Lumière et silence : Un journal intime eucharistique

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Série sur la nouvelle évangélisation

« Voici la sainte hostie… le vrai visage de Dieu est révélé. »

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Série sur la nouvelle évangélisation

Lumière et silence : Un journal intime eucharistique

— Pape Benoît XVI

Mgr Massimo Camisasca

SErVICE D’INFOrMaTION CaTHOlIquE

SErVICE D’INFOrMaTION CaTHOlIquE

« Qu’est-ce que nous venons faire devant toi, Seigneur ? Nous sommes ici par dessus tout pour adorer… » Dans ces réflexions intimes, écrites pendant des temps de prière devant le Saint Sacrement exposé dans sa chapelle, Mgr Massimo Camisasca nous conduit dans une profonde contemplation de l’Eucharistie. Fixant avec l’auteur notre regard sur « le plus grand signe de la folie de l’amour de Dieu », nous entrons dans un émerveillement toujours plus grand devant le don de la présence désarmée du Christ parmi nous.

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Lumière et silence : pages d’un journal sur l’Eucharistie © Copyright 2008, rubbettino. Tous droits réservés. www.rubbettinoeditore.it les œuvres citées sont la propriété de leurs

Série sur la nouvelle évangélisation 1 qu’est-ce que la nouvelle évangélisation ? 1èrE

Pa rT IE

« C a r D IE u

a TaN T a IMé lE MONDE

»

2 « Je crois en toi » : la question de Dieu dans le monde moderne 3 les mystères de la vie de Jésus 4 un Dieu qui est trois fois amour 5 « Nous sommes venus l’adorer » : une introduction à la prière à l’école de Benoît XVI

auteurs respectifs. 2èME les citations des écritures sont issues de la nouvelle traduction liturgique de la Bible de l’association épiscopale liturgique pour les pays francophones (aElF).

9 août 2013

N I H I l OB S TaT

Pa rTIE

« a PPE lE S

a a IME r …

»

6 appelés à aimer : la théologie de l’amour humain selon de Jean-Paul II 7 À l’image de l’amour : le mariage, la famille et la nouvelle évangélisation 8 Suivre l’amour pauvre, chaste et obéissant : la vie consacrée 3èME

Pa rTI E

… D a NS l’é g lISE , é P OuSE

DE l’a gNEau

9 « qu’il me soit fait selon ta parole » : Marie, à l’origine de l’église

Susan M. Timoney, S.T.D. le nihil obstat et l’imprimatur sont des

Censor Deputatus

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livre ou un livret ne contient pas d’erreurs

Cardinal Donald Wuerl

doctrinales ou morales. Cela n’implique

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pas que les personnes qui ont accordé le nihil obstat et l’imprimatur sont d’accord avec

archidiocèse de Washington

le contenu, les opinions ou les affirmations

10 avec le cœur de l’époux : le sacerdoce ministériel 11 la transfiguration du monde : les sacrements 12 lumière et silence : un journal intime eucharistique 4èME

Pa rTI E

« a IME r

EN aCT E E T EN VE rITE

»

13 libres en vue de quoi ? 14 la justice : la dignité du travail 15 la justice : l’évangile de la vie

qui y sont exprimés. 5èME IMagE

DE l a C O u V E rT u r E

: « Bon pélican… »

En raison de la croyance médiévale selon laquelle le pélican nourrissait ses petits avec du sang de son propre cœur, l’oiseau est devenu un symbole

Pa rTIE

« Il

NOu S a a IME S Ju Squ ’ au BOuT

»

16 la dignité de la personne souffrante 17 « regardez ! J’étais mort et me voilà vivant… » : la mort et la vie éternelle

traditionnel du don de lui-même fait par le Christ dans l’Eucharistie. Mosaïque de l’autel, chapelle du séminaire de la Fraternité Saint Charles Borromée, rome, Italie. la mosaïque a été réalisée par le père Marko Ivan rupnik et les artistes du Centre aletti en 2010. Copyright de la photo Elio et Stefano Ciol. avec leur aimable permission.

a NN E XES : O u TIlS

POur l a NOuV E llE EVa NgElISaT ION

a la beauté de la sainteté : l’art sacré et la nouvelle évangélisation B la technologie et la nouvelle évangélisation : Critères de discernement


« Notre Sauveur, à la dernière Cène, la nuit où il était livré, institua le sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang pour perpétuer le sacrifice de la croix au long des siècles, jusqu’à ce qu’il vienne, et pour confier ainsi à l’Église, son Épouse bien-aimée, le mémorial de sa mort et de sa résurrection : sacrement de l’amour, signe de l’unité, lien de la charité, banquet pascal dans lequel le Christ est mangé, l’âme est comblée de grâce, et le gage de la gloire future nous est donné. » —Concile Vatican II, Sacrosanctum Concilium, 47



Lumière et silence : Un journal intime eucharistique

Mgr Massimo Camisasca


Bon pélican, Seigneur Jésus, purifiez-moi, impur, par votre sang dont une seule goutte peut sauver le monde entier de ses crimes. Jésus, que j’aperçois maintenant voilé, je Vous prie, faites ce dont j’ai tant soif : que, contemplant à découvert votre Face, je sois heureux de la vue de votre gloire. Ainsi soit-il. (De l’hymne Adoro te devote, par saint Thomas d’Aquin)

Mosaïque de l’autel, chapelle du séminaire de la Fraternité Saint Charles Borromée, Rome. Copyright Photo Elio et Stefano Ciol. Avec leur aimable permission.


Introduction Ce petit livre rassemble quelques-unes de mes réflexions sur l’Eucharistie, le cœur du christianisme, le sommet de la révélation de Dieu à l’homme et de l’homme à lui-même. Je ne suis pas embarrassé de dire que les simples pensées qui apparaissent dans ces pages me sont venues pour la plupart devant l’Eucharistie exposée pour l’adoration dans ma petite chapelle. Ce sont les pages brèves d’un journal, reproduites soit telles qu’elles ont été écrites à l’origine, soit rédigées pour être incluses dans des homélies et des textes pour la méditation. —M. C. *** Ces pages ont été écrites lorsque Mgr Massimo Camisasca était supérieur général de la Fraternité Saint Charles Borromée, avant d’être nommé évêque. À cette époque, le père Camisasca résidait au généralat et au séminaire de la Fraternité à Rome, en Italie. Le lecteur trouvera donc de nombreuses références à « la communauté » et à « la maison » – indications de la communauté concrète de personnes qui ont nourri la rencontre de Mgr Camisasca avec la lumineuse présence du Christ dans l’Eucharistie. (– Ed.)

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L’école du silence 1993 Entrer dans la présence Pour comprendre l’Eucharistie, il faut comprendre le silence : le silence du Dieu Créateur, le silence de ce moment où tout a jailli de sa main, où il n’y avait pas de voix à part le grondement des eaux et les orages, les planètes, et le magma qui rampait lentement, se formant au fur et à mesure. Et par dessus tout, le silence de l’Esprit du Dieu Créateur. Le même silence dans l’étable de Bethléem. Et avant cela même, le silence du sein de Marie, le silence de son « oui ». Le silence de ce qui était caché et qui est pourtant réel. Le silence de ce petit enfant, si facilement méprisé, un grain de poussière comme une planète dans l’univers, et cependant la signification de toute chose. Le silence de la croix. Le silence du matin de la Résurrection, quand ils l’ont vu et reconnu – et l’écho n’a pas cessé de résonner. Le silence du baptême. Le silence du confessionnal. Le silence de la mort. C’est ainsi : pour comprendre l’Eucharistie, il faut comprendre que le centre du monde est ce silence invisible,

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charnel. « Invisible » parce qu’il sonde les profondeurs inaccessibles, impénétrables de la Trinité, comme un tourbillon dont les profondeurs nous attirent et nous effraient à la fois. Et cependant « charnel », visible, fait de pain ordinaire.

Une dimension à apprendre Nous craignons le silence – crainte qui nous révèle à nous-mêmes et crainte qui nous révèle à toi. En réalité, le silence est plein de miséricorde : il n’a pas de mots de condamnation mais seulement l’impuissance de celui qui s’est donné jusqu’au bout. À l’école du silence – et seulement à cette école – les mots acquièrent leur poids définitif, ou se montrent tels qu’ils sont : illusoires, diaboliques, superficiels ou inappropriés. Si nous n’aimons pas le silence, c’est parce que nous ne savons pas quoi dire ni quoi demander, oubliant que c’est toujours l’Esprit qui suggère ces choses. Le silence nous semble vide parce que nous sommes pleins d’une multitude de pensées, de distractions, d’étourderies ; ou bien nous sommes pleins de résolutions, pas le style de résolutions qui transforment le silence. Le silence n’est transformé que par sa répétition continuelle. L’habitus du silence, seul, crée le silence.

Nous prions, Seigneur Nous prions, Seigneur, pour notre pays, si dégradé par un mal dont nous ne savons ni la fin ni le but : accorde à ce peuple, comme par miracle, de faire l’expérience d’être un

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peuple. Mets une fin à la haine, aux effusions de sang, à la mort. Nous prions, Seigneur, pour notre Église, une coma sainte, catholique et apostolique ; qu’elle devienne consciente de sa dignité, de sa tâche et de sa grâce. Nous prions, Seigneur, pour le pape. Donne-lui la consolation de l’Esprit, la force prophétique, la paix du serviteur et la confiance de l’ami. Protège, Seigneur, les pauvres, les jeunes qui sont les plus pauvres, les malades de corps et d’esprit, ceux qui sont affligés par de terribles maladies psychologiques qui divisent la personne en deux, et par des maladies de l’esprit – manque de foi, désespoir, autodestruction. Protège ces peuples dévastés par des guerres, des violences et des préjugés, ceux qui errent dans le monde, les déportés, les sans-abris, ceux qui sont sans famille, ceux qui sont sans espoir. Nous savons que tu es présent à chacun. Accorde à beaucoup de faire l’expérience de cette présence, pas seulement dans la vie future, mais dès cette terre. Accorde la consolation de l’Esprit : « Toi, le plus grand réconfort, hôte très doux de notre âme, douce consolation »1.

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Dieu s’abandonne 1996 L’Eucharistie est le signe le plus profond de l’amour de Dieu pour l’humanité. Elle révèle combien l’Incarnation fut une grande condescendance, une grande identification avec notre vie et avec notre humanité. Elle montre la disponibilité, l’ « abandon » de Dieu entre nos mains. L’Eucharistie est le centre du monde. Le centre du monde est silence, c’est-à-dire virginité. Quel sens de l’histoire, des choses et des événements l’Eucharistie nous enseigne-t-elle ! L’Eucharistie nous indique une méthode pour être en relation entre nous et avec les autres, et elle en témoigne : un partage, une manière de laisser la vie dont nous nous approchons fleurir de l’intérieur. En tant que sacrement, l’Eucharistie se réfère à une réalité qui est à la fois le Christ et son corps. Elle nous rappelle donc le travail incessant pour construire le peuple chrétien. Dans l’adoration eucharistique, nous apportons devant le Christ tout ce que nous avons vécu pendant la semaine : les visages et les craintes, les sourires, les péchés, les peines, les questions et les espoirs… de sorte que, par la passion du Christ, tout manifeste sa gloire, la gloire de sa résurrection et de la nôtre.

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Là où tout a une voix 1997 Te reconnaître Qu’est-ce que nous venons faire devant toi, Seigneur ? Nous sommes ici par dessus tout pour adorer. L’adoration – tu nous l’as enseigné – est l’attitude réaliste de celui qui reconnaît qu’il existe quelque chose de plus grand que lui. Il découvre que ce quelque chose, ou quelqu’un, est la source de tout, parce qu’il reconnaît aussi qu’il ne s’est pas fait lui-même. Puis il découvre que ce quelque chose ou quelqu’un guide le monde. Sinon, il devrait accepter l’idée que tout est pur hasard et donc une injustice terrible et tragique. Ce « Tu » qui nous précède est donc la source de la sagesse, celui d’où nous tirons, d’heure en heure, la signification et le poids de ce que nous vivons. Notre attitude à l’égard de ce « Tu » ne peut donc pas être la familiarité stupide de quelqu’un qui considère Dieu comme son égal, une quantité déjà connue. Dieu est, et demeure, autre. « Le commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur » (Psaume 111,10). Mais cette crainte – et cela aussi, tu nous l’enseignes – n’est pas la terreur mais seulement la découverte intelligente d’un mystère qui nous précède et qui vient après nous, une mesure qui n’admet pas d’être

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mesurée. Nous ne sommes pas libres, mais libérés – libérés par une mesure qui n’est pas la nôtre.

Ton mystère a pris un corps Qu’est-ce que l’Eucharistie nous rappelle ? Par dessus tout, elle nous rappelle la majesté de Dieu, de son silence éloquent, une voix forte, pleine, au milieu de nos bavardages ; et de son regard omniprésent, providentiel même s’il est caché et qu’il n’est reconnaissable qu’avec des yeux d’humilité et de vérité. Mais il est aussi vrai, Seigneur, que si ce mystère n’avait pas pris un corps, il nous écraserait dans son infinie altérité, de sorte qu’à la fin nous ne chercherions que pour oublier, ou maudire ou fuir. Le premier corps de ce mystère est la création du monde. Là, Dieu crée un novum absolu, un « tu » en dehors de son « Je », pourtant ni autonome ni abandonné : un « tu » aimé. « Dieu a tant aimé le monde », dans les paroles de Jésus (Jean 3,16). L’Eucharistie et le plus haut témoignage rendu à ce tissu d’Être, qui est communion. Du pain : un morceau de matière, un petit bout de création tellement investi par le mystère qu’il devient lui-même le mystère dans sa corporéité même. Mais, Seigneur, tu as voulu ensuite te lier ta création par un lien spécial. Tu as voulu un « tu » qui, bien que créature, était intelligent, libre et capable de vouloir, comme toimême. Tu as voulu que le sommet de la création soit un « tu » avec qui parler, un cœur à aimer, quelqu’un capable de jouir de cet amour et d’aimer en retour. Nous savons tous ce qui s’est passé : nous connaissons l’orgueil de l’homme, provoqué par l’orgueil de l’ange

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rebelle. Le péché de l’esprit est l’orgueil, à côté duquel toutes les autres offenses pâlissent.

Un amour sans mesure Mais toi, Seigneur, tu voulais qu’il y ait là un esprit humain totalement pénétré de toi, un cœur humain totalement rempli de ta présence et tu as envoyé ton Fils. Et pour nous, ici, comme toujours devant l’Eucharistie, les mots commencent à manquer, les certitudes deviennent des questions et les schémas conceptuels de nos pauvres philosophies révèlent toute leur insuffisance. Pourquoi la vie a-t-elle exigé une mort ? Pourquoi la croix ? Pourquoi l’abandon, le mépris, les moqueries, la solitude ? Nous pouvons au moins répondre : « Parce que Dieu est Dieu », parce qu’il voulait aimer jusqu’au bout, sans mesure. Il voulait vivre cette mort que l’homme a choisie et a gagnée pour lui-même afin de la vaincre, de la vider de l’intérieur, comme le dit saint Paul (cf. 2 Timothée 1,10 ; 1 Corinthiens 15,26). De l’intérieur, il voulait vaincre toute séparation, toute solitude, tout mal. Ainsi la création, l’Incarnation, la Passion, la mort et la Résurrection sont comme les mots d’un unique discours. Et l’Eucharistie rassemblent tous ces mots, les résumant et nous les présentant non pas en un discours mais comme une réalité actuelle. Ce terme, « réalité actuelle », nous mène au niveau le plus profond de ta charité, Jésus, pour chaque personne. Tu as aimé personnellement. L’Eucharistie n’est pas la répétition d’un événement mais son actualité permanente à tous les moments de l’histoire humaine. Jésus ne voulait pas s’imposer. Il voulait se proposer à notre liberté de telle sorte

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que celle-ci soit persuadée, presque contrainte, comme éblouie par le mystère d’un amour ardent qui se laisserait détruire afin d’être accepté et reconnu.

Nous sommes ici pour apprendre Tu t’es fait nourriture pour nous ramener au phénomène biologique de l’assimilation. À un certain point, nous ne distinguons plus entre ce que nous sommes et ce que nous avons mangé. Une pénétration charnelle, mutuelle, plus profonde que tout ce que l’on peut imaginer, qui nous assimile à ta réalité divine. « Participants de la nature divine », dit saint Pierre dans sa lettre (2 Pierre 1,4). Outre l’adoration, être devant toi dans un moment d’action de grâce : en effet, Eucharistie signifie « action de grâce ». Ici, toute notre semaine est comme rendue, offerte. Ici aussi, elle devient un appel à l’accomplissement. Ainsi, l’Eucharistie devient une école où nous ne nous lassons jamais d’apprendre, un professeur qui a toujours de nouvelles découvertes à nous enseigner, de nouvelles perspectives sur la vie à nous ouvrir, de nouveaux pas à nous demander de faire. Elle devient l’école du silence vrai, où tout a une voix ; l’école de l’offrande, où tout a un poids et une valeur ; l’école de la virginité et de la pauvreté, où nous apprenons à vivre comme tu as vécu ; l’école où toute la vie se réassemble sans la violence qui voudrait tout expliquer et faire que tout s’équilibre. L’école d’un abandon total à Dieu, qui serait simplement une mesure inaccessible pour nous, si ton abandon n’était pas la révélation d’un amour qui est une soif et une faim de notre « oui », la suprême manifestation humaine de ta divinité.

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Le lieu de l’amour de Dieu pour nous 1998 Vie et source de vie Quel est l’acte de charité suprême du Christ à notre égard ? Le don des sacrements. Et la source et le sommet de tous les sacrements ? L’Eucharistie. Saint Thomas dit aussi cela : « L’Eucharistie est vraiment comme l’accomplissement de la vie humaine et la fin de tous les sacrements »2. Saint Thomas écrit aussi que « tout le bien spirituel de l’Église est contenu dans la très sainte Eucharistie »3. Reprenant cette affirmation, le concile Vatican II enseigne que dans l’Eucharistie est contenu « le Christ lui-même, notre Pâque, le pain vivant, lui dont la chair, vivifiée et vivifiant par l’Esprit Saint, donne la vie aux hommes, les invitant et les conduisant à offrir, en union avec lui, leur propre vie, leur travail, toute la création. On voit donc alors comment l’Eucharistie est bien la source et le sommet de toute l’évangélisation »4.

Voir le Seigneur Dans l’Eucharistie, nous pouvons voir le Seigneur. Il se présente, sans défense, sous les espèces d’un morceau

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de pain. Un morceau de pain qui est lui, le Seigneur, réellement présent. « Personne n’a jamais vu Dieu » (Jean 1,18). Et pourtant, entièrement identifié avec la vie du Fils de Dieu, l’apôtre Jean fut le premier à essayer de décrire Dieu le Père, comme l’Esprit le lui inspirait. Dans le passage frappant du chapitre 5 de l’Apocalypse (Apocalypse 5,1-10), saint Jean a décrit la vision ineffable de Dieu Créateur. Il le voit siéger sur un trône dans le ciel comme le Seigneur du monde, immergé dans la lumière, vénéré et adoré par les anges, par les Pères de l’Ancien Testament et par les apôtres du Nouveau, synthèse et centre de toute l’histoire du monde. Dans la main droite de Celui qui siège sur le trône, Jean voit un rouleau, écrit au-dedans et à l’extérieur ; à savoir, visible mais aussi invisible, ou plutôt invisible pour la profondeur de son contenu et de sa révélation, mais destiné à être connu. Ce rouleau est scellé par sept sceaux (Apocalypse 5,1). Bien qu’il indique que ce qui y est écrit est crucial pour la vie de tous les peuples et pour le monde entier, ce message demeure mystérieusement secret. Ce secret est source d’angoisse : il semble que personne ne puisse ouvrir les sceaux et le secret du monde, que Dieu le Père et Créateur voudrait offrir à chaque personne, est destiné à demeurer caché (Apocalypse 5,4). Contenu dans ces versets de l’Apocalypse, se trouve tout le drame existentiel de milliers d’œuvres littéraires, historiques, poétiques, artistiques, philosophiques et musicales, le drame caché de millions de vies. La vie serait-elle alors un don qui aspire à une signification impénétrable ? Soudain, un des anciens intervient, brisant

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à jamais cette angoisse : « Ne pleure pas » (Apocalypse 5,5). La situation historique de l’homme est profondément changée. Un homme, qui a été mis à l’épreuve et qui, s’il surmontait l’épreuve, libèrerait le secret contenu dans le rouleau, l’a surmontée. Un descendant d’Israël apparaît maintenant comme le centre de toute l’histoire de la création, depuis son commencement jusqu’à sa fin.

Un don gratuit Après la vision de Dieu Père, Créateur, siégeant sur le trône du ciel, un autre être apparaît à Jean, cette fois-ci sous l’image d’un agneau qui a été égorgé. La signification de ce riche symbolisme est bien connue : Jésus a longtemps été préfiguré par les prophètes comme l’Agneau de Dieu, humblement conduit à l’abattoir, non forcé, parce qu’il accepte lui-même le sacrifice et, à travers lui, il devient vainqueur. Il apparaît « comme égorgé » (Apocalypse 5,6) et avec les signes de sa Passion, mais debout sur le trône – donc vivant, fort, saint et immortel. C’est précisément parce qu’il a vaincu qu’il voit tout et fait toute chose vivante. Jean raconte que l’Agneau – bien qu’ici, ce ne soit déjà plus l’Agneau mais Jésus lui-même, crucifié et ressuscité – prend le livre dans la main droite de Celui qui siège sur le trône. Tous ceux qui sont présents, avant même que les sceaux ne soient brisés et que le livre ne soit lu, comprennent qu’il a le pouvoir « de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux » précisément parce qu’il a été « égorgé » et qu’il a « racheté » par son sang des peuples de partout dans le monde (cf. Apocalypse 5,9-10).

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Cette page de l’Apocalypse révèle ainsi le mystère de l’infinie condescendance du Christ à notre égard. Par son sang, versé pour nous – c’est-à-dire par le sacrifice de sa vie – il devient un sauveur contemporain des gens de toute tribu, langue, peuple et nation. Par le ministère du sacerdoce, il se manifeste comme le mystère du pardon et du zèle éducatif, ainsi que le mystère de la royauté, de la capacité à bâtir. L’Eucharistie n’est donc rien d’autre que ceci : le lieu où la gratuité absolue de la prédilection de Dieu pour l’homme se manifeste le plus profondément. Comme il est grand, le don du sacerdoce, exactement en réponse au don gratuit de son sacrifice ! Dans cette lumière, on comprend mieux l’importance de la sainte messe, de l’adoration eucharistique, du silence ; la valeur de la prière, de la méditation, de l’observance de la Semaine sainte ; en un mot, combien un amour personnel pour Jésus est essentiel !

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Ministre de l’Eucharistie 1999 Le prêtre Le prêtre est un homme appelé à une identification totale avec la vie du Christ. Il n’y a pas d’identification plus grande que le baptême mais, à l’intérieur de la vocation baptismale, le Christ identifie certains avec sa personne et leur confère des dons. Ces dons sont simultanément des pouvoirs et des responsabilités qui les rend capables d’exprimer sa miséricorde et sa compassion pour son peuple. En ce sens, le prêtre agit « in persona Christi capitis ». C’est-à-dire qu’il rend le Christ présent en tant que la tête de son peuple. La lettre aux Hébreux décrit Jésus comme le « prêtre miséricordieux et digne de foi » (Hébreux 2,17). Il vit toujours en présence du Père – en cela consiste sa fidélité – et en même temps il est solidaire de ceux qu’il représente devant le Père. « En effet, nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché. Avançons-nous donc avec assurance vers le Trône de la grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours. » (Hébreux 4,15-16)

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Le prêtre est vraiment un homme appelé à être un pont entre Dieu et les hommes, à travers l’œuvre d’éducation et de direction du peuple qui lui est confié. En plus de trente ans de sacerdoce, j’ai fortement ressenti cela ; mais je pense qu’il serait impossible de vivre le sacerdoce ministériel sans cette expérience. C’est peut-être l’aspect le plus impressionnant de la vie du prêtre : être choisi comme la voix de la supplication pour le peuple devant Dieu, être appelé à tenir les mains de Moïse élevées, comme Aaron (cf. Exode 7,12). Être la voix de l’humanité devant Dieu : c’est le cœur de la liturgie des heures. C’est ce que signifie porter dans sa prière, spécialement dans le sacrifice eucharistique, les supplications, les intentions, les désirs et les espoirs – parfois désespérés et désespérants – de ceux qui se tournent vers nous.

La vérité, l’Eucharistie Le ministère sacerdotal est manifeste, par dessus tout, dans deux tâches qui sont étroitement liées. La première est d’être serviteurs de la vérité : annoncer la vérité, c’est-à-dire révéler la réalité, ôter le voile qui couvre les yeux des personnes de sorte qu’elles ne peuvent voir ce qui s’est passé et ce qui se passe. C’est pourquoi la vie sacerdotale, comme la vie chrétienne, ne peut exister sans silence, puisque sans silence il n’est pas possible de voir la vérité, et la vérité ne peut pas prendre chair en nous. Ce que nous communiquerions, sans silence, ne serait que des opinions superficielles. Une conséquence de ceci – certes pas la plus importante, mais néanmoins fondamentale – est qu’il est impossible

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d’être serviteurs de la vérité sans étudier la vérité. Quelqu’un qui est débordé par mille choses à faire ne trouve plus le temps d’étudier ou de méditer sur ce qu’il trouve ; il ne prépare plus l’homélie du dimanche, ni les sacrements qu’il célèbre ni la catéchèse qu’il dirige. Avec le temps, il devient d’abord un simple « répétiteur » puis un homme qui s’ennuie et qui ennuie, un homme déçu et décevant. La seconde tâche du prêtre, étroitement liée à la première, est d’être ministre de l’Eucharistie. Pourquoi étroitement liée ? Parce que l’Eucharistie est la vérité du monde, puisque le monde est sauvé par la croix. « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. » (Jean 3,14-16). Si la croix, donc, sauve le monde, l’Eucharistie rend présentes la croix et la Résurrection. De l’Eucharistie vient le commencement du nouveau monde, qui attire les gens à lui et les invite à la conversion, les poussant à demander le baptême. Dans l’Eucharistie, donc, nous avons la prophétie du monde à venir.

L’éducation L’Eucharistie nous fait donc comprendre la troisième tâche du prêtre, l’éducation. Éduquer signifie aider la personne à reconnaître la forme que Dieu a donnée à sa vie ; et

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l’Eucharistie est la manifestation de la forme que Dieu a donnée au monde. Pourquoi ? Pour deux raisons : parce que l’Eucharistie est sacrifice et que l’Eucharistie est communion. L’Eucharistie comme sacrifice, c’est-à-dire comme le mémorial de la Passion, montre que la forme de vie nouvelle et définitive dans le monde passe par une nouvelle naissance, une metánoia, un changement de soi, une pâque. En ce sens, l’Eucharistie est un acte prophétique : c’est la prophétie du Christ sur le monde. En même temps, l’Eucharistie est communion, en ce que la présence du sacrifice du Christ sur la croix effectue une union entre Dieu et les hommes, les réconciliant avec leur destinée originelle et ultime. Dans la lettre aux Hébreux, nous lisons au sujet du sacrifice du Christ : « Pendant les jours de sa vie dans la chair, il offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect. Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel » (Hébreux, 5,7-9). « Aussi, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre. » (Hébreux 10,5-7) L’Eucharistie est le sacrifice qui effectue la communion.

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La folie de l’amour 2000 Avec nous tous les jours L’Eucharistie est une réalité qui nous surprend et nous dépasse de toutes manières. Aucune autre réalité nous trouve si muets et si inadéquats : l’infiniment grand de la compassion de Dieu dans l’infiniment petit et l’infiniment ordinaire du pain et du vin. Et pourtant, je veux balbutier quelques mots, faisant écho à la grande réflexion de l’Église qui n’a jamais cessé de contempler ce mystère ni d’écrire à son sujet des paroles magnifiques et émouvantes, et même une poésie sublime. Dans une de ses homélies sur l’Eucharistie, Don Luigi Giussani disait : « Le Seigneur est venu, et il est venu pour toujours… Il est venu pour être avec nous tous les jours, et même jusqu’à la fin du monde »5. Il y a une action continue de Dieu, non pas jour après jour mais instant après instant, envers nous. Dieu se penche sur nous, sur chacun de nous, depuis l’Incarnation, il a continué jusqu’à maintenant et il continuera jusqu’à la fin.

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Réaliser notre vie L’Eucharistie est le Christ toujours présent dans notre vie quotidienne. C’est une présence qui sauve, qui transfigure, qui change la vie en la réalisant. « Le Seigneur ne nous a pas laissé son portrait, un souvenir, une relique ou un symbole, non ; il nous a donné sa présence réelle ». Ce sont les mots du cardinal archevêque de Milan, Giovanni Battista Montini, le futur pape Paul VI, le Jeudi saint 1959. « L’amour est une présence, l’amour crée la proximité, l’amour ne peut vraiment pas vivre à distance, l’amour est communication ; l’amour est une présence et le Christ a réalisé sa présence de la manière la plus pleine et la plus mystérieuse que nous puissions désirer, qui nous laisse toujours fascinés et surpris »6.

Faire bouger le monde Quand je me mets en adoration devant l’Eucharistie, au début, tout semble négatif. Il n’y a pas de paroles, pas de mouvements, pas de couleurs… il semble qu’il n’y ait pas d’histoire. Et pourtant, l’Eucharistie parle à tous ceux qui savent comment l’écouter et prononce des paroles que personne ne saurait prononcer. L’Eucharistie n’est pas seulement le mouvement du mystère de Dieu vers nous. À travers le changement qu’elle effectue, elle est la source du mouvement positif qui porte les choses et les gens vers les rives de l’éternité. C’est une onde légère qui traverse, réchauffe et brûle toute matière, même la plus réfractaire et résistante.

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Serviteur et acteur Celui qui, à travers l’ordination sacerdotale, devient un serviteur de l’Eucharistie, devient un acteur dans un grand mouvement dans l’histoire du monde. Ce mouvement commence par la communion ineffable de la Trinité et se termine en englobant les mouvements les plus infinitésimaux de la personne et les réalités les plus cachées de la création. Le prêtre devient donc le serviteur d’une recombinaison qui a dans l’Eucharistie son école, sa source et son énergie secrète.

Le plus grand signe L’Eucharistie est le plus grand signe de la folie de l’amour, cette folie qui est apparue scandaleusement, une fois pour toutes, sur la croix.

Merci, Seigneur Merci, Seigneur, pour l’Eucharistie, le don, toujours nouveau, qui dépasse tout désir humain et toute imagination humaine. Merci pour ton incarnation, qui a à jamais lié l’histoire humaine, l’histoire de nos corps mortels, à la réalité de ton corps saint et immortel. Merci pour la résurrection des corps, dont l’Eucharistie est le gage sûr. Merci pour ta mort et ta résurrection, qui ont lieu dans l’Eucharistie à tout moment et pour chacun.

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Merci pour la transfiguration de la création, dont l’Eucharistie est le miraculeux commencement. Merci pour la communion qui est plus forte que le péché et la mort, que tu nous as donnée dans le baptême, et que tu renforces chaque jour dans l’Eucharistie. Merci de nous avoir rendus capables de tout offrir, même nos souffrances. La passion du Christ, le Seigneur maintenant glorifié, entre dans le sacrifice de l’Eucharistie à travers la passion humaine des fidèles qui forment le corps du Christ. Merci parce que le sacrifice de la messe devient ainsi le sacrifice de l’Église, et parce que le sacrifice de la croix agit dans le monde à travers le sacrifice de la messe.

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Il ne pouvait supporter de ne pas nous avoir 2000 Dieu nous désire Eucharistie signifie « action de grâce ». Cela signifie rendre à Dieu ce qu’il nous a donné. C’est pourquoi, dans la messe, pour que son objectif soit accompli, Dieu veut avoir besoin des êtres humains. Et pourquoi Dieu veut-il avoir besoin de nous ? Peut-être le mystère même de la Trinité explique-t-il ceci ou au moins nous met-il sur la bonne voie pour comprendre cette mystérieuse réalité de la création. Dieu ne voulait pas être une personne, mais trois : il voulait être communication, dialogue, échange – dépendance mutuelle, réciproque et libre. Pour nous, les êtres humains, comprendre quelque chose de ce désir immense qu’il a de nous, c’est toucher les dernières vagues d’un océan profond qui perlent sur la rive. Il est clair que le « besoin » qu’a Dieu de nous n’est pas le même que celui que nous avons de lui. Son besoin s’enracine dans les profondeurs de sa générosité, c’est-à-dire dans une liberté de décision, une liberté absolue qui est son

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amour. L’amour le plus vrai est une liberté absolue, une liberté si grande qu’elle découvre son besoin. Et c’est pourquoi Dieu s’humilie tellement qu’il veut avoir besoin des êtres humains. Il ne pourrait pas retenir le débordement de communion qu’il est. Il ne pourrait pas supporter de ne pas nous avoir. Nous ne savons pas combien de temps il a attendu, ni même s’il est sensé de dire que Dieu a attendu – Augustin dirait qu’avant le temps, il n’y avait pas de temps7 – mais à un certain point, Dieu a créé. Et en faisant cela, il a donné naissance à un nouveau « besoin » : le besoin de choisir certains d’entre nous afin d’atteindre le reste d’entre nous, afin d’atteindre d’autres êtres humains. Quand nous disons que Dieu veut avoir besoin des êtres humains, nous parlons par conséquent du mystère de l’élection. Et ici, nous touchons le mystère du Fils dans la Trinité. En le regardant, chacun de nous comprend quelque chose de lui-même. Il comprend la raison de sa propre vocation, cette « ségrégation » du monde afin d’être un don pour d’autres hommes et femmes. Le besoin librement choisi qu’a Dieu de nous, rendu manifeste à travers l’élection, devient alors, comme notre réponse, une volonté de sortir, de rencontrer. Une volonté appelée à devenir toujours plus profonde, puisque le besoin est illimité. Et ici, nous touchons le mystère de l’Esprit.

La joie de l’Éternel L’Eucharistie rend la joie et le bonheur possibles dans la vie. Elle est la source de la jeunesse, une jeunesse qui est encore

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plus surprenante chez un homme mûr que chez une jeune personne. L’Eucharistie est le secret de ce miracle. L’Eucharistie fait de notre vie comme l’arbre du psaume 1 : toujours croissant, enfonçant ses racines dans l’eau qu’est Dieu lui-même, c’est-à-dire le baptême, le don de l’Esprit. Se dressant sans crainte vers le ciel, il se confond avec les éclairs comme ceux qui, dans certains orages, semblent prêts à faire tomber les magnifiques peupliers, devant ma fenêtre, qui tiennent parce que leurs racines sont profondes.

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Tu nous enseignes les mots 2001 Ce que nous vivons Seigneur, je ne peux trouver les mots pour exprimer ce que nous sommes en train de vivre. Quand nous pensons sérieusement à notre vie, nous devenons conscients qu’elle est finalement indicible, combien elle nous dépasse, combien elle est surabondante ; et nous sommes étonnés qu’une richesse si grande puisse passer à travers une fragilité si grande. Et ensuite les mots que nous sommes incapables de trouver ; nous venons ici pour apprendre devant toi, qui es complètement réel. De même que, dans sa simplicité, la réalité elle-même est plus grande que nous, ainsi aussi ta présence est-elle plus grande que nous, dans son caractère absolument sans défense, ordinaire, docile. Tu t’es appelé toi-même « pain quotidien » (cf. Matthieu 6,11).

La signification de l’existence Quelles paroles nous enseignes-tu ? Par dessus tout, tu nous enseignes que la vie a une direction : une direction qui doit être découverte et reconnue, et qui ne peut être perçue que dans le silence.

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C’est pourquoi l’Eucharistie est par dessus tout l’école du silence, l’école de la contemplation qui sait comment regarder à l’intérieur des choses, pénétrer les faits, jusqu’à atteindre la source, le mystère qui leur donne leur origine. Nous te remercions de nous accorder cette école pendant cette année où nous avons appris et où nous continuons d’apprendre que la vie a un sens, que les choses ont un poids, que nos jours ont une direction, que le temps a de l’importance.

La signification de chaque moment Ici, devant toi, nous découvrons la valeur même des heures qui semblent perdues – heures de distraction, d’oubli, de rébellion et de superficialité, heures de souffrance et de lassitude, d’obscurité et de nuit. Nous te remercions de nous donner avec la joie l’expérience de la lassitude, avec la lumière l’expérience de l’obscurité, avec un cœur léger l’expérience du la pesanteur, de sorte que nous puissions comprendre quand les autres nous parlent d’obscurité, de poids et d’ennui. Parce que toi aussi tu as vécu cette obscurité, ce poids et cet ennui et, dans ton obéissance, ils furent transformés en lumière. L’Eucharistie elle-même n’est-elle pas l’exemple le plus incompréhensible et le plus puissant de l’obscurité changée en lumière, du sang changé en vie et de la mort changée en éternité ?

Merci Nous sommes ici pour te remercier pour tout le temps que tu nous as donné. Nous ne savons pas combien il nous en reste et nous te remercions de nous faire percevoir

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combien le temps est précieux. Tu as dit : « Marchez, tant que vous avez la lumière » (cf. Jean 12,35). Merci de nous avoir accordé de ne pas être seuls, de nous avoir sauvés de ce malheur, le plus terrible auquel une personne puisse se sentir condamnée ou se condamner elle-même : la solitude, l’isolement, le rejet des autres par orgueil spirituel, dureté ou maladie. Permets-nous de percevoir tout l’aspect divin et humain de cette réalité, les compagnons dont tu nous as entourés, que tu as rassemblés pour chacun de nous. Tous les autres pour chacun de nous, et chacun de nous pour les autres, dans une toile de solidarité dont toi seul connais la trame. Merci parce que nous avons trouvé une place où nous ne sommes pas mesurés selon ce que nous n’avons pas ou ne sommes pas, mais acceptés pour ce que nous sommes, sans toutefois être gâtés. La conscience de nos limites est claire comme le cristal devant nos yeux ; nous les connaissons bien mais nous savons aussi le chemin et cela nous permet de marcher, et même de courir, en portant avec nous même ce qui nous alourdit. À cette école que tu es pour nous, tu nous enseignes ensuite la direction de la route. En silence tu nous donnes les autres, le premier fruit et le plus fondamental de l’Eucharistie ; tu nous rends participants des dons de l’Esprit.

Nous te demandons Nous te demandons que nos vies soient plus courageuses, plus ouvertes, plus décidées, moins encombrées de notre passé.

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Nous te demandons que la noblesse de l’idéal que tu es, et que tu réalises en nous, affecte plus puissamment nos jours, nos cœurs, nos espoirs, nos plans et nos horizons. Que nos cœurs ne se rétrécissent pas et ne se durcissent pas, mais qu’ils soient continuellement renouvelés. « Ceux qui mettent leur espérance dans le Seigneur trouvent des forces nouvelles », dit le prophète Isaïe, « ils déploient comme des ailes d’aigles, ils courent sans se lasser, ils marchent sans se fatiguer » (Isaïe 40,31). Chacun de nous est appelé à devenir comme un aigle, doté de force mais aussi d’agilité, caractéristiques de l’Esprit. Nous te remercions pour toutes les fois où tu nous as sauvés du danger, de maladies mortelles, de nos ennemis, de la violence et de nous-mêmes. Accorde à nos frères qui vont être ordonnés de contribuer à notre vie à travers le renouveau qu’ils vont apporter à notre communauté. C’est la plus grande utilité que leur vie puisse avoir pour nous : nous transformer. Bien sûr, si notre vie n’est pas renouvelée devant un témoignage de grâce si objectif, qu’est-ce qui peut nous transformer ? Accorde-nous de ne jamais nous laisser aller au découragement à cause du labeur, des craintes, des oppositions, et de tirer de toi seul la force d’avancer dans la vie comme, dans le passé, tu t’es montré à Elie (cf. 1 Rois 19,6-8). C’est la manière dont tu as voulu être parmi nous en permanence : comme un signe sacramentel d’aliment, de nourriture et donc d’énergie, de continuité, de communion. Nous te demandons tout cela. Nous te le demandons, toi qui vis et règnes à jamais. Amen.

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Proche de nous, un don pour nous 2002 Une objectivité absolue Parmi les différentes façons dont Jésus veut réaliser sa promesse, « et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28,20), l’Eucharistie est certainement la plus pure : l’absolue objectivité de sa présence. Il n’y a rien à interpréter, rien à comprendre ; on a seulement besoin de reconnaître, accepter, recevoir, être immergé et transformé.

Lui le premier Y a-t-il quelque chose que tu puisses souffrir qu’il n’ait déjà souffert ? Il était innocent, toi, coupable ; lui, immensément bon, toi, mauvais ; lui, Dieu, toi, homme ; lui, dans une solitude infinie et l’abandon de ceux qui lui étaient les plus proches, même celui à qui il avait tout confié. L’Eucharistie, même dans son symbolisme, rassemble tous ces mystères.

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Comment Dieu nous parle L’Écriture et l’Eucharistie sont deux dons que nous a laissés le Christ, par lesquels il nous rejoint maintenant. À travers eux, il est contemporain de chaque personne et de tout moment. Ces deux façons sont profondément différentes au point de sembler presque divergentes : l’Écriture est entièrement historique, exigeant des gens de tous les temps de passer par des histoires et des cultures spécifiques pour arriver au Christ, tandis que l’Eucharistie semble se passer de tout cela avec son absence de paroles, son non-attachement à aucune culture spécifique. On comprend la superficialité de cette vue quand on réfléchit au fait que l’Eucharistie parle à la personne dans sa propre histoire, à sa faiblesse, à sa fragilité, à son besoin d’être transformée. En tout cas, l’une et l’autre nous parlent du Christ, nous introduisant à lui afin de créer une identification progressive de notre vie avec la sienne. L’Eucharistie est le lieu le plus proche et le plus continuel de sa proximité avec nous. Aucun lieu n’est tout – l’Église, seule, est le sacrement complet – mais il est certain que son effacement sous cette forme, le fait qu’il s’excuse presque d’être parmi nous… met en lumière l’abîme de la condescendance de Dieu à notre égard, comme notre besoin ardent de lui. Ce qui est absolument nécessaire doit être absolument simple : ici, on n’a pas besoin de savoir lire ni d’avoir étudié. Celui que les cieux les plus hauts ne peuvent contenir s’est fait nourriture, un morceau de pain pour moi.

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L’Eucharistie est l’université du christianisme, l’école dont nous ne pouvons jamais nous passer si nous voulons entrer dans la réalité du Christ. Exactement comme l’Écriture requiert l’étude et, finalement, le silence, ainsi l’Eucharistie requiert adoration et silence.

Revenir au centre Au cœur de la terre est le feu, au centre de la maison est l’Eucharistie, qui est aussi le centre de la vie de la personne. Il existe un chemin vers l’adoration qui part de loin, de nos distractions : comme le dirait saint Augustin, de là où nous sommes à l’extérieur de nous-mêmes, perdus dans les choses, aliénés8. « Rede in teípsum », nous exhorte Augustin9. Cela ne doit pas se traduire par « reviens à toi » et pourtant, c’est ainsi que la plupart des gens le traduisent dans leur vie aujourd’hui. Cela signifie plutôt : « Reviens à ce centre d’où tu viens ». La source de l’adoration est là. Mais ce retour, cette route de là où nous sommes à l’extérieur de nous-mêmes vers là où nous sommes au centre, est très longue. La parabole du Fils prodigue (cf. Luc 15,11-32) nous enseigne tous. Le premier pas est la considération des événements et des visages qui font ma vie au moment présent. Puis écouter le cri qui émane d’eux, prendre ce cri en moi-même et en faire une prière, pour entrer avec toute ma vie dans l’histoire de Dieu. Ou mieux, reconnaître que, dans cette histoire, je suis continuellement appelé. L’adoration consiste en ce passage, en ce « oui ».

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« Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent » (Luc 24,30-31).

Détail de Jésus ressuscité rompant le pain pour les deux disciples à Emmaüs. Chapelle des Sœurs du Très précieux Sang, Rome, Italie. Avec l’aimable autorisation du Centre Aletti.


Don suprême et irrésistible 2002 Au-delà de toute récompense possible Plus nous nous rapprochons de l’Eucharistie, plus nous laissons place à un étonnement croissant. Nous sommes presque désorientés par une condescendance, une humilité qui nous dépasse à tout point de vue. Dans son dépouillement, l’Eucharistie est le plus haut point de la charité de Dieu, le point où, de ce regard étonné, l’adoration jaillit en vie en nous. L’adoration vient comme la seule réponse possible de notre part devant l’immensité d’une telle condescendance, tellement impossible à mesurer à un quelconque acte auquel nous voudrions la comparer.

Une disponibilité surprenante Si Jésus lui-même ne l’avait pas voulu et si l’Église ne l’avait pas préservée, j’aurais trouvé la disponibilité désarmée de l’Eucharistie, cette absolue disponibilité de Dieu, difficile à croire possible. Cela bouleverse tellement tout schéma et toute idée humaine. Pourtant, en même temps, c’est le summa, le sommet de l’humanisme qui est l’offrande totale de soi à l’autre, à Dieu

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et au prochain, non pas pour s’adapter aux idées humaines, mais plutôt comme un désir constant de s’accrocher au mystère.

Noël et l’Eucharistie Le lien entre Noël et l’Eucharistie est si évident qu’il n’est pas besoin de s’y arrêter ici. Quelques commentaires suffiront. Le silence les imprègne tous les deux et pourtant tous deux sont très éloquents ; ils révèlent toujours de nouveaux aspects de la vie à celui qui sait écouter. Ils représentent un mystère d’impuissance, ainsi que de don de soi infini. Je suis le Verbe fait chair, dit Jésus : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. » (Jean 6,54)

Fort comme la mort Nous nous tromperions si, en essayant de comprendre et d’imiter la manière de Jésus d’être présent à l’humanité, nous nous limitions à regarder l’Eucharistie. L’Eucharistie est plutôt une dimension toujours-présente de sa présence parmi nous. C’est la dimension du « jusqu’au bout », de la disponibilité totale, du pardon qui couvre toutes les erreurs et de l’amour qui anticipe, qui n’est arrêté ni épuisé par rien. « Fort comme la mort », dit le Cantique des Cantiques (Cantique 8,6). Dans l’Eucharistie, nous comprenons que l’amour est fort comme la mort.

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Dialogue et silence Un dialogue avec toi peut prendre place n’importe où et de bien des manières, mais le dialogue qui commence devant l’Eucharistie a un caractère qui le distingue absolument de tous les autres dialogues humains. Quelle est cette caractéristique ? Tout d’abord, l’un des partenaires du dialogue ne parle pas avec le son de paroles humaines. Il parle plutôt en suscitant des mots et des expériences dans les profondeurs de l’autre. L’autre écoute. Il parle aussi, mais pas à voix haute, parce que son partenaire n’a pas besoin de sons pour saisir les mots. Il peut y avoir des sons, pourtant, et ils sont bienvenus s’ils correspondent à des paroles intérieures.

La voix Le silence n’est pas un bien en soi, mais il est la condition, la préparation au dialogue. Bien sûr, la grande valeur du silence est qu’il peut être habité, non par des voix, mais par la Voix. Le signe d’un amour personnel sans mesure.

Une lumière pénètre toujours L’impureté cerne toutes nos actions, même les plus élevées et les plus nobles, comme l’adoration. D’une certaine manière, c’est inévitablement lié à notre condition mortelle. Et pourtant, même sous la croûte la plus dure, une lumière traverse le caractère douteux de notre action. Quelque chose demeure. Et ce quelque chose est le « reliquat » à partir d’où tout recommence.

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Les leçons de l’adoration 2003 Jésus a soif de nous L’adoration eucharistique nous rappelle à tout moment de notre vie que Jésus a soif d’une relation avec nous. Il est vrai, bien sûr, que notre amour pour Jésus ne peut être ni prédit ni planifié mais qu’il surgit comme une réponse libre à la découverte de son amour. Il est aussi vrai, toutefois, que Jésus a besoin de cette réponse. Il a soif de celle-ci, il la désire et l’attend. C’est pour cela qu’il a décidé de rester présent dans l’histoire humaine d’une manière aussi singulière que l’Eucharistie. Ces expressions peuvent sembler audacieuses mais elles ne le sont pas. Le cœur de Jésus a des désirs d’homme car c’est le cœur d’un homme. Sa correspondance avec l’humanité ne lui est pas indifférente. Même dans sa gloire, il continue d’avoir soif d’une relation avec chacun de nous, la même soif que celle qu’il a manifestée autrefois à la femme Samaritaine : « Donne-moi à boire » (Jean 4,7). Il continue sa vie terrestre avec nous au ciel ; il a toujours soif que nous reposions contre lui, comme l’a fait Jean lorsqu’il a posé sa tête sur sa poitrine (cf. Jean 13,25). Il est crucial pour notre vie d’entrer dans ce mystère de la soif qu’a Jésus d’une relation avec nous. En effet, le désir

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d’une relation personnelle avec celui qu’on aime caractérise l’expérience de tout amour. Les Évangiles attestent cela à toutes les pages. L’incarnation de Jésus, qui entre continuellement en contact avec l’homme, qui cherche sans cesse celui qui est perdu, ne révèle pas seulement sa compassion et le fait qu’il s’est humilié. Plus profondément, cela indique que l’humanité de chaque personne intéresse son humanité divine. Nous pensons aux paroles que Jésus a adressées à ses apôtres à la fin de sa vie terrestre : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous » (Luc 22,15), ou à ses pleurs devant la tombe de Lazare (cf. Jean 11,35). Si Dieu est communion, sa souffrance suprême est l’échec de l’homme à partager cette communion. Non seulement l’homme ne peut pas vivre sans Dieu, mais Dieu ne veut pas vivre sans l’homme. Il ne veut pas vivre sans moi ; sinon, il ne m’aurait pas fait, ne m’aurait pas appelé à la vie. C’est pourquoi l’indifférence à l’amour n’est pas tant un signe d’ingratitude que de superficialité et d’étroitesse d’esprit. Je trouve que certaines réflexions écrites par Joseph Ratzinger, alors cardinal, sont très proches des miennes : « Recevoir le Christ signifie aller à lui, l’adorer. C’est pourquoi l’acte de recevoir peut aller au-delà de la célébration eucharistique, et même il le doit. Plus l’Église grandit dans le mystère eucharistique, plus elle comprend qu’elle ne peut célébrer pleinement la communion uniquement dans les moments circonscrits de la messe »10. Et encore : La communion et l’adoration ne sont pas des réalités qui sont l’une à côté de l’autre, ni même l’une avant l’autre. Elles sont inséparablement une seule chose. En effet, recevoir la communion

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signifie entrer en communion. Communiquer avec le Christ signifie être en communion avec lui. Pour cette raison, la communion et la contemplation s’impliquent l’une l’autre : une personne ne peut communiquer avec une autre sans la connaître. Elle doit être ouverte à l’autre, l’écouter, la regarder. L’amour ou l’amitié impliquent toujours aussi le moment de la crainte, de l’adoration. Communiquer avec le Christ exige alors qu’on le regarde, qu’on le laisse nous regarder, qu’on le connaisse. L’adoration est simplement l’aspect personnel de la communication11.

Tout est pour nous Par l’adoration, Dieu nous enseigne l’unité de vie : il fait du bien même à travers le mal, peut-être même en particulier à travers le mal. À un certain moment dans notre vie, une question inévitable, cruciale s’impose. Saint Augustin l’a résumée comme ceci : Si Dieu existe, quelle est l’origine du mal ?12 Pour le dire autrement, l’histoire du monde est-elle guidée par deux forces distinctes et opposées ou par une seule ? Le bien et le mal partagent-il également la domination du monde, ou y a-t-il un seul principe directeur ? C’est la question essentielle pour l’homme. L’existence du mal, en effet, est évidente ; il est donc urgent de comprendre ce qu’il est, ce qu’il signifie vis-à-vis du bien. La réponse est que le mal est l’écho de l’abîme. Pour arriver à cette conclusion, toutefois, nous devons suivre un chemin qui n’est pas exempt de difficultés. Dans ce but, je voudrais rappeler une exégèse très éclairante du cardinal Ratzinger sur le passage biblique du

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sacrifice d’Isaac (Genèse 22,1-18). En un certain sens, cet événement exprime le sommet du scandale, la plus profonde contradiction de toute l’histoire humaine : Dieu demande la destruction du jeune homme avec qui il a identifié le commencement de l’héritage et de sa présence permanente dans le monde. Ratzinger écrit ceci : Puisque [Abraham] connaissait… Dieu, même dans la nuit de l’incompréhension, il savait que Dieu est un Dieu qui aime. C’est pourquoi, même là, quand il n’y avait plus rien à comprendre, Abraham a pu se fier à Dieu et savoir que celui-là même qui semblait le menacer était en fait celui qui aime vraiment… Plus nous descendons dans la nuit du mystère incompréhensible et plus nous nous confions en lui, plus nous le trouvons, nous trouvons l’amour et la liberté qui nous soutiennent à travers toute nuit.13

Quand Isaac demande à son père qui fournira l’animal pour le sacrifice, Abraham répond : « Dieu saura bien trouver l’agneau » (Genèse 22,8). Ratzinger commente très finement ces paroles : elles montrent la forme de la foi d’Abraham, c’est-à-dire sa certitude que Dieu resterait fidèle à sa promesse de vie. Le philosophe Sören Kirkegaard identifie avec justesse, dans cet épisode biblique, l’essence la plus profonde de la foi, y consacrant une œuvre entière.14 Il n’y a rien de semblable dans toute l’histoire du salut, à part le cri de Jésus sur la croix : « Mon Père, mon Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Marc 15,34) Ce cri manifeste clairement que le moment de la plus grande proximité du Fils avec son Père fut aussi celui de sa plus grande distance d’avec lui.

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En méditant sur ces textes, on commence à comprendre ce qu’est la foi : accepter d’être guidé par Dieu vers un pays que nous ne connaissons pas, vers un pays qui est toujours nouveau. La disponibilité de Dieu est quelque chose de sérieux et même de dramatique. Dieu demande avec insistance cette disponibilité et, si quelqu’un la lui offre, il l’accepte complètement. Il sait consoler, réconforter, aider et donner en retour mais il accepte complètement la disponibilité qui lui est offerte et il veut qu’elle soit totale. La disponibilité de Jésus était telle : il nous a aimés jusqu’au bout (cf. Jean 13,1). L’épisode de l’Évangile de l’obole de la veuve (Marc 12,41-44) m’a toujours frappé. Situé juste avant le récit de la Passion, il est comme une grande porte d’entrée qui nous mène devant le don total que Jésus a fait de lui-même, « jusqu’au bout ». Jésus s’est entièrement donné lui-même pour nous, acceptant de suivre le Père jusqu’aux extrémités où il l’a conduit. Celui qui veut vraiment être un professeur doit aider les autres à dire un « oui » total à Dieu. Chacun le dira du mieux qu’il peut, avec ses propres faiblesses humaines, avec beaucoup d’hésitation, et même un millier de questions ; mais il nous est demandé à tous d’être dociles à la volonté de Dieu. Cela nous est demandé comme la route de notre bonheur. La question de la nature du mal est résolue avec l’affirmation de l’existence d’un seul principe qui comprend tous les autres – l’alternative serait du nihilisme. Le mal n’existe qu’en relation au bien. La mort n’est pas la contradiction mais l’explication de la vie.

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Est-ce toi qui me regardes ou moi qui te regarde ? 2003 Un nouveau paysage « Dans la simplicité de mon cœur, je t’ai offert tout moi-même »15. Je suis à toi. Relier notre vie à Dieu, entièrement, avec reconnaissance, en l’aimant comme le plus grand bien ; lui appartenir, être ses serviteurs, ses esclaves, ses amis (différentes formes d’une même relation). Quelle merveilleuse route, quel paysage, quel horizon et quelle aventure cela ouvre devant nos yeux ! Cela rend vraiment possible de porter les fardeaux, les lassitudes, les épreuves qui accompagnent inévitablement, et qui continueront d’accompagner ce sacrifice. Nous savons bien qu’il n’existe pas de sacrifice sans sang versé. Toi, Seigneur, enseigne-nous cela tous les jours, ici même dans l’Eucharistie : « Prenez et mangez, ceci est mon corps » ; « Buvez, ceci est mon sang » (Matthieu 26,26-28). Ce sang est un sang qui mène à la vie, qui transforme en vie, qui nous fait nous accrocher à la vie. Le sang de la

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régénération, le sang de la purification, le sang du salut et, enfin, le sang qui nous donne la joie

Le facteur qui apporte du changement J’aimerais que toutes nos maisons apprennent le bien qui pourrait venir dans leur vie à partir d’une heure hebdomadaire d’adoration eucharistique ensemble. Je n’oublie pas le beau cadeau que vous m’avez fait d’une monstrance. Je n’ai pas eu d’heure d’adoration particulière dans ma chapelle ; je l’ai fait quand j’ai pu mais cela a certainement été le facteur le plus décisif de changement dans ma vie pendant cette année. Non pas seulement parce que j’y ai constamment apporté tout ce que je sentais que je devais apporter, mais parce que c’est de là, comme par une suggestion intérieure, que me sont venues à l’esprit les paroles que je vous ai dites ensuite au cours de l’année. C’est là, dans l’adoration eucharistique, que m’a été suggérée la connaissance de Jésus. C’est là, dans l’adoration eucharistique, que m’a été suggérée la compassion de Jésus. Non pas comme des mots extrinsèques à cette présence, mais comme l’extension de cet événement. L’adoration eucharistique est vraiment une école. Petit à petit, presque sans nous en apercevoir, nous trouvons des réflexions, des pensées, des observations et des perspectives à l’intérieur de nous-mêmes, qui coulent en nous de l’adoration eucharistique.

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Un échange de regards J’ai essayé de remplir page après page des pensées qui me venaient pendant l’adoration. Cette pensée m’a frappé, par exemple. C’est comme si Jésus me disait : « Est-ce toi qui me regardes, ou est-ce moi qui te regarde ? » L’Eucharistie est ces deux mouvements à la fois. C’est certainement lui qui nous regarde d’abord : un mouvement dont la source est l’infinitude du mystère, mais qui devient un visage. Le mystère a pris un visage, au point de devenir pour nous un objet familier, un morceau de pain. Et pourtant, en devenant quelque chose qui nous est familier, rien n’est perdu de son infinie profondeur, de son extraordinaire mystère, de son caractère inépuisable par rapport à toute conception humaine, toute tentative de définition. Un regard qui monte des profondeurs de la vie et se trouve face à face avec notre existence, comme la dernière vague qui, des profondeurs de la mer, arrive sur la plage pour y déposer son cadeau de coquillages et de petites créatures L’Eucharistie est comme la dernière émergence visible d’un abîme. Nous nous lasserions d’essayer de la comprendre. C’est d’abord un « Tu » qui vient pour habiter notre « je », avant même que notre « je » n’habite son « Tu ». C’est un « Tu » qui vient habiter notre « je » parce que, si notre « je » n’était pas rendu capable par ce « Tu » de regarder l’infini, nous serions perdus. C’est seulement ainsi que l’adoration devient aussi mon regard posé sur lui. C’est vraiment une rencontre de regards, la rencontre de regards la plus mystérieuse de

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toute l’histoire des amoureux. La plus profonde, la plus provocante, une rencontre capable d’apporter les changements les plus décisifs.

La paix de celui qui s’abandonne à toi Je désirerais que tous apprennent au moins ceci, de l’adoration eucharistique : la beauté et la paix qui viennent de l’abandon entre les mains de Dieu. Nous ne devrions jamais laisser le tourbillon de la vie remplir nos heures d’adoration au point de les enterrer. L’Eucharistie nous apporte les profondeurs d’un combat terrible, apocalyptique, cosmique entre le diable, les démons, Dieu, son Fils et les êtres humains. Et pourtant, bien que cette bataille, qui a secoué l’humanité, ait été menée et gagnée, même si ici et là des conséquences et des traces de la bataille demeurent sur celui qui l’a menée, l’Eucharistie nous parle de la paix qui vient de ceux qui suivent l’Agneau. Apprendre cette participation profonde à la vie de la personne qui rejette l’indifférence et le désespoir ; apprendre l’humanité du Christ, jamais indifférent, jamais désespéré : ce n’est pas une simple moyenne stoïque entre deux extrêmes. C’est toute l’attitude de la divine humanité de Jésus qui nous est enseignée, présentée, offerte et finalement promise dans l’Eucharistie.

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Tu es là pour moi 2003 Jésus désire être avec moi Jésus a besoin d’être avec moi. Il est assoiffé d’une relation personnelle avec chacun de nous. C’est quelque chose à quoi je n’ai pas beaucoup réfléchi, sauf en passant. En fait, cela fait tout simplement partie de la véritable expérience de l’amour, et c’est clairement exprimé dans l’Évangile. Vraiment, il nous a aimés le premier (1 Jean 4,19). Il s’est humilié jusqu’à la mort, la mort sur une croix, parce qu’il a soif de toi. Il a soif que tu l’aimes en retour, que tu répondes à son amour. Toi, Jésus, tu es venu à ma recherche parce que tu as faim et soif de moi, parce que tu ne peux pas vivre sans moi.

Rentrer chez soi « Rentrer chez soi » signifie maintenant revenir ici, devant l’Eucharistie. C’est le centre de la maison, qui s’étend ensuite à une centaine de visages, un millier de moments, les nombreux événements mémorables. Cela devient spontané d’apporter ici sa lassitude et ses épreuves. En ce moment, j’ai en moi une telle lassitude et tant d’épreuves qui viennent de ceux qui devraient m’être les plus proches. Avec ces épreuves viennent beaucoup de consolations. Mais le travail d’apprentissage ne s’arrête jamais et ne se limite à aucun temps particulier.

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Hier, par exemple, j’étais dehors, à la porte de ma maison à Milan. Une femme me dit : « Votre mère, je l’ai vu retrouver le sourire pendant qu’elle attendait ». Puis elle ajouta : « Après vous avoir attendus pendant neuf mois, nous, les mères, nous vous attendons toujours ». Comme si elle attendait le retour de son fils, mon camarade de classe, qui s’est suicidé. Ici, devant l’Eucharistie, on apprend que tout est une école où Dieu non seulement se révèle mais se donne.

Être près de Jésus Qu’elle est rigide, ma résistance, mais surtout mon incompréhension devant ton amour ! Incompréhension, surtout, parce que les souffrances que tu m’as envoyées pour me rapprocher de toi, je les considère comme quelque chose qui me sépare de toi. Ces souffrances n’ont pas à être désirées. Mais une fois qu’elles arrivent, il faut les aimer. Ce n’est pas la souffrance qui explique l’amour ; c’est plutôt l’amour qui explique la souffrance. L’amour de Jésus pour nous nous permet d’entrer dans la réalité de la souffrance qu’il a acceptée le Vendredi saint. Accompagner Jésus sous la croix – dire sur la croix serait une folie et un orgueil indicible. N’est-ce pas le secret pour comprendre l’humble et profond désir des petits bergers de Fatima de souffrir et d’être avec Jésus ? N’est-ce pas le message de sainte Thérèse de Lisieux : la seule vocation est l’amour16 ? Et ainsi, après des décennies de méditation et de prière, on en arrive à la conclusion que ces enfants ont saisie immédiatement, par un don de l’Esprit. Être près de Jésus dans l’Eucharistie est la manière fondamentale d’accepter la façon dont il se fait proche de nous, toujours et partout, dans l’Eucharistie.

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La force de vivre Je viens ici non pas pour fuir les responsabilités que vous m’avez confiées mais pour trouver la force de les vivre. Et pourtant ce n’est pas suffisant. Nous devons les vivre sans être diminués par elles, et même bien sûr enrichis par elles. Pour que notre expérience quotidienne ne nous éloigne pas de Dieu mais nous rapproche de lui, il faut la vivre dans la foi. Cela doit être la réponse que nous donnons à Dieu qui nous appelle, qui nous aime précisément à travers ce qu’il laisse se produire en nous et autour de nous. « Le Dieu puissant », dit la liturgie orientale17. L’Esprit est la force de Dieu, la force du Très-haut, Dieu, qui devient une force dans la vie.

S’immerger en toi Regarder ou être regardé ? Dans l’adoration eucharistique, qu’est-ce qui est le plus important ? En fin de compte, les deux mouvements sont le même puisque regarder, c’est s’immerger dans l’infinitude concrète devant nous, de même qu’être regardé, c’est entrer dans une relation avec un « Tu » qui est à la fois personnel et inépuisable.

Rencontre Je suis heureux que ma journée commence par l’adoration. L’adoration vient de la reconnaissance du caractère mystérieux de la vie, comme une incapacité non seulement à la dominer mais même à la comprendre. L’adoration se développe comme la découverte d’un « Tu » personnel, transcendant et raisonnable, si raisonnable qu’il mérite notre attention et finalement notre obéissance. Nous découvrons un « Tu » qui gouverne l’histoire et nos événements per-

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sonnels sans éteindre la liberté humaine. Enfin, l’adoration se termine comme une révélation selon laquelle, sans rien enlever du caractère mystérieux de sa présence, ce « Tu » est la présence d’un ami, et même une présence aimante. La découverte de l’amour comme le secret qui guide le monde et, par conséquent, comme le motif ultime et le plus profond de l’adoration, est la découverte d’un abîme dans lequel on serait perdu sans guide.

Le fondement de la journée L’adoration est par dessus tout une rencontre de la créature avec son Seigneur, du pécheur avec son Sauveur, de l’ami avec son ami, de celui qui aime avec celui qui est aimé. L’adoration est une expérience, l’expérience qui sous-tend toute la journée, dont le contenu guide toute la journée.

Commencement Ce n’est pas le dialogue que nous aurons au paradis sans « voile sur le visage » (2 Corinthiens 3,18), mais c’en est le commencement.

Jésus de Nazareth Tu es là. Toi, le même Jésus que celui qui a marché en Judée et en Galilée, le Jésus des apôtres, de l’Ascension, le Jésus qui est assis à la droite du Père, Jésus de Zachée, de la Madeleine, Jésus né de Marie... Tu es ici pour moi, dans toute la disponibilité de l’Eucharistie.

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Source de la vie et de la mission 2003 Lumière sur toute notre vie L’Eucharistie est une réalité si grande, immense et illimitée que nous pouvons recevoir des lumières sur elle de nombreux points de vue, exactement comme elle répand la lumière sur notre vie de nombreux points de vue. Elle est la source de la communauté ecclésiale et de sa mission, et la source de la vie de la personne et de sa mission.

La Pâque de Jésus nous est rendue présente Jésus ne s’est pas limité à mourir pour nous. En mourant, il s’est donné pour nous, pour chacun de nous. Désirant que son don de lui-même sur la croix soit accessible et serve à chaque personne, il voulait nous laisser les moyens de prendre part à cet événement « comme si nous avions été présents » pour employer l’heureuse expression de Jean-Paul II18. L’Eucharistie permet donc à notre histoire personnelle de prendre part à la Pâque de Jésus, c’est-à-dire de participer au don que Jésus fait de lui-même au Père et ainsi à chacun

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de nous. Et en même temps, pour participer à la réponse du Père au don de la vie immortelle du Ressuscité. Dans l’Eucharistie, cet échange de dons entre le Père et le Fils devient contemporain de chaque instant de l’histoire humaine. La mort et la résurrection de Jésus nous sont représentées afin que chacun de nous puisse les vivre : que nous puissions mourir avec lui afin de ressusciter avec lui. L’Eucharistie n’est pas un simple rappel de la mort et de la résurrection de Jésus mais un mémorial, une présence de cet événement au moment que nous sommes en train de vivre.

La présence du Ressuscité C’est à cause de sa résurrection que Jésus peut se donner à nous comme le pain de vie et la coupe du salut dans l’Eucharistie. Cela est signifié au moment où le prêtre, ayant rompu le pain, en met une partie, le « fermentum », dans la coupe du vin. Le corps et le sang sont réunis : le corps du Christ revient à la vie. C’est donc le Christ ressuscité qui vient à nous dans l’Eucharistie.

Nourriture et boisson Dans l’Eucharistie, Jésus se rend présent comme nourriture et boisson, s’offrant comme un banquet préparé pour nous.

Gage de la gloire L’Eucharistie nous assure de la résurrection du corps. La chair du Fils de l’Homme est son corps glorifié. En recevant

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le corps glorifié du Christ, notre corps reçoit l’anticipation de la gloire et la certitude de sa glorification finale.

L’Eucharistie construit l’Église Comment l’Eucharistie construit-elle l’Église ? Par dessus tout, en permettant que le Christ habite nos vies. Par la participation au sacrifice eucharistique, l’incorporation dans le Christ réalisée au baptême atteint sa maturité. L’habitation du Christ en nous fait de nous des participants de son corps. L’œuvre de l’homme sans Dieu, l’œuvre du péché est une désintégration. L’unité est l’œuvre propre de Dieu. La communion avec le Christ, qui se réalise sous sa plus haute forme par la participation au banquet eucharistique, se poursuit et se nourrit dans l’adoration eucharistique, qui découle du sacrifice eucharistique et tend vers celui-ci. Comme l’a écrit Jean-Paul II, l’adoration eucharistique consiste à être penché sur la poitrine de Jésus, à « être touché par l’amour infini de son cœur »19.

La mission de l’Église À la lumière de l’Eucharistie, on comprend ce qui est la mission propre de l’Église, à savoir le chemin sur lequel elle doit marcher : elle ramasse toute la vie de l’humanité dans la vie de Jésus afin que la vie de tous, avec sa grandeur et sa petitesse, ses découvertes et ses fragilités, puisse retourner au Père à travers la consécration, comme faisant partie du corps du Christ.

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De cette manière, l’Eucharistie réalise la promesse de Jésus : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28,20). La présence de Jésus avec nous n’est pas passivité, elle n’est pas une simple présence parmi nous, mais une présence qui attire, rachète, rassemble, présente au Père, transforme et sanctifie. Dans l’Eucharistie, le Christ est présent, donnant sa vie aux êtres humains par le don de l’Esprit.

Devant le don eucharistique Le don de l’Eucharistie provoque notre émerveillement. C’est un événement qui nous touche, qui nous émeut, nous met en mouvement. Cela nous émeut et, par conséquent, nous met en mouvement. Ce n’est pas simplement le chrétien qui est en admiration devant l’acte du don de lui-même que le Christ a vécu autrefois et qu’il vit maintenant à tout instant de l’histoire humaine. Le prêtre surtout, le ministre de l’Eucharistie, est plein d’admiration. Jean-Paul II écrit encore : C’est lui en effet qui, en vertu de la faculté qui lui a été conférée par le sacrement de l’ordination sacerdotale, effectue la consécration. C’est lui qui prononce, avec la puissance qui lui vient du Christ du Cénacle, les paroles : « Ceci est mon corps, livré pour vous... Ceci est la coupe de mon sang versé pour vous... » Le prêtre prononce ces paroles, ou plutôt il met sa bouche et sa voix à la disposition de Celui qui a prononcé ces paroles au Cénacle et qui a voulu qu’elles soient répétées de génération en génération

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par tous ceux qui, dans l’Église, participent ministériellement à son sacerdoce. 20

L’Eucharistie et le sacerdoce ordonné Les prêtres ordonnés, comme les apôtres, sont des hommes choisis et envoyés pour accomplir le sacrifice eucharistique « in persona Christi » (« en la personne du Christ »), l’offrant à Dieu de la part de tout le peuple. Il n’y a pas d’Eucharistie sans sacerdoce ordonné. Le sacerdoce a commencé au moment où l’Eucharistie a été instituée, pour sa célébration. La célébration de l’Eucharistie est le centre de la vie du prêtre et de son ministère : comme sa source, son énergie spirituelle qui lui permet de faire face aux diverses tâches de son ministère, et comme l’antidote la plus efficace à l’activisme, une des pires tentations qui menacent notre époque. Dans cette lumière, le concile Vatican II recommande à chaque prêtre la célébration quotidienne de l’Eucharistie, pour le bien de sa vie spirituelle autant que pour le bien de l’Église et du monde.21

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Le cœur du Verbe dans un morceau de pain 2004 Un cœur silencieux, seulement en apparence Quelle est la relation entre l’Eucharistie et le silence ? Pour moi, c’est évident : apparemment, l’Eucharistie ne parle pas. L’Eucharistie nous enseigne que le cœur du monde est une Présence, devant laquelle nous devons écouter. Une Présence réelle, mais invisible à la plupart. Pour la plupart, ce petit morceau de pain ne dit rien. Le cœur du monde est donc quelque chose d’insignifiant : un morceau de pain. Le cœur du monde est une insignifiance enceinte d’un mystère et qui révèle le mystère. Si nous écoutons, ou si nous regardons, pas seulement avec les yeux du corps, bien que cela commence avec ceux-ci, l’Eucharistie devient une grande école, la plus grande école possible du mystère.

Virginité Quelle est la relation entre l’Eucharistie et la virginité ? Elle est extrêmement proche. Après tout, qu’est-ce que l’Eucharistie ? Un morceau de pain, entièrement lié à un

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autre, au corps du Christ : c’est le corps du Christ sous l’apparence d’un morceau de pain. La réalité de ce morceau de pain est entièrement liée au fait qu’il est le corps du Christ. Et qu’est-ce que la virginité ? C’est la relation de notre être avec le corps du Christ.

Une expression de la communion Qu’est-ce que l’Eucharistie m’enseigne en ce moment ? Que l’Eucharistie est le fondement de la vérité de mon action. Pourquoi ? En quoi la vérité de mon action consiste-t-elle ? L’Eucharistie est le fondement de la vérité de l’action parce qu’elle insère mon action dans l’unité de l’Église, comme source de l’action. L’Eucharistie impose à la vie cette distance qui permet à l’action d’être une expression de la communion et non de la volonté de l’individu à s’affirmer lui-même. La véritable action est l’expression de la communion. Ce qui me frappe souvent de manière négative dans nos diocèses et dans l’Église aujourd’hui, c’est que chacun fait ce qu’il veut, même avec les meilleures intentions. Mais ce n’est pas le christianisme ! Le christianisme, c’est mon action en tant qu’expression de la communion. Si chacun fait ce qu’il veut, le critère de l’action devient simplement l’affirmation de soi. Alors les actions nous séparent, tout ce que nous faisons nous distancie les uns des autres.

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Pourquoi je viens ici Suis-je ici avec toi, ou suis-je en réalité tout seul avec mes pensées et tu es un prétexte, une excuse ? Terrible hypothèse et terrible malentendu, mais nécessaire question, certainement suggérée par l’Esprit. Dois-je passer « par le biais de mes pensées » pour t’atteindre ? Je viens à toi, ici, parce que tu es la Réalité et la Vérité. Je viens ici apprendre ce qui est vrai et ce qui est réel, je viens ici apprendre le jugement sur les choses qui m’arrivent et sur ce que je dois faire. Être près de toi me rappelle continuellement mes pensées qui vont dans toutes les directions. Il faut que soit claire pour moi la raison pour laquelle je viens ici, devant toi : pour être avec toi, pour rester avec toi. Tout le reste peut jaillir de cela. Être ici avec toi parce que tu es dans les problèmes que je vis, les réponses que je dois donner.

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La disponibilité désarmée de l’Eucharistie 2005 Une fois encore, ce qui me frappe le plus dans l’Eucharistie, c’est son caractère désarmé. La chose la plus sainte qui soit, qui devrait être la plus protégée, ou même inaccessible, se présente à nous entièrement désarmée et disponible. Peut-être la simplicité de ma chapelle me suggère-t-elle cela, lorsque je suis seul devant la Très sainte Eucharistie exposée dans la monstrance. L’Eucharistie nous enseigne la disponibilité de Dieu, de son amour pour nous jusqu’au bout, au-delà de toute imagination ou considération humaine possible.

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Sources 1

Hymne, Veni Sancte Spiritus.

2

Saint Thomas d’Aquin, Summa Teologiae, III, q.73, a. 3c.

3

Ibid., III, q.65, a. 3, ad 1.

4

Concile Vatican II, Décret Presbyterorum Ordinis [Sur le ministère et la vie des prêtres], 5.

5

Luigi Giussani, Rito perenne, Homélie pour le Jeudi saint, 31 mars 1988, manuscrit, Archives de Communion et Libération. Notre traduction.

6

Giovanni Battista Montini, « Una legge sublime d’amore », Homélie à la messe de la Cène du Seigneur dans l’après-midi du Jeudi saint, 26 mars 1959, in Discorsi e scritti milanesi (1954-1963) (Rome – Brescia : Institut Paul VI – Studium 1997), vol.2, 2704. Notre traduction.

7

Cf. saint Augustin, De Genesi contra Manichaeos I, 2, 3.

8

Cf. id., Confessions, X, 27, 38.

9

Id., De vera religione, 39, 72.

10 Joseph Ratzinger, Il Dio vicino : l’Eucaristia, cuore della vita cristiana, Cinisello Balsamo : San Paolo, 2003, 92. Notre traduction. 11 Ibid., 100. 12 Cf. saint Augustin, Confessions, VII, 5, 7. 13 Joseph Ratzinger, Il Dio vicino..., 44. 14 Sören Kirkegaard, Fear and Trembling (London : Penguin Classics, 1986). Notre traduction. 15 Offertoire pour la fête du Sacré Cœur de Jésus, selon le rite ambrosien. Cf. 1 Corinthiens 29, 17-18.

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16 Cf. sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, Manuscrit B, in Histoire d’une âme : Manuscrits autobiographiques, Seuil, mai 2004. 17 Par exemple, dans l’hymne byzantine Trisághion : « O Dieu saint, O Dieu fort, O saint immortel, aie pitié de nous ». Cf. O. Raquez (éd.), Guida alla celebrazione dell’ufficio divino nelle chiese di tradizione bizantina, (Rome : Lipa, 2002), 17. 18 Jean-Paul II, Lettre encyclique Ecclesia de Eucharistia [Sur l’Eucharistie dans son rapport à l’Église], 11. 19 Ibid., 25. 20 Ibid., 5. 21 Concile Vatican II, Décret Presbyterorum Ordinis, 13.

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L’auteur Massimo Camisasca est évêque du diocèse italien de Reggio EmiliaGuastalla et le fondateur de la Fraternité sacerdotale des Missionnaires de Saint Charles Borromée. Il a été supérieur général de la Fraternité pendant vingt-sept ans. Auparavant professeur de métaphysique à l’Université du Latran et à l’Institut Jean-Paul II à Rome, Mgr Camisasca est impliqué dans la formation des prêtres depuis ces trente dernières années. Il a publié plus de soixante livres, en sept langues, dont Prêtre, qui es-tu ?

Le Service d’information catholique Depuis sa fondation, l’Ordre des Chevaliers de Colomb est impliqué dans l’évangélisation. En 1948, les Chevaliers ont lancé le Catholic Information Service (CIS) pour fournir des publications catholiques au grand public ainsi qu’aux paroisses, écoles, maisons de retraite, établissements militaires, prisons, assemblées législatives, au corps médical et aux personnes individuelles qui en font la demande. Depuis plus de 60 ans, le CIS a publié et distribué des millions de livrets et des milliers de personnes ont suivi sa formation catéchétique.

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Lumière et silence : pages d’un journal sur l’Eucharistie © Copyright 2008, rubbettino. Tous droits réservés. www.rubbettinoeditore.it les œuvres citées sont la propriété de leurs

Série sur la nouvelle évangélisation 1 qu’est-ce que la nouvelle évangélisation ? 1èrE

Pa rT IE

« C a r D IE u

a TaN T a IMé lE MONDE

»

2 « Je crois en toi » : la question de Dieu dans le monde moderne 3 les mystères de la vie de Jésus 4 un Dieu qui est trois fois amour 5 « Nous sommes venus l’adorer » : une introduction à la prière à l’école de Benoît XVI

auteurs respectifs. 2èME les citations des écritures sont issues de la nouvelle traduction liturgique de la Bible de l’association épiscopale liturgique pour les pays francophones (aElF).

9 août 2013

N I H I l OB S TaT

Pa rTIE

« a PPE lE S

a a IME r …

»

6 appelés à aimer : la théologie de l’amour humain selon de Jean-Paul II 7 À l’image de l’amour : le mariage, la famille et la nouvelle évangélisation 8 Suivre l’amour pauvre, chaste et obéissant : la vie consacrée 3èME

Pa rTI E

… D a NS l’é g lISE , é P OuSE

DE l’a gNEau

9 « qu’il me soit fait selon ta parole » : Marie, à l’origine de l’église

Susan M. Timoney, S.T.D. le nihil obstat et l’imprimatur sont des

Censor Deputatus

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doctrinales ou morales. Cela n’implique

Archevêque de Washington

pas que les personnes qui ont accordé le nihil obstat et l’imprimatur sont d’accord avec

archidiocèse de Washington

le contenu, les opinions ou les affirmations

10 avec le cœur de l’époux : le sacerdoce ministériel 11 la transfiguration du monde : les sacrements 12 lumière et silence : un journal intime eucharistique 4èME

Pa rTI E

« a IME r

EN aCT E E T EN VE rITE

»

13 libres en vue de quoi ? 14 la justice : la dignité du travail 15 la justice : l’évangile de la vie

qui y sont exprimés. 5èME IMagE

DE l a C O u V E rT u r E

: « Bon pélican… »

En raison de la croyance médiévale selon laquelle le pélican nourrissait ses petits avec du sang de son propre cœur, l’oiseau est devenu un symbole

Pa rTIE

« Il

NOu S a a IME S Ju Squ ’ au BOuT

»

16 la dignité de la personne souffrante 17 « regardez ! J’étais mort et me voilà vivant… » : la mort et la vie éternelle

traditionnel du don de lui-même fait par le Christ dans l’Eucharistie. Mosaïque de l’autel, chapelle du séminaire de la Fraternité Saint Charles Borromée, rome, Italie. la mosaïque a été réalisée par le père Marko Ivan rupnik et les artistes du Centre aletti en 2010. Copyright de la photo Elio et Stefano Ciol. avec leur aimable permission.

a NN E XES : O u TIlS

POur l a NOuV E llE EVa NgElISaT ION

a la beauté de la sainteté : l’art sacré et la nouvelle évangélisation B la technologie et la nouvelle évangélisation : Critères de discernement


#12

Série sur la nouvelle évangélisation

« Voici la sainte hostie… le vrai visage de Dieu est révélé. »

#12

Série sur la nouvelle évangélisation

Lumière et silence : Un journal intime eucharistique

— Pape Benoît XVI

Mgr Massimo Camisasca

SErVICE D’INFOrMaTION CaTHOlIquE

SErVICE D’INFOrMaTION CaTHOlIquE

« Qu’est-ce que nous venons faire devant toi, Seigneur ? Nous sommes ici par dessus tout pour adorer… » Dans ces réflexions intimes, écrites pendant des temps de prière devant le Saint Sacrement exposé dans sa chapelle, Mgr Massimo Camisasca nous conduit dans une profonde contemplation de l’Eucharistie. Fixant avec l’auteur notre regard sur « le plus grand signe de la folie de l’amour de Dieu », nous entrons dans un émerveillement toujours plus grand devant le don de la présence désarmée du Christ parmi nous.

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