas obligé de louer à chaque fois. Disons que c’est des bungalows qui ont été décorés et aménagés spécialement pour ça. Mais le jour où on veut les enlever on démonte et on enlève. Dans une ville est ce que ça représente beaucoup de pourcentage ce genre d’espace? On n’a pas le choix de beaucoup d’espace car le m² en périphérie de Paris ça coûte très cher, c’est pour ça que le centre ville faut pas y compter et qu’après en s’excentrant faut voir ce qui est possible. Est-ce facile pour toutes les villes d’accueillir un espace cirque? Non, car le notre fait 4800 m² et c’est exceptionnel à Antony, ça été une volonté politique et une chance d’avoir ce terrain qui a été non constructible, ce qui nous a permis de l’aménager pour le cirque. Surtout qu’il faut penser à comment les gens arrivent et comment ils se garent. Dans l’élaboration du projet avez-pensez à ce problème de stationnement? On a pensé à comment les gens allaient venir mais comment les gens allaient se garer on savait que ça allait être un problème et ça l’est encore, et ça le sera encore. C’était déjà exceptionnel de faire 5000 m² pour faire un espace cirque si on en demandait 2000 de plus pour un parking qui ne sert que pour un moment… C’est toujours un problème qui sera et qui est récurrent. On conseille pour venir de prendre le vélo ou le RER. Le terrain appartient-il à la ville? Oui et une fois transformé par la ville il a été transféré à la communauté d’agglomération. Le Grand Paris s’est chargé de faire la deuxième phase de travaux et a réalisé les travaux des bungalows et qui maintenant s’occupe de l’entretien et de la maintenance du lieu. Au départ il y a t-il eu un architecte qui s’est occupé de faire des études de sol et la délimitation du terrain? C’étaient les services techniques de la ville. Il y a eu l’installation électrique importante, un seul réseau d’eau et le sol qui doit être stabilisé avec 40 cm de béton concassé qui permet d’avoir un sol très dur, comme ça il n’y a pas d’arrachements des pinces et permet de résister aux poids lourds. Pour les planter on prend un perforateur, on perce la croûte, on met la pince et on l’enfonce dans le sol avec un marteau piqueur et une cloche pour cogner sur la pince. Du coup on est supérieur à la réglementation de l’arrachement. Ca nécessite du matériel que l’on fournit. J’ai acheté deux perforateurs et je loue un compresseur et puis les cloches j’en ai une et les compagnies aussi. Vous êtes une équipe de combien de personnes à aider les compagnies lorsqu’elles viennent s’installer? Ca dépend des chapiteaux, en général ça passe de 6 à 15 personnes. Un montage dépend de l’autonomie de la compagnie selon son équipe. Souvent il nous demande de monter, pince, chapiteau, gradin piste et puis ensuite ils s’occupent du son et de la lumière et parfois ils demandent une aide pour ce genre de chose. L’espace cirque est-il ouvert le week-end, seulement quand il y a des représentations? Il est ouvert à d’autres moments. Il suffit de le signaler dans les dossiers tout ce qu’il se passe et prendre les mesures nécessaire en terme de sécurité. Il peut être ouvert à des stages, à des visites en famille. Il est ouvert le week-end quand il y a des compagnies. En général on joue les vendredi, samedi et dimanche et en semaine de temps en temps s’ il y a des scolaires selon la demande. Avant que chaque compagnie vienne faut-il demander une autorisation? Je fais les demandes maximum de ce qui se passe en général. C’est à dire je fais un dossier de sécurité que je donne au responsable de la sécurité de la ville qui le transmet à la sous commission départementale de sécurité, qui donne un avis sur dossier favorable ou non avec des prescriptions. Ensuite, je fais passer un bureau de contrôle quand le montage est fait et à l’issu de tout ça je fais passer la commission communale de sécurité qui regarde l’avis du dossier, le rapport des bureaux de contrôle, fait sa visite et me donne l’ouverture du public à chaque fois qu’une compagnie vient. Il faut le faire au minimum un mois avant l’évènement. Par contre, c’est chaque maire qui décide de l’amplitude de sécurité de sa
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ville. Ca peut être une demande avec passage ou non de bureau de contrôle et la commission communal. Sachant qu’il est responsable de tout ce qui se passe sur sa ville, il prend donc des garanties, ça reste contraignant mais il n’y a pas n’importe quoi qui peut se passer sur le terrain. Chaque compagnie doit tenir un registre de sécurité à montrer en cas de commission de sécurité. Par exemple, la sécurité repose sur la stabilité mécanique des structures, la réaction au feu de la toile et la sécurité contre l’incendie. L’Espace doit également respecter certaines normes par rapport à : la qualité du sol, l’hygiène du lieu, la sécurité de l’aire d’accueil, etc ... Combien de compagnies par an ? On accueille entre 4-5 spectacles, que l’on diffuse et après on a des résidences de travail, des gens qui sont dans une phase de création, on les prend tôt parfois à la limite de présenter un spectacle et par rapport à notre mission de Pôle National des arts du cirque on a cette mission de pouvoir permettre à quelqu’un de s’implanter, de l’aider au montage, de l’aider financièrement, et de l’aider à travailler sur l’espace cirque sachant que s’ il y a une sortie de résidence et que l’on est prêt du spectacle ça peut permettre à la compagnie de faire venir des journalistes ou des critiques ou d’autres compagnies pour avoir un regard avant qu’ils jouent. Nous, c’est une forme de promotion de faire ce genre de choses .Mon directeur va voir ces étapes de travail et si le spectacle lui plaît, on le prend et sinon il continue son chemin. Mais souvent les spectacles sont pris la saison d’après. Si on fait une sortie de résidence on va communiquer là-dessus. C’est vraiment une étape de travail et on ne fait pas venir de spectateurs car il y a tout un système de sécurité. En général, il y a entre une à deux résidences de travail. Chaque cirque reste environ 3 semaines à un mois. Est-ce un choix que le reste du temps, il n’y ait rien sur le terrain? Après c’est une question de logistique et de moyens. A chaque fois que l’on accueille un chapiteau c’est une somme considérable. La limite c’est le budget. Quels sont les ressentis des artistes sur l’espace cirque? Ils en disent beaucoup de bien. Je pense, quand j’entends les artistes parler des autres lieux et comparer notre espace cirque à certains, il ont des vrais toilettes, ils ont des douches, c’est chauffé, il y a un vrai accueil, une distribution électrique qui est bien, des commerçants autour : ça reste un lieu relativement confortable. Par rapport au tours à côté, sont-ils toujours d’accord d’accueillir ce genre d’événement? Avant d’ouvrir l’espace cirque il y a eu des collègues qui ont fait un gros travail avec les tours pour qu’il sache ce que l’on allait y faire et qu’ils ne confondent pas le cirque contemporain avec le cirque traditionnel. Au pire ça se limite à des chevaux. Ca été en général bien pris même si les gens des tours ne sont pas forcément des gens qui viennent. Dans tous les cas on cohabite très bien et on n’a pas de soucis de pollution sonore ou de gens qui viennent se plaindre. Il y a t-il une réglementation au niveau de la distance entre l’espace cirque public et les habitats? Normalement, au niveau de la réglementation il faut être à 8 m d’un autre établissement. Après c’est plus du bon sens de se dire que dans un chapiteau on diffuse de la musique et si on est trop près de l’habitation, selon la fréquence et les horaires des spectacles ça peut embêter les gens. Il faut faire attention à ça. De même quand on monte et quand on démonte ça fait du bruit, de même quand on enfonce les pinces . Quand on est en résidence de travail, les gens peuvent aussi travailler en journée, donc attention à prendre en compte ce genre de chose. Si on aménage un lieu et qu’après on voit que ça gêne tout le monde, c’est un peu embêtant. Par rapport à la surface est-ce que tous types de chapiteaux peuvent s’y implanter? Non, il ya une limite, on peut en mettre des gros mais le cirque du Soleil, le cirque Plume je ne pourrais pas l’accueillir. Mais ça nous permet d’accueillir quand même des chapiteaux de 750 personnes. On était à la limite de l’accueil. La compagnie Vost avait un chapiteau haut de 18 m, et là on est dans les limites de la surface au sol. Après c’est des camions, des roulottes qui se posent. Comment les artistes savent comment ils vont s’implanter? C’est un échange entre nous, pour voir si c’est possible ou pas de s’implanter. A partir du moment où mon directeur souhaite recevoir une compagnie, je regarde tout de suite la dimension du chapiteau, le campement, voir si c’est possible de s’implanter chez nous. Au pire des cas, je demande au chef monteur de venir et après on fait un montage à blanc pour vérifier que c’est sûr que ça passe et que l’on ait pas de pinces dans les réseaux. Comment se passe le montage à leur arrivée? La veille du montage, il y a l’arrivée de la compagnie, l’installation du campement, et ensuite après on fait le tracé du chapiteau. On le fait sur le sol avec des bombes et le lendemain en complément de la compagnie j’ai une équipe de montage avec de la location de matériel, puis on monte. On mets les pinces, on monte les mâts, on accroche la toile, on la tend, on met les poteaux autour, on tend, on monte la piste, les gradins, on met la toile de tour et puis tout ce qui est éclairage. Le temps dure selon les chapiteaux; Vost c’est 5-6 jours de montage avec 250-300 pinces. Vost c’est tellement haut que s’il y a trop de vent on arrête le montage.
Ces problèmes d’intempéries interviennent seulement au montage? Non après aussi. Il faut consulter la météo. La règlementation permet 100 km/h sauf notice constructeur. Si on n’est pas dans la capacité de faire fondre la neige, on ne fait pas rentrer de spectateur en dessous, car avec le poids de la neige ça peut faire éclater la toile. Pendant le montage, on est dans la sécurité des gens qui y travaillent et après on est dans la sécurité du public.
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Comment s’organisent les artistes sur l’espace? C’est déjà dans l’ordre d’arrivée, ils n’arrivent pas tout le temps en convoi. Ca peut arriver soit au fur et à mesure soit en convoi. Ils se mettent selon comment ils s’entendent, selon la grosseur des caravanes, selon qui va partir en premier, ils mettent les caravanes eux-même et on les connecte à l’électricité. Est-ce pour eux le choix d’un mode de vie différent? Complètement. C’est un mode de vie complètement voulu et on s’en aperçoit très vite car on vit dans une caravane, les uns à côté des autres. Il y a beaucoup de promiscuité, il faut bien s’entendre, un petit problème peut devenir un gros. Après faut vivre dans une caravane, quelque chose de petit par rapport à une maison et faut accepter de sortir de sa caravane, d’aller aux toilettes, de prendre une douche, de traverser la pluie. Il y a un côté camping très assumé car ce sont des gens très organisés. Quand le public est présent, est ce un choix de montrer leur univers? Toilettes/douches/ caravanes se voient mais je fais en sorte de quand même que les gens ne viennent pas s’y balader. Au niveau de l’accueil on surveille que pas n’importe qui viennent s’y balader. Le petit chapiteau qui accueille le bar est le choix de qui? Au début de l’espace cirque, on avait une toute petite caravane qui nous servait de billetterie. Et puis deux petites toilettes bleues pour le public et pour nous et puis il y avait un petit sanitaire collectif ,et puis ça ça été la première étape. C’est vrai que c’était le minimum et c’était tout ce que l’on pouvait offrir aux artistes et au public. Et les gens venaient voir un spectacle et 10 minutes après on fermait tout et les gens étaient partis. On a loué des chapiteaux puis on s’est posé la question si ça ne serait pas encore une étape? On a réfléchit et on a décidé d’acheter un chapiteau que j’ai aménagé et j’ai demandé à des gens qui faisaient que des tournées de cirque de le restaurer. On leur fournit chapiteau, tables, chaises et eux viennent avec leur roulottes cuisines et en assurent les bénéfices. Cela permet d’offrir une restauration avant et après les spectacles. Avec les cartes blanches, les afters, ca nous permet de garder les gens, et de leur permettre de dîner, discuter avec les artistes dans un lieu sympa. Nous on a atteint un seuil où on a encore des choses à faire, mais maintenant les gens viennent. C’est comme dans une salle mais c’est dans un chapiteau (à part le fait que l’on soit dehors). Ils peuvent aller sous le chapiteau d’accueil pour être à l’abris et au chaud, sans rien consommer. Je pense que ça en fait un lieu accueillant qui en fait pas mal de possibilités. Quels sont les inconvénients et avantage de se produire à l’extérieur? Pour le public ça peut l’amener sur des endroits inhabituels, on peut proposer un spectacle qui est une rencontre avec un lieu. Souvent c’est ce qu’on essaye de faire. Au niveau organisation ça peut être infernale, surtout aujourd’hui avec les systèmes vigipirate. Ca nous a beaucoup plomber l’atmosphère. Disons que tous les espaces où on concentre du public c’est des endroits faciles pour des terroristes de foncer avec des bagnoles. Il faut que ce soit super encadré avec des demandes, on peut avoir des refus. On se voit de plus en plus refuser des spectacles de rue alors que dans un stade c’est clos et on peut contrôler les entrées. Nous choisissons les lieux et nous leur proposons. Je leur envoie des photos du lieu et on échange mais il faut qu’il soit assez souple (mais il ne faut pas non plus abimer leur spectacle.) A Chatenay, avez-vous aussi des représentations de cirque? Peu. On a un espace cirque pour faire du cirque. Après, faire la promotion de faire beaucoup de cirque dans un théâtre ce serait délaisser le chapiteau. Pourquoi c’est important pour vous de conserver le chapiteau? Le chapiteau c’est tout une histoire. Présenter des spectacles sous chapiteau, c’est jouer en 360 degrés, c’est jouer sous une toile, si on perd ça on perd tout un tas de savoir faire, des choses que l’on ne pourra pas présenter de face. Ce sera tuer une forme de cirque. Les cirques en salle c’est dû au cout d’avoir une certaine autonomie de s’équiper un chapiteau, des camions et de le diffuser pour pouvoir jouer. Il faut aussi des endroits pour faire ça. Le cirque en salle c’est des gens qui ont fait le choix de ne pas vivre de manière nomade. C’est du cirque dans les deux cas mais ce n’est pas pour eux le même style de vie qu’on cherche. Le spectacle d’une compagnie, sous chapiteau, c’est plusieurs personnes qui font un spectacles. Le cirque en salle c’est une ou deux personnes qui font un spectacle adapté à la salle. On ne peut plus trop appelé ça une compagnie. C’est deux modes économiques différents. Il y a 13 pôles nationaux en France et c’est important de pouvoir accueillir des chapiteaux. Après, il y a le cirque traditionnel qui vont venir s’implanter sur des parkings ou des places comme ça. Mais c’est deux milieux différents. Nous, dans l’espace on n’accueille pas de traditionnel sinon on aurait une image pour laquelle on a travaillé qui ne serait pas du tout la même, il y aurait une confusion dans la tête des gens et ce n’est pas ce que l’on avait promis aux gens qui habitaient dans les tours. Avec du cirque pour animaux ce sont des choses où on va vers la fin. C’est la demande des gens de ne plus avoir d’animaux au cirque.»
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ANNEXE 2 :Entretien réalisé avec Jean Charmillot, artiste de la Compagnie Quotidienne du spectacle Vol d’usage, le 30 avril 2019, à Paris Comment vois-tu l’évolution du cirque aujourd’hui? Il y a de plus en plus de mixité entre les différents arts même s’il y en a beaucoup. On va vers de plus en plus une mixité entre l’audiovisuel, la danse, le cirque et de plus en plus vers le spectacle où le corps est au service de l’histoire. En même temps, le cirque traditionnel va continuer de garder une ligne directrice toujours bien présente pour défendre cette tradition. Ce n’est pas près de s’envoler. Avec les histoires des animaux ça va être très différent avec des hologrammes, des drones. Le cirque traditionnel a toujours beaucoup évolué. En vrai ils sont très innovants. Il sont toujours à la recherche de l’idée. Mais il reste dans un même format de spectacle. C’est un style que l’on aime ou que l’on n’aime pas. Quelle est la différence entre cirque traditionnel et cirque moderne? C’est le format du spectacle. Dans le cirque traditionnel, c’est un enchaînement de numéros qui sont dans un format très court et puis après ça passe à un autre. Moderne, c’est plus un spectacle global avec une histoire, avec un propos. Par exemple, le cirque du Soleil, serait du cirque traditionnel car c’est des numéros avec le même format que le cirque traditionnel mais ils utilisent de beaux costumes, des gros effets de lumière et c’est que de l’acrobatie. Comment as-tu connu cet univers? Quand j’avais 12-13 ans, j’ai fait un cours de magie, un cours extra-scolaire proposé pendant les vacances. J’ai été avec un gars qui avait une école de cirque, et je me suis bien entendu avec et il m’a dit “si t’aime ça, je monte une école” . Je me suis inscrit et j’ai sympathisé avec lui. Le samedi, c’était gratuit pour s’entraîner physiquement et après on avait accès à tous les agrès sous le chapiteau. Je me suis pris au jeu d’y aller de plus en plus, de faire de plus en plus d’acrobaties, de payer mes cours en faisant l’entretien du chapiteau. J’ai aimé l’univers et je suis surtout arrivé au cirque par des rencontres de gens passionnés qui m’ont beaucoup appris. Mes profs habitaient en roulotte à côté du chapiteau, il y avait déjà ça. Il y avait déjà un univers très fort. Une fois que j’ai fini le lycée, je suis rentré à l’école de cirque de Châlons en Champagne, le centre national des arts du cirque. Aujourd’hui il y a des vrais cursus, on part du loisir puis des écoles préparatoires et de plus en plus d’écoles professionnelles. La France est-elle ouverte? La France est très novatrice dans le milieu du cirque contemporain et du cirque traditionnel. La France est un territoire de cirque. Il y a 30 ans, ils ont décidé d’innover dans le spectacle vivant et le cirque. Il y a eu de gros soutiens financiers. Il y a eu l’école de Châlons en Champagne, une des premières écoles professionnelles hors écoles cirques traditionnels. Grâce au système de l’intermittence cela a permis de développer pas mal de choses. Quelles sont les valeurs circassiennes? Dans le cirque, il y a la solidarité qui est très forte surtout quand tu travailles en chapiteau où tu as toujours accès à des conseils, des connaissances, des gens qui viennent t’aider, des dépannages de dernière minute. Il y a un réseau solidaire très fort et beaucoup d’entraide. Il y a beaucoup de bienveillance dans le milieu du cirque contemporain. A l’époque, les cirques traditionnels étaient un peu en guerre car ils se battaient pour avoir la place pour monter leur chapiteau. Pour nous c’est du passé, on est dans un autre système. C’est ce qui fait que ce métier est intéressant. Le spectacle est-il destiné à tous? Oui, après nous on l’a construit comme ça. Après ça dépend aussi des compagnies. Pour nous, on s’est dit on va faire un spectacle qui nous plait. Là où on a eu peur que ça ne plaise pas du tout, c’est qu’il y a beaucoup de silence, car c’est un spectacle avec très peu de musique. On s’est dit ça peut faire un spectacle difficile dans sa lecture et au final la première fois que tu le joues tu t’aperçois qu’il y a une certaine forme de magie qui fait en sorte que ça marche. Que représente pour toi le chapiteau? C’est vraiment là dedans que j’ai construit mon milieu. J’ai vécu avec le chapiteau, je m’en suis beaucoup occupé. C’est vraiment un lieu de vie, d’entrainement. C’est une maison. Quand on est en tournée, c’est un peu le centre du village même si on est pas beaucoup d’habitants. C’est le centre de toutes les attentions. Après, quand tu arrives en ville avec un chapiteau, c’est la meilleure publicité que tu puisses faire; c’est un signal, les gens ça leur marque tout de suite que c’est du cirque. Ils ne savent pas ce qu’ils vont voir en dessous mais c’est déjà une imagerie, un univers qui se crée juste parce que tu rentres sous un chapiteau. Un spectacle que l’on fait en salle, ça n’a pas la même qualité, ça n’a pas la même magie. Le chapiteau crée tout de suite une certaine magie qui va chercher plus loin que ce que nous on peut imaginer, c’est plus universel. C’est quelque chose de société mais qui remonte à loin. Et puis c’est aussi le centre de tous les soucis et de tous les stress: quand il pleut, quand il y a du vent. Il y a un chapiteau, il faut s’en occuper. Il faut apprendre à le gérer. Il y a beaucoup de normes de sécurité. Il y a toute une réglementation à connaître. Il y a une personne qui signe l’attestation pour montage et qui dit que le chapiteau est monté selon les normes de l’art et selon les normes CTS. Il y a toujours une personne dans la compagnie qui est au fait des changements de norme, de l’actualité, etc … La commission de sécurité n’est pas obligatoire, ça dépend de la mairie. Ce qu’ils regardent en premier c’est que tu as tous les papiers et ils regardent que pour l’évacuation du public, il n’y a pas d’entraves, que le nombre d’issues de secours et la largeur soient bons.
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Le chapiteau vous appartient-il? Oui, on l’a acheté d’occasion. On avait déjà le spectacle quasiment construit et après on a cherché un chapiteau d’occasion car on n’avait pas les moyens d’en prendre un neuf pour ce spectacle là. Mais il fallait que l’on ait 10 m entre les mâts et 7,50 de haut. Ca c’était notre minimum. Une fois que l’on a eu le chapiteau on a continué la création du spectacle, on a pu rajouté des choses en fonction de ce qui était dans l’espace. C’était important pour nous, comme on présentait un espace vide, sans décors, que les choses comme les mâts ne deviennent pas seulement une contrainte mais aussi un élément de décor. Tout ce qui est présent : chaises, sangles et mâts deviennent éléments de spectacle. Avant de venir sur un espace, comment savez-vous les dimensions pour l’implantation de votre chapiteau? Nous on est en lien avec les directions techniques d’un lieu ou la mairie, et on leur donne la fiche technique de notre chapiteau. Chez nous elle est assez simple. On demande un espace, une arrivée d’eau, une installation électrique de 63 A, avec nos contraintes et après ce lieu là nous dit vous pouvez ou pas. Souvent avec google map tu peux aussi repérer. Tu peux même mesurer et je pose mon plan du chapiteau sur le plan google map à l’échelle, je peux l’orienter, mettre les caravanes et je vois assez précisément l’implantation du chapiteau. C’est des outils très pratiques. A l’époque, il fallait tout le temps faire des visites techniques en amont ou parfois c’est un peu en dénivelé. Votre chapiteau limite le nombre de public, est-ce un choix? Pour nous cette jauge là était un choix dans le sens où on est 4 sur scène et si on fait un ratio rapide de 300 spectateurs pour 4 artistes ça fait que le prix du spectacle par rapport au nombre de spectateurs est intéressant. On voulait un ratio intéressant. Plus tu augmentes ta jauge, plus tu as des contraintes techniques, plus tu as besoin d’un grand espace, plus tu as besoin de monde pour monter le chapiteau, plus de camions pour le transporter. Fallait que l’on réfléchisse à tout ce qu’allait engendrer un chapiteau. Un chapiteau plus gros c’est plus de contraintes. Comme c’est nous qui l’installons, il ne faut se fatiguer dans les montages. C’est toute une gestion du rythme de vie . C’est une vie intense donc si tu as un chapiteau lourd et immense c’est pénible. Aujourd’hui ça coûte plus cher. L’économie du chapiteau est compliqué en France. Les gens veulent des chapiteaux mais ne veulent pas les payer. Il y a de moins en moins d’espace dans les villes pour les monter. A Paris, il n’y a pas d’espaces chapiteaux. Il n’y a plus de place pour l’itinérance, pour les forains, les cirques. C’est une vision de société un peu triste, l’itinérance, les gens de passage, on n’en veut plus. Après ça rejoint des vastes débats politiques mais c’est quand même la vision générale de l’enfermement et de la sécurité. Est-ce du cirque contemporain qui s’installent sur les parkings ? Souvent ce sont des cirques de voyageurs, traditionnels, qui payent leur espace où qu’ils ont un arrangement avec le supermarché. Après nous des fois on nous dit d’aller sur un parking, car le théâtre veut nous faire venir mais ils n’ont pas d’espace pour accueillir des chapiteaux. Te vois-tu jouer ce spectacle en dehors du chapiteau? Ce spectacle, à la fois non et oui. On est en train de faire une forme pour le présenter à l’étranger qui ne se jouera pas sous chapiteau mais toujours en circulaire. Aujourd’hui, je n’ai pas envie de faire des tournées en théâtre par exemple. Je préfère continuer à tourner en chapiteau même si c’est une vie qui est rude. Je trouve ça plus intéressant que de tourner en théâtre et en hôtel. J’aime m’occuper du chapiteau et conduire les camions. Pour l’instant, j’ai toujours défendu les chapiteaux. Je pense qu’il faut le défendre, qu’il faut des places pour ça, tant que je peux le faire je le ferai. Tous vos spectacles s’enchaînent-ils? Non à Antony, on jouait que le week-end le spectacle, ce qui nous laisse en semaine le temps de répéter, faire l’entretien du chapiteau, se reposer, faire des réunions. Quel est votre rythme de tournée? C’est assez variable. Depuis un an, on fait 2 mois de tournée puis 2-3 semaines de pause. On change de ville toutes les semaines ou alors on reste plus de temps dans une ville, c’est assez variable. Pendant votre tournée, vous faites le voyage ensemble? Comme on fait des mini tournées. On se retrouve à un point. Tout le monde part de chez lui, on se retrouve sur la place où on joue et puis après on fait la route ensemble, et quand on repart on repart chacun chez nous. Le mieux c’est de rouler en convoi car quand il y a des problèmes comme un pneu qui crève, comme ça on peut s’aider. Comment vis-tu sur l’espace cirque avec les autres? La disposition des caravanes changent à chaque fois. On fait en sorte que ce soit joli. C’est la publicité aussi. J’ai cette vision des grosses caravanes, même si c’est traditionnel pour que ça soit claquant. Nous on n’est pas comme ça mais par contre on prend soin des lieux où on va. En fait, on arrive dans une ville qui nous appartient pas et on s’installe chez des gens. Le minimum que l’on puisse faire c’est de respecter le lieu quand on est la. Si on repart et que le sol est totalement abimé, les gens ne voudront plus d’un cirque chez eux. Alors que si on prend soin du lieu, les habitants autours se disent que l’on peut remettre un chapiteau là ensuite. C’est très important. Comment se passe la vie en communauté? On est toujours ensemble, ça se passe comme dans toutes les colocations. Parfois on a envie d’être ensemble, des fois moins. On a chacun nos maisons, sa caravane. Quand on a envie d’être un peu tranquille, ça permet de dire “moi je vais chez moi”. C’est un rythme qu’il faut apprendre à mettre en place quand tu es en compagnie et qui varie en plus selon chacun. Tous on aime vivre en communauté, on a choisi ce métier aussi pour ce mode de vie. Il faut aussi savoir gérer les petits conflits. C’est plus ou moins facile selon les périodes. Souvent, on mange tous ensemble mais il n’y a pas d’obligation de manger à telle heure. Chacun est libre.
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Quelle relation avez-vous avec les habitants qui se trouvent autour? Ils ont l’habitude de voir défiler les chapiteaux. Le théâtre essaye de faire venir ces habitants aux spectacles qui se trouvent aux pieds de chez eux. Il y a une mixité importante à Antony, il y a les gens qui viennent d’ailleurs. Que représente l’espace cirque pour vous? Pour nous, c’est des lieux de travail car on y va pour jouer nos spectacles. Après on habite sur place. C’est toujours très agréable, c’est fait pour accueillir des cirques en terme d’eau, d’électricité, de sanitaires, douches. C’est intelligemment pensé pour laisser entrer un camion. Le cirque c’est un mélange de travail, de vie. On est toujours au travail ou on est jamais au travail, il n’y a pas d’espaces différents. On vit beaucoup dehors. Après on se fait à tout. Les spectateurs qui viennent sur l’espace cirque ont vue sur vos caravanes, comment le ressentez- vous? Nous on s’en fiche un peu. Quand tu es en ville avec un chapiteau, tout le monde te voit. On sait que ça fait partie de la curiosité des gens, de venir voir et c’est aussi pour ça que l’on fait en sorte que ce soit bien rangé. C’est comme une maison, les gens voient une paroie, une fenêtre et du linge qui sèche. On est assez ouvert la dessus. C’est des choix de compagnie. Nous on laisse tout ouvert, on ne crée pas de séparations, on ne craint pas de dégradations. Au niveau de la localisation, de la visibilité de l’espace cirque d’Antony, penses-tu qu’il a été intelligemment pensé? Il est très adapté mais pas assez plat. Cependant les gens qui passent le voient. C’est un espace chapiteau qui est bien fait, assez agréable, il n’y a pas trop de bruit la nuit. Quand tu habites un mois dessus, tu es content. Tu as un peu d’arbres autour, tu as un canal, les arbres donnent de l’ombres pour les caravanes. Comment te sens-tu vis à vis du public? Il y a t-il un bon échange? A chaque spectacle ça change. Des fois ça marche comme on aimerait, parfois pas du tout. Comme il y a beaucoup de proximité, on voit tout le monde, on entend tout le monde. Il y a tout un échange qui se crée. Les gens ne se rendent pas compte à quel point on les voit. Les gens les plus loin de nous sont à 5 m, s’ils baillent on les entend. Il y a toujours un vrai rapport qui se crée et c’est ça qui fait aussi changer le spectacle. C’est plus ou moins facile de les emmener là où on veut les emmener mais c’est là où ce n’est jamais pareil en fait. A la fin du spectacle nous on est là exprès. Dans le cirque ce qui est important c’est que les gens ne sortent pas directectement. Il y a encore un échange. C’est agréable de rencontrer les gens pour qui on a travaillé pour voir s’ils sont contents ou non. Ca prolonge le moment. Il y a t-il toujours un espace comme à Antony où les gens peuvent se regrouper après le spectacle? Non il n’y a pas toujours, voire presque jamais. Mais c’est bien car les gens restent, ils mangent, c’est un endroit où tu peux passer une journée au cirque. Ca permet de ne pas seulement voir un spectacle mais de passer un réel moment avec sa famille, ses amis … Sinon quand il n’y a pas ça, nous on fait un petit bar. Mais ce n’est pas pareil. Fais-tu des spectacles en extérieur, dans la rue? Moi non. Tu n’as pas les même accroches. Moi mes spécialités c’est le vélo et le fil. C’est deux choses qui demandent quelque chose de très plat et des accroches pour le fil qu’il faut installer. Le chapiteau c’est plus facile que n’importe où ailleurs. Je ne suis pas contre mais ça ne s’est pas fait encore dans mon parcours. Quel est l’intérêt des échanges avec les écoles? Pour eux c’est très politique. En général, quand on fait des échanges avec les écoles, c’est que le théâtre a pour mission, comme ils reçoivent des subventions de la région de faire ça. Ils nous demandent de faire des ateliers, des échanges, des rencontres. Nous c’est intéressant car on forme le public de demain mais des fois on s’en passerait. Ca se passe soit avec des écoles ou soit avec des centre aérés par exemple. Est-ce que tu penses que le cirque est un atout pour la ville? Oui, moi je pense car ça fait vivre une ville, ça fait vivre un espace quand on arrive quelque part. Est-ce que la culture est un atout pour la société? Moi je pense que ça enrichit énormément. Nous on s’installe au coeur des villes et que l’on donne accès à des gens qui ne vont jamais voir de spectacles. On attise la curiosité car c’est un spectacle très accessible. Mais le cirque est de plus en plus poussé en banlieu et les gens doivent venir en voiture, donc c’est plus compliqué. Te-vois tu jouer dans un cirque en dur? Oui, pourquoi pas. C’est intéressant, car il y a un patrimoine, une histoire. Mais en France il y en a que cinq dont deux qui servent à faire des spectacles. Aujourd’hui, ça n’existe plus les tournées en cirque en dur. Maintenant c’est des écoles, des musées, etc … Si on joue en dur c’est dans des théâtres, et les théâtres c’est frontale, et moi j’ai pas envie de faire ça. Mes disciplines sont faites pour être jouer en circulaire et être vu de tous les côtés. Le spectacle circulaire donne un rassemblement, où les spectateurs sont plus investis. C’est ce qui donne le fait que ce soit accessible à tout le monde. C’est pourquoi je défends ça.”
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Depuis l’Antiquité, les circassiens se déplacent de ville en ville pour aller à la rencontre de leur public. Bien qu’il soit éphèmère, le chapiteau s’ancre sur un espace vide et transforme un lieu «poussière» en «lumière» le temps d’un spectacle ! Aujourd’hui, ces artistes nomades ont du mal à s’implanter. L’Espace Cirque d’Antony, créé en 2004, a su trouver un endroit dans la ville pour accueillir des chapiteaux et proposer aux habitants une diversité culturelle. Ainsi, l’univers circassien perdure et permet de dynamiser la ville de différentes manières. Mais quelle place y occupe aujourd’hui le cirque contemporain ?
paysage éphémère - nomadisme - chapiteau espace urbain - lieu fédérateur
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