LA FIN DES SILOS Un guide de bonnes pratiques pour une approche intégrée au VIH et à l’hépatite c
Auteur Paul Sutton Rédacteurs Kimberly Bennett Shane Patey Présentation graphique et mise en page Pulp & Pixel Creative, www.pulpandpixel.ca Traduction Christopher Ellis Le sondage et les questions d’entrevue pour ce projet ont été développés avec l’aide d’un comité consultatif national, composé des personnes suivantes : Patricia Bacon, Blood Ties Four Directions Centre Rob Boyd, Programme OASIS, Centre de santé communautaire Côte de sable Dre Gail Butt, British Columbia Centre for Disease Control Dr Curtis Cooper, Université d’Ottawa Christian Hui, CCSAT Ed Jackson, CATIE Sherri Pooyak, CAAN Colleen Price, Conseillère indépendante Dale Schenk, Nine Circles Community Health Centre Dédié à Karen Burton et à Zoë Dodd Permission de reproduire Ce document est protégé par le droit d’auteur. Il peut être réimprimé et distribué à des fins non commerciales sans permission préalable, mais toute modification de son contenu doit être autorisée. La mention suivante doit figurer sur toute reproduction : Cette information fournie par le CCSAT. Pour plus de renseignements, contactez le CCSAT au 1-877-237-2822 ou au www.ctac.ca.
Le CCSAT est l’organisation nationale canadienne de la société civile qui aborde des questions d’accès aux traitements, de soins de santé et de soutien touchant les personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C. Le CCSAT échange avec les membres de la communauté, les fournisseurs de services, les décideurs politiques et les chercheurs afin d’identifier, de développer et d’implémenter des solutions relatives aux politiques et aux programmes. ©2014, CCSAT (Conseil canadien de surveillance et d’accès aux traitements). Tous droits réservés. Contactez le CCSAT : 1-877-237-2822 • www.ctac.ca
Table des matières Sommaire
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L’intégration : Qu’est-ce que ça veut dire?
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—— Comment utiliser ce guide
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—— Mais le VIH et l’hépatite C ne sont pas pareils!
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Faire ce qu’il faut: Répondre au besoin communautaire
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Vers l’intégration : Développement des fonds et des organisations
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Programmes prometteurs : Passer d’une approche centrée sur le VIH et l’hépatite C à un examen des déterminants sociaux et structurels de la santé
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—— Le regroupement ou la coordination : Quelle est la meilleure pratique? —— La transmission sexuelle de l’hépatite C chez les hommes gais séropositifs : Intégrer un besoin croissant dans votre programmation
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Approches communes : l’intégration et le renforcement des capacités
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Conclusion
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Sommaire La fin des silos : Un guide de bonnes pratiques pour une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C identifie les pratiques suivies par les organisations communautaires (OC), les centres de santé communautaires (CSC), les cliniques et les autres services de santé et services sociaux pour travailler à la fois dans les domaines du VIH et de l’hépatite C. Ce guide cherche à venir en aide aux organisations qui songent à intégrer leurs services pour le VIH et l’hépatite C, afin de les aider à identifier des façons dont cette approche pourrait leur être pertinente. De plus, le guide permet aux organisations qui pratiquent depuis longtemps une approche intégrée de réfléchir à leurs pratiques actuelles et d’identifier des opportunités pour l’élargissement ou l’amélioration. Les questions de sondage et d’entrevue qui ont guidé le développement de contenu pour ce Guide ont été développées en collaboration avec un comité national d’intervenants formé de personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C, de fournisseurs de services, de travailleurs d’ONG, de médecins et de responsables politiques ayant eu des expériences réussies dans des environnements où le VIH et l’hépatite C étaient intégrés. Le comité national d’intervenants a examiné la documentation publiée existante sur le VIH et l’hépatite C afin d’encadrer une liste de questions de sondage et d’entrevue destinées à des acteurs clés travaillant au sein d’organisations à travers le Canada.
description plus exhaustive et procédurale de ce qu’avait l’air l’intégration des services pour le VIH et de l’hépatite C dans leurs organisations. De ceux-ci, trois travaillaient chez un OC, deux travaillaient dans un environnement de santé publique, un acteur travaillait pour un ONG et un travaillait pour le gouvernement. Les thèmes et pratiques pertinents ont été tirés d’un examen de la documentation publiée, des discussions du comité national d’intervenants, du sondage national auprès des intervenants et des entrevues auprès de ces acteurs clés. Le présent guide est le résultat de ces efforts.
La collecte de données a pris la forme d’un sondage national auprès des intervenants et un nombre restreint d’entrevues auprès de certains acteurs clés. Le sondage a été envoyé (sur une période de trois semaines en aout et septembre 2013) à des personnes travaillant dans des OC pour le VIH et l’hépatite C, ainsi qu’à des cliniques et à des CSC avec un mandat important visant le VIH et l’hépatite C. En tout, 95 sondages ont été retournés. De ces sondages complétés, 63 participants ont indiqué qu’ils travaillaient dans une organisation qui suivait une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C, 21 ont indiqué que leur travail touchait le VIH seulement et 12 ont dit que leur travail ne touchait que l’hépatite C. Une majorité (n = 52) ont indiqué qu’ils travaillaient chez un OC (par exemple, un organisme de lutte contre le sida) tandis qu’une minorité de répondants ont dit qu’ils travaillaient chez un CSC (n = 13), une unité de santé publique (n = 11) ou un organisme non-gouvernemental (n = 10). Après l’analyse des résultats du sondage, le comité national d’intervenants a visé sept acteurs clés à travers le Canada pour des entrevues, afin de fournir une
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En plus de ce sommaire et de la conclusion, le Guide est divisé en cinq chapitres :
L’intégration : Qu’est-ce que ça veut dire? Ce chapitre fournit un contexte sur l’intégration, y compris les tendances actuelles d’intégration dans les politiques publiques. Le chapitre offrira également une définition de ce que signifie l’intégration dans les secteurs du VIH et à l’hépatite C, ainsi que dans ce Guide des bonnes pratiques.
Faire ce qu’il faut: Répondre au besoin communautaire Ce chapitre identifie les pratiques suivies par les organisations afin d’identifier les besoins insatisfaits dans leurs communautés, par le biais de moyens formels (des examens épidémiologiques, l’évaluation des besoins) et informels (discussions avec des acteurs clés ou les utilisateurs des services, etc.).
Vers l’intégration : Développement des fonds et des organisations Ce chapitre identifie les conditions qui ont permis aux organisations d’intégrer le VIH ou l’hépatite C dans leur mission de façon réussie, y compris des conseils pour le développement de fonds et des ressources.
Programmes prometteurs : Passer d’une approche centrée sur le VIH et l’hépatite C à un examen des déterminants sociaux et structurels de la santé Ce chapitre identifie les bonnes pratiques (c’est-à-dire, les programmes et services) d’organisations partout au Canada qui ont réussi à intégrer leur approche au VIH et à l’hépatite C.
Approches communes : l’intégration et le renforcement des capacités Ce chapitre identifie les pratiques suivies par des organisations à travers le Canada afin de fournir de la formation et de renforcer les capacités des employés et des bénévoles, ainsi que les ressources pour la promotion de la santé comprises dans leur programmes.
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L’intégration :
Qu’est-ce que ça veut dire?
Si vous travaillez dans les domaines du VIH ou de l’hépatite C, ou dans les services de santé ou les services sociaux plus généralement, vous avez certainement entendu parler de « l’intégration ». Mais qu’est-ce que ça veut dire? Il est probable que vous avez entendu le mot utilisé pour décrire une des situations suivantes, souvent de façon interchangeable : peut référer à la fusion des sources de financement ou des mandats d’organisation dans un cadre plus large axé • L’intégration sur les infections transmises sexuellement et par le sang (à l’occasion nommées les « ITSS »). peut désigner la fusion des sources de financement ou des départements au sein de la fonction publique, • L’intégration normalement avec le but de promouvoir l’efficacité, souvent avec l’intention déclarée de rendre le système de santé davantage « axé sur les clients » ou de rendre plus facile à naviguer les « parcours » du patient au travers du système de santé.
souvent, l’intégration peut désigner l’intégration des services de santé dans un modèle de maladie existante et • Moins chronique, reflétant ainsi la réalité actuelle du VIH et de l’hépatite C comme conditions chroniques et gérables—du moins, pour ceux qui ont un accès aux traitements et aux soins de santé.
peutdésignerl’intégrationdedeuxservicessociauxouplus,soitenlesregroupantsousletoitd’uneseuleorganisation • L’intégration ou clinique, soit en coordonnant les parcours des patients entre les deux organisations afin d’améliorer les normes de soins. Dans le contexte de ce Guide des bonnes pratiques, l’intégration désigne tout travail qui touche à la fois le VIH et l’hépatite C. Afin de discuter des bonnes pratiques en matière d’approche intégrée au VIH et à l’hépatite C au Canada, ce guide rassemble les bonnes pratiques, ainsi que les défis pratiques, avancés par les groupes suivants :
existantes qui pourraient leur être utiles dans leur contexte. Il fournira aussi aux organisations qui suivent une approche intégrée depuis quelque temps l’opportunité de réfléchir à ce qui fonctionne bien et à ce qui pourrait être amélioré. Le Guide n’est ni exhaustif, ni prescriptif. Dit autrement, si nous avons créé un Guide des bonnes pratiques sur le travail intégré du VIH et de l’hépatite C, cela ne veut aucunement dire que l’intégration représente la seule façon d’aborder le VIH et l’hépatite C.
de fournisseurs de services, de responsables politiques, de médecins et de chercheurs provenant de partout au Canada, chacun desquels avait de l’expérience dans le travail intégré du VIH et de l’hépatite C;
De plus, quoique nous avions sondé et interviewé des cliniques, des CSC, des organismes de lutte contre le sida et d’autres ONG, ainsi que des responsables politiques au sujet de possibles approches intégrées au VIH et à l’hépatite C, la plupart de nos répondants ainsi que la majorité de notre comité national d’intervenants ont apporté de l’expérience d’organismes communautaires et de CSC. Conséquemment, la majorité de ce Guide est orienté davantage vers les OC et les CSC. Quoiqu’une partie de ce qui est présenté ici soit pertinent aux environnements cliniques, davantage de travail doit être accompli afin d’identifier les bonnes pratiques en matière d’intégration du VIH et de l’hépatite C dans les cliniques.
comité national d’intervenants qui a guidé le projet, • Un formé de personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C,
répondants à un sondage national auprès des • Des intervenants, y compris des personnes travaillant dans
les domaines du VIH et de l’hépatite C à travers le Canada;
gens interviewés travaillant dans un programme • De ou un environnement où l’intégration du travail pour
le VIH et l’hépatite C pourrait être qualifié de réussi.
Les bonnes pratiques identifiées dans ce Guide ont comme objectif d’aider les organisations qui entament une approche intégrée à identifier quelques approches
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Comment utiliser ce Guide Chaque chapitre de ce Guide des bonnes pratiques est divisé en quatre sections :
• Enjeux : En plus d’offrir des informations de base sur les bonnes pratiques discutées tout au long du chapitre, la section Enjeux décrit les forces et les défis des organismes travaillant dans le domaine, ainsi qu’un contexte que les organismes devraient garder à l’esprit alors qu’ils considèrent entamer une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C.
• Pratiques : Cette section comprend des bonnes pratiques pour une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C, identifiées
par le comité national d’intervenants qui a supervisé ce projet, par les répondants à notre sondage national auprès des intervenants et par la voie d’entrevues chez quelques acteurs-clés. La section Pratiques identifie des interventions éprouvées qui ont été mis en place par des organisations à travers le pays, ce qui les fait fonctionner et quelques-uns des pièges potentiels de leur implémentation.
• Questions : Chaque chapitre termine avec quelques questions plus larges auxquelles les organisations devraient réfléchir, peu importe si une approche intégrée est une nouvelle stratégie ou si l’organisation suit une telle approche depuis longtemps. En plus de représenter une opportunité de réflexion, ces questions (quoiqu’aucunement exhaustives) peuvent également être utilisées pour guider le processus d’intégration de votre organisation, vous aidant à rester sur le bon chemin.
• Ressources : Des ressources, y compris des sites web, des rapports, des rapports d’évaluation, des guides de programmes, etc. identifiées dans toutes les sections ci-dessus sont incluses à la fin de chaque chapitre pour faciliter la consultation. Elles pourraient vous servir si vous désirez en apprendre davantage sur un programme, par exemple pour voir s’il pourrait être appliqué de façon pertinente à votre organisation, ou si vous rédigez une demande de financement et avez besoin d’un point de départ pour vos références et votre base de connaissances.
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Ce Guide privilégie les besoins des OC en partie puisqu’il a été développé en réponse à l’annonce de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) comme quoi l’agence procèdera à la fusion de son financement communautaire relié au VIH et à l’hépatite C. Quoique ce projet ait été conçu avant cette annonce, notre processus a gardé à l’esprit le fait que les organisations partout au Canada essaient de naviguer ces environnements de financement et de politiques constamment en mutation. Par conséquent, alors que ce Guide est concentré sur les profils d’organisations et de programmes qui ont réussi à aborder le VIH et l’hépatite C
en même temps, les discussions sur les processus par lesquels les organisations ont décidé d’aborder les deux domaines conjointement pourraient être aussi utiles (sinon plus) que les pratiques elles-mêmes. Ce chapitre d’introduction présentera cependant des informations contextuelles qui nous ont menés à réfléchir à l’intégration dans le climat politique actuel. Ce contexte est important, mais les lecteurs intéressés à plonger directement dans une discussion plus approfondie des bonnes pratiques devraient avancer au prochain chapitre (Faire ce qu’il faut).
Nous vivons présentement un « moment d’intégration » en politiques publiques
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ourquoi parlons-nous autant de l’intégration maintenant? Nous avons déjà mentionné que la décision de l’ASPC de fusionner les programmes de financement a fait place à beaucoup de discussion et d’anxiété dans le secteur, mais la décision de l’ASPC n’est qu’un symptôme d’un mouvement plus approfondi dans les politiques publiques. Et bien que les bonnes pratiques discutées dans ce Guide n’ont très peu à voir avec notre moment politique actuel-après tout, les organisations qui suivent une approche intégrée en VIH et en hépatite C le font depuis longtemps, très légitimement, pour remplir des besoins insatisfaits importants--il est important d’être conscient que les tendances en politiques publiques ont la capacité de façonner nos réponses au VIH et à l’hépatite. En effet, ces tendances façonnent nos activités actuellement. En premier lieu, il est impossible de séparer l’intégration des politiques publiques néolibérales. Le néolibéralisme désigne la politique économique qui assouplit la règlementation, permettant ainsi au secteur financier (et aux autres compagnies) de toucher à des profits plus importants dans un marché « plus libre ». Une condition préalable pour la politique économique néolibérale est la réduction des impôts, sur les individus ainsi que sur les entreprises, accordant aux entreprises et à certains individus davantage d’argent pour investir dans le marché boursier ou dans leur propre compagnie ou compagnies. Depuis l’introduction des politiques économiques néolibérales au Canada par le gouvernement Mulroney dans les années 80, ainsi que par des leaders tels Ronald Reagan et Margaret Thatcher dans le monde développé, les sommes de la richesse globale investies dans le secteur financier et dans les entreprises par la voie du marché boursier ont augmenté de façon dramatique. En même temps, les revenus d’impôts disponibles pour financer les services publics, tels les services sociaux et les services de soins de santé pour les personnes vivant avec ou à risque de contracter le VIH et l’hépatite C, ont baissé de façon toute aussi importante. Les sommes réduites auxquelles les gouvernements ont accès pour financer les services de soins de santé et d’autres services sociaux ont eu comme conséquence plusieurs transformations dans la fonction publique, surtout en ce qui concerne les niveaux d’assistance disponibles. Au
Canada, les premiers changements dramatiques ont eu lieu pendant le gouvernement Chrétien des années 1990, alors que le Ministre des finances, Paul Martin, a présidé une réduction dramatique des services fédéraux, sabrant dans les budgets et transférant plusieurs responsabilités du niveau fédéral aux administrations provinciales et territoriales. Pour composer avec cette situation, les provinces et territoires ont à leur tour réduit leurs services, entamant ainsi un effet d’entrainement dramatique. Les citoyens ont vu de plus longues attentes aux hôpitaux, des tailles de classe immenses dans les écoles élémentaires et secondaires, des inspections moins fréquentes des installations de traitement de l’eau et des centrales électriques, la privatisation des sociétés d’État et la forte hausse des frais de scolarité postsecondaires, pour ne nommer que quelques conséquences de la situation. Cependant, lorsque la crise financière de 2008 a frappé, les gouvernements ont fait face à une situation précaire: ils avaient besoin de trouver des façons de réduire les couts des services publics à nouveau, mais ne pouvaient réduire les impôts de façon dramatique. Quoique plusieurs gouvernements partout au Canada aient en effet réduit leurs taux d’imposition des entreprises depuis 2008, ils tentent une stratégie additionnelle: la réorganisation des services publics, souvent via « l’intégration », pour les rendre plus « efficace » et moins couteux.
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Un rapport en date de 2013 par le Centre Mowat de la School of Policy and Governance de l’Université de Toronto, co-rédigé par le cabinet de conseil en gestion KPMG, intitulé The integration imperative: reshaping the delivery of health and human services (L’impératif de l’intégration : transformer la fourniture des services en santé et des services sociaux), a identifié cinq tendances majeurs en marche dans le secteur public pour mieux intégrer et faire des gains d’efficacité : comprendre les parcours des clients, mettre l’accent sur les résultats (y compris la mesure de ceux-ci), l’intégration intergouvernementale (réduire la duplication entre les gouvernements provinciaux et fédéral, par exemple), l’intégration au sein du gouvernement comme tel (réduire la duplication entre le Ministère de la Santé et le Ministère des communautés et des services correctionnels, par exemple) et l’intégration axée sur le milieu (tel la réorganisation de multiples services utilisés par les mêmes personnes sous un même toit; dans le contexte du VIH et de l’hépatite C, voir la section « Le regroupement ou la coordination
» dans le chapitre intitulé « Programmes prometteurs »). Quelques-unes de ces initiatives sont tous à fait logiques, mais il est important de reconnaitre que ces initiatives sont motivées principalement par le besoin de réduire les couts, et toute amélioration à l’expérience de l’utilisateur du service sera probablement une coïncidence. Ces changements, dotés qu’ils le soient d’un langage « axé sur les patients » et leurs « parcours », n’économiseront très probablement pas des fonds à long terme, mais il est important de noter que quelques unes des stratégies, comme celles identifiées dans le Rapport KPMGMowat, sont semblables à celles utilisées actuellement dans les domaines du VIH et de l’hépatite C, telle la réorganisation des CSC et des OC pour servir de guichet unique pour les personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C, et l’utilisation de la technologie (telle les wébinaires et les portails web) pour donner des formations en renforcement des capacités pour les fournisseurs de services et les personnes avec de l’expérience vécue.
Le VIH, l’hépatite C et le néolibéralisme
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enant compte du fait que les politiques économiques néolibérales sont apparues dans les années 1980--en même temps que le VIH et l’hépatite C--il est également important de se poser la question: de quelles façons le néolibéralisme a-t-il façonné nos réponses au VIH et à l’hépatite C en particulier? Gardant à l’esprit que les politiques publiques néolibérales entrainent le retrait de soutien financier pour les services publics, les impacts néolibéraux sur les réponses canadiennes au VIH et à l’hépatite C sont très clairs. En fait, lorsqu’on pense aux secteurs du VIH et de l’hépatite C au Canada, nous pensons souvent à des individus dévoués qui se sont rassemblés pour répondre à une crise, plutôt qu’à des gouvernements qui ont identifié et répondu à des besoins insatisfaits. La communauté queer a joué un rôle essentiel dans la construction de la réponse au VIH, un système complet de services de santé parallèle pour assurer que les gens n’eurent pas à souffrir les conséquences de l’homophobie et de la stigmatisation vicieuse pendant qu’ils combattaient la maladie. Des réseaux de soutien informels se sont transformés en groupes d’action et de soutien communautaires, formalisant ainsi les organismes de lutte contre le sida (OLS), les pionniers des pratiques sexuelles et de la consommation de drogues plus sures, tout en offrant de l’aide pratique aux personnes vivant avec le VIH. Ce n’est que plus tard que la communauté médicale et que les acteurs de la santé publique ont remarqué la situation et, après un certain temps, ont commencé à dédier des efforts importants à la recherche qui a donné les thérapies qui ont fait du VIH une maladie chronique et gérable-pour ceux qui réussissent à avoir accès aux traitements.
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En 1989, lorsque l’hépatite C a été identifiée, un effort communautaire semblable s’est manifesté. Alors que plusieurs personnes ont contracté le VIH en raison du scandale de sang contaminé, beaucoup plus encore ont contracté l’hépatite C. La Société canadienne de l’hémophilie a mené la charge, créant des matériaux éducatifs et offrant un soutien à ses membres, mais également en entamant une poursuite légale qui, en bout de ligne, a non seulement compensé ceux affectés par les failles du système de dons de sang canadien, mais a également établi la base pour un financement fédéral relié à l’hépatite C. Les provinces et territoires ont ensuite soutenu le développement de traitements, de soutien de services de promotion de la santé pour les personnes vivant avec et à risque immédiat de contracter l’hépatite C, même si ce soutien selon nous n’a jamais été suffisant considérant l’ampleur de l’épidémie au Canada. Par conséquent, un vaste réseau d’organismes communautaires axés sur le VIH (souvent nommés OLS) existe aujourd’hui, cherchant à compléter une gamme de services sociaux et de services de santé, y compris les banques alimentaires, l’aide à naviguer le
soutien au revenu et au logement sécuritaire, la fourniture de matériaux de réduction des méfaits et les services de santé reliés à la consommation, et l’information de santé sexuelle axée sur les hommes homosexuels, les femmes séropositives, les travailleurs et les travailleuses du sexe et, dans certains cas, les personnes transgenres. Et quoique ces OC occupent un rôle centrale et extrêmement important dans nos réponses au VIH et à l’hépatite C, ils existent en grande partie en raison de deux forces historiques en jeu dans les années 1980 : un système de santé et de services sociaux qui étaient trop stigmatisants aux consommateurs de drogues et trop homophobes pour offrir des soins aux personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C, et un environnement de politiques publiques néolibérales qui n’a investi dans le VIH et l’hépatite C qu’à contrecœur, et qui n’a toujours pas investi suffisamment de ressources pour combattre ces épidémies.
Nous voyons les résultats aujourd’hui : 30 ans après le début de l’épidémie, nous faisons face à une situation politique où l’accès au logement social a plafonné ou décliné depuis plus d’une décennie, où les taux d’assistance sociale sont gelés, où la législation entourant l’invalidité et les handicaps n’est pas suffisamment avancée pour permettre aux personnes vivant avec le VIH de retourner au travail, où les personnes vivant avec le VIH sont de plus en plus visés par le droit pénal qui ignore la science de la transmission, et où les services de santé pour les consommateurs de drogues soit n’existent pas ou sont insuffisants en raison d’un manque de fonds ou d’un manque de volonté politique. Il est donc important d’apprendre pourquoi et comment les OC et les CSC ont renforcé leur réponse en entamant une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C.
Ce que signifie « l’intégration » dans les secteurs du VIH et de l’hépatite C
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es bonnes pratiques partagées dans ce Guide viennent d’organisations qui ont, pour une variété de raisons, déterminé qu’ils pouvaient répondre aux besoins en santé des personnes vivant avec et à risque immédiat de contracter le VIH et l’hépatite C en abordant les deux maladies dans leurs programmes et services. Interrogés sur les pratiques qui fonctionnent bien dans l’approche intégrée au VIH et à l’hépatite C, les répondants à notre sondage national auprès des intervenants ont répondu comme suit : VIH et l’hépatite C affectent des « populations • Le semblables » et nous pouvons les atteindre par des
interventions communes (par exemple : le dépistage, les programmes de matériel d’injection, les traitements).
concentrer sur le VIH et l’hépatite C en même • Setemps nous permet d’offrir des soins exhaustifs aux
personnes avec lesquelles nous travaillons (en offrant une approche de « guichet unique », multidisciplinaire ou de gestion de cas).
accent important sur la réduction des méfaits fait • Un en sorte que nous devons aborder à la fois le VIH et l’hépatite C.
populations avec lesquelles nous travaillons • Les vivant avec ou à risque immédiat de contracter le VIH et l’hépatite C ont besoin de tout le soutien que nous pouvons offrir, sans obstacles à l’accès.
pas comment travailler d’une façon qui • «n’estJe nepassais intégrée. »
Ce Guide des bonnes pratiques cherche ainsi à identifier non seulement pourquoi il est logique d’aborder le VIH et l’hépatite C en même temps, mais également comment les organisations réussissent à identifier et à répondre aux besoins des populations avec lesquelles elles travaillent, bâtissant ainsi de fortes organisations où il fait bon travailler et qui sont pertinentes pour les personnes qu’elles cherchent à aider. Tout au long de ce Guide, nous nous référons de façon interchangeable au « secteur du VIH et de l’hépatite C » et aux « secteurs du VIH et de l’hépatite C ». Nous utilisons ce langage puisque, comme les citations des intervenants laissent entendre, la réalité de ce travail au Canada est que les secteurs sont tout à fait entremêlés. Quoique le nouveau contexte politique d’intégration pose des risques, puisqu’il cherche des efficacités qui pourraient mener à un retrait d’investissement dans les services publics, la grande majorité d’entre nous dans le secteur du VIH et de l’hépatite C veut accomplir plus. Nous reconnaissons tous que les réponses institutionnelles peinent à rassembler suffisamment de ressources et ont de la difficulté à comprendre les réalités uniques
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des personnes vivant avec ou à risque immédiat de contracter le VIH et l’hépatite C et encore plus, les consommateurs de drogues. Il est important d’affirmer le besoin de ressources suffisantes, surtout dans ces endroits chroniquement sous-financées, telles les campagnes nationales contre la stigmatisation, le traitement universel
et la gestion de cas exhaustive pour les individus où les besoins sont les plus importants, surtout les personnes à double diagnostic et les programmes opérés par et pour les Autochtones qui peuvent répondre aux réalités locales.
Comment nous avons développé La fin des silos
L
a fin des silos a été développé sous la supervision d’un comité national d’intervenants, formé de personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C, de fournisseurs de services, de travailleurs d’ONG, de médecins et de responsables politiques ayant eu des expériences réussies dans des environnements où le VIH et l’hépatite C étaient intégrés. Le comité national d’intervenants a examiné la documentation publiée existante sur le VIH et l’hépatite C afin d’encadrer une liste de questions de sondage et d’entrevue destinées à des acteurs clés travaillant au sein d’organisations à travers le Canada. La collecte de données a pris la forme d’un sondage national auprès des intervenants et un nombre restreint d’entrevues auprès de certains acteurs clés. Le sondage a été envoyé sur une période de trois semaines en aout et septembre 2013 à des personnes travaillant dans des organisations communautaires pour le VIH et l’hépatite C, ainsi qu’à des cliniques et à des CSC avec un mandat important visant le VIH et l’hépatite C. En tout, 95 sondages ont été retournés. De ceux-ci, 63 participants ont indiqué qu’ils travaillaient dans une organisation qui suivait une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C, 21 ont indiqué que leur travail touchait le VIH seulement et 12 ont dit que leur travail ne touchait que l’hépatite C. Une majorité (n = 52) ont indiqué qu’ils travaillaient chez un OC (par exemple, un organisme de lutte contre le sida) tandis qu’une minorité de répondants ont dit qu’ils travaillaient chez un CSC (n = 13), une unité de santé publique (n = 11) ou un organisme nongouvernemental (n = 10).
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Après l’analyse des résultats du sondage, le comité national d’intervenants a visé sept acteurs clés à travers le Canada pour des entrevues, afin de fournir une description plus exhaustive et procédurale de ce qu’avait l’air l’intégration des services pour le VIH et de l’hépatite C dans leurs organisations. De ceux-ci, trois travaillaient chez un OC, deux travaillaient dans un environnement de santé publique, un acteur travaillait pour un ONG et un travaillait pour le gouvernement. Les thèmes et pratiques pertinents ont été tirés d’un examen de la documentation publiée, des discussions du comité national d’intervenants, du sondage national auprès des intervenants et des entrevues auprès de ces acteurs clés. Le présent guide est le résultat de ces efforts.
Mais le VIH et l’hépatite C ne sont pas pareils!
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uoique la grande majorité des répondants à notre sondage national auprès des intervenants ait donné des exemples des impacts positifs d’une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C, ils ont également noté qu’une telle approche peut mener à des problèmes :
• Puisque le VIH n’a aucun remède, gérer le VIH et l’hépatite C exige des approches différentes.
• Plusieurs individus vivant avec l’hépatite C qui soit n’ont pas consommé des drogues ou qui n’ont pas consommé des drogues depuis longtemps ont de la difficulté à avoir accès aux services chez les OLS qui ont un fort mandat de réduction des méfaits.
• Plusieurs individus vivant avec l’hépatite C résistent l’association au VIH et ne veulent pas accéder aux services dans un organisme axé sur le VIH.
• Parmi les consommateurs de drogues, il est plus facile de parler de l’hépatite C, mais il y a une énorme stigmatisation envers le VIH.
• Il existe davantage de financement pour la fourniture de services (les banques alimentaires, le soutien pratique) pour
les personnes vivant avec le VIH que pour ceux vivant avec l’hépatite C. Pas tous les utilisateurs de services ont donc un accès égal aux ressources des organisations.
De plus, une tension marquée s’est développée entre les communautés du VIH et de l’hépatite C depuis la décision de l’ASPC de fusionner les deux volets de financement. Quelques répondants à notre sondage ont exprimé la crainte que cette intégration n’est qu’une opportunité pour les organismes axés sur les VIH-sans engagement de longue date envers l’hépatite C--de s’emparer des fonds destinés à l’hépatite C. À l’inverse, quelques organisations axées sur le VIH ont répondu à notre sondage craignant de perdre leur financement puisqu’ils étaient incapables ou ne voulaient pas intégrer l’hépatite C à leur mandat, soit parce qu’ils n’ont que très peu de membres ou parce que les consommateurs de drogues n’y sont pas très bien représentés. Ce Guide des bonnes pratiques n’est pas nécessairement neutre en répondant à la question « L’intégration du VIH et à l’hépatite C est-elle la bonne approche? ». En fait, ce guide prend la position que cette approche vaut la peine d’être considérée si elle est logique pour votre organisation et pour les personnes avec lesquelles vous travaillez. Même si les messages de promotion de la santé devraient toujours inclure de l’information sur le VIH et l’hépatite C (surtout pour les consommateurs de drogues) et même si, surtout chez les petites communautés, le regroupement d’hépatologie et des maladies infectieuses sous un toit pourrait être très logique, il n’existe aucune solution unique pour la fourniture des services aux personnes vivant avec le VIH et/ou l’hépatite C.
Il est important de mentionner que si la stigmatisation n’est pas contestée, nous risquons de perpétuer cette même stigmatisation contre laquelle nous nous mettons en garde. Cependant, trop peu de points d’accès aux services pourrait mener à des situations où certains n’ont tout simplement pas accès aux soins de santé. Nous ne voulons pas de cette situation non plus, sachant que les avances dans le traitement signifient qu’un plus grand nombre de personnes seront en mesure de guérir leur hépatite C, et sachant qu’après 30 ans de l’épidémie du VIH dans un pays avec un système de santé public (c’està-dire, accessible à tous les Canadiens), trop peu de gens ont accès aux thérapies antirétrovirales. Il est important que dans toute situation de soins, la stigmatisation du VIH, de l’hépatite C, de la consommation de drogues et des personnes queer soit contestée pour que nous puissions surmonter les divisions dans les communautés vivant avec ou affectées par une ou l’autre des conditions. Les besoins de toutes les personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C doivent être considérés lors de la planification, du financement, de l’implémentation et de l’évaluation des services. Ces services seront souvent très différents pour les divers membres des communautés du VIH et de l’hépatite C.
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Ressources : KPMG et le Centre Mowat : The integration imperative: reshaping the delivery of health and human services: http://mowatcentre.ca/wp-content/uploads/publications/73_ the_integration_imperative.pdf Pour plus d’informations sur les politiques économiques néolibérales et l’érosion des services publics au Canada pendant les années 1980 et 1990, consultez Terry McBride et John Shields : Dismantling a Nation: The Transition to Corporate Rule in Canada (Fernwood Publishing, 1997) Voir également Bernardo Useche and Amalia Cabezas, “The vicious cycle of AIDS, poverty and neoliberalism” dans la Revista Envio (août 2005)
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Faire ce qu’il faut : Répondre au besoin communautaire
ENJEUX Peu importe le rôle que vous jouez--que vous soyez intervenant communautaire, spécialiste en maladies infectieuses ou en hépatologie, pair travailleur, chercheur, bénévole dévoué--si vous travaillez dans le domaine du VIH et de l’hépatite C, vous répondez à un besoin communautaire. Notre secteur dépend de l’énergie de personnes travaillant de façon passionnée pour surmonter les défis auxquels font face les personnes vivant avec ou à risque immédiat de contracter le VIH et l’hépatite C. La plupart des organisations travaillant à la fois dans les domaines du VIH et de l’hépatite C auxquels nous avons parlé lors du développement de ce Guide des bonnes pratiques ont également commencé à le faire pour répondre aux besoins existants identifiés dans la communauté. Pour la majorité, l’intégration du VIH et de l’hépatite C partait d’un mandat fortement orienté vers les consommateurs de drogues. Bien sûr, au fur et à mesure que le mouvement du VIH et que les organismes de lutte contre le sida ont évolué, le besoin d’aborder l’expérience vécue du VIH parmi les personnes qui ont contracté la maladie en partageant du matériel d’injection est devenu de plus en plus clair, de même que le besoin de fournir du matériel d’injection pour prévenir les nouveaux cas. Plusieurs organismes de lutte contre le sida avec des programmes d’échange de matériel d’injection sont devenus des points d’accès incontournables pour les consommateurs de drogues. Quoique les taux très bas d’infection VIH chez les consommateurs de drogues peuvent être attribués aux programmes de matériel d’injection (les taux de prévalence sont, en moyenne, de 4% ou moins dans la plupart des régions du Canada), ces mêmes programmes sont extrêmement importants pour prévenir la transmission de l’hépatite C. Contrairement au VIH, les taux d’infection à l’hépatite C sont extrêmement élevés chez les consommateurs de drogues; les données les plus récentes de l’ASPC indiquent une prévalence moyenne de 69%. Bien sûr, la reconnaissance de cette prévalence élevée a incité plusieurs organismes axés sur le VIH qui travaillent auprès des consommateurs de drogues à incorporer de l’information de promotion de la santé entourant l’hépatite C dans
leurs activités et programmes. Pour citer un répondant à notre sondage national auprès des intervenants : « Nous avions le programme d’échange de matériel d’injection le plus achalandé de la province... [incorporer l’hépatite C] n’était que la prochaine étape logique. » Mais surtout, la majorité des organisations qui offrent des services de réduction des méfaits aux consommateurs de drogues n’offrent pas seulement des services entourant le VIH et l’hépatite C. Plusieurs organismes qui répondent aux besoins des consommateurs de drogues sont tout aussi concerné (sinon plus) avec d’autres réalités plus urgentes, telles : comment pouvons-nous trouver un logement sécuritaire pour cet utilisateur de nos services? Comment pouvons-nous nous assurer que la personne aura suffisamment à manger? Si elle pouvait bénéficier d’aide médicale et/ou de soutien en santé mentale, que pouvons-nous faire pour lui aider? Après tout, le VIH et l’hépatite C n’existent pas dans un vide. Plusieurs organisations qui travaillent auprès de consommateurs de drogues se préoccupent donc des déterminants de la santé plus généraux, en plus de la prévention, des soins de santé, du soutien et des traitements. Les organisations, qu’elles soient axées sur le VIH, l’hépatite C ou sur un autre enjeu de la santé, sont bien placés pour fournir ou pour offrir des références à des services de santé qui amélioreront la vie des consommateurs de drogues. Dans la section Pratiques ci-dessous, nous partageons des bonnes pratiques qu’ont suivies des organisations partout au pays pour s’assurer que leur approche intégrée réponde aux besoins communautaires. 15
PRATIQUES Identifier les points forts de l’organisation
Q
uels sont les points forts de votre organisation? Votre programme d’échange de matériel d’injection est-il largement utilisé par les consommateurs de drogues dans la communauté, qui partagent une relation de confiance avec les employés et les bénévoles? Vos gestionnaires de cas naviguent-ils les programmes de bienêtre social de façon à assurer aux utilisateurs de services un accès aux soutiens au revenu et au logement avec un minimum d’obstacles? Réussissez-vous à bâtir de fortes relations avec des cliniques auxquelles vous pouvez référer vos clients, telles des cliniques de maladies infectieuses ou d’hépatologie, pour assurer la continuité des soins? (Peut-être ces cliniques réfèrent même des patients vers votre organisation?) Vos groupes de soutien réussissent-ils à alléger le sentiment d’isolement chez les participants, soutenant leur sens d’auto-détermination? Il y a beaucoup de forces dans notre secteur, et ça vaut la peine de réfléchir aux points forts qu’apporte votre organisation à la table, surtout lorsque vous considérez un changement ou un élargissement de votre mandat, vos programmes et/ou de vos services. En effet, les nouveaux programmes ou les élargissements de programmes existants devraient toujours bâtir sur vos forces.
Une première étape pratique dans l’élargissement de votre programmation pour aborder le VIH ou l’hépatite C (ou un autre enjeu médical connexe) serait de répertorier votre programmation pour énumérer tout ce que votre organisation fait et/ou ce qu’elle offre. Essayez de dresser un portrait aussi complet que possible, et réfléchissez à toutes les fonctions de votre organisation : prendre note d’un programme de matériel d’injection pourrait être facile, mais n’oubliez pas d’inclure des aspects tels des procédures de gestion ou de comptabilité qui rendent la rédaction de rapports de subvention plus efficaces.
Une fois tous ces aspects identifiés, posez-vous la question : lesquels de ces programmes serait le meilleur pour élargir notre programmation au VIH ou à l’hépatite C (ou un autre enjeu médical connexe)? Vos programmes ne seront pas tous appropriés, et certains seront fournis par d’autres organisations communautaires. Assurezvous également de solliciter une variété d’opinions des différents coins de votre organisation (y compris la gestion, les employés de première ligne, les bénévoles, les membres, les patients, les membres du Conseil d’administration et même les partenaires communautaires), puisque certains auront des opinions différentes par rapport à l’efficacité et/ou la transférabilité de certains programmes. Cependant, si vous êtes tous d’accord qu’un de vos programmes seraient propice à l’intégration du VIH et de l’hépatite C, réfléchissez aux bonnes pratiques suivantes :
Que se passe-t-il dans la communauté? Qui passe par votre porte?
A
ussi important soit-il de revoir les programmes et services de votre organisation, il est encore plus important d’être attentif à ce qui se passe au sein de la communauté avec laquelle vous travaillez. La plupart des organisation auxquelles nous avons parlé en préparant ce Guide des bonnes pratiques ont dit que leur décision de suivre une approche plus intégrée au VIH et à l’hépatite C est venue de la relation de confiance établie entre les employés et les utilisateurs des services, qui ont partagé les détails de leur situation médicale, et de clients qui ont approché l’organisation avec des besoins entourant leur consommation de drogues--y compris l’hépatite C. Tout comme les organisations qui ajustent leurs messages par rapport à la prévention d’overdoses ou qui partagent de l’information sur les mauvais lots de drogues qu’ils entendent des clients qui viennent utiliser leurs services, il est important d’appliquer une approche semblable pour comprendre les besoins de la communauté. Un travailleur de proximité qui est capable de tisser des liens avec les personnes dans la communauté qui consomment des drogues sera une de vos sources clés sur les besoins insatisfaits dans l’accès aux services, ainsi que les environnements et
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les heures auxquelles ces gens seraient le plus intéressés à s’engager dans une discussion portant sur la santé et la consommation. Les pairs travailleurs, qui représentent des ponts essentiels entre les personnes avec de l’expérience vécue et les services offerts par les organisations, sont vraiment les experts. Après tout, ils peuvent vous informer non seulement des lacunes de services auxquelles font face votre clientèle, mais peuvent également vous dire si vos services rejoignent et/ou réussissent chez cette population.
Autrement dit, une approche de développement communautaire est fondamentale à la fois en terme de promotion (pour s’assurer que vos services rejoignent ceux qui en ont le plus besoin) et de crédibilité (pour s’assurer que vos services soient pertinents et que votre organisation soit crédible à ceux qui ont de l’expérience
vécue). Cette approche est bien sûr toujours importante (et même essentielle) aux plus fortes organisations du domaine du VIH et de l’hépatite C, mais elle est davantage importante lorsqu’une organisation se penche sur ou entame une possible modification de son mandat.
L’évaluation des besoins, formelle et informelle
S
oyons francs : la majorité des organisations auxquelles nous avons parlé n’ont pas procédé à une évaluation des besoins avant d’entamer une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C. L’approche la plus fréquente était beaucoup moins formelle : les organisations ont vu un besoin, ont identifié un aspect de leur programmation où ils pouvaient aussi offrir des services pour le VIH ou pour l’hépatite C, et ils ont entamé le travail. Cependant, puisque une réponse au VIH et à l’hépatite C est maintenant établie presque partout au Canada (même si des lacunes existent), il serait probablement souhaitable de faire une évaluation formelle des besoins avant de suivre une approche intégrée dans votre programmation, une étape nécessaire pour éviter la duplication ou une dérive de votre mission principale. Des organisations auxquelles nous avons parlé, une régie régionale de la santé a indiqué qu’une évaluation des besoins représente une première étape pratique pour assurer que tous les partenaires intéressés à l’hépatite C soient réunis autour de la table. En préparant une évaluation des besoins, vous pourriez considérer les questions suivantes :
fournit des services reliés au VIH et à l’hépatite • Qui C dans ma communauté actuellement?
sont les lacunes dans les services pour • Quelles les personnes vivant avec ou à risque immédiat
de contracter le VIH et l’hépatite C dans ma communauté? (Par exemple, un manque de promotion de la santé ou d’éducation; des services inaccessibles de réduction des méfaits; des problèmes à accéder à des programmes de formation pour l’emploi, etc.)
des organisations spécialisées dans ces aspects • Yoùa-t-il les lacunes existent qui pourraient bénéficier d’un partenariat avec votre organisation pour devenir plus compétents dans les domaines du VIH et de l’hépatite C? Pourraient-ils ainsi satisfaire aux besoins des personnes avec lesquelles vous travaillez sans duplication des services? (Par exemple, un partenariat avec un CSC pour créer un groupe de soutien sur place, travailler avec une agence de services pour l’emploi pour développer des ressources afin d’aider les personnes suivant un traitement contre l’hépatite C de naviguer les services d’invalidité, et/ou des plans de retour au travail, etc.)
sorte • Quelle organisations
de coalition ou de réseau entre pourrait être logique dans notre communauté afin de soutenir des engagements partagés envers le VIH et l’hépatite C? (Par exemple : une rencontre trimestrielle entre un OC, des représentants de la santé publique et des fonctionnaires du gouvernement; un groupe d’organisations partageant des opportunités de partenariat en matière de développement de fonds ou de programmes.)
Consultez vos rapports épidémiologiques
S
i votre organisation fait un bon travail en tissant des liens avec les personnes vivant avec ou à risque immédiat de contracter le VIH et/ou l’hépatite C, rien ne devrait vous surprendre dans les études épidémiologiques nationales, provinciales et locales. La situation à l’étude, vous la vivez au sein même de vos locaux.
Il est toujours souhaitable de consulter les mises à jour épidémiologiques, surtout en actualisant et/ou en modifiant votre programmation. Ces mises à jour pourraient vous faire part de tendances que vous n’aviez pas encore vu, ou du moins pas encore vu confirmées (par exemple, des changements dans les taux de transmission de l’hépatite C associés avec la tendance de fumer plutôt que d’injecter
des drogues). La confirmation via des études formelles épidémiologiques peuvent fournir des preuves convaincantes lors de demandes de financement pour des nouveaux programmes, ou en travaillant avec la santé publique ou des responsables politiques pour introduire une nouvelle intervention coordonnée recoupant plusieurs organisations.
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La surveillance épidémiologique est toutefois limitée au Canada, et souvent les données sont en retard par rapport à la situation que vous observez dans votre organisation. Quoique cela puisse prendre du temps d’établir des liens entre votre organisation et des chercheurs afin d’évaluer les tendances que vous observez, vous courez la chance de devancer les rapports et de produire des données qui orienteront vos programmes ainsi que ceux
d’organisations semblables. Plusieurs organisations tels le Réseau canadien autochtone du sida (CAAN), le Réseau ontarien du traitement du VIH (OHTN) et le Centre for REACH in HIV/AIDS ont produit des ressources pour guider les organisations communautaires dans leurs interactions avec les chercheurs, et des liens sont disponibles dans la section Ressources ci-dessous.
Le leadership en matière de politique des organisations, des coalitions et des réseaux provinciaux et/ou locaux
Q
uoique plus établi dans le domaine du VIH, les « pôles » centralisés de coordination situés dans gouvernements provinciaux, territoriaux ou municipaux sont plutôt rares. Cependant, là où ils existent (coordonnés, par exemple, par la voie d’un secrétariat de l’hépatite C au sein d’un ministère de la Santé provincial ou territorial), ils peuvent apporter un soutien aux organisations pour assurer que leurs programmes ne dédoublent pas des services existants et qu’ils misent sur les points forts de programmes semblables d’autres régions, ainsi qu’avec des items de base tels l’évaluation des programmes et l’accès aux modules innovateurs de formation du personnel. En développant ce Guide, nous avons discuté avec un analyste des politiques dans un ministère de la santé responsable d’une nouvelle approche multidisciplinaire visant l’hépatite C dans la province. Pour que le programme fonctionne effectivement, le ministère de la santé devait sélectionner des agences pouvant servir d’hôtes qui étaient équipés pour travailler avec les populations à haute prévalence d’hépatite C (notamment, les consommateurs de drogues) et lier ces gens à des services de santé. Établissant d’abord des critères d’admissibilité (par exemple, un médecin devait être connecté à une équipe potentielle), le ministère de la santé était en mesure de coordonner et de procéder à des évaluations des besoins et à des consultations communautaires, ainsi que de renforcer les capacités de l’équipe ou du réseau le plus prometteur.
Quoique cette approche ne reflète pas la façon dont une grande partie des réponses au VIH et à l’hépatite C ont été bâties (c’est-à-dire, des organisations et des services de soutien bâtis par et pour la communauté), l’approche mentionnée ci-dessus vaut également la peine d’être considérée. Dans ce cas, la centralisation des fonctions de planification et d’évaluation des besoins a permis aux équipes d’être implémentées d’une façon qui rejoignait les membres de la communauté et qui évitait le dédoublement des services. La planification et le réseautage de nos services sont particulièrement importants à mesure que nous avançons dans la réponse au VIH et à l’hépatite C; après tout, lorsque les programmes sont déconnectés, ce sont les personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C qui en sont perdants.
QUESTIONS Si vous entamez ou poursuivez une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C dans votre organisation ou programme, voici quelques questions clés que vous devriez vous posez :
• En tant qu’organisation, en quoi sommes-nous forts? • En quoi aimerions-nous être forts? situation sommes-nous confrontés à laquelle • Ànousquelle aimerions pouvoir mieux répondre?
provient notre information sur les besoins des • D’où personnes avec lesquelles nous travaillons?
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approches pouvons-nous soutenir au sein de • Quelles notre environnement organisationnel?
des réseaux externes (régionaux, • Existe-t-il provinciaux/territoriaux ou fédéraux) auxquels
nous pourrions participer pour améliorer notre programmation (y compris les organisations de politiques et de recherche)?
Ressources : Le département de santé et des services sociaux des ÉtatsUnis (US Department of Health and Human Services), Integrating Hepatitis C Treatment in Ryan White Clinics: Models and Steps, disponible au : http://www.sfaetc.ucsf.edu/ docs/hepatitiscmodelstools.pdf Carol Strike et al., Best Practice Recommendations for Canadian Harm-reduction Programs that provide service to people who use drugs and are at risk for HIV, HCV and other harms, disponible au : http://www.cate.g.ca/sites/default/files/ bestpractice-harmreduction.pdf Des ressources portant sur la coopération avec les chercheurs sont disponibles du Réseau ontarien de traitement du VIH au www.ohtn.on.ca et du CAAN au www.caan.ca
Résumé : « Faire ce qu’il faut » : Répondre au besoin communautaire identifie les pratiques suivies par
certaines organisations afin d’identifier des besoins insatisfaits dans leurs communautés, par des moyens formels et informels. Quelques pratiques suivies par les organisations pour identifier ces besoins insatisfaits sont : aux forces de l’organisation pour identifier • Réfléchir les programmes et services qui pourraient être élargis, afin de satisfaire aux besoins des personnes vivant avec ou à risque immédiat de contracter le VIH ou l’hépatite C.
des évaluations • Effectuer formelles et informelles.
des besoins,
à la fois
référer aux données épidémiologiques publiées ou • Sediscuter avec des chercheurs de votre région pour faire
de la recherche sur les enjeux établis ou émergents pour les personnes avec lesquelles vous travaillez.
les personnes travaillant dans un ministère • Pour de la Santé ou dans un contexte de santé publique, implémenter des nouveaux programmes ou regrouper des programmes existants afin d’améliorer le leadership centralisé, y compris la planification stratégique, l’orientation des programmes et le soutien.
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Vers l’intégration : Développement des fonds et des organisations ENJEUX Presque tout le monde impliqué dans le développement de ce Guide des bonnes pratiques avait des expériences difficiles et pénibles à conter dans leur intégration du VIH et de l’hépatite C. C’est particulièrement le cas chez les organismes de lutte contre le sida. Plusieurs de ces organisations ont été fondées par et pour les hommes homosexuels, répondant à la stigmatisation et aux obstacles uniques auxquels faisaient face ces hommes tôt dans la crise du VIH-sida. Vers la fin des années 1990 et au début des années 2000, même si des leaders d’organisations (y compris la gestion et les membres du Conseil d’administration) ont vu la nécessité vitale d’aborder le VIH et la santé de façon plus large pour les consommateurs de drogues et les femmes vivant avec le VIH (par exemple, en travaillant à l’atténuation de la pauvreté et à l’égalité des sexes), cette évolution a provoqué chez plusieurs la crainte que leurs besoins seraient effacés. Malgré les difficultés qu’ont entrainées ces conversations et ces changements organisationnels, une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C est déjà devenue la norme pour plusieurs organisations aujourd’hui, même si l’étendue de cette approche peut varier énormément dans les missions, visions et mandats (voir ci-dessous). La résistance à une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C est souvent fondée sur une crainte similaire, souvent nommée « la fin de l’exceptionnalisme du VIH-sida », qui, en réalité, reflète une anxiété plus profonde par rapport à l’avenir de notre secteur (voir la section « Mais le VIH et l’hépatite C ne sont pas pareils! »).
que mentionné ci-dessus, plusieurs organisations qui ont surmonté ces défis l’ont fait en reconnaissant et en s’engageant à une approche intersectorielle, identifiant les façons dont la stigmatisation, l’insécurité en matière de logement, les obstacles au système de santé et d’autres enjeux désavantagent à la fois les hommes gais, les consommateurs de drogues, les Autochtones, les nouveaux arrivants et les femmes (avec des impacts oppressifs différents, cependant). Reconnaissant cette situation, ces organisations s’engagent à combattre ces structures (et/ou de fournir des programmes et des services pour mitiger leurs impacts négatifs) pour améliorer la santé de tous.
Plusieurs personnes sondées ou interviewées ont parlé de tensions survenues lors des premiers pas vers l’intégration du VIH et de l’hépatite C. Beaucoup de ces tensions étaient reliées à des hommes gais en poste de leadership au Conseil d’administration ou membres du personnel qui craignaient que les enjeux de santé des hommes homosexuels seraient relégués au deuxième plan derrière les questions de santé des consommateurs de drogues (et, dans certains cas, celles des femmes, des Autochtones et des nouveaux arrivants au Canada). Tel
Sommes-nous arrivés là où nous voulons être? C’est à chaque organisation au pays de décider, mais tenant compte de l’état actuel de la guerre contre les consommateurs de drogues et la réduction des méfaits, les politiques fédérales extrémistes visant les nouveaux arrivants et les réfugiés, le recul du soutien pour les peuples Autochtones et l’état présent de la criminalisation du VIH, nous avons encore beaucoup de chemin à faire au Canada. Comprendre où nos organisations sont et devraient être placés dans cette lutte représente un défi important et continu.
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La meilleure stratégie pour surmonter ces pressions et d’assurer qu’on continue à faire le travail que nous faisons le mieux est d’assurer la santé, la force et la capacité de nos organisations. En plus de s’assurer que nos programmes soient pertinents à notre communauté (voir le chapitre « Faire ce qu’il faut ») et qu’ils reflètent des bonnes pratiques qui ont été vérifiées par une réussite démontrée et une évaluation à l’échelle du secteur (voir le chapitre « Programmes prometteurs »), nous devons également faire en sorte que nos organisations soient fortes et viables : que nous ayons des capacités exceptionnelles en ressources humaines; que nos modèles de gouvernance soient professionnels, représentatifs de nos membres et capables d’offrir un leadership exceptionnel à nos organisations; et que nous
obtenions le financement nécessaire pour maximiser nos opportunités de développement de nos ressources. Nos organisations doivent donc fonctionner comme sites de leadership d’opinion dans nos communautés : en termes de VIH et d’hépatite C, bien sûr, mais également en termes de la lutte contre le racisme, de décolonisation, de santé sexuelle et de consommation de drogues. En plus de ceci, ce genre de leadership et de développement organisationnel peut être difficile à livrer sur une base continue (surtout dans un environnement avec des contraintes financières constantes) mais ce leadership est en soi un aspect fondamental que nous devons cultiver, surtout dans la planification responsable de la pérennité de notre secteur.
PRATIQUES Être sur la même longueur d’onde : L’appui et les visions divergentes
E
n développant ce Guide des bonnes pratiques, un thème récurant des discussions du comité directeur et des entrevues était la façon dont notre secteur est propulsé par les efforts de gens passionnés. Que ce soit l’expérience vécue du VIH ou de l’hépatite C, l’engagement à améliorer la disponibilité et la sensibilisation à la réduction des méfaits, l’atténuation de la pauvreté, la lutte contre l’homophobie et la transphobie, ou les efforts visant d’autres formes de changement social, la grande majorité des gens dans notre secteur apportent un dévouement, un engagement et une conviction par rapport à leur travail. Cette passion représente une force très puissante pour les secteurs du VIH et de l’hépatite C, mais elle donne également lieu à une diversité de visions au sein de nos organisations. Cette diversité est sans doute une des plus grandes forces de nos organisations, mais elle fait en sorte que la communication ouverte et un leadership fort sont essentiels lorsque nous raffinons ou modifions nos mandats ou notre travail. Pour les organisations qui songent à suivre une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C, il est important de garder à l’esprit toutes les pratiques identifiées dans le chapitre « Faire ce qu’il faut ». Impliquez toutes les parties prenantes de votre organisation (par exemple, le personnel, les membres, les bénévoles, les patients, etc.) pour identifier leurs idées par rapport aux besoins insatisfaits de la communauté et leur(s) vision(s) pour votre organisation. Si vous offrez des services aux consommateurs de drogues, par exemple, et que votre évaluation des besoins révèle d’importants besoins insatisfaits auxquels votre organisation pourrait répondre en élargissant ses programmes ou ressources, il est important de partager cette information de façon ouverte et transparente avec vos parties prenantes. C’est particulièrement le cas avec
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votre Conseil d’administration et/ou vos membres, d’autant plus si leur vision pour votre organisation diverge des réalités que vous observez. Un message qui est ressorti de notre sondage national auprès des intervenants est que les organisations, les bailleurs de fonds et les autres responsables politiques devraient envoyer des messages cohérents dans leurs discussions auprès des intervenants. C’est particulièrement le cas en communiquant des changements potentiels à l’organisation. Il est donc important, lorsque les leaders de l’organisation décident de faire des changements ou de réorienter la direction de l’organisation, que cette position soit claire et clairement communiquée, même si une consultation continue pourrait avoir lieu pour raffiner la direction. Toute personne dans un rôle de leadership pendant une période de changement (membres du Conseil d’administration, Directeur général, gestionnaires ou chefs d’équipe) doit être ouverte et honnête par rapport au processus, devrait offrir des opportunités proactives pour que les questions soient abordées, doit donner des réponses claires et concises (ou indiquer qu’une réponse donnée n’existe peut-être pas encore mais viendra au fur et à mesure que le processus avance) et devrait se référer à
des documents internes et/ou des exemples externes (par exemple, un organisation qui a déjà fait le changement
que vous entreprenez) pour les parties prenantes (le personnel, les bénévoles, les membres) qui désireraient obtenir des précisions.
Un champion pour montrer la voie
T
out le monde sondé ou interviewé dans la préparation de ce Guide des bonnes pratiques qui considère que leur approche intégrée au VIH et à l’hépatite C a réussi a identifié l’importance d’un champion qui a mené la voie, exprimé une vision concise et obtenu l’appui de chacun dans l’organisation. Dans tous les cas que nous avons sondés, plus d’un individu issu de diverses fonctions de l’administration a défendu une approche intégrée, y compris des membres du Conseil d’administration, des membres vivant avec le VIH ou l’hépatite C et des organisations partenaires (par exemple, les responsables de la santé publique ou des cadres supérieurs d’organisations partenaires). Les parties prenantes internes et externes doivent comprendre la raison pour laquelle vous défendez ce changement. Si vous croyez que votre organisation a besoin d’une approche intégrée parce que vous êtes travailleur dans la réduction des méfaits et que vous signalez des besoins liés au VIH et à l’hépatite C dans votre organisation, ou parce que vous êtes une personne vivant avec le VIH et l’hépatite C qui a des besoins qui ne sont pas présentement satisfaits chez votre organisation, ou si vous êtes médecin qui remarque que le VIH et l’hépatite C sont tous les deux présents dans la population que vous traitez, il est souhaitable de discuter ouvertement de ces lacunes pour pouvoir vous alignez avec des alliés dans l’organisation pour donner un élan à une approche intégrée.
L’importance des champions dans le processus d’intégration relève du besoin d’une communication claire chez tous les intervenants d’une organisation lorsqu’une transition est en cours. En effet, ce sont les champions eux-mêmes qui peuvent être intermédiaires de cette communication, des questions et des craintes. Il est souhaitable d’identifier des personnes clés qui sont à l’écoute de visions divergentes et de besoins additionnels et qui peuvent y répondre; vous assurerez ainsi que le processus par lequel vous entamez une approche intégrée reflète tous les besoins et les expériences au sein de votre organisation.
Les détails : lettres patentes, plan stratégique, politiques et procédures, ressources
A
lors que les deux sections précédentes ont décrit des pratiques idéales pour vous aidez à naviguer la transition vers une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C, il est important de noter que la majorité des organisations que nous avons sondées n’ont pas pleinement intégré le VIH et l’hépatite C dans leurs structures légales, surtout si ces organisations étaient d’abord des organismes de lutte contre le sida. Presque toutes les organisations qui ont répondu à notre sondage national auprès des intervenants ont indiqué qu’elles fournissaient un service quelconque pour le VIH et l’hépatite C, et la grande majorité ont indiqué qu’ils entreprenaient des projets financés dans les deux domaines et que les besoins reliés au VIH et à l’hépatite C figuraient tous les deux dans leurs plans stratégiques. Cependant, très peu d’organisations ont indiqué que le VIH et l’hépatite C figuraient tous les deux dans leur énoncé de mission ou dans leurs lettres patentes. Se concentrer sur les documents fondateurs de l’organisation pour y inscrire le double mandat du VIH et de l’hépatite C pourrait paraitre comme une distraction, étant donné le fait que les organisations dans notre secteur sont confrontées à chaque jour à des
besoins plus urgents, tels la défense des clients ou l’accès aux services de santé pour les personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C. De plus, mettre l’emphase sur le VIH et l’hépatite C en particulier pourrait ignorer le travail qu’entreprenons nos organisations pour aborder les plus grands déterminants sociaux et structurels de la santé (tel que décrit dans les chapitres « Faire ce qu’il faut » et « Programmes prometteurs »). Il tombe à vous de décider si votre organisation est axée sur le VIH et l’hépatite C ou plutôt sur les déterminants sociaux et structurels de la santé. Cela étant dit, si votre organisation dépend de ses membres, qu’on compte parmi ces membres des personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C et que votre organisation travaille présentement (ou de plus en plus) dans les domaines du
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VIH et de l’hépatite C, il est essentiel de mettre à jour vos directives d’adhésion et vos lettres patentes pour refléter ces réalités. C’est surtout le cas considérant le manque de représentation que ressentent beaucoup de personnes vivant avec l’hépatite C au sein d’organisations (voir le chapitre « Mais le VIH et l’hépatite C ne sont pas pareils! »). Plusieurs organisations ont profité de la nécessité de mettre à jour leurs structures légales en vertu des changements à la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif
(des mises à jour qui doivent être finalisées avant le 17 octobre 2014) pour refléter à la fois le VIH et l’hépatite C dans leurs règlements. Même si votre organisation a déjà mis à jour ses règlements, il est souhaitable de profiter de vos nouvelles connaissances par rapport à la loi en question et, lors de votre prochaine assemblée générale annuelle, d’inclure le VIH et l’hépatite C. Tel qu’indiqué ci-dessus, n’oubliez pas de consulter les parties prenantes de votre organisation lors de toute modification de vos lettres patentes ou de vos règlements.
Développement des ressources et des fonds : Conseils Tenant compte du fait que les réponses au VIH et de l’hépatite C ont toujours été sous-financées, plusieurs leaders de notre secteur craignent que l’intégration se traduira tout simplement par le besoin d’accomplir plus avec moins. Malheureusement, c’est tout à fait le cas : malgré toutes les discussions entourant l’intégration, aucune d’entre elles ne pointent vers des hausses de financement d’opérations ou de projets pour les organisations qui réussissent à devenir plus efficaces ou qui trouvent des opportunités d’innovation. Les pratiques présentées ci-dessous ne seront pas nouvelles pour les directeurs généraux ou les gestionnaires de programmes chevronnés. Elles reflètent cependant quelques-unes des stratégies de développement des ressources utilisées par les répondants à notre sondage national auprès des intervenants, et elles pourraient stimuler des idées sur l’organisation de votre financement actuel ou sur le développement de nouvelles sources de financement.
Accéder au financement de base
L
a plupart des organisations au Canada reçoivent leur financement de base, du moins dans une certaine mesure, par le département responsable de la santé publique d’un (ou de plusieurs) niveau(x) du gouvernement. Il est important de noter que, pour plusieurs organisations, ce qui est utilisé comme financement de « base » est devenu au cours des dernières années un financement de projet à durée limitée. Si ces fonds sont les engins qui permettent aux organisations de poursuivre leur travail, leur caractère de financement de « projet » limite leur utilisation : par exemple, on peut rémunérer le personnel dévoué à un certain projet, mais on ne peut pas payer leurs avantages sociaux, ni les biens d’équipement (comme l’équipement des T.I. ou les dépenses de bail) nécessaires à l’opération d’un programme.
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Plusieurs programmes de santé publique à l’échelle municipale remboursent les services de réduction des méfaits (y compris les couts réels du matériel d’injection) et certains programmes municipaux financent des interventions ou programmes de promotion de la santé. Là où des stratégies provinciales pour le VIH (ou, rarement, pour l’hépatite C) existent, des postes et programmes additionnels sont financés, quoiqu’il y a une variation dramatique entre les différentes régions du pays.
utiliser leur financement fédéral pour initier des nouvelles interventions plutôt que de financer des opérations en cours.
Le financement fédéral, offert via l’ASPC, est utilisé par plusieurs organisations comme financement de base, malgré le fait qu’il est offert pour des périodes limitées : entre 1 et 5 ans, dépendant de la compétition en question. Dans la section « Projets pilotes et nouvelles interventions » ci-dessous, nous reflèterons l’expérience de plusieurs organisations à travers le pays qui ont commencé à
Réfléchissez à vos réponses aux questions posées dans le chapitre « Faire ce qu’il faut » : Qu’est-ce que vous faites le mieux? Qu’est-ce que vous aimeriez faire encore mieux? Les organisations dans les situations financières les plus solides s’assurent que les programmes et services relevant de la première question sont financés à l’aide du financement de base, tandis que les programmes et
Pour la pérennité de votre organisation, il est important de financer le maximum de vos opérations par votre financement de base, et d’attacher vos activités centrales à un financement continu et prévisible. Pour le présent Guide, une définition utile de « continu et prévisible » serait des ententes d’au moins cinq ans.
services relevant de la deuxième question sont financés à l’aide de financement de projet. Évidemment, ceci est plus facile à dire qu’à faire, et la plupart des organisations ont des bilans beaucoup plus flexibles. Les organisations devraient toutefois viser une telle division. De plus en plus, des organisations financent leurs activités en cherchant ailleurs que dans les budgets de santé. Quelques organisations avec des programmes de formation et de réinsertion dans le monde du travail pour les personnes vivant avec le VIH ou l’hépatite C sont financés par le Ministère des Ressources humaines et Développement des compétences (par exemple, le programme Employment ACTion du Comité du sida de Toronto), alors que d’autres organisations abordant
le logement pour les personnes vivant avec le VIH ou l’hépatite C obtiennent des fonds dans le cadre de stratégies de logement provinciales et municipales (par exemple, le projet de logement de transition du CAPAHC à Montréal, visant les personnes suivant un traitement contre l’hépatite C dont le logement est précaire). Ces efforts de financement non-conventionnel ne sont pas que des efforts stratégiques à court terme, mais représentent une pratique importante pour la pérennité de notre secteur. Les personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C ont des besoins qui tombent souvent en dehors des structures traditionnelles de la santé et de la santé publique, et ces besoins doivent se voir reflétés dans la planification pour l’avenir et les enveloppes budgétaires.
Projets pilotes et nouvelles interventions : le financement des projets
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el que mentionné ci-dessus, le financement de base des OC devient de plus en plus rare; même des sources de financement auparavant stables se transforment en contributions à court et à moyen terme, souvent basées sur des projets. Pour composer avec cette instabilité croissante du financement, de plus en plus d’organisations financent des activités de base (par exemple, la promotion de la santé chez les populations clés, la navigation du soutien social et du système de santé pour les personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C) avec un financement de projet, y compris celui offert par l’ASPC. Même si tout le monde veut que leur financement couvre leurs activités de base et qu’il soit aussi prévisible que possible, la dépendance sur le financement de projet pour les activités de base est devenue une norme malheureuse. L’utilisation de financement de projets pour financer les activités de base étouffe l’innovation dans les projets qui répondent à de nouveaux besoins émergeants dans la communauté, surtout si les fonds sont constamment reportés par des amendements de contribution qui ne permettent pas de révision ou de restructuration des activités du projet. Quoique la pratique ne soit pas possible pour plusieurs organisations, certaines organisations que nous avons consultées en préparant ce Guide ont indiqué qu’elles ont réussi à utiliser le financement de projet strictement pour les projets pilotes. Un programme en particulier, offrant des services pour le VIH et l’hépatite C mais situé dans une unité d’un CSC, a créé un « modèle logique » de leur programmation, identifiant toutes les interventions que pourrait offrir le programme aux utilisateurs du service si un niveau de financement idéal était disponible. Ceci permet à l’organisation d’identifier des opportunités de financement disponibles, des projets de recherche, etc. pour satisfaire aux buts de l’organisation.
L’avantage de réserver des fonds aux projets pilotes est qu’un projet pilote bien évalué peut occasionner des opportunités d’approcher les gouvernements municipaux, provinciaux/territoriaux et--si les conditions changent-le gouvernement fédéral pour un financement continu, y compris pour l’application des interventions que vous avez développées et testées à d’autres régions pertinentes. Cette situation est plutôt rare, mais l’avantage reste que l’utilisation de financement de projets pour les projets pilotes empêche votre organisation d’être aux prises avec un projet qui a fait son temps et qui n’a plus qu’une utilité marginale pour vos clients et pour l’organisation en général--une stagnation qui peut être très dangereuse pour plusieurs organisations. Il est également important de communiquer à l’ASPC que les organisations pourraient bénéficier de directives et de conseils sur comment approcher des bailleurs de fonds et d’autres partenaires pour faciliter la transition de projets pilotes vers des interventions continues et centrales. Beaucoup de ce travail est présentement accompli de façon informelle par les gestionnaires de programmes et d’autres leaders organisationnels qui ont de l’expérience dans l’établissement de partenariats. Les organisations avec moins d’expérience dans le développement des
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programmes pourraient bénéficier énormément de bonnes pratiques et de références à d’autres pistes pour obtenir un financement de base. L’industrie pharmaceutique peut représenter une autre source de financement de projets pilotes. Alors que plusieurs organisations dépendent de financement sans restrictions de grandes compagnies pharmaceutiques pour défrayer les couts d’exploitation et d’immobilisation, même l’industrie avance vers un modèle de financement axé sur des projets. Puisque les fonds de compagnies pharmaceutiques permettent une certaine liberté additionnelle, et puisque beaucoup de ces compagnies cherchent à devenir des partenaires collaborateurs plus significatifs aux organisations (en offrant un soutien substantiel à la conception, l’implémentation et l’évaluation des programmes, par exemple), cet argent peut être utilisé pour tester des programmes qui seraient un peu moins conventionnels. Pour ce faire, identifiez les compagnies pharmaceutiques œuvrant dans les domaines du VIH et de l’hépatite C au Canada et prenez contact avec leurs services de relations communautaires aussitôt que possible et sur une base continue. Présentez les forces de votre organisation, vos priorités et ces endroits où vous voudriez croitre. Identifiez, à l’aide des représentants pharmaceutiques, les endroits où vos bus et leurs domaines cibles pourraient aligner. De plus, les compagnies pharmaceutiques pourraient vous aidez au-delà d’une simple contribution: si, par exemple, vous développez une intervention, demandez-leur s’ils peuvent travailler avec vous en offrant des fonds de recherche et/ou un soutien au développement, à l’implémentation et à l’évaluation du programme sous forme d’essai clinique.
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Au-delà des sources conventionnelles
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out comme les organisations cherchent de plus en plus à obtenir un financement de base de sources gouvernementales autres que les budgets de santé, il est important de se tourner vers des partenaires non-traditionnels pour obtenir soit un financement de base ou un financement de projet pour votre organisation. Quoique la liste n’est pas exhaustive, voici quelques-unes des nouvelles sources de financement auxquelles se sont tournées des organisations à travers le pays au cours des dernières années :
partenaires d’industrie non traditionnels, tels les banques, les compagnies minières et l’industrie du pétrole • Les et du gaz. Quoique ces sources pourraient exiger que vous, votre personnel et votre organe de gouvernance discutiez
des implications éthiques de ces fonds, ces industries ont des programmes importants de responsabilité sociale des entreprises qui, tout comme ceux des compagnies pharmaceutiques, offrent des fonds sans restrictions sur une base éducative et/ou de projets.
fonds d’autres sources de revenus gouvernementaux, tels les loteries ou les casinos. Encore une fois, il existe • Des d’importantes questions éthiques à considérer avant d’accepter ces fonds, mais dans certaines provinces (surtout en Alberta), ces sources de financement peuvent offrir certaines (sinon les seules) sources de fonds additionnels pour la santé et les services sociaux.
à d’autres organisations pour augmenter vos revenus. Il existe plusieurs exemples de levées de fonds • Joignez-vous collectives via des fondations (comme la Alberta Community Council on HIV ou la Fondation Farhi à Montréal) axées
sur l’idée que l’union fait la force, offrant à leur tour les fonds collectés à des organisations accomplissant un travail essentiel qui ne pourraient pas autrement être financés. Un exemple similaire serait les évènements A Taste for Life ou la Marche action sida, plusieurs desquelles sont organisées centralement (par la Société canadienne du sida, le Comité du sida de Toronto ou d’autres grands ONG), permettant à de plus petites organisations de participer sans devoir réinventer la roue.
Plusieurs organisations ont été capables d’élargir leur base de financement en embauchant un développeur des fonds qui, en plus de faire la collecte des fonds pour une organisation, cherche également à financer son propre salaire. Si votre organisation n’a pas la capacité de suivre cette approche, ou qu’une évaluation formelle ou informelle des besoins a révélé que vous ne seriez pas en mesure de rassembler suffisamment de fonds pour couvrir les dépenses rattachées à un développeur des fonds, il serait peut-être avantageux de contacter un collège de votre région pour prendre en stage un étudiant qui pourrait organiser une ou deux collectes de fonds à petite échelle au cours de l’année.
Les fusions et les changements organisationnels
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uoique plus rare, certaines organisations ont décidé au cours des dernières années de naviguer ces nouveaux défis de financement en fusionnant avec d’autres agences pour créer de plus grands OC, ou ont simplement abandonné le modèle traditionnel à but non lucratif soit en fusionnant avec ou en fondant de nouvelles opérations dans le modèle d’un CSC.
Nous avons discuté avec quelques organisations au pays qui ont modifié leurs méthodes d’opération pour élargir leur offre de services et pour bénéficier d’une plus grande stabilité financière. Un organisme de lutte contre le sida, par exemple, avait fusionné ses opérations avec une maison d’hébergement pour personnes vivant avec le VIH dans leur région. La fusion a diminué les dépenses générales et a permis de consolider le personnel/la capacité, par exemple.
Nous avons parlé à un bon nombre de programmes qui avaient fusionné avec un CSC de leur région, ou qui avaient créé un service clinique au sein de leurs opérations. Ceci leur a apporté beaucoup plus de stabilité financière : l’opération d’un CSC, dépendant du modèle de financement, permet à une organisation d’offrir des soins multidisciplinaires plus robustes en plus de la gestion de cas et des offres de soutien pratique. Dans certains cas, il peut également permettre un accès plus facile au traitement à la méthadone s’il est prescrit sur place.
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Il parait y avoir un mouvement général vers l’offre des services traditionnellement réservés aux organismes de lutte contre le sida dans un contexte clinique. C’est surtout le cas en Saskatchewan, où la réponse actuelle au VIH est menée en grande partie par les infirmiers et infirmières. D’ailleurs, l’importance croissante de ceux et cellesci dans les soins du VIH et de l’hépatite C peut être observée un peu partout au pays. Deux questionsclés se présentent donc pour tous ceux impliqués dans
les secteurs du VIH et de l’hépatite C: Comment et à quel point pourrions-nous améliorer les services pour le VIH et l’hépatite C en intégrant davantage avec des environnements traditionnels de soins de santé, tels les cliniques hospitalières et les CSC? Et que risquerionsnous de perdre en transférant des services de base pour le VIH et l’hépatite C (comme la promotion de la santé et la gestion de cas) à l’extérieur des organisations communautaires?
QUESTIONS
• Quelles idées de notre mission, de notre vision et de nos valeurs sont présentes dans notre organisation? besoins de nos clients sont-ils plus urgents ou insatisfaits que d’autres? Que pourrions-nous faire pour mieux • Certains prioriser ou satisfaire ces besoins?
certains besoins ou ambitions de notre organisation devront être relégués à l’arrière-plan afin d’atteindre nos buts et • Sipriorités, qu’allons-nous faire pour assurer que chacun se sente toujours accueilli et respecté dans notre organisation? vient le leadership dans notre organisation? Qui est bien placé pour exprimer notre nouvelle vision et pour • D’où obtenir un appui pour celle-ci?
pouvons-nous, en tant qu’organisation, assurer que toutes les parties prenantes--surtout les personnes • Comment vivant avec le VIH et l’hépatite C--se sentent accueillies et représentées dans la prise de décision de l’organisation?
trouvons-nous l’équilibre entre les financements de base, de projet, de l’industrie et d’autres fonds collectés • Comment dans notre organisation pour assurer que nous pouvons offrir des programmes d’année en année de façon prévisible, tout en améliorant notre capacité à développer et à implémenter des interventions au profit des personnes auxquelles nous offrons nos services?
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Ressources : Quoique les services du Ontario Organizational Development Program (OODP) ne soient disponibles que pour les organismes de lutte contre le sida financés par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée, leur site web compte quelques ressources utiles et pertinentes aux organismes partout au pays: http://oodp.ca/online-resources
Résumé :
Pour les organisations cherchant à intégrer le VIH et/ ou l’hépatite C dans leur mandat tout en se conformant à la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif, Industrie Canada offre un guide utile à l’adresse suivante : http://www.ic.gc.ca/eic/site/cd-dgc.nsf/fra/h_cs04954.html
Vers l’intégration : Développement des fonds et des organisations identifie les conditions qui
ont mené à une intégration réussie du VIH ou de l’hépatite C au sein du mandat des organisations, y compris des conseils pour le développement des fonds et des ressources. Quelques pratiques suivies par les organisations pour intégrer leurs approches au VIH et à l’hépatite C sont :
un soutien au sein de l’organisation avec • Générer un leadership solide, de nombreuses consultations
et un engagement significatif de toutes les parties prenantes (par exemple, le personnel, les membres, les partenaires), ainsi que la communication claire de toute nouvelle vision ou vision émergente de l’organisation.
champions (soit des personnes avec de l’expérience • Des vécue, des membres du Conseil d’administration, des
organisations partenaires clés et/ou la haute gestion) obtenant le soutien et l’acceptation d’une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C.
le courage de poursuivre une approche intégrée • Avoir même dans les contextes où le VIH et l’hépatite
C ne sont pas reflétés dans les lettres patentes de l’organisation, mais s’assurant que l’intégration est abordée et acceptée à une assemblée des membres pour que toutes les parties prenantes, y compris les personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C, aient leur mot à dire par rapport au fonctionnement de l’organisation.
stratégies innovatrices en développement de • Des fonds et des ressources, y compris l’identification
d’opportunités de transformer des projets pilotes en financement de base. Idéalement, réserver le financement de projet pour les nouvelles initiatives, ainsi qu’identifier les multiples sources de financement disponibles à l’intérieur des gouvernements ainsi que du secteur privé.
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Programmes prometteurs :
Passer d’une approche centrée sur le VIH et l’hépatite C à un examen des déterminants sociaux et structurels de la santé ENJEUX Les organisations qui ont répondu à notre sondage national auprès des intervenants lors de la préparation de ce Guide des bonnes pratiques ont identifié trois thèmes généraux reliés à la programmation dans une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C :
messages de promotion de la santé au sujet du VIH et de l’hépatite C renforcent la programmation, surtout en • Les travaillant auprès des consommateurs de drogues et surtout en abordant les enjeux reliés à la co-infection VIHhépatite C.
en reconnaissant des fonctions de base de l’organisation entourant le VIH et l’hépatite C, la plupart des • Tout programmes et/ou interventions suivent une approche basée sur les déterminants de la santé, cherchant à améliorer l’accès aux services, aux programmes de sécurité du revenu et de sécurité alimentaire, au logement, etc.
l’approche intégrée au VIH et à l’hépatite C ait mené à des résultats améliorés en santé et en bienêtre, suivre • Quoique une telle approche exige une offre élargie de programmes et de services avec un budget inchangé ou quelque peu augmenté, et les stratégies de développement de fonds et de programmes restent quelque peu limitées à cet égard.
Il importe de souligner le deuxième point : c’est-àdire, suivre une approche de plus en plus axée sur les « déterminants de la santé ». Plusieurs organisations à travers le Canada reconnaissent certainement leurs fonctions clés comme étant l’offre de services et de programmes pour les personnes vivant avec ou à risque immédiat de contracter le VIH et/ou l’hépatite C. Cependant, comme pourront en témoigner tous ceux qui ont travaillé chez un OLS, un CSC ou une clinique, le VIH et l’hépatite C sont souvent une conséquence de l’accès limité au logement, aux soins de santé, aux soins de santé mentale, aux services de réduction de méfaits
et à la promotion de la santé reliée à la consommation de drogues et à la sexualité, le revenu et la sécurité alimentaire, parmi plusieurs autres déterminants. Un manque d’accès à ces soutiens sociaux a un impact sur la santé des personnes vivant avec le VIH et/ou l’hépatite C, tout comme le VIH et/ou l’hépatite C d’une personne peuvent limiter l’accès en raison de stigmatisation ou d’un manque de compétences culturelles. Le travail en VIH et en hépatite C a toujours été, en grande partie, du travail relié à l’atténuation de la pauvreté et aux droits de la personne, et les personnes travaillant dans nos secteurs
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ont tendance à voir leur rôle comme étant l’amélioration des déterminants sociaux et structurels de la santé via un point de vue axé sur le VIH et/ou l’hépatite C. Vous retrouverez ci-dessous une série de programmes et de pratiques prometteurs que nous avons identifiés par voie de notre sondage national auprès des intervenants,
d’entrevues auprès d’acteurs clés et de recherche additionnelle que nous avons effectuée lors du développement de ce Guide. Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive! Elle représente toutefois de fortes tendances observées dans la programmation des organisations, des CSC et des cliniques à travers le Canada.
PRATIQUES Identifier les services qui peuvent être élargis aux personnes vivant avec et/ou à risque de contracter le VIH et l’hépatite C
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es programmes de distribution d’aiguilles et de seringues (souvent connus sous le nom de programmes d’échange de matériel d’injection) sont un des services les plus communs offrant des interventions en promotion de la santé et de l’éducation reliées à la fois au VIH et à l’hépatite C. Pourquoi? La réponse est plutôt claire : presque tous les répondants à notre sondage national auprès des intervenants ont expliqué que, puisque le partage de matériel d’injection expose les gens au risque de contracter le VIH et l’hépatite C, une des meilleures façons de rendre l’information et les ressources sur les deux maladies est d’offrir du nouveau matériel inutilisé. Les programmes d’échange de matériel d’injection ont connu un succès important dans la distribution d’information reliée à la réduction des méfaits à la fois pour le VIH et l’hépatite C. Ce cas nous mène à une question importante : Quels services offrons-nous qui seraient pertinents aux personnes vivant avec ou à risque immédiat de contracter le VIH et l’hépatite C? Cette question est la suite logique de la question posée dans le chapitre précédent: « Quels sont nos points forts? » Cette nouvelle question nous demande cependant de chercher les espaces où les deux maladies pourraient être intégrées dans notre programmation actuelle.
ou votre programme de banque alimentaire. Si vous avez un excellent programme que vous voulez élargir, vous aurez besoin de rassembler davantage de ressources financières et/ou de créer des nouveaux partenariats avec d’autres agences pour y arriver.
Offrez-vous un repas chaud qui attire un grand nombre de consommateurs de drogues dans votre quartier? Estce que vos programmes offrent de fortes références aux hôpitaux de maladies infectieuses dans votre région, avec très peu de pertes de suivi? Votre banque alimentaire reçoit-elle beaucoup de dons et/ou avez-vous un partenariat fort avec des agences alimentaires de votre région qui vous permettraient d’offrir des services de sécurité alimentaire à un plus grand nombre de personnes? Ces interventions sont toutes particulièrement propices à l’inclusion des personnes vivant ou à risque immédiat de développer à la fois le VIH et l’hépatite C.
ils bénéficier les personnes vivant avec ou à risque immédiat de développer à la fois le VIH et l’hépatite C s’ils étaient élargis?
Il se peut cependant que votre organisation se retrouve dans le scénario alternatif. Vous êtes peut-être intéressé à élargir vos services aux personnes vivant avec ou à risque immédiat de développer à la fois le VIH et l’hépatite C, mais vous arrivez déjà à peine à offrir votre repas chaud
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En réfléchissant à comment vos programmes seraient pertinents aux personnes vivant avec ou à risque immédiat de développer à la fois le VIH et l’hépatite C, penchezvous d’abord sur ces deux questions : sont nos meilleurs programmes et nos plus • Quels grandes forces en tant qu’organisation, et pourraient-
quoi aurions-nous besoin pour élargir ces • De programmes ou forces organisationnelles (par exemples, des partenariats, des fonds)?
Bâtir, maintenir et renforcer les partenariats
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es répondants à notre sondage national auprès des intervenants ont dit très clairement que leurs programmes et organisations ne pourraient opérer sans de bons partenariats. Ceci inclut des partenariats avec d’autres organisations et institutions locales (telles la banque alimentaire, le bureau de soutien au revenu, la clinique de maladies infectieuses ou du foie, les centres de recherche), ainsi qu’avec des organisations provinciales ou nationales (telles l’ASPC ou CATIE). Les répondants au sondage et aux entrevues ont expliqué que leurs partenariats remplissaient deux fonctions principales : soit d’assurer le fonctionnement d’un aspect de leur programme (par exemple, une église de la région offrant des dons à la banque alimentaire d’une organisation), soit de connecter les gens à d’autres services ou opportunités d’engagement (par exemple, un OLS nommant un de leurs membres vivant avec le VIH pour participer à un Comité consultatif sur la santé publique). Plusieurs de nos répondants ont dit que leurs partenariats ont connu le plus de succès lorsque chaque organisation, clinique et/ou programme avait une forte idée de leur fonction clé et du rôle qu’il jouait. Ces organisations se voient comme ayant une identité clé, remplissant un besoin dans leur communauté. Par exemple : sommes la source d’information et de formation • Nous sur la réduction des méfaits.
offrons du logement de transition pour les • Nous personnes vivant avec le VIH et (de plus en plus) l’hépatite C.
les gens sont référés vers nous, nous pouvons • Lorsque les aider à entamer un traitement contre le VIH ou
l’hépatite C de façon efficace et dans un esprit de soutien.
gens vivant dans la rue se sentent confortables • Les venant vers nous pour le dépistage du VIH, de l’hépatite C et des ITS.
les organisations de services sociaux abordant • Toutes le VIH et l’hépatite C participent à nos rencontres de coalition mensuelles.
offrons des groupes de soutien où les personnes • Nous qui vivent avec l’hépatite C en secret depuis longtemps peuvent parler ouvertement de ce qui se passe dans leurs vies.
La première étape de tout partenariat, c’est de savoir de ce que votre organisation peut apporter à la table et de s’engager à le faire. Ensuite, pour que les partenariats fonctionnent réellement, les organisations doivent avoir des buts ou objectifs en commun pour le travail qu’ils entreprennent, ainsi qu’une communication continue sur ce qui a été accompli, comment, et ce qui pourrait améliorer le travail. Les partenaires devraient donc s’entendre sur les points suivants : commun : Qu’essayons-nous d’accomplir • Objectif ensemble? Comment saurons-nous que nous avons
atteint notre but? Énoncer ces buts de façon aussi claire et concise est important pour tout partenariat, et certaines organisations travaillant ensemble choisissent de formaliser ces objectifs en rédigeant un protocole d’accord.
mesure des résultats : Les organisations devraient • La également se mettre d’accord sur les indicateurs qui
démontreront si le partenariat fonctionne bien ou non. Ces mesures pourraient prendre la forme d’un certain nombre de sessions de formation ou de services offerts par chaque organisation à l’autre, un certain nombre de références faites avant la fin de l’année, ou un nombre additionnel d’organisations accueillies dans le partenariat. Les mesures pourraient également être incluses dans le protocole d’accord.
gestion continue : En gérant un partenariat, il • La est particulièrement important de maintenir une
communication proactive et de ne pas couper les coins ronds. Il est important pour les représentants de chaque organisation de définir la fréquence de leurs rencontres ainsi que le processus à entreprendre si une question urgente se présente. Les partenariats exigent beaucoup de travail, mais une gestion méthodique de ceux-ci peut mener à des services améliorés et plus intégrés pour les personnes avec lesquelles nous travaillons.
Notre programme d’intervention est souvent le seul • lien qu’ont les consommateurs de drogues dans notre communauté avec le système de soins de santé.
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Une solide connaissance du rôle joué par chaque organisation ou programme, ainsi qu’une gestion claire et efficace des relations, permettra le développement d’un réseau et d’une réponse forte qui assure aux personnes
vivant avec le VIH et l’hépatite C un accès amélioré et suffisant aux services de soins de santé et aux services sociaux dont ils ont besoin.
Faire le pont entre les organisations communautaires et les services cliniques
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ne des bonnes pratiques principales identifiées dans ce Guide porte sur l’identification des opportunités de renforcer les réseaux entre organisations, programmes et cliniques. Ces réseaux permettent de boucher les trous dans les services pour les personnes vivant avec ou à risque immédiat de développer le VIH et l’hépatite C, surtout pour éviter de les perdre au suivi. Les gens--surtout ceux qui ont eu des interactions difficiles dans le passé avec les services de santé et les services sociaux--hésitent souvent à chercher des services de santé par peur d’être mal traité ou de vivre de la discrimination. Ceci mène souvent à la situation dans laquelle les gens (surtout les plus marginalisés) ne cherchent pas des services de santé ou des services sociaux avant qu’ils ne soient déjà malades, à veille de perdre leur logement, ou en plein milieu d’une crise. Les programmes et services que nous créons et livrons doivent donc avoir un seuil d’accessibilité particulièrement bas, assurant que lorsque les gens accèdent aux services, qu’ils ne ressentent aucune stigmatisation. Autrement dit, nous avons tous un rôle actif à jouer pour briser le cycle dans lequel les mauvaises expériences avec les services de santé et les services sociaux repoussent les gens aux marges. Plusieurs organisations et cliniques dans notre secteur, surtout ceux qui suivent une approche centrée sur la bienveillance et le respect, ont connu beaucoup de succès dans la création d’un environnement où les gens se sentent en sécurité et ne craignent pas d’accéder aux services ou de demander de l’aide.
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Il est important de garder à l’esprit que certaines personnes vivant avec ou à risque immédiat de contracter le VIH et l’hépatite C pourraient, pour une raison quelconque, trouver une organisation ou une clinique de votre région plus accessible que d’autres. Le principal (et dans certains cas, le seul) point de contact qu’a cette personne avec les services de santé et les services sociaux pourrait être la clinique de méthadone, un programme d’échange de matériel d’injection, une clinique d’immunodéficience ou un centre d’accueil. Peu importe l’organisation où vous travaillez, il est important non seulement d’être accueillant et accessible à tous ceux qui pourraient avoir besoin de vos services, mais également d’assurer que vos liens à d’autres organisations soient forts. Après tout, votre organisation ou programme pourrait être le seul chemin vers les autres services de santé et services sociaux dont une personne aurait besoin.
Le regroupement ou coordination : Quelle est la meilleur pratique?
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ans le sondage national auprès des intervenants réalisé lors de la préparation de ce Guide des bonnes pratiques, les répondants ont signalé deux approches principales à la fourniture des services médicaux chez les personnes ayant besoin de services à exigences peu élevées (des services tels le traitement contre le VIH ou l’hépatite C, le dépistage, etc.). La première était le regroupement des fournisseurs de services dans les organisations ou cliniques fréquentées par les consommateurs de drogues, les gens de la rue, ou ceux avec une expérience de marginalisation quelconque. La deuxième était la coordination entre les organisations les plus directement connectées aux personnes défavorisées et les centres médicaux (p.ex. les hôpitaux) offrant des soins pour les maladies infectieuses, des soins en hépatologie ou d’autres soins, tels l’offre de transport, d’accompagnement aux rendez-vous, ou d’assistance avec le suivi en naviguant le processus d’application aux régimes publics de médicaments. Les deux approches augmentent l’accès aux services de santé pour des gens qui n’en recevraient peut-être pas autrement. Cependant, il faut considérer les avantages et désavantages de chaque approche, surtout si vous songez à regroupement des services ou à incorporer des références coordonnées aux services de santé dans votre programmation.
Regroupement des services :
Coordination :
Cette pratique était plus fréquente dans les grands centres urbains; généralement, un spécialiste en maladies infectieuses ou autre professionnel de la santé vient directement dans un centre d’accueil, un organisme de lutte contre le sida ou un CSC sur une base régulière pour rencontrer des gens vivant avec le VIH et l’hépatite C là où ils se sentent plus confortables. Lorsqu’un médecin vient directement à une clinique ou à une organisation située directement dans la communauté où les gens habitent-surtout les plus marginalisés--plusieurs facteurs qui peuvent négativement influencer l’accès aux soins, tels le transport pour se rendre à un centre médical académique ou la stigmatisation du personnel d’hôpital, peuvent être minimisés. La stratégie peut être particulièrement utile dans les villes où les gens vivant avec ou à risque immédiat de contracter le VIH et l’hépatite C ont des faibles taux d’accès aux services, et où une intervention plus directe est nécessaire. Il s’agit également d’une bonne stratégie pour bâtir des liens avec les gens vivant dans les communautés rurales ou éloignées. En Saskatchewan, par exemple, des spécialistes en maladies infectieuses et des infirmiers praticiens se rendent dans ces communautés à des moments prévus pendant l’année pour rencontrer leurs patients dans des centres de santé locaux ou même à domicile. Cette pratique est très avantageuse pour les patients, mais elle requière évidemment davantage de ressources, puisque les médecins et les infirmiers praticiens ne peuvent voir autant de personnes qu’ils le pourraient dans un contexte hospitalier.
Dans autant de cas, les organisations et les cliniques de maladies infectieuses ou du foie ont signalé des relations étroites de collaboration, afin d’assurer de fortes références pour leurs patients. Dans certains cas, surtout dans le contexte du programme ontarien d’équipes en matière d’hépatite C, les centres de santé communautaires ou hospitaliers ont engagé des intervenants pour aller chercher des gens vivant avec l’hépatite C, les référant à des services, les accompagnant aux rendezvous, et travaillant avec ou auprès des organismes communautaires (dans le cadre d’une contribution ou d’un contrat de services). La forte relation établie entre les multiples intervenants travaillant dans le domaine de l’hépatite C et du VIH dans une communauté représente un important avantage de cette approche coordonnant les hôpitaux, les CSC et les organisations avec lesquelles les personnes vivant avec ou à risque immédiat de contracter le VIH et l’hépatite C interagissent le plus souvent. De plus, cette stratégie établit des conditions dans les services de santé plus favorables aux personnes marginalisées, surtout les consommateurs de drogues. Et puisque les médecins et les infirmiers praticiens peuvent voir plus de patients, il s’agit d’une utilisation efficace des ressources-autant et aussi longtemps que les personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C viennent profiter des services.
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Profiter de l’expérience vécue : les programmes de pairs
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epuis que les Principes de Denver ont été formulés lors de la Gay and Lesbian Health Conference en 1983, la participation accrue/significative des personnes vivant avec le VIH (GIPA/MIPA) a toujours été centrale à la réponse au sida, à la fois dans les interventions organisationnelles, cliniques et politiques et dans les efforts de recherche et ce, même si les buts du GIPA et du MIPA n’ont été atteints qu’en partie. Récemment, se basant sur cet historique, des appels à la participation accrue/significative des personnes vivant avec l’hépatite C ont également émergés (voir la section Ressources ci-dessous). Ces appels sont d’autant plus nécessaires tenant compte des anxiétés qui apparaissent en même temps que le mouvement vers l’intégration (voir la section Mais le VIH et l’hépatite C ne sont pas pareils!) D’après le sondage national auprès des intervenants ainsi que les entrevues auprès d’acteurs clés que nous avons effectués, le travail des pairs prend de plus en plus de place dans le travail des organisations et est largement perçu comme étant d’une importance primordiale pour la réussite des programmes. Les rencontres entre pairs, surtout les personnes qui ont récemment reçu leur diagnostic ou qui entament un traitement contre le VIH ou l’hépatite C pour la première fois, peuvent permettre à ceux-ci de découvrir l’expérience directement d’une
personne qui l’a déjà vécue, et qui peut parler des défis de façon ouverte, honnête et empathique. De plus, plusieurs gestionnaires dans les organisations ont indiqué que ces pairs travailleurs étaient les premiers à signaler des tendances émergentes dans la population, telles les évolutions dans les habitudes de consommation de drogues (y compris des changements dans l’offre locale), les changements dans l’intervention policière, ainsi que les obstacles à l’accès aux services sociaux et aux services de soins de santé.
Voici trois thèmes, ainsi que des bonnes pratiques et programmes clés, actuellement présents dans le travail des pairs au Canada :
a) La navigation des soins de santé
La navigation des services de soins de santé par les pairs identifie tout programme où les personnes avec de l’expérience vécue sont connectées à des personnes qui ont récemment reçu un diagnostic : un système de jumelage ou la personne avec l’expérience aide celle qui vient de recevoir un diagnostic à trouver son chemin. Cette intervention est centrale au programme Seek-andTreat for Optimal Prevention (STOP), un programme pour le VIH/sida en Colombie-Britannique. Dans le cadre de ce programme, les personnes avec de l’expérience vécue travaillent dans le Centre for Excellence in HIV/AIDS au centre Providence Health Care à l’hôpital St-Paul. Le Centre for Excellence occupe une position unique, puisqu’il a un mandat provincial de fournir du traitement contre le VIH à travers ses services pharmaceutiques hospitaliers. La grande majorité des gens vivant avec le VIH en C.-B. sont donc traités au Centre for Excellence, ce qui signifie que les personnes avec de l’expérience vécue peuvent être mis en contact avec des gens qui viennent de recevoir un diagnostic dès leur premier rendez-vous, offrant un soutien, des conseils, ainsi qu’une orientation pour naviguer notre système de santé complexe. Les bénéfices vont dans les deux sens: alors que les personnes ayant récemment reçu un diagnostic sont mis en contact avec un soutien des pairs leur permettant de naviguer le système de santé, l’expérience permet aux
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personnes avec plus d’expérience vécue de tirer de leurs expériences en tant que patients qui ont réussi à faire le système de santé fonctionner pour eux. Les programmes de pairs réussis dépendent de solides partenariats entre les cliniques et les OC, non seulement pour assurer que des leaders vivant avec le VIH peuvent être recrutés mais également pour que les personnes ayant récemment reçu un diagnostic puissent être connectés à la gamme de services qui leur est disponible. Les programmes de navigation par les pairs sont également pertinents pour les personnes suivant un traitement contre l’hépatite C, surtout puisque l’adhérence est essentielle à l’atteinte d’une réponse virologique soutenue. Si vous travaillez dans une clinique ou un OC et vous croyez qu’un programme de navigation par les pairs améliorerait vos services, songez à contacter les autres organisations pour le VIH et l’hépatite C dans votre région pour esquisser les programmes et services requis pour faire vivre le programme, ainsi que les sources potentielles de financement. Pour en savoir plus, consultez la section Ressources à la fin de ce chapitre.
b) L’intervention de proximité et le soutien des pairs
Plusieurs répondants à notre sondage national auprès des intervenants ont indiqué qu’ils engagent des personnes avec de l’expérience vécue en tant qu’intervenants de proximité. Ces travailleurs pairs sont engagés pour fournir des matériaux de réduction des méfaits dans un programme d’échange de matériel d’injection, par exemple, ou pour faire de l’intervention de proximité dans la rue, ainsi que pour fournir un soutien des pairs dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire de traitement de l’hépatite C. Pour ceux qui ont déjà travaillé dans les secteurs du VIH et de l’hépatite C, il n’est pas surprenant que notre sondage national auprès des intervenants ait reflété l’importance de la relation unique qui existe entre les gens avec de l’expérience vécue. La compréhension partagée qui accompagne l’expérience d’avoir été dans la même situation est très puissante, que cette expérience partagée soit celle du VIH, de l’hépatite C, de la consommation de drogues ou de la stigmatisation plus généralement.
changements dans la disponibilité (par exemple, le retrait des opiacés de prescription menant à une consommation accrue d’héroïne ou de méthamphétamines en cristaux) ou des défis particuliers auxquels font face les gens dans l’accès à une certaine clinique ou un centre d’accueil. Ceci vous permettra d’ajuster vos messages de réduction des méfaits, de prévention d’overdose ou de prendre le contact directement avec une organisation partenaire pour discuter du traitement offert à vos utilisateurs des services.
Par conséquent, lorsque les programmes d’intervention et de soutien par les pairs sont intégrés de façon significative dans la structure de votre organisation ou clinique, vous risquez de paraitre plus accueillant aux gens qui ont besoin de vos services. L’importance de ce sentiment de reconnaissance--de voir sa propre image reflétée dans une organisation--est particulièrement importante pour ceux qui ont déjà vécu des expériences négatives avec le système de santé causées par les conséquences de la colonisation, de la stigmatisation, de l’exploitation, ou d’autres questions.
L’inclusion des pairs démontre que votre organisation est accueillante, pertinente et sécuritaire pour la communauté, et permet aux organisations d’assurer que leur offre de programmes et de services soit pertinente aux besoins en évolution de ses utilisateurs. Mais la plus importante raison d’engager des pairs est de joindre le geste à la parole : l’évaluation des pairs envers votre organisation est un indicateur clé de la santé de votre organisation et de ses programmes et services. Autrement dit, s’il y un problème dans la façon dont votre organisation travaille avec la communauté, les travailleurs pairs devraient pouvoir vous le dire en premier. De plus, il est important d’assurer que vous travailliez avec les pairs d’une façon qui respecte leurs droits en tant que travailleurs et en tant qu’utilisateurs des services, pour qu’ils puissent être honnêtes par rapport à leurs besoins, par rapport à l’étape de leur vie qu’ils traversent, ainsi que par rapport à leur vision de leur(s) rôle(s) dans l’organisation.
Certaines entrevues auprès d’acteurs clés ont également qualifiées de fondamentale la participation des pairs pour savoir ce qui se passe dans la communauté. Engager des pairs en tant qu’intervenants de proximité permettra à votre organisation d’être rapidement informée lorsqu’il y a des changements dans les habitudes de consommation de drogues (par exemple, de fumer à injecter), des
c) Clarifier la portée du travail et la rémunération
Le travail des pairs reste du travail, et doit être rémunéré en conséquence. Quoiqu’une bonne partie des réponses au VIH et à l’hépatite C ait profité du bénévolat de gens dévoués, y compris des efforts non-rémunérés de gens avec de l’expérience vécue du VIH et de l’hépatite C, les fonctions de base occupées par les pairs travailleurs sont différentes, et ces travailleurs méritent une rémunération. Le besoin de payer les pairs travailleurs a été reflété de façon universelle dans notre sondage auprès des intervenants et dans nos entrevues auprès d’acteurs clés, mais en pratique ce besoin a tendance à ne pas être comblé, généralement en raison du refrain habituel des ressources financières limitées. Une contrainte fréquente pour les organisations est que plusieurs bailleurs de fonds ne permettent pas la rémunération à temps partiel ou sur une base d’honoraires. Puisque les ententes de
rémunération doivent rester flexibles pour les personnes avec de l’expérience vécue, les bailleurs de fonds et les organisations doivent travailler ensemble pour assurer que la compensation soit disponible et qu’elle puisse être payée de façon à ne pas désavantager ces personnes pour avoir travaillé en premier lieu. Les organisations engageant des pairs travailleurs doivent être particulièrement vigilants pour assurer que la rémunération offerte ne cause pas une diminution des prestations d’assistance sociale ni
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une modification de leur couverture médicale ou de médicaments. Quoique pas toujours précisément reliée à cette situation, la documentation offerte par Emploi et Développement social Canada en matière d’emploi et d’invalidité pourrait être utile pour les organisations travaillant dans ce domaine. La rémunération des pairs ne devrait pas être perçue comme étant facultative--une pratique que l’organisation a l’intention de commencer avec les pairs travailleurs actuels à un moment futur lorsque le financement est disponible. Si les organisations ne sont pas en mesure de rémunérer les pairs de façon appropriée, elles devraient se demander s’il est approprié d’engager des pairs en premier lieu. En plus de la rémunération, il est tout aussi important de bien définir la portée du travail dès le début de la relation. Plusieurs pairs travailleurs ont été engagés par des organisations sans communication claire établissant
la durée du travail, les objectifs, les stratégies d’évaluation et l’encadrement offert. Ceci peut mener à des tensions entre les pairs travailleurs et les membres du personnel sur lesquels ces pairs (en tant qu’utilisateurs de services) dépendent pour de l’aide, des conseils, etc. Le travail auprès des pairs, en plus d’offrir des avantages aux organisations et une rémunération pour les travailleurs, doit être vue comme un exercice de renforcement des capacités avec des activités, des objectifs d’apprentissage, et un début, un milieu et une fin clairs. De plus, dans la mesure du possible les pairs ne devraient pas être supervisés par des membres du personnel desquels ils reçoivent des services, tel un infirmier ou un gestionnaire de cas. Il est également extrêmement important de mettre l’accent sur cette « fin » dans le travail des pairs : ils n’occuperont pas ces postes de façon permanente, et il est donc important de travailler avec les pairs dès le début pour imaginer ce qu’ils veulent faire après la fin de ce travail, et comment ce poste peut leur aider à atteindre leur but.
Une approche intégrée à la promotion de la santé entourant le VIH et l’hépatite C : coordonner les approches
S
i vous travaillez dans un programme de matériel d’injection, vous savez déjà qu’il est absolument fondamental d’offrir de l’éducation et de la promotion de la santé sur le VIH ainsi que l’hépatite C. Dans certaines régions, en particulier dans le Nord, il est également extrêmement important d’offrir des messages portant sur la tuberculose (TB). En fait, la grande majorité des répondants à notre sondage national auprès des intervenants ont dit qu’ils ont entamé une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C en raison des besoins et des leçons apprises de leurs programme de distribution et d’échange de matériel d’injection. Fournir du matériel de réduction des méfaits, tel les aiguilles, les seringues, les pipes à crack et d’autres matériaux est important puisque cela permet aux consommateurs de drogues d’avoir une certaine autonomie quant à leur consommation, y compris la réduction ou l’élimination de leur exposition au VIH et à l’hépatite C. De plus, pour les personnes qui vivent déjà avec le VIH et l’hépatite C, l’accès à du matériel nouveau et inutilisé leur permet de ne pas exposer leurs amis, leurs amants et leurs partenaires aux virus. Les programmes de réduction des méfaits peuvent également offrir une opportunité importante de discuter avec les consommateurs de drogues, surtout ceux qui n’accèdent peut-être pas aux autres services (dans votre organisation ou ailleurs). Dans notre sondage et nos entrevues auprès d’acteurs clés, les répondants ont partagé les interventions/messages de promotion de la santé qu’ils font auprès des gens qui utilisent leurs services de réduction des méfaits :
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le respect de la vie privée des personnes • Assurer qui accèdent aux services, tout en offrant une porte
ouverte pour discuter de la consommation de drogues, de la réduction des méfaits, ou des références aux autres organisations de services de santé ou de services sociaux.
à la fois du matériel d’injection et d’inhalation • Fournir pour assurer que les personnes aient accès au matériel qui leur est pertinent et qui est le plus sécuritaire pour eux.
des différentes substances, de la consommation • Discuter plus sure des drogues et la prévention d’overdose.
• La différence entre l’infection au VIH et l’hépatite C. • Le dépistage et le diagnostic du VIH et de l’hépatite C. différences entre les risques de transmission du • Les VIH et de l’hépatite C.
différences des risques d’overdose, de VIH et • Les d’hépatite C entre l’injection et l’inhalation des drogues (ou d’autres modes d’ingestion).
les techniques d’injection et d’inhalation • Démontrer plus sures, surtout pour les femmes et les jeunes, pour permettre à ceux-ci d’avoir une autonomie quant à leur propre consommation de drogues.
Ce dernier point portant sur la démonstration de techniques plus sures est particulièrement important, puisque d’après des témoignages anecdotiques et certaines preuves scientifiques, ceux qui ont moins d’expérience avec l’injection, surtout les plus jeunes et les femmes, ont plus de chances d’injecter avec quelqu’un plus expérimenté, et d’être la deuxième personne à utiliser l’aiguille. En lien avec ceci, quelques-uns des acteurs clés interviewés ont exprimé la difficulté de fournir des interventions appropriées pour prévenir la transmission de l’hépatite C, puisque plusieurs personnes, lorsqu’ils sont initiés à l’injection, y sont exposés en partageant une
aiguille avec quelqu’un avec plus d’expérience et ce, bien avant qu’ils aient l’opportunité d’accéder à un service de réduction des méfaits. Ceci renforce l’importance de communiquer avec le maximum de personnes possibles qui accèdent aux programmes de réduction des méfaits au sujet de la transmission du VIH et de l’hépatite C, ainsi que le besoin d’implémenter un curriculum abordant la consommation de drogues fondé sur les faits pour que tout le monde ait accès à de l’information de réduction des méfaits et à des références. Pour plus de renseignements sur les bonnes pratiques en matière de programmes de réduction des méfaits, consultez la section Ressources à la fin de ce chapitre pour un lien à l’excellente publication datant de 2013, Best Practice Recommendations for Canadian Harm-reduction Programs that provide services to people who use drugs and are at risk for HIV, HCV and other harms (Recommandations de meilleures pratiques pour les programmes canadiens de réduction des méfaits).
Les programmes de soutien au traitement : Apprendre les uns des autres
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ne ressemblance clé entre le VIH et l’hépatite C est l’importance de l’adhérence stricte lorsqu’un traitement a été entamé. Plusieurs cliniques (surtout les infirmiers), les OC et les pharmaciens ont une vaste expérience dans l’offre d’un soutien formel et informel à l’adhérence, et il y a beaucoup de leçons que les gens travaillant dans le VIH et l’hépatite C peuvent apprendre les uns des autres. Les programmes de soutien à l’adhérence ont été le sujet d’une attention renouvelée depuis quelques années, surtout avec l’accent renouvelé sur le traitement contre l’hépatite C; avec l’émergence de nouvelles thérapies plus efficaces, une ère sans interféron semble tout à fait possible dans l’avenir proche. Du côté du VIH, des évaluations formelles ainsi qu’anecdotiques démontrent que plusieurs personnes vivant avec le VIH ne profitent pas pleinement des bénéfices du traitement, en raison d’interruptions. À son tour, l’accent sur l’adhérence a trouvé une pertinence particulière et malheureuse dans le contexte de la criminalisation du VIH, où une charge virale détectable peut rendre une personne la cible de procureurs malveillants et opportunistes. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles une personne peut avoir de la difficulté à adhérer à un traitement sur une base continue, y compris :
effets secondaires (surtout la nausée et la fatigue), • Les quoiqu’ils ne soient pas toujours ressentis de façon constante, peuvent se présenter de façon imprévisible, ayant un impact négatif sur le travail et la vie.
traitements (surtout les traitements contre • Plusieurs l’hépatite C avec interféron) ont des complications en
matière de santé mentale qui peuvent être extrêmement difficiles, voire impossibles, à supporter.
personnes ne peuvent accéder qu’à un mois de • Plusieurs médicaments à la fois, et risquent donc d’être à court
lors de périodes prolongées de voyage personnel ou d’affaires.
les effets secondaires reliés à la lipodystrophie • Quoique ne sont pas aussi prononcés dans les nouvelles thérapies
contre le VIH, certaines personnes, surtout les femmes, vivent toujours des changements dans la forme de leur corps, la perte de cheveux, etc. qui peuvent mener à de véritables défis pour l’estime de soi.
un traitement signifie qu’une personne doit se • Suivre confronter à la réalité de leur statut sérologique à tous les jours, ce qui peut entrainer des sentiments profonds d’isolement.
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Alors que la réalité de suivre un traitement tel que prescrit peut être difficile, il existe des programmes très intéressants à travers le Canada qui améliorent actuellement le soutien individuel et de groupe entourant l’initiation et l’adhérence aux traitements. Un programme de Sida Bénévoles Montréal (ACCM), Ma vie avec le VIH, est une intervention menée au cours de six ateliers de trois heures, permettant aux participants de cerner leurs propres besoins en santé, d’identifier les obstacles à la satisfaction de ceux-ci et de développer des stratégies pour surmonter ces obstacles. L’intervention en groupe est également bonifiée par des sessions en tête-à-tête avec l’animateur. Il est important que les gens aient accès à un programme de soutien au traitement, soit via une clinique, une OC ou un autre contexte quelconque. Ma vie avec le
VIH est un excellent programme--d’autant plus qu’il a maintenant été élargi pour comprendre l’hépatite C--mais il est important de noter que ce programme ou une autre combinaison d’approches serait peut-être approprié pour votre organisation ou clinique. Ma vie avec le VIH a été développé d’après une évaluation des besoins en traitement des membres de l’ACCM; il est donc une bonne pratique d’inclure régulièrement des questions reliées aux façons dont les membres accèdent aux traitements et aux défis qu’ils doivent relever (voir le chapitre précédent, Faire ce qu’il faut). De plus, toute intervention de soutien psychosocial doit être soutenue par de solides partenariats, assurant que la voie à suivre pour accéder au traitement (par exemple, via les programmes d’assurance pour médicaments onéreux et les pharmacies) soit aussi facile que possible.
Garder vos programmes sur la bonne voie : la participation significative et les groupes consultatifs
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ne façon dont les principes GIPA et MIPA sont pratiqués au Canada est d’assurer que le Conseil d’administration des organisations compte parmi ses membres des personnes avec de l’expérience vécue. Quoiqu’il s’agisse d’une pratique importante, il n’y a tout simplement pas assez de place sur ces Conseils pour qu’une grande variété de gens s’y retrouve. De plus, les Conseils sont responsables du fonctionnement général et de la direction des organisations, et la supervision de la programmation comme telle occupe une part relativement limitée de leur travail. Le Programme communautaire sur l’hépatite C de Toronto, un programme de soins pluridisciplinaire, a implémenté un Conseil consultatif des patients. Le programme accorde un rôle central aux groupes de soutien dans son modèle des soins, et chacun de ces groupes a la chance d’élire deux représentants à son Conseil consultatif des patients pour un mandat de deux ans. Le Conseil consultatif offre une supervision et une participation à tous les aspects du programme, y compris le fonctionnement des groupes de soutien, l’accès aux soins de santé au CSC, le processus de développement de nouveaux programmes, ainsi que la préparation et la révision de manuscrits en vue de leur publication. Le Conseil consultatif des patients du Programme communautaire sur l’ hépatite C de Toronto se réunit une fois par mois ou au besoin, et est présidé par les patients co-présidents. Le Conseil consultatif reçoit un soutien administratif du Coordonnateur du Programme sur l’hépatite C, et les organisations qui songent à créer des Conseils consultatifs des patients doivent également allouer du temps de personnel et des ressources pour soutenir et améliorer les capacités des patients qui y sont membres.
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Un Conseil consultatif des patients, ou tout autre organisme semblable, devrait être en place dans toute organisation ou clinique fournissant des services aux personnes vivant avec le VIH et/ou l’hépatite C. Ceci peut être difficile, mais si votre programme ou organisation est respectueux envers les réalités de ceux qui ont une expérience vécue, un Conseil consultatif peut vraiment améliorer la façon dont ces gens sont inclus, tout en améliorant les programmes eux-mêmes.
La transmission sexuelle de l’hépatite C chez les hommes gais séropositifs : Intégrer un besoin croissant dans votre programmation
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u cours des dernières années, des taux croissants d’hépatite C attribués à la transmission sexuelle ont été identifiés chez des cohortes vivant avec le VIH au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Europe et en Australie. Dans ces cohortes, les taux ont été très bas parmi les femmes séropositives au VIH, et une étude datant de 2013 au RoyaumeUni a signalé des taux très bas d’hépatite C parmi les hommes séronégatifs au VIH. Quoique les données sont très limitées, et la transmission sexuelle de l’hépatite C est mal comprise, la transmission sexuelle parait être principalement un enjeu de santé pour les hommes gais séropositifs au VIH. Nous n’avons pas une forte compréhension de la transmission sexuelle de l’hépatite C, mais comme l’a indiqué le co-fondateur de Gay Men’s Health Crisis, Laurence D. Mass, dans une lettre d’opinion parue dans le Huffington Post en 2013, il est inacceptable de rester silencieux au sujet de la transmission sexuelle de l’hépatite C chez les hommes gais séropositifs.
Il y a deux raisons pour lesquelles il est important de surveiller la transmission sexuelle de l’hépatite C chez les hommes gais séropositifs. Premièrement, nous savons que pour la majorité de gens vivant avec la co-infection au VIH et à l’hépatite C, leur hépatite progresse rapidement, causant des dommages importants au foie à l’intérieur de 10 à 15 ans. Deuxièmement, la sensibilisation à l’hépatite C parmi les hommes gais est très basse, principalement puisque la maladie reste mal comprise, quoiqu’on en discute de plus en plus, et les gens cherchent des ressources pour comprendre davantage.
Voici ce que nous savons : C est bel et bien transmise sexuellement • L’hépatite entre hommes gais séropositifs. Dans un article de
HIV Medicine paru en 2013, les chercheurs ont signalé des taux d’hépatite C sept fois plus élevés chez les hommes séropositifs au VIH que chez les hommes séronégatifs au VIH.
cette même étude, un historique d’infection à la • Dans syphilis était associé à l’infection à l’hépatite C chez les hommes gais séropositifs, probablement en raison de l’inflammation des muqueuses causées par le syphilis, augmentant la susceptibilité de transmission de l’hépatite C.
article de Hepatology datant de 2010 a identifié • Un les habitudes d’hommes gais séropositifs qui avaient
contracté l’hépatite C par voie sexuelle, au cours de multiples études de cohortes. Des habitudes communes comprenaient les activités sexuelles en groupe et des relations sexuelles plus agressives (par exemple, le
fisting et l’utilisation de jouets sexuels). Ceci suggère que la principale considération dans les efforts de réduction de transmission est la présence du sang (et du contact de sang à sang) lors des relations sexuelles.
y a également des preuves que la réinfection à • Ill’hépatite C (via le contact subséquent) a peut-être lieu pour plusieurs hommes gais séropositifs qui ont déjà suivi un traitement pour guérir leur hépatite C. Pour cette raison, le dépistage de l’hépatite C devrait être offert aux hommes gais séropositifs plus souvent.
les mécanismes de transmission sexuelle de • Quoique l’hépatite C restent mal compris, et quoique l’ensemble
des études de cohortes révèlent une association entre la transmission sexuelle et l’inhalation de drogues (surtout les méthamphétamines en cristaux et la cocaïne), plusieurs chercheurs et fournisseurs de services ont suggéré que l’injection de drogues parmi les hommes homosexuels est peut-être peu
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souvent signalée. Ceci suggère que les hommes gais séropositifs et séronégatifs, ainsi que les responsables politiques, les chercheurs et les fournisseurs de services doivent se réunir pour partager des expériences quant à la consommation de drogues dans nos communautés, identifiant des changements potentiels dans les politiques ainsi que des recommandations de recherche et d’offre de services pour fermer l’écart. Pour une raison quelconque, il y a une résistance à aborder la transmission sexuelle de l’hépatite C-dans la documentation académique et la majorité des programmes, l’hépatite C est fermement identifiée comme une infection transmise par le sang seulement. Cependant, dès maintenant, les preuves démontrent que la transmission sexuelle de l’hépatite C est un enjeu central pour les hommes gais vivant avec le VIH, et doit être prise au sérieux et incorporée dans les politiques et tout programme existant ou élargi s’adressant aux hommes gais séropositifs. Aborder la transmission sexuelle de l’hépatite C signifie qu’il faut également aborder la sexualité des hommes homosexuels. Il est donc d’une importance capitale que les messages entourant la transmission sexuelle soient développés avec des hommes gais séropositifs pour que l’information ne soit pas stigmatisante. Des exemples de messages stigmatisants ne sont pas difficiles à trouver, mais plusieurs d’entre nous se souviennent sans doute de comment la surinfection (c’est-à-dire, l’infection par de multiples souches du VIH) a occasionné des messages de promotion de la santé dénonçant les hommes qui avaient des relations sexuelles sans condoms et/ou qui avaient plus d’un partenaire sexuel. Les messages de promotion de la santé entourant la transmission sexuelle doivent tenir compte des pratiques sexuelles de plusieurs hommes gais séropositifs.
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Il est important de commencer à faire de la promotion de la santé au sujet de la transmission sexuelle de l’hépatite C dans nos programmes destinés aux hommes gais séropositifs. Pour ce faire, une bonne pratique serait d’aborder la question avec ces hommes qui sont impliqués dans votre organisation ou vos programmes. Tenez un groupe de discussion ou un remue-méninge pour rassembler des idées : tant qu’hommes gais séropositifs dans notre • En organisation, comment voudriez-vous apprendre au sujet de l’hépatite C?
• De quelle sorte d’information avez-vous besoin? sont vos idées pour réduire le risque ou • Quelles que faites-vous présentement pour réduire le risque de transmission de l’hépatite C dans vos pratiques sexuelles?
pensées et émotions vous viennent à l’esprit • Quelles lorsque nous parlons de la transmission sexuelle de l’hépatite C?
Pour cette raison, certains endroits seraient propices à l’inclusion de messages de promotion de la santé sur la transmission sexuelle de l’hépatite C parmi les hommes gais séropositifs : sein de programmes axés sur la santé sexuelle des • Au hommes gais (comme le Gay Poz Sex Project chez ACT et Positive Living en Colombie-Britannique)
les cliniques d’immunodéficience (par exemple, • Dans offrir le dépistage de l’hépatite C sur une base régulière dans le cadre de diagnostics réguliers pour les hommes gais séropositifs)
QUESTIONS
• Quelle est l’expertise de votre programme? rôle jouons-nous dans notre réseau d’organisations qui desservent la population vivant avec ou à risque immédiat • Quel de contracter le VIH et l’hépatite C (parmi d’autres conditions telles la pauvreté, le logement et l’emploi précaires, l’insécurité alimentaire)?
• Que pouvons-nous faire pour combler les lacunes? lacunes existent présentement que nous ne sommes pas en mesure de combler, et comment pouvons-nous • Quelles attirer l’attention à ces enjeux? services ou programmes spécifiques au VIH ou à l’hépatite C offrons-nous qui pourraient s’appliquer aux deux • Quels populations?
• Comment naviguons-nous et évaluons-nous les produits et les résultats du travail que nous faisons en partenariat? serait la pratique la plus logique dans notre organisation/notre région: le regroupement des services sous un • Quelle même toit, ou la coordination? • La navigation des soins de santé par les pairs serait-elle une bonne intervention dans notre organisation/notre région? provient notre information sur la situation et les enjeux touchant les gens à qui nous offrons nos services (par • D’où exemples, les changements dans la disponibilité ou l’offre de drogues, des obstacles émergeants aux services de soins de santé, etc.)?
une rémunération adéquate à vos pairs travailleurs? Sinon, quel est votre plan pour assurer que vous serez • Offrez-vous en mesure de les rémunérer dans un avenir proche? pourriez-vous incorporer des messages entourant le VIH et l’hépatite C dans vos ressources et interventions • Où existantes en promotion de la santé? programme de soutien au traitement améliorerait-il nos services? Comment pourrions-nous l’implémenter dans • Un notre organisation? les principes GIPA et MIPA sont-ils inclus dans notre organisation? Les gens vivant avec l’hépatite C • Comment sont-ils aussi impliqués de façon significative dans notre organisation?
pourrions-nous implémenter un Conseil consultatif des patients ou une structure semblable dans notre • Comment organisation? sont les étapes pratiques dont il faudrait suivre pour aborder la transmission sexuelle de l’hépatite C dans nos • Quelles programmes s’adressant aux hommes gais séropositifs? Quels seraient les défis?
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Résumé : Programmes prometteurs : Passer d’une approche centrée sur le VIH et l’hépatite C à un examen des déterminants sociaux et structurels de la santé identifie les bonnes pratiques (par exemple,
des programmes et services) suivies avec succès par des organisations à travers le Canada afin d’intégrer leur approche au VIH et à l’hépatite C. Par exemple :
les programmes existants qui fonctionnent • Identifier bien et qui ont la capacité d’être élargis pour servir les personnes vivant avec ou à risque immédiat de contracter le VIH ou l’hépatite C, améliorant potentiellement les résultats en santé pour un groupe ou l’autre.
des nouveaux partenariats pour soutenir • Bâtir une approche intégrée, et maintenir ou élargir les partenariats existants entre votre organisation et d’autres groupes.
le pont entre les organismes communautaires • Faire (OC) et les services cliniques en renforçant ou en
normalisant les parcours de prise en charge--soit en coordonnant les services entre les organisations, ou en regroupant les services traditionnellement offerts par une organisation (par exemple, une clinique de maladies infectieuses ou un centre de santé académique) avec ceux d’une autre (par exemple, une organisation communautaire).
les programmes de pairs pour profiter des • Élargir capacités des personnes avec de l’expérience vécue,
surtout dans la navigation du système de santé et le travail de proximité, structurant les postes pour qu’ils offrent une rémunération équitable, des objectifs clairs de renforcement des capacités et une voie vers du travail plus stable ou permanent.
l’information reliée au VIH et à l’hépatite • Coordonner C dans les interventions de promotion de la santé,
surtout les programmes de distribution et d’échange de matériel d’injection, les contextes de dépistage, et, de plus en plus, incorporer l’hépatite C dans les programmes visant les hommes gais séropositifs.
des programmes de soutien au traitement • Fournir qui misent sur l’expérience vécue et la résilience dans l’accès et l’adhésion au traitement contre le VIH et l’hépatite C.
des conseils consultatifs composés de • Incorporer personnes avec de l’expérience vécue dans l’organisation ou dans les programmes.
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Ressources : Le manifeste de HepCBC est disponible en ligne à l’adresse suivante : http://hepcbc.ca/wp-content/uploads/2014/02/ HCV_MANIFESTO_20140116.pdf Un résumé des programmes de navigation par les pairs en Colombie-Britannique est inclus dans l’essai Vers un nouveau paradigme : l’histoire du Projet STOP de Vancouver, disponible à l’adresse suivante : http://www.catie.ca/fr/pdm/ printemps-2014/vers-nouveau-paradigme-histoire-projetstop-vancouver Carol Strike et al., Best Practice Recommendations for Canadian Harm-reduction Programs that provide service to people who use drugs and are at risk for HIV, HCV and other harms, disponible au : http://www.catie.ca/sites/default/files/ bestpractice-harmreduction.pdf Ontario HIV and Substance Use Training Program (OHSUTP), www.ohsutp.ca Pour de la documentation sur la transmission sexuelle de l’hépatite C parmi les hommes gais séropositifs au VIH, veuillez consulter :
Consultez également : Bradshaw et al. “Sexually transmitted hepatitis C infection: the new epidemic in MSM?” Current Opinion in Infectious Diseases. 26 février 2013 Mass, Lawrence D. “Gay men should be tested for hepatitis C,” The Huffington Post, 30 octobre 2013, disponible au: http://www.huffingtonpost.com/lawrence-d-mass-md/gaymen-should-be-tested-for-hepatitis-c_b_4173735.html Price et al. “Hepatitis C amongst men who have sex with men in London – a community survey,” HIV Medicine 14.9 (Octobre 2013) Schmidt, et al. “Prevalence of hepatitis C in a Swiss sample of men who have sex with men: whom to screen for HCV infection?” BMC Public Health. 6 janvier 2014 van de Laar et al. “Evidence of a large, international network of HCV transmission in HIV-positive men who have sex with men.” Gastroenterology, mai 2009
CATIE a produit deux fiches d’information sur la transmission sexuelle de l’hépatite C parmi les hommes gais séropositifs au VIH. Pour la mise à jour la plus récente (avril 2014), veuillez consulter le lien suivant : http://www.catie.ca/ fr/nouvellescatie/2014-04-03/chercheurs-enquetent-presencevirus-hepatite-c-chez-les-hommes-gais-bisexu; pour de plus amples renseignements, consultez la fiche d’information datant de 2011 (http://www.catie.ca/fr/pdm/printemps-2011/ transmission-sexuelle-hepatite-c-les-hommes-seropositifs-gaisbisexuels-sont-ils-)
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Approches communes :
L’intégration et le renforcement des capacités ENJEUX Dans notre sondage national auprès des intervenants et les entrevues auprès d’acteurs clés effectués lors de la préparation de ce Guide des bonnes pratiques, les répondants ont réitéré à maintes reprises l’importance de la formation du personnel et des bénévoles : ce qu’ils font, comment ils le planifient et les lacunes actuelles en termes d’information. En partie puisque nous développons ce Guide des bonnes pratiques d’un point de vue organisationnel, nous sommes guidés dans cette tâche par la bonne volonté et le désir réel des organisations de travailler ensemble plus souvent et en plus de profondeur pour partager leurs succès et renforcer notre secteur. Ce chapitre élabore les pratiques clés d’organisations à travers le pays pour la formation du personnel et des bénévoles entourant le VIH, l’hépatite C, les déterminants sociaux de la santé, la réduction des méfaits, la santé et la consommation de drogues, la santé sexuelle et l’atténuation de la pauvreté. De façon presque universelle dans notre sondage, les organisations ont signalé leur dépendance marquée sur les matériaux imprimés et électroniques, ainsi que les opportunités de formation en personne, offerts par CATIE, le courtier du savoir national au Canada sur le VIH et l’hépatite C. Se basant sur les matériaux offerts par CATIE, plusieurs organisations ont bâti davantage d’opportunités d’apprentissage dans leurs programmes de développement du personnel et des bénévoles.
CSC et des infirmiers en santé publique, qui ont noté qu’il existe souvent des listes d’attente pour se joindre à leurs programmes. Les pratiques suivantes représentent des points communs dans les programmes de formation du personnel et des bénévoles au Canada :
La grande majorité de ceux interviewés ont signalé un aspect particulièrement facile par rapport à la formation dans notre secteur : l’enthousiasme, le dévouement et l’intérêt marqué qu’apportent les candidats à leur travail. C’était particulièrement le cas pour le personnel des
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PRATIQUES Identifiez les besoins communs en apprentissage pour le personnel et les bénévoles de votre organisation; développez et implémentez un programme commun de formation, ajustant les ressources communes au contexte de votre organisation. Voici une série de modules de renforcement des capacités identifiés par nos répondants au sondage et les acteurs clés interviewés, divisés en deux catégories : la formation initiale (offerte immédiatement après l’embauche) et l’apprentissage continu (offert lorsque les employés deviennent plus familiarisés avec leur rôle).
La formation initiale au VIH : Plusieurs organisations au Canada et à travers le monde ont développé un éventail d’introductions au • Intro VIH, y compris la progression de la maladie, la transmission, les populations prioritaires et les déterminants sociaux de la santé. Pour un répertoire de plusieurs matériaux canadiens d’échange de connaissances sur le VIH, consultez le Centre de distribution de CATIE, au www.catie.ca.
à l’hépatite C : Moins de ressources sont disponibles sur l’hépatite C, en raison de l’attention inadéquate accordée • Intro à l’épidémie mondiale de l’hépatite C. Le site www.hepcinfo.ca de CATIE offre une éducation claire et concise, ainsi que des informations approfondies sur la prévention, la progression de la maladie et le traitement.
à la réduction des méfaits : Pour ceux qui travaillent auprès des consommateurs de drogues, de fortes connaissances • Intro des principes et des pratiques de la réduction des méfaits, y compris l’injection et l’inhalation plus sures et la prévention
et la sensibilisation à l’overdose, sont essentielles. Parmi plusieurs ressources, le programme de formation Ontario HIV and Substance Use Training Program (OHSUTP) offre des ateliers aux professionnels de la santé ontariens. Visitez le www.ohsutp.ca pour en
à la consommation de drogues : Plusieurs organisations sondées fournissent des formations sur la consommation • Intro de drogues via des programmes de préceptorat : des formations un-à-un entre les nouveaux employés et des gens qui travaillent dans le domaine depuis longtemps. Cette pratique est importante puisque les habitudes de consommation et la disponibilité des drogues peuvent varier entre endroits et régions. L’OHSUTP (www.ohsutp.ca) et le TRIP! Project (www.tripproject.ca) ont d’excellentes ressources.
: Les préceptorats ont été identifiés de façon quasi-universelle comme étant fondamentaux pour les • Préceptorats nouveaux employés et pour les employés expérimentés se retrouvant dans des nouveaux rôles, offrant un apprentissage appliqué et des conseils de personnes et d’organisations s’étant distingués dans le domaine. La pratique a été identifiée en particulier par les personnes travaillant dans la santé publique et dans des contextes cliniques. Il a également été signalé que dans les domaines avec des stratégies provinciales, les préceptorats et d’autres programmes de formation des employés étaient plus faciles à gérer par les organisations, puisque des objectifs d’apprentissage et des indications communs pouvaient être gérés de façon centralisée, et des ressources étaient mises de côté pour permettre aux nouveaux employés de voyager aux organisations plus établies pour leur formation.
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L’apprentissage continu traitement : Le VIH et l’hépatite C sont des domaines complexes, et cela peut exiger un peu de temps pour que le • Lepersonnel puisse incorporer de l’information détaillée sur le traitement dans leur apprentissage. Cependant, l’accent
sur le traitement est de plus en plus présent dans les organisations, en partie parce que l’hépatite C est en transition d’une maladie chronique à une maladie guérissable en raison de thérapies innovatrices, et en partie puisqu’il y a de plus en plus d’emphase placé sur le traitement comme prévention pour le VIH et les thérapies contre le VIH comme prophylaxie pré- et post-exposition. CATIE (www.catie.ca) est la source principale canadienne d’information pour le traitement, et le CCSAT (www.ctac.ca) peut vous mettre à jour sur la disponibilité, par régime de médicament, des nouveaux traitements contre le VIH et l’hépatite C. En ce qui a trait les nouvelles thérapies en développement, l’organisation newyorkaise Treatment Action Group (TAG) et le rapport annuel Pipeline Report de l’organisation britannique i-Base (www.pipelinereport.org) sont des ressources essentielles.
conférences et les ateliers : Les conférences et les ateliers sont essentiels pour permettre aux professionnels de notre • Les secteur de mettre à jour leurs connaissances, d’apprendre au sujet de nouveaux enjeux majeurs en recherche, en
politiques et en programmation du domaine, d’identifier les lacunes et de faire des liens avec des pairs professionnels. CATIE (www.catie.ca) tient à jour une liste de conférences canadiennes à venir (ainsi que les conférences internationales pertinentes), et pour ceux qui ne sont pas en mesure d’assister en personne, leur Institut d’apprentissage offre un excellent résumé des principales leçons apprises.
wébinaires : Les wébinaires sont offerts de plus en plus fréquemment dans notre secteur afin de transférer • Les des connaissances au sujet de nouvelle recherche, de politiques et de programmes en réunissant les gens dans un
contexte virtuel, économisant sur les couts de réunions. Au course de la dernière année, des wébinaires majeurs ont été offerts par plusieurs organisations partenaires dans le domaine du VIH, y compris CATIE (www.catie.ca), le CCSAT (www.ctac.ca), la Société canadienne du sida (www.cdnaids.ca) et la Coalition interagence sida et développement (www.icad-cisd.ca). L’ASPC a également offert une série de mises à jour sur les programmes et les populations clés via wébinaire. Chaque organisation permet de s’abonner à une liste de diffusion par courriel sur leur site web.
N’oubliez pas la formation des bénévoles! Plusieurs d’entre vous, surtout dans vos capacités en tant que gestionnaire, portent beaucoup d’attention à la formation du personnel, en partie puisque vous êtes responsables du développement professionnel et de l’évolution de vos employés. Les organisations ne devraient pas, cependant, oublier ou négliger la formation des bénévoles. Après tout, la plupart de nos organisations dépendent de contributions de nos bénévoles dévoués, et donc des opportunités importantes pour leur propre apprentissage sont pris au sérieux, avec des résultats planifiés et mis à l’horaire sur une base régulière. Il est important de garder à l’esprit le fait que plusieurs bénévoles, surtout ceux vivant avec le VIH et l’hépatite C, considèrent le bénévolat comme une forme de renforcement des capacités et comme un tremplin important pour retourner au monde du travail ou vers une nouvelle carrière. Pour cette raison, il est essentiel de donner aux opportunités de bénévolat un « arc » d’apprentissage, ainsi que de communiquer clairement au sujet de la disponibilité (ou non) de postes payés au sein de votre organisation (voir en particulier, « Les programmes de pairs » dans le chapitre intitulé « Programmes prometteurs »). Les dirigeants des organisations doivent assurer un équilibre approprié avec les programmes de bénévolat : créer et encourager des opportunités qui sont intéressantes, satisfaisantes et qui permettent aux gens d’apprendre tout en s’assurant de ne pas transférer des activités de base de l’organisation à des personnes qui ne sont pas rémunérées.
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QUESTIONS
• Quel est votre programme de formation du personnel et des bénévoles? • Quelle sorte de formation initiale doit être offerte? • Quelle formation offrez-vous sur une base continue? • De quelles ressources externes vous servez-vous pour offrir votre formation? • Comment votre programme de formation des bénévoles est-il différent de votre formation du personnel? • Vos rôles et opportunités pour les bénévoles sont-ils bien définis, y compris les attentes d’apprentissage et de croissance? lacunes sont présentes dans vos matériaux de formation? Y a-t-il d’autres organisations avec lesquelles vous • Quelles pourriez travailler pour développer de nouvelles ressources de formation pour combler ces lacunes?
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Ressources : CATIE : www.catie.ca CCSAT : www.ctac.ca Hep C Info : www.hepcinfo.ca Ontario HIV and Substance Use Training Program (OHSUTP) : www.ohsutp.ca TRIP! Project : www.tripproject.ca TAG et le rapport Pipeline Report de i-Base sur le VIH: www.pipelinereport.org LA Société canadienne du sida : www.cdnaids.ca Coalition interagence sida et développement : www.icad-cisd.ca
Résumé : Approches communes : l’intégration et le renforcement des capacités identifie les pratiques
suivies par des organisations à travers le Canada afin de fournir une formation à leur personnel et à leurs bénévoles, y compris :
les domaines de formation de base pour • Identifier les employés et les bénévoles, à la fois au moment de l’embauche ainsi que tout au long du développement continu du personnel et des bénévoles.
une variété • Fournir dans une multitude
d’opportunités de formation de styles d’apprentissage, y compris les ateliers, les conférences, les préceptorats et l’apprentissage par internet (par exemple, les wébinaires).
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Conclusion La plupart des bonnes pratiques soulignées dans ce Guide encouragent de boucler la boucle entre les différents services (p.ex. le dépistage, le traitement, le soutien communautaire, la sécurité alimentaire, la sécurité du revenu, etc.) En tirant des conclusions de ce guide, on pourrait se poser la question suivante : Ne serait-ce pas la solution la plus logique que de rassembler tous les services pertinents au VIH et à l’hépatite C dans une organisation, et d’assurer que cette organisation soit la plus stable et munie de ressources financières, par exemple une clinique? En effet, une bonne partie de la réponse actuelle à l’hépatite C est située dans les cliniques. Plusieurs personnes reçoivent des tests, des diagnostics, sont traités et guéris sans même mettre le pied dans un organisme communautaire. C’est beaucoup moins le cas pour le VIH, quoique il y existe des endroits au pays, surtout là où le fardeau des nouvelles infections au VIH est plus récent, où la majorité du travail entourant le VIH a lieu dans un contexte clinique.
tout, après bien trop longtemps, les personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C continuent de mourir de pauvreté, et non pas d’une des deux maladies; nous n’avons pas suffisamment de sécurité en matière de logement, de nourriture ou de revenus pour les personnes avec lesquelles nous travaillons; nos communautés sont trop souvent divisées, exprimant des attitudes stigmatisantes les unes envers les autres au lieu d’identifier et de se réunir autour de défis communs.
Si nous avions à rebâtir la réponse au VIH et à l’hépatite C en repartant à zéro, est-ce que tous les services seraient fournis dans un contexte clinique? Et sinon, seraientils fournis dans un contexte conventionnel de services sociaux, comme un bureau de services d’invalidité ou en centre d’emploi? Rappelons-nous du premier chapitre de ce Guide : le système parallèle de services pour le VIH a été bâti puisque le système public était trop stigmatisant envers les consommateurs de drogues et trop homophobe pour traiter adéquatement les personnes touchées lors de la crise du sida. Cela dit, ne devrions-nous pas avoir comme but ultime de changer les attitudes et de gagner suffisamment d’inclusion pour pouvoir mettre fin à notre système parallèle?
S’il y a un objectif primordial dans ce Guide des bonnes pratiques sur une approche intégrée au VIH et à l’hépatite C, il s’agit de rendre l’organisation et l’administration de notre réponse plus forte et plus accessible aux personnes que nous desservons, pour qu’ils vivent moins de lacunes, moins de stigmatisation et des meilleurs résultats de santé. Ce Guide permet ainsi de donner les moyens à chacun de s’impliquer dans les sortes de mesures collectives qui mèneront à un remède, et de s’assurer que les leçons finales tirées des mouvements du VIH et de l’hépatite C viennent soutenir les efforts continus de mettre fin à la pauvreté, la colonisation, la xénophobie, le logement précaire, l’insécurité alimentaire, l’homophobie, la transphobie et tout autre déterminant de la santé négatif qui nous affecte, qui affecte les personnes à qui nous fournissons des services et qui affectent ceux qui nous sont chers.
Une raison pour laquelle plusieurs ressentent de l’anxiété face à la décision de l’ASPC de fusionner les fonds communautaires est qu’il y a un sentiment que la réponse au VIH et à l’hépatite C de la part des organisations communautaires pourrait être perçue comme ayant fait son temps. Mais il ne s’agit que d’une perception. Après tout, ce n’est pas pour rien qu’il y a eu une résistance si forte et continue au cours des deux épidémies contre la perte ou l’érosion de la riposte communautaire.
Après tout, comme l’indiquent plusieurs des pratiques dans ce Guide : même lorsque nous aurons guéri le VIH et l’hépatite, plusieurs injustices--contre lesquelles nous nous battons tous--resteront.
Quoique les documents comme ce Guide des bonnes pratiques démontrent toutes les bonnes raisons de développer des partenariats, de lier les services, d’améliorer la coordination ou de regrouper des services, ils démontrent également la nécessité d’une réponse communautaire renforcée: après
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Notes