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ENTR E NOUS N O 41 – juin 2018
SOMMAIRE
IMMUNOTHÉRAPIE 4 UN TRAITEMENT AUX RÉSULTATS ENGAGEANTS
ÉDITORIAL 2 DES SOLUTIONS POUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DE VIE DES PATIENTS
SEXUALITÉ 5 LA MALADIE BOULEVERSE IMAGE DE SOI ET RELATION DE COUPLE
EN BREF
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PROCHES AIDANTS SAVOIR ÉCOUTER LEURS BESOINS
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CANCER ET FATIGUE AU CŒUR DES PRÉOCCUPATIONS DES MALADES
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NOS PROPOSITIONS
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ÉDITORIAL DES SOLUTIONS POUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DE VIE DES PATIENTS
© Yves Ryncki
La prise en charge du cancer s’inscrit dans un continuum. Il y a les traitements d’abord. Toujours plus pointus, ils ont permis de faire baisser significativement le taux de mortalité de la maladie durant les vingt dernières années. Cette tendance devrait se poursuivre grâce aux avancées scientifiques. Pour ne citer qu’un seul exemple, l’immunothérapie s’est beaucoup développée depuis cinq ans et laisse entrevoir des résultats prometteurs (page 4).
Si l’on meurt moins du cancer, le nombre de nouveaux cas augmente en raison du vieillissement de la population. Combinés, ces deux effets ont une conséquence claire : de plus en plus de Suisses vivent avec le diagnostic de la maladie. C’est là qu’interviennent, dans un second temps, les soins de support – soit les mesures prises pour permettre aux patients de tolérer au mieux les symptômes du cancer et les effets secondaires des traitements. L’offre en la matière concerne autant le volet physique que les dimensions psychologique et sociale du cancer.
en oncologie. Pourtant, la préservation de leur qualité de vie est primordiale pour les patients. Et pour cause : les effets secondaires des traitements sont nombreux. Parmi eux, la fatigue figure en peloton de tête de leurs préoccupations. Elle les empêche souvent de s’acquitter de leurs tâches quotidiennes et peut perdurer des mois, voire des années après la guérison (page 3). Au chapitre du maintien de la qualité de vie, on peut aussi mentionner la sexualité, souvent mise à mal par la maladie. Tout comme la fatigue, elle doit faire partie intégrante du suivi des malades par des professionnels de tous horizons (page 5). En prolongement des soins de support, l’accompagnement des proches est central, lui aussi, pour le bien-être des patients. En première ligne dans les actes du quotidien, les proches aidants endossent cependant un rôle qui peut facilement mener à l’épuisement (page 6). Leurs besoins et limites devraient être clairement définis pour éviter qu’ils ne tombent eux-mêmes malades. Je vous souhaite une agréable lecture et tiens à vous remercier chaleureusement de votre soutien. Grâce à vous, nous pouvons accompagner les patients et leurs proches au plus près de leurs besoins. Chantal DISERENS, Directrice Ligue vaudoise contre le cancer
Le grand public a parfois tendance à oublier l’importance de ces soins, éclipsés par le côté « spectaculaire » des nouvelles thérapies
EN BREF
iStock © scyther5
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NOUVELLE PERMANENCE JURIDIQUE
UN CONSEIL INFIRMIER CONSOLIDÉ
La Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) a renforcé son offre de soutien aux personnes atteintes de cancer et à leurs proches et, depuis le 1 er mai dernier, leur propose des renseignements juridiques gratuits. La permanence est assurée par le directeur adjoint de l’association, Yves Hochuli. Juriste et titulaire du brevet d’avocat, il répond uniquement aux questions qui ont trait au droit des assurances privées et sociales, au droit du travail et au droit des successions. La permanence est ouverte sur rendez-vous le mercredi matin de 9h00 à 12h00, sauf durant les vacances scolaires. BT
Le Service prévention de la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) compte une nouvelle infirmière dans ses rangs depuis mars dernier. Objectif de cet engagement : renforcer et diversifier les activités de conseil proposées aux habitants vaudois avant, pendant et après la maladie. Nathalie Baudin, spécialisée en oncologie, répond aux questions en lien avec le cancer – qu’il s’agisse de le prévenir, de gérer les effets secondaires des traitements comme la fatigue et la douleur ou de faire face aux conséquences de la maladie sur le long terme, notamment si l’on travaille. BT
Pour prendre rendez-vous : Tél. 021 623 1 1 11 (lu-je : 9h00-12h00/14h00-17h00, ve : 9h00-12h00/14h00-16h00) Email : infojuridique@lvc.ch
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Contact Service prévention : Tél. 021 623 11 11 (lu-ma-je : 9h00-12h00/14h00-17h00, ve : 9h00-12h00/14h00-16h00) Email : info@lvc.ch
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« LA FATIGUE PORTE UNE ATTEINTE SÉVÈRE À LA QUALITÉ DE VIE DES PATIENTS » Effet secondaire courant des traitements contre le cancer, la fatigue a d’importantes répercussions au quotidien pour les malades. Mais comment lutter contre ce phénomène dont on connaît mal les origines ? Rencontre avec Manuela Eicher, professeure associée à l’Institut universitaire de formation et de recherche en soins (IUFRS) et infirmière consultante en recherche au département d’oncologie du CHUV. COMMENT DÉFINIR LA FATIGUE LIÉE AU CANCER ? Elle est sans commune mesure avec ce que nous pouvons ressentir après un effort physique ou intellectuel. La fatigue liée au cancer se caractérise par un sentiment persistant d’épuisement que le repos et le sommeil n’arrivent pas complètement à soulager. Très présente durant les traitements, elle peut s’installer sur le long terme – soit pendant des mois, voire des années, après la fin des thérapies. Elle porte une atteinte très sévère à la qualité de vie des personnes qui la ressentent avec souvent, pour corollaire, un retrait de la vie sociale. La fatigue a également des répercussions sur leur future employabilité.
© UNIL-CHUV
QUEL EST LE POURCENTAGE DE PATIENTS CONCERNÉS ? Articuler un chiffre précis reste difficile. Selon les différentes études dont nous disposons actuellement, entre 20 % et 90 % des malades – en traitement ou par la suite – ressentent de la fatigue à des degrés divers. Seule certitude : cette dernière est au cœur de leurs préoccupations. Elle fait partie des effets secondaires des thérapies les plus courants et les plus gênants. Les soins de support – soit les soins et soutiens mis à disposition des malades pour leur assurer la meilleure qualité de vie possible sur les plans physique, psychologique et social – sont ici insuffisants ou sans effet. La prise en charge de la fatigue est le besoin le moins satisfait en la matière. CONNAÎT-ON LES MÉCANISMES QUI PROVOQUENT CE SENTIMENT D’ÉPUISEMENT ? Ils sont multifactoriels et, pour certains, peu connus. La fatigue peut résulter de la maladie elle-même ou des nombreux effets secondaires des traitements – comme les douleurs, les troubles digestifs et alimentaires ou l’anémie. La détresse psychologique ainsi que d’éventuelles comorbidités pèsent également dans la balance. Au vu de cette multiplicité d’éléments, identifier un lien de cause à effet direct pour expliquer la fatigue reste très complexe. Résultat : il est difficile de proposer aux patients des traitements ou interventions non-pharmacologiques précis. Les professionnels de la santé explorent différentes pistes de recherche pour mieux comprendre le phénomène et ouvrir de nouvelles perspectives. EN ATTENDANT, QUE RECOMMANDER POUR APPRIVOISER LA FATIGUE AU QUOTIDIEN ? On observe que la fatigue apparaît souvent en même temps que d’autres symptômes – à savoir la douleur, la détresse psychologique et les difficultés de sommeil. Elle se nourrit en quelque sorte de ces trois éléments interdépendants. Si l’on parvient à agir sur l’un d’entre eux, les autres, par ricochet, sont également touchés. Il devient alors possible d’amorcer un cercle vertueux et, petit à petit, d’aller vers un mieux. De petits riens font parfois la différence. PAR EXEMPLE ? Les patients qui présentent une fatigue modérée à sévère devraient se fixer des objectifs réalistes pour lutter contre. Et cela peut commencer par le simple fait de ne pas rester au lit toute la journée. Établir un journal de leur fatigue, pour en suivre l’évolution, présente aussi une certaine utilité. Cette démarche permet de réserver les occupations plaisantes aux moments de la journée où l’épuisement se fait le moins ressentir. Autre conseil : ne pas hésiter à demander de l’aide pour les activités physiques éprouvantes telles que les tâches ménagères. Cela semble peu de prime abord, mais ces différentes mesures ont fait preuve de leur utilité.
Pour Manuela Eicher, des soins plus efficaces de la fatigue liée au cancer s’imposent comme une priorité dans les années à venir.
L’ACTIVITÉ PHYSIQUE PRÉSENTE DE NOMBREUX BÉNÉFICES POUR LA SANTÉ. AGIT-ELLE ÉGALEMENT SUR LA FATIGUE ? Oui, elle est prometteuse, à condition que le patient n’ait que peu ou pas de douleur. L’exercice physique a un impact positif sur le système immunitaire et la stabilisation de la masse corporelle. Mais tout comme nous ne comprenons pas encore le pourquoi de la fatigue liée au cancer, nous n’avons pas, pour l’instant, réussi à identifier les mécanismes qui entrent en jeu ici. En parallèle au mouvement, les exercices de relaxation et les thérapies cognitivocomportementales ont également démontré leur efficacité. Chaque individu a ses propres besoins, il faut donc proposer des approches personnalisées. LE GRAND PUBLIC EST-IL SUFFISAMMENT INFORMÉ DU SUJET ? Les efforts de communication doivent se poursuivre. Auprès des patients et de leurs proches d’abord, car ils ne mesurent pas toujours l’ampleur que peut prendre le phénomène une fois les traitements terminés. Auprès des employeurs ensuite, puisque la reprise du travail est souvent un élément clé dans la perspective d’un retour à la « normale » après la maladie. LA FATIGUE A-T-ELLE ÉTÉ SOUS-ESTIMÉE DANS LA GESTION DES SOINS ? Les cliniciens y sont sensibilisés depuis plusieurs années. Il y a vingt ans, la priorité allait plutôt à la survie, moins à la qualité de vie. Les avancées médicales permettent désormais de se concentrer davantage sur le bien-être des patients. Ce travail passe par le biais d’une prise en charge interdisciplinaire, seule à même de répondre de manière efficace à leurs besoins complexes et diversifiés. Propos recueillis par Béatrice Tille
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L’IMMUNOTHÉRAPIE, UN TRAITEMENT PROMETTEUR Aider le système immunitaire à se défendre contre les cellules cancéreuses profite à environ un patient atteint de mélanome sur deux. Des résultats intéressants sont également obtenus dans de nombreux autres types de cancer. Cette thérapie devrait se développer et s’affiner ces prochaines années. iStock © gremlin
L’immunothérapie connaît des avancées spectaculaires depuis environ cinq ans. Les chercheurs ont trouvé de nouveaux moyens pour stimuler le système immunitaire afin qu’il parvienne à identifier et à détruire les cellules cancéreuses. « La véritable révolution est la découverte d’inhibiteurs de checkpoints, ces tours de contrôle présentes sur les globules blancs. Ce sont des sortes de freins que l’on essaye de lever avec ces inhibiteurs, afin de réactiver les globules blancs », explique Olivier Michielin, professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne (UNIL) et médecin-chef de la division d’oncologie personnalisée analytique au département d’oncologie UNIL-CHUV. Des anticorps créés en laboratoire sont injectés aux patients, afin d’aider leur organisme à se défendre lui-même contre le cancer. L’un des principaux avantages de ce traitement est que le système immunitaire s’adapte à l’évolution de la tumeur. Les personnes atteintes d’un cancer peuvent vivre plus longtemps, certaines sont même stabilisées depuis de nombreuses années et ne présentent plus de signe de la maladie. « Pour certains cancers, c’est beaucoup plus prometteur que d’autres thérapies », souligne Olivier Michielin. « Mais des effets secondaires peuvent apparaître, car le traitement est susceptible de mener à des toxicités farouches. Il faut surveiller le patient de près pour riposter à une réaction auto-immune, lorsque le système immunitaire se met à attaquer des tissus sains de l’organisme. » TRÈS EFFICACE DANS CERTAINS CAS Aujourd’hui, une immunothérapie peut agir très rapidement. Olivier Michielin donne l’exemple d’une patiente arrivée avec une cinquantaine de nodules sous la peau. Deux semaines plus tard, leur nombre avait été réduit de moitié et quatre semaines plus tard, tout avait disparu. Mais ce traitement ne fonctionne que chez un patient sur deux environ. « Il agit de manière particulièrement efficace lors de mélanomes et de cancers du poumon, car ces tumeurs ont beaucoup de mutations liées aux ultraviolets ou à la fumée. La maladie présente donc davantage de modifications détectées par les globules blancs », dévoile Olivier Michielin. L’immunothérapie donne aussi de bons résultats pour les cancers de la vessie, des reins, du foie, ORL et certaines maladies hématologiques. Pour l’instant, elle fonctionne moins bien lors de cancers du sein ou colorectal. « L’efficacité de la thérapie dépend aussi de l’état du patient », ajoute le professeur. « Plus la maladie est avancée, plus le traitement est compliqué car le système immunitaire devient défaillant. » L’immunothérapie peut être utilisée seule ou combinée avec une chimiothérapie, une thérapie ciblée ou une radiothérapie. « À l’avenir, l’objectif est de développer l’oncologie personnalisée afin de donner le meilleur traitement au meilleur moment », précise Olivier Michielin. « L’idée est de parvenir à une immunothérapie personnalisée. Il y a un grand potentiel pour les dix à vingt prochaines années. »
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L’immunothérapie constitue une percée dans le traitement du cancer. Avec, pour l’instant encore, d’importantes limites, puisqu’elle agit sur un nombre limité de patients.
UN PROBLÈME QUI RESTE D’ACTUALITÉ L’immunothérapie, de par ses résultats parfois spectaculaires, suscite de nombreux espoirs. Mais Olivier Michielin rappelle que, selon les types de cancer, entre 50 % et 80 % des patients ne répondent pas au traitement. Et les médecins ne parviennent pas encore à en expliquer les raisons. « Nous devons rester prudents, cette thérapie est miraculeuse pour certains, efficace pour d’autres et sans effet pour beaucoup. C’est une brèche incroyable, mais ce n’est pas la fin du problème, nous n’avons pas percé tous les mystères du cancer. » Le professeur confie que certaines personnes arrivent en consultation convaincues que ce traitement leur permettra de guérir rapidement. « Nous sommes extrêmement clairs avec nos patients. On leur explique quelles sont les chances de succès pour leur type de cancer. Le malade doit être un partenaire du choix thérapeutique, il participe activement en nous donnant des informations sur son état de santé. » Olivier Michielin conclut : « Ce traitement n’est à l’heure actuelle pas destiné à tout le monde. Mais je fais partie de ceux qui sont convaincus que d’ici cinq ou dix ans, il existera des immunothérapies efficaces contre la plupart des cancers. » Un dossier à suivre attentivement. Marie Vuilleumier
LAUSANNE, CAPITALE DE LA RECHERCHE SUR L’IMMUNOTHÉRAPIE La ville de Lausanne se profile depuis plusieurs années comme un pôle de connaissances majeur sur le cancer et ses traitements. L’Institut Ludwig, une organisation internationale privée à but non-lucratif, a décidé d’investir dans la capitale vaudoise pour développer ses infrastructures et étendre ses recherches sur l’immunothérapie. En parallèle, le Centre suisse du cancer – fruit d’un partenariat entre le CHUV, l’UNIL, l’EPFL et la Fondation ISREC – sera inauguré cette année à Lausanne. Il sera abrité à côté du CHUV dans le bâtiment Agora, encore en construction, et regroupera 300 chercheurs et cliniciens. Objectif : accélérer les découvertes et mettre en application plus rapidement les avancées faites en laboratoire. L’immunothérapie et l’oncologie personnalisée auront une place de choix dans ce nouveau pôle de recherche. MV
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QUAND LE CANCER S’IMMISCE DANS L’INTIME ET LE SEXUEL Le cancer et ses traitements peuvent perturber la sexualité de manière temporaire ou définitive. La souffrance physique se double fréquemment d’une détresse psychologique. Avec, souvent, un changement de l’image corporelle douloureux à vivre et une sexualité « différente » à inventer. Un sujet dont il reste difficile de parler. Primordiale pour les uns ou secondaire pour les autres, la sexualité est, la plupart du temps, affectée par le cancer et ses traitements. Les recherches suggèrent que près de 50 % des survivants à long terme sont confrontés à des problèmes significatifs de leur fonction sexuelle, même lorsque le cancer n’est pas localisé dans la cavité pelvienne ou les organes génitaux*. La sexualité ne se limite évidemment pas à la capacité d’avoir des rapports sexuels. Elle englobe aussi libido, image de soi, relation de couple ou encore fertilité. Sur le plan physiologique, les traitements sont susceptibles de perturber l’équilibre hormonal, diminuer le désir sexuel, provoquer des troubles érectiles chez l’homme ou de la sécheresse vaginale chez les femmes. La liste est loin d’être exhaustive. Certaines chirurgies, mutilantes, sont très difficiles à vivre et provoquent des lésions invalidantes. BLESSURE NARCISSIQUE Le retentissement psychologique de la maladie interfère également avec la sexualité. « On comprend aisément que l’angoisse, la douleur, la fatigue ou la dépression – fréquentes en cas de cancer – diminuent, voire suppriment le désir. Les patients doivent également faire face aux changements physiques qui les affectent, comme la chute des cheveux ainsi que la perte ou prise de poids. Beaucoup d’entre eux ne se sentent plus désirables, ils ont une mauvaise image d’eux-mêmes » souligne Bénédicte Panes-Ruedin, infirmière cheffe du service interdisciplinaire de cancérologie de l’Hôpital Riviera-Chablais. Une blessure narcissique encore renforcée par la charge symbolique de certains cancers. Les malades qui ont subi une ablation du sein ou du testicule ont souvent l’impression d’avoir perdu leur féminité ou masculinité. Lorsque les traitements sont mis en place, les questions en lien avec la sexualité sont rarement abordées par les patients, constate Bénédicte Panes-Ruedin. « Ce qui est douloureux à voir, c’est la solitude des gens et la gêne qu’ils ressentent. Si on ne leur ouvre pas la porte, rares sont les personnes qui évoquent d’elles-mêmes le sujet. C’est au personnel médical et infirmier de prendre l’initiative, de susciter le dialogue avec délicatesse, mais sans aller trop loin : certains patients parent au plus pressé et ne reviennent à la sexualité que bien plus tard. » Et l’infirmière spécialisée en sexologie de déplorer que les soignants n’entreprennent pas plus souvent cette démarche, faute de temps ou de formation spécifique en la matière. LE COUPLE À L’ÉPREUVE DE LA MALADIE Si la communication avec les professionnels de la santé est importante, elle l’est tout autant entre partenaires. Une sexualité « épanouie » fait partie des différents éléments qui contribuent à la qualité de vie. Mais le terme recouvre des notions différentes pour chaque personne et, partant, pour chaque couple. Pour certains conjoints, le cancer ne constitue pas un réel problème, puisque la sexualité était secondaire dans la relation. D’autres s’adaptent sans trop de difficultés, voire même se rapprochent avec la maladie. Restent évidemment ceux qui sont dans la souffrance. Pour Bénédicte Panes-Ruedin, « il est très important qu’ils dialoguent et, si nécessaire, se fassent aider par des professionnels. Des partenaires n’arrivent parfois pas à faire face à la situation. Les raisons sont multiples : peur de faire mal à l’autre, atteinte de ses propres limites psychologiques ou problèmes latents qui ressurgissent à l’occasion de la maladie. Des conjoints qui, pendant les traitements, ont endossé un rôle de soignant ne voient parfois plus l’autre comme un partenaire sexuel quand les thérapies prennent fin. »
iStock © mediaphotos Avec le cancer, la sexualité prend souvent un tour différent. Une étape difficile dans la vie de certains couples.
RESTER DU CÔTÉ DE LA VIE Quelle que soit la configuration, il existe des pistes à explorer car « mener une vie sexuelle satisfaisante peut souvent signifier que l’on reste du côté de la vie. Mais pour cela, il faut que l’acte sexuel ne soit pas source de douleur » souligne Bénédicte Panes-Ruedin. Et de poursuivre : « Apprendre à communiquer avec son nouveau corps, oser se regarder et se toucher ou explorer tous les domaines possibles de l’érotisme pour réveiller ses sens sont autant d’actions susceptibles d’apporter un bénéfice au patient. Le corps, à force d’être manipulé pour les soins, se chosifie et perd sa dimension sexuelle. » Pour le couple, garder le contact physique par des caresses sans aller dans une relation sexuelle complète peut constituer un plus : l’intimité et la proximité des partenaires s’en trouveront renforcées et permettront d’inventer une nouvelle sexualité par la suite, souvent basée sur la sensualité davantage que sur la performance. « Ce qui prime », souligne Bénédicte Panes-Ruedin, « c’est que malgré les obstacles, les besoins de l’autre puissent être exprimés. Aux partenaires de trouver ensuite la voie qui leur corresponde le mieux. » Un autre sujet de préoccupation fréquent au sein du couple est celui de la fécondité, qui peut être diminuée chez les survivants du cancer. Les avancées de la médecine permettent dorénavant de proposer des méthodes de préservation de la fertilité, comme la congélation d’ovocytes ou de spermatozoïdes. Ces techniques de conservation de cellules sexuelles par le froid ne sont, à l’heure actuelle, pas remboursées par la LAMal ni par les assurances complémentaires. Béatrice Tille * Revue médicale suisse, « Onco-sexologie : un regard au cœur des patients », Dr Francesco Bianchi-Demicheli et Pr Pierre-Yves Dietrich, 14 mars 2018.
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« AU BORD DE L’ÉPUISEMENT, JE ME SUIS FAIT AIDER » © Hannah Shan
Les proches aidants sont d’un soutien précieux pour les personnes atteintes dans leur santé. Mais gare au surmenage qui, souvent, les guette. Céline Beaurain-Casémi, confrontée à la maladie de ses parents, en témoigne. Interview.
Céline Beaurain-Casémi : « Il est important que les proches aidants trouvent le moyen de se ressourcer, quel qu’il soit. »
VOUS AVEZ ACCOMPAGNÉ DURANT PRÈS DE DEUX ANS VOTRE MÈRE, DÉCÉDÉE D’UNE TUMEUR CÉRÉBRALE FIN 2015. COMMENT VOUS SENTEZ-VOUS AUJOURD’HUI ? Je reste vivement émue à l’évocation de ma mère. Nous étions très proches, fusionnelles même. Je suis heureuse d’avoir su profiter des moments que nous avons partagés quand elle était encore là, mais tout n’est pas allé de soi. Un profond sentiment d’injustice m’animait : pourquoi ce cancer était-il tombé sur ma mère, personne si généreuse ? Très attachée à elle et de nature optimiste, je réalise maintenant que je suis longtemps restée dans le déni, refusant d’accepter le pronostic médical. Je voulais croire que ma mère pourrait faire partie des miraculés qui, envers et contre tout, vivent encore de nombreuses années. Elle parlait ouvertement de sa disparition, évoquant son enterrement et sa succession, mais il m’était pénible d’aller sur ce terrain-là. Puis j’ai fini, tout de même, par admettre la maladie. COMMENT AVEZ-VOUS ENTOURÉ VOTRE MÈRE, SACHANT QUE DE NOMBREUX KILOMÈTRES VOUS SÉPARAIENT ? Ma mère habitait en France avec son compagnon. Agé de nonante ans, il lui apportait un soutien dans la mesure de ce que ses forces lui autorisaient. Lausannoise d’adoption, j’allais donc la trouver tous les quinze jours et, le reste du temps, étais en contact quotidien avec elle par téléphone et SMS. La culpabilité de ne pas pouvoir être physiquement auprès d’elle me rongeait. Aussi, j’ai fait le lien avec ses amis quand elle a dû être hospitalisée, organisant un planning de visites pour qu’elle soit bien entourée. Je lui ai également proposé des médecines complémentaires qui l’ont soulagée sur les plans physique et émotionnel. Reste que je me suis souvent sentie démunie, impuissante – sentiments encore renforcés par l’éloignement géographique. Mon frère, qui n’a pas quitté la France, a été d’un énorme soutien pour ma mère et moi. LE CANCER MODIFIE LES RÔLES TENUS PAR LES UNS ET LES AUTRES AU SEIN D’UNE FAMILLE. UN CAP DIFFICILE À FRANCHIR ? Oui, surtout pour ma mère, qui ne voulait pas devenir un poids pour ses proches. Elle n’a par exemple pas souhaité que je déménage temporairement en France pour venir la soutenir le temps de sa maladie.
QUELLES SONT LES RESSOURCES DANS LESQUELLES VOUS AVEZ PUISÉ POUR FAIRE FACE À CETTE ÉPREUVE ? Je me suis fait aider, car j’étais au bord de l’épuisement émotionnel. A force de jongler entre le travail, ma famille et le cancer de ma mère, j’étais à fleur de peau et devais me contenir pour ne pas pleurer devant mes enfants. Je ne voyais plus mes amis car toutes mes forces étaient engagées ailleurs. Est arrivé le moment où j’ai senti que je devais moi-même obtenir du soutien, sous peine de craquer. Si on s’épuise, on ne peut plus aider l’autre. QUELLES DÉMARCHES AVEZ-VOUS ENTREPRISES ? J’ai rencontré différents thérapeutes, ce qui m’a permis d’extérioriser ma tristesse, accueillir mes pleurs et me ressourcer. Je me suis également initiée à l’auto-hypnose. Ces moments – les seuls que je prenais pour moi – ont été salutaires. Durant les derniers mois de sa vie, ma mère ne pouvait plus parler. Il est si difficile de voir un proche perdre ses forces qu’il faut en avoir soi-même, de la force, pour faire face à la situation. Je ne saurais assez le répéter : les proches aidants ne devraient pas hésiter à demander du soutien, quel qu’il soit. L’ANNÉE PASSÉE, NOUVEAU CHOC : VOUS APPRENEZ QUE VOTRE PÈRE EST ATTEINT D’UN CANCER DU PANCRÉAS… Je suis aussi présente pour lui. Il réagit très différemment de ma mère et, contrairement à elle, communique peu. Là aussi, nous profitons pleinement des instants que nous partageons. Fort heureusement, son pronostic médical est bien meilleur que ne l’était celui de ma mère. Et mon père est très content de me sentir enfin heureuse, il peut ainsi affronter sa maladie avec une certaine sérénité. ENFIN HEUREUSE, VOUS NE L’ÉTIEZ PAS AVANT ? Avec la maladie de ma mère, j’ai réalisé que la vie, fragile, pouvait basculer en tout temps. C’est peut-être le seul « bénéfice secondaire » de son cancer : un changement s’est opéré en moi, qui m’a permis de me séparer de mon conjoint et d’emprunter mon propre chemin. Me savoir épanouie, ma mère et mon père l’ont toujours voulu. Quand nos proches sont assurés que nous allons bien, c’est une source d’inquiétude en moins pour affronter leur futur aux contours incertains. Propos recueillis par Béatrice Tille
COMMENT TROUVER LES MOTS JUSTES QUAND ON ACCOMPAGNE UN PROCHE ? Il faut accepter les émotions de l’autre, qu’il s’agisse de peur, d’interrogations ou d’envies. Les conseils stéréotypés du style « ne t’inquiète pas, tout va bien aller » empêchent un réel dialogue. Le malade ne se sent pas écouté.
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NOS PROPOSITIONS DE JUILLET À DÉCEMBRE 2018 ÉVÉNEMENTS / MANIFESTATIONS
MIDIS DE LA LVC / COURS ET GROUPES
WOMEN SPORT EVASION 23 ET 24 JUIN – LAUSANNE STADE PIERRE-DE-COUBERTIN
Le programme des « Midis de la LVC » ainsi que de nos cours et groupes pour le second semestre 2018 sera disponible dès le mois de juillet sur notre site internet (www.lvc.ch).
Sport, détente, bien-être et protection efficace contre le soleil : c’est le menu de la prochaine édition du Women Sport Evasion. La Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) participera de manière active à cette manifestation dédiée aux femmes. Elle leur offrira des conseils pour se prémunir contre les ultraviolets.
SLOW UP 1ER JUILLET – VALLÉE DE JOUX La journée de mobilité organisée autour du lac de Joux sera une nouvelle fois l’occasion, pour le public, de se rendre sur le stand de prévention ombragé de la LVC. Nos collaboratrices spécialisées en matière de protection solaire répondront aux questions des participants et leur proposeront de la crème.
ACTION CHAISES LONGUES DU 7 JUILLET AU 25 AOÛT – LAUSANNE Rendez-vous durant les vacances d’été dans les parcs lausannois de Milan, Vidy et Valency pour l’action chaises longues, organisée sur l’initiative des travailleurs sociaux hors murs de la ville de Lausanne. Dix-huit jeunes âgés de 14 à 17 ans mettront des transats à disposition des habitants, les invitant à participer à des échanges autour de la civilité, de l’environnement et de la santé. La LVC sensibilisera ces jeunes à la protection solaire pour que, à leur tour, ils rendent attentive la population aux conséquences d’une exposition trop importante aux ultraviolets. La Ligue se réjouit de participer à cette nouvelle action, dont le but est d’offrir une première expérience professionnelle aux jeunes Lausannois tout en les incitant à exercer une forme de citoyenneté. Horaires : du mardi au samedi (exceptés les jours de pluie), de 13h00 à 19h00
Plusieurs aménagements sont à signaler pour les « Midis ». Des rencontres seront dorénavant proposées durant les périodes de vacances, mais à une fréquence moindre qu’en temps normal. À noter également la multiplication des rendez-vous dans les différentes régions du canton. Enfin, certains « Midis » seront prolongés jusqu’à 15 heures pour permettre aux participants d’échanger en toute convivialité autour d’une collation.
La récolte des signatures pour faire aboutir l’initiative « Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac » se poursuit jusqu’au 20 septembre 2019. Le texte vise à interdire toute forme de publicité ciblée sur les jeunes car c’est à l’adolescence que la majorité des personnes commencent à fumer. Un nombre important d’organisations du secteur de la santé – comme la Fédération des médecins suisses (FMH), la Ligue suisse contre le cancer (LSC), l’Alliance pour la santé en Suisse ou encore l’organisation faîtière des pharmaciens pharmaSuisse soutiennent l’initiative. Cette dernière fait suite à l’échec d’un premier projet de loi sur les produits du tabac devant le parlement en 2016. Le texte interdisait, entre autres mesures, la publicité dans l’espace public, les médias imprimés, sur internet et dans les cinémas. Le deuxième projet de loi que le Conseil fédéral a préparé comporte encore moins de restrictions de la publicité que le projet initial. Dans ce contexte, l’initiative reste plus que jamais d’actualité.
VENOGE FESTIVAL DU 22 AU 26 AOÛT – PENTHALAZ La LVC interviendra en deux temps lors du Venoge Festival. En amont de la manifestation d’abord, pour sensibiliser les monteurs des scènes aux dangers du soleil lorsque l’on travaille sur un chantier. Le dimanche 26 août ensuite, à l’occasion du concert que Maître Gims donnera l’après-midi. Grands et petits se verront proposer de la crème solaire et des conseils pratiques pour profiter du concert en toute sécurité pour leur peau.
DÉCROCHONS LA LUNE DU 27 AOÛT AU 28 OCTOBRE – CANTON DE VAUD Parcourir ensemble la distance entre la terre et la lune, soit 380 000 kilomètres, en pratiquant une activité physique pour la bonne cause : c’est l’objectif de la campagne « Décrochons la lune ». Elle est organisée conjointement par l’association lausannoise Cookie, qui soutient de jeunes athlètes romands, et la fondation Planètes enfants malades, œuvrant en faveur du bien-être des jeunes hospitalisés au CHUV et à l’Hôpital de l’enfance de Lausanne. La campagne reposera sur une application mobile, à télécharger dès le 27 août. Les personnes qui le souhaitent pourront récolter des fonds sous la bannière de la LVC.
JOURNÉE DES PROCHES AIDANTS 30 OCTOBRE – CANTON DE VAUD C’est sous le slogan « Avec toi, je peux » que se tiendra la 7e journée intercantonale des proches aidants du 30 octobre prochain. Comme chaque année, différents rendez-vous (conférences, expositions, etc.) se tiendront quelques jours avant et après la manifestation. La LVC s’associera à certains des événements qui seront mis sur pied dans le canton de Vaud.
© Initiative « Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac »
POUR PLUS D’INFORMATIONS LVC – Ligue vaudoise contre le cancer Place Pépinet 1 – 1003 Lausanne – tél. 021 623 11 11 info@lvc.ch – www.lvc.ch CCP 10-22260-0
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VOUS INFORME
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