Justice et Paix - Revue Pour Parler de Paix - décembre 2017

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Editeur responsable : Axelle Fischer • Commission Justice et Paix francophone de Belgique, asbl Rue Maurice Liétart, 31, Bte 6 • B-1150 Bruxelles - Belgique

N° 99 2e TRIMESTRE 2017

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BELGIE(N)-BELGIQUE

P 008189

Édito La Belgique et l’Europe en

”délit de solidarité” vec l’arrivée du printemps reprennent les débarquements des bateaux de migrants sur les côtes au sud de notre continent. L’année 2017 se révèle déjà malheureusement une des plus tragiques : ces premiers mois déjà, plus de 1300 personnes (contre 950 pour toute l’année 2016) ont perdu la vie dans la Méditerranée. Ce chiffre est le résultat flagrant des politiques de l’Union Européenne en matière de migrations, qui ne garantissent pas des canaux sûrs d’accès au continent. Si la “voie Libyenne”, la plus dangereuse, est de plus en plus empruntée, la route passant par la Grèce et les Balkans est fermée, résultat de l’accord entre UE et Turquie pour bloquer l’arrivée massive de milliers de réfugiés provenant de zones de conflit. Des accords similaires ont été dernièrement négociés avec la Libye, État fragile et auteur de nombreuses exactions à l’égard des migrants qui traversent son territoire. Collaborer avec des dictatures ne fait pas peur à l’Europe quand il s’agit de bloquer l’arrivée des migrants. Au-delà des critiques malfaisantes prononcées par l’agence FRONTEX ou des personnes telles que Théo Francken envers les ONG qui opèrent pour sauver des vies en mer ; ces acteurs politiques doivent aujourd’hui s’intéresser aux causes profondes des migrations et de la dégradation du cadre de vie de ces migrants… Porzia Stella

Revue d’analyse des conflits internationaux et des enjeux de paix

L’actualité : regards et positions Crise alimentaire en Afrique de l’Est : Silence on recommence !

Seconde réflexion : page 2

Dossier

Première réflexion :

UE et minerais des conflits : échéance 2021

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Portrait / Point de vue

Ressources naturelles et Droits humains : sur qui retombe la charge ? Introduction

La bataille de l’Eau Noire : quand les citoyens se mobilisaient pour leur environnement

Au Honduras la résistance continue face à l’exploitation territoriale ! page 3

page 4

Brèves

page 9 page 11


L’actualité: regards et positions

Crise alimentaire en Afrique de l’Est :

Silence on recommence ! ’est à croire que l’on commence à s’habituer aux épisodes de famine qui touchent la corne de l’Afrique sans que l’on ne puisse mettre fin durablement à ces tragédies. Après 1972, 1984 et 1991, la famine de 2011 qui a fait plus de 260 000 victimes principalement en Somalie semblait avoir suscité suffisamment d’émoi au sein de la communauté internationale pour qu’elle s’engage résolument dans la prévention de ces catastrophes. Aujourd’hui encore, le spectre de la famine plane sur 20 millions de personnes réparties dans 7 pays de l’Afrique de l’Est : le Soudan du Sud, la Somalie, Djibouti, l’Ethiopie, le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie. D’ailleurs les Nations Unies estiment qu’il s’agit de la crise alimentaire la plus grave depuis la fin de la deuxième guerre mondiale si on y inclut également les cas préoccupants du Yemen, du Nigéria, du pourtour du Lac Tchad ou de la République Démocratique du Congo. Malgré ce constat alarmant, l’ONU peine à mobiliser les 4,4 milliards de dollars requis pour éviter que cette crise ne se transforme en une véritable catastrophe humanitaire.

Les changements climatiques ne sont plus la principale cause de la crise

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Cela dit, ce qui singularise ce nouvel épisode de famine dans la corne de l’Afrique (et ailleurs) est un nouveau son de cloche dans la hiérarchie des facteurs en cause. Jusqu’ici, les dérèglements climatiques, notamment dus au phénomène El Niño 1, qui entraînent de longues sécheresses ont toujours été considérés comme la principale origine de la famine. Or leur impact devrait être anticipé car ces phénomènes sont aisément prévisibles avec les moyens technologiques à notre disposition. L’effet de surprise n’a plus lieu et donc, ne devrait pas entraîner autant de victimes. Désormais pour les acteurs humanitaires investis dans la région, cette cause a été supplantée par les conflits armés et leurs conséquences. En effet, la Somalie est toujours gangrenée par les islamistes Shebab qui contrôlent une grande partie du territoire dont plusieurs zones agricoles. Au Soudan du Sud, la guerre civile éloigne les agriculteurs de leurs terres et bétails, entraînant ainsi une chute de la production. Ces déplacements massifs de populations vers des pays voisins déjà affectés par la sécheresse comme en Ouganda ou en Ethiopie accentuent les risques de propagation de la crise alimentaire.

Qui plus est, les conflits ont pour conséquence majeure d’entamer l’autorité des Etats mais aussi et surtout de limiter l’accès des travailleurs humanitaires, et donc des premiers secours aux populations vulnérables. Dans un entretien accordé au journal le Monde 2, Peter Hailey, directeur du Centre pour le changement humanitaire, un think tank établi à Nairobi (Kenya), est allé plus loin. Pour lui, “les famines d’aujourd’hui ne sont pas causées par le climat, mais sont à 100 % d’origine humaine… Les famines ne sont pas dues à l’absence de nourriture, mais aux difficultés d’accès pour les populations à celle-ci à cause de décisions ou d’inaction politiques”.

Changer les modes d’interventions humanitaires De fait, si la principale variable explicative de la récurrence des crises alimentaires change, alors les solutions existant jusqu’ici devraient emprunter le même chemin. Ceci implique de moins travailler dans l’urgence et de prendre des mesures innovantes qui s’inscrivent dans le long terme et qui ont l’avantage de réduire les coûts. D’ailleurs, Enzo Vecchio le directeur d’Oxfam en Somalie considère que “l’intervention après le déclenchement d’une crise alimentaire coûte au moins trois fois plus qu’une action préventive”. Cela nécessite de faire pression sur les Etats afin qu’ils intègrent que leur légitimité repose également sur la mise en place des systèmes de prévention efficaces ; mais aussi de “renforcer les sociétés civiles et les autorités locales, mettre en place des mécanismes à grande échelle d’assurance, notamment pour le bétail, et créer des dispositifs de prévention efficaces, comme par exemple des transferts d’argent réguliers vers les populations les plus vulnérables” comme le préconise Peter Hailey. Quoi qu’il en soit, ces solutions ne sont possibles que si les moyens financiers et logistiques suivent. Et sur ce plan, nous pouvons tous agir à travers des dons aux organismes dédiés ou par des initiatives personnelles originales de collectes de fonds et de sensibilisation sur les réseaux sociaux. Achille Sommo

1. Il s’agit d’un phénomène naturel qui se produit tous les deux à sept ans et peut durer jusqu’à 18 mois caractérisé par le réchauffement anormal de la température de surface de la mer dans la partie centrale et orientale de l’océan Pacifique équatorial. 2. Edition numérique du 28 mars 2017, disponible sur le lien : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/03/28/nous-humanitaires-noffrons-pas-une-reponse-durable-aux-crises-alimentaires_5101679_3212.html#K8Kfh8OCE1PoCV4r.99


Introduction

Dossier

Ressources naturelles et Droits humains : sur qui retombe la charge ?

n Honduras, Berta Cáceres, un des symboles de la résistance des peuples autochtones, s’est éteinte il y a plus d’un an déjà. À travers son combat, maintenant poursuivi par une de ses filles, on observe qu’il n’est pas évident pour la société civile de se mobiliser afin que les droits humains et de l’environnement soient respectés. Mais les entreprises et les acteurs institutionnels

dont l’Union européenne ont également une responsabilité, outre le respect de ces droits, vis-àvis des ressources naturelles et de leur commerce international pour que celles-ci ne servent plus d’essence aux conflits armés et sociaux à travers le monde. Esi Darko

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Dossier Première réflexion 4

UE et minerais des conflits :

échéance 2021

Le 16 mars 2017, l’Union européenne a adopté une loi sur les “minerais des conflits”, un règlement qui vise à garantir que les minerais importés au sein de l’Union européenne ne portent pas atteinte aux Droits Humains et ne finance pas des conflits armés à travers le monde. Après avoir été débattu pendant plus de 7 ans, le texte est bien moins ambitieux que le projet initialement proposé par le Parlement, au grand regret de la société civile…

Une omniprésence assassine La “technologisation” croissante de notre mode vie et de la profusion des objets “connectés” rend notre consommation toujours plus vorace en minerais. Ce n’est pas pour autant que le commerce international de ces mêmes minerais dispose d’outils crédibles pour se désolidariser définitivement de conflits violents à travers le monde. S’il ne constitue bien sûr pas le facteur unique à prendre en considération, ce commerce n’en demeure pas moins une cause non-négligeable d’escalade et de persistance de nombreux conflits à travers le monde. La RD.Congo demeure l’archétype de cette situation incontrôlée. Subissant depuis deux décennies la présence de groupes armés qui persécutent les populations locales, le pays est encore aujourd’hui freiné dans son développement et ne parvient pas à achever sa transition démocratique. Le lien apparaît de manière évidente, lorsqu’on sait que,


La société civile a bien compris cet enjeu et a obtenu dès 2010 du Parlement européen un positionnement en faveur d’un mécanisme de transparence dans les chaînes d’approvisionnement de plusieurs ressources minières. Quatre minerais stratégiques furent placés dans le collimateur du législateur : l’étain, le tungstène, le tantale et l’or ; et ce en raison des trafics internationaux qui y sont liés. Quelques années plus tard, en 2014, une proposition de loi fut publiée sur base du texte de référence en la matière : le guide de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) sur “le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque”. Au départ, l’ambition de ce projet était grande. Une consultation publique fut proposée et bien accueillie parmi les différentes parties prenantes. En 2016 toutefois, la société civile a déchanté lorsque le Parlement, la Commission et le Conseil de l’Union européenne se sont lancés dans une discussion interinstitutionnelle d’ordre technique. Lors de la négociation, des dissensions sont vite apparues et de nombreuses concessions ont été faites à l’égard des entreprises. Suite à ce processus de “trilogue” et le vote de la règlementation, en mars 2017, c’est avec beaucoup d’amertume que la société civile a observé cette demi-victoire.

dans l’est de la RD.Congo, près de 98 % de l’exploitation aurifère est exportée illégalement. Outre la perte sèche que cela constitue pour les caisses des autorités locales, ce commerce illégal est également une source de revenus importante pour les groupes armés qui occupent encore plus de la moitié des mines artisanales de cette région. Mais la “malédiction des ressources naturelles” ne s’arrête pas à ce pays : dans le monde entier, près de 20% des conflits sont intimement liés aux ressources naturelles 1. Face à cette apparente fatalité, l’Union européenne dispose d’un poids décisif pour lutter contre le financement des groupes armés et les violations des droits humains liés au commerce des minerais. Avec plus de 500 millions de consommateurs, elle constitue le premier marché mondial pour les minerais et les métaux, à la fois en matières premières, mais également en produits de consommation courante (téléphones, ordinateurs, moteurs…) 2.

Dossier Première réflexion

Législation européenne : un filet aux mailles bien trop lâches ?

En effet, il n’était plus question d’une législation contraignante, mais d’une simple invitation aux entreprises à se lancer dans des examens de leurs chaînes d’approvisionnement. Tout le caractère obligatoire de la loi fut mis de côté pour la majorité des entreprises. Au départ, il s’agissait de couvrir les importations de minerais sur l’ensemble des produits débarquant sur le sol européen, en “amont” de la chaîne d’approvisionnement (fonderies, raffineries, importateurs de minerais et métaux bruts) comme en “aval”, jusqu’aux fournisseurs de produits finis (GSM, tablette, voitures…). Finalement, cette loi européenne se focalise uniquement sur les entreprises en “amont”, laissant les autres compagnies autonomes quant à leur respect des droits humains. De plus, même au sein de cette partie restreinte des entreprises soumises à la législation, d’autres mesures ont été introduites tardivement pour leur permettre de se dispenser de l’exercice demandé : liste blanche de fournisseurs “responsables”, seuils d’importation en deçà desquels aucun compte ne doit être rendu, autorégulation… sont autant de faiblesses au texte de loi qu’a condamné la société civile. L’équivalent de millions d’euros de minerais issus de zones en conflits pourra ainsi continuer à déferler sur le marché européen.

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>> 1. Conflict Barometer, Heidelberg Institute for International Conflict Research, 2012, cité dans la Communication conjointe au Parlement Européen et au Conseil, Pour une approche intégrée au niveau de l’Union de l’approvisionnement responsable en minerais originaires de zones de conflit ou à haut risque, Joint (2014) 8 final, p 2. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ TXT/?uri=CELEX%3A52014JC0008

Première réflexion


Dossier Première réflexion

LA COMPÉTITIVITÉ, UN ARGUMENT RÉCURRENT POUR LE SECTEUR INDUSTRIEL Durant ce processus de réglementation, le secteur privé a également pu partager sa position, largement en défaveur d’un système de contrôle obligatoire pour les entreprises. Ces dernières ont longtemps avancé, par exemple, la complexité de leur propre structure ainsi que celles de leurs chaînes d’approvisionnement. La perte de compétitivité qu’engendrerait une telle réglementation pour les entreprises européennes est un argument auquel les décideurs politiques ont été sensibles. Les charges financière et administratives seraient, selon celles-ci, bien trop lourdes que pour s’engager sans dépérir. Ce discours est évidemment monnaie courante dans le secteur, mais il convient d’en souligner les limites. Premièrement, la proposition initiale du Parlement européen préconisait une réglementation flexible, permettant aux petites et moyennes entreprises de s’émanciper de certaines charges, ou de bénéficier d’aides pour répondre aux nouvelles normes proposées. Deuxièmement, le texte final ne permet pas de propager ces normes auprès des partenaires étrangers. En effet, si la loi avait été englobante et contraignante pour l’ensemble des produits (y compris semi-finis et finis), un importateur de GSM d’Asie aurait dû répondre aux même standards qu’un producteur européen. Désormais, avec cette loi limitée, seul un produit entièrement “made in Europe” sera contraint de respecter cette loi. Tout l’effet de ruissellement positif dans la chaîne de valeur des entreprises est donc brisé. Les entreprises européennes se retrouveront donc paradoxalement, à moyen terme, désavantagées par les propositions des lobbies qui les représentent.

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À ce titre, le secteur industriel évoquait en clôture de négociations : “La solution optimale pour éviter les distorsions de concurrence serait la mise en place d’un système global de contrôle des chaînes d’approvisionnement, soutenu par des mesures législatives dans toutes les économies” 3. Un élargissement de cette réglementation à tous les secteurs, de manière mondiale ? Ça tombe bien, Justice et Paix y travaille justement.

Le dernier point négatif de cette loi – et non des moindres – est son calendrier d’application. Si cette loi a été votée et approuvée en 2017, le législateur a décidé de ne la rendre effective qu’en 2021. Le processus de révision interviendra quant à lui en 2023, date à laquelle des mesures supplémentaires pourront enfin être envisagées, au cas où l’implication volontaire des entreprises n’est pas suffisante…

L’Union fera l’espoir Selon la société civile, cette nouvelle loi ne peut être qu’un premier pas en avant, car des mesures supplémentaires seront nécessaires pour que toutes les entreprises puissent vérifier adéquatement leurs chaînes d’approvisionnement. De plus, ce règlement européen aborde un aspect technique important pour lutter contre les minerais des conflits, mais ne peut à lui seul résoudre les problèmes de développement et de gouvernance liés à l’extractivisme minier dans de nombreuses régions du monde. Pour y répondre, l’Union européenne a donc souhaité, de manière complémentaire à ce traité, s’engager dans des mesures “d’accompagnement”. À travers sa diplomatie et la coopération au développement, l’UE souhaite donc avoir une approche globale et intégrée pour travailler sur différents fronts en même temps : commerce, éducation, relations bilatérales, affaires intérieures… seront autant de domaines touchés par les initiatives du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) 4. Un levier politique fort qui devra être mobilisé pro-activement et à bon escient pour mettre fin aux carences de gouvernance, de sécurité et de pauvreté.

À chacun son rôle : devoirs et attentes respectives Étant donné que cet accord européen se base majoritairement sur une approche volontaire, la balle est désormais dans le camp des entreprises. A elles de prouver, dès aujourd’hui, qu’elles sont capables de prendre leur responsabilité vis-à-vis des souplesses qui leur ont été offertes, de suivre les normes de transparence proposées ; et ce sans attendre 2021 pour se lancer dans des politiques ambitieuses. Le succès de cette loi non-contraignante reposera en grande partie sur l’adhésion et la proactivité du secteur privé. À lui de ne pas décevoir. Les ONG, associations et citoyens devront quant à eux s’engager à un devoir de veille politique afin de maintenir l’attention et la réflexion nées autour de cette thématique. Les minerais des conflits font toujours partie de notre quotidien et se glissent jusque dans notre poche. À nous de prendre également nos responsabilités, et d’avoir l’audace de faire une introspection de notre propre consommation. Timur Uluç

3. http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ BRIE/2016/579108/EPRS_BRI(2016)579108_FR.pdf 4. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=14192530 41623&uri=CELEX:52014JC0008%20

Première réflexion


quand les citoyens se mobilisaient pour leur environnement Le documentaire “La bataille de l’Eau Noire” raconte la lutte acharnée des Couvinois contre la construction d’un barrage dans leur vallée, en 1978. Aujourd’hui, où en sommes-nous en ce qui concerne la mobilisation citoyenne pour la préservation de l’environnement ?

“Astérix contre César” En 1978, les citoyens de la ville de Couvin, dans la province de Namur, se révoltent contre un projet de barrage lancé par le ministère des travaux publics dans la vallée de l’Eau Noire. Pour les Couvinois, le patrimoine écologique de leur région est en danger, ainsi que leur sécurité. En effet, les anciens disent la roche trop poreuse pour un tel édifice. Du côté des autorités, il s’agit de garantir l’étiage de la Meuse afin de diluer la pollution industrielle produite par la sidérurgie liégeoise. Commence alors une longue bataille de 9 mois, qui fait l’objet d’un documentaire de Benjamin Hennot “La bataille de l’Eau Noire” 1. Grâce à l’union de leurs forces et leur détermination, les Couvinois gagneront leur combat, non sans être passés par quelques actions musclées, comme le saccage des chantiers de construction. Ils auront réussi un exploit à la “Asterix contre César”, en se préservant d’une récupération politique et en excluant l’intérêt personnel. Au final, ce combat aura renforcé les liens sociaux des Couvinois, au-delà des différences d’origine socioculturelles et des convictions politique et idéologique. Il aura également développé chez ces résistants la conscience de leurs droits sociaux et écologiques, et la possibilité de les faire valoir. L’un d’entre eux témoigne 30 ans après : “On était devenu plus francs, on n’avait plus peur de rien”. En somme, la bataille couvinoise est un exemple intéressant d’engagement citoyen ou encore de “désobéissance civile 2”, à une époque où la consultation populaire concernant ces grands travaux était quasi inexistante. Elle aura également révélé un manque de réflexion concernant les alternatives possibles à ces projets d’infrastructures afin d’éviter un trop grand impact sur l’environnement.

Dossier Deuxième réflexion

La bataille de l’Eau Noire :

Aujourd’hui, où en sommes-nous ? Dans le documentaire de Benjamin Hennot, un des Irréductibles Couvinois résume bien, l’idée sous-jacente à leur combat: “C’est pas en étant sage qu’on arrive à quelque chose”. Nous constatons que cette idée de désobéissance civile est aujourd’hui souvent reprise par les organisations de défense de l’environnement.

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>> 1. HENNOT B. (2015). La bataille de L’Eau Noire [Documentaire]. Bruxelles : YC Aligator film. 2. La désobéissance civile, terme apparu au 19e siècle, est “le refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique”. WIKIPEDIA. “Désobéissance civile” https://fr.wikipedia.org/wiki/Désobéissance_civile [Consulté le 11/05/2017]

Deuxième réflexion


Dossier Deuxième réflexion

Elle serait même, selon certaines associations 3, le seul moyen qui nous reste pour combattre les changements climatiques et défendre l’environnement. Ainsi, de nombreux projets d’infrastructures controversés sur le plan écologique sont aujourd’hui contestés. Aux USA par exemple, les barrages suscitent de plus en plus la polémique, comme le barrage hydroélectrique de Susitna en Alaska 4. En France, de plus en plus de “ZAD” 5 [voir encadré] sont investies par les citoyens.

LES ZAD Les Zones A Défendre ou “ZAD” est un concept né en France. Il s’agit de lieux où des citoyens se rassemblent afin d’empêcher la mise en œuvre de projets d’infrastructures jugés inutiles ou destructeurs pour l’environnement. Ceux-ci sont investis pendant parfois plusieurs mois. Les citoyens contestataires y organisent des activités et des débats. Nous pouvons citer comme ZAD connues celles de l’aéroport de Notre-Dame des Landes, du barrage de Sivens ou du centre d’enfouissement de déchets radioactifs de Bure. Ce concept est aussi présent en Belgique. Par exemple, la ZAD du terrain du Keelbeek à Haren rassemble les opposants au projet de construction d’une méga-prison qui détruirait une zone naturelle 6.

Ceci montre une certaine vigilance des citoyens par rapport aux projets qui pourraient bouleverser leur environnement. L’idée se développe que, dans notre système dit “démocratique”, les représentants des citoyens manquent de vue à long terme et sont incapables de gérer des projets où l’aspect écologique est confronté aux intérêts économiques. Pour autant, nous pensons qu’il serait dommage que l’”écorésistance citoyenne” soit considérée comme l’unique possibilité pour préserver notre environnement et qu’il convient d’insister pour que l’État prenne aussi ses responsabilités.

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Les écueils de la résistance citoyenne Il nous semble que les manifestations citoyennes restent encore trop souvent perçues comme marginales par une grande partie de la population. En 1978, les Couvinois ont pris peu à peu conscience de l’importance de la communication autour de leur combat, afin de toucher tous les Belges 7. Ce problème nous semble récurrent dans les différentes batailles menées par les citoyens pour l’environnement. Ces combats seraient l’apanage de quelques militants écolos utopistes, selon une morosité qui pousse à penser que David ne pourra jamais rien contre le Goliath étatique ou économique. D’où l’importance d’un film comme “Demain 8” qui permet de faire de la protection de l’environnement l’affaire de tous. Il faut transmettre un message positif : en tant que citoyens, il est possible de faire la différence, tout en permettant à chacun d’y trouver son compte. En outre, quand l’environnement passe après les intérêts politiques, les citoyens peuvent en venir à s’interroger sur la valeur de leur combat. Les clivages idéologiques créés par la récupération politique risquent de faire perdre de vue l’enjeu écologique. Les Couvinois ont refusé d’emblée toute politisation du mouvement, conscients que cela pourrait semer la zizanie et desservir leur combat. La cohésion du groupe est importante et permet aussi d’éviter d’éventuels débordements violents. Mais, quand le mouvement prend de l’ampleur, ce n’est pas toujours facile, comme en témoigne l’expérience du barrage de Sivens [voir encadré].

LE CAS RÉCENT DU BARRAGE DE SIVENS L’histoire de Couvin, nous rappelle plus récemment la lutte contre la construction du barrage de Sivens, dans le Tarn, en 2014-2015. Ce barrage devait constituer une réserve d’eau pour irriguer les terres agricoles, en cas de sécheresse et contrôler l’étiage du Tescou (un affluent du Tarn). Il s’agissait pour cela de submerger 12 ha de la zone humide du Testet. Le projet est soutenu par les agriculteurs de la région mais certains citoyens, régionaux ou non, dénoncent un manque de vue à long terme et demandent des scénarios alternatifs. Ils investissent alors la ZAD du Testet. Après plus d’un an de contestation, le projet du barrage de Sivens a été abandonné par le conseil départemental du Tarn pour un projet plus modeste. Cette lutte aura été marquée par la violence et la mort d’un militant écologiste de 21 ans, Rémi Fraisse, le 26 octobre 2014, touché mortellement par une grenade policière. Et le mouvement n’aura pas pu éviter sa politisation : José Bové, Jean-Luc Mélenchon, Cécile Duflot sont venus manifester leur soutien aux zadistes. Le mouvement aurait aussi été infiltré par des mouvements d’extrême droite.

Deuxième


Selon nous, il est temps d’arrêter d’abandonner avant même de se lancer dans la lutte pour notre environnement car il n’engage pas seulement nousmêmes mais les générations futures. Le citoyen doit se rappeler qu’il a une voix qui compte et qu’il doit en faire usage s’il veut que la démocratie se fasse pour le bien du peuple. Cependant, nous devons être conscients, en analysant les luttes précédentes, que tout mouvement nécessite une cohésion de base entre les citoyens, d’organiser une communication efficace sur notre combat pour éviter toute forme de marginalisation ou de récupération politique. Le combat pour nos ressources naturelles, notre environnement ne doit pas être l’apanage de quelques “militants écologistes” mais doit être la préoccupation de tous. En ce sens, la conscience globale pour l’écologie doit se faire via l’éducation. La conscience citoyenne également. Les mouvements citoyens sont présents un peu partout, il suffit de se renseigner sur internet ou, parfois simplement, de regarder autour de soi. Nous devons nous y intéresser, sans a priori, tout en étant capables d’avoir une vision globale des problèmes environnementaux. En tout cas, chaque lutte permet d’avancer un peu plus et de faire comprendre à l’État qu’il doit, lui aussi, prendre ses responsabilités. Nous laisserons au réalisateur et co-fondateur du mouvement citoyen Colibris, Cyril Dion, le mot de la conclusion : “Incarner l’utopie c’est avant tout témoigner qu’un être différent est à construire 9”. Anne Berthet

Au Honduras la résistance continue face à l’exploitation territoriale ! Le 5 mars dernier, lors d’une conférence à Bruxelles organisée par le CNCD 11.11.11. et Oxfam Solidarité, la Commission Justice et Paix est allée à la rencontre de Berta Zúñiga Cáceres. La fille de la leader indigène du peuple Lenca, Berta Cáceres, n’a pas seulement honoré la vie de sa mère, elle a aussi démontré sa résolution à poursuivre le même combat dans la défense des droits humains.

Dossier Portrait Point de vue

S’engager ou ne pas s’engager, telle ne devrait pas être la question

a vie de Bertha Cáceres, défenseuse des droits des peuples originaires et du respect de l’environnement au Honduras, a précédemment fait l’objet d’un article d’analyse au sein du “Pour Parler de Paix”, suite à son assassinat qui a eu lieu le 2 mars 2016 1. C’est donc ici l’occasion de montrer comment sa lutte continue après sa mort, avec le nouvel élan porté par sa fille.

Un symbole de résistance 3. MOSES K., “Civil desobedience is the only way left to fight climate change”, The Guardian, https://www.theguardian. com/commentisfree/2016/may/13/civil-disobedience-climate-change-protesters [Consulté le 15/05/2017] 4. Voir les documentaires sur la polémique sur les barrages aux USA de PETERSON R. (2017). The super Salmon. USA : Alaskaniststories et KNIGHT B. (2014). DamNation. USA:Felt Soul Media. 5. GIRARD L., BARROUX R., “D’une ZAD à l’autre, tour d’horizon des conflits environnementaux”, Le Monde, http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/10/24/d-unezad-a-l-autre-tour-d-horizon-des-conflits-environnementaux_4796121_3244.html [Consulté le 16/05/2017] 6. LEPRINCE P., “Une zone à défendre déployée à Haren”, Le Soir, http://www.lesoir.be/732877/article/actualite/regions/bruxelles/2014-12-12/une-zone-defendre-deployeeharen [Consulté le 16/05/2017] 7. Les Couvinois ont mis en place une radio libre qui émettait 10 minutes par jour, ont imprimé des slogans antibarrage sur des billets de banques, ont produit et vendu des vinyles de chants de résistance, etc. 8. DION C., LAURENT M. (2015), Demain [Documentaire], France : Move Movie production. 9. DION, C., “Oui à une résistance citoyenne”, Le Monde [Idées] http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/11/05/ oui-a-une-resistance-citoyenne_4518788_3232.html [Consulté le 11/05/2017]

réflexion

Pour ses sympathisants, Bertha Cáceres représente un symbole de résistance, une combattante sociale, au-delà de la figure environnementaliste qui souvent émerge. Elle représente la lutte des communautés originaires qui n’ont pas de voix, dont les droits ne sont pas pris en compte lors de la signature de grands projets extractifs ou d’exploitation de ressources hydriques – ceci concernant au Honduras plus du 30% du territoire. Ces projets, soutenus par les banques internationales, et souvent par l’Union européenne, dans le cadre du développement d’”énergie verte”, se sont intensifiés après le coup d’Etat de 2009 et le cadre juridique qui a émergé de cet événement politique. Ainsi, la Ley General de Agua 2 a permis

1. Disponible en ligne, sur http://www.justicepaix.be/ La-defense-de-la-vie-Un-combat-devenu-dangereux 2. Congreso Nacional de Honduras, Decreto No. 181 -2009, Ley General de Aguas : http://www.gwp.org/ Global/GWP-CAm_Files/LEY%20GENERAL%20DE%20 AGUAS%202009.pdf

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© Stéphane Compère

Dossier Portrait Point de vue 10

LES ÉNERGIES VERTES ET LES PEUPLES AUTOCHTONES Suite à l’échec des négociations sur le climat en 2009, le concept d’économie verte est le slogan porté au Sommet de Rio+20 de 2012, afin de soutenir des processus de production plus efficients et résilients quant à l’utilisation des ressources 3. Rentrent dans ce cadre les énergies vertes – énergies qui ne produisent aucune émission de CO2 en rapport avec la production d’électricité, sans considérer les émissions dérivant de la construction des installations 4. Parmi les énergies vertes on retrouve l’énergie hydroélectrique, et donc les barrages, considérés comme des sources d’énergie renouvelable, verte, durable et sans incidence climatique. Malgré cela, elles ont toutefois des impacts négatifs sur les territoires originaires et les populations locales 5. Leur construction oblige les peuples autochtones à se déplacer et à vivre dans des zones pauvres en matières nécessaires à leur subsistance (telles que les terres fertiles, les ressources d’eau et halieutiques)6.

le renforcement des investissements étrangers dans ces secteurs, alors que les lois existantes sur la protection des peuples indigènes ne sont pas souvent respectées.

A qui la responsabilité ? Alors qu’au Honduras le manque d’enquête sur la responsabilité des entreprises et des investisseurs impliqués dans le projet du barrage Agua Zarca, pour la mort de Berta Cáceres, témoigne d’un grave mécanisme d’impunité, aux Etats-Unis une proposition de loi cherche à conditionner l’aide militaire vers ce pays à la mise en place d’investigations. Dès lors, un regard vers l’Union européenne montre bien la double responsabilité de nos représentants : d’une part, le refus des institutions européennes à mener, sous demande, une enquête indépendante – se justifiant sur la base du principe de non-interférence dans les affaires internes du pays – d’autre part, le financement de projets au Honduras sans aucune forme de conditionnalité. Toutefois, malgré le nombre d’obstacles toujours existants, Berta Zúñiga Cáceres ne se laisse pas intimider. A travers le COPINH - Conseil civique des organisations populaires et indigènes du Honduras - cofondé par Berta Cáceres en 1993, elle essaye donc de dénoncer le système d’inaction, d’impunité et de criminalisation du pays, où les droits des populations autochtones sont mis à mal face aux intérêts économiques, tant nationaux qu’internationaux. Veronica Lari

Un assassinat “structurel” Une vision intégrale est nécessaire afin de comprendre les raisons réelles qui se cachent derrière l’assassinat de Berta Cáceres, ainsi que du fréquent pillage du territoire au Honduras. Comme sa fille l’explique, ces faits sont les résultats de différents enjeux structurels, qui vont de la violence généralisée à l’appauvrissement d’un secteur de la population. A cela s’ajoute le rôle des militaires, responsables de crimes organisés et de la répression de mouvements sociaux, afin de sécuriser les investissements.

3. “Quelle transition pour nos sociétés”, 1er congrès interdisciplinaire du développement durable, 2013, http://old.congrestransitiondurable.org/files/files/Recueils/theme-4-NB-.pdf - page=7 4. Fontana A., “Energies alternatives, énergies renouvelables, énergies vertes”, Centre Emile Bernheim, 2013 5. “Peuples autochtones et changement climatique”, Survival, http://www.survivalinternational.fr/campagnes/changementclimatique 6. Garric A., “Ces grands barrages hydroélectriques controversés”, Le Monde, 2012, http://ecologie.blog.lemonde.fr/2012/03/13/ ces-grands-barrages-hydroelectriques-controverses/


Brèves

GENRE ET ÉDUCATION À LA CITOYENNETÉ

D

ans la droite ligne de notre numéro du mois de mars, Justice et Paix a participé à la journée de réflexion associative “L’égalité de genre, nous la voulons !”. Bravo à notre collègue Valéry Witsel qui y a dynamiquement animé un atelier de travail. Comment prendre en compte l’égalité entre les hommes et les femmes dans le cadre d’un travail d’éducation citoyenne ? Quelles pistes d’action donner à nos publics cibles, qu’ils soient citoyens, enseignants, élèves ou responsables politiques ? Merci à nos Coupole CNCD et Fédération des ONG (Acodev) d’avoir coordonné cette journée riche en partage d’expérience.

LES CONFLITS DANS LE MONDE ET LES MIGRATIONS : MON ÉCOLE S’INVESTIT !

C

aritas International et la Commission Justice et Paix proposent un accompagnement aux écoles secondaires désireuses de mener un projet d’école sur la thématique “Causes des conflits et migrations”. Vous souhaitez sensibiliser vos élèves aux thématiques des conflits et des migrations ? Vous souhaitez accompagner vos élèves dans la mise en place d’un projet d’éducation à la citoyenneté et de mobilisation concret ? Nous vous proposons un accompagnement sur mesure, adapté aux besoins et envies de votre école !

TRAVAUX & DÉMÉNAGEMENT

Plus d’infos +32 (0)2 229 36 21 ou via l’adresse e-mail g.david@caritasint.be

L

es travaux se poursuivent rue Doyen Boone ! Justice et Paix aura l’occasion d’y déménager d’ici la fin de l’année 2017 avec ses proches partenaires BePax et Magma.

Brèves

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Événement

Formation été : focus sur la migration

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ourquoi migre-t-on ? Où vont les personnes qui quittent leur village, leur maison ? Quelles sont leurs routes ? Face à l’actualité qui apporte parfois plus de flou que de réponses, il semble aujourd’hui primordial de se pencher sur ces questions. C’est pourquoi Justice et Paix et Caritas International s’allient pour proposer ce 22 août 2017 la formation “Migrants et réfugiés : regard global et bilan de la situation en Belgique”.

Arnaud Gorgemans, président Axelle Fischer, secrétaire générale Miguel Arrimadas, Chantal Bion, Géraldine Duquenne, Laure Malchair, Porzia Stella, Timur Uluç, Valéry Witsel, permanents

Dons

Abonnements

ABONNEMENT DE SOUTIEN À “POUR PARLER DE PAIX” DE JUSTICE ET PAIX À PARTIR DE 15 € À VERSER AU COMPTE BE30 0682 3529 1311

Contact

Celle-ci est destinée à des professeurs et animateurs qui souhaitent développer la question des migrations avec des élèves ou des jeunes, aussi bien qu’à des citoyens désireux de disposer d’informations sérieuses à ce sujet.

Plus d’infos http://www.justicepaix.be/Migrants-et-refugiesregard-global-et-bilan-de-la-situation-en-Belgique ou au +32 (0)2 738 08 01 Prix 12 euros Lieu Rue de la Charité, 43 1210 Bruxelles

Soutien financier : à partir de 40 €, déductible fiscalement À verser au compte BE30 0682 3529 1311 avec la mention “DON”. Pour tout renseignement à propos d’un don ou d’un legs, merci de bien vouloir prendre contact : Tél. +32 (0) 2 738 08 01 miguel.arrimadas@justicepaix.be

N’hésitez pas à nous contacter ! Commission Justice et Paix francophone de Belgique, asbl Rue Maurice Liétart 31/6 B - 1150 Bruxelles - Belgique

Volontaires ayant collaboré à ce numéro : Anne Berthet, Esi Darko, Véronica Lari Sylvain Lauwers, Achille Sommo.

Tél. +32 (0) 2 738 08 01 - Fax +32 (0) 2 738 08 00 E-mail : info@justicepaix.be Facebook : facebook.com/justicepaix Twitter : @Justice_et_Paix

Design : www.acg-bxl.be

www.justicepaix.be

Dessin : www.sylvainlauwers.be

Publié avec le soutien de la Direction Générale de la Coopération au Développement et Aide Humanitaire et de la Fédération Wallonie-Bruxelles


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