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Préparation et purification graduelles par le compte de l’omer

Le lien unissant le Saint béni soit-Il à l’assemblée d’Israël est comparé à la relation du fiancé (‘hatan) et de la fiancée (kala), ainsi qu’il est dit : « Comme le fiancé se réjouit de la fiancée, ainsi ton Dieu se réjouira ». De même, il est dit : « Ainsi parle l’Éternel : “Je me souviens en ta faveur de la grâce de ta jeunesse, de mon amour au temps de tes fiançailles, quand tu allais à ma suite dans le désert, sur une terre non ensemencée » (Jr 2, 2). La sortie d’Égypte est considérée comme l’amorce du mariage (éroussin) ; en effet, lors de la sortie d’Égypte, Dieu nous distingua de tous les peuples, et nous sanctifia pour lui être un peuple particulier. Le jour du don de la Torah, lui, est considéré comme le jour des noces et du parachèvement du mariage (nissouïn) car, par le biais de la Torah, nous vivons dans l’attachement au Saint béni soit-Il.

Nos maîtres disent que, après que les Israélites eurent quitté l’Égypte, ils ne pouvaient encore recevoir la Torah car, au temps de leur servitude égyptienne, ils étaient plongés dans les quarante-neuf degrés de l’impureté. Et à l’exemple d’une femme isolée par son flux, qui doit compter sept jours afin d’être de nouveau pure pour son époux, Israël dut compter sept semaines afin de se purifier de l’impureté d’Égypte, et d’être apte à se relier au Saint béni soit-Il.

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Le chiffre sept fait allusion à la réalité naturelle, dans toutes ses composantes ; le monde, en effet, fut créé en sept jours. De même, en pratique, toute chose matérielle a six faces : quatre côtés, correspondant aux points cardinaux, le dessus et le dessous, plus une dimension septième, qui est le centre intérieur. Aussi, le temps que prend à l’homme l’ascension de l’impureté à la pureté est de sept jours ; car en sept jours l’homme se prépare, sous toutes ses facettes, à s’élever de l’état d’impureté à celle de pureté. Aussi, la femme nida compte-t-elle sept jours afin de se purifier pour son mari. Cependant, pour que les enfants d’Israël pussent s’attacher à Dieu et recevoir la Torah divine, qui appartient au monde supérieur, ils durent tenir un compte beaucoup plus profond. Au lieu de sept jours, sept semaines. Au sein de ce compte, chacun des sept chiffres apparaît, lui aussi, sous chacune des sept dimensions, afin que tous les degrés inclus en ce monde-ci soient exprimés jusqu’à leur terme. Par cela, la purification, à l’approche du don de la Torah, se fait avec perfection ; chaque aspect de notre caractère est épuré, et exprime son aspiration à recevoir la Torah, son espoir à cette perspective.

Par ce biais, nous avons le mérite de nous élever jusqu’au plus haut degré, qui se trouve au-delà de la nature, et de recevoir la Torah divine, par laquelle nous amendons et élevons le monde vers sa Délivrance.

Tout au long de ces sept semaines, les enfants d’Israël guettaient, aspiraient à la Torah. Comme l’explique le Midrach, lorsque Moïse annonça à Israël que, après être sortis d’Égypte, ils serviraient l’Éternel au mont Sinaï et recevraient la Torah, ils l’interrogèrent : « Quand ce service aura-t-il lieu ? » Moïse répondit : « Au terme de cinquante jours. » Et pour manifester leur affection, ils comptaient chaque jour et disaient : « Le premier jour est passé, le second jour est passé… », et ainsi de chaque jour. Par cela, la Torah s’affermissait en eux ; comme le disent nos sages : « Tout homme chez qui la crainte de la faute précède la sagesse, sa sagesse se maintient ; et tout homme chez qui la sagesse précède la crainte de la faute, sa sagesse ne se maintient pas ».

La purification à l’approche du don de la Torah, la préparation à cet événement, sont si importantes, que c’est cela qui a donné son nom principal à la fête : ‘Hag ha-Chavou’ot, fête des semaines, comme il est dit : « Tu compteras sept semaines ; dès le moment où la faucille sera aux blés, tu commenceras à compter sept semaines. Et tu feras une fête des semaines en l’honneur de l’Éternel ton Dieu ».

Il est dit, de même : « Tu feras une fête des semaines, prémices de la moisson de blé ».Puisque la préparation est d’une si grande importance, il faut avoir soin de ne pas réciter la prière d’Arvit de Chavou’ot avant la tombée de la nuit, cela afin que les sept semaines soient accomplies jusqu’à leur terme ; ainsi, la préparation au don de la Torah sera complète.

COPYRIGHTPNINEHALAKHA

On a l’usage de lire le rouleau de Ruth à l’occasion de la fête de Chavouot. L’histoire de cette héroïne biblique constitue, en effet, l’expression d’un certain nombre de leçons fondamentales de la fête qui célèbre le don de la Torah. La fête de Chavouot est désignée, dans la Torah (Exode 23, 16), comme étant « la fête de la moisson ». Or, l’histoire de Ruth se passe précisément à l’époque des moissons. Moissonner consiste à détacher un végétal de son lieu de développement naturel. Moissonner sur le plan symbolique, c’est donc arracher un élément de sa condition terrestre initiale. Ruth a glané dans les champs, au moment de la moisson, mais elle est aussi parvenue à s’extirper de son état originel ; elle a changé sa trajectoire de vie, s’est détachée d’un monde pour en intégrer un nouveau.

Le moment du don de la Torah a été celui de l’engagement des enfants d’Israël à rester fidèles à l’alliance contractée avec D.ieu : « Nous accomplirons et nous comprendrons! » s’étaient exclamés les Hébreux au pied du mont Sinaï, promettant d’assumer le mode de vie particulier, enjoint par la Torah. Une formule d’adhésion similaire a été prononcée par Ruth à sa belle-mère : « Ton peuple sera mon peuple, ton D.ieu sera mon D.ieu ». Elle s’inscrit dans l’histoire juive qui s’est façonnée et construite autour de la vie religieuse. Elle incarne du coup le prototype de la prosélyte authentique, désintéressée, uniquement animée par l’aspiration à intégrer la communauté de l’alliance, alliance fondée par la révélation divine.

L’histoire de Ruth évoque aussi l’un des points les plus importants concernant notre approche de la Torah : sur le Sinaï, ce sont deux Lois qui ont été transmises et non une seule: la Torah Ecrite et la Torah Orale qui interprète, précise, clarifie le texte biblique. C’est ainsi la loi Orale – qui sera plus tard consignée dans le corpus talmudique – qui précise que la loi qui défend au moabite (après sa conversion au judaïsme) d’épouser un conjoint juif ne concerne que les hommes, non les femmes. C’est pourquoi Ruth la moabite épouse Boaz. La Loi Orale constitue la grille de lecture juive de la Torah ; l’histoire de notre héroïne le rappelle clairement.

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