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Réforme adoptée, contestation maintenue
Trois jours après l’adoption du texte par le Parlement, la neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites a réuni, dans la Marne, des milliers de manifestants, mais moins que lors du point culminant du 7 mars. Ils étaient environ 5 000 à Reims, 1 500 à Châlons et plus de 2 000 à Épernay.
Malgré sa petite taille et son âge vénérable, Josiane, 81 ans, infatigable militante Solidaires, ne passe pas inaperçue. Poussant son vélo au milieu du cortège rémois, elle est de toutes les manifs depuis « plus de 20 ans », sourit-elle. En cette neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, dont elle jouit depuis de nombreuses années, l’ancienne salariée du Crous explique être là « pour [ses] enfants et [ses] petitsenfants. On ne fera peut-être pas reculer le gouvernement, mais ça peut faire réfléchir les électeurs. »
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Ce sentiment d’impuissance a peut-être gagné une partie des manifestants du 7 mars, journée la plus suivie dans la Marne, lorsque 10 000 personnes avaient battu le pavé dans la cité des sacres. Ils étaient moitié moins, jeudi. Alors que le texte a été adopté, lundi, par le Parlement, après l’échec de la motion de censure portée par le groupe parlementaire Liot (lire par ailleurs), que peuvent espérer l’intersyndicale et les opposants au texte ? « On espère que ça finira comme pour le CPE, avec Chirac », lance Cyrille Marques, secrétaire départemental de la CFDT. En 2006, la loi instituant le contrat première embauche avait été adoptée par le Parlement en février, puis retirée en deux mois plus tard, face à l’important mouvement étudiant et lycéen, soutenu par des partis et des syndicats.
À Reims, jeudi matin, les lycéens et étudiants étaient justement plusieurs centaines à mener le cortège, fiers d’être « jeunes, déter’ (déterminés) et révolutionnaires ».
Pour Thomas Rose, membre de l’union locale
CGT de Reims, c’est plutôt bien de ceux qui font tourner l'économie que peut venir le salut. « Ce que le gouvernement fait, les travailleurs en grève peuvent le défaire, assure-t-il. En restant en grève le plus longtemps possible, on tape au portefeuille du patronat, qui est derrière Macron. En s’attaquant à l’économie, en arrêtant la production, on peut espérer le retrait de la réforme. » Il se tourne alors vers Larbi El Hajouji, délégué syndical CGT de la Boulangerie de l'Europe de Reims, à l’arrêt depuis minuit. « On sort 10 000 baguettes à l’heure, principalement pour Lidl », explique ce dernier.
« Ils perdent du pognon, c’est le seul moyen de faire reculer Macron », renchérit Thomas Rose. Les syndicats envisagent-ils d’autres actions, plus radicales, pour faire entendre leurs revendications ?
Des blocages ont déjà eu lieu sur les routes (lire par ailleurs) et dans des entreprises, mais Cyrille Marques prévient : « La ligne de conduite de la CFDT est claire : il n’y aura aucune atteinte aux biens ou aux personnes. On veut bloquer l’économie en essayant de trouver une conciliation entre le respect de nos valeurs, nos revendications et les libertés fondamentales. Mais on ne maîtrise pas les forces extérieures à notre force syndicale. » À la fin de la matinée, les forces de l’ordre ont dispersé la manifestation avec des gaz lacrymogène, une première à Reims.
Toute la difficulté des prochains jours pour l’intersyndicale sera de réussir à maintenir un mouvement fort, sans se faire déborder par des modes d’action répréhensibles.
Simon Ksiazenicki
Blocages ponctuels dans la Marne
Pas de voitures brulées, de portique routier à terre ou de tracteur affrontant un canon à eau dans la Marne. Contrairement à d’autres départements fortement secoués par les opposants à la réforme des retraites, le nôtre a semblé plus sage, malgré quelques actions qui se sont déroulées ces derniers jours. Près de Reims, lundi matin, une poignée de manifestants a installé un barrage filtrant au niveau du rond-point de La Pompelle, quand le lendemain, c’est le giratoire Reims-Prunay qui était bloqué, puis celui de Champfleury. Du côté d’Épernay, des barrages filtrants ont pris place, mardi matin, sur les ronds-points de Dizy et de Oiry, avant un blocage de la place de la République, tôt jeudi matin. À Châlons, des manifestants ont filtré, mardi, sur la RN44, et le lendemain matin dans l’avenue Pierre-Semard. Un blocage du dépôt de carburant de Vatry était annoncé jeudi 23 mars.
Charles de Courson, star de la motion de censure
Il avait déjà fait parler de lui lors de l’examen de la réforme des retraites, en réclamant la suppression des régimes spéciaux des parlementaires. Cette fois-ci, c’est pour faire tomber le gouvernement que Charles de Courson, député de la 5e circonscription de la Marne, a œuvré dès l'annonce de l'usage de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution par la Première ministre, vendredi 17 mars.
L’élu le plus ancien de l’Assemblée nationale (depuis 1993) a porté une motion de censure contre le gouvernement au nom du groupe Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires). Présentée comme « transpartisane », celle-ci avait l'avantage de pouvoir être votée par tous les opposants au gouvernement.
Fort de cette manœuvre parlementaire, Charles de Courson a été très sollicitéb : Mediapart, BFM TV, RTL, France Inter… Le député marnais fait le tour des médias pour expliquer sa démarche et a eu droit à son lot de portraits dans la presse écrite.
Dans l'hémicycle, lundi après-midi, il a été le premier à prendre la parole. S’adressant à Elisabeth Borne, l'élu a déclaré : « Vous avez échoué à rassembler, à convaincre, alors vous avez cédé à la facilité pour éviter la sanction du vote. Ce vote, vous l'auriez très probablement perdu, mais, c'est la règle en démocratie ». Arrivé au terme de son temps de parole de 15 minutes, le prolixe député a même vu son micro coupé et a été prié de quitter la tribune, sous les applaudissements des députés de la Nupes.
Votée par 278 députés, il manquait neuf voix à la motion de censure pour être adoptée. Les autres députés marnais, Xavier Albertini, Lise Magnier (Horizons), Laure Miller et Éric Girardin (Renaissance) n'ont pas voté le texte. À noter que les permanences des deux premiers ont été la cible des opposants à la réforme. Celle du Rémois a été taguée, tandis que celle de la Châlonnaise a été recouverte de tracts.