ENTRE NOUS NO 36 - NOVEMBRE 2015

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ENTR E NOUS N O 36 - NOVEMBRE 2015

SOMMAIRE

LES BURKINABÉES FACE AU CANCER RENCONTRE AVEC MARIE-CÉCILE FRIEDEN

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ÉDITO 2

LE CANCER, ENTRE OMBRE ET LUMIÈRE INTERVIEW DU SOCIOLOGUE ET ANTHROPOLOGUE FRANCESCO PANESE

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EN BREF

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MÉDECINES « DOUCES » ET CANCER 3 UN DIALOGUE NÉCESSAIRE

LA PRÉVENTION, EN ÉQUIPE 6 TROIS FEMMES À L’ENTHOUSIASME COMMUNICATIF NOS PROPOSITIONS

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ÉDITO COMPLÉMENTAIRE… OU ESSENTIEL !

Quelles sont les limites de la médecine « conventionnelle » ? Les patients, et notamment ceux atteints de cancer, l’ont bien compris : les traitements lourds, comme la chimiothérapie, entraînent souvent leur lot d’effets secondaires auxquels il faut tenter de remédier. L’acupuncture, les massages ou encore l’aromathérapie peuvent certes procurer un soulagement. Mais attention : certaines médecines dites « douces » ne sont pas pour autant anodines ! Dans cette édition, nous vous proposons un point sur les avantages et les risques des traitements complémentaires avec un spécialiste de la question, le D r Pierre-Yves Rodondi (voir ci-contre). La Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) est soucieuse de la qualité de vie des personnes atteintes de cancer, dont les traitements sont souvent longs. Elle les écoute, défend leurs droits, mais les aide aussi à faire face aux problèmes du quotidien, que la maladie décuple. Nos collaborateurs, spécialisés dans l’accompagnement et le conseil, répondent de manière personnalisée aux demandes émanant de patients ou de leurs proches. Celles-ci concernent notamment les assurances sociales, l’organisation familiale, la situation professionnelle ou les ressources financières. DU BURKINA FASO À LA SUISSE Autres latitudes, autres problèmes… Dans ce numéro, nous avons souhaité décentrer notre regard en nous intéressant à l’impact du cancer de l’utérus sur les femmes au Burkina Faso. Un pays où l’accès aux soins se révèle parfois compliqué et où le dépistage n’est pas fréquent. Nous avons interrogé une chercheuse

qui, après immersion dans un hôpital burkinabé, nous révèle ce que l’on sait peu : le cancer est en passe de devenir un problème majeur en Afrique également (voir page 4). Le P r Francesco Panese relève justement que, si la communication autour du cancer fait parfois défaut en Afrique, la maladie bénéficie au contraire d’une large couverture médiatique sous nos latitudes. Quelles sont les représentations liées au cancer ? Pourquoi fait-il si peur ? L’ancien directeur du Musée de la main apportera ses réponses de sociologue et d’anthropologue à ces questions qui nous concernent tous (voir page 5). Dans cette édition, nous vous invitons par ailleurs à rencontrer la dynamique équipe chargée de la prévention à la LVC. Sans relâche, nos trois collaboratrices sensibilisent les personnes de tous âges aux moyens de réduire les risques de développer un cancer, ainsi qu’aux différents programmes de dépistage existant dans le canton (voir page 6). Accompagner, prévenir, informer : ces trois missions de la LVC répondent aux besoins spécifiques des patients et touchent toutes les couches de la population. L’aide offerte par notre association est aussi complémentaire qu’essentielle pour les personnes souffrant de cancer, surtout lorsque l’entourage ou les ressources manquent à l’appel. Cette aide serait irréalisable sans votre précieux soutien, dont dépend financièrement la LVC. De tout cœur, un immense merci pour votre solidarité !

Anita DROZ, Directrice Ligue vaudoise contre le cancer

EN BREF

© DR

iStock © vm

PLONGEON SOLIDAIRE

UN PEU DE VOTRE TEMPS

Il naît parfois des projets qui prennent une tournure inattendue… Dans le cadre de leur travail de maturité, deux étudiantes du Gymnase d’Yverdon, Laura Loebl et Amélie Schenker, ont fait le pari de mettre sur pied un événement sportif inédit : la Nage de l’Espoir. L’objectif ? Nager le plus de kilomètres possible en une heure, avec le soutien d’un parrain, en vue de récolter des fonds pour la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC). Le 27 juin dernier, par une radieuse journée, pas moins de 120 nageurs ont participé à l’événement solidaire à la piscine en plein air d’Yverdon-les-Bains. Avec, à la clef, quelque 10’000 francs récoltés ! Une réussite inespérée pour les deux organisatrices touchées par la cause du cancer. La LVC tient à les remercier sincèrement, ainsi que tous les nageurs au grand cœur et leurs généreux supporters. MB

Vous cherchez une activité enrichissante, stimulante et valorisante ? Devenez bénévole pour la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) ! Composée de professionnels, la LVC compte aussi sur le précieux soutien de volontaires. Par leurs activités auprès des familles touchées par le cancer (visites à domicile, appuis scolaires, balades, etc.), leur accueil sur les stands d’information de la Ligue, l’accompagnement de patients lors de traitements ou encore l’aide administrative qu’ils prodiguent, les bénévoles représentent une ressource inestimable pour l’association. Selon leurs envies et compétences, ils offrent un peu de réconfort aux patients et à leur entourage ou sensibilisent la population au dépistage de cancers, entre autres missions. Les bénévoles de la LVC, qui ont l’occasion de se former, bénéficient en outre de rencontres encadrées par une spécialiste. MB Renseignements et inscriptions : tél. 021 623 11 18 - benevoles@lvc.ch - www.lvc.ch

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MÉDECINES « DOUCES  » ET CANCER, UN DIALOGUE NÉCESSAIRE Les médecines complémentaires ont le vent en poupe. Les études montrent que de nombreux patients soignés pour un cancer ont recours à des thérapies complémentaires. Mais sont-elles pour autant dépourvues de risque ? Rencontre avec le Dr Pierre-Yves Rodondi, médecin de famille et responsable du nouveau Centre de médecine intégrative et complémentaire (CEMIC) du CHUV et de la PMU, à Lausanne. QUELLES SONT LES DIFFÉRENCES ENTRE MÉDECINES DOUCES, NATURELLES, PARALLÈLES, ALTERNATIVES ET COMPLÉMENTAIRES ? Ces appellations désignent plus ou moins la même idée, c’est leur connotation qui varie fortement. Je ne suis pas favorable aux qualificatifs « douces » et « naturelles », qui donnent l’impression que ces médecines sont inoffensives, alors qu’elles peuvent avoir des effets secondaires. Le terme « alternative » signifie « à la place de », tandis que « parallèle » induit une approche qui ne rejoindrait jamais la médecine classique, comme si thérapeutes et patients devaient choisir leur camp. Je préfère donc parler de médecines « complémentaires », car cela exprime littéralement un complément à la médecine conventionnelle. Et c’est ce qui correspond le mieux à l’usage que font les gens de ces thérapies.

LES THÉRAPIES COMPLÉMENTAIRES FONT-ELLES L’OBJET DE PROCESSUS DE VALIDATION SCIENTIFIQUE ? Les fonds alloués à la recherche sont très faibles dans ce domaine, aussi évolue-t-elle lentement. Il faut pourtant entreprendre les études avec la même rigueur que pour la médecine conventionnelle, avec des techniques dirigées sur des symptômes particuliers. S’il est possible de mesurer les effets d’un médicament avec ceux d’un placebo, il est plus difficile de comparer yoga et yoga placebo ! Il faut donc plutôt créer des études qui comparent deux approches. Par exemple, pour le cancer chez la femme, des études montrent que l’acupuncture a la même efficacité qu’un antidépresseur contre les bouffées de chaleur liées à des traitements anticancéreux. Les professionnels de la santé devraient avoir accès plus facilement à ce genre de données.

CERTAINES DE CES THÉRAPIES COMPORTENT-ELLES DES RISQUES LORSQUE L’ON SUIT UN TRAITEMENT ANTICANCÉREUX ? En effet, les plantes et compléments alimentaires peuvent interagir dangereusement avec des agents de chimiothérapie. Il vaut donc mieux les éviter. Prenons l’exemple du thé vert : beaucoup de patients en boivent, ce qui n’est souvent pas un risque en soi. Mais dans le cas d’un médicament utilisé contre le myélome multiple, il a été montré que le thé vert diminue les effets de la chimiothérapie. Il est donc essentiel d’informer son oncologue avant de suivre un traitement non conventionnel afin d’éviter toute forme d’interaction, surtout lorsqu’il est question de consommer des produits à base de plantes. Enfin, il faut d’office se méfier de toute substance « miracle » ou thérapie promettant la guérison : cela n’existe pas. Si une molécule ou technique avait fait preuve d’une efficacité extraordinaire, elle ne serait certainement pas ignorée de la communauté scientifique.

OÙ ORIENTER LES PATIENTS QUI CHERCHENT UNE MÉTHODE COMPLÉMENTAIRE FIABLE SANS CONTRE-INDICATION AVEC LEUR TRAITEMENT ? Pour l’heure, il n’existe malheureusement pas de site web fiable ou de littérature accessible en français. Dans un monde idéal, généralistes, oncologues et thérapeutes devraient pouvoir conseiller les patients sur les approches complémentaires adéquates ou à éviter, mais il est très difficile d’être à jour dans tous les domaines. Aux États-Unis, des spécialistes de ces médecines travaillent au sein même des hôpitaux pour répondre aux questions du corps médical et des patients au sujet des thérapies complémentaires. C’est ce que vise la médecine intégrative. Un des objectifs du CEMIC, le Centre de médecine intégrative et complémentaire, est justement de réfléchir aux moyens de développer une structure similaire au sein du CHUV. Dans l’intervalle, si un patient ne trouve pas de réponse auprès de son médecin, je l’orienterais vers la Ligue suisse contre le cancer, qui dispose d’une ligne directe à cet effet (Ligne InfoCancer : 0800 11 88 11). Propos recueillis par CVE/Plates-Bandes communication

QUELLE MÉTHODE COMPLÉMENTAIRE RECOMMANDERIEZVOUS AUX PERSONNES ATTEINTES DE CANCER ? Rappelons avant tout qu’aucun traitement complémentaire ne guérit le cancer. Toutefois, traiter un cancer ne signifie pas seulement tuer des cellules malignes, c’est aussi faire en sorte que le patient bénéficie d’une bonne qualité de vie. Ainsi, ces médecines ont un intérêt pour soulager les troubles associés à la maladie, tels que douleurs, nausées, angoisses, fatigue ou insomnies. Il y a des résultats intéressants avec le yoga ou l’acupuncture, par exemple. Le médecin est au service du patient et devrait pouvoir l’aiguiller, s’il le souhaite, vers une thérapie complémentaire adéquate. Il est urgent de favoriser le dialogue entre médecine conventionnelle et complémentaire. La médecine dite intégrative, très développée aux États-Unis dans les grands centres du cancer, vise justement à offrir au patient le meilleur des médecines conventionnelles et complémentaires, en se basant sur des données scientifiques.

« Traiter un cancer ne signifie pas seulement tuer des cellules malignes, c’est aussi faire en sorte que le patient bénéficie d’une bonne qualité de vie. » D r Pierre-Yves Rodondi

© Marie-Pierre Mathey

Retrouvez le D r Rodondi lors du Midi de Pépinet du 26 novembre prochain (voir page 7). © DR


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LES BURKINABÉES FACE AU CANCER iStock © ByeByeTokyo

Amoureuse de l’Afrique depuis son premier voyage en 2000, Marie-Cécile Frieden rédige actuellement sa thèse sur le cancer du col de l’utérus au Burkina Faso. Nous l’avons rencontrée à Neuchâtel, où elle travaille en alternance avec des séjours sur le terrain. POURQUOI AVEZ-VOUS CHOISI DE TRAVAILLER SUR CE SUJET ? J’ai été interpellée par un article sur le cancer en Afrique de l’Ouest francophone, région que je connais bien. Et j’ai malheureusement eu des cas de cancer dans ma famille, ce qui m’a probablement rendue assez réceptive. Il a fallu ensuite affiner le sujet : le cancer en Afrique, c’était trop vaste. Je voulais travailler avec des femmes, donc j’ai choisi un cancer qui les concernait particulièrement. EST-CE FACILE DE RÉALISER CE TRAVAIL DANS LES INFRASTRUCTURES BURKINABÉES ? C’est à la fois facile et compliqué. Les institutions étatiques et les organisations non gouvernementales actives dans la santé sont intéressées par le projet. Au centre hospitalier universitaire de Ouagadougou, je suis également très bien reçue par le personnel soignant. Mais comme je suis une « chercheuse », et non pas une patiente, la situation est délicate. Je ne suis pas malade, je ne veux pas gaspiller le temps imparti aux patients : les soignants sont débordés partout et notamment dans le service de gynécologie-obstétrique où je travaille. EN SUISSE, LES FROTTIS SONT RÉGULIÈREMENT EFFECTUÉS CHEZ UN GYNÉCOLOGUE AFIN DE DÉPISTER LE CANCER DU COL DE L’UTÉRUS. AU CONTRAIRE, EN AFRIQUE, IL N’Y EN A PAS ASSEZ. POURQUOI CETTE DIFFÉRENCE ? La prévention en Suisse est efficace : la communication, le relais des médecins et des assurances maladie fonctionnent très bien. En Afrique de l’Ouest, la relation aux soins est différente : la prévention est minime, on ne consulte que lorsque les symptômes sont alarmants, donc souvent quand la maladie est très avancée. C’est un problème économique, mais aussi infrastructurel : il y a peu de relais dans les zones rurales, notamment, et aller consulter en ville suppose une organisation compliquée et coûteuse. Les cancers gynécologiques souffrent en plus d’être des cancers relativement tabous, supposant des consultations et des soins très invasifs dans le corps féminin... QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES AU NIVEAU DE LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTES ET DE LEUR QUALITÉ DE VIE ? Le cancer du col de l’utérus est dépourvu de symptômes dans les premiers temps. Les femmes diagnostiquées viennent consulter parce qu’elles souffrent et saignent beaucoup. Elles sont souvent, hélas, déjà à un stade avancé. Mettre en place un protocole thérapeutique s’avère très compliqué : les médicaments ne sont pas disponibles et trop onéreux. A cela s’ajoute le manque de spécialistes et d’infrastructures : il n’existe que quatre spécialistes dans tout le pays, pour 17 millions d’habitants. Il n’est pas possible non plus de faire de la radiothérapie sur place ; or, pour ce cancer, il faudrait une combinaison de chimiothérapie et de radiothérapie. Du coup, quand le diagnostic tombe, il s’agit plutôt

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de proposer des soins palliatifs et un accompagnement. La plupart du temps, les femmes rentrent chez elles et commencent une phase de fin de vie, avec un accompagnement familial. QUELLES SONT LES STATISTIQUES CONCERNANT LE CANCER DU COL DE L’UTÉRUS AU BURKINA FASO ? 
 Les derniers chiffres datent de 2010, ils sont donc à prendre avec des pincettes : selon l’Organisation mondiale de la santé, il y aurait 1’200 nouveaux cas et 800 décès par an, sur 17 millions d’habitants 1. Bien sûr, ces chiffres concernent uniquement les patientes qui viennent consulter... Des statistiques globales et prospectives de l’OMS estiment que le cancer touchera et décimera plus de personnes en Afrique que le paludisme, la tuberculose et le VIH réunis. Cependant, ces derniers restent des « priorités », notamment pour les politiques de santé publique, les actions de coopération internationale et la recherche en général. QUE FAUDRAIT-IL DÉVELOPPER POUR DIMINUER LE NOMBRE DE CAS ? LA VACCINATION CONTRE LE PAPILLOMAVIRUS SERAIT-ELLE ENVISAGEABLE ? La vaccination coûterait trop cher. De plus, les vaccins testés en Europe pour nos virus seraient inutiles sur les virus locaux. Des campagnes de dépistage, qui fonctionnent assez bien, se mettent en place : les infirmiers et infirmières peuvent réaliser ces tests, sans avoir besoin forcément de médecins spécialisés. Il n’y avait rien autour du cancer il y a 10 ans : aujourd’hui, le gouvernement a misé sur la communication et le dépistage. De gros progrès ont été réalisés ces dernières années ! Propos recueillis par Carina Carballo

« Des statistiques globales et prospectives de l’OMS estiment que le cancer touchera et décimera plus de personnes en Afrique que le paludisme, la tuberculose et le VIH réunis. » Marie-Cécile Frieden

© DR

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En Suisse, 250 nouveaux cas sont dépistés chaque année, avec 80 décès par an, sur 8 millions d’habitants environ (selon l’Institut national pour l’épidémiologie et l’enregistrement du cancer, NICER).


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LE CANCER, ENTRE OMBRE ET LUMIÈRE Un éclairage sur les représentations du cancer, sa prise en charge médicale et la place qu’il occupe dans l’imaginaire, par le sociologue et anthropologue Francesco Panese1. L’ANNONCE D’UN DIAGNOSTIC DE CANCER PAR LES MÉDECINS EST-ELLE TOUJOURS ADÉQUATE ? Il y a encore des progrès à faire, en particulier dans la médecine hospitalière. Il existe une tendance malheureuse à communiquer le diagnostic avec peu d’égards pour le patient, en se cantonnant au résultat du diagnostic – véritable coup de massue. Certains médecins se réfugient derrière le factuel, pour se protéger ou par manque de temps. Même s’il n’est pas facile d’annoncer des mauvaises nouvelles, la question de la relation humaine se pose lorsqu’un médecin annonce un diagnostic qui peut blesser, voire anéantir la personne en face de lui. POURQUOI CERTAINES PERSONNES ATTEINTES DE CANCER S’ORIENTENT VERS LES MÉDECINES « DOUCES » OU COMPLÉMENTAIRES (VOIR PAGE 3) ? Un grand nombre de patients vivent harmonieusement la coexistence de la médecine « technicienne » et d’autres méthodes. Ils sont beaucoup plus adeptes du complémentarisme que les médecins. Par leur recours à des alternatives, les patients font preuve d’une conscience assez saine des limites de la médecine et de la nécessité d’investir pratiquement et symboliquement ce qui leur arrive par d’autres moyens. Mais il faut les préserver de la malhonnêteté des « prédateurs de souffrances » et autres charlatans.

© UNIL

« On fait sans doute partie de la société la plus inquiète de l’histoire, alors que l’on vit dans la société la plus sûre qui n’ait jamais été ! »

QU’ÉVOQUE POUR VOUS LE MOT « CANCER » ? Le cancer est sans doute la pathologie la plus politisée dans l’histoire du XXe siècle. Depuis les années quarante, l’annonce de la guérison du cancer est presque devenue un leitmotiv médiatique dans les pays industrialisés à fort investissement médical, comme l’annonce d’un triomphe de la médecine occidentale moderne. Le cancer touche aussi l’Afrique (ndlr voir page 4), mais là où il existe peu de diagnostic et de prise en charge et surtout pas de recherche, le cancer est « invisibilisé », alors que dans les pays occidentaux – en particulier en Europe et aux États-Unis – le cancer est « survisibilisé ». Or, on peut se demander pourquoi certaines questions bénéficient d’une si grande visibilité alors même que d’autres sont passées sous silence… QUE REPRÉSENTE LE CANCER DANS L’IMAGINAIRE COLLECTIF ? Sans doute plus que beaucoup d’autres maladies, il représente une « figure du malheur » qui donne lieu à toute une série d’explications profanes par lesquelles les patients et leurs proches tentent de lui donner un sens. Sa capacité à évoquer la mort, la douleur, fait de lui une affection parmi les plus investies symboliquement. Et les patients font preuve de beaucoup d’inventivité dans les explications qu’ils donnent de leur cancer. Pour certains, il s’apparenterait à une traduction dans la chair d’un traumatisme vécu 2. Il peut aussi être interprété comme une réaction à des circonstances de stress. Dans les explications profanes, la part psychologique est très importante. La prolifération de ce type d’explications indique à l’anthropologue que l’éclairage purement médical est souvent insuffisant du point de vue des patients.

L’IDÉE, VÉHICULÉE NOTAMMENT PAR LES MÉDIAS, SELON LAQUELLE TOUT CE QUE L’ON CONSOMME SERAIT POTENTIELLEMENT CANCÉRIGÈNE N’ALIMENTE-T-ELLE PAS UNE CERTAINE PSYCHOSE AUTOUR DE CETTE MALADIE ? Pour le sociologue, la prolifération des discours autour du « cancérigène » témoigne d’une méfiance générale vis-à-vis des relations contemporaines entre environnement et santé, comme si le mode de vie moderne « rendait malade ». Tout ce qui ne serait pas « naturel » engendrerait « le mal ». Le dispositif sanitaire moderne, qui vise à la préservation de la santé des individus, a paradoxalement produit énormément d’anxiétés. On fait sans doute partie de la société la plus inquiète de l’histoire, alors que l’on vit dans la société la plus sûre qui n’ait jamais été ! C’est comparable à la question de la violence 3 : alors qu’on n’a jamais été aussi en sécurité, en particulier dans les rues de Suisse, le sentiment d’insécurité est très important. L’inquiétude des individus est nécessaire à l’efficience du système sanitaire, mais je crois qu’il vaut la peine de réfléchir aux proportions qu’elle a prises. Rappelons-nous que la vie est chose risquée ! Propos recueillis par Marie Bertholet

Francesco Panese est professeur associé de sociologie des sciences et de la médecine, à cheval entre le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV, Institut de l’histoire de la médecine) et l’Université de Lausanne (UNIL, Institut des sciences sociales). Il a par ailleurs dirigé durant 15 ans le Musée de la main à Lausanne, qu’il a récemment quitté afin de se consacrer pleinement à l’enseignement et à la recherche. Franceso Panese a longtemps collaboré avec les milieux médicaux, en particulier avec les cliniciens, dont il a étudié les pratiques. Il s’est notamment intéressé à la question des relations entre médecins et patients. 2 Aline Sarradon-Eck, Le cancer comme inscription d’une rupture biographique dans le corps, 2009. 3 L’exposition Violences est à découvrir jusqu’au 19 juin 2016 au Musée de la main, à Lausanne. www.museedelamain.ch 1


Isabelle Philipona, Marie-Laure Moine et Claudia Freymond

LA PRÉVENTION, EN ÉQUIPE ! © LVC

Un stand accueillant, des campagnes d’information et des rencontres ouvertes à tous : l’équipe de prévention de la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) sensibilise le public aux risques de cancers et répond à ses questions. Rencontre avec Isabelle, Marie-Laure et Claudia, piliers de la prévention. L’équipe de prévention de la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) réunit trois femmes à l’enthousiasme communicatif : Isabelle Philipona, infirmière et responsable du Service de prévention depuis plus de 15 ans, Marie-Laure Moine, infirmière et Claudia Freymond, assistante en pharmacie. Ces professionnelles informent enfants et adultes sur les risques de cancers. Avec un stand, des brochures explicatives et de nombreuses actions autour de la maladie, elles ont à cœur d’aller à la rencontre du public. « Les gens se sentent à l’aise de nous poser des questions qu’ils n’oseraient pas poser à leur médecin : nous sommes accessibles et prenons le temps d’écouter les préoccupations de chaque personne », explique Isabelle. AU SOLEIL PRUDEMMENT La « campagne soleil » est l’un des axes de prévention phares de la LVC. Depuis qu’elle a découvert avec surprise que beaucoup d’enfants (et de parents !) ne connaissent pas les gestes de base pour se protéger des rayons solaires, Claudia est particulièrement sensible à ce thème. « Nous organisons des animations dans les écoles et pendant les joutes sportives pour avertir des dangers du soleil et présenter les réflexes à adopter », expliquet-elle. Et, pour toucher les adultes, l’équipe installe son stand sur des manifestations en plein air : l’occasion de lutter contre les fausses croyances autour du cancer de la peau. DES MAQUETTES ET DES RENCONTRES Autre campagne importante cette année, le dépistage du cancer du sein. Après une conférence le 27 octobre dernier, la LVC a installé son stand le 31 octobre au marché de Vevey. Deux actions menées en collaboration avec la Fondation vaudoise pour le dépistage du cancer. Accompagnées d’une maquette géante de sein, Isabelle et Marie-Laure ont encouragé les femmes à effectuer des contrôles réguliers (voir encadré). « La Fondation vaudoise pour le dépistage du cancer convoque tous les deux ans les femmes entre 50 et 69 ans pour un contrôle des seins à moindre frais. Aujourd’hui, on observe une diminution de participation à cet examen pourtant très important pour un diagnostic précoce », regrette Isabelle.

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DES MIDIS POUR PARTAGER Par ailleurs, la Ligue propose chaque semaine des rencontres thématiques : les Midis de Pépinet. Tous les jeudis (hors vacances scolaires), les locaux de la LVC s’ouvrent au public et aux patients qui souhaitent s’informer et échanger sur le cancer, en présence de spécialistes. « Cela fait bientôt 3 ans que nous organisons les Midis de Pépinet et le succès est au rendez-vous ! », se réjouit Marie-Laure, l’infirmière en charge du projet. « Ces rencontres répondent à un vrai besoin : les personnes qui viennent nous voir cherchent des informations mais aussi un lieu pour partager ce qu’elles vivent. » L’information ainsi que la promotion du mouvement et d’une alimentation saine sont au cœur de ces moments de partage (voir programme en page 7). Sans oublier l’humour : « Les Midis offrent aussi un lieu pour se lâcher, dédramatiser et passer un bon moment ! » D’échanges en rencontres, l’équipe de prévention unit ses forces pour transmettre des messages salutaires et répondre aux interrogations. Isabelle, Marie-Laure et Claudia sont soutenues dans leur mission par des bénévoles et par l’ensemble des collaborateurs de la LVC, qui assurent une présence constante afin d’informer et accompagner chaque personne selon ses besoins. LB / Plates-Bandes Communication

PROGRAMME CANTONAL DE DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN La Fondation vaudoise pour le dépistage du cancer est en charge du programme de dépistage du cancer du sein. Son objectif : inciter les femmes de 50 à 69 ans à effectuer régulièrement une mammographie, remboursée par l’assurance maladie de base, hors franchise. Pour toute information, contactez la Fondation vaudoise pour le dépistage du cancer : www.swisscancerscreening.ch/cantons/vaud - 021 314 14 36


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NOS PROPOSITIONS DE NOVEMBRE 2015 À JUIN 2016 MIDIS DE PÉPINET

COURS ET GROUPES

Les jeudis, rendez-vous dans les locaux de la Ligue vaudoise contre le cancer (place Pépinet 1, Lausanne) de 12h à 13h30 pour une rencontre conviviale et informative, encadrée par des spécialistes. Entrée libre, sans inscription. Reprise des Midis de Pépinet en février 2016.

La Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) propose une palette de cours et groupes destinés aux patients, mais également ouverts à leurs proches : cuisine, mouvement et bien-être, gestion du stress… Autant d’occasions pour les personnes touchées par un cancer de se ressourcer et de partager leur vécu dans un cadre convivial. Les cours et groupes se déroulent à Lausanne, mais aussi sur la Riviera et la Côte. Découvrez prochainement le programme du premier semestre 2016 sur www.lvc.ch

© LVC

GESTION DU STRESS ET DES ÉMOTIONS - LAUSANNE Les lundis 23 novembre / 7 décembre 2015 Horaire de 13h30 à 15h30

MOUVEMENT ET BIEN-ÊTRE - LAUSANNE Les jeudis 26 novembre / 3 et 10 décembre 2015 Horaire de 14h30 à 15h30

CUISINE ET NUTRITION - CLARENS Les mercredis 2 décembre 2015 / 13 et 27 avril 2016 Horaire de 9h15 à 14h

JEUDI 26 NOVEMBRE MIDI INFORMATIF - LA DOUCE MÉDECINE Le point sur les médecines douces et leur place dans les soins. Avec le D r Pierre-Yves Rodondi, spécialiste des médecines complémentaires au CHUV (voir page 3)

JEUDI 3 DÉCEMBRE MIDI ACTIF - DÉGELONS-NOUS ! Comment réguler notre thermomètre intérieur quand notre organisme souffre du froid ? Avec Monique Gabella, professeur de « gym douce »

JEUDI 10 DÉCEMBRE MIDI INFORMATIF - L’ESSENCE DE SOI Quand le parfum que vous aimiez vous insupporte, réinventez-le avec des huiles essentielles ! Avec Muriel Colliard, conseillère en image

JEUDI 17 DÉCEMBRE MIDI GUSTATIF - MISE EN BOUCHE MUSICALE Apéritif canadien au rythme de la musique. Avec vous toutes et tous

© Mirei Lehmann

MOI, MON CORPS, MES RESSOURCES - LAUSANNE Le mercredi 2 décembre 2015 Horaire de 14h à 16h

CUISINE ET NUTRITION - NYON Les jeudis 3 et 17 décembre 2015 Horaire de 10h30 à 13h30

POUR PLUS D’INFORMATIONS LVC – Ligue vaudoise contre le cancer Place Pépinet 1 - 1003 Lausanne - tél. 021 623 11 11 info@lvc.ch - www.lvc.ch CCP 10-22260-0

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FSC

Couverture : iStock © Andrey Artykov Graphisme  : Atelier TESSAGERSTER Impression  : PCL Presses Centrales SA


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VOUS RACONTE

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