Le déclassement d’une autoroute en boulevard urbain : quelles opportunités pour le développement des espaces périphériques ? Les quartiers Saint-Charles et Bois d’Amour à Reims (51)
Kévin Clare / Travail de fin d’études 2011-2012 Directrice de mémoire : Marie Pruvost L école nationale supérieure de la nature et du paysage
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Le déclassement d’une autoroute en boulevard urbain : quelles opportunités pour le développement des espaces périphériques ? Les quartiers Saint-Charles et Bois d’amour à Reims (51)
Membres du jury Dominique Boutin - Président de Jury Pédologue, enseignant-chercheur en 1ère et 2ème année à l’ensnp Marie Pruvost - Directrice de mémoire Paysagiste-urbaniste, enseignante de projet de paysage et directrice de l’ensnp Thierry Maytraud - Enseignant encadrant Urbaniste, hydrologue, enseignant en 4ème année à l’ensnp Travail au sein de la division hydrologie urbaine de la DEA 93 Fabio Piccioli - Personnalité extérieure reconnue pour ses compétences professionnelles Paysagiste-DPLG - Enseignant à L’école du paysage et de l’environnement Fénelon à Vaujours (93) Sylvain Villière - Personnalité représentant la Maîtrise d’Ouvrage Chef de projet Aménagement - Direction de l’Urbanisme et de l’Aménagement Urbain de Reims Métropole
00.
Premiers regards
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/// Avant-propos - Un paysage morcelé, altéré par la vitesse
8 12 14 16
Le déclassement de l’autoroute comme postulat Reims en Champagne : un pays qui compte entre Paris et le Rhin Un territoire structuré par sa métropole : le projet Reims 2020
01.
Le sillon de la Vesle, Le paysage fragile en devenir
1.1 Des remparts aux infrastructures : rapport historique de la ville à sa rivière 1.2 La Vesle et le canal, l’armature verte de l’agglomération
La géomorphologie comme lecture du vide urbain La rivière : vecteur des paysages dans la ville Le canal : un espace structurant remarquable
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1.3 L’autoroute urbaine, coupure privant la ville de sa rivière Les séquences urbaines de la traversée de l’A4 L’effacement de la Vesle et ses milieux
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1.4 La reconquête de la Vesle, l’enjeu métropolitain du XXI siècle Les projets de coulée verte et le boulevard urbain Le bouclage des rocades, préalable au déclasement de l’autoroute
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ème
02.
2.1 Des micro-unités décrivant des ambiances caractéristiques 2.2 Le marais de Reims : une succession de barrières
Un manque de franchissements et d’accès
2.3 Un système viaire replié sur lui-même 2.4 Enjeux - Révéler le quartier à la ville : la nécessité de nouvelles dessertes
Les quartiers St-Charles et Bois d’Amour, enclavés et dissociés du contexte urbain
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38 42 58 64 66 68
03.
Un site stratégique à l’échelle de l’agglomération, opportunité foncière à proximité du centre
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3.1 Des jardins ouvriers aux usages démultipliés : l’identité du marais
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3.2 La stratégie de la ville : une politique foncière pour la création d’un nouveau quartier
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Jardins cultivés / jardins habités La Vesle en fond de parcelle
L’urbanisation et la mise en valeur d’un espace public le long de la Vesle Un changement d’habitants. Où va la population actuelle ?
3.3 Des sites industriels en mutation Des emprises à investir : l’amorce d’un nouveau quartier
92
96
3.4 Enjeux - Accompagner le changement des usages dans le processus d’urbanisation...
... pour créer un quartier respectueux de l’esprit du lieu Proposer une solution aux usagers des jardins Organiser la mutation des espaces industriels Urbaniser les jardins en s’inspirant du parcellaire et des usages en place Limiter la ville en se basant sur l’inondation Proposer une promenade le long de la rivière
Habiter le marais : sur la piste d’une couture urbaine 4.1 L’écriture urbaine et architecturale de ce quartier - des formes urbaines variées
04.
Bords de canal : un habitat collectif dense sous la forme d’îlots ouverts avec jardins Entre voie ferrée et Vesle : un habitat individuel et groupé qui mêle des espaces privatifs, partagés, publics ou associatifs
108 110
4.2 Où l’espace public propose des usages adaptés à la rencontre de la ville et de la rivière
Le parc de la Vesle : une limite jardinée à la ville Frange boisée et promenade aux abords de la rivière
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Conclusion Bibliographie / Iconographie Remerciements Données numériques
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00.Premiers regards « Ne pas essayer trop vite de trouver une définition de la ville ; c'est beaucoup trop gros, on a toutes les chances de se tromper. D'abord faire l'inventaire de ce que l'on voit. Recenser ce dont l'on est sûr. Établir des distinctions élémentaires : par exemple entre ce qui est la ville et ce qui n'est pas la ville. S'intéresser à ce qui sépare la ville de ce qui n'est pas la ville. Regarder ce qui se passe quand la ville s'arrête.
»
Georges Perec. Espèces d’espaces. Gallilée. 1974 (réédition en 2000). 182 p.
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///Avant-propos - Un paysage morcelé, altéré par la vitesse A ce stade avancé de la mondialisation, l’évolution de la technique dans le domaine des transports a considérablement réduit les temps de trajet et, partant, les distances ressenties, créant ainsi une distorsion de l’espace vécu. Dans sa capacité à concentrer les flux, c’est l’espace urbain qui est le plus transformé par la vitesse. En observant des cartes par anamorphose, les grands centres urbains sont globalement toujours plus proches les uns des autres, laissant d’immenses espaces isolés en marge des métropoles mondialisées.
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Luigi Russolo - dinamismo di un’automobile, 1913
Selon Hartmunt Rosa, « il n’est pas rare que l’espace ne devienne plus qu’une fonction du temps : l’endroit où quelqu’un se trouve dépend du temps, et non l’inverse, qui est désormais obsolète »1. Paul Virilio ajoute que la vitesse est « une victoire du temps sur l’espace »2. Pour nombre d’auteurs, cette propriété particulière de la vitesse est centrale pour expliquer le développement de nos sociétés modernes. Selon Virilio, elle est au cœur du processus de « domination de l’homme sur la nature » en ce qu’elle permet de s’affranchir des contraintes naturelles. Georg Simmel, le premier, a proposé l’idée que la modernité se distingue par l’opposition entre la ville rapide et la campagne lente. Pour Rosa il existe même une accélération globale du temps sous l’effet de la vitesse, qui est un effet de la modernité ; il s’agit d’un phénomène observable au fil des évolutions techniques, et notamment dans la manière dont la société fait corps avec l’espace. Mais la mondialisation des économies, la généralisation des flux et des interdépendances à large échelle dessinent un espace mondial où le territoire n’est pas annihilé, bien au contraire. Car comme le rappelle Pierre Veltz, « cette économie de plus en plus ouverte est aussi une économie de plus en plus relationnelle. Les effets d’interaction et de proximité entre les firmes et les institutions locales voient leur importance croître 1 - Hartmunt Rosa, Accélération : une critique sociale du temps. La Découverte, 2010. 2 - Paul Virilio, La pensée de la vitesse. 3 - Pierre Veltz, Des territoires pour apprendre et innover, Ed. de l’Aube, 1994.
La découverte de mon site de diplôme que sont les marais de Reims s’est faite par la cartographie. Bien avant de me rendre sur place, je découvre la ville par le plan. Rapidement, je suis frappé par le contour net de la forme urbaine et la rupture brutale de la ville face au monde agricole. Dans le même temps, je remarque les linéaires du canal, de la Vesle et de l’autoroute qui tantôt se confondent tantôt se divisent. En suivant du bout du doigt leur parcours, je m’aperçois qu’à un point très précis ils se séparent et décrivent un triangle au sein duquel s’ajoute une voie ferrée. Cette forme originale, constituée par ces voies de communication a éveillé en moi la curiosité et l’envie de l’arpenter. Quel moyen choisir pour le découvrir ? J’opte pour le train qui m’impose sa vitesse, son rythme, une lecture orientée en somme. Depuis la fenêtre, je confronte ma «connaissance» cartographique à la
dans la dynamique économique. La mondialisation coexiste ainsi avec la renaissance de ce qu’on peut appeler des économies-territoires, dont la compétitivité repose largement sur les formes de coopération localement enracinées »3. Ainsi le global et le local ne s’opposent pas ; ils doivent trouver le moyen de dialoguer. Si le territoire ne disparaît pas, il n’en est pas moins transformé : selon Manuel Castells, à l’heure de la multiplication des réseaux de communication « nous observons un vaste processus de concentration démographique et économique au sein des grandes régions métropolitaines, qui constituent une nouvelle forme urbaine, la forme urbaine de l’ère de l’information ». Dans ces espaces organisés autour de grands noyaux urbains interconnectés, une importante décentralisation des fonctions s’opère selon des stratégies immobilières. Et le chercheur d’ajouter : « l’aménagement flexible à l’intérieur de l’aire métropolitaine (...) dépend de la capacité des technologies de transport et de télécommunications à relier des acteurs, des entreprises au sein d’un espace de grande dimension »4. Ainsi, à l’heure du « village global », la vitesse nivele plus que jamais l’aménagement du territoire. Elle met en évidence une ville faite de paradoxes. Tout d’abord, elle semble nous faire opposer la ville rapide à la campagne lente ; ensuite, le global au local. Historiquement, elle opposait aussi l’élite, qui bénéficiait des transports les plus rapides, à la masse astreinte aux moyens de transports les plus lents. La vitesse était alors une ressource rare. En tant que telle, elle constitue une source de pouvoir : ainsi pour Paul Virilio, « le moteur du processus d’accélération est le principe de la domination du plus rapide ». A ce titre, la démocratisation de ce symbole de vitesse qu’est l’automobile pose un problème politique fondamental. André Gorz en avertissait ainsi ses contemporains dès les années 70 : « L’automobile offre l’exemple contradictoire d’un objet de luxe qui a été dévalorisé par sa propre diffusion ». Car « le luxe, par essence, cela ne se démocratise pas : si tout le monde accède au luxe, plus personne n’en tire d’avantages ; au contraire : tout le monde roule, frustre et dépossède les autres et est roulé, frustré et dépossédé par eux ». La généralisation de l’automobilisme individuel a évincé les transports collectifs, modifié l’urbanisme et l’habitat et transféré sur la bagnole des fonctions que sa propre diffusion a rendues nécessaires. Il faudra une révolution idéologique (« culturelle ») pour briser ce cercle ».5 C’est en effet à la démocratisation de la voiture que l’on doit une forte accélération de la tendance à l’étalement urbain. Car l’augmentation de la vitesse pour tous n’a pas réduit le temps de déplacement de chacun, bien au contraire. Elle n’a fait qu’étirer sans fin les distances : les quartiers de résidence se sont séparés et éloignés des quartiers de travail, et la ville s’est étalée, étendue sur le territoire, au rythme d’un département bétonné tous les dix ans6. Autrement dit, depuis les années 60 la ville s’est développée surtout en fonction de la voiture plutôt qu’en fonction du piéton et des modes
réalité du terrain. Le pont SNCF franchit l’autoroute A4 sur laquelle les voitures fusent, c’est ensuite au tour du canal d’être traversé. Entre les deux : des rideaux boisés et des serres. La vitesse, pourtant réduite du train ne permet pas de tout identifier du regard. La vue plongeante sur le site est en fait extrêmement fugace. Maintenant à pied, je me dirige vers le canal, une des limites franche perçue quelques jours plus tôt sur la carte. Évidemment, le terrain apporte d’autres données à la représentation cartographique : le mouvement, le rythme, le son, la volumétrie... Que l’on soit en voiture, en train, à bord d’une péniche, à kayak, à vélo ou à pied la manière d’habiter et de jouir de l’espace varie fortement. À 80 km/h sur l’autoroute, la voiture lisse les espaces traversés. Les jardins ouvriers défilent à toute allure, ainsi on ne retient que peu de choses. La péniche, quant à elle glisse lentement dans l’espace, laissant le temps à ces usagers de scruter le paysage. Le piéton de son côté, arpente et arpente pleinement l’espace - c’est le pas qui fait le jardin. Le corps n’existe pas au sein d’accélération, il exige biologiquement des espaces de résistances au rythme clairement vivant : le jardin (expression des saisons, de la temportalité) L’installation de l’autoroute A4 dans les années 70 a marqué au fer rouge la forme urbaine de Reims. Installée dans le sillon de la rivière, elle traverse la ville en séparant nettement le centre historique des faubourgs industriels et des nouveaux quartiers résidentiels. Elle ajoute aussi un second axe par rapport au tracé du canal et accentue l’effet de coupure déjà ressentit.
4 - Manuel Castells, «The Networked City : Réseaux, espace, société. «, EspacesTemps.net,Textuel, 20.01.2009. 5 - Ibid. 6 - Source : IFEN, 2009.
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doux. Cette « ville productive » privilégie la quantité infrastructurelle des espaces à leur qualité d’usage. Des espaces publics hors d’échelle, des quartiers isolés, de larges emprises routières sont autant de formes urbaines héritées de cette « fuite en avant » productiviste, que la pensée actuelle interroge : Marc Augé décrit longuement ces « non-lieux », espaces dédiés au transit et à la consommation, non appropriables par l’homme – qui y reste anonyme. David Mangin, dans La ville franchisée, décrit « une ville affranchie de toute contrainte, par exemple celles de la planification ou du projet urbain, une ville qui échappe à ses cadres régulateurs classiques (État…), mais en réalité soumise à trois modèles de désorganisation spatiale : la sectorisation, l’entre-soi et l’hégémonie de l’économie »7. Source de dépenses énergétiques extravagantes, la consommation déraisonnable de l’espace nous confronte à la fois à la finitude du territoire, à la fragilité de notre environnement... et au stress de déplacements pendulaires chronophages. L’individualisation de l’accès à la vitesse par le biais de la voiture réduit la vitesse globale sous l’effet des congestions urbaines et du manque de places de parking – signe que la rationalité individuelle n’est pas synonyme de rationalité collective. La pollution issue des gaz d’échappement s’avère préoccupante et devient un enjeu de santé publique.
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Avec l’exemple de la voiture, l’opposition entre vitesse et lenteur laisse entrevoir d’autres couples d’enjeux qui se présentent comme autant de nouveaux paradoxes à surmonter : le dynamisme économique semble ici s’opposer à la qualité de vie. Les discours sur la notion de vitesse sont ainsi de plus en plus variables : à la fois symbole de progrès, décrite par le manifeste des futuristes comme stimulante et source d’inspiration pour la peinture, celle-ci se trouve de plus en plus fréquemment décriée du point de vue politique. Peu à peu, le développement d’une sensibilité écologique et la volonté d’une ville à vivre permettent à questionner le culte voué à la voiture. Des mouvements appelant au ralentissement se font entendre, à l’image de « Cittaslow » émanant de la dynamique « slow food ». Comment ralentir la ville ? s’interrogent nombre de professionnels de l’aménagement. On sait depuis longtemps que le train et la voiture modifient notre rapport au monde ainsi que la perception de l’espace traversé. Ainsi, selon Fernand Léger, « un objet traversé ou rompu par une auto ou un rapide perd en valeur descriptive, mais gagne en valeur synthétique »8. Gilles Clément, de son côté, considère que « l’écriture subjective de l’espace s’apparente au trompe l’œil, à l’illusion d’optique, au théâtre ». Selon lui des éléments de réponse sont à trouver dans les techniques d’accélération ou de ralentissement des perspectives – des astuces somme toute bien connues9. Mais au delà, le paysagiste considère que le ralentissement réel ne pourra se faire que dans le cadre d’un changement de société – une société qui aura intégré la valeur d’un « espace-temps recyclable »10. 7 - in Marc Dumont, «Quel urbanisme pour la ville générique ?», EspacesTemps.net, Il paraît, 25.11.2004. 8 - Fernand Léger, Fonctions de la peinture, 1920. 9 - Gilles Clément, contribution au colloque « Ralentir la ville » du 30 janvier 2010 à Vaulx en Velin. 10 - Idid.
Si elle facilite la mobilité à grande échelle, cette infrastructure contraint fortement les dessertes et les déplacements de proximité des quartiers qu’elle traverse : pour surmonter et franchir ces deux axes et relier les quartiers de part et d’autre, il a fallu aménager de nombreuses traversées au moyen d’une multitude d’infrastructures et de variations de niveau qui s’avèrent peu favorables à la lisibilité de la ville notamment à l’échelle du piéton. On entrevoit là une difficulté de l’articulation des échelles du projet métropolitain : cet aménagement est certes structurant pour la métropole dans son ensemble, mais en limitant son emprise urbaine à un lieu de passage il contredit la logique et l’identité d’un paysage précieux pour la ville de Reims. Si l’autoroute urbaine altère les qualités du lieu, c’est d’ailleurs aussi bien pour ceux qui y passent que pour ceux qui y vivent. Pour l’automobiliste, la vitesse de traversée restreint la perception du site. A l’extrémité ouest de la ville par exemple, elle ne permet pas de profiter de la qualité paysagère des milieux humides de la Vesle. Les lignes droites et fuyantes de la chaussée en surplomb du sillon humide offrent des vues fugaces sur un espace qui semble négligé et relégué. À pied, sur place, la réalité est tout autre : des habitants occupent des maisons très simples, des jardiniers cultivent leur parcelle au bord de la Vesle, les ouvriers viennent travailler à l’usine installées sur les bords du canal et les coureurs joissent des quais. Malgré la coexistence de ces usages variés, le site paraît ensommeillé, en quête d’une nouvelle identité au côté d’un réseau qui le nie et le protège en même temps.
Canal de l’Aisne à la Marne
La Neuvillette la Vesle
Orgeval
Jaurès
St-Charles Bois d’Amour
Centre-ville Europe
A4
Croix Rouge
Maison Blanche
Barbatre
Wilson Chatillons Murigny
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Le déclassement de l’autoroute comme postulat tante pour le quartier Saint-Charles. Le déclassement de l'autoroute introduit un nouveau rapport à l'espace : ce ralentissement brutal modifiera le regard de l'automobiliste sur ce jardin urbain. En considérant les nuisances que autoroute, l'aménagement de cette traversée urbaine doit rendre le quartier plus agréable et relié à son contexte. Aux abords de ce nouveau boulevard, la Vesle réduite au minimum par les activités humaines pourrait retrouver son emprise plus confortable, et ainsi s’ouvrir sur les espaces urbains qu’elle traverse.
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L’autoroute vue depuis le train, à l’approche de la gare du centre-ville
Quarante ans après la construction de l'autoroute, les élus sont unanimes : le paysage urbain et naturel de la métropole doit être reconsidéré et valorisé. Il faut penser la reconversion de cette infrastructure et la façon dont la ville pourra réinvestir ses franges. Depuis mars 2011, une déviation propose un contournement de Reims. En 2012, la portion urbaine de l'autoroute doit être déclassée en boulevard urbain, ce qui implique une réduction de la vitesse dans cette zone, de 90 à 50 km/h. Quelles conséquences pour la ville, et comment tirer parti de cette transformation ? Nous nous intéresserons à cette question à travers les projets de réaménagement de l'un des quartiers contigus de l'autoroute, qui jouit d'une situation bien particulière. Triangle formé par le canal, la voie ferrée et la Vesle, le quartier Bois d’Amour à l'ouest de Reims est la porte d'entrée jardinée de la ville, à la rencontre entre le tissu péri-urbain et le paysage agricole. Il s'agit d'une vaste zone humide : là se trouvaient autrefois les marais de Reims. Pris entre le canal et l'autoroute, le quartier donne cependant une impression d'enclavement. De surcroît, il est l'un de ces espaces en frange de ville induits par l'histoire industrielle, qui ne correspondent plus aux usages actuels : les terrains sont en friche et les usines en déshérence. Peu à peu, les immeubles d'habitation viennent remplacer ces vestiges d'une ère révolue, faisant de cet espace en mutation un enjeu pour la commune. Le déclassement de l'autoroute en boulevard urbain est ainsi une opportunité impor-
Couture urbaine - recomposer le paysage entre les infrastructures pour un nouveau quartier Le mémoire cherche à traduire et modeler en matière de qualité d’espace un processus administratif (la réduction de la vitesse maximale autorisée dans une zone urbaine), comme une occasion de modifier la structure du quartier traversé. L'enjeu est de taille au vu de la pression foncière qui s'exerce sur les quartiers Saint-Charles et Bois d’Amour. Car cette porte d'entrée sur la ville est hautement stratégique pour le développement de l'agglomération : elle constitue une réserve foncière de choix pour de nouveaux quartiers mais avant tout une qualité d’espace unique et des enjeux pour ce XXIème siècle.
Pour le paysagiste, il s’agit de proposer de nouvelles façons d’occuper cet intervalle urbain qu’est le marais de Reims et pour la ville de reprendre la main sur le foncier pour créer un quartier. S'il est relativement préservé de l'urbanisation, cet intervalle urbain n'est pas « vide » pour autant : le corridor écologique de la Vesle y dessine un espace naturel à préserver, et de nombreux « jardins habités » décrivent des usages constitutifs de l'identité du lieu. Pour accompagner au mieux la requalification de cet espace, le paysagiste doit s'assurer que les nouvelles constructions bénéficieront des qualités paysagères du lieu sans les altérer. Il doit également organiser la mutation de ses usages en s'inspirant de l'existant, dans le souci de maintenir une certaine continuité avec son histoire. C'est une gageure, car le bâti du quartier s'est largement développé en dehors de tout règlement d'urbanisme et même d'autorisation légale : l'essentiel en sera donc rasé (une hypothèse urbanistique qu’il faudra questionner). Pour recomposer le quartier, une action sur ses espaces intermédiaires s'impose afin de sauvegarder certaines bases constitutives de son identité : la trame viaire, le parcellaire, les modes de gestion, les rapports avec le canal, la rivière et les boisements sont autant d'éléments à prendre en compte. Il faudra également proposer des solutions pour les habitants expropriés. Cette « couture urbaine » entre les infrastructures doit donc être l'occasion de définir le type d'aménagements dont la ville a besoin, et dans quelle mesure ils peuvent participer à la vie du quartier. Il convient là de faire apparaître ce morceau de ville dans la ville, dessiner de nouvelles occupations, de nouveaux usages. Par exemple, la création de nouvelles dessertes sur le site pourraient impliquer une organisation différente des espaces et des usages. Conformément aux souhaits des élus, des lieux de détente et de promenade s'intégreront ainsi au projet de coulée verte le long des berges de la Vesle. Les possibilités étant nombreuses, il s'agira d'évoquer chacune d'elles en considérant les données du site et du programme. Pour ce qui est de l'urbanisation, les nouvelles occupations d'habitat devront fortement tenir compte des aléas d'inondation qui constitue un atout fort pour le projet.
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Reims en Champagne : un pays qui compte entre Paris et le Rhin
Reims PARIS
Metz
Autoroute A4 Strasbourg
Pays Ardennais Champagne humide Champagne sèche Plateaux occidentaux Plateaux du Barrois La région Champagne-Ardennes : une variété d’entités paysagères
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Située dans la région Champagne-Ardennes et le département de la Marne, la ville de Reims constitue une aire urbaine majeure dans le nord-est de la France. Distante d’une centaine de kilomètres de Paris, elle est accessible depuis la capitale par l’autoroute A4 menant à Strasbourg. L’image de marque de la ville n’est plus à faire : le produit de luxe qu’est le champagne s’est exporté bien au delà du territoire. De la période Romaine jusqu’aux derniers sacres des Rois de France, son histoire fait la fierté de ses habitants. Mais au-delà du strict périmètre du centre-ville, ses paysages sont moins connus du grand public. La géologie de cet ensemble appartient à l’arc du crétacé supérieur du Bassin Parisien; la craie, roche sédimentaire formée par l’accumulation des restes calcaires de microorganismes marins planctoniques, est blanche, poreuse, tendre et friable. Sa grande capacité en rétention d’eau la rend très gélive. Cette friabilité a dessiné une topographie “molle”, constituée de collines peu élevées (ici appelées «Mont») que séparent des vallons traversés de cours d’eau intermittents, ou des vallées sèches. C’est le relief et la nature des sols qui confèrent à la Champagne son identité géographique. L’inclinaison de toute cette région vers l’ouest a orienté les cours d’eau et les vallées sèches dans le sens Est-Ouest et Nord-Est/Sud-Ouest. L’Aisne, la Vesle, la Suippe, la Marne, l’Aube et la Seine sont les principaux cours d’eau qui
s’écoulent dans la Champagne crayeuse. Elles sont accompagnées de sols d’alluvions qui s’étalent largement, de part et d’autre des cours d’eau, sur des pentes de très faible amplitude. La Vesle traverse Reims, qui intègre le bassin versant de la Seine en se déversant dans l’Aisne puis l’Oise. Délimité franchement à l’Est par la Cuesta d’Ile de France, le pays rémois s’arrête progressivement sur les limites du bassin versant de la Suippe. La topographie fait véritablement sentir la proximité de la Cuesta par la présence de plusieurs monts et buttes (de Berru, de Cornillet, de Brimont...) dont les sommets sont toujours boisés. Reims offre un paysage urbain visible depuis le relief. Reims, installée dans la plaine de Champagne est adossée aux Cuestas tertiaires de l’Ile-de-France (Montagne de Reims).
L’Aisne La Suippe
Butte de brimont Massif de Saint-Thierry
La Vesle Reims
Mont de Berru
Mont Cornillet
Cuestas d’Ile-de-France Montagne de Reims
épernay
La Marne
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Canal de l’Aisne à la Marne
Un territoire structuré par sa métropole : le projet Reims 2020 La communauté d’agglomération de Reims est la seule aire urbaine de plus de 200 000 habitants entre le bassin parisien et le Grand Est. Avec 2 385 habitants au km2 elle est la 2ème ville la plus dense de France, immédiatement après l’agglomération parisienne. Longtemps ensommeillée, Reims a su tirer parti des grands projets qui s’offraient à elle. Mi-2007, l’arrivée du TGV Est a renforcé l’attractivité de ce territoire en plaçant la ville à 45 min de Paris, à 30 min de RoissyAéroport-CDG ou de Marne-la-Vallée. Le réseau autoroutier irrigue et ouvre la métropole sur l’Est de la France et sur l’Europe. En désenclavant toujours mieux le territoire, ces « infrastructures de vitesse » constituent un facteur important de développement du bassin de vie rémois. 16
la Vesle le canal de l’Aisne à la Marne
L’agglomération compacte de Reims cherche à s’étendre
Nous l’avons vu : la mondialisation et l’accélération des échanges internationaux ont remis les villes sur le devant de la scène. L’intérêt pour l’échelle métropolitaine se fait sentir depuis quelques années au sein de nombreuses agglomérations. La ville de Reims rentre dans le débat en créant Reims Métropole. Dès 2004, la communauté d’agglomération se dote de compétences (obligatoires et facultatives dans le cadre du SRU) multiples tel que l’eau, l’assainissement, les transports en commun. A celles-ci se sont ajoutées l’aménagement du territoire, le développement économique, l’habitat et la cohésion sociale dans le cadre de « Reims Métropole » en 2005. L’intercommunalité a permis de rapprocher des communes aux intérêts proches afin de former un territoire dynamique et porteur de projets. Aujourd’hui, Reims Métropole compte 6 communes. Considérant que cela n’est pas suffisant pour développer des projets d’envergure, les élus de l’agglomération se mobilisent pour élargir son périmètre à 21 communes. C’est au courant 2011 que la commission départementale de coopération intercommunale adjoignant seulement 10 communes au périmètre actuel portant le périmètre à 161,4 km2 au lieu de 87,7 km2 et le nombre d’habitants à 217 850 au lieu de 209 241. Dans cette perspective, l’équipe municipale d’Adeline Hazan lance en 2009 un vaste débat destiné à interroger l’évolution de l’agglomération pour les 10 prochaines années. Ce « grand projet urbain », Reims 2020, entend développer à partir et autour de Reims une métropole interrégionale et européenne de référence. Le débat doit permettre d’anticiper les mutations urbaines en associant croissance démographique et développement économique et social. L’ambition de «Reims 2020» est d’accompagner et fédérer la ville autour de projets urbains forts. Pour cela, trois équipes d’architectesurbanistes ont élaboré une analyse commune de l’agglomération, dressant les potentiels et enjeux urbains, paysagers, de mobilité
Un nouvel aménagement du centre de Reims participera à la création d’une nouvelle image de toute l’agglomération. De par son patrimoine, il représente un potentiel immense, qui sera pleinement perçu avec la mise en valeur de ses espaces publics et de ses monuments. Il faut également l’ouvrir, pour lui donner une attraction à la mesure de l’agglomération. sont répartis dans l’agglomération. Ils vont exploiter les
Cinq nouveaux pôles de vie opportunités offertes par des espaces aujourd’hui disponibles. En effet, si Reims Métropole donne une impression de densité, elle est souvent due aux coupures qui rendent inaccessibles des secteurs sous-utilisés. Ces pôles seront des secteurs de développement qui vont aussi unifier l’agglomération, réduire les fractures, tisser des liens.
Port Colbert, une cité-jardin pour demain Vue depuis le pont de Venise vers le pont de la Comédie
Saint-Brice Courcelles Habiter la Coulée verte
Reims Métropole doit maintenant élargir son centre, relier ses quartiers et ses communes. Reims Elle doit aussi offrir de nouveaux lieux majeurs de développement, clairement repérés et porteurs de nouvelles opportunités. Le quartier de la gare est ici l’occasion de mettre en valeur un potentiel important : mieux lié aux promenades, il pourrait s’étendre vers le faubourg de Clairmarais et s’ouvrir sur Port Colbert. Au delà, des secteurs plus Ce projet sera rendu possible par : calmes et pleins de charme se prolongeraient Saint-Brice Courcelles. Un grand parc Le au centre canal et la rivière vers réinvestis - C. Devillers
Port Colbert
de l’agglomération
La Coulée verte reconquise et unifiée pourrait devenir un grand parc urbain, nouveau poumon vert de l’agglomération. la Il permettra de réconcilier les parties nord et sud de ville et de réintégrer pleinement dans le centre élargi des équipements comme la Comédie, le stade Delaune, le Centre de congrès…, qui en sont aujourd’hui séparés.
Mont Hermé
– l’ouverture du contournement Sud de l’A4 qui permettra de supprimer la section urbaine de l’autoroute actuelle, – et la démolition de l’échangeur central et du pont Charles de Gaulle. Pôles tertiaires Espaces publics piétons
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Elargir et apporter de l’activité au centre ville
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L’extension du centre de Reims passera par le développement de l’activité commerciale le long de l’axe de tramway Une meilleure desserte avec entre autres, la mise en place d’une liaison reliant Nouvelles halted’Erlon. TER « Mont Hermé » la gare à la place Drouet Quant au centregare/halte tertiaire de Clairmarais, pourra s’étendre Navette « Mont ilHermé » vers le Boulingrin et le site Jacob Delafon.
Prolongement rocade médiane (franchissement du canal et des voies Une urbanisation maîtrisée du canal Un près nouveau quartier ferrées) Le canal sera au cœur d’un vaste secteur naturel avec ses boisements, ses jardins partagés. Proche du quartier de la gare, seul le secteur de Port Colbert serait urbanisé, pour créer une cité-jardin contemporaine, ouverte sur la nature, au contact du plan d’eau au nord des voies ferrées. Saint-Brice Courcelles serait reliée à ce nouveau quartier par une circulation dénivelée.
3
6
13 4
Tinqueux
1 2
4
15
5 24
Bois d’amour
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Des objectifs 12 000 habitants 6 000 emplois Halle commerciale 7
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Cathédrale notre Dame Parc de la Vesle Hôtel de Ville Gare centrale Stade Auguste Delaune Musée de l’Histoire de France Musée des Beaux Arts-FRACPlanétarium Maison du Champagne Musée d’archéologie Equipements dans l’ancien musée des Beaux Arts Marché bio rue Hincmar Centre commercial/Cinéma Renault/ Pont de Vesle Allées du Boulingrin Place de la Gare Place de la République Place de l’Hôtel-de-Ville Place du Forum Place Royale Place Drouet d’Erlon Rue de Vesle Rue de Venise Place des Droits de l’Homme Sciences Po dans l’ancien collège des Jésuites ZAC Clairmarais Jacob Delafon SERNAM Nouveau pont Libergier Passerelle de la patte d’Oie Passerelle Boulingrin
Un centre ville embe
La requalification des espaces de la rue Colbert jusqu’à la Ca sur les axes historiques de la et le decumanus. Le cardo menant à Saint-Rém requalifié prioritairement, le s Nicaise étant aujourd’hui sépa
Qu’est-ce qu
Desservi par au m c’est un quartier m Des places requalifié commerces, espac nouveaux à moins de 15 min Le Musée du Champagne ser nécessaires au qu périmètre UNESCO, sur la pla Une halte de tramway T2 dess pour l’agglomérati et la place sera également réa
de la largeur de ses anneaux.
La requalification de la place d notamment sur la rénovation et l’implantation du Musée de
Farman Ouvrir l’unive
Le Musée archéologique Gallo à l’arrière du cryptoportique d
Campus du M de la Housse
Parc de Champagne Le cryptoportique de la place du Forum sera révélé par la création d’une place-jardin encaissée
Parc des expositions
Gare TGV
Sillon de la Vesle
Centre co
Quartier mixte
transforme le port Colbert - B. Fortier 28
29
Actifs ou réhabilités, les bâtiments industriels conserveront ici la mémoire du quartier.
Ce secteur de projet occupe ainsi des espaces situés entre le canal et les voies SNCF, sans empiéter sur le sillon de la Vesle qui reste ici intouché. Quartier de charme, le Port Colbert devrait participer du système de promenades que Reims s’attache à développer.
S AINT -T HIERRY
BÉTHENY
Plan des canaux
Reims Métropole
ouvre
C HÂLONS - SUR -V ESLE M ERFY
équipe Christian Devillers S -B -C T
RICE
OURCELLES
M UIZON
Le sillon de la Vesle s’ornera d’une forêt de chênes pourpres et devrait conserver ses jardins partagés.
C HAMPIGNY
Installation de l’habitat dans la coulée verte - C. Devillers
La métropole multipolaire du G10
x T HILLOIS G UEUX
x
REIMS
TINQUEUX
économiques proches. Une fois fédéré, et de développement économique du territoire. Chaque équipe pluridisciplinaire a ce territoire fort – intitulé Marnardaisne produit un schéma directeur décrivant des « secteurs à projets » dont l’agglomération – compterait près de 600 000 habitants. doit tenir compte pour son développement. Pour que le projet métropolitain puisse Intervenir sur la ville pour en modifier ses formes, ses fonctions, ses usages est coûinclure ces différentes échelles, la teux en temps et en argent ; pour cette raison, un phasage s’avère nécessaire : les question de leur articulation se pose équipes ont proposé des actions échelonnées dans le temps. Ces différents échelons et s’avère parfois problématique. Compermettront aux élus de se projeter dans le temps et de mieux comprendre ce qui est ment se déplace-t-on au sein de chaque essentiel pour leur ville. pôle urbain, et comment passe-t-on Pour que l’analyse soit partagée par tous, de l’élus aux habitants, des « balades uréquipe Bruno Fortier d’un pôle à l’autre ? Toutes les équipes baines » ont été organisées afin d’observer in situ les espaces urbains, d’en décrire accordent une grande attention à la collectivement les atouts et les dysfonctionnements. L’implication de la population équipe Christian Devillers question des mobilités, et le déclassedans cette démarche a permis de légitimer ce projet urbain à grande échelle. ment de l’autoroute A4 en boulevard urbain est affiché comme le projet phare Plusieurs échelles de territoire imbriquées sont concernées : la ville de Reims, son de Reims 2020. agglomération, le pays Rémois, et le « G10 » qui intègre d’autres communautés d’aggloLe marais de la Vesle à l’ouest de la ville mération. Car au niveau le plus large, les élus cherchent à définir un territoire multipoattire aussi l’attention des aménageurs. laire asseyant la place de Reims entre l’Ile-de-France et le grand est. Pour ce faire, on envisage de repenser la gouvernance des collectivités en inventant une institution à la croisée de deux régions et trois départements : cette coopération innovante mettrait en relation 10 villes proches ayant des qualités paysagères comparables et des filières V RIGNY
Au nord du Port Colbert et vers l’aéroport, le canal devrait continuer d’accueillir une large gamme d’activités.
O RMES
BEZANNES
Reims Métropole
Reims Métropole
ouvre
ouvre
3.5
17
18
le sillon de la vesle: 01. le paysage fragile en devenir Le cordon boisé du sillon de la Vesle s'insère et traverse discrètement la ville en son centre. Au cours de l'histoire, la rivière a joué des rôles essentiels au développement de Reims. Longtemps utilisée à des fins de protection de la cité, elle a aussi contribué à l'expansion économique qui provoquera petit à petit son artificialisation jusqu'à l'effacer complètement par la construction de l'autoroute A4. Aujourd'hui la démarche s'inverse, il s'agit de corriger les dérives de la pensée fonctionnaliste et moderne des années 70 : la rivière doit retrouver sa place dans la ville et participer au paysage urbain.
19
Le cours de la Vesle sur le site d’étude des ambiances naturelles et des boisements de qualité, longtemps négligés à réinvestir à toutes les échelles
1.1 Des remparts aux infrastructures : rapport historique de la ville à sa rivière le canal de l’Aisne à la Marne Courcelles St-Brice
La Patte d’oie Bois d’Amour
Faubourg de Cérès
la gare
Tinqueux Remparts
Cormontreuil
la Vesle
Maraîchage, jardins, cultures la Vesle
20
1770 : La ville concentrée dans ses remparts La morphologie urbaine de la ville historique se lit encore bien aujourd’hui. Les traces gallo-romaines dessinent une forme ovale allongée nette, anciennement enceinte de remparts. C’est seulement à la Renaissance que la ville connaît des poussées démographiques importantes et en profite pour sortir de la première fortification. La deuxième enceinte beaucoup plus grande, adossée au tracé de la rivière accueille jusqu’à 20 000 habitants. La ville continue à se développer selon les deux axes majeurs : le cardo et le décumanus romain. Des jardins vivriers apparaissent en masse dans les vides laissés par le bâti. À l’extérieur, des bourgs s’installent aux portes de la ville et profitent des terres alluvionnaires pour développer du maraîchage. La Vesle sauvage, forme de nombreux méandres et présente des crues importantes. Pour échapper à ces inondations, la population délaisse le lit de la rivière, cette disposition se lit encore clairement aujourd’hui. Du Moyen-âge jusqu’au XVIIIème siècle, d’inombrables canaux sont créés permettant l’utilisation de la force hydraulique favorable au développement d’une activité textile importante. La rivière sert aussi à la défense de la ville, son cours est dévié de sorte à inonder les fossés des remparts. Du côté du paysage, au pied de ces remparts, de vastes promenades sont aménagées. La plus remarquable est la Patte d’oie, créee en 1729. Associé à la Vesle, le Bois d’Amour est aussi créé à cette période.
1850 : Essor industriel - canal et voie ferrée - déplacement lent du centre L’essor industriel est marqué par d’importants bouleversements urbains. Favorisant le transport des marchandises, le canal favorise l’installation des industries le long de cette nouvelle voie. La traversée urbaine du canal longe en parallèle la Vesle qui verra son cours modifié en profondeur dans le cadre de l’aménagement du bassin du port. Cette nouvelle installation implique des modifications dans la forme urbaine. Le rempart occidental a été detruit pour permettre l’installation du bassin, le bois d’Amour a aussi été supprimé pour le passage du canal et de la voie ferrée qui forment les premières barrières dans la ville.
1903 : éclatement de la structure urbaine - perte et recul de l’agriculture Le développement industriel a favorisé l’implantation massive d’usines le long du canal, favorisant le développement de faubourgs. La ville est sortie de ses remparts, qui ont d’ailleurs disparu, et commence à s’étendre au sud de la Vesle. Une nouvelle voie ferrée ouvre la ville vers les villages à l’ouest. En parallèle des voies ferrées et d’eau, le réseau viaire se densifie pour rayonner dans le territoire et rejoindre le villes proches et loitaines.
nouvelle voie ferrée
1980 : l’autoroute A4 une autre coupure 21
Les nouveaux quartiers se sont détachés des faubourgs et de la structure urbaine, créant ainsi leur logique propre : disloquée. De la ville historique au quartiers pavillonaires, les différences de densités ont modifié considérablement le rapport à l’espace et la qualité des espaces publics. Ces années là sont marquées par la création de l’autoroute A4 qui scinde la ville en se posant dans le lit de la rivière. Cette nouvelle voie de communication rompt le peu d’unité que la ville avait tenté d’esquisser avec ses nouveaux quartiers. La ville est coupée de sa rivière. L’armature verte subsiste, mais elle est réduite et rendue infranchissable par cette infrastructure.
1.2 La Vesle et le canal, l’armature verte de l’agglomération LA GÉOMORPHOLOGIE COMME LECTURE DU VIDE URBAIN Campanien inférieur : craie blanche floraminifères g
le canal de l’Aisne à la Marne
Campanien inférieur : craie blanche floraminifères h Campanien moyen et supérieur : craie blanche, floraminifères i Limons calcaires récents Alluvions fluviatiles anciennes Alluvions fluviatiles actuelles et récentes
La Vesle
Tourbes dans les alluvions récentes Graveluches alluvio-colluviales Graveluches litées à éléments fins
A4
jardins
ville
Graveluches litées grossiers A4
rivière drainante
alluvions
CRAIE
Zone non saturée
Zone saturée (nappe de la craie) à 1 m en dessous du niveau du sol
Craie fracturée
Couche imperméable
22
La ville s’est essentiellement développée sur les craies de Champagne.
Dans la Champagne sèche, les cours d'eau, d'origine pluviale, présentent un régime hydraulique moyen. Le cours de la Vesle sur ses 140km de long ; draine un bassin versant de 1460 km2. Les sols alluviaux de la Vesle dessinent un sillon fin au sein de la craie de Champagne. Au long de son parcours, elle traverse des paysages agricoles et viticoles homogènes. Elle prend naissance à la cote 157 NGF et se jette dans l’Aisne à la cote 43 NGF. Le lit de la Vesle (entre 74 et 82 NGF à Reims) est peu encaissé, ce qui engendre chaque année des inondations. Celles-ci naissent du débordement du lit de la rivière, mais aussi d'un phénomène de remontée de nappe, très courant dans le paysage de Champagne. Ces conditions hydromorphiques participent à la richesse et la diversité des espaces naturels humides du cours d'eau. La valeur écologique et paysagère des marais et autres tourbières, remarquable à l'échelle de la Champagne, est valorisée par des statuts de protection tels que Natura 2000 et des ZNIEFF. La richesse de ces milieux s'exprime jusqu'aux portes de l'agglomération. Une fois dans la ville, la réduction des emprises, jusqu'à la largeur de la Vesle et de ses berges (5 m au total), et la minéralisation des milieux naturels appauvrissent ces paysages. La forme urbaine actuelle est intimement liée à la nature des sols. La ville s'est concentrée sur les craies calcaires, libérant le cours de la rivière afin d'échapper aux risques d'inondation et aux difficultés de construction. Ce «vide» laissé par la ville est occupé par la Vesle et le canal de l'Aisne à la Marne. La vocation d'habitat n'étant pas prioritaire, d'autres usages sont apparus : parcs, jardins, équipements sportifs...
L’aquifère crayeux renferme une nappe d’eau qui fluctue fortement selon les épisodes pluvieux
La nappe alluviale est de faible profondeur (environ 1 m)
Lors de fortes pluies, la remontée de la nappe inonde les terrains encaissés dont l’A4 à certains endroits
Le sillon d’alluvions de la Vesle, peu encaissé s’inscrit dans un relief doux rythmé par les buttes et monts tertiaires.
Le canal de l’Aisne à la Marne
La Vesle
site d’étude 23
MONTAGNE DE REIMS
La rivière : vecteur des paysages dans la ville le canal de l’Aisne à la Marne
La Vesle
L’épaisseur et la nature des espaces riverains à la Vesle et au canal varient à mesure que les voies d’eau se rapprochent ou s’éloignent.
24
La Vesle et le canal dessinent une enclave non bâtie au centre de l’agglomération Rémoise
Même aussi réduits, les milieux humides de la Vesle constituent une respiration au centre de l'agglomération. En cela, le cordon boisé de la rivière est un outil majeur de cohérence urbaine. Son passage dans la ville permet de lier des quartiers aux fonctions différentes. En règle générale lorsqu’une rivière traverse une ville, cela concourt à la cohésion et l’identité urbaine. Mais à Reims, cette richesse n'est pas mise à profit : la Vesle est paradoxalement centrale et inaccessible. En effet, le linéaire de la rivière n'offre pas d'accroches aux espaces urbains adjacents. Repliée sur elle-même, la Vesle est considérée comme l'arrière-cour des bâtiments ; elle n'a pas été associée au développement de la ville.
Les parcs et jardins de la ville se disposent le long de la rivière. Envisager une armature verte revient à considérer ces éléments comme une unité à affirmer au sein de l'agglomération. Pour redonner toute sa place à la rivière, il faut questionner les éléments urbains qui ont participé à sa dislocation. Comme nous l’avons vu précédemment, la rivière entretient depuis le début un dialogue très ténu avec la ville. La nature de son cours et de ses sols a conditionné la forme urbaine de Reims que nous connaissons aujourd’hui. Alors centrale, la Vesle a perdu de son importance dès la révolution industrielle par l’arrivée des voies de communication. Malgré son positionnement stratégique, la ville n’a jamais volontai-
rement tiré parti du potentiel paysager du cours d’eau. Hormis pour les fonctions de défenses et industrielles, la rivière a souvent été, et est encore, perçue comme une entrave au fonctionnement de la ville (manque de franchissements). À ce titre, le délaissement de la Vesle s’est amplifié lors de la construction des ouvrages autoroutiers. Ce produit de la ville fonctionnaliste des années 70 détourna une fois de plus l’attention du milieu naturel.
Contrairement aux autres éléments srtructurants de la ville que sont le canal, les voies SNCF et l’autoroute; la Vesle décrit de réelles temportalités et un tracé irrégulier. Le ryhtme des crues (montée et descente des eaux), la feuillaison de la ripisylve sont des éléments qui évoquent le temps qui s’écoule et rappellent que la rivière est ancrée dans le territoire, que sa logique est naturelle. Régulièrement, les inondations redessinent un paysage nouveau qui évolue fortement.
Périmètre agglomération 87,7 km2
Superficie coulée verte 650 ha
N Ripisylve des milieux humides de la Vesle Parcs et jardins de l’agglomération La ripisylve, les parcs et jardins investissent largement ces emprises marquées par la présence de l’eau
4m
6m
25
4m Berges nues. Pas d’interface avec l’autoroute
L’autoroute urbaine réduit la rivière à son minimum. La ville en est alors privée.
Lit reprofilé. Berges artificielles
C a na l
Autoroute A4 30 m
V esl
e
La ripisylve : l’expression de la rivière Pied de berge
Talus de berge et zone inondable
Fraxinus excelsior Quercus robur Acer platanoïdes Populus nigra
Betula pubescens Populus tremula
Salix caprea
Forêt alluviale à bois tendre
Salix alba Alnus glutinosa
Haut de berge
Platanus acerifolia Acer pseudoplatanus Robinia pseudoacacia Forêt alluviale à bois dur
26
La Vesle
L’aspect des forêts alluviales à bois tendre est marqué par la dominance des essences aimant l’humidité et à croissance rapide (Saule blanc, Peuplier noir, Aulne glutineux). Les forêts alluviales à bois tendre sont surtout des saulaies blanches à Peuplier noir qui forment des forêts claires. Les feuillages glauques et argentés décrivent souvent de belles lumières, dès qu’un rayon de soleil point tout s’éclaire. Ces espèces pionnières situées au plus proche de l’eau forment un couvert boisé touffu où l’humidité domine même en été. Le rôle de ces plantes est multiple : fixer les alluvions, épurer les eaux, retenir les berges, ralentir les crues, diversifier les habitats mais c’est surtout un espace naturel remarquable. 27
Les forêts à bois dur sont dominées par des essences aimant l’humidité, mais à croissance lente (frênes, chênes). Les essences dominantes des forêts alluviales à bois dur sont le Frêne commun (Fraxinus excelsior) et le Chêne pédonculé (Quercus robur) ainsi que l’Erable champêtre (Acer campestre), la Platane (Platanus acerifolia) et l’Erable plane (Acer platanoïdes). Plus éloignées du cours d’eau, ces espèces n’ont pas de rôle pionnier, leur longévité beaucoup plus longue leur destine la strate arborée. Leur feuillage plus sombre que les bois tendres créé des ambiances moins lumineuses. Parfois, la forêt à bois dur est prolongée par des peupleraies plantée par l’homme. Ces boisements sont un problème puisqu’ils ont tendance à assécher massivement les sols.
Le canal : un espace structurant remarquable Le canal de l’Aisne à la Marne, d’une longeur de 58,1 km traverse Reims sur près de 14 km. Achevé en 1866, il a été complètement reconstruit après la première guerre mondiale. Sa traversée urbaine a largmeent contribué à l’installation des industries sur ses quais. Installé en parallèle de la Vesle, le canal constitue un linéaire régulier qui participe à la structure et la cohérence urbaine de l’agglomération. Son tracé, longé de chemins de halage offrent un potentiel de promenade et de liaison douce entre les quartiers ainsi qu’une lecture de la ville par l’intérieur. Par ces chemins, il est possible de par28
courir en évitant le réseau routier habituel. Chaque jour, de nombreux usagers utilisent ce linéaire que ce soit sur l’eau ou bien sur les bords. Au fil du temps, le canal est devenu un espace identitaire pour les habitants. Pour confirmer davantage ce caractère et encourager les usages, dans le cadre de la coulée verte la ville aménage et balise les chemins de halage. Malheureusement, pour l’instant aucune liaison entre le canal et la Vesle n’existent. Ces deux tracés parallèles demeurent dissociés.
Industries Canal
1
Jardins ouvriers Canal
d ustrielle Zone ind
Port Colbert (darse)
e Colbert
1
2
la Vesle
Autoroute A4
Canal
3
TraversĂŠe urbaine 14 km
2
Vesle
Ripisylve
Centre-ville
3
29
Canal
4 Vieux port de Reims (centre-ville)
4
Zone in dustrie lle
de la P
ompell
e
1.3 L’autoroute urbaine : la rivière dérobée Les séquences urbaines de la traversée de l’A4 Campagne agricole (céréaliculture et viticulture)
Site d’étude 1’ 45’’
43’’ (temps estimé de traversée à 80 km/h)
1
2
De vastes entrepôts au premier plan et les pavillons de St-BriceCourcelles en fond
51’’
3
Une ouverture de liseret boisé fait apparaître des jardins et les usines du canal en second plan
Centre-ville
Séquence plantée : le rythme des peupleraies
1’ 05’’
4
2’ 11’’
Campagne agricole (céréaliculture et viticulture)
5
30
Le centre d’affaire (1980) annonce le centre-ville
Le centre-ville art déco (1920-30) issu de la reconstruction
Le paysage des séquences défile derrière les fenêtres de la voiture. Images extraites de la video réalisée dans le cadre du diplôme.
La ripisylve de la Vesle n’a pas le temps de se figer
Au fil de sa traversée, l’autoroute urbaine décrit des séquences variées. Naturellement, leurs caractères sont définis par les occupations qu’elles présentent et le rapport que la route entretient avec ces éléments. En l’occurrence, avec le canal et la rivière. L’observation de ces séquences, à l’image d’un transect informe sur l’organisation de la ville. L’entrée dans la ville se fait de façon brutale, la limite agriculture/ville est parfaitement nette. Ce front homogène est issu de la pression foncière exercée par l’activité viticole. La périphérie est occupée par des
Échangeur du centre-ville
AGRICULTURE (Céréaliculture viticulture)
1
Stade Auguste Delaune
2
Jardins familiaux
3 1
Les séquences Séquence péri-urbaine : seuil de ville ouest, zone artisanale et pavillonnaire. Vesle invisible
2
SITE D’ÉTUDE Séquence boisée et jardinée : la ripisylve de la rivière forme des rideaux de chaque côté de la route
3
Séquence urbaine dense : centre-ville historique, port du canal de l’Aisne à la Marne. La Vesle est très réduite (environ 3m)
4
Séquence urbaine et jardinée : jardins familiaux aux abords de la Vesle
5
Boisements humides - captage en eaux potables
4 Canal de l’Aisne à la Marne Vesle
5
Séquence boisée : milieux humides de la Vesle AGRICULTURE (Céréaliculture viticulture)
Au regard de la traversée urbaine de l’autoroute A4, 5 cinq grandes séquences apparaissent.
emprises industrielles, artisanales ou commerciales, générant une ville peu compacte. Une fois cette séquence traversée, la route rejoint et longe la rivière pendant près d’une minute. La ripisylve de la Vesle, installée de part et d’autre de la route constitue un couloir boisé opaque, les rares ouvertures offrent des vues sur les jardins ouvriers, cabanes et autres maisons. Étonnemment, tout proche la rivière est visuellement absente, seuls ses boisements humides indiquent sa présence. Alors en approche de la ville, celle-ci est absente elle n’apparaît qu’à la 3ème séquence, une fois passé l’échangeur du centre-ville. La séquence urbaine du centre-ville est nettement plus construite et minérale que la précédente malgré la présence de la rivière et du canal. L’autoroute borde
31
les quartiers historiques et passe au pied du stade Auguste Delaune. À mesure que l’on s’éloigne du centreville, l’urbain se dédensifie ; les jardins familiaux et les boisements humides redeviennent majoritaires. De manière générale sur l’ensemble des séquences l’infrastructure autoroutière concourt à effacer la rivière dont le cours chemine en parallèle de la chaussée.
Centre d’affaire (1980)
L’effacement de la Vesle et de ses milieux
32
L’autoroute installée dans le sillon humide de la rivière
La construction de l’autoroute a fortement marqué la structure urbaine de Reims. L’infrastructure constitue une saignée dans le paysage de la ville. Comme en témoigne la photographie aérienne ci-dessus, l’A4 ne tient pas compte du socle sur lequel elle se pose. La rivière d’asphalte qu’est l’autoroute se substitue à la Vesle en se posant dans son lit et en l’effaçant. La rivière cherche sa place, tantôt oscillant le long de la voie, tantôt canalisée sous la chaussée. La minéralisation ainsi que la réduction des emprises boisées ont appauvri ses paysages. Le tracé de l’autoroute opte pour le parcours le plus rationnel et économe en moyens. Au moment de sa création, on se souciait peu des incidences d’un tel aménagement sur le milieu naturel. Pourtant l’ouvrage a fortement perturbé les milieux humides : la ripisylve est parfois détachée de la rivière. Heureusement les boisements humides, alimentés par la nappe alluviale affleurante, continuent à exister malgré cette dislocation. Les ouvrages massifs tels que les franchissements du canal et de la rivière forment des ruptures d’échelles et des coupures qui contraignent de façon majeure le milieu naturel. En partie centrale, à proximité du port et du quartier historique, l’emprise disponible pour l’autoroute est réduite par le canal ; le lit de la rivière a donc été requalibré, à tel point qu’elle ne ressemble plus qu’à un simple bief. Ses berges non accessibles aux piétons, augmentent encore ce sentiment d’isolement.
Pour échapper aux risques d’inondation, des remblais isolent la chaussée du sol naturel. La présence de ce talus renforce la confrontation entre le naturel et l’artifice. En contrebas du remblai, la Vesle se dérobe à la vue des automobilistes à 80 km/h. En plus de tronquer la vue, ces importantes différences de niveaux constituent des obstacles de déplacement pour les modes doux.
Ripisylve des milieux humides de la Vesle Parcs et jardins de l’agglomération
L’infrastructure autoroutière fragmente le milieu naturel. L’enjeu de reconquête est fondamental pour Reims.
En s’installant au contact des boisements humides, l’autoroute est venu balafrer le paysage de la Vesle. Son linéaire s’est additionné à celui du canal et de la rivière, perturbant ainsi les épaisseurs et continuités de la Vesle. Les échangeurs de l’autoroute destinés à franchir les barrières hydrographiques sont souvent monumentaux. Tous ces éléments favorisent l’effacement de la Vesle en la privant de son milieu. Depuis presque 10 ans, les équipes municipales mettent cherchent à reconquérir la Vesle en réduisant progressivement l’empreinte de l’autoroute sur le paysage. La diminution des emprises circulées, la suppression des installations autoroutières, les plantations sont d’autant de pistes pour ce projet.
33
1.4 La reconquête de la Vesle, un enjeu métropolitain Les projets de coulée verte et de boulevard urbain Les espaces constitutifs de la coulée verte appellent des objectifs d’aménagement multiples et ambitieux. Pour répondre le plus justement à ces enjeux, il convient d’élaborer certaines orientations :
34
Le chemin de halage du canal le long de l’autoroute est aménagé pour la promenade.
Comme nous l’avons vu précédemment, la coupure physique de l’autoroute génère d’importantes répercussions sur le milieu naturel ainsi que sur les déplacements urbains. Le débat «Reims 2020» a largement validé ce constat en faisant de la reconquête de la Vesle un enjeu majeur pour le projet métropolitain. En effet, réinvestir les emprises de la rivière est un formidable moyen pour la ville de composer avec les éléments naturels et favoriser la cohérence à l’échelle de l’agglomération par un espace public fédérateur. Sa situation historique et centrale est un atout fondamental dont il faut se saisir. La structure verte formée par la réunion de la Vesle et du canal traverse l’agglomération en son centre du nord-Ouest au sud-Est. Cette armature verte constitue un vaste espace de 650 ha, morcelé et hétérogène mais continu. Son emprise est constituée de plusieurs occupations : des espaces verts publics et sportifs (45 ha actuellement), privés (tels les jardins familiaux), le canal, l’A4 et la Vesle. 5% de son foncier est représenté par des activités économiques, de l’habitat et des équipements publics. Cette concentration d’espaces collectifs jardinés est une originalité qu’il faut exploiter en établissant des continuités de promenades et d’usages. Au delà de la revitalisation de la ville, le projet de coulée verte va permettre de repenser la structure urbaine dans sa totalité.
- Recoudre par la traversée du canal et de l’autoroute Le canal est un élément important par son rôle économique pour les deux zones industrielles installées au nord et au sud de la ville. Au même titre que l’autoroute, cette voie d’eau constitue une réelle barrière qui limite les franchissements, réduisant les déplacements transversaux mais une formidable continuité piétonne garantie par le chemin de halage. La création de passerelles est à prévoir. Enjambant le canal et le futur boulevard urbain, elles faciliteront la desserte des quartiers riverains. La cohérence de l’ensemble sera renforcée par la requalification des berges du canal et de la Vesle à reconquérir. - Renforcer un potentiel paysager et améliorer le cadre de vie Il s’agit d’améliorer le cadre de vie par la création de nouveaux lieux de détente en augmentant les surfaces de parcs et jardins ouverts au public. Cette orientation sera appuyée par la présence de grands équipements sportifs et culturels (existants ou à venir).
5
1 2
4 3
7
8
6 9
La coulée verte doit conforter la multitude d’usages déjà existants au centre de l’agglomération
- Assurer la cohérence du projet La réussite de la démarche d’aménagement urbain sera assurée par la mise en cohérence (circulation, usage, esthétique…) de l’ensemble ainsi constitué. Des liaisons douces pour piétons et cycles devront être aménagées entre les divers espaces, permettant de nouvelles liaisons. Le site d’étude, formé de l’écartement de la Vesle et du canal questionne la nature de la coulée verte quand elle vient à s’épaissir. Peut-on l’habiter ? Comment l’occuper ? Le projet visera à concilier et imbriquer les espaces habités aux espaces jardinés et plantés.
La reconquête de la Vesle nécessite que l’autoroute soit déclassée afin de lui attribuer un vocabulaire plus urbain et moins réducteur pour le milieu traversé. Tant que l’infrastructure aura un tel effet d’obstacle, le projet de coulée verte et bleue ne pourra aboutir. Le déclassement est avant tout une procédure administrative qui consiste à rétrocéder la route à Reims Métropole en changeant sa catégorie. Les négociations entre les trois acteurs que sont L’État, la Sanef (société d’autoroute) et la collectivité locale risquent de prendre du temps, d’autant plus que la concession de la Sanef ne prend fin qu’en 2028... Pour les élus, il n’est pas question d’attendre cette échéance pour engager le projet. L’enjeu est de taille et le travail titanesque.
Les parcs et jardins fédèrent les quartiers dissociés
Avant de procéder au déclassement de l’autoroute, il convient de penser la régulation des flux de mobilité à l’échelle de l’agglomération, en prévoyant notamment le report de ce trafic. Le système de rocades concentriques peut jouer ce rôle de soulagement en organisant le contournement de l’air urbaine à différents rayons, afin que le futur boulevard urbain se borne à une fonction de distribution des quartiers. Aujourd’hui, les rocades sont incomplètes : leur bouclage constitue un autre enjeu du projet. Principaux parcs et jardins de la ville 1 - Parc de la Cure d’air 2 - Parc des Buttes de la Muire 3 - Parc Saint John Perse 4 - Parc Leo Lagrange 5 - Parc de la patte d’oie et des promenades 6 - Parc des arènes du sud 7 - Parc des Buttes St-Nicaise 8 - Parc de Champagne 9 - Parc des Anciens Bains des Trois rivières
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Le bouclage des rocades, un préalable au déclasement de l’autoroute
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Le chantier du contournement de l’autoroute A4 au sud de Reims dans le parcellaire agricole
À l’enjeu de reconquête de la rivière s’ajoute donc celui de la réorganisation des déplacements urbains. Engagée dans le processus de déclassement, Reims métropole doit anticiper le changement d’affectation en pensant autrement la manière de desservir les quartiers et plus largement circuler en ville. La ville est ceinturée par trois rocades concentriques, elles-mêmes associées à des liaisons transversales qui innervent les différents quartiers. Ces ceintures routières s’organisent à plusieurs échelles : la rocade interne enserre le centre historique ; l’intermédiaire irrigue les faubourgs, et l’externe contourne les espaces périphériques. Les trois rings s’imbriquent les uns dans les autres pour former un réseau étoilé s’appuyant sur une hiérarchisation des voies, ce qui permet de répartir les flux de véhicules par de nombreuses dessertes. Ce système de rocades est aujourd’hui incomplet. Les tronçons manquants à chaque échelle entravent la bonne desserte des quartiers. Avant d’envisager le déclassement de l’autoroute, il convient donc de l’achever pour que le trafic de véhicules soit distribué au mieux et pour soulager l’axe central, futur boulevard urbain. La rocade externe s’appuie sur le réseau autoroutier installé autour de la ville : le tracé de ce boulevard extérieur a été récemment complété par le contournement de l’autoroute A4. Le contournement a généré une baisse du flux de transit d’environ 20 000 véhicules/jour mais en contrepartie, une augmentation du flux de desserte.
Actuellement, la traversée urbaine de l’autoroute A4 connaît un passage de 63 000 véhicules/jour. Cette déviation permet de boucler l’un des principaux maillons manquants de la rocade, qui reste malgré tout encore incomplète.
1
2
Les trois rocades concentriques : le bouclage est indispensable pour la bonne desserte des villes de l’agglomération et des quartiers
La rocade intermédiaire connaît, elle aussi quelques interruptions qui restent à aménager. L’un de ses prolongements, au croisement avec l’autoroute urbaine, concerne mon site d’étude. Le bouclage de cette seconde rocade questionne la manière dont la traversée de certains sites doit s’organiser. La création d’une desserte occasionne des bouleversements dans la structure des espaces traversés. Le raccordement de la rocade au futur boulevard urbain offre de nouvelles entrées sur les quartiers adjacents. Quels espaces ou usages peuvent émerger de cette opportunité ?
1 - Aujourd’hui, le traffic se concentre sur l’axe central de l’autoroute. En réponse à l’absence de rocades, seuls les trois échangeurs diffusent les véhicules dans les quartiers. 2 - Les rocades concentriques répartissent le flux automobile également dans les quartiers à l’aide de voiries internes. Le réseau maillé préserve le cente-ville.
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02. les quartiers st-charles et bois d’amour enclavés et dissociés du contexte urbain
Le marais de Reims est traversé par trois éléments structurants, l’isolant fortement des quartiers riverains. Parmis ces éléments, la Vesle se fraie un parcours sans qu’elle n’enrichisse les jardins longés. L’absence de franchissements générée par ces coupures ainsi qu’une voirie insuffisante accentuent cet état. L’enjeu de désenclavement est essentiel pour considérer autrement ces quartiers et imaginer leur devenir. La restructuration tiendra à insérer dans la composition la Vesle pour qu’elle valorise pleinement ce paysage négligé.
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Rue de l’Épargne - 16h30 Maisons alignées, trottoirs, voitures stationnées... c’est un morceau de ville
at et son aspect hétéroclite contribue au mitage de l’espace. vingtaine de parcelles avec maisons unifamiliales a été construit Il manque de cohérence et d’homogénéité.
Le contexte urbain
Tinqueux à Tinqueux 10 logements/ha Nouveau lotissement
Jardins
25 hab/ha
20 logements/ha 30 hab/ha
1 c ou sans maisons sont occupées par des caravanes habitées de gens 2 s. Ces parcelles ont un aspect de cloaque. Certaines de ces parcelles ment par ces caravanes. Une médiation sociale est en cours pour tion ou un relogement plus adapté aux familles sédentarisées.
enclavement du secteur Centre Ouest de la Coulée Verte. Les ponts es sont distants de 1.750 mètres (pont de Vesle et pont rue de la re).
Faubourg industriel (Clairmarais)
50 logements/ha 80 hab/ha
4
e Reims - Aménagement de la Coulée Verte – Secteur Centre Ouest
Centre-ville de Reims
20 logements/ha 50 hab/ha
3
à la Marne 40
ble par les piétons par une passerelle située au droit de la rue Sainterroviaire à l’Est de la zone d’étude. Ces franchissements ne sont pas nes à mobilité réduite. Les ponts routiers les plus proches sont distants e Vesle et pont rue de la Victoire/ rue Pierre Maître).
St-Brice- Courcelles
80 logements/ha 100 à 150 hab/ha
5
Observer l’enveloppe urbaine du site pour en saisir les formes, les structures, Février 2008 les occupations, 20 comprendre comment la ville s’arrête et quelles en sont ses limites ? La description du contour est indispensable pour imbriquer les échelles et favoriser les échanges entre le dadans et le dehors.
Le site d’étude se situe sur deux quartiers : St-Charles, composé essentiellement d’industries dont quelques unes en déshérence et Bois d’Amour, caractérisé par la présence de nombreux jardins ouvriers aléatoirement habités. Ces deux quartiers s’insérent dans un contexte urbain mixte, constitué d’habitat, d’activités, de commerces et d’industries. L’habitat sous forme diffus est principalement installé à l’ouest (St-BriceCourcelles) et au sud (Tinqueux) du site tandis que les zones industrielles de Clairmarais et Port Colbert occupent de vastes emprises au nord du canal. Le centre-ville et la gare de Reims tout proches sont seulement à 10 -15 minutes à pied de l’autre côté du canal (au nord) et de l’échangeur autoroutier. Les types d’habitat dessinent des densités variées selon qu’il sagisse du faubourg industriel, du centre urbain dense ou du quartier pavillonnaire.
Port Colbert
St-bricecourcelles
Faubourg de Laon 4
St-Charles 3
SN CF Bois d’amour 2
Ca n
Faubourg de Clairmarais
La gare
al
Vesle A4
Tinqueux
Habitat dense - centre ville de Reims Habitat majoritairement pavillonnaire Activités Industries
Centre-ville
Périmètre site d’étude
Reims 5
1
DIAGNOSTIC - Proximité avec le centre-ville réduite par les voies de communication - Juxtaposition de formes urbaines contrastées aux vocations spécifiques - Les emprises vastes des industries entrainent des ruptures d’échelles avec le site - Ce patchwork isole les espaces urbains pourtant proches - Bois d’Amour apparaît comme une enclave faiblement bâtie et ne ressemble à aucun modèle environnant
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2.1 Des micro-unités décrivant des ambiances caractéristiques
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Ca
na
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SN CF
A4
Vesle
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Protégées par les voies de communication des entités clairement identifiées se dessinent
Resserrer les échelles pour parvenir jusqu’au site lui-même. Dans un second temps, celui-ci fera l’objet du projet. sa description et sa compréhension en son donc essentielles. Maintenant que les franges sont nommées et décrites, il convient de présenter ce morceau de ville aux occupations et formes atypiques qui forment les bases fondamentales du futur quartier.
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La rencontre d’occupations urbaines diversifiÊes
Aujourd’hui lors de ma visite, les jardiniers s’affairent dans leurs parcelles. Alors que les tomates, betteraves, courgettes et autres légumes de la belle saison ont quitté les planches, les verts bleutés et saturés des choux en tout genre et salades sous bâche demeurent en place. Depuis la petite allée centrale qui dessert les parcelles, les jardins se lisent tels un patchwork d’horizons colorés, de matières, volumes et formes. Les jardiniers imaginent toutes sortes d’astuces pour investir au mieux la surface de production.
Les cabanes forment un assemblage très ingénieux de tôles d’acier, planches de bois, panneaux plexiglas, de matériaux de constructions dessinant des cabanons tous différents. S’ajoutent à ces abris légers faits de bric et de broc, des tunnels et serres en plastiques, des jardins d’hiver de fortune. Placés en permanence à l’arrière des parcelles, l’enchevêtrement et la juxtaposition hasardeuse des cabanons illustrent la merveilleuse inventivité et l’esprit de communauté de ces jardins ouvriers. Du simple grillage torsadé aux fers à béton, ces éléments laissent passer le regard et profiter de l’enfilade inépuisable de jardins tous différents la déclinaison inépuisable d’un espace de quelques dizaines de mètres carrés. Ces jardins vivriers sont principalement occupés par les plantes potagères, dessinant des rythmes colorés et des profondeurs de champs dans ce paysage où les émergences hautes sont rares. Les camaïeux de verts des cultures s’associent avec élégance aux bleus électriques des bidons de récupération des eaux pluviales et aux rouges de certaines palissades des cabanes.
Ces associations de couleurs involontaires et dénuées d’intention forment des ensembles picturaux inattendus. Cet art qualifié souvent d’involontaire s’expriment sous des formes variées, les épouvantails par exemple: CD accrochés par des ficelles aux branches d’un arbre, demi-bouteilles assemblées sur un axe vertical suivant le sens du vent, parasols colorés... Les lignes fuyantes des voies de communication (canal, voie ferrée et autoroute) décrivent un maillage urbain cernant les jardins dans la ville cloisonnée qui lui est encore étrangère. Le site n’est pas une ville à part entière. Il s’agit plutôt de l’hybridation entre ville et campagne, l’organisation est avant tout liée aux jardins. À la proximité bienveillante de la Vesle, des parcelles simplement cultivées s’associent à d’autre bâties. Des maisons faites d’ajouts successifs ponctuent les jardins. Ces grands aménagements structurants du territoire se sont sur-imprimés au paysage de vallée humide, contredisant sa logique en estompant l’essence même du territoire : géographie, hydrographie, végétation.
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- le parcours de la vesle - jardiné et effacé
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La rivière rencontre des ambiances végétales et urbaines changeantes
La rivière marque encore les espaces qu’elle traverse. Son passage à travers le site semble dérobé, détourné et son cours ,étranger aux espaces traversés. Au long de son parcours évoluent des ambiances tantôt minérales (jamais san végétation mais mofidiée) et urbaines tantôt boisées. Les scènes végétales forment des espaces sombres qui ont l’avantage d’isoler les jardins de l’autoroute tout proche. Les terrains clôturés des serres et des pépinières de la ville, installés de part et d’autre de la rivière, l’interdisent hélas aux promeneurs. Parfois, les berges sont inaccessibles sur plusieurs centaines de mètres. Malgré sa linéraité inamovible, la Vesle exprime fortement la temporalité, c’est à dire un élément à l’identité changeante.
Cette temporalité est favorisée par les cultures des pépinières et la saisonnalité des crues et participe pleinement aux ambiances, aux épaisseurs de végétation et aux usages.
P = Promeneurs
P
A4
La Vesle traverse le site entre les serres et les pépinières municipales entièrement inaccessibles au public
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P P A4
La Vesle en fond de parcelle des jardins ouvriers. Ses ambiances boisées ne participent pas aux jardins tout proches
P A4
La Vesle borde la peupleraie et le talus autoroutier. Les berges souvent érodées n’offrent pas de promenades
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Les crues de la Vesle - un atout pour le projet Nous l’avons vu dans le premier chapitre, la Vesle est soumise à des inondations. Celles-ci apparaîssent par débordement du lit mais aussi par remontée de nappe. Dans les marais de Reims, il apparaît nettement que la rive nord de la Vesle déborde davantage que l’autre, cette dissymétrie s’explique par la présence du remblai autoroutier qui contraint le cours d’eau. Le phénomène de remontée de nappe est clairement visible sur la carte cicontre : même coupée par le remblai autoroutier, la Vesle inonde les terrains au sud de la voie (jardins et boisements humides).
La carte de PRRI localise le niveau des plus hautes eaux connues jusqu’à 1998, seule la crue centenale est représentée. Cette version un peu datée est en cours d’actualisation. Le prochain document permettra d’ajouter les dernières crues et constater que de nombreux bâtis sont inondables. En l’occurrence, une partie du Service Espaces Verts de la Ville de Reims est concerné. Depuis l’installation d’activités économiques et de l’autoroute dans les années 70-80, le lit de la Vesle a été modifé à différents endroits et les jardins remblayés, réduisant considérablement son expansion. La forme orthogonale (angles droits) de la zonne inondable illustre le chemin de l’eau et démontre la présence de remblais l’empêchant d’inonder les terrains.
La réserve foncière destinée à la traversée du site par la rocade est placée sur les terrains les plus inondés. Cette nouvelle entrée dans le quartier participe aux enjeux métropolitains comme locaux. Sa location pose question. Faut-il la placer sur remblai, accepter son inondation ou bien évoquer d’autre hypothèses ? Dans tous les cas, au même titre que les zones inondables, elle doit fairte partie intégrante de la future urbanisation du quartier.
Les zones inondables représentent le niveau des plus hautes eaux connues. Sur ce PPRI de 1998 ne figure pas les dernières crues. Une version actualisée est en cours de réalisation.
Projet de traversĂŠe du site par la rocade intermĂŠdiaire
Les Marais de Reims
Forme artificielle (angle droit) Indice du remblai partiel des jardins
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- les jardins cultivés et habités -
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Les jardins ouvriers sont à la fois cultivés et habités. Comme nous l’avons déjà vu précédemment, les modes d’occupations des parcelles sont très inventifs, chaque jardinier investit l’espace à sa manière (différent pour les jardins régit par une association). Cette spontanéité est très surprenante et classique à la fois, elle participe à la complexité de l’ensemble. La promenade au milieu de ces jardins habités fait penser à un faubourg industriel. L’esprit de communauté qui en ressort est palpable et très appréciable. Les petites impasses désertes que seule la faible rumeur de l’autoroute vient perturber, desservent les jardins. Ces sentes nous isolent de la ville proche et nous plonge dans un univers horticole. De surprise en surprise, l’on découvre d’innombrables mises en scène créees par les jardiniers par le détournement inventif d’objets afin de cultiver leurs légumes.
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La façade industrielle - coté canal
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Les rives du canal sont occupées par de vastes emprises industrielles. La rive nord décrit un front urbain fermé, qui est replié aux formes et volumes hétérogènes. Ce front capte la lumière et fixe l’horizon des jardins au sud. Les hauts murs d’enceinte isolent ces sites de la ville habitée. Les sillos des grands moulins, plus élevés que les autres installations apparaissent comme un repère à l’échelle du site. Au même titre que les infrastructures, ce contexte urbain constitue une limite visuelle
nette pour les jardins ouvriers de la rive sud. La rive sud présente elle aussi des sites industriels majeurs comme la Verrerie et les terrains EDF, susceptibles de muter dans les prochaines années. Pourtant ceux-ci, bien que plus proches, sembent bien moins prégnants que ceux de la rive nord.
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la Rive jardinée au sud
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Exposés au nord, les jardins ouvriers s’adossent à la voie ferrée, ils décrivent un espace ouvert, peu arboré, ponctué de quelque cabanes légères. L’absence de clôtures opaques participe à cette ouverture. Les boisements de la Vesle et du talus ferroviaire forment un arrière-plan boisé dense. La digue du canal abaisse l’horizon et offre des vues plongeantes sur les jardins. Malheureusement, l’accès en est restreint aux seuls utilisateurs des jardins. Les parcelles jardinées, installées en contrebas du canal, sont adossées du coup au talus du canal et participent peu à son ambiance. Depuis les usines, la rive sud apparaît plus intimiste, discrète. Le végétal y est prégnant. Les rythmes du jardin sont en décalage complet avec la rive industrielle et la voie ferrée en surplomb.
Les parcelles dessinent un découpage très organisé, irriguées par de petites allées enherbées.
Horizon bas - la promenade sur le chemin de halage du canal offre un panorama
En fond, des arbres plantés sur le talus SNCF
La friche arborée
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Au contact des parcelles jardinées et à l’emplacement de l’ancienne patinoire s’est progressivement développé une friche arborée. Ce délaissé orne les quais du canal sur 230 m, il offre une séquence plantée aux promeneurs. Sa forme en triangle est définie par le franchissement du canal et par la voie ferrée. Depuis le chemin de halage, la masse boisée dessine une lisière plantée (Érable plane, Érable sycomore...) habitée temporairement d’usages nomades. Sous le couvert boisé surgit un sentier permettant de s’immiscer entre les arbres. Une fois la lisière franchie, la ville disparaît et s’ouvre une prairie herbue bordée de la fruticée (Prunelier, ronces, noisetier...) Le talus de la voie ferrée tout proche n’apparait pas. Seul le passage du train rappelle la présence de la voie SNCF.
Au milieu des herbes hautes et enserrées par les masses de la végétation spontanée, la sensation d’isolement et d’intimité est forte.
La voie ferrée et son talus
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La voie SNCF démarre à la gare du centreville et s’oriente vers les villages au nordouest de Reims. La coupure linéaire de la voie ferrée, affirme l’identité des espaces qu’elle sépare en les tournant soit vers le canal soit vers la rivière. Ce talus, à la côte 79 NGF et haut de 4-5m dessine une limite visuelle forte sur laquelle le regard bute en permanence depuis les impasses perpendiculaires. Les horizons sont ainsi fermés et les perspectives réduites. La route qui longe ce remblai est la seule à offrir des perspectives vers le canal ou le passage à niveau grâce à la ligne de fuite de la voie. Malgré cette coupure visuelle, de l’autre coté (au nord), de hauts arbres émergent signalant les jardins du canal. Cette frontière physique propose peu de franchissements et nécessite de grands détours pour les promeneurs.
Parfois souples et pentus, parfois maçonnés les talus endossent plusieurs formes
l’autoroute
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L’autoroute rejoint Paris à Strasbourg en empruntant Reims. Le rythme et la vitesse des voitures sur l’autoroute marquent un décalage complet avec la lenteur et le calme des jardins qu’elle longe. Des objets de toutes les couleurs filent à toute allure et par saccades derrière les écrans boisés. La route passe en surplomb des jardins (79 NGF) ou au même niveau (76 NGF). Cette coupure physique propose peu de traversées, depuis le pont au dessus de la chaussé, s’ouvrent des perspectives saisissantes sur le centre-ville (cathédrale, centre des congrès). L’accès au site par le sud n’est pas favorisé.
2.2 le marais de Reims : une succession de barrières Le marais de Reims est particulièrement concerné par les infrastructures. La patte d’oie formée par l’autoroute, la voie ferrée et le canal contraignent fortement les espaces et les déplacements en formant de réelles obstacles. Cet isolement, perçu tant physiquement que visuellement (horizons fermés) décrit des espaces aux usages bien identifiés.
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À mesure que les voies de communication s’écartent, les espaces s’épaississent et le sentiment d’enclavement diminue
D’ C’
Ca n SN CF
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B’ de l’A isn eà
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La Vesle
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500m
N
34
0
La Vesle
Infrastructures et intervalles urbains
Autoroute A4 30 m
A
Pépinières
7 m (15 m avec ripisylve)
Crue de la Vesle
60 Des jardins ouvriers adossés à la voie ferrée
Autoroute A4 25 m
B
12 m (25 m avec ripisylve)
Crue de la Vesle
SERRES MUNICIPALES 3,70 ha
voie ferrée
FRICHE ARBORÉE 2,75 ha
Canal de l’Aisne à la Marne 25 m
INDUSTRIES
A’ La voie ferrée marque une rupture forte à l’échelle du site. Elle limite les déplacements et fragmente les espaces. Elle constitue un axe majeur et doit être exploitée comme un atout du projet.
VOIE FERRÉE 12 m
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JARDINS OUVRIERS PRIVÉS
Canal de l’Aisne à la Marne 25 m
B’
Jardins ouvriers - Variété des modes d’occupation La Vesle
Autoroute A4 25 m
C
7 m (30 m avec ripisylve)
Jardins habités - rue de l’épargne
Crue de la Vesle
62 LES JARDINS HABITÉS
Autoroute A4
7 m (18 m avec ripisylve)
25 m
D
Crue de la Vesle
Jardins habités - impasses (Peupleraie au fond)
VOIE FERRÉE 12 m
Jardins ouvriers privés
Terrains EDF
Canal de l’Aisne à la Marne 25 m
Industries
C’
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VOIE FERRÉE 12 m
terrains edf
Canal de l’Aisne à la Marne 25 m
D’
Les quartiers St-Charles et Bois d’Amour, enclavés et dissociés du contexte urbain un manque de franchissements et d’accès
4
5
3
1 2 6
64 Talus autoroutier ou ferroviaire infranchissables Accès automobile Accès modes doux
Les voies de communication offrent peu de franchissements et d’accès. Ces façons d’accéder au quartier se manifestent par deux typologies : à niveau ou au dessus. Le moyen le plus utilisé est le pont ou la passerelle. Pour des problèmes géomorphologiques énoncés plus haut, les franchissement évitent la voie souterraine. Le canal, franchissable en 3 points, relient le quartier à l’épaisseur du site. Seulement un des trois accès est accessible aux véhicules. Pour ce qui est de la
voie ferrée et de l’autoroute, le nombre de franchissements est beaucoup plus réduit : ils présentent respectivement un passage à niveau et un pont.
Le manque de franchissements est la cause principale de l’enclavement
2 1
3
4 5
6
1- Passerelle au dessus du canal, liaison vers le centre-villePiétons 2- Passage sous la voie ferrée le long du canal - Piétons 3- Passerelle reliant le site aux industries sur la rive nord du canal - Piétons 4- Pont franchissant le canal. Unique franchissement pour les véhicules - Véhicules / piétons 5- Passage à niveau de la voie ferrée reliant les quartiers résidentiels au centre et aux zones artisanales et industrielles Véhicules / piétons 6- Pont franchissant l’autoroute - Véhicules / piétons
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2.3 Un système viaire replié sur lui-même
SN CF Ru
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1 Rue de l’Épargne
La Vesle
Ca n
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A4
La hiérarchie des voies très marquée créé des ruptures d’échelles et de continuités
En plus d’un manque important d’accès, le site souffre d’un réseau viaire sous-dimensionné et refermé. La disposition des voies de communication implique une organisation viaire particulière : les parcelles sont desservies par des impasses qui buttent sur la rivière et le talus autoroutier. Ce réseau viaire n’autorise qu’une lecture confuse et cloisonnée de l’espace tout en lui attribuant une échelle réduite et des ambiances intimistes qui font sa spécificité. Les jardins habités sont desservis par trois types de voies. Elles se différencient pas leur largeur, leur revêtement, leurs modes de déplacements. - La route structurante (rue de l’Égalité puis rue du Bois d’Amour) relie le nord du canal au sud de l’autoroute. - La rue carrossée (rue de l’Épargne) est destinée aux véhicules. Sa largeur de 5 m propose des stationnements. - Les allées et impasses d’une largeur variable (entre 2,5 et 3,5 m), souvent enherbées, permettent le passage d’une voiture.
TYPOLOGIE DE RUE DE VILLE FAÇADE SUR RUE
Jardins
Jardins
Rue de l’Épargne 6m
Les maisons de part et d’autre de la voie forment une véritable rue (rue de l’Épargne) TYPOLOGIE en impasse 2m
Les allées et impasses jardinées, d’une largeur de 2m sont bordées tantôt par des haies opaques tantôt par du grillage
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2.4 ENJEUX - Révéler le quartier à la ville : la nécessité de nouvelles dessertes
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Les obstacles physiques des infrastuctures ainsi que l’organisation des jardins autour d’impasses sont les principales causes de l’enclavement et de la dissociation des quartiers St-Charles et du Bois d’Amour. Pourtant tout proches du centre-ville (5 min), ils ne disposent d’aucune liaison directe avec la ville environnante. La création d’une halte ferroviaire et une desserte routière (rocade intermédiaire) depuis le futur boulevard urbain sont autant d’opportunités pour la restructuration du quartier. La volonté d’installer de nouvelles dessertes, d’aménager les bords de la Vesle et d’urbaniser permettront de qualifier les espaces délaissés et les ouvrir sur la ville.
Les infrastructures forment un carcan au quartier. Le projet doit tenir compte de cette contrainte et proposer de nouveaux franchissements
Améliorer les accès au quartier : franchir les infrastructures Raccrocher ces quartiers à la ville nécessite la création de nouvelles dessertes en franchissant les voies de communication. Faciliter la mobilité à l’échelle de l’agglomération : boucler la rocade intermédiaire Le bouclage de la rocade intermédiaire consitue une opportunité majeure pour le désenclavement de ce quartier. Avec ce projet de rocade, la traversée du site et le raccordement au futur boulevard urbain est envisagé depuis longue date. L’amélioration de la desserte de cette partie de la ville permet de favoriser, bien plus largement, la mobilité à l’échelle de l’agglomération. Effectivement, la rocade doit contribuer fortement aux déplacements urbains puisqu’elle permet de relier le nord au sud de la ville en empruntant le passage à niveau de la voie ferrée et en évitant le centre historique. Créer la centralité d’une nouvelle halte ferroviaire La mobilité doit s’organiser pour tous les modes de déplacement. Il ne s’agit pas là de privilégier la voiture plutôt qu’un autre mode. Le désenclavement ne peut se faire qu’en différenciant les types de dessertes. Une halte ferroviaire à l’emplacement du passage à niveau devrait être créée afin de rendre accessible les différents espaces de vie de ces quartiers.
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Franchissements existants à conforter Créer de nouveaux accès piétons en franchissant les voies de communication Accès routier raccordé au futur boulevard urbain Nouvelle halte ferroviaire à l’emplacement du passage à niveau
Le bouclage de la rocade intermédiaire permet plusieurs hypothèses d’accès dans le quartier. Que l’on s’appuie sur les voiries existantes ou de la nouvelle voie, les incidences sur le quartier seront évidemment différentes (développement ou extinction d’activités ou d’usages). Quoi qu’il en soit, le nouvel accès routier devra limiter au maximum l’empreinte sur le milieu naturel voire le restaurer.
Choix d’un tracé pour la rocade Habitat, activités ?
Perte du système en impasses
Jardins Cultures
Entrée principale du quartier Seconde atteinte à la continuité de la rivière
création d’une nouvelle route avec un franchissement de la rivière
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Franchissement existant de la Vesle
Bouclage de la rocade intermédiaire par la voirie existante
Conserve l’organisation en impasses QUARTIER JARDINÉ Façade urbaine du canal avec des parcelles jardinées
Accès piétons aux jardins et à la rivière
Production horticole et maraîchère
Différenciation de la voie véhicules des accès pour les modes doux
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03. Un site stratégique à proximité du centre,
opportunité foncière à l’échelle de l’agglomération Les quartiers St-Charles et bois d’Amour forment une réserve foncière indéniable que les élus souhaitent investir pour mener un projet urbain mêlant parcs, jardins et urbanisation. Longtemps délaissés, les occupations industrielles en mutation ainsi que les jardins font l’objet d’une maîtrise foncière depuis de nombreuses années. La restructuration de ces espaces devra s’appuyer sur des bases fortes qui forgent l’identité du quartier : parcellaire, modes de gestion, canal, voie ferrée, trame viaire, rivière et boisements.
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Vue sur le canal depuis la friche 10h30 La façade des grands moulins et le mur d’enceinte du site Jacob Delafon détruit.
3.1 Des jardins ouvriers aux usages démultipliés : l’identité du marais Jardins cultivés/jardins habités
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L’occupation complexe des jardins ouvriers est intimement liée à la proximité avec les usines du quartier Clairmarais, de l’autre côté du canal. Au moment de l’arrivée massive des industries au nord du site, la ville de Reims et les entreprises associées ont proposé aux ouvriers des terrains à cultiver. L’obtention d’une parcelle était pour l’ouvrier un moyen de valoriser son temps libre en travaillant à l’extérieur afin de se nourrir à moindre coût. La dénomination de jardins ouvriers est souvent caricatural. Ici, elle ne répond à aucun modèle en particulier. Contrairement aux jardins ouvriers traditionnels, ceux-ci sont à la fois cultivés et habités. Cette occupation de l’espace semble évoluer depuis la création des jardins. La transformation progressive des cabanes en ‘maisons’ a conduit à une modification des usages, passant du jardin vivrier à celui d’agrément et d’habitat. La vocation d’habitat s’est développée jusqu’à livrer une forme urbaine installée à l’encontre des règlements d’urbanisme. Les formes jardinées et habitées s’imbriquent et se mêlent en permanence pour constituer ce que je pourrais rapprocher d’une cité jardinée.
Les usages ne sont pas nombreux mais participent pleinement aux ambiances et forgent une identité forte pour le site. Les usages et les modes d’occupation sont quasiment tous orientés autour de l’utilisation du sol comme ressource. Chaque parcelle présente des caractères et occupations très différents qui varient selon le mode de gestion appliqué.
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1- Parcelle jardinée 2- Parcelle jardinée présentant un abri pour les outils 3- Parcelles cultivée avec tunnel horticole 4- Jardin donnant sur la rue de l’Épargne
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L’imbrication des parcelles forme des espaces originaux identitaires. Parcelles jardinées Parcelles habitées Parcelles enfrichées acquises par Reims métropole Pôle horticole - serres et pépinières municipales Maraîchage Champ encore cultivé appartenant à la métropole Peupleraie Friche arborée - ancienne pâtinoire Ripisylve de la Vesle
Les jardins sont investis et gérés de trois manières. Ainsi, plusieurs typologies apparaissent : - les propriétaires privés. Les parcelles sont uniques puisqu’aucune règle hormis le PLU ne régit ces terrains. - l’association locale. Des règles d’entretien et de pratiques sont données aux jardiniers. Avec ce mode de gestion, le jardin est l’unique occupation autorisée. - la communauté d’agglomération. La collectivité loue les terrains en instaurant des prescriptions d’usages à respecter. Une autre catégorie concerne les parcelles investies illégalement par les gens du voyage qui installent leurs caravanes ou construisent même des maisons sans permis de construire.
LES USAGES et pratiques du sol
Agriculture urbaine Course, cyclisme, promenade, aviron
Maraîchage
Peupleraie Serres et pépinière : production horticole La pratique du jardin ainsi que la production horticole et maraîchère sont répandues sur l’ensemble du site de projet. En effet, la présence d’alluvions fertiles dépose par la Vesle a favorisé ce type d’occupation. Les serres municipales occupent un grand parcellaire en bordure de la rivière entre les voies ferrées, l’autoroute et le canal. Les usages et les espaces (pépinière et serres) liés à la production horticole participent entièrement à l’esprit jardiné du site. Accolé à ce pôle horticole, des jardins ouvriers uniquement vivriers dessinent un espace identitaire pour le reste du marais jardiné. Les superficies importantes qu’occupent les serres et pépinières municipales, la peupleraie et le maraîchage sont autant d’éléments à prendre en compte et valoriser dans le projet de valorisation de cet
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espace sur le territoire de Reims Métropole. En dehors de cette pratique du sol, les bords du canal accueillent de nombreux coureurs, promeneurs et cyclistes
qui profitent de la voie d’eau. Un club d’aviron (cercle nautique Rémois) installé sur les quais du canal tire profit de l’étendue d’eau pour s’entraîner.
Les jardins cultivés La physionomie des jardins cultivés varie selon leur emplacement ou leur mode d’investissement. Une minorité des jardins sont entretenus via un statut associatif. Dans ce cas l’association impose des modes de gestion aux jardiniers, favorissant l’homogénéité et l’unité des parcelles. La vocation de ces jardins est uniquement vivrière, formant ainsi un groupement de jardins aux usages similaires.
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Les jardins familiaux (1) régis par l’association des jardins associatifs de l’agglomération Rémoise implantés à proximité des serres de Reims en bordure de la Vesle. Des haies opaques séparent les parcelles et l’ensemble du jardin, ce qui referme davantage l’espace. Pourtant proches deberges, les jardins n’ont pas accès à la rivière. Dans l’objectif d’aménager une promenade le long de la Vesle dans le cadre du projet de coulée verte, les parcelles ont été réduites et clôturées pour récupérér une bande de terrain de 15 mètres. D’autres jardins (2), installés sur les parcelles en lanière de la peupleraie sont gérés par Reims Métropole. Ils décrivent une structure régulière consituée de petites lanières. L’interdiction de planter des arbres induit un milieu ouvert que seule la peupleraie et la ripisylve de la Vesle viennent rompre. Les jardins, très hétérogènes, présentent une variété de cabanes, clôtures, portes qui participe à la richesse de ces jardins.
Les jardins privés se regroupent principalement en bordure de canal ainsi qu’entre la voie ferrée et l’autoroute. Qu’ils soient dans l’une partie ou l’autre partie du site, leur structure et leur organisation sont différentes : Les jardins le long du canal sont répartis par un maillage d’allées enherbées. De nombreux abris de jardin ponctuent l’espace majoritairement ouvert, car peu planté d’arbres. La sensation d’ouverture est augmentée par l’absence de clôtures entre les parcelles. Seules les allées délimitent l’espace. Le statut privatif de ces jardins en interdit l’accès à toute personne ne possédant pas de parcelle. Le promeneur ne peut alors en profiter qu’avec le regard depuis le chemin de halage du canal. Les jardins installés dans le marais sont plus isolés que les autres; ils se mêlent aux parcelles habitées et abandonnées.
(4) Les parcelles jardinées et bâties se mélangent pour former des espaces aux usages multiples.
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les serres
les pépinières
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Les parcelles cultivées sont réparties de façon homogène sur le site.
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Parcelles privées Parcelles gérées par une association ou par Reims métropole
(3) Les rares arbres laissent passer le regard jusqu’à la voie ferrée
(2) L’allée enherbée distribue les parcelles jardinées jusqu’aux berges de la Vesle et longe la peupleraie
La qualité des espaces des marais de Reims est induite par une occupation végétale qui se décline sous plusieurs formes. Le végétal apparaît à la fois isolé et groupé. Les plantes isolées correspondent aux arbres fruitiers ou ornementaux installés sur les parcelles jardinées et habitées. Lorsque regroupées, les végétaux d’une même espèce ou d’espèces différentes s’associent pour constituer la ripisylve, le bois, la friche, la peupleraie, le verger et plus généralement le mail, le cours ou l’alignement. La ripisylve en bord de Vesle forme des rideaux plus ou moins épais jusqu’à créer de réels boisements humides où évoluent la saulaie, aulnaie et bétulaie. Ces bandeaux offrent des ambiances végétales le long des berges. La friche armée à l’emplacement de l’ancienne pâtinoire est occupée par une strate arborée composée de plantes pionnières et une prairie mésophile à graminées. La peupleraie située en zone inondable est formée d’une seule espèce, le peuplier reconnue pour sa révolution courte permet d’investir des terrains gorgés d’eau. Des vergers de Pommiers ponctuent certains jardins, ils dessinent un espace souvent lumineux et structuré.
Peupleraie - Cultivars du Populus alba x ? (cultivar indéterminé)
Les jardins ouvriers sont principalement occupés par une végétation horticole représentée par les Pommiers, Poiriers, Cerisiers, Abricotiers, Cognassiers, Amandiers, Palqueminiers... 80
Le végétal fait partie intégrante des jardins et de la rivière. Le projet tient à les maintenir et les développer dans la composition du nouveau quartier.
Parcelle jardinée - Arbres fruitiers isolés
Ripisylve de la Vesle
Vesle
Friche arborée (Érable plane, Érable sycomore, Érable champêtre, Faux-Robinier, Merisier...) et fruticée (Clématite vigne blanche, Cornouiller sauvage, Viorme lantane, Prunellier, Fusain d’europe, Troëne commun, Ronces)
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Végétation ornementale (fonction d’agrément) Végétation horticole (fonction vivrière)
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Les jardins habités
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Des pavillons bordent les impasses.
Depuis les années 20, des maisons s’installèrent entre la voie ferrée et la Vesle. Les constructions restent malgré tout proches du remblais du chemin de fer pour éviter les crues de la rivière. Une deuxième vague de constructions apparaît dans les années 60. Ensuite, c’est entre 1990 et 2000 que de nouvelles maisons s’installent, cette fois-ci plus proche de la rivière au risque des inondations. Historiquement, les parcelles dédiées aux ouvriers issus des usines proches étaient vouées à la production vivrière. La désaffection de cette activité provoque leur apparition les maisons groupées en îlots autour d’une rue ou d’une impasse, ou de manière éclatée au milieu des jardins. Ce que nous observons aujourd’hui est un morceau de ville constitué aléatoirement et sans logique apparente - usant de l’espace maximal, aux limites de la parcelle ou en retrait pour éviter d’ête vu tout de suite. Les terrains destinés à l’usage du jardin, possèdent un parcellaire fin et laniéré garant de l’organisation des jardins et de leur identité. Il apparaît évident que ce parcellaire spécifique n’est pas approprié pour la construction de maisons comme la règlementation le préconise. Malgré cela, de nombreux jardins ont été transformés en foncier habitable en adaptant les maisons à la forme du parcellaire. Les usages ont évolué avec le temps sans que la forme de l’espace soit modifiée. Certaines parcelles ne sont plus des jardins du tout, la vocation primaire a complètement disparue.
Aujourd’hui, cette enclave compte environ 80 maisons. Leur implantation est variée selon les parcelles : au milieu, au fond ou devant. Dans tous les cas, les jardins habités sont tous raccordés à une allée. Ces différentes dispositions sont à l’image d’un jardin et non pas d’un quartier. Les retraits de façades, les nombreuses formes architecturales participent à la richesse de l’ensemble. Lors de mes visites sur le site cette forme originale de jardins habités m’a fasciné, elle donne l’identité très particulière de ce marais. L’imbrication des parcelles bâties et jardinées créé en effet des espaces peu communs que l’on ne trouve nulle part ailleurs à la ville policée.
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83 Les maisons forment des îlots bâtis
Certaines parcelles construites se mêlent aux jardins
D’autre se concentrent autour d’une rue principale (rue de l’Épargne)
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Cette ambiance étonnante de faubourg fait émerger la question sociale. Comment vivent ces personnes ? Saventils ce qu’ils risquent ? Les maisons que l’on rencontre sur le site sont, pour majorité, le fruit d’une construction illégale qui ne respecte pas les règles d’urbanisme ; depuis toujours les documents d’urbanisme sont clairs. Le POS de 1982 interdisait toute contruction, excepté celles destinées à l’activité horticole (d’une superficie inférieure à 15m2). Ces mesures ont largement été outrepassées et les constructions se sont au fur et à mesure orientées vers de l’habitat. Dans certains cas, il s’est agi d’agrandir progressivement de simples cabanes de jardin et de les transformer en pavillon d’habitation. Dans d’autres cas, les abris de jardin ont été remplacés par une construction neuve. En outre, certaines de ces habitations se trouvent de fait en zone inondable, comme nous l’avons déjà vu. Enfin, sauf pour la rue de l’Épargne (la plus ancienne), les impasses ne sont pas viabilisées. Quoi qu’il en soit, ces maisons sont d’apparence correcte. Zone regroupant la majorité du domaine bâti de la commune plus ou moins discontinu et réalisée en général sous forme de lotissement d’habitat individuel Ensemble des équipements et constructions publiques à vocation éducative et sportive Urbanisation à vocation commerciale Urbanisation à vocation commerciale Extension future d’habitat, mêlant logements, commerces et services Grandes zones d’activité consommatrices d’espace Formes urbaines aléatoires, souplesse pour les constructions à venir Zone à densifier en conservant les formes ubaines constituées Zone à vocation naturelle située en bord de Vesle, présentant des caractères paysagers forts à associer à la coulée verte de l’agglomération
Le POS de 1982 décrit la zone UJ comme étant faiblement bâtie et interdit toute construction d’habitation Le PLU de 2O11 valorise les bords de la Vesle en destinant les terrains à du jardin. La volonté d’urbaniser s’affiche aussi clairement.
Rue de l’Épargne - front bâti (maisons individuelles groupées)
Rue du Bois d’Amour - maison individuelle (retrait de façade)
Rue du Bois d’Amour - pavillon isolé
Allée du Fer à cheval - juxtaposition de maisons, garages, abris de jardin
Rue de l’Épargne - pavillon et immeuble R+3 accolés
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La Vesle en fond de parcelle
Passage à niveau
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Au même titre que pour le reste de la ville, la Vesle est dépréciée.
La Vesle longe les parcelles jardinées sans aucune relation Au sud, les boisements sont dissociés du cours d’eau par l’autoroute Les impasses jardinées n’atteignent pas les berges de la rivière La Vesle reste inaccessible à la promenade lorsqu’elle traverse du parcellaire privé
Lorsque la Vesle traverse le site elle s’en détourne. Les boisements humides soulignent son passage. Seulement, elle valorise peu les ambiances des jardins qu’elle longe. De plus, ses berges sont rarement accessibles : les impasses ne parviennent pas jusqu’à l’eau et les rives sont fréquemment clôturées par la propriété privée. Les terrains privés tout comme le site des serres de la ville ne permettent pas d’accès et de promenade le long du linéaire.
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1- Une passerelle sur le site des serres municipales enjambe la Vesle 2- Le fond de l’impasse est clôturé ne permettant d’accès 3- La Vesle coule en fond des parcelles jardinées 4- Au pied du talus autoroutier, le cours d’eau n’est pas visible et n’attire pas le promeneur
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3.2 La stratégie de la ville : une politique foncière pour la création d’un nouveau quartier L’urbanisation et la mise en valeur d’un espace public le long de la Vesle
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Pour mener à bien ses projets d’urbanisation du quartier St-Charles et de valorisation des bords de la Vesle, la collectivité mène depuis plusieurs années une politique d’acquisition foncière intense. Pour y parvenir, elle s’est dotée du droit de préemption sur les terrains. Par ce moyen, elle se rend alors prioritaire sur l’acquisition des parcelles, favorisant la maîtrise de ce foncier. Les parcelles acquises sont à la fois jardinées comme habitées. Considérant la vocation vivrière de ces terrains, le rachat tient uniquement compte du prix du terrain. La valeur de la maison n’est donc pas considérée puisqu’il s’agit de terrains non constructibles, le mètre carré est alors racheté à hauteur de 60 euros. Chaque nouvelle parcelle bâtie acquise par la collectivité voit sa maison murée (pour éviter toute occupation clandestine), et enfin démolie. Parfois, avant même que la maison soit démolie des mois voire des années s’écoulent. Ansi, des maisons entièrement murées jalonnent le site et rappellent la dynamique en cours. L’acquisition foncière coûte très cher à la collectivité, c’est pourquoi elle est réalisée au compte goutte selon les opportunités d’achat. Cette politique foncière forte, garante du futur quartier, fait disparaître les usagers et les habitants de ce site en modifiant profondément l’esprit du lieu. La mutation de cet espace se fait progressivement, parcelle par parcelle.
Les jardiniers, et habitants, encore présents constatent de façon désolé la tendance actuelle. L'essence même des jardins ouvriers est vouée à perdre de son intensité. Le projet doit tenir compte de cette occupation historique de l’espace qui convient si bien à ce marais. En se promenant dans les allées, les jardins abandonnés, enfrichés, sont facilement identifiables. Ces parcelles abandonnées, investies par le végétal (végétation nitrophile et fruticée), accolées aux jardins cultivés nuisent à l'unité du lieu. Pour lutter contre l'enfrichement des parcelles, des habitants ont décidé d'entretenir et profiter de l'espace disponible pour étendre leur surface de culture aux parcelles contigues en attendant le futur projet.
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L’acquisition foncière est hétérogène mais de plus en plus complète Reims Métropole Ville de Reims Ville de Tinqueux Zone inondable Réserve foncière Jardins gérés par une association
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Les terrains appartiennent pour moitié aux collectivités locales (Reims métropole et et ville de Reims. La maîtrise foncière est partielle et dispersée, la superficie des terrains acquis varient de taille : de la simple parcelle de 70m2 à des espaces formés par le regroupement de plusieurs parcelles avoisinant l’hectare. Trois grands terrains, d’une superficie maximale de 2 ha constituent des zones de réservation pour les projets urbains internes au quartier. En l’occurrence : une voie nouvelle reliant l’autoroute au quartier industriel au nord du canal, un espace public comprenant l’aménagement d’un bassin de rétention, un terrain accueillant un autre bassin de rétention. Une bande de 15 m en bord de Vesle constitue aussi un linéaire de réservation dans le cadre de l’aménagement de la coulée verte de l’agglomération.
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Au départ, les parcelles sont cultivées et entretenues
L’une d’entre elle est rachetée et s’enfriche légèrement
Le milieu est ouvert
Les herbes hautes et les arbustes referment le milieu. Contraste fort entre les deux parcelles
Sen te La deuxième est rachetée à son tour alors que l’autre est complètement envahie par la végétation Les espèces pionnières s’installent, une strate arborée apparaît. Les masses boisées tronquent la vue, cependant des niches écologiques sont créees et la biodiversité augmente.
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Avec les surfaces industrielles, les jardins constituent l’une des dernières réserves foncières de l’agglomération. En effet, les terrains disponibles à l’urbanisme se font de plus de plus rares. À quelqu’unes minutes à pied du centreville et de la gare de Reims, cette situation très privilégiée élève plus encore sa valeur. La maîtrise foncière doit être la plus complète puisque le projet des élus convient à bâtir de nouvelles habitations accompagnées de jardins, espaces publics et voiries. La réussite de ce projet est intimement liée à son unité. Pour cela, les aménagements ne doivent pas buter contre des parcelles résiduelles. Si le cas se présente, la collectivité devra user de son droit d’expropriation applicable au nom d’un projet d’utilité publique. Le statut de la ZAC, qui couvre les jardins pourra plus tard légitimer ces procédures d’expulsion. Le projet n’étant pas pour l’instant entièrement dessiné, Reims Métropole se contente de la préemption pour acquérir les parcelles. Enfin, il ne faut pas perdre à l’esprit que ces actions concernent des populations. Il est fondamental de placer au premier plan la question sociologique.
Un changement d’habitants. Où va la population actuelle ? L'approche sociale des jardins ouvriers ou familiaux est primordiale, aujourd'hui les jardins ont quelque peu effacé ce rôle vivrier au profit de la détente et de l'agrément des familles. Ce phénomène soubit un retour du jardin potager pour tenter d'échapper à l'augmentation des prix des fruits et légumes dans les grandes surfaces. La classe sociale dans ces jardins est relativement basse et majoritairement composée d’immigrés portugais et maghrébins. Comme nous l’avons vu précédemment, ces habitants, arrivés après 1945, ont profité de l'espace des parcelles pour transformer leur cabane en maison en agrandissant progressivement la surface habitable en fonction de leurs moyens financiers. Aujourd'hui, des maisons flambants neuves émergent chaque année sans permis de construire. Les habitants qui décident de s'engager illégalement dans la construction de leur maison ont tiré profit de la négligence de la collectivité au regard de ces terrains. La situation commence a changer puisque les projets urbains s’affinent, ainsi ces espaces deviennent stratégiques pour l’agglomération. Cette situation délicate et ambiguë pour cette population risque d’entrainer la démolition leur maison par la collectivité dans le cadre de sa politique foncière. Situation un peu absurde puisque que la ville de Reims n'a jamais mis en place de répression contre ces constructions illégales. À court et moyen terme, les habitants devront quitter ces terrains en laissant leurs autoconstructions derrière eux. La restructuration de ce quartier impliquera tout naturellement un remplacement de la population actuelle. En effet, que l’arrivée de nouveaux habitants génèrera une élévation de la classe sociale observée aujourd’hui. Connaissant cette dynamique, comment agir pour que les habitants puissent rester malgré tout dans le quartier ? Il est important que le projet urbain leur propose des logements à loyer réduit afin qu’ils puissent rester dans le quartier, se reloger facilement et continuer à cultiver leurs parcelles.
« je viens au jardin presque tous les jours, c’est très important pour moi. Ça m’occupe et puis c’est intéressant financièrement vu le prix des fruits et légumes aujourd’hui. Monique - association des anciens jardins du Bois d’Amour
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3.3 Des sites industriels en mutation Des emprises à investir : l’amorce d’un nouveau quartier Gare
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Fiche arborée de l’ancienne pâtinoire
Le site industriel Jacob Delafon fait l’objet d’un programme urbain. La construction du premier plot doit débuter cette année
À la frange nord du site d’étude, le long du canal, sont implantés de vastes sites industriels. Certains d’entre eux cessent leur activité et libèrent de vastes emprises du seul tenant propre à créer de quartiers aux fonctions variées. Ces abandons ne sont pas isolées, d’autres entreprises prévoient aussi de quitter leurs terrains aujourd’hui trop proches du centre-ville. Ces terrains libérés font l’objet d’une pression foncière très forte, ils constituent une opportunité majeure. Une fois dépollués, si cela le nécessite, des projets de logements, commerces et activités voient le jour. Par exemple, l’ancien site Jacob Delafon connaît un projet mixte dont les premiers éléments seront bâtis cette année. Récemment au sud du canal, l’activité de verrerie a pris fin. Les bâtiments industriels occupent un site d’une superficie de plus de 20 ha. Pour les élus, ces terrains constituent l’opportunité d’un nouveau quartier, qu’ils souhaitent à haute valeur écologique et sociale. Ces emprises industrielles en mutation sont stratégiques, elles dessinent un potentiel fort pour l’avenir du quartier St-Charles. Comme expliqué précédemment, l’enjeu de la desserte est fondamental. En l’occurrence, l’installation de la halte ferroviaire à l’emplacement du passage à niveau vise à créer une centralité en développant le quartier autour de cet arrêt. La mutation des sites industriels implique des révolutions très longues. Quoi qu’il en soit, leur transformation va modifier profondément l’identité de ce quartier.
Il est évident qu’à long terme, la demande foncière ne s’arrêtera pas à ces emprises. Dans le projet actue, les jardins ouvriers sont aussi concernés par ces dynamiques d’urbanisation. D’ailleurs, la dernière version du PLU (cf. p. 84) préconise l’urbanisation de la totalité des parcelles le long du canal et de quelques unes au sud de la voie ferrée. Pour les élus, la volonté est claire : avant même de construire sur les jardins, il faut progressivement investir les emprises industrielles en déshérence. Enfin, les jardins et la rivière doivent constituer les espaces publics du futur quartier.
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VMC - Verrerie
EDF Halte ferroviaire
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Grands moulins Jacob Delafon
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Au nord des marais de Reims, des sites industriels en mutation offrent des terrains pour le futur quartier.
Sites industriels Mutations à court terme Mutations à moyen terme Habitat pavillonnaire Équipements sportifs Zone artisanale et commerciale Seuls les murs d’enceinte du site Jacob Delafon n’ont pas été encore détruits. Le programme urbain prévoit un front urbain de 5 à 15 étages comme façade au canal.
Le projet Jacob delafon : une nouvelle façade urbaine pour le canal
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FHY© Les bâtiments de hauteurs variables entourent des coeurs d’îlots jardinés.
En remplacement des usines de Jacob Delafon, les urbanistes de l’agence FHY prénonisent la densité avec des hauteurs de bâtiment ateignant 15 étages. Ces hauts bâtis installés en front de canal visent à lui redonner un vocabulaire plus urbain, en continuité avec le centre-ville. Leur implantation sous forme d’îlots et leur orientation offrent des ouvertures sur les quais du canal. Les jardins en coeur de ces îlots installés dans le sens du parcellaire permettent des continuités piétonnes jusqu’en en fond de parcelle. Dans le prolongement d’un des axes du nouveau quartier s’installe une passerelle piétonne au dessus du canal. Ce nouvel accès rejoignant les jardins ouvriers et la Vesle est en effet indispensable pour les futurs habitants des ces îlots. Ces jardins au sud du canal et au sud de la voie ferrée constituent des enjeux essentiels puisqu’il sont les espaces publics majeurs de ce quartier.
Ainsi, à l’emplacement des jardins ouvriers habités et jardinés, le projet convient de proposer des des jardins vivriers et d’agrément tournés vers la rivière où se mêle de l’habitat.
FHY© Le projet mise sur la mixité mêlant habitat, activités, commerces. Ces derniers installés au rez-de-chaussée animent les quais du canal
FHY©
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3.4 Enjeux - Accompagner le changement des usages dans le processus d’urbanisation...... pour créer un quartier respectueux de l’esprit du lieu
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Proposer une solution aux usagers et habitants des jardins 97
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Organiser la mutation des espaces industriels - appuyer la trame viaire
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Urbaniser les jardins en s’inspirant du parcellaire et des usages en place
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Limiter la ville en se basant sur l’inondation
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Proposer la promenade le long de la rivière
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Proposer une solution aux usagers et habitants des jardins
La population en place est garante de l’identité du jardins et de sa gestion. Leur départ remet en question l’essence même du lieu, c’est pourquoi il est essentiel que l’urbanisation du quartier leur permette d’habiter non loin des parcelles cultivées. La probable urbanisation des bords de canal sur les jardins ouvriers nécessite un transfert de ces parcelles à la place de celles abandonnées au sud de la voie ferrée
Reloger les habitants dans le quartier pour qu’ils puissent continuer à disposer d’une parcelle Conserver de vastes espaces de jardins (lisibles d’un seul tenant) au sein du quartier pour maintenir ce mode de gestion privilégié (peu coûteux à la commune) Réorganiser le parcellaire en déplaçant les jardins à bâtir en bord de canal vers les parcelles abandonnées au sud de la voie ferrée
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Organiser la mutation des espaces industriels - appuyer la trame viaire
Les sites industriels forment des enclaves et emprises foncières stratégiques pour le développement du nouveau quartier. Leur mutation offre des perspectives favorables à la restructuration complète des espaces. Avant même, d’y implanter du bâti, il convient d’installer les dessertes et les accès destinés à tous les modes de déplacements. Ces dessertes sont des axes structurants dans le composition du quartier.
Investir les emprises industrielles libérées Aménager les dessertes et accès Créer la centralité autour de la halte ferroviaire Restructurer le quartier en réservant des espaces publics
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Urbaniser les jardins en s’inspirant du parcellaire et des usages en place
Le parcellaire, les usages, le réseau viaire sont d’autant d’éléments sur lesquels le projet doit s’appuyer. Ces données vont conditionner la forme urbaine et achitecturale. Le projet réside dans la définition des limites et contours des parcelles bâties privéés, les jardins et comme les futurs espaces publics.
Adapter la forme urbaine du quartier au parcellaire et aux infrastructures (canal et voie ferrée) Imbriquer les parcelles bâties et jardinées - Conserver la pratique du jardin Proposer une variété de modes d’occupation des espaces pour les habitants (jardins publics, familiaux, privés, collectifs...) Traiter les seuils publics/privés
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Limiter la ville en se basant sur l’inondation
Le risque d’inondation de la Vesle impose un recul des terrains à bâtir. La projet tiend à révéler la présence de l’eau dans le marais que les nombreux aménagements successifs ont effacé. Les jardins sont un mode d’occupation privilégié entre la souplesse de la rivière et le bâti. 1. Restaurer le pasyage de la Vesle 2. S’appuyer sur son cours
Composer l’urbanisation avec l’inondation. Installer le bâti sur les parcelles exondées en les associant au jardin. Révéler les traces du marais en adaptant les usages Restaurer la présence de l’eau pour affirmer le projet paysager
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Proposer une promenade le long de la rivière
La Vesle est un élément fédérateur à l’échelle du marais que l’on ne perçoit plus aujourd’hui. Il convient de lui redonner toute sa place en faisant en sorte qu’elle participe pleinement aux espaces urbains et jardinés du quartier. La rivière offre les ambiances riches qu’un sentier de promenade avec des pontons permettra de découvrir.
Prolonger les impasses jardinées jusqu’à la future promenade Investir les berges de la Vesle jusqu’à la rivière Installer des pontons et arrêts pour les pêcheurs et les promeneurs en bord de rivière Valoriser les milieux humides de la Vesle en épaississant la ripisylve
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04. habiter le marais : sur la piste d’une couture urbaine
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4.1 L’écriture urbaine et architecturale de ce quartier - des formes urbaines variées La compostion du quartier tient compte des élements structurels, des usages et du parcellaire en place. Les voies de communication nécessitent un parti pris urbain fort faisant corps avec celles-ci. De part et d’autre de la voie ferrée, de l’habitat collectif vient s’insérer pour former un front bâti fort qui isole les jardins des nuisances sonores. La formes urbaine et architecturale doit s’adapter à cette contrainte : privilégier les ouvertures du côté des jardins. L’urbanisation des bords du canal doit opter pour un habitat collectif qui rappelle les quartiers qui se constituent au nord du canal (Jacob Delafonpar exemple) afin de créer une
continuité avec le centre-ville. Plus l’on se rapproche de la Vesle et plus la hauteur des bâtiments décroit : de R+5 à R+1. Entre le canal et la voie ferrée, cette contrainte dessine des îlots jardinés ouverts sur les quais du canal. La majorité des parcelles cultivées sont ainsi conservées, elles se retrouvent ainsi enserré dans un quartier habité où le projet tient à définir les passages de l’espace public à l’espace privé.
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Vesle A4
L’eau (Canaux, noues, fossés et plans d’eau) structure les espaces du quartier
La rocade comme nouvelle entrée dans le quartier
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habitat collectif dense sous la forme d’îlots ouverts avec jardins
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Le parc de la Vesle : une limite jardinée à la ville Frange boisée et promenade aux abords de la rivière habitat collectif, individuel et groupé qui mêle des espaces privatifs, partagés, publics ou associatifs
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Bords de canal : un habitat collectif dense sous la forme d’îlots ouverts avec jardins
Un front bâti fort pour rééquilibrer les hauteur de la rive nord
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Le nouveau quartier s’affiche sur le canal et réserve des espaces plus intimistes
L’habitat collectif s’apuie contre le talus SNCF pour refermer l’espace et offrir un îlot protégé pour les jardins.
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Coeur d’îlot jardiné
Coeur d’îlot à Baires-sur-Marne - Sylva landscaping
Espaces publics jardinés et priorité au piéton à Herblay - Nicolas Michelin
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Éco-quartier à Reims - Nicolas Michelin
Espaces publics jardinés et priorité au piéton à Herblay - Nicolas Michelin
Éco-quartier à Reims - Nicolas Michelin Image de référence pour les jardins vivriers en coeur d’îlot.
Éco-quartier à Reims - Nicolas Michelin Ouverture sur les îlots ouverts du canal.
Entre voie ferrée et Vesle : une déclinaison d’habitat collectif, individuel et groupé qui mêle des espaces privatifs, partagés, publics ou associatifs
+ Parcelle habitée avec jardin privé
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Jardin collectif/partagé par les habitants des maisons groupées
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Jardin familial ou ouvirer
Les différents modes d’occupation dessinent un quartier où les jardins et l’habitat s’imbriquent formant un maillage paysager riche
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Jardin public
Maisons individuelles groupées à Lens - Tank Architectures
Espaces publics jardinés et priorité au piéton à Herblay - Nicolas Michelin
Jardins au centre des parcelles habitées - Tn plus
Sylva landscaping - éco-quartier Palaiseau
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Armature verte dans un nouveau quartier à Montévrain - Urbicus
Le jardin habité à Lille - Agence Ter
Éco-quartier à Joué-les-Tours (jardins collectifs insérés dans un nouveau quartier) - Ilex
4.2 où l’espace public propose des usages adaptés à la rencontre de la ville et de la rivière Le parc de la Vesle : une limite jardinée à la ville
La Vesle
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Prairie inondable
Ce parc de Vesle mêle de nombreux usages et occupations, tous tournés vers l’eau. Les berges sont réinvesties pour la promenade sous la ripisylve tandisque d’autres espaces sont ornés de vastes prairies où peuvent se tenir une variété d’activité. Le développement d’usages en lien avec la rivière permet aussi d’élargir le périmètre de production des pépinières de Reims. S’approcher de l’eau est essentiel : des pontons et structures légères offrent des pauses le le long du parcours.
Jardin de la Feysine (Lyon) aménagement d’un milieu humide en marge du Rhône - Agence Ilex
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Éco-quartier à Joué-les-Tours - Agence Ilex Image de référence pour la grande prairie (inondable) en bordure de rivière
Accès sud au Grand stage Lyonnais - Agence Ilex Image de référence pour l’aménagement du milieu humide
Ponton permettant de s’arrêter en bords de rivière - Uppsala (Suède)
Ponton permettant de s’arrêter en bords de rivière - Uppsala (Suède)
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conclusion Au cours de ce mémoire, nous l’avons vu, les marais de Reims sont relictuels à l’échelle de l’agglomération Rémoise. Ils constituent un patrimoine vivant et des qualités d’espace uniques qui forgent son identité. La volonté politique de protéger ses milieux et les révéler est une chance dont il faut se saisir. Le déclassement de l’autoroute A4 en boulevard urbain sur l’ensemble de la traversée de Reims est aussi un enjeu majeur pour l’agglomération. Ce changement d’affectation offre de nouvelles perspectives pour le fonctionnement des espaces urbains. L’autoroute ne sera plus perçue comme une coupure et un élément d’enclavement mais plutôt tel un moyen de recomposer la ville et reconquérir la Vesle trop longtemps effacée et oubliée. Le boulevard urbain offre de entrées nouvelles dans les quartiers adjacents, générant des dynamiques d’urbanisation évidente. Les quartiers de Bois d’Amour et de St-Charles sont fortement concernés puisqu’ils constituent une réserve foncière proche du centre-ville non négligeable. L’observation du socle et de ses usages est fondamental pour saisir le contexte au sein duquel le nouveau quartier vient s’installer. Pour cela, il a fallut décrire l’essence même du quartier existant c’est à dire : ses réseaux, ses modes d’occupations, son rapport à l’espace, son environnement urbain, son parcellaire, sa sociologie, ses fondements biotiques et abiotiques... C’est sur ces bases que le projet s’appuiera et se fondera en accord avec les volontés politiques et les opportunités actuelles. Le projet devra se baser sur les enjeux décrits dans les dernières parties ainsi que sur les principes d’aménagements qui tentent de répondre à l’intention première de restructurer le quartier pour de nouveaux habitants sans oublier les occupants actuels qui sont les garants de l’identité et de la gestion de ces jardins. Ces principes succincts ne sont qu’une ébauche à affiner en prolongeant les grandes orientations et en resserrant progressivement les échelles. Une chose est sûre, l’élaboration des grandes lignes du projet à venir est né d’un échange permanent entre la prise en compte des qualités de l’espace et les opportunités qu’il recèle.
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bibliographie Périodiques
Littérature
Julien Gracq. Le carnet du grand chemin. José Corti. 1992. 308 p. Italo Calvino. Les villes invisibles. Points. 1996. 188 p. Bernardo Secchi. Première leçon d’urbanisme. Collection eupalinos. 2006. 155 p. Pierre sansot. Variations paysagères. Petite bibliothèque Payot. 2009. 240 p. 120
Pierre Sansot. Poétique de la ville. Petite bibliothèque Payot. 2004. 625 p. Jean Pierre le Dantec. Poétique des jardins. Actes Sud. 2011. 183 p. Pierre Sansot. Du bon usage de la lenteur. Petite bibliothèque Payot. 2000. 224 p. Georges Perec. Espèces d’espaces. Gallilée. 1974 (réédité en 2000). 182 p. Marc Augé. Non-lieux-introduction à une anthropologie de la surmodernité. Seuil. 1992. 160 p. Frédéric Héran. La ville morcelée. Effet de coupures en milieu urbain. Economica. 2011. 215 p.
Marc Desportes. Paysages en mouvement. Transports et perception de l’espace XVIII -XXè siècle. Gallimard. 2005. 410 p. Marc Wiel. La transition urbaine. Mardaga. 1999. 154 p. David Mangin. La ville franchisée. Formes et structures de la ville contemporaine. Editions de la Vilette. 2004. 400 p. Frédéric Heran. Transports en milieux urbains : les effets externes négligés. Monétarisation des effets de coupure, des effets sur l’affectation des espaces publics et effets sur le paysage. La documentation française. 2000. coll. « Recherches ». 114 p. Pierre Donadieu. Campagnes urbaines. Edition Actes Sud. ENSP. 1998. 224 p. Françoise Choay. La terre qui meurt. Fayard. 2011. 101 p.
Traits urbains n°33 - septembre-octobre 2009 - Reims : le réveil Diagonal n°153, janvier-février 2002 Des pistes pour des voies plus urbaines Revue urbanisme n°360 mai-juin 2008. Article : Héritier d’un tronçon d’autoroute Sabine Guth, architecte et chercheuse Revue urbanisme n°351, novembre-décembre 2006 – des espaces ordinaires Revue urbanisme n°323, décembre 2001 – espaces, temps, modes de vie A+T n° 20, automne 2002 / Densidad II A+T n° 21, printemps 2003 / Densidad III A+T, automne 2003 / Densidad IV AMC n° 209, octobre 2011
Mémoires Olivier Baron. La ville jusqu’à son canal. 2009. ENSNP. Thibault Deglaire. De nature et d’artifice : le canal de Reims. 2005. ENSNP.
Documents d’urbanisme
Sites Web
Rapports de présentation et zonages du PLU, approuvé le 26/09/11
Géoportail BRGM Reims métropole - http://www.reimsmetropole.fr/ (consulté le 14/09/11) Géologie Reims - http://www.ac-reims. fr/datice/svt/lithotheque/bassinparisien/ complements.htm (consulté le 16/10/11) Nappe craie - http://www.arehn.asso. fr/dossiers/nappe/nappe_eau.html (consulté le 17/01/12) Agence d’urbanisme - http://www. audrr.fr (consulté le 24/11/11) Atlas des paysages - http://www. champagne-ardenne.developpementdurable.gouv.fr/article.php3?id_article=914 (consulté le 21/10/11)
Étude sur l’aménagement de la coulée verte - secteur centre ouest - Agence ARPAYGE - 2008 Projets Reims 2020 Bruno Fortier Christian Devillers Philippe Panerai SCOT de la région Rémoise, approuvé en novembre 2007
Iconographie
page 8 : photo aérienne n/b (fonds archives Reims métropole) page 9 : photo n/b autoroute A4 à son ouverture (http://www.pcfreims.org/ article.php3?id_article=1666) page 16/17 : étude Reims 2020 page 34 : image chantier contournement page 37 etude Reims 2020. C. Devillers Toutes les autres images sont personnelles
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remerciements
Merci à mes encadrants Madame Pruvost et Monsieur Maytraud, Fabio, Norbert et Tom pour leur regard et leur aide dans l’élaboration de ce travail de fin d’études, aux élus, aux techniciens du service urbanisme de Reims Métropole pour les informations apportées et leur écoute, à tous les enseignants de l’ENSNP, et aux camarades de la promotion 2012, à mes colocataires, à ma famille pour leur soutien et leurs encouragements au long de ces années, 123
Merci à tous ceux qui liront ce mémoire.
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Données numériques
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Le déclassement d’une autoroute en boulevard urbain : quelles opportunités pour le développement des espaces périphériques ? Les quartiers Saint-Charles et Bois d’Amour à Reims (51) Dans les années 70, l’installation de l’autoroute A4 a marqué au fer rouge la forme urbaine de Reims. Installée dans le sillon de la rivière, elle traverse la ville en séparant nettement le centre historique des faubourgs industriels et des nouveaux quartiers résidentiels. Elle ajoute aussi un second axe par rapport au tracé du canal et accentue l’effet de coupure déjà ressentit. Si l’autoroute urbaine altère les qualités du lieu, c’est d’ailleurs aussi bien pour ceux qui y passent que pour ceux qui y vivent. Pour l’automobiliste, la vitesse de traversée restreint la perception du site. A l’extrémité ouest de la ville par exemple, elle ne permet pas de profiter de la qualité paysagère des milieux humides de la Vesle. Les lignes droites et fuyantes de la chaussée en surplomb du sillon humide offrent des vues fugaces sur un espace qui semble négligé et relégué. À pied, sur place, la réalité est tout autre : des habitants occupent des maisons très simples, des jardiniers cultivent leur parcelle au bord de la Vesle, les ouvriers viennent travailler à l’usine installées sur les bords du canal et les coureurs joissent des quais. Malgré la coexistence de ces usages variés, le site paraît ensommeillé, en quête d’une nouvelle identité au côté d’un réseau qui le nie et le protège en même temps. Quarante ans après la construction de l’autoroute, les élus sont unanimes : le paysage urbain et naturel de la métropole doit être reconsidéré et valorisé. Il faut penser la reconversion de cette infrastructure et la façon dont la ville pourra réinvestir ses franges. Depuis mars 2011, une déviation propose un contournement de Reims. En 2012, la portion urbaine de l’autoroute sera déclassée en boulevard urbain, ce qui implique une réduction de la vitesse dans cette zone, de 90 à 50 km/h. Quelles conséquences pour la ville, et comment tirer parti de cette transformation ? Nous nous intéresserons à cette question à travers les projets de réaménagement de l’un des quartiers contigus de l’autoroute, qui jouit d’une situation bien particulière. Triangle formé par le canal, la voie ferrée et la Vesle, le quartier Saint Charles à l’ouest de Reims est la porte d’entrée jardinée de la ville, à la rencontre entre le tissu péri-urbain et le paysage agricole. Il s’agit d’une vaste zone humide : là se trouvaient autrefois les marais de Reims. Le mémoire cherche à traduire et modeler en matière de qualité d’espace un processus administratif (la réduction de la vitesse maximale autorisée dans une zone urbaine), comme une occasion de modifier la structure du quartier traversé. L’enjeu est de taille au vu de la pression foncière qui s’exerce sur le quartier Saint-Charles. Car cette porte d’entrée sur la ville est hautement stratégique pour le développement de l’agglomération : elle constitue une réserve foncière de choix pour de nouveaux quartiers mais avant tout une qualité d’espace unique et des enjeux pour ce XXIème siècle. Pour recomposer le quartier, une action sur ses espaces intermédiaires s’impose afin de sauvegarder certaines bases constitutives de son identité : la trame viaire, le parcellaire, les modes de gestion, les rapports avec le canal, la rivière et les boisements sont autant d’éléments à prendre en compte.
Kévin Clare / Travail de fin d’études 2011-2012 Directrice de mémoire : Marie Pruvost 9 rue de la Chocolaterie CS 2909 Blois cedex tel: + 33 (0)2 54 78 37 00 fax: + 33 (0)2 54 78 40 70 ensnp@ensnp.fr www.ensnp.fr