L’Opération Epervier au Cameroun Un Devoir d’Injustice ?
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CHARLY GABRIEL MBOCK (Coordination scientifique)
L’Opération Epervier au Cameroun Un Devoir d’Injustice ?
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© KiyiKaat Editions, Montréal, Octobre 2011 ISBN : 978-2-923821-03-0 Dépôt légal - Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Octobre 2011 Dépôt légal - Bibliothèque et Archives nationales Canada, Octobre 2011 Tous droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays.
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TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS ....................................................................................... IX LES AUTEURS .............................................................................................. XI INTRODUCTION : RENDRE GORGE ........................................................... 1 1 LA GALERIE DES EPERVIES .................................................................. 7 2 L’ENTREE EN INJUSTICE DE LA JUSTICE CAMEROUNAISE ............. 27 3 IL SUFFIT D’UNE INJUSTICE… ............................................................. 37 4 PROCES ET PROCEDURES : ETAT DE NON DROIT PERMANENT ? .. 47 5 JUSTICE CAMEROUNAISE : NAUFRAGE AU PORT DE DOUALA ? .... 73 6 EPERVIER : POLITIQUE ET CRIMINALISATION DES PROCES........... 97 7 ETONDE EKOTO : DETOURNEMENT JUDICIAIRE D’UNE VIE ? ... 107 8 L’EPERVIER DANS LES MEDIAS: LE MAL DE L’AIR ?....................... 119 9 ILS ONT PARLE DE L’EPERVIER… .................................................... 125 10 VERITES D’OPINION OU VERITE DE JUSTICE ? .............................. 147 11 EPERVIER : AU NOM DE LA DEPENDANCE JUDICIAIRE ? ............. 157 12 JUSTICE ET RESPONSABILITE : DEUX VALEURS DECLASSEES ?..... 165 13 QUE FONT-ILS ENCORE EN PRISON ? ............................................... 175 14 OHADA ET LA REPRESSION JUDICIAIRE DANS L’OPERATION EPERVIER ............................................................................................. 181 15 UN DEVOIR D’INJUSTICE ? ................................................................. 191 CONCLUSION : LE PROCES DE LA JUSTICE ........................................... 203 BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................ 215
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« Dans ses relations avec l’opinion publique, la justice ne doit pas craindre le regard critique porté sur son fonctionnement en général ou dans une situation particulière. » Pierre Truche, Juger et être jugé, Fayard, 2001
« La justice pénale est déjà très barbare, mais elle ne punit de mort que pour un crime commis. La politique est plus barbare encore : elle peut tuer pour un vague danger, une précaution (…) Il suffit de peu pour que l’art politique se dégrade en boucherie. » Edgar Morin, La Dialectique de l’Action, 1958
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A vous Que l’Injustice a giflés Par présomption de culpabilité.
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REMERCIEMENTS Au risque de blesser leur modestie, nous voudrions dire notre dette aux auteurs dont chacun, loin de toute intention d’injure, a assumé son engagement d’intellectuel et de citoyen en faveur de la Justice, valeur fondatrice et protectrice de toute ambition de gouvernance. Regina a discrètement servi de cheville ouvrière à l’ensemble du processus ; et les observations pertinentes de certains relecteurs regardants furent une Grâce. Puissent-ils accepter nos sincères remerciements. Surmontant leur affliction, certaines familles sévèrement violentées ont honoré notre équipe de leur disponibilité pour des entretiens de recoupements parfois pénibles, mais propres à éclairer l’Opération Epervier d’une autre lumière. Que chacune d’elles trouve ici l’expression de notre respectueuse gratitude.
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LES AUTEURS Claude ASSIRA est Docteur en Droit de l’Université Panthéon-Assas, Paris II. Avocat aux Barreaux de Paris et du Cameroun, il est Enseignant des Sciences juridiques à l’UCAC, Université Catholique d’Afrique Centrale. Il vient de publier Procédure pénale et Pratique de juridiction camerounaise depuis le Code de 2007, aux Editions CLE de Yaoundé. Hilaire Landry BATAMACK est juriste, Analyste politique et Consultant. Il s’est fait remarquer par ses analyses sur certaines situations de crise dans les sociétés africaines modernes. Alain Blaise BATONGUE est Journaliste Diplômé de l’ESSTIC, (Ecole des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication du Cameroun) et Licencié en Droit public. En plus de ses fonctions de Directeur de Publication du Quotidien Mutations, il est Vice-président de l’UPF, Union Internationale de la Presse Francophone et Consultant en communication pour certains organismes de coopération internationale. Albert NGUEND DIME est PCA de l’Association Cameroun Entreprise Développement (ACED)/Institut Européen de Coopération et de Développement IECD, Président de l’Association Camerounaise pour le Développement de la Famille (A.C.D.F), Membre du Bureau Exécutif de l’Association des Amis du Brésil au Cameroun (ASAB). Titulaire d’une Maitrise en Droit des Affaires de l’Université de Yaoundé I, il est Avocat au Barreau du Cameroun, spécialisé dans Les Entraves à l’exécution des décisions de justice. Il est Consultant de la Société Financière Internationale. Enoh MEYOMESSE est Diplômé de l’IEP, Institut d’Etudes Politiques de Strasbourg et Maître ès Sciences politiques de l’Université de Paris II. Essayiste prolifique, il est spécialiste de l’histoire de la décolonisation de l’Afrique, auteur de plusieurs ouvrages richement documentés sur l’histoire sociale et politique du Cameroun. Alain Didier OLINGA est Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé 2, Chef de Département de Droit International à l’IRIC, Institut des Relations Internationales du Cameroun. Il s’est distingué dans l’opinion et dans les milieux scientifiques par l’objectivité et la pertinence des analyses juridiques qu’il fait des événements politiques et des situations sociales au Cameroun. Jean Baptiste SIPA est un Journaliste chevronné. Correspondant de l'AFP (198790), il a publié en 1991 Outrage à la République, un opuscule bilan de la Tripartite. Sa longue et riche expérience a profité au Syndicat des Journalistes Employés du Cameroun et à plusieurs générations d’hommes de Presse, dont le très regretté Pius Njawé, auquel il a dû succéder comme Directeur de Publication du Quotidien Le Messager. Membre du C3, Collectif Changer le Cameroun, il dirige « Article 55 » une Association pour la défense des droits de la Presse.
Un Devoir d’Injustice ? | 1
INTRODUCTION : RENDRE GORGE Les pages que vous venez d’ouvrir s’efforcent de rendre compte de deux années d’interrogations, d’échanges et de partage sur l’Opération Epervier. Quelques années après le vif mouvement de foule suscité par le discours officiel sur la fin de l’impunité des gangsters « à col blanc » désormais sommés de « Rendre gorge », l’opinion nationale et internationale est plutôt perplexe. Et c’est l’estomac noué qu’elle suit le déroulement d’une Opération dont chaque phase lui fait craindre que le Cameroun ne se soit engagé dans un vaudou judiciaire émaillé de rituels sacrificiels. Vaudou judiciaire et rituels sacrificiels Cette entreprise a présenté ses objectifs officiels : la lutte contre la corruption, l’assainissement des mœurs managériales au Cameroun, dans les Entreprises d’Etat comme dans la Fonction publique. Programme louable par ses nobles intentions qu’il n’est venu à l’idée de personne de disputer. Restait la mise en exécution, les méthodes, la manière. Des personnalités ont été interpellées, certaines jugées et condamnées, d’autres élargies. Les chefs d’accusation sont multiples et il s’en découvre chaque jour, occasionnellement contre des justiciables dont la cause semblait pourtant entendue et les procès clos. D’autres personnes emprisonnées depuis de longues années attendent l’insigne privilège d’être enfin jugées ; mais peu de cas semble fait des délais légaux de détention provisoire. Le bon sens est gravement dérouté lorsqu’il s’observe que pour les mêmes faits, dans un même pays, certains Camerounais sont littéralement persécutés pendant que d’autres, non satisfaits de ne pas être inquiétés, jouissent de promotions dans les organigrammes de l’Etat. Cette discrimination révèle un arbitraire sélectif qui fait injure aux lois et au droit. Les mécanismes mis en marche dans l’Opération Epervier donnent l’impression que la préoccupation de leurs animateurs n’est pas d’établir la réalité et la vérité des faits reprochés aux prévenus, mais de condamner, à tout prix, tous ceux qui, de manière aussi discrétionnaire qu’embarrassante, sont désignés au « Rouleau compresseur » de l’Opération. Entre le discours moral sur l’urgence d’assainissement et l’immoralité des manœuvres et violences procédurales, la contradiction s’est avérée constante et croissante ; par effet cumulatif elle a fini par convaincre
2 | L’Opération Epervier au Cameroun les plus sceptiques que le Cameroun s’est engagé dans un véritable ésotérisme judiciaire : les rituels sacrificiels y semblent aussi impératifs que récurrents, comme pour donner des gages à quelque divinité extranationale en la gorgeant de sang camerounais. Dans la langue française, « rendre gorge » c’est restituer sous la contrainte ce qu’on s’est indûment approprié. Aurait-on pensé que faire rendre gorge c’est faire rendre l’âme, et donc égorger ? Une aussi terrible hypothèse persuaderait les plus naïfs que le pire est peut-être à venir. L’immolation, rituelle ou non, est une dérive qui n’a pas nécessairement l’adhésion des victimes humaines. L’exemple le plus connu de l’humanité est le sacrifice volontaire du Fils de Dieu. Au moment fatidique, tout Fils de Dieu qu’il était, le Christ a tenté de se soustraire à un sort qu’aucun être humain n’embrasse spontanément. Rendu au point culminant de son humanisation il a poussé le cri de détresse qu’on sait1. La vocation du Christ voulait pourtant qu’un Innocent fût sacrifié « pour le salut du monde ». Et bien des théologies s’en inspirent pour enseigner la résignation, laquelle fait accepter des violences sociales, économiques et judiciaires : « puisque le Christ avait souffert volontairement, écrit Camus, aucune souffrance n’était plus injuste, chaque douleur était nécessaire (…) Seul le sacrifice d’un dieu innocent pouvait justifier la longue et universelle torture de l’innocence »2. Cependant il n’existe pas de vocation humaine de souffrance. Le destin de l’homme ne se définit guère par une immolation à l’autel de l’on ne sait quelle divinité. C’est pour cela que le test inhumain et cruel de foi et d’obéissance auquel Jéhovah soumet Abraham a dû se conclure par la substitution d’un bélier à son fils Isaac. Au plus fort de son courroux et de sa volonté de réprimande, Jéhovah hésite encore, toujours et longtemps, à supprimer la vie. Ce n’est sans doute pas la déesse Justice qui pourrait prétendre prospérer par l’extermination de justiciables dont la culpabilité, qui plus est, reste à établir. Qu’un Epervier se livre allègrement à des immolations judiciaires fait donc penser qu’on a sorti son « Opération » de son cadre social, juridique et moral pour l’inscrire au palmarès des rituels opaques et occultes, sinon ésotériques. L’allusion au sacrifice par la crucifixion suggère que la ritualisation ainsi alléguée de l’Opération Epervier n’aurait rien de chrétien, en tout cas plus rien de la foi croyante en général. Il 1 « Eloï, Eloï, lama sabachthani ! ». « Mon Dieu, mon Dieu, Pourquoi m’as-tu abandonné ? » cf. Les Evangiles de Matthieu, 27, 46, Marc, 15, 34, etc. 2 A. Camus, in L’Homme révolté, Gallimard, 1951, p. 54
Un Devoir d’Injustice ? | 3 devient difficile dans ces conditions d’empêcher l’esprit de s’en scandaliser : « Le jour où le crime se pare des dépouilles de l’innocence, par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c’est l’innocence qui est sommée de fournir ses justifications »3. Visibilité et vision de renaissance Il aura cependant fallu préserver un tant soit peu de sérénité pour écouter patiemment certains justiciables, et suivre attentivement certains justiciers. Il a fallu prendre quelque distance pour se faire une opinion équilibrée de l’ensemble du processus punitif ainsi déclenché - et dont on a pu légitimement craindre que l’ambition d’assainissement n’ait été dévoyée par des procédures judiciaires biaisées sous la pression d’intérêts contradictoires ou, dans certains cas, inavoués. Ces pages se définissent donc comme une observation analytique du processus déclenché au Cameroun sous le nom de L’Opération Epervier. La description et l’examen de ce processus conduisent à évaluer le seuil d’indépendance ou de caporalisation de la Justice en République du Cameroun. Une simple description d’un phénomène aussi ravageur eût en effet perdu tout son intérêt si elle n’avait pris en compte la pulsion de justice et d’équité que tout mécanisme judiciaire suscite ; puisque par un paradoxe heureux, toute entreprise qui se veut judiciaire est à la fois une source d’espoir pour le déploiement de la justice et une menace pour la vie, à cause du risque de déni de justice que ladite entreprise comporte. Entre ces deux pôles, décrire peut s’apparenter à décrier, et écrire à crier. Après écoute, observation et analyse, ces pages se font l’écho des appels indignés des uns et des cris horrifiés des autres, lancés ou poussés dans le souci de redonner sa vue à Dame Justice aux yeux bandés, afin qu’elle ne persiste pas à fonctionner à l’aveuglette sous prétexte d’objectivité. Cet effort revenait, pour les auteurs, à se préoccuper de la visibilité de la Justice et de la vision du Cameroun qu’elle pourrait éventuellement comporter. Nombreuses en effet sont les interrogations, aussi pressantes les unes que les autres : L’Opération Epervier aura-t-elle donné lieu à des procès justes et équitables? Les droits de la défense y sont-ils au moins reconnus à défaut d’être respectés ? Les sanctions, lourdes pour la plupart, sont-elles proportionnelles aux délits et crimes présumés dont il est apparu - au regard des élucubrations vénales des 3 A. Camus, id. p. 16.
4 | L’Opération Epervier au Cameroun Experts judiciaires - qu’ils étaient fabriqués ou exagérés, et souvent plus attribués qu’effectivement commis ? Quelle réputation la Justice camerounaise revendique-t-elle dans cette expédition carcérale où, de l’avis commun, les jugements d’autorité étouffent arrogamment les jugements de vérité ? Et si de lourdes fautes d’expertise reconnues par le Contrôle Supérieur de l’Etat établissaient que la Justice s’était trompée pour avoir été trompée, serait-il si surhumain de faire le saut qualitatif pour que réparation judiciaire soit faite des erreurs judiciaires ainsi établies ? En somme, le Cameroun est-il ou pas disposé à faire flotter le drapeau de sa Justice et à reconnaître au corps d’élite qui la représente la légitime jouissance et la dignité de son indépendance ? Autant de questions qui taraudent l’esprit de tous ceux qui n’ont pas encore renoncé à penser, et qui estiment qu’une justice d’injustice est la garantie de l’effondrement, à brève échéance, de l’ensemble de l’édifice national, quels que soient les cieux. Car il ne s’agirait plus d’une simple faiblesse conjoncturelle aisément rattrapable, mais d’un grave manquement structurel aux conséquences institutionnelles incalculables. L’enjeu ne saurait donc se réduire à des querelles d’épiciers sur les deniers publics, les chiffres de catalogue publiés à la charge des prévenus ayant été, pour la plupart, compilés au mépris des règles et statuts des organismes où ces deniers étaient gérés. Les crimes présumés se veulent certes économiques et financiers, mais l’enjeu se découvre plus global, fondamentalement politique. C’est en cela qu’il sollicite plus d’une intelligence nationale en vue d’une concertation républicaine. Pour le Cameroun, un cycle s’achève sans avoir rien pu boucler, mais en exacerbant plutôt des urgences de renouvellement. Les Camerounais héritent ainsi de nombreux pôles névralgiques qui s’avèrent autant d’interpellations citoyennes pour l’avenir national. L’Opération Epervier en est une illustration au plan judiciaire : les interpellations carcérales qu’elle multiplie ne se limitent pas aux seuls prévenus qu’elle prive de liberté ; elles sont susceptibles de s’étendre à des espaces protégés, de se retourner contre l’Opération même et, ce faisant, d’exiger qu’un procès de la Justice soit honorablement instruit, afin que le Cameroun à renaître éclose à son avenir par la renaissance de sa Justice.
Un Devoir d’Injustice ? | 5 Un symbole, une hypothèse, une méthode Ce livre paraîtra injuste à certains égards : les justiciables de l’Opération Epervier sont nombreux, de profils et d’horizons si divers que toute globalisation équivaudrait à une carence méthodologique et relèverait d’un amalgame abusif, préjudiciable à l’intelligence de la situation. Il a donc bien fallu se limiter, au risque de voir confondre limitation et discrimination. Pour n’avoir eu ni la prétention, ni la possibilité d’analyser d’égale manière tous les cas qui méritaient chacun une attention soutenue, les auteurs laissent humblement l’illusion de l’exhaustivité à ceux qui s’en réclameraient. Tout bien considéré, et toute proportion gardée, il suffit parfois d’un symbole fort et hautement représentatif pour que certaines causes soient portées, autre chose étant qu’il leur soit fait droit. C’est dans cette hypothèse strictement méthodologique que « l'Affaire Port Autonome de Douala contre Siyam Siwe et les Autres » nous a semblé représentative de la problématique de l’Opération Epervier au Cameroun. C’est en effet au Port Autonome de Douala (PAD) que la barque judiciaire du Cameroun donne l’impression d’avoir fait naufrage pour avoir perdu son autonomie. Dans l’opinion, cette Affaire a été rebaptisée du nom d’une figure emblématique : elle est devenue « l’Affaire Etonde Ekoto », en référence à cet Officier supérieur de l’armée camerounaise dont l’itinéraire atypique et passablement anticonformiste suscite la méfiante curiosité des uns, le respect des autres, et bien des controverses selon les camps. Par intrusion, nous partons de cette expérience vivante pour tenter une lecture interdisciplinaire et contrastée de l’Opération Epervier. Juristes, historiens, sociologues, journalistes et anthropologues font mieux que s’y croiser : ils s’y rencontrent. Leurs analyses ne sont théoriques qu’en apparence : quand elles ne mordent pas directement au fait d’évidence la plupart, sinon toutes, trouvent matière à illustration dans la quasi totalité des procès de l’Opération Epervier. Cette transversalité est susceptible de nourrir d’autres initiatives. Aussi est-il loisible à quiconque en aura l’inspiration ou le désir de prolonger le présent effort de démonstration ou de consolider les illustrations par des cas spécifiques liés à tel ou tel procès de Tel ou de Tel autre justiciable. Du grain, il y en aura à moudre. En attendant ces travaux à venir, une somptueuse Galerie des Eperviés présente succinctement quelques personnalités ciblées par l’Opération (Alain Blaise Batongué et al.). Un historien évoque les premiers pas de
6 | L’Opération Epervier au Cameroun la Justice au Cameroun, d’où il ressort qu’il s’agissait d’un faux pas, la jeune nation camerounaise naissante ayant plutôt signé son entrée en injustice (Enoh Meyomesse). Des juristes - dont certains membres du Barreau national - nous éclairent sur l’Etat permanent de non droit qui prévaut tout au long des procédures (Claude Assira). Bien des manquements trahissent en effet l’escamotage du Traité OHADA et d’autres conventions internationales (Claude Assira et Albert N. Dime), par volonté de criminalisation des procès et de politisation de l’Opération Épervier (Hilaire Landry Batamack). D’où la crainte que la justice qu’on est censée rendre au nom du peuple ne soit plus rendue qu’au nom de sa propre dépendance (Alain Didier Olinga). Certaines tribunes s’étant un peu trop hâtivement érigées en tribunaux, bien des organes de presse se sont avérés plus inquisitoires qu’informatifs. Mais les medias ont progressivement réalisé que l’Epervier éprouvait le mal de l’air (Jean Baptiste Sipa) ; qu’il avait même du plomb dans l’aile comme l’attestent les personnalités politiques, religieuses et intellectuelles qui en ont parlé. Il n’ya pas jusqu’à certaines victimes comme les ministres Dieudonné Ambassa Zang et Urbain Olanguena Awono pour partager publiquement leur vérité sur l’épreuve qu’ils subissent. Mais que la vérité soit d’opinion ou de justice, détourner vingt et un ans d’une vie de labeur et d’efforts productifs ne saurait figurer au palmarès des exploits de droit ; et il suffit d’une injustice de cette nature pour que la responsabilité judiciaire d’une nation soit engagée, que la justice comme valeur soit déclassée et que l’ensemble du corps judiciaire s’expose à perdre son prestige et sa crédibilité. Le Cameroun se serait-il assigné quelque devoir d’injustice ? Charly Gabriel Mbock