3 minute read

Appendicite en eau profonde

Vie du service Appendiciteen eau profonde

Advertisement

Chaque médecin de SNLE bénéficie, en complément des formations propres au sous-marin et à son atmosphère confinée, d’une préparation médicochirurgicale de plus de dix mois dans les HIA de Brest ou de Toulon. Il entretient ce savoir-faire technique, comme les deux infirmiers, pendant deux à trois semaines avant chaque départ opérationnel, de manière à faire face à l’imprévu, notamment l’appendicite aigue (34 cas en 445 patrouilles).

Peu de place est donc laissée au hasard pour l’équipe médicale du SNLE qui dispose d’un large éventail diagnostique et thérapeutique. En la circonstance, l’aide opératoire est le commandant en second qui passe au bloc pour “aguerrissement chirurgical”. Une intervention récente pour appendicite conforte la qualité de la formation reçue et les moyens déployés avec un unique objectif : les impératifs de la mission. Tout le reste est une aventure humaine avec confrontation à l’isolement…

Médecin principal Arnaud Castelnérac

À bord d’un SNLE, l’équipe médicale a parfois besoin de l’aide pratique d’un assistant. C’est là que le commandant en second intervient.

L’entraînement

Assister le médecin lors de l’opération d’une hernie à l’HIA. Enfin l’épreuve qui p a r a c h è v e r a m a formation avant de partir en mer, moi dont la connaissance de la médecine se l i m i t e à l a v i e r o m a n c é e d ’ I b n Sina (1) . J e m ’ é q u i p e , j e pénètre dans le bloc. Peu de mots. La peau cède sous le scalpel, une odeur de chair brûlée imprègne la salle… la sueur perle sur mon front, les images tournent, vite... Une silhouette verte aux yeux rieurs approche un tabouret. La suite est classique : les couleurs reviennent, mon regard suit les mains du virtuose, les fils achèvent l’office. Le stage est validé. L’équipe médicale connaît mes faiblesses, elle a confiance. Affaire d’hommes.

La patrouille

Ce matin, le “doc” est inquiet. Réveillé dans la nuit par un marin tout en muscles, il présage une appendicite. En soirée, le diagnostic s’affine, la cinétique d’évolution impose l’action. Réunion au sommet. Le commandant retient l’opération, au plus tôt ; attendre pour agir ne ferait qu’augmenter fatigue et stress, réduisant de facto nos chances de succès. En quelques heures, l’infirmerie devient un bloc opératoire «avec un tabouret! » soulignent les infirmiers. À bord, la pression est perceptible. L’équipage connaît le programme, le commandant vient de l’annoncer. 22h00 : le médecin s’entretient avec son patient, moment fort. Puis ce marin me renouvelle toute sa confiance. Fous rires, la tension s’évacue. Les seringues sont prêtes, les appareils f o n c t i o n n e n t , é l e c t r i c i e n s e t mécaniciens de renfort veillent à la cafétéria, p r ê t s à r e n d r e transparente l’avarie électrique potentielle : toujours anticiper. Le boulanger prépare © CSS-FOST l’Après… 23h00 : le patient s’allonge, l’anesthésie prend vite, ses poumons sont saturés en oxygène. Minuit : premier coup de scalpel, bistouri électrique et … tabouret. Remarquable symphonie. Aucune appréhension ne m’inhibe, mes mains ouvrent le corps d’un homme que je côtoie chaque jour, et je ne vois plus qu’un “ouvrage” à faire. Le curare, je découvre ses vertus lorsque, sous l’effet des premières incisions, l’abdomen se contracte. Rapidement, tout s’apaise. Assez vite, la “tuyauterie” apparaît. Je tire sur les écarteurs pour faciliter la recherche ; 20 minutes, le doute s’installe. Détendre l’atmosphère, soutenir l’équipe, telle est aussi ma fonction. Enfin, l’appendice surgit, turgescent. Une pause puis le bout est tranché… Bien taillé, mais maintenant il faut recoudre, et si ta vie ne tient qu’à un fil, mets-en deux. Sage devise … 4h30 : le patient se réveille, il comprend à nos mines que tout s’est bien passé. Dix jours après cette intervention, le marin opéré a repris son poste de quart, en pleine forme.

Capitaine de vaisseau Marc Véran

This article is from: