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Préface
Kim Waldron. Une autre femme_Another Woman est un ouvrage rétrospectif portant sur quinze années de pratique de l’artiste Kim Waldron. Le titre de cette publication fait référence à l’utilisation quasi constante de l’autoportrait par l’artiste. Ici, l’autre femme, c’est elle-même. Dans ce contexte, le titre doit rappeler la célèbre affirmation d’Arthur Rimbaud « Je est un autre » dans sa lettre à Paul Demeny datée du 15 mai 1871. Remettant en question les frontières entre l’identité et altérité, cette formule paradoxale se traduit dans les récits de Waldron, en une dualité entre réalité et fiction, et s’enchevêtre aux difficultés posées par cette dualité. Dans ses projets, elle devient cette autre femme, cette autre femme c’est l’aboutissement de ce devenir. Quand l’artiste devient politicienne, elle travaille réellement sur sa campagne électorale et y consacre tout son temps. Pour devenir bouchère, l’artiste passe près d’un an à étudier la boucherie.
Les autoportraits de Kim Waldron se présentent sous de multiples formes, qu’ils soient photographiques, vidéographiques, lithographiques, littéraires ou même légaux dans le cas du projet Kim Waldron Limited. Avec l’autoreprésentation, l’utilisation du corps en représentation s’adjoint aussi une dimension performative importante. C’est le travail de Waldron qui m’a fait comprendre que le corps est en action même quand il est immobile. Chacun de ces fragments, de ces moments qu’elle fixe en image suppose à juste titre un passé, un présent et un futur qui génère de multiples récits non seulement ancrés dans les actions qui y sont représentées, mais dans le corps même de l’artiste. Son corps évolue et se transforme avec sa démarche et façonne ses récits.
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Kim Waldron aime raconter des histoires et aime se raconter. S’il est vrai qu’elle s’intéresse à la dichotomie entre réalité et fiction, il ne faut pas s’y méprendre; la fiction alimente ses propositions, certes, mais l’artiste se transforme aussi et devient fréquemment source des réalités qu’elle incarne physiquement dans ses œuvres. La fiction est primordiale au moment de préparer ses projets, au moment d’en faire la rédaction; par la suite cet aspect est maintenu par le discours de l’artiste plutôt que par ses actions et ses performances. Si la fiction persiste, c’est habituellement parce que Waldron juxtapose à ses créations, une fois finalisées, les récits qui en ont façonné l’existence par ses cartels, ses titres, ses entretiens et ses écrits. Pour bien comprendre son travail, il est important d’en assimiler la part conceptuelle et la part formelle, et cela passe par un entendement qui dépasse l’image unique et doit incorporer le processus de création et le discours de l’artiste. En plus de répondre à ces attentes, cet ouvrage comprend aussi un essai de Marie-Ève Charron et un texte littéraire de Jacob Wren qui viennent tous deux bonifier et enrichir cette expérience du travail de Waldron.
— Jean-Michel Ross