ARTISANS ET ARTISANES DE DEMAIN ARTISANAT 1/2014 ÉDITION SPÉCIALE SWISSSKILLS BERNE 2014
TABLE DES MATIÈRES
2
Artisanat 1/2014
IMPRESSUM
IMPRESSUM
2
ÉDITORIAL
3
MIRIAM
4
Artisane du bois CFC, orientation tournage sur bois
CHRISTIAN Artisan du bois CFC, orientation boissellerie
6
JO ELIO
Tonnelier CFC
8
CLAUDIA
Vannière créatrice CFC
10
PRISKA
Sculptrice sur bois CFC
12
MARIE Luthière
14
JACOB
Facteur d’instruments de musique CFC, orientation facture de pianos
16
Copyright : Union suisse des arts et métiers usam
KILIAN
Facteur d’instruments de musique CFC, orientation réparation d’instruments à vent
18
Direction du projet : Christine Davatz et Daniela Christen
PAVEL
Facteur d’instruments de musique CFC, orientation facture d’orgues
20
Édition : Daniela Christen et Adrian Knüsel
PHILIPP
Sculpteur sur pierre CFC
22
Textes : Marianne Grossenbacher, Patrick Lucca et Corinne Remund
CÉLIA
Créatrice de tissu CFC
24
Photographies : André Albrecht, www.fotografie-albrecht.ch
JANINE
Créatrice de vêtements CFC, domaine spécifique vêtements en fourrure
26
ERICK
Artisan du cuir et du textile CFC, orientation maroquinerie
28
MAURO
Artisan du cuir et du textile CFC, orientation véhicules et technique
30
Impression : Paul Büetiger AG (Biberist)
REBECCA
Artisane du cuir et du textile CFC, orientation sport équestre
32
Traduction : Jean-François Cuennet et Nadine Cuennet Perbellini
RETO
Maréchal-ferrant CFC
34
JOSHUA
Bijoutier CFC
36
LAURA
Graveuse CFC
38
GILLES
Armurier CFC
40
JANA
Technologue en textile CFC, orientation production et technologie des câbles
42
CEDRIC
Mécatronicien de remontées mécaniques CFC
44
Éditeurs : Union suisse des arts et métiers usam CH-3001 Berne Centre de cours Ballenberg CH-3858 Hofstetten
Graphisme : Margret Omlin (Stans) Mise en page : Thomas Küng (Lucerne) Relecture : Jean-François Cuennet
Une force sur qui compter. Nous sommes le partenaire du Centre de cours Ballenberg. Avec le même amour pour l’artisanat et la qualité.
Photo: Nina Mann, Zürich
sonnes qui les exercent. En lisant avec
L’ARTISANAT EST PROMIS À UN BEL AVENIR
l’artisanat et le façonnent, avec le soutien de leurs formateurs expérimentés.
L’entrepreneur que je suis a de quoi se
attention cette publication, et en prenant
C’est non sans fierté que nous vous
Nous tenons à remercier tous ceux et
réjouir : 2014 est en effet l’année de la for-
connaissance de ces vingt et une histoires
présentons le premier numéro en français
celles qui ont apporté leur pierre à cette
mation professionnelle, et tout laisse croire
fascinantes, qui sortent parfois de l’ordi-
de notre revue « Artisanat », fruit d’une
publication : Marianne Grossenbacher,
que cette échéance apportera bien plus
naire, le lecteur sera amené à remettre en
collaboration intense mise sur rail par
Patrick Lucca et Corinne Remund pour
que de belles phrases et des tournées de
question ce qu’il croyait savoir du système
plusieurs acteurs. Ce numéro est consa-
les textes, André Albrecht pour les magni-
poignées de main. Les SwissSkills Berne
de formation duale, mais aussi de l’ arti-
cré aux métiers à faibles effectifs, dont il
fiques photos, Thomas Küng pour la mise
2014, les premiers championnats suisses
sanat traditionnel, et de leur importance
était clair, dès les premiers préparatifs des
en page, ainsi que Christine Davatz de
des métiers, qui auront lieu en septembre,
sociale, économique et culturelle.
SwissSkills Berne 2014, qu’ils auraient
l’usam et Daniela Christen qui ont dirigé ce
eux aussi voix au chapitre, avec un espace
projet de documentation. Nous exprimons
consacré à leurs démonstrations.
aussi notre gratitude aux apprenti-e-s et
en seront sans aucun doute le moment
C’est notamment en suivant un ap-
le plus marquant. Je m’associe à la joie
prentissage que nos jeunes se frottent à
de cette manifestation spectaculaire orga-
des valeurs telles que le courage, la créa-
En 2013, l’Office fédéral de la culture
à leurs formateurs et formatrices pour le
nisée dans la capitale, mais pour moi, il
tivité, l’autodiscipline, la tolérance et la
(OFC) a confié au Centre de cours Bal-
temps et l’énergie qu’ils y ont consacrés,
est tout aussi important de ne pas oublier
fierté pour se les approprier. La formation
lenberg le soin de publier et de compléter
ainsi qu’à l’Office fédéral de la culture
l’artisanat traditionnel. C’est pourquoi je
professionnelle est indispensable en cela
la base de données des artisanats tradi-
(OFC), qui soutient cette publication.
soutiens de tout cœur le projet « L’avenir
qu’elle est un facteur déterminant pour
tionnels. Il était donc tout naturel que
Je ne saurais conclure sans témoigner
de l’artisanat traditionnel », que l’usam
l’avenir et la prospérité de notre pays.
notre centre, par le truchement de l’Union
ma reconnaissance envers les représen-
a lancé avec l’Institut fédéral des hautes
suisse des arts et métiers, entre en contact
tant-e-s des associations qui défendent
études en formation professionnelle EHB
avec les représentants des petits métiers
les intérêts de leur métier sans compter
IFFP IUFFP, le Musée suisse de l’habitat
lors d’une journée de l’Institut EHB IFFP
leurs heures et luttent inlassablement afin
rural Ballenberg, le Centre de cours Bal-
IUFFP, dans l’optique d’instaurer une col-
que ces professions perdurent et que des
lenberg et les organisations profession-
laboration durable.
jeunes puissent continuer à s’y former.
nelles intéressées. Près de 220 apprentissages sont proposés actuellement en Suisse, qui mènent
Jean-François Rime, conseiller national
La revue que vous avez entre les mains
Nous vous souhaitons plein succès
Président de l’Union suisse des arts et
vous présente des jeunes qui ont embrassé
aux SwissSkills Berne 2014, les premiers
métiers usam
une profession artisanale. Faire ce choix à
Championnats suisses des métiers !
à autant de métiers. Beaucoup d’entre
notre époque, c’est faire preuve d’indépen-
Bonne lecture !
eux offrent les meilleures perspectives qui
dance et d’assurance : découvrez, dans les
soient, et sont par conséquent très recher-
pages qui suivent, les réflexions et les es-
chés. Il existe pourtant aussi de nom-
poirs de vingt et un futurs professionnels.
breuses autres professions qui peuvent
Pour valoriser l’intelligence artisanale,
paraître moins « cool » au premier abord,
il faut des jeunes qui croient à l’avenir de
Adrian Knüsel Directeur du Centre de cours Ballenberg
Artisanat 1/2014
mais qui apportent énormément aux per-
3
DES HISTOIRES EN MARGE DU SPECTACLE
U
ne odeur de sciure fraîche parfume l’atelier de tournage
UN SOLIDE SAVOIR-FAIRE
Dans cette activité, la capacité de se
La formation ne se limite pas aux ex-
poussière de bois qui flotte dans l’air recouvre d’une pellicule
représenter les choses dans l’espace et la
périences pratiques, puisqu’elle comprend
la machine à moulurer, la raboteuse et la fraiseuse. Les innom-
dextérité sont tout aussi importantes que
un enseignement théorique à l’école pro-
brables chablons et modèles de barreaux accrochés au plafond
l’habileté manuelle. « Je dispose d’un plan
fessionnelle de Brienz : « Nous y acquérons
confirment qu’on y travaille bien le bois massif. Une petite femme
en deux dimensions, à partir duquel je dois
le savoir technique qui nous différenciera
robuste est au tour. Totalement concentrée, le geste précis et
pouvoir imaginer l’objet fini. Cela exige d’ex-
du bricoleur et pouvons aussi échanger
souple, elle rabote au millimètre près les bords d’une pièce qui
cellentes capacités non seulement de repré-
avec des apprentis qui suivent des filières
tourne, faisant voler les copeaux. « C’est une tâche qui exige de
sentation spatiale, mais aussi de visuali-
proches de la nôtre, ce qui est très enri-
la patience et de la concentration. Je dois tourner 150 pièces de
sation », souligne l’apprentie zurichoise. La
chissant ». Miriam trouve par ailleurs les
finition – des rosettes – pour la main courante d’un escalier : un
difficulté principale réside dans le fait de
cours interentreprises tout aussi intéres-
bon exercice pour se faire la main », explique Miriam Foster.
reproduire de ses mains les formes que l’on
sants. Elle y apprend des techniques de
a en tête. « Il nous faut apprivoiser le bois.
travail peu ordinaires et y acquiert un
Au début, nous devons déployer des trésors
solide savoir-faire.
LE BOIS, UNE MATIÈRE VIVANTE Avec le bois, Miriam est dans son élément : « J’ai déjà fait un
de patience et nous exercer inlassablement
apprentissage de menuiserie, ce qui m’a permis de commencer
pour acquérir le mouvement du tournage.
directement en deuxième année comme apprentie artisane du
C’est à nous de l’apprendre, de l’expérimen-
bois ». Contrairement à la menuiserie, où elle a beaucoup eu
ter et de le sonder. On commence par pro-
Son formateur, Ruedi König, est très
affaire à des dérivés du bois, le tournage lui permet de toucher
duire beaucoup de bois de chauffe, mais
content de cette apprentie motivée. « Tant
au bois massif, un matériau vivant. « Façonner de mes mains et
dès qu’on a la main, là c’est génial », s’ex-
que des jeunes apprennent le métier avec
être proche du matériau utilisé est très important pour moi. En
clame en riant la jeune artisane du bois, qui
autant de passion, la profession d’artisan
tant que tourneuse, je dois savoir prendre le bois, le sentir, le
ajoute : « Ces mouvements rotatifs typiques
du bois ne risque pas de disparaître. Les
jauger pour pouvoir ensuite le travailler. Je dois mettre tous mes
ont quelque chose de méditatif ».
femmes notamment s’y intéressent beau-
captivant », explique cette passionnée de 27 ans.
ARTISANE DU BOIS CFC, ORIENTATION TOURNAGE SUR BOIS – La production de pièces uniques ou de produits en série à partir du bois massif requiert dextérité, patience, persévérance et polyvalence, car les artisans sur bois produisent une vaste gamme d’articles, allant des pieds de lit pour le voisin au matériel pour l’industrie médicale chinoise.
MIRIAM :
UNE PROFESSION QUI A DE L’AVENIR
coup ». Quant à Miriam, elle estime que
sens à l’écoute du bois, c’est ce qui rend ce travail si spécial et si
4
Artisanat 1/2014
LE SENS DU BOIS
sur bois Bietenholz + Müller GmbH, à Wil (SG). La fine
POUVOIR EXPRIMER SA CRÉATIVITÉ
travailler le bois massif s’inscrit bien dans la tendance actuelle au développement
Miriam voit son métier comme une
durable et au retour à la nature, mais
activité variée et passionnante, qui amène
que ce mouvement devrait encore gagner
toujours de nouveaux défis. « Tout ce qui
en importance auprès du grand public.
est fabriqué en bois massif est conçu, pla-
« Ce serait vraiment génial que notre beau
nifié et produit chez nous, que ce soient
métier soit mieux connu. Mon frère, par
des séries pour l’industrie ou des pièces
exemple, ne savait pas quel métier j’ap-
sur mesure pour des particuliers. » Copeau
prends ici : il faudrait encore mieux infor-
après copeau, la pièce brute prend peu à
mer les gens ».
peu sa forme définitive : pied de table ou de chaise, barreaux d’escalier, colonnes et autres éléments d’aménagement intérieur, coupes, saladiers, assiettes, manches d’outils, objets d’art et tant d’autres choses encore. C’est lors des travaux libres que l’aspect artisanal et artistique de ce métier ressort le plus : « Là, je peux laisser ma créativité s’exprimer et réaliser mes idées », s’enthousiasme l’apprentie.
”
JE METS TOUS MES SENS À L’ÉCOUTE DU BOIS.
Pour Miriam Foster, travailler en contact direct avec le bois est très important.
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Très bon sens des volumes - Bonne représentation spatiale - Don pour le dessin - Précision
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Formation théorique à l’école de sculpture sur bois de Brienz dans le canton de Berne (4 blocs de 2 semaines par année d’apprentissage) - Cours interentreprises
maturité professionnelle pour les apprentis ayant de
5
bonnes notes
Artisanat 1/2014
sur divers sujets - Possibilité d’obtenir la
Avec l’aide de Ruedi König, son formateur, Miriam Foster apprend aussi des techniques peu courantes : « Il nous faut apprivoiser le bois. »
6
Artisanat 1/2014
L
SEUL APPRENTI EN SUISSE
e visiteur qui pénètre dans l’échoppe du boisselier Werner
lieu de formation me convient aussi très
Stauffacher dans le village saint-gallois d’Ennetbühl, niché
« La boissellerie n’est plus beaucoup
bien », poursuit-il, avant d’avouer son pen-
au cœur du Toggenbourg, découvre une oasis épargnée par l’agi-
pratiquée », regrette Werner Stauffacher,
chant pour le bois, un matériau chaleu-
tation, le stress et la hâte. Le rythme de la journée y est marqué
qui, avec sa femme Jolanda, dirige l’en-
reux et vivant, agréable au toucher. « Il faut
par le travail artisanal et par son rapport étroit avec la nature, les
treprise familiale depuis une trentaine
apprivoiser ce matériau. Ainsi, lorsque je
animaux, l’agriculture et le patrimoine séculaire des fromagers et
d’années. Voilà quatre lustres que son der-
fabrique un bracelet en bois, je dois choisir
des montagnards. Sculptés avec une infinie patience et un amour
nier apprenti achevait sa formation dans
un rondin qui ne se brisera pas quand je le
passionné du détail, les objets employés dans les exploitations
leur entreprise. Autant dire que l’arrivée
cintrerai. Il faut aussi acquérir une certaine
laitières évoquent un mode resté intact. Seaux à traire, barattes,
de Christian Fust fait souffler un vent de
dextérité pour évider le bois », explique l’ap-
moules à beurre, seillons à petit-lait, jattes à écrémer, dites
renouveau bienvenu sur l’atelier de bois-
prenti de première année. La sculpture,
aussi émines, porte-voix pour la prière du soir, seillons à fro-
sellerie, l’une des quatre dernières entre-
travail raffiné s’il en est, fait aussi partie de
mage, chaises à traire ou bottaculs, cacolets ou hottes à fromage,
prises formatrices de Suisse. C’est sur les
son métier. « Je peux donner libre cours à
cercles à fromage : ces ustensiles aux décorations illustrant la tra-
conseils de son grand-père que le jeune
ma créativité lorsque je sculpte et orne les
dition encore bien vivante de l’inalpe et de la désalpe restent très
homme de 16 ans, habitant Dreien dans
objets d’inscriptions et de motifs symboli-
présents dans les maisons rurales. Le boisselier produit toutefois
le canton de Saint-Gall, a embrassé cette
sant des éléments naturels ».
aussi des objets d’ornementation : porte-parapluies, assiettes à
profession artisanale. « Il m’a recommandé
La formation théorique complète l’ap-
fromage et à viande, bacs à fleurs, stations météorologiques ou
de choisir un métier unique et peu cou-
prentissage en entreprise : à l’école pro-
encore coffrets à bijoux.
rant. Puisque j’aime travailler le bois de
fessionnelle de Brienz, Christian peut non
mes mains et que mon père connaissait
seulement approfondir ses connaissances
mon maître d’apprentissage, j’ai pu faire
de base et mieux maîtriser certaines opéra-
un stage de découverte », se rappelle Chris-
tions qui sortent de l’ordinaire, mais aussi
tian, qui ajoute avoir beaucoup apprécié le
échanger avec des camarades de filières
travail du bois massif. « J’ai tout de suite
apparentées : artisan du bois orientation
flashé : travailler au ciseau ou au tour, tout
tournage sur bois, sculpteur sur bois,
en minutie, tout en précision, c’est exac-
vannier créateur et tonnelier. « Je me pro-
tement ce qu’il me faut. C’est un métier
cure ainsi une bonne vue d’ensemble des
super, à la fin, on a un magnifique objet en
diverses professions de l’artisanat du bois ».
CHRISTIAN : ” A LA FIN, ON A UN MAGNIFIQUE OBJET EN MAIN.
Respect des coutumes : Christian Fust avec le maître-boisselier Werner Stauffacher.
ARTISAN DU BOIS CFC, ORIENTATION BOISSELLERIE – La boissellerie est un métier artisanal ancestral, étroitement lié aux us et coutumes des fromagers. Après une longue parenthèse, elle compte de nouveau un apprenti en Suisse.
main », conclut-il.
UN CRÉNEAU PORTEUR UN MÉTIER INDISSOCIABLE DE LA TRADITION FROMAGÈRE
satisfaction de pouvoir à nouveau trans-
Werner Stauffacher ne cache pas sa
« Les boisseliers produisent des objets
mettre l’art de la boissellerie à un jeune
d’usage quotidien dans les fromageries.
homme. « Il nous faut des jeunes qui
Pour ce faire, nous utilisons des essences
suivent une formation, car nous pourrons
indigènes, comme l’érable et l’épicéa »,
ainsi transmettre à la prochaine généra-
explique Christian. Le terme de boisselier
tion tant notre savoir-faire que cet élément
vient de « boisseau », nom générique donné
du patrimoine culturel suisse. C’est la
aux mesures de céréales, que l’on fabri-
seule façon d’éviter que notre métier dis-
quait avec l’aubier, la partie blanchâtre du
paraisse », explique-t-il, persuadé que la
bois. L’apprenti précise que son travail est
boissellerie restera toujours un créneau
non seulement passionnant et varié, mais
porteur. « Grâce aux objets inusables que
qu’il est aussi étroitement lié aux traditions
nous produisons et aux traditions qu’ils
encore bien vivantes qui entourent la fabri-
véhiculent, qui fascinent tout le monde, du
cation du fromage. Dans l’atelier Stauffa-
paysan au conseiller fédéral, nous aurons
cher, il se sent à l’aise entre l’établi, le tour
toujours des clients », conclut ce maître-
et les copeaux de bois. « Côté humain, ce
boisselier passionné.
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Bon coup d’œil - Très bon sens des volumes - Force physique - Don pour le dessin
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Formation théorique à l’école de sculpture sur bois de Brienz dans le canton de Berne (4 blocs de 2 semaines par année d’apprentissage) - Cours interentreprises sur divers sujets - Possibilité d’obtenir la pour les apprentis ayant
7
de bonnes notes
Artisanat 1/2014
maturité professionnelle
Travail créatif et minutieux au ciseau : Christian Fust est dans son élément quand il orne les objets de motifs symbolisant des éléments naturels.
JO ELIO :
un vieux est à chaque fois une expérience spéciale : « Pour détruire un vieux tonneau pourri de 3000 litres, nous devons faire preuve de rapidité, d’intelligence et de pru-
JE FRÔLE PARFOIS L’EXPÉRIENCE MYSTIQUE. TONNELIER CFC – La tonnellerie est une activité qui requiert dextérité et résistance physique. Cette profession, encore exercée dans quelques ateliers en Suisse, forme de nouveau un apprenti après une longue interruption.
Artisanat 1/2014
”
par un cercle de métal ou par une structure en bois qui éclate ». La formation théorique donnée à l’école de sculpture de Brienz fait partie de la formation, qui dure trois ans. Notre apprenti préfère toutefois travailler
exercer cette activité, il faut être habile de
de ses mains à la tonnellerie ou rendre
ses mains, avoir une bonne pensée logique
visite à des clients. « En tant que tonne-
et une certaine dose de patience et de per-
lier, on parcourt le pays, c’est un avantage
sévérance. « Nous devons être capables de
appréciable », expose avec enthousiasme le
travailler dur tout en étant précis au milli-
futur professionnel. Parmi les autres as-
mètre près », explique le jeune homme. Le
pects agréables du métier, il cite le fait de
travail, varié, le fascine : « Au début, on n’a
se familiariser avec la vinification. « Je suis
pas vraiment la main pour les gestes et
très content d’en apprendre plus sur les
pour le bois, qui est une matière vivante.
techniques vinicoles, car cela m’ouvre des
a tonnellerie est plus qu’un métier, c’est une tradition qui
Mais ça vient en s’exerçant. On apprend
perspectives très intéressantes. Je pourrai
fait partie du patrimoine suisse. J’aimerais contribuer à
assez rapidement à doser notre force en
par exemple travailler dans un domaine
préserver cet héritage et à le faire connaître », déclare Jo Elio
fonction du matériau, l’objectif étant d’évi-
vinicole n’importe où dans le monde. »
Wiesner. Depuis août dernier, ce Lucernois de 16 ans apprend
ter les irrégularités. » Le jeune Lucernois
un métier séculaire dans la tonnellerie Suppiger, à Küssnacht am
accomplit diverses tâches et participe
Rigi (SZ). « Je suis le septième apprenti tonnelier à être formé ici
pleinement aux activités quotidiennes de
ces 30 dernières années », explique-t-il. Il y est en de très bonnes
la tonnellerie, que ce soit pour des pro-
Les tonnelleries ne cessent de perdre
mains. Son patron, Roland Suppiger, représente la quatrième
ductions en série comme le cintrage puis
du terrain en Suisse, puisqu’il n’y en a
génération de sa famille à la tête de cette entreprise tradition-
la mise en rose des merrains (planches
plus que cinq. N’empêche, Jo Elio et son
nelle, la seule d’ailleurs à proposer des places d’apprentissage
fendues), ou pour des travaux de finition
chef ne craignent pas que leur métier dis-
en Suisse. Avec ses compétences de formateur et d’expert aux
comme la cuisson des barriques sur le bra-
paraisse. Ils soulignent toutefois que leur
examens, Roland Suppiger fait un chef brillant et passionné, qui
séro. « Il y a toujours une grande demande
branche doit mieux se faire connaître.
a l’amour du détail ; son enthousiasme déteint sur son apprenti.
pour les conteneurs en bois. Nous les
« Nous devons faire en sorte que les gens
« C’est un patron super : il est modeste, compréhensif, et a les
fabriquons en chêne, de diverses conte-
sachent ce que nous faisons, réalisent que
pieds bien sur terre. En plus, c’est un maître dans sa spécialité.
nances, qui vont de 10 à 17 000 litres :
ce métier traditionnel est vivant en Suisse
Nous pratiquons notre artisanat avec vision et innovation, ce qui
des barriques pour vignerons, boucheries,
et qu’il offre encore des places d’appren-
nous amène aussi des mandats qui sortent de l’ordinaire. J’ai
cidreries et distilleries, mais aussi des bai-
tissage. »
énormément à apprendre ici », souligne Jo Elio. Après deux jours
gnoires, des piscines et des bassins pour le
de stage-découverte, il savait déjà qu’il ferait de la tonnellerie
secteur du bien-être, sans compter divers
son métier.
articles cadeaux. »
TRAVAILLER COMME AU BON VIEUX TEMPS
TRAVAILLER DANS LE MONDE ENTIER
L
8
dence si nous ne voulons pas être meurtri
Jo Elio est à l’aise entre fendeuse, scieuse, doloire, chasse, rabot, dégauchisseuse, enclume, bois fraîchement usiné et co-
Jo Elio aime particulièrement se dépla-
peaux. « Je frôle parfois l’expérience mystique. C’est impression-
cer en Valais ou dans le Jura pour y rendre
nant d’apprendre l’un des plus anciens métiers du monde, qui n’a
visite à des clients. Installer un nouveau
pas beaucoup changé depuis l’époque de mon grand-père. » Pour
tonneau chez un vigneron ou en éliminer
DES AMBASSADEURS DE LEUR BRANCHE
Jo Elio Wiesner doit être capable de travailler dur tout en étant précis au millimètre près.
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Bonne représentation spatiale - Très bonne santé et force physique - Sens du travail précis et bien fait - Sensibilité à l’hygiène
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Trois ans de formation initiale - Formation théorique à l’école de sculpture sur bois de Brienz dans le canton de Berne (4 blocs de 2 semaines par année - Cours interentreprises sur divers sujets - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant
Artisanat 1/2014
d’apprentissage)
9
de bonnes notes
Jo Elio a déjà pu se faire une bonne idée d’ensemble de la tonnellerie durant sa première année d’apprentissage, son formateur, Roland Suppiger, le guidant pas à pas. Il est aussi aidé par Stefan Sodota, un menuisier qualifié qui fait un deuxième apprentissage en tant que tonnelier.
C
laudia Maag a fait un apprentissage de peintre dans les
son travail de fin d’apprentissage : elle a
social ou ergothérapie. « Un apprentissage
années 1990, avant de travailler quelques années dans ce
créé pour cette occasion un panier pliable
de vannière créatrice peut aussi être une
même domaine. Sa passion pour les abeilles a amené cette femme
pour vélo en osier décortiqué, avec sacoche
passerelle vers d’autres formations, dans
originaire de la campagne zurichoise à découvrir, lors d’un cours
assortie en bandes de cuir tressées.
des domaines comme le design de meuble,
d’apiculture, des photographies de vieilles ruches artistiquement
l’architecture d’intérieur ou encore l’hor-
UN MÉTIER, DE NOMBREUX DOMAINES
tressées. C’est ainsi qu’elle s’est intéressée à l’art aussi créatif que varié de la vannerie.
10
Artisanat 1/2014
TROIS LIEUX D’APPRENTISSAGE
ticulture. Ce CFC ouvre un nombre étonnamment élevé de portes. »
Claudia termine cet été ses trois ans
A ce propos, il faut tout de même
d’apprentissage. Avec quels plans pour la
dire que très peu de jeunes suivent un
En se renseignent auprès de l’IGK SCHWEIZ, la communauté
suite ? « Il y a en fait toutes sortes de pos-
apprentissage de vannier ou vannière. Il
d’intérêts de la vannerie suisse-alémanique, Claudia a constaté
sibilités. Se mettre à son compte n’en est
n’y a notamment pas eu de remise de CFC
que trois institutions proposent des places d’apprentissage dans
qu’une parmi tant d’autres, et qui requiert
en 2012 et 2013. Cette année toutefois,
cette profession : les foyers pour aveugles de Bâle et de Horw
d’ailleurs une bonne dose de courage,
Claudia n’est pas la seule dans sa volée,
(LU) ainsi que le home atelier de Wangen bei Dübendorf (ZH).
d’énergie et quelques réserves financières. »
car deux autres personnes se présenteront
La chance lui a souri : après un stage-découverte probant, elle a
En ce moment, il n’y a pas de poste de
aux examens finaux.
été prise comme apprentie à Wangen, le lieu le plus facilement
travail à disposition chez des vanniers
atteignable pour elle.
créateurs indépendants, car ceux-ci tra-
LE TRAVAIL SUR MESURE, UNE VALEUR SÛRE
Le home atelier de Wangen, qui était à l’origine, en 1928, un
vaillent en général seuls. Les ateliers pour
foyer pour aveugles, offre aujourd’hui un lieu de vie avec prise
handicapés, comme celui de Wangen dans
La vannerie a le vent en poupe, sur-
en charge pour 35 personnes et 41 postes de travail protégés.
lequel Claudia a fait son apprentissage,
tout en raison de l’engouement pour les
Il abrite un atelier de vannerie et de cannage, mais aussi une
sont une autre possibilité. Il serait aussi
matériaux naturels tels que l’osier, le jonc,
brosserie, et compte même un atelier « travail industriel ». L’atelier
envisageable de suivre un perfectionne-
le rotin et diverses ficelles. Les antiqui-
de vannerie ne fait pas que des réparations : on y confectionne
ment professionnel en accompagnement
tés ne sont pas en reste, et connaissent
des objets sur mesure. Des corbeilles bien sûr, mais aussi des
en ce moment une renaissance. Les pro-
paravents ou des articles décoratifs. « Cette vaste gamme permet
Claudia, bientôt quarante ans, ne tarit
duits bon marché en provenance de l’Est
d’acquérir une formation étendue », précise Claudia, avant d’ajou-
pas d’éloges pour son deuxième métier :
de l’Europe et de la Chine rendent tou-
ter qu’elle a trouvé en Fred Hunger, qui dirige cet atelier depuis
« J’ai très vite constaté que la vannerie
tefois la vie dure aux artisans d’ici. Mais
des années, un formateur des plus compétents.
offrait des possibilités infinies, que ce
Claudia ne se laisse pas décourager : « Le
soit dans les formes, les matériaux ou les
client qui désire un objet spécial, fait sur
techniques. C’est un artisanat propice à
mesure dans les règles de l’art et qui plus
la nouveauté, qui me laisse toute latitude
est solide s’adressera à un artisan. » La
pour développer mon propre style. J’appré-
future vannière est en outre persuadée que
cie beaucoup d’apprendre un métier si an-
son métier ne va pas disparaître. « Il y aura
cien, dont la variété me fascine tout autant
toujours des gens qui se passionneront
que le fait de travailler des produits natu-
pour cet artisanat varié et exigeant. »
VANNIÈRE CRÉATRICE CFC – Les hommes tressent paniers, nattes et cages depuis plus de 10 000 ans. Ce métier artisanal traditionnel, très créatif, a gardé tout son intérêt.
rels comme l’osier. » Claudia a pu utiliser ses connaissances et son expérience pour
CLAUDIA : ”
CETTE FORMATION PEUT OUVRIR BIEN DES PORTES.
Pour Claudia Maag, c’est la variété des formes, des matériaux et des techniques qui est fascinante dans sa deuxième formation.
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Scolarité obligatoire terminée - Habileté manuelle - Goût du travail avec des matériaux naturels - Créativité - Précision et minutie
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Trois ans de formation initiale - Formation théorique à l’école de sculpture sur bois de Brienz dans le canton de Berne (4 blocs de 2 semaines par année d’apprentissage) sur divers sujets - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant
11
de bonnes notes
Artisanat 1/2014
- Cours interentreprises
Le centre de vannerie du home-atelier de Wangen ne fait pas que des réparations : on y confectionne aussi des objets sur mesure. Le maître d’apprentissage Fred Hunger prête aide et assistance à son apprentie, qui déborde de créativité.
SCULPTRICE SUR BOIS CFC – Sculpter sur bois, c’est réaliser la fusion de l’idée, de la matière et de la technique pour créer une œuvre d’art. Habileté manuelle, créativité, patience et minutie, telles sont les qualités requises pour ce métier artisanal par ailleurs toujours plus prisé des femmes.
bonne dose de patience, de persévérance
tissage d’ébéniste. « C’était tout naturel que
et d’audace », explique Priska Bieri. Bien
je me consacre moi aussi à ce matériau si
qu’elle n’en soit qu’à la première de ses
vivant », conclut-elle d’un clignement d’œil.
quatre années de formation, l’apprentie de 16 ans n’en a pas moins déjà acquis une
UNE GRIFFE UNIQUE
certaine maîtrise et manie avec assurance
« Cette profession artisanale très va-
gouge, couteau à sculpter, râpe, lime et ra-
riée me permet de donner libre cours à
cloir. Pour exercer cette profession, estime-
ma créativité, de m’épanouir et de vivre
t-elle, il faut avant tout être capable de
pleinement ma passion pour le bois », se
visualiser le modèle à représenter, de tra-
félicite l’apprentie, qui consacre quatre à
vailler rapidement et proprement et de se
cinq heures par jour à la sculpture. C’est
représenter les objets en trois dimensions.
bel et bien un métier varié qu’elle pratique
12
Artisanat 1/2014
au quotidien dans l’atelier de sculpture de
PRISKA :
IMPOSSIBLE D’AVOIR LA MAIN SÛRE SANS UNE BONNE DOSE DE PATIENCE, DE PERSÉVÉRANCE ET D’AUDACE.
”
L
a menue jeune femme se penche sur
UN MATÉRIAU VIVANT
la famille Huggler à Brienz, vieux de plus
l’établi où est fixée une pièce de bois
« Je ne peux pas encore reproduire
de cent ans, puisqu’elle y apprend aussi à
dans laquelle on devine l’ébauche d’un
mon modèle aussi bien que je le voudrais,
dessiner, à faire des croquis, à fabriquer
âne. À l’aide d’un maillet, elle frappe le
mais c’est en sculptant que l’on devient
des modèles, à vernir et à teinter les sur-
manche d’un ciseau. Plus le travail avance,
sculpteur. » Priska reste d’ailleurs encore
faces, sans oublier la sculpture à la tron-
plus les traits deviennent visibles et plus
souvent bouche bée lorsqu’elle contemple
çonneuse. Priska est toujours aussi fasci-
les ciseaux utilisés sont fins. D’un geste
les œuvres de ses collègues. « Je veux à
née de voir un objet surgir d’un morceau
à la fois énergique et mesuré, elle pousse
tout prix atteindre ce degré de perfection »,
de bois. « Chaque pièce a une histoire, que
le ciseau de la paume de la main : copeau
s’enthousiasme la jeune fille de l’Oberland
l’on peut lire. » Du premier croquis au pro-
après copeau, elle donne au morceau de
bernois, qui avait toujours voulu embras-
duit final, les opérations sont nombreuses
bois la forme souhaitée. « J’en apprends
ser une profession alliant travail manuel et
et pas toujours faciles.
beaucoup sur l’anatomie des animaux, la
créativité artistique. Elle est d’ailleurs is-
« Nous ne pouvons pas toujours réali-
structure du bois et l’art. Dans ce métier,
sue d’une famille « Dubois », son père étant
ser le projet sur papier comme le client le
impossible d’avoir la main sûre sans une
menuisier et son frère faisant un appren-
voudrait. Souvent, il faut commencer par
étudier minutieusement comment concré-
métiers artistiques et les jeunes ne savent
apprentissage d’ébéniste afin d’être bien
tiser cette idée. À cette fin, nous réalisons
pas forcément qu’il est possible d’y faire un
formée et de pouvoir combiner les deux
un modèle de l’objet puis une ébauche, en
apprentissage », regrette la future sculp-
professions. »
tenant compte, bien entendu, de la meil-
trice, avant de préciser : « Il faudrait sensi-
leure position », explique la jeune femme.
biliser davantage les jeunes à cet artisanat
« Parfois, il faut simplement tâtonner avant
d’art, pour cela il faudrait toutefois que
de trouver une solution pratique. C’est là
le métier de sculpteur figure aussi sous
que réside tout l’intérêt de la démarche,
la rubrique «Artisanat» au centre d’orien-
aussi importante que le but en soi. » Les
tation professionnelle ». Puisque de nom-
sculpteurs optent d’habitude pour le tilleul
breux sculpteurs sont des indépendants,
et le chêne, deux essences faciles à travail-
les emplois ne sont guère nombreux.
ler. « J’en apprends énormément sur les
Priska Bieri ne se fait pas du mauvais sang
techniques de sculpture, chaque artisan
pour autant, car elle a déjà des projets
ayant une griffe unique. »
pour l’avenir : « Je veux faire ensuite un
13
Artisanat 1/2014
Priska Bieri recherche à la fois la perfection et une griffe unique, un atout que son formateur Markus Flück juge lui aussi indispensable.
SCULPTER POUR LE MONDE ENTIER Les commandes sont aussi variées
CAPACITÉS NÉCESSAIRES
DÉROULEMENT DE LA FORMATION
- Créativité et capacité à se
- Quatre ans de formation initiale
que l’est le travail proprement dit : « Nous
représenter les formes et
sculptons des objets pour des particuliers
les proportions
- Formation théorique à l’école de sculpture sur bois de Brienz
et des touristes des quatre coins du globe,
- Don de l’observation
dans le canton de Berne
de la Chine à l’Amérique, sans oublier les
- Facilité pour le dessin
(4 blocs de 2 semaines par
pouvoirs publics, qui nous passent aussi
- Bonne condition physique
commande », signale Priska en ajoutant
- Aptitude à travailler de
que les meubles, les reliefs, les inscriptions et les objets de décoration sculptés restent
façon indépendante
année d’apprentissage) - Cours interentreprises sur divers sujets - Possibilité d’obtenir la maturité
très prisés, puisque l’engouement pour cet
professionnelle pour les
artisanat ne faiblit pas. « Notre profession
apprentis ayant de bonnes
est toujours plus souvent classée parmi les
notes
LUTHIÈRE – Le centre de formation de Brienz n’est pas étranger à la qualité des instruments à cordes en Suisse. Cet « atelier de maître » situé dans l’Oberland bernois est vraiment unique en son genre.
MARIE :
différent, car chaque luthier s’y prend à sa
peintres ou les sculpteurs, comme Titien
manière ». Cette menue jeune femme aime
et Bernini. Aujourd’hui encore, nous sui-
maintenant aussi les cours hebdomadaires
vons dans les grandes lignes ce modèle de
– obligatoires – de violon, et les heures de
formation. » L’enseignement extrêmement
théorie (qui représentent à peu près 20 %
condensé qui y est donné et la très forte
de l’apprentissage). Seule ombre au tab-
motivation des élèves expliquent certaine-
leau : son allemand. « Certes, j’ai déjà beau-
ment aussi la réputation dont jouit tant
coup appris, notamment grâce à mes colo-
en Suisse qu’à l’étranger cette institution
cataires, deux collègues avec lesquelles je
fondée en 1944.
partage un appartement au village. Mais je dois encore progresser. » Marie n’a pas
AVEC BEAUCOUP DE LA VOLONTÉ, ON PEUT TOUT APPRENDRE.
14
Artisanat 1/2014
M
”
UNE BRANCHE D’AVENIR L’école n’enseigne évidemment pas que la fabrication de violons. Elle aborde tous les instruments à cordes tels que violes, violoncelles et contrebasses. De plus, la fabrication d’instruments neufs étant en
arie Rossier doit sa vocation au plus pur hasard : si elle
le choix : il n’y a pas d’école de ce genre en
perte de vitesse, elle accorde toujours plus
n’avait pas assisté à une conférence d’Amnon Weinstein
Suisse romande. Il est par contre possible
d’attention à l’entretien, à la réparation et
lors du Festival international de musique Sion Valais, en 2011,
de faire la formation pratique dans une
à la restauration ; à Brienz, des modules
elle serait certainement à l’Université en train d’acquérir des
entreprise privée romande – par exemple
de perfectionnement professionnel sont
crédits pour un bachelor. Les explications du fameux luthier is-
un atelier – et de suivre la théorie à Brienz.
proposés dans ces domaines aux person-
raélien sur les violons des camps de concentration et des ghettos l’ont tant fascinée qu’elle a préféré la formation de luthière aux études. Les perspectives étaient pourtant plutôt mauvaises pour
nes externes à l’établissement. La gestion
PAS UN MÉTIER : UNE VOCATION
des relations avec les clients est un autre domaine qui gagne en importance, avec la
cette maturiste qui n’avait jamais joué de violon, mais (seulement)
Les jeunes qui fréquentent cette école
vente et la location. Hans Rudolf Hösli est
de la flûte à bec. Les places d’apprentissage classiques sont très
de luthiers à plein temps, installée dans un
confiant : « Pour autant que notre branche
rares et l’autre voie, l’école de luthiers de Brienz, est connue pour
chalet de Brienz tout en recoins, ne sont
s’adapte à l’évolution des besoins de ses
ses conditions d’admission particulièrement strictes. Les can-
pas des apprentis comme les autres. Pour
clients, nous n’avons pas de souci à nous
didats y sont passés sous la loupe durant deux jours, et même
s’en convaincre, il suffit de jeter un coup
faire pour gagner notre vie ».
leurs compétences sociales sont testées. Mais cette Valaisanne de
d’œil le soir ou le week-end dans l’atelier :
Un optimisme que partage son appren-
Grône a réussi. « J’ai la tête dure. Quand j’ai un projet en tête, je
il n’est pas rare que plusieurs élèves s’y
tie, Marie Rossier, qui mise tout sur ce mé-
tiens à le réaliser », affirme la jeune femme de 20 ans qui, après
affairent encore. « Nos apprentis mettent
tier et aimerait, « un jour, dans longtemps »,
une année et demie d’apprentissage, ne regrette en rien son choix
énormément de cœur à l’ouvrage », souligne
avoir son propre petit atelier. Et, pourquoi
professionnel. « J’exerce le métier de mes rêves, il me permet de
Hans Rudolf Hösli, qui dirige l’institution
pas, ajoute-t-elle en souriant d’un air en-
m’épanouir et de relever des défis ».
depuis de nombreuses années, « ils voient
tendu, devenir capable de fabriquer un vi-
leur métier plutôt comme une vocation ». Il
olon au son si exceptionnel qu’on parlerait
est vrai que la lutherie, qui se trouve à la
plus tard d’un « vrai Rossieri ... »
CHAQUE VIOLON A SA PROPRE SONORITÉ Pour Marie Rossier, il ne fait aucun doute qu’on peut tout
croisée de la physique, de la musique, de
apprendre, pour peu qu’on déploie des trésors de volonté et
l’artisanat et de l’art, fascine. L’enseignant
d’autodiscipline. Elle qui n’est pas spécialement douée pour les
considère en outre que l’école attire les
activités manuelles, il lui arrive de devoir se donner plus de
jeunes notamment par son mode de fon-
peine et se concentrer davantage que ses camarades, mais elle
ctionnement unique. « Autrefois, faire un
ne se décourage pas pour autant. Travailler le bois lui plaît énor-
apprentissage dans un atelier de maître
mément, la cerise sur le gâteau étant de ne pas fabriquer des
était la règle. Ce n’était pas seulement le
objets usuels, mais des instruments de musique : « Un violon, ça
cas chez les meilleurs luthiers, comme
n’a rien à voir avec une armoire ! Chaque violon produit un son
Stradivarius et Amati, mais aussi chez les
La formation initiale à l’école des luthiers comble Marie Rossier de bonheur : elle a trouvé le métier de ses rêves.
CAPACITÉS NÉCESSAIRES – Habileté manuelle – Précision – Bonne représentation spatiale – Oreille musicale – Patience et persévérance – Bonnes manières, entregent
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale à l’école de luthiers de Brienz ou dans un atelier - Culture générale à l’école professionnelle de la région - Branches professionnelles en cours blocs à Brienz - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les
professionnels - Possibilité de se présenter à un
15
examen de maîtrise
Artisanat 1/2014
apprentis ayant de bonnes notes - Enseignement musical par des
Dans ce métier, la consécration arrive après des années d’efforts et d’apprentissage. Hans Rudolf Hösli, chef de l’atelier, est à cheval sur la qualité.
U
ne surprise attend le visiteur qui découvre le grand atelier
du secteur du piano en Suisse, comprend
par exemple une table d’harmonie : « C’est
d’Hug Musique à Bülach, dans le canton de Zurich : les em-
non seulement des magasins, mais aussi
un travail dont on voit le résultat. » Les
ployés qui l’accueillent s’expriment pour la plupart en allemand
sept ateliers dans toute la Suisse. « Oui,
facteurs de pianos doivent savoir ajuster
standard de bon aloi. Quand on lui en demande la raison, Rainer
nous avons en quelque sorte le monopole
et régler le mécanisme, réaliser de menus
Matz, le chef d’atelier et maître d’apprentissage originaire de Kiel,
de la formation des facteurs de pianos »,
travaux d’ébénisterie et, bien entendu,
dans le nord de l’Allemagne, répond sans ambages : « La Suisse
confirme Rainer Matz. « Non que nous
accorder l’instrument, la facette la plus
ne forme pas suffisamment de facteurs de pianos pour couvrir
en soyons fiers : c’est dommage qu’il n’y
connue de leur travail.
ses besoins. » Avec son importante industrie du piano, l’Alle-
ait pas plus de places d’apprentissage.
magne forme en revanche à tour de bras et les spécialistes qui
Chaque année, nous devons refuser plu-
n’y trouvent pas d’emploi se tournent volontiers vers la Suisse.
sieurs candidatures. »
JACOB :
LE FEU SACRÉ Profession à part entière autrefois, l’accordage de piano est désormais un volet – important au demeurant – de la formation du facteur de pianos. « Notre but serait de pouvoir envoyer un apprenti de
16
Artisanat 1/2014
J’AVAIS TOUJOURS VOULU FAIRE QUELQUE CHOSE QUI SORTE DE L’ORDINAIRE. FACTEUR D’INSTRUMENTS DE MUSIQUE CFC, ORIENTATION FACTURE DE PIANOS – Les pianos restent l’instrument de musique par excellence des foyers suisses, où ils charment non seulement l’ouïe, mais aussi la vue. Seuls des spécia listes bien formés sont à même de comprendre la complexité de leurs « entrailles ».
”
L’HABILETÉ PRIME LE SENS MUSICAL
quatrième année seul chez le client pour y accorder un instrument », explique Rainer Matz, « mais cela dépend de ce que l’on
Formateur chevronné, Rainer Matz
peut exiger de lui ». En effet, l’accordage est
décrit les critères que doit remplir le futur
une activité pénible, tant pour la position
apprenti : « Plutôt que le bulletin scolaire,
qu’il faut adopter que pour l’écoute et la
nous regardons le comportement du jeune
concentration qu’il demande.
pendant le stage de découverte. » Il ajoute
Le facteur de pianos qui, après bien
que l’atout principal est l’habileté ma-
des années – au moins dix selon Rainer
nuelle, suivie de l’ouïe et du sens musical.
Matz – maîtrise les aspects mécaniques
Pour le profane, le piano n’est
et acoustiques du métier et parvient au
qu’un instrument pourvu d’un clavier.
sommet de son art peut être promu tech-
Dans ce contexte, Jacob Ullrich, apprenti facteur de pia-
Et Jacob ne faisait pas exception : « Pour
nicien de concert et côtoyer les grands
nos en deuxième année, revient automatiquement à sa langue
moi, le piano se résumait à un meuble et
solistes. Quand on demande à Jacob s’il
maternelle, l’allemand standard, même s’il est parfaitement à
j’ignorais tout de son intérieur », se sou-
aimerait s’occuper un jour d’un pianiste
l’aise en dialecte. Ce fils d’un professeur de musique de Dresde,
vient-il, quelque peu embarrassé. C’est cet
de renommée mondiale, il ne se montre
établi en Suisse avec sa famille depuis 2004, a en effet suivi la
« intérieur » qu’il allait bientôt découvrir : un
guère enthousiaste : « Une seule fois, peut-
moitié de sa scolarité à Engelberg. C’est là aussi qu’il est entré
mécanisme d’une précision tout horlogère,
être, pour gagner en expérience, mais je
au collège, mais il s’est vite aperçu que ce n’était pas sa voie. Sa
qui exige du professionnel une patience,
crois que le travail en atelier est bien plus
quête d’une formation plus conforme à ses vœux s’est achevée
une adresse et une concentration infinies.
beau. » Son maître d’apprentissage n’ignore
le jour où un facteur de pianos est venu réviser un instrument
« Quand je m’échinais des heures sur un
toutefois pas, lui, le rôle que peut jouer
devant sa classe. « J’ai parlé avec lui et trouvé sa profession inté-
instrument sans parvenir à rien amélio-
le « feu sacré ». Et Jacob est déjà en train
ressante. J’avais toujours voulu faire quelque chose qui sorte de
rer, je me sentais frustré », admet-il pour
d’acquérir ce « feu sacré », sans en avoir
l’ordinaire », se rappelle l’apprenti âgé maintenant de 21 ans. Il
résumer ses difficultés initiales. Il ajoute
pleinement conscience : « Récemment, j’ai
a commencé à se renseigner et à faire des stages de découverte,
que le plaisir augmente au fur et à mesure
pu livrer et installer tout seul un piano à
avant de commencer son apprentissage chez Hug Musique à
que l’on maîtrise mieux le sujet et qu’il
queue en ville de Berne. Une expérience
Bülach. Comptant 340 employés, cette entreprise, le numéro un
ressent une joie sans mélange en réparant
planante. »
PEU DE PLACES D’APPRENTISSAGE
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Jouer d’un instrument (le piano, si possible) - Bonne condition physique, ouïe impeccable - Goût pour la précision - Patience et persévérance
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Chaque année, cinq cours-blocs d’une à deux semaines au Centre de formation d’Arenenberg (TG) - Une demi-journée
générales pour la Suisse romande) - Cours interentreprises sous forme de blocs d’une semaine - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant de bonnes notes - Examen de maîtrise à l’école professionnelle de facteurs d’instruments de musique de Ludwigsburg (en Allemagne)
Jacob Ullrich s’occupe du mécanisme interne très perfectionné des pianos. Mieux il maîtrise le sujet, plus le travail lui plaît. Les facteurs de pianos doivent savoir ajuster et régler le mécanisme, réaliser de menus travaux d’ébénisterie et accorder l’instrument.
17
professionnelle (branches
Artisanat 1/2014
par semaine à l’école
K
par fréquenter le collège, à Genève, mais
La réparation d’instruments à vent, l’une des cinq orien-
n’y était pas vraiment heureux. Jusqu’à ce
tations proposées aux facteurs d’instruments de musique, com-
que René Hagmann vienne présenter son
porte deux spécialisations, celle des instruments à vent en bois
métier lors d’un cours de musique. « Ça a
Plusieurs fois par année, Kilian Théve-
et celle des instruments à vent en métal. Né dans une famille de
été la révélation. J’ai tout de suite su que je
noz se rend pour quelques jours ou même
musiciens, Kilian a commencé à jouer du basson à l’âge de neuf
voulais devenir réparateur d’instruments
quelques semaines de l’autre côté du pays,
ans. « Je n’ai pas pu commencer avant à cause des dents de lait »,
de musique ». Après deux brefs stages chez
à Salenstein, sur le lac de Constance. C’est
dit-il en riant pour souligner son enthousiasme pour cet instru-
Servette Music SA, il était si emballé qu’il a
là que se trouve Arenenberg, le seul centre
ment plutôt rare. Rien d’étonnant donc à ce que ce Genevois ait
téléphoné plusieurs fois à son futur maître
d’apprentissage de Suisse pour les fac-
fait des instruments à vent en bois son métier.
d’apprentissage pour savoir s’il pouvait
teurs d’instruments de musique, et son
commencer. « Je l’ai laissé un peu mijoter,
internat. Des jours ou des semaines que
car la motivation est essentielle », avoue
Kilian apprécie, car ils lui donnent l’occa-
l’intéressé en souriant d’un air entendu.
sion de rencontrer ses rares collègues –
DES PROFESSIONNELS RECHERCHÉS René Hagmann, patron et formateur de Kilian, se félicite de ce choix. Car l’entreprise Servette Music SA, à Genève, qui a une
ils sont quatre à cinq par année à choisir cette filière – et d’échanger avec eux. René
collaborateurs, tous initiés à certains instruments en particulier.
HABILETÉ MANUELLE ET SENS DE L’OBSERVATION
« Ce sont des spécialistes dans des domaines déjà très spéciali-
Motivé, Kilian Thévenoz l’est bel et
lieux, puisqu’il est l’un des enseignants du
sés », relève René Hagmann pour résumer ce métier très exigeant.
bien, quand il arrive le matin à son poste
centre. Une chose encore que Kilian appré-
Le hautbois et le basson, justement, comptent parmi les instru-
de travail. Il soude, colle, huile, monte des
cie : ses années de collège le dispensent
ments à vent en bois les plus rares et les plus délicats. Il faut
clés, remplace des clapets et des ressorts,
de l’enseignement des branches générales
dire qu’un basson peut coûter entre 6000 et 50 000 francs, et un
fabrique des pièces, découpe et polit, avant
qu’il aurait dû suivre à Genève.
hautbois tout de même entre 2500 et 10 000 francs. Le patron de
d’ajuster finement la mécanique. « J’ai dé-
Artisanat 1/2014
longue tradition derrière elle, emploie dans ses ateliers douze
18
UN CENTRE DE FORMATION PROCHE DU LAC DE CONSTANCE
ilian Thévenoz a choisi un métier vraiment très spécialisé.
Kilian estime qu’il n’y a en Suisse que trois ou quatre magasins spécialisés capables de restaurer ces instruments.
KILIAN :
NOUS SOMMES DES SPÉCIALISTES ÈS SPÉCIALISATION.
”
FACTEUR D’INSTRUMENTS DE MUSIQUE CFC, ORIENTATION RÉPARATION D’INSTRUMENTS À VENT – Que fait-on lorsqu’une des clés de son saxophone se casse ou que son hautbois d’époque, de grande valeur, s’est fendu ? On se rend chez un superspécialiste, le réparateur d’instruments à vent.
couvert beaucoup de choses, notamment Par conséquent, les clients des ateliers
en mécanique », constate l’apprenti, qui
de Servette Music SA accourent non seu-
estime ne pas avoir été particulièrement
lement des quatre coins de la Suisse, mais
doué de ses mains auparavant.
aussi de l’étranger, de France, de Belgique,
René Hagmann a vu dans Kilian un ma-
d’Italie et même de Finlande pour leur
nuel qui s’ignore et, plus important encore,
confier leur instrument. Le maître d’ap-
un jeune doté d’un bon sens de l’observa-
prentissage de Kilian en est convaincu : tion. Pour « soigner » un instrument, il faut « Nous aurons toujours besoin de spécia-
en effet la plupart du temps commencer
listes comme lui. »
par établir un diagnostic – souvent pour de nouveaux instruments aussi – avant de
FAIRE DE LA MUSIQUE SON MÉTIER
l’adapter aux vœux du musicien et d’optimiser le système de clés. Ce n’est pas sans
Un avis que partage notre futur spé-
fierté que le jeune homme parle d’une cla-
cialiste, heureux comme un poisson dans
rinette basse neuve dont il a pu faire seul
l’eau dans son travail, et qui n’y trouve
le diagnostic. Mais ce qu’il préfère, ce sont
pas même un seul aspect négatif. « Faire
les révisions totales, qui peuvent prendre
de la musique, c’est un luxe. Et si l’on
entre deux et trois jours. « C’est une grande
peut en vivre, c’est vraiment l’idéal », s’en-
satisfaction lorsque l’instrument est à nou-
thousiasme Kilian Thévenoz. À vingt ans, il
veau comme neuf, et que l’on voit le résul-
n’est en qu’à la deuxième de ses quatre an-
tat de son travail ».
nées d’apprentissages, car il lui a fallu faire quelques détours pour trouver son bonheur professionnel. Kilian avait commencé
Hagmann est lui aussi un habitué des
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Précision et minutie - Mains calmes, excellente motricité fine - Sens de la musique et oreille musicale - Savoir jouer d’un instrument à vent - Etre prêt à apprendre à jouer d’autres instruments à vent - Patience et persévérance
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Chaque année, cinq cours-blocs d’une à deux
(TG) - Une demi-journée par semaine à l’école professionnelle (branches générales pour la Suisse romande) - Cours interentreprises sous forme de blocs d’une semaine - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant de bonnes notes Kilian Thévenoz, passionné de basson, a tout pour devenir un « spécialiste ès spécialisation. » René Hagmann, formateur et patron de Kilian, se réjouit des progrès de son apprenti, qui estime « ne pas avoir été particulièrement doué de ses mains auparavant. »
19
formation d’Arenenberg
Artisanat 1/2014
semaines au Centre de
I
l est très rare que des apprentis suisses soient envoyés en
pièces », estime ce futur professionnel. Ac-
ment qu’un rôle secondaire, même s’il est
mission à l’étranger, et ceux qui peuvent s’en vanter font sou-
tuellement en troisième année d’appren-
souhaité que le futur professionnel ap-
vent l’objet de reportages dans les médias. Pour Pavel Jezdik, par
tissage, Pavel peut déjà réaliser seul de
prenne à jouer d’un instrument. Le maître
contre, travailler à l’étranger fait tout simplement partie de son
nombreuses tâches. Il n’en est pas moins
d’apprentissage, Franz Höller, précise à ce
métier. Durant sa deuxième année d’apprentissage déjà, il avait
toujours impressionné de voir à quel point
sujet : « Il est plus important d’avoir un bon
séjourné cinq semaines à Taiwan pour y terminer le montage
le fonctionnement de l’équipe Mathis est
coup d’œil que l’oreille très musicale, mais
d’un grand orgue d’église. Depuis, cet apprenti âgé actuellement
bien rodé. Cette fine collaboration est par
être familiarisé avec la musique facilite le
de 19 ans ne s’est plus arrêté : pour 2014, six semaines sont
ailleurs indispensable pour fabriquer un
travail ». Pavel, violoniste passionné depuis
prévues à Brünn, en Moravie. Il n’y sera pas vraiment dépaysé,
orgue. Les instruments, qui peuvent mesu-
des années, remplit sans aucun doute
lui dont la famille a des racines tchèques.
rer jusqu’à neuf mètres de haut, sont en-
cette dernière condition. Rien d’étonnant
tièrement montés à Näfels, buffet compris,
donc qu’il souhaite continuer dans cette
puis transportés en pièces détachées. Une
voie une fois son apprentissage terminé et
L’entreprise dans laquelle Pavel fait son apprentissage, Mathis
fois l’orgue arrivé à destination, l’équipe
compte bien s’intéresser aux formations
Orgelbau SA, est depuis des années à la pointe sur le marché mon-
procède au montage final, une tâche de
continues proposées par l’entreprise dans
dial, ce qui explique les fréquents voyages à l’étranger. Depuis sa
longue haleine, et à son accordage. Une
le domaine de l’intonation et de la restau-
fondation en 1960 à Näfels, dans le canton de Glaris, cette firme
étape que Pavel apprécie particulièrement :
ration.
familiale a poursuivi une stratégie gagnante. « Nous avons depuis
« C’est vraiment cool de travailler dans une
Pavel n’a pas de souci à se faire pour
toujours misé sur les valeurs propres à la fabrication d’orgues
entreprise de niveau mondial. Les séjours
son avenir professionnel, comme l’explique
baroques : un travail artisanal de première qualité allié à un son
à l’étranger sont la cerise sur le gâteau ».
Franz Höller : « Il est vrai que l’on fabrique
optimal », explique Franz Höller. Quant à son collègue, Pascal Sei-
Il ne faut pas moins de 10 000 heures de
moins de nouveaux orgues, car les églises
ler, il voit un autre atout : la capacité d’adaptation de cette petite
travail pour fabriquer un orgue de taille
et la musique d’orgue n’ont pas vraiment
structure, qui emploie une vingtaine de personnes, dont quatre
moyenne (destiné à une église de village,
le vent en poupe actuellement, mais les
apprentis en règle générale. Hermann Mathis, l’actuel propriétaire,
par exemple). Le montage final – accor-
orgues doivent faire l’objet d’un entretien
y a d’ailleurs été apprenti lui aussi, dans les années 1970.
dage non compris – requiert à lui seul une
régulier pour fonctionner correctement,
« Les orgues Mathis sont conçus et pro-
équipe de trois personnes pendant près
et d’une rénovation de fond en comble
duits entièrement chez nous, à Näfels »,
de six semaines. L’entreprise de Nä fels
tous les vingt ans environ. Et en ce qui
souligne Franz Höller. « Nous élaborons
a fabriqué près de 400 orgues depuis sa
concerne les restaurations et l’entretien,
des projets personnalisés, disposons d’une
création et restauré de nombreux instru-
les facteurs et factrices d’orgues suisses
grande réserve de bois débité, séché natu-
ments historiques, ce qui fait d’elle l’un
sont tout aussi à la pointe que pour la
rellement et de toute première qualité (la
des grands fabricants d’orgues de Suisse.
fabrication d’instruments neufs ».
20
Artisanat 1/2014
D’APPRENTI À PATRON
L’apprenti Pavel Jezdik découvre le monde international de la manufacture d’orgues : les voyages font simplement « partie du métier. »
PAVEL :
C’EST VRAIMENT COOL DE TRAVAILLER DANS UNE ENTREPRISE DE NIVEAU MONDIAL.
”
FACTEUR D’INSTRUMENTS DE MUSIQUE CFC, ORIENTATION FACTURE D’ORGUE – Dans de nombreux domaines, les entreprises artisanales suisses font très bonne figure. Les facteurs d’orgues, eux, jouent carrément dans la cour des champions.
plupart du temps de l’épicéa), coulons les tuyaux d’orgue (cette opération délicate constitue une orientation d’apprentissage
YEUX ET OREILLES À CONTRIBUTION
en soi), procédons à l’intonation et accor-
Les facteurs d’orgues et les factrices
dons l’instrument. Chaque orgue est une
d’orgues – pas si rares elles non plus –
pièce unique », affirme Pascal Seiler, « et
suivent leur formation théorique lors de
à part quelques éléments électroniques,
cours blocs de plusieurs jours dans le
nous fabriquons toutes les pièces sur me-
centre de formation professionnel d’Are-
sure, chez nous ».
nenberg, à Salenstein, dans le canton
On comprend donc que Pavel Jezdik
de Thurgovie. Les branches enseignées
doive suivre un enseignement très diver-
abordent, outre la mécanique et la
sifié, qui va de la menuiserie classique au
connaissance des outils et des matériaux,
travail du cuir et des métaux. « Ce métier
également les techniques d’usinage, le
est incroyablement varié. La seule rou-
dessin industriel, l’acoustique, la connais-
tine que nous connaissions, à la rigueur,
sance des instruments et des styles. Les
c’est de préparer des réserves de petites
capacités musicales ne jouent étonnam-
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Capacité à se représenter les objets en trois dimensions - Talent pour le dessin - Sens esthétique - Patience et persévérance
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Chaque année, cinq cours-blocs d’une à deux semaines au Centre de formation d’Arenenberg (TG) - Une demi-journée par semaine à l’école professionnelle (branches générales pour la Suisse romande) - Cours interentreprises sous forme de blocs d’une semaine
ayant de bonnes notes - Examen de maîtrise à l’école professionnelle de facteurs d’instruments de musique de Ludwigsburg (en Allemagne) Pavel Jezdik doit suivre un enseignement très diversifié, qui va de la menuiserie classique au travail du cuir et des métaux. Son répondant, Pascal Seiler, se charge de faire de cet apprenti de 19 ans un membre de l’équipe parmi les autres.
21
professionnelle pour les apprentis
Artisanat 1/2014
- Possibilité d’obtenir la maturité
Q
uand on lui demande s’il deviendra artiste une fois son
proportion de filles parmi la dizaine d’ap-
apprentissage terminé, Philipp Lüthi reste muet, mais on
prentis par an que compte la profession
sent ce souhait très fort chez lui. En effet, il suffit de demander
avait beaucoup augmenté il y a une dizaine
à ce jeune Soleurois quelle est sa pierre préférée pour voir son
d’années, atteignant un tiers des recrues,
visage s’illuminer en parlant des nombreux avantages et de la
elle est de nouveau en recul.
vivacité du calcaire, une pierre de sa région, le Jura, qu’il com-
LA RESTAURATION, UN NOUVEAU CŒUR DE MÉTIER
pare à la froide élégance et à la stérilité rebutante du marbre italien. L’apprenti montre aussi fièrement l’une de ses premières œuvres, une petite sculpture représentant un corbeau noir à l’air
Son maître dit de Philipp qu’il est
sage et tranquille. Philipp, 18 ans, est cependant suffisamment
doué, très mûr pour son âge, autonome
réaliste pour apprécier à leur juste valeur les avantages d’un
et fonceur. « Quelle que soit la voie qu’il
apprentissage. « Il est aussi possible d’acquérir les gestes de base,
choisira, il gagnera bien sa vie dans notre
à l’école de sculpture de Müllheim, dans le canton de Thurgovie,
métier, d’autant plus qu’il a suffisament
ou dans une haute école spécialisée, mais suivre une formation
confiance en lui-même ». Hans Peter Zuber
initiale donne de l’assurance ». Philipp accepte par conséquent
voit un grand potentiel dans la rénovation
sans rechigner les aspects moins plaisants de sa formation : « Je
de bâtiments anciens. « Il suffit de regarder
n’adore pas les pierres tombales et n’aime pas non plus toutes
autour de soi pour voir à quel point les bâ-
les rénovations, mais elles font partie du métier ».
timents d’importance historique tombent en décrépitude. On ne pourra pas remettre
22
Artisanat 1/2014
TOUJOURS MOINS DE PIERRES TOMBALES
à l’infini les restaurations nécessaires, car
Son formateur, Hans Peter Zuber, en est convaincu : il faut
la pierre ne pardonne pas, et encore moins
absolument se diversifier pour avoir un avenir dans la branche. Si
le calcaire du Jura, qu’on trouve beaucoup
l’on pouvait autrefois vivre confortablement de la sculpture pour
chez nous, et qui est une pierre délicate. »
cimetières, qui pouvait représenter jusqu’à 80 % des commandes,
de bâtiments et la fabrication de fontaines,
Même si restaurer un bâtiment ne si-
on s’estime aujourd’hui heureux si ce pourcentage atteint 40 %.
qui complètent le travail traditionnel de la
gnifie pas simplement empiler des blocs
« Ces derniers temps, les mœurs funéraires ont énormément
pierre brute (taille, fraisage, ponçage), y
de pierre, cette activité rapproche le métier
changé, et les pierres tombales traditionnelles sont moins deman-
prennent toujours plus d’importance. Sans
de sculpteur de pierre de celui du mar-
dées. On préfère se faire des sépultures familiales ou répandre
oublier la spécialité du chef, la création de
brier, qui travaille en général selon des
simplement les cendres du défunt dans la nature », constate Hans
robinets artistiques en bronze pour déco-
indications précises et ne peut pas faire
Peter Zuber. Cette micro-entreprise, sise à Luterbach, près de So-
rer les fontaines. « Survivre en ne faisant
preuve de grande créativité. Hans Peter
leure, et qui compte un patron, un apprenti et un auxiliaire tem-
que travailler la pierre devient de plus en
Zuber est formel : l’apprenti qui arrive avec
poraire, s’est adaptée à cette évolution inexorable : la rénovation
plus difficile, et les choses ne vont pas
des prétentions artistiques doit quelque
s’améliorer ».
peu revoir sa copie. Quant à Philipp Lüthi,
SCULPTEUR SUR PIERRE CFC – De nombreux métiers artisanaux ont un lien évident avec l’art. La sculpture sur pierre, où la créativité joue un rôle très important, en est un bon exemple.
PHILIPP :
Il y a 21 ans, lorsqu’une jeune femme
il sait déjà qu’une fois son apprentissage
de 23 ans l’a supplié de la prendre comme
terminé, il fera une formation dans le do-
apprentie, Hans Peter Zuber n’a pas
maine de la restauration. Mais d’ici là, il
pu se dérober : « L’expérience a été très
lui est permis de rêver un peu. C’est en
concluante, car je transmets volontiers
tous cas ce que montrent les nombreux
mes connaissances et j’aime le contact
dessins et esquisses qu’il a réalisés en vue
avec les jeunes ». Il faut d’ailleurs souligner
du 1er championnat suisse des métiers,
que la sculpture sur pierre convient tout
le SwissSkills Berne 2014. Le nu féminin
aussi bien aux femmes qu’aux hommes,
prévu pour cette occasion promet de faire
car les machines y remplacent en bonne
date ...
partie la force physique. Toutefois, si la
”
FAIRE UN APPRENTISSAGE DONNE PLUS D’ASSURANCE.
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Don artistique et créativité - Capacité de se représenter les objets en trois dimensions - Un dos sain - Patience et persévérance
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Un jour par semaine à l’école professionnelle - Cours interentreprises d’une à deux semaines par année d’apprentissage - Possibilité d’obtenir la pour les apprentis ayant de
23
bonnes notes
Artisanat 1/2014
maturité professionnelle
Si les sculpteurs se consacraient auparavant surtout à la « sculpture pour cimetières », d’autres créneaux, comme la construction de fontaines, ne cessent de gagner aujourd’hui en importance. Pour cette raison, le formateur, Hans Peter Zuber, privilégie la polyvalence. Philipp Lüthi ne le déçoit pas, son point fort étant les figures.
CÉLIA : ”
débouchés. Elle se voit comme la « gardienne » d’un métier artisanal, le tissage, « le plus beau métier du monde ».
PAYER LE PRIX
UN JOUR, JE ME TROUVERAI UN CRÉNEAU.
Les clients du Filambule sont surtout des personnes qui savent apprécier à sa juste valeur un travail artisanal de précision et des matériaux de haute qualité, produits dans le respect de l’environne-
24
Artisanat 1/2014
CRÉATRICE DE TISSU CFC – Créer des ESPRIT LOGIQUE EXIGÉ tissus est un métier des plus complexes. Mais le tissage – ou la création de Pour l’exercer, il faut aimer la technique et tissu, pour utiliser l’expression actuelle, les activités manuelles, très bien connaître plus précise – n’est pas aussi simple qu’il les matériaux, avoir un goût sûr pour y paraît, et Célia s’en aperçoit rapidement. « Le travail lui-même, mais aussi l’esthétique et même posséder le sens des la formation théorique, est très complexe affaires !
À
ment. Danièle Mussard cite en riant un proverbe qui veut qu’un tisserand nu soit un tisserand heureux : le tisserand est nu parce qu’il a vendu ses produits, et qu’il ne peut se permettre de se les acheter. Quiconque prend en main, par exemple, une écharpe merveilleusement caressante, de mohair, d’angora et de soie, aux superbes
et parfois ardu ». Et la patronne, Danièle
tons gris chatoyants, trouvera raison-
Mussard, de renchérir : « Oh oui, et il faut
nable de payer 200 francs pour un tel chef
26 ans, Célia Lutangu n’est pas vraiment l’apprentie typique
avoir l’esprit logique. Un créateur de tissu
d’oeuvre artisanal.
de deuxième année. Elle ne détonne pourtant pas parmi les
doit bien savoir calculer ». Concrètement, il
Dans une propriété en Bourgogne, le
Célia Lutangu aime aussi concevoir et
créateurs de tissus, chez lesquels c’est plutôt la règle que l’excep-
s’agit d’élaborer un projet sur papier ou à
Filambule a une sorte de filiale où plu-
produire des articles sur commande : des
tion de trouver sa voie seulement au deuxième apprentissage.
l’ordinateur, de déterminer les matériaux
sieurs cours créatifs ont lieu en été. « Si
rideaux, des tissus, des nappes, ou même
et les structures de tissage et de faire un
l’on ne travaille pas dans un atelier protégé
une étole. La jeune femme ne craint pas de
échantillon afin de tester la qualité. Il faut
où le tissage est enseigné, ou pour l’indus-
ne pas gagner sa vie plus tard : « Un jour, je
Danièle Mussard, formatrice à l’Atelier Filambule, à Lau-
aussi calculer les coûts du matériel, pré-
trie ou pour un couturier, on ne peut pas
trouverai un créneau qui me conviendra ».
sanne, n’y trouve rien à redire, bien au contraire. « Tous mes
parer celui-ci et régler le métier à tisser, ce
vivre de la vente de produits tissés main »,
Elle a déjà des plans précis pour l’avenir
apprentis arrivent en ayant déjà au moins commencé une autre
qui peut prendre plusieurs jours. Ce n’est
reconnaît sans détour Danièle Mussard.
proche, une fois qu’elle aura son CFC en
formation et eu une première expérience professionnelle. Dans
qu’ensuite qu’on commence à tisser.
Ce n’est donc pas un hasard si cette éner-
poche : elle a déniché une place de sta-
gique femme d’affaires s’est créé d’autres
giaire à Berlin.
UN BAGAGE APPRÉCIÉ
notre métier, c’est un avantage d’avoir des connaissances dans une activité apparentée ».
PLUSIEURS POINTS D’APPUI
Un bagage professionnel, voilà qui ne manque vraiment pas
Le tissage proprement dit est ce qui
à Célia. Après sa scolarité obligatoire, cette fille d’une Suissesse
plaît le plus à Célia. « C’est répétitif, c’est
et d’un Angolais, qui a grandi à Morges, a commencé par faire
vrai, mais j’aime ce geste. Je pourrais
un diplôme sur deux ans de Couture/Modélisme/Stylisme dans
passer mes journées à tisser tranquille-
une école privée à Lausanne. Elle a ensuite enchaîné avec des
ment ». Ce qui n’est pas vraiment possible
stages de plusieurs mois à Paris et Bruxelles dans le domaine du
au Filambule, car l’entreprise de Danièle
design textile, tout en travaillant comme styliste et même gérante
Mussard n’est pas seulement un lieu de
dans des boutiques. « Mais cette voie ne me satisfaisait plus
production, mais aussi une école d’art tex-
véritablement », raconte-t-elle. « Pendant tout ce temps, j’étais à
tile et une galerie. Des cours pour débu-
la recherche d’un métier qui me plaise vraiment, et j’ai fini par
tants et avancés y sont donnés plusieurs
trouver : le tissage ». Une bourse de places d’apprentissage lui
fois par semaine, et l’apprentie y assiste.
permet de décrocher son poste actuel à l’Atelier Filambule et de
« Lorsqu’on y enseigne quelque chose que
trouver sa voie : « Parmi toutes les activités que j’ai faites jusqu’à
je ne connais pas encore, j’apprends au
maintenant, le tissage est de loin celle qui me plaît le plus ».
même titre que les autres », explique-t-elle.
Le tissage, une activité complexe, procure beaucoup de joie à Célia Lutangu. Sa formatrice, Danièle Mussard, qui se voit comme la « gardienne » d’un métier artisanal, ne néglige pas pour autant l’aspect économique.
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Don pour le dessin, créativité - Sens logique, bonnes capacités de calcul - Capacité de se représenter les objets en trois dimensions - Goût pour la technique - Sens des couleurs et des formes - Patience et persévérance - Capacité d’écoute des clients
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Trois ans de formation initiale - Trois leçons par semaine à l’école professionnelle (branches générales) - Trois cours blocs de deux
Maria, dans le Val Müstair - Un cours interentreprises d’une semaine par an - Canton du Tessin: CSIA (Centro scolastico per le industrie artistiche), Lugano, www.csia.ch « Je pourrais passer mes journées à tisser tranquillement », admet volontiers Célia Lutangu.
25
professionnelle de Santa
Artisanat 1/2014
semaines par an à l’école
L
es anciennes amours peuvent parfois, contre toute attente,
rant, et que la peau de mouton réchauffe. »
le lancement de cette ligne, les peaux des
se réveiller », constate Janine Räber, en jetant un regard
L’apprentie trouve par ailleurs tout à fait
quelque 30 000 renards que les chasseurs
autocritique, mais bienveillant, sur son parcours professionnel.
passionnant de chercher la bonne com-
abattent chaque année étaient éliminées
Cette jeune femme de 25 ans a commencé par suivre une forma-
binaison de morceaux de fourrures pour
comme des ordures.
tion de couturière en fourrures et par travailler quelque temps
qu’épaisseur, couleur, taille et longueur
dans ce domaine. Elle a ensuite changé d’orientation et fait un
de poil forment un tout harmonieux. Le
apprentissage de commerce « classique ». « Peu à peu, je me suis
travail lui plaît, quel que soit le vêtement
rendu compte que j’étais à l’étroit dans un bureau et que je ne
à prendre en main, ou les pièces à conce-
Avec le temps, Thomas Aus der Au es-
pouvais pas y donner libre cours à mon imagination. La liberté
voir, coudre et réparer. « J’ai une préférence
time avoir la peau dure. Mais il s’étonne
de création, le goût pour l’élégance et la mode, le travail artisa-
pour les vestes pour jeunes femmes, mais
toujours de voir toutes les contre-vérités
nal avec de beaux matériaux naturels me manquaient », affirme
j’aime aussi faire des manteaux, des cha-
publiées dans les médias. « Notre société
la Schwytzoise pour expliquer ce deuxième changement de cap.
peaux ou des bordures. » L’idéal pour la
accepte que l’on élève des animaux si on
Et comme elle voulait améliorer son bagage professionnel, elle
future pelletière est de pouvoir dévelop-
le fait dans des conditions respectueuses
s’est lancée dans un autre apprentissage, celui de « créatrice de
per son idée avec le client : « Nous sommes
de l’espèce. La chasse et l’élevage d’ani-
vêtements, orientation vêtements en fourrure », un néologisme
tous très différents les uns des autres, et
maux en fourrure rentrent tout à fait dans
derrière lequel se cache le très ancien métier de pelletier. Et grâce
devrions choisir la fourrure en fonction de
ce cadre, tout comme la liberté de porter
à sa formation de couturière, elle ne fait que deux des trois ans
notre personnalité. Et je trouve qu’il ne
de la fourrure si on le souhaite », souligne
que dure l’apprentissage.
faudrait pas utiliser de la fourrure comme
l’entrepreneur. Il s’engage d’ailleurs en
doublure. »
faveur d’un contrôle strict des élevages, à
26
Artisanat 1/2014
SELON L’ENVIE ET L’HUMEUR
DES ANIMAUX DE RENTE COMME LES AUTRES
Rendre la fourrure invisible en en fai-
l’image de ce qui se fait actuellement dans
Janine, une amie de la nature, n’exprime pas en paroles sa
sant une doublure, pour ne pas subir les
chaque exploitation agricole et chaque éle-
passion pour les fourrures, mais on sent la joie que lui procure le
foudres de ses détracteurs, souvent agres-
vage de volaille. Autre problème : seule une
travail avec ce matériau. « Il arrive souvent que je puisse choisir
sifs ? Blessée dans son orgueil, Janine
moi-même les peaux à utiliser pour fabriquer un vêtement. Je
Räber monte au créneau : « Je respecte
maux. Il a ainsi joué un rôle déterminant
dans des commerces spécialisés. Les clients
me laisse alors guider par mes envies et par mon humeur : il me
ceux qui, pour des raisons de principe,
dans la décision des membres de l’Associa-
devraient par conséquent y regarder à deux
faut être bien lunée pour le renard et ses longs poils parfois gê-
sont contre le fait de porter et de fabri-
tion professionnelle suisse des fourreurs
fois avant d’acheter des articles importés
nants, tandis que le vison et l’astrakan ont plutôt un effet rassu-
quer des vêtements en fourrure. Mais je
Swissfur d’introduire, en 1996, la déclara-
dans des boutiques, des centres commer-
n’accepte pas que toute une branche soit
tion systématique des fourrures (alors que
ciaux ou même sur Internet.
harcelée sur la base de fausses informa-
la loi qui la rend obligatoire n’est entrée en
Cet homme de 57 ans, qui compte parmi
tions. C’est d’une bassesse incroyable que
vigueur qu’au 1er mars 2014 !) Il est aussi
les rares formateurs de Suisse, croit à l’ave-
d’accuser la pelleterie suisse de mauvais
l’un des initiateurs de la collection de mode
nir de la pelleterie dans notre pays : « Il y a
traitements sur des animaux. »
« SwissRedFox », qui prouve que le renard
toujours de la demande pour des créations
roux suisse convient parfaitement à la fa-
personnalisées plutôt que des productions
brication d’articles haut de gamme. Avant
en série, et il ne faut pas oublier le service
JANINE : ”
JE POURRAIS MÊME ENTRER À L’ÉCOLE DE DESIGN. CRÉATRICE DE VÊTEMENTS CFC, DOMAINE SPÉCIFIQUE VÊTEMENTS EN FOURRURE – La pelleterie, l’un des plus anciens métiers du monde, essuie aujourd’hui les critiques des défenseurs des animaux. Elle ne baisse pas les bras pour autant.
LES PEAUX DE RENARD NE SONT PAS DES DÉCHETS
petite partie des fourrures sont vendues
à la clientèle et les réparations. Le potentiel est là, et nous avons besoin de bons professionnels. » Thomas Aus der Au précise que la branche offre de nombreuses possibilités de perfectionnement et de travail à
Thomas Aus der Au, le formateur de
l’étranger. Son apprentie, Janine, entrevoit
Janine, lutte depuis longtemps contre les
toutes sortes de possibilités : « Si je veux,
préjugés et le manque d’information. Pro-
après avoir passé l’examen de maîtrise, je
priétaire d’une entreprise familiale tradi-
peux même entrer à l’école de design. Mais
tionnelle qui compte trois employés à Zu-
je pourrais aussi ouvrir mon propre atelier,
rich-Wiedikon, il est un précurseur dans sa
travailler à temps partiel ou gagner ma vie
branche en matière de protection des ani-
en réalisant des mandats à domicile. »
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Goût pour la mode - Sens des formes et des couleurs - Habileté manuelle - Talent pour le dessin - Patience et persévérance - Aimer le contact humain
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Trois ans de formation initiale - Un jour par semaine à l’école professionnelle - Cours interentreprises de plusieurs jours sur des sujets spécifiques - Possibilité d’obtenir la pour les apprentis ayant
27
de bonnes notes
Artisanat 1/2014
maturité professionnelle
Janine Räber trouve passionnant de chercher la bonne combinaison de morceaux de fourrures. Thomas Aus der Au lutte depuis longtemps contre les critiques injustifiées et défend la cause des animaux. Janine Räber partage son opinion et estime que l’utilisation de peaux de renard indigènes est une solution convaincante.
ARTISAN DU CUIR ET DU TEXTILE CFC, ORIENTATION MAROQUINERIE – Un métier dans lequel il faut, pour réussir, avoir atteint un équilibre entre sens de la mode et maturité artistique.
ERICK :
UN ENRICHISSEMENT
capitale, comprend aussi une boutique. Il
deuxième année d’apprentissage et ne re-
offre surtout des sacs à main pour dames.
grette pas un instant son nouveau départ.
Il s’agit là exclusivement de modèles haut
« Je vis de manière beaucoup plus intense
de gamme conçus et réalisés sur place,
maintenant, ma formation est très enri-
dont le design peut tout à fait, de l’avis
chissante. J’aime pouvoir voir le résultat
d’experts de la mode, rivaliser avec les
concret du travail de mes mains. » Parmi
marques mondiales. On n’y travaille par
ses amis, l’étonnement du début a cédé
principe que des cuirs de bœuf ayant subi
la place à un certain respect. « Il y a aussi
un tannage végétal, non toxique. Le cuir
des gens pour lesquels ce changement est
de crocodile et celui de serpent sont abso-
MA VIE A GAGNÉ EN INTENSITÉ.
28
Artisanat 1/2014
B
Münstergasse, une rue historique de la
Erick Guillard en est maintenant à sa
”
lument bannis, comme la sous-traitance d’étapes de production à l’étranger. L’accent est mis sur le service à la clientèle, ce que les « grands » de la branche ne font
erne a connu quelques changements d’orientation profes-
une sorte de déchéance, mais je ne le vois
pas vraiment. « Nous nous sommes trouvé
sionnelle spectaculaires ces dernières années. Il y a eu ce
pas du tout comme cela. Pour moi, l’impor-
un créneau dont le potentiel nous permet
tenancier de plus de 50 ans, chouchou des milieux branchés, qui
tant est d’être en paix avec moi-même. Je
de bien vivre depuis bientôt dix ans. Nous
a abandonné le bar pour un apprentissage de techno-imprimeur,
préfère mon train de vie actuel, modeste, à
ne misons pas sur le luxe, mais sur la
ou encore ce rédacteur en chef d’un quotidien en vue qui a quitté
mes anciennes ambitions. » L’ancien dan-
qualité », souligne la maroquinière. Qui
son équipe pour réaliser le rêve de sa vie : être chauffeur de bus.
seur dit aussi que penser à ses apparitions
ajoute que leur équipe de cinq personnes
Si la reconversion d’Erick Guillard n’a pas autant fait parler
« malheureusement nombreuses » dans des
a du pain sur la planche et qu’il est impor-
d’elle, elle n’en est pas moins surprenante. Danseur étoile du
opérettes ou comme figurant dans des opé-
tant pour elles de pouvoir compter sur les
Théâtre de la Ville de Berne, il s’est lancé dans un apprentissage
ras le fait maintenant plutôt frémir que
apprentis.
de maroquinerie et fabrique maintenant sacs, serviettes, étuis et
rêver.
portemonnaies.
Pour Erick Guillard, la question du
Ce Bernois d’adoption attribue une
retour dans le monde de la danse ne se
bonne partie de sa satisfaction au poste
pose plus. Après son apprentissage, il en-
qu’il occupe dans un petit atelier de la
visage de rester à temps partiel au moins
Ce n’est pas par hasard si après 23 ans de scène, Erick
vieille ville. Il aime la philosophie des deux
durant une certaine période à l’atelier de
Guillard a troqué ses chaussons de danse contre l’alêne et les
propriétaires, Fiona Losinger et Ursula
la Münstergasse, parce qu’il estime avoir
aiguilles. Après qu’un accident et une blessure à la hanche ont
Häni, parce qu’elles accordent beaucoup
encore beaucoup à apprendre, surtout
mis fin plus tôt que prévu à sa carrière de danseur, en 2011,
d’importance à la créativité. « Presque
en technique de travail et en design. Il
on le voyait déjà rester dans le milieu de la danse en devenant
chaque mandat est en fait pour moi un
n’exclut pas de se mettre un jour à son
chorégraphe et pédagogue. Ce Français d’origine, qui a étudié
projet que je peux gérer de manière auto-
compte : « Pour ouvrir son propre atelier, il
la danse classique à Paris et à La Rochelle, et a, entre autres,
nome, du choix du matériel à la dernière
faut investir dans les 30 000 francs, ce qui
fait partie durant huit ans du Ballet national de Nancy sous la
finition. »
n’est pas exorbitant. Mais il faudrait que
UN CHANGEMENT RADICAL
direction de Pierre Lacotte, a contre toute attente décidé de faire table rase du passé et d’entamer un apprentissage : « Je voulais
toutes les conditions soient réunies. »
UN RÔLE AU SEIN DE L’ÉQUIPE
recommencer à zéro, mener une existence totalement nouvelle,
Les patronnes sont extrêmement satis-
hors des projecteurs et des énormes pressions de la danse. J’ai
faites de leur surprenante « recrue ». « Erick
opté pour un métier dont je savais qu’il me conviendrait. » Cet
est une bonne personne, il est doué et maî-
apprenti de 41 ans ne s’est pas lancé dans un monde totalement
trise déjà bien le métier. Il est rare qu’un
inconnu pour lui : il avait eu l’occasion d’observer des heures
apprenti sache fabriquer un sac de A à Z
durant le travail du cuir dans les ateliers du Théâtre de la Ville
à la fin de sa première année. Il convient
de Berne, dont il était un habitué.
parfaitement à notre petite équipe », se félicite Ursula Häni. Le local, situé à la
Erick Guillard a troqué la scène contre l’atelier de maroquinerie : « Ma formation est très enrichissante. »
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Sens de la mode - Goût pour les formes et les couleurs - Don pour le dessin - Habileté manuelle - Patience et persévérance
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Trois ans de formation initiale - Un jour par semaine à l’école professionnelle - Cours interentreprises de plusieurs jours - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant de
29
Artisanat 1/2014
bonnes notes
Erick Guillard s’épanouit au sein de l’équipe créative de la vieille ville de Berne : sa formatrice, Ursula Häni, est extrêmement satisfaite de cette surprenante « recrue ».
C’
n’en ont qu’une vague idée, de sorte que
ture de sport de luxe », avoue sans détours Mauro Lima-
je peux faire des propositions et les réa-
Son formateur, Leo Schuler, se félicite
cher. Bien qu’il ne soit qu’en deuxième année, cet apprenti de 17
liser ». Une autonomie qu’il apprécie à sa
des plans de son protégé, qu’il n’hésite pas
ans s’est déjà familiarisé avec les principales tâches du métier,
juste valeur, car il est rare qu’un apprenti
à qualifier de « véritable aubaine pour notre
car son entreprise formatrice – l’atelier de cuir Schuler d’Einsie-
se voie confier ce genre de responsabili-
entreprise ». Âgé de 48 ans, ce garnisseur
deln – compte parmi les plus polyvalentes de la branche. Travaux
tés. Il y a tout de même certaines limites,
en carrosserie et sellier qualifié, titulaire
de sellerie classiques sur meubles, capitonnages pour l’automo-
puisqu’il n’a pas eu le droit d’intervenir
d’une maîtrise dans la première de ces pro-
bile et le nautisme, restauration de la capote d’une voiture : la
dans la restauration d’une superbe Mase-
fessions, est persuadé que les perspectives
gamme de ses savoir-faire est vaste. Cette entreprise dynamique
rati Zagato. Néanmoins, ses compétences
« sont très bonnes pour les gens motivés, et
est aussi présente dans un autre secteur important, celui des
suffisent aujourd’hui déjà pour capitonner
le resteront ». Grâce à la polyvalence exigée
coussins de positionnement pour tables d’opération, qu’elle livre
les portes d’une Porsche. « Tout est dans
au quotidien, il est toujours possible de
dans toute la Suisse. Une diversité que Mauro apprécie : « Je ne
la précision, les dimensions doivent être
prospecter des créneaux. Il ajoute que son
m’ennuie jamais, presque toutes les commandes sont des pièces
respectées au millimètre près, autant dire
atelier fondé il y a 20 ans a toujours eu un
uniques. En outre, nous ne travaillons pas seulement le cuir,
que la concentration doit être totale ».
carnet de commandes bien garni et qu’il
mais aussi d’autres matériaux comme le textile et le métal, et cela
Alors qu’il n’obtenait que des notes
s’est refusé à une éventuelle expansion.
moyennes à l’école secondaire, Mauro
« Avec cinq employés à plein temps et trois
estime que les exigences scolaires de sa
à temps partiel, je garde la maîtrise de
filière sont tout à fait dans ses cordes,
mon entreprise. En outre, la question de la
Pour ce Schwytzois domicilié dans les environs, dans le vil-
d’autant plus que l’ambiance est bonne au
succession n’est pas réglée, car mes deux
lage de Schindellegi, la grande latitude que lui laissent de nom-
centre professionnel de Zofingue (Argovie).
filles ne se battront pas pour la société ».
breuses commandes est un autre avantage de ce métier : « Cer-
« Je suis content d’avoir assisté à une jour-
Leo Schuler souligne l’importance de
tains clients savent parfaitement ce qu’ils veulent, mais d’autres
née de découverte chez Schuler, suivant
donner à la relève une formation qui soit à
MAURO :
en cela les conseils de mes parents. C’est
la fois moderne et pratique. C’est la seule
tout à fait le métier qu’il me fallait, avec
façon de s’assurer un avenir, estime ce
mes capacités, ma quête de créativité et
professionnel, qui a joué un rôle important
ma façon d’être », conclut un Mauro satis-
dans les activités de la CI LETEX (Com-
fait. Il n’est donc guère étonnant que son
munauté d’intérêts du cuir et du textile).
avenir professionnel soit tout tracé dans sa
« Notre métier représente une partie non
tête : « Une fois que j’aurai quelques années
négligeable du secteur PME et ne peut pas
d’expérience dans la branche, je voudrais
simplement disparaître. Actuellement, il
passer l’examen professionnel supérieur,
est aussi un important fournisseur de pro-
pour un jour fonder mon entreprise ».
duits de pointe, comme des filtres spéciaux
très souvent d’ailleurs ».
Artisanat 1/2014
LIBERTÉ, CRÉATIVITÉ, RESPONSABILITÉ
30
UN MÉTIER D’AVENIR
est assez excitant de participer à la restauration d’une voi-
PRESQUE TOUTES LES COMMANDES SONT DES PIÈCES UNIQUES. ARTISAN DU CUIR ET DU TEXTILE CFC, ORIENTATION VÉHICULES ET TECHNIQUE – Bâche pour bateau, remise à neuf du capitonnage d’une voiture d’époque, siège de moto sur mesure et bien d’autres articles encore : l’artisan du cuir ayant choisi l’orientation Véhicules et technique pratique assurément un métier varié.
”
ou des entoilages ».
UN MÉTIER QUI SE FÉMINISE Les experts estiment que la relève est assurée pour le moment, car la profession compte une quarantaine d’apprentis. C’est surtout aux jeunes filles que l’on doit ce chiffre élevé, elles qui sont toujours plus nombreuses à se lancer dans ce métier. Et cette tendance reste à la hausse. Ce que Mauro Limacher apprécie le plus dans sa profession : les contacts avec la clientèle et la variété des activités. La gamme des commandes va en effet de la remise en état d’une voiture d’époque aux travaux de sellerie classiques sur meubles.
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle - Sens des formes et des couleurs - Dons de dessinateur - Agilité physique - Patience et persévérance
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Trois ans de formation initiale - Un jour par semaine à l’école professionnelle - Cours interentreprises de plusieurs jours - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les
31
Artisanat 1/2014
apprentis ayant de bonnes notes
Mauro Limacher fait son apprentissage chez Leo Schuler, l’un des maîtres d’apprentissage les plus connus de sa branche. Ce formateur est convaincu qu’il ne faut pas laisser disparaître son métier, qui représente une partie non négligeable du secteur PME.
ARTISANE DU CUIR ET DU TEXTILE CFC, ORIENTATION SPORT ÉQUESTRE – L’équitation est un sport toujours plus pratiqué en Suisse, et les artisans du cuir et du textile savent exploiter les nouvelles perspectives que leur offre cet engouement pour le cheval.
vières, ces courroies qui retiennent l’étrier, en passant par les attaches de selles. Il lui arrive aussi de produire des ceintures
Le patron et formateur de Rebecca,
et de faire des réparations. Si elle aime
Urban Truniger, se félicite des progrès
sentir l’odeur du cuir et le travailler de ses
accomplis par son apprentie : « Elle aime
mains, elle sait aussi apprécier l’aide des
son travail et notre sellerie », explique ce
appareils, par exemple la pareuse, qui l’af-
Thurgovien lui-même cavalier et conduc-
fine : « Les machines ont l’avantage d’être
teur d’attelage passionné. Des huit per-
REBECCA : ” R
sonnes qui composent son équipe de Bürg-
très précises, ce à quoi je ne parviens pas
Artisanat 1/2014
JE NE ME VOIS PAS ASSISE DEVANT UN ORDINATEUR.
32
LES FEMMES ONT LE VENT EN POUPE
len, toutes sont des femmes (EquiNomic a aussi une petite succursale en Allemagne pour sa clientèle européenne). « Autrefois, la sellerie était un métier presque exclusivement masculin. Les garçons n’ont maintenant plus grand intérêt pour les professions artisanales, tandis que les filles arrivent à notre métier à travers l’équitation. » Urban Truniger est par ailleurs per-
ebecca Ammann aime les chevaux, cela ne fait pas l’ombre
encore toujours. » Rebecca s’occupe aussi
suadé que sa branche – une cinquantaine
d’un doute. « Je fais de l’équitation depuis que je sais mar-
volontiers des clients, d’autant plus que
d’entreprises sur l’ensemble du territoire
cher », mentionne cette jeune femme de 18 ans pour expliquer sa
les discussions tournent en général autour
suisse – ne doit pas craindre pour son ave-
passion. Elle raconte aussi avoir participé à son premier tournoi
des chevaux et de l’équitation. Quant à
nir : « Nous n’allons pas manquer de tra-
à l’âge de huit ans. Si elle préférait le saut à l’époque, elle s’est
l’enseignement de l’école professionnelle,
vail. L’équitation est de plus en plus pra-
ensuite mise au Concours complet, ou Military, une discipline
qui lui transmet, en plus des branches
tiquée, de nouvelles disciplines naissent,
bien plus diversifiée, qui consiste en trois épreuves : le dressage,
générales, tout un savoir sur le travail du
comme le western et le trail. Les cavaliers
le cross et le saut d’obstacle. « Je ne suis pas mauvaise, mais pour
cuir et des textiles, il ne lui cause pas de
ne rechignent pas à la dépense, car il est
percer il faut avoir un très bon cheval, ce que je ne peux pas me
problème particulier. Elle juge en outre
inutile d’avoir un bon cheval si le matériel
permettre », explique cette Zurichoise. « Mais j’ai tout de même
très intéressants les cours blocs qui sont
n’est pas à la hauteur. »
beaucoup de plaisir à monter. »
donnés en Autriche, dans le Vorarlberg
Rebecca n’a pas de projets bien dé-
(des cours qui, pour les Romands, ont lieu
terminés pour l’avenir. Elle n’y pense pas
à Vevey).
vraiment. Pour le moment, elle se verrait
UN GOÛT POUR LE TRAVAIL MANUEL Avec ses bons résultats scolaires, Rebecca a pu choisir libre-
Une fois son apprentissage terminé,
bien continuer à travailler chez Urban
ment son apprentissage. Elle savait qu’elle opterait pour un
lorsqu’elle aura acquis suffisamment d’ex-
Truniger après son apprentissage puis,
métier artisanal, si possible en lien avec l’équitation. « De plus,
périence, elle pourra fabriquer une selle
un jour, envisager de se perfectionner et
je n’aime ni les ordinateurs ni les bureaux, je préfère travailler
de A à Z. La relation avec les clients devien-
de se présenter à un examen professionnel
de mes mains. » Ses parents étant de fidèles clients de la sellerie
dra alors centrale dans son activité. Une
supérieur. « D’autres perspectives s’offri-
EquiNomic, à Bürglen, dans le canton de Thurgovie, elle y a fait
selle de cheval est en effet toujours faite
ront peut-être à moi, qui sait ? Mais ça doit
un stage de découverte. Une semaine après, sa décision était
sur mesure, car elle est conçue en fonc-
avoir un rapport avec les chevaux. »
prise : elle deviendrait sellière (ou, pour utiliser la dénomination
tion de l’anatomie de la personne qui va
actuelle, « artisane du cuir et du textile CFC, orientation sport
l’utiliser. Monter avec une selle mal ajustée
équestre »). Elle fait maintenant plus d’une heure et demie de
peut générer de mauvaises postures et des
train par jour pour réaliser ce rêve. Autour d’elle, on trouve d’ail-
problèmes de dos. C’est là le grand atout
leurs son choix professionnel « très cool », la plupart du temps à
des selliers : leurs produits coûtent au
vrai dire sans savoir en quoi il consiste exactement.
maximum 20 % de plus que ceux faits en
En tant qu’apprentie de deuxième année, Rebecca peut déjà fabriquer seule toutes sortes d’articles, du harnais aux étri-
série, une différence de prix qui se justifie totalement aux yeux des experts.
Passionnée de chevaux, Rebecca Ammann a trouvé le métier de ses rêves, dont l’un des attraits, et non des moindres, est de pouvoir discuter chevaux et équitation avec les clients.
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Facilité en calcul et en géométrie - Habileté manuelle - Facilité de contact - Goût pour les formes et les couleurs - Don pour le dessin - Patience et persévérance
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Trois ans de formation initiale - Un jour par semaine à l’école professionnelle - Cours interentreprises de plusieurs jours - Possibilité d’obtenir la pour les apprentis ayant
33
de bonnes notes
Artisanat 1/2014
maturité professionnelle
En deuxième année, Rebecca peut déjà fabriquer seule de nombreux articles. Son formateur, Urban Truniger, se félicite des progrès qu’elle accomplit.
RETO :
PEUR, JAMAIS, MAIS DU RESPECT, TOUJOURS.
”
MARÉCHAL-FERRANT CFC – Travailler avec des animaux éveille tout un monde d’émotions, aussi de nombreux jeunes s’intéressent-ils au ferrage du cheval et d’autres équidés. Sans soupçonner qu’il s’agit là d’un métier très exigeant.
34
Artisanat 1/2014
R
DU TRAVAIL EN ABONDANCE
four à gaz et à le battre sur l’enclume afin de lui donner la bonne forme. Finalement,
À l’heure de choisir un métier, Reto Eg-
le fer est ajusté et cloué, dernière étape
genberger n’a jamais eu l’ombre d’un doute :
d’un travail qui dure une heure.
il allait simplement suivre les traces de son
L’entreprise qu’Urs Teuscher, 50 ans,
père, exploitant d’un atelier de maréchal-
possède à Wiesendangen près de Winter-
ferrant à Amriswil (TG). « J’apprécie la com-
thur compte deux employés et deux ap-
binaison du ferrage des chevaux et de la ser-
prentis. Elle réalise aussi des travaux de
rurerie », explique le jeune homme. Quand
serrurerie, de sorte que les personnes en
on lui demande s’il n’a jamais eu peur des
formation peuvent également s’y exercer.
chevaux, il répond, reprenant la devise de
« Ferrer est une opération pénible, qui exige
son maître d’apprentissage : « Peur, jamais,
beaucoup de force et de savoir-faire. On
mais du respect, toujours ». Les chevaux ou
travaille le dos courbé, ce qui est éreintant.
les ânes ne sont pas agités, voire agressifs,
Aussi la forge et la serrurerie apportent-
pour rien. Dans la plupart des cas, ils le
elles un changement bienvenu ». Autant
sont pour une raison concrète, comme une
dire qu’Urs Teuscher n’est pas « 100 % sa-
douleur ou de mauvaises expériences faites
tisfait » de certains volets de la réforme qui,
chez le maréchal-ferrant.
eto Eggenberger, actuellement en troisième année d’appren-
en 2008, a supprimé l’apprentissage com-
Reto sait parfaitement ce qu’il fera une
tissage, a longtemps dû se contenter du rôle d’auxiliaire :
biné forgeron-maréchal-ferrant et introduit
fois son CFC en poche : après un séjour pas
tenir les jambes des quadrupèdes. En Suisse, la tradition veut en
la spécialisation sur le ferrage des che-
trop long à l’étranger, il aimerait rejoindre
effet que l’on ferre les chevaux avec un aide. C’est ce qu’on appelle
vaux. Il admet toutefois, par souci d’hon-
l’entreprise de son père. Et il ne man-
« ferrer à la française », alors que le reste du monde préfère « ferrer
nêteté, que cette spécialisation comporte
quera pas de travail, puisque le nombre
à l’anglaise », le maréchal-ferrant travaillant seul.
aussi des avantages indéniables. « Les
d’ongulés ne cesse de croître depuis des
personnes sortant de la nouvelle filière
simple « ressemeleur » : grâce à sa solide
années. Les statistiques recensent ainsi
connaissent bien mieux le ferrage, tant en
formation, il seconde le vétérinaire en dia-
110 000 chevaux, poneys, ânes et autres
théorie qu’en pratique », constate-t-il avant
gnostiquant en temps voulu les malfor-
mulets en Suisse. Et chacune de ces bêtes
Une solide expérience est nécessaire pour poser un fer. « On ne
de rappeler qu’il n’y a pas si longtemps –
mations, les maladies et les blessures des
a besoin de quatre nouvelles « chaussures »
peut pas mesurer le sabot, il faut avoir le coup d’œil pour en dé-
jusqu’en 2004 – on ferrait des sabots morts
membres et des sabots. En choisissant le
toutes les six à huit semaines.
terminer la forme : c’est un apprentissage dans les règles de l’art »,
lors des examens de fin d’apprentissage, et
bon fer – et en le posant dans les règles de
Un rêve trotte dans la tête de l’apprenti :
explique Urs Teuscher, le formateur de Reto. Le maréchal-ferrant
pas des chevaux vivants.
l’art – ou encore en optant pour un chaus-
participer à des concours professionnels
son ou une ferrure spéciale, le profession-
en Suisse et à l’étranger. Rien d’étonnant
nel garantit le bien-être de l’animal. Les
si l’on sait que les Confédérés trustent les
chevaux portent en effet ces « chaussures »
meilleures positions dans presque toutes
24 heures sur 24 ».
les joutes.
UN APPRENTISSAGE DANS LES RÈGLES DE L’ART
commence par observer l’animal en mouvement. Ensuite, il ôte le vieux fer et pare le pied en enlevant la repousse pour redonner
SECONDER LE VÉTÉRINAIRE
au sabot sa forme d’origine. La prochaine opération consiste à
Urs Teuscher est formel : « Le maré-
choisir le fer qui convient, à le porter au rouge dans le foyer ou le
chal-ferrant d’aujourd’hui est plus qu’un
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Scolarité obligatoire achevée - Goût pour le travail avec des chevaux et sur le métal - Habileté manuelle - Force et bonne condition physique - Empathie - Goût pour le contact avec la clientèle
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Un jour par semaine à l’école professionnelle - Possibilité d’obtenir la pour les apprentis ayant de bonnes notes - Maréchal-ferrant qualifié - Examen professionnel
35
supérieur
Artisanat 1/2014
maturité professionnelle
Reto Eggenberger tire parti des vastes connaissances d’Urs Teuscher, son maître d’apprentissage. Le maréchalferrant doit non seulement maîtriser le ferrage, mais aussi connaître l’anatomie et les maladies des pieds des chevaux.
J
oshua Ritler, qui termine sa troisième année d’apprentissage,
suite. « Quand on travaille avec des métaux
maintenant convaincu d’avoir fait le bon
parle en connaissance de cause : « Le métier de bijoutier
précieux, on peut au moins les refondre »,
choix : « Cette combinaison de créativité et
est vraiment manuel. Au début, on se perce, on se coupe et on
explique Joshua. « Les pierres par contre
de technique est parfaite pour moi ».
se lime les doigts. C’est normal ! », dit-il dans un haussement
sont très délicates, coûtent facilement des
d’épaules. Une réalité bonne à savoir pour les nombreux jeunes
milliers de francs, et une fois qu’elles sont
qui s’imaginent pouvoir exercer leur créativité et leur sens artis-
abîmées, il n’y a plus rien à faire ».
tique en devenant bijoutier.
36
Artisanat 1/2014
DES ANNÉES DE PATIENCE
L’INFORMATIQUE COMME AUXILIAIRE
Le jeune Bernois a aussi dû accepter de
Joshua voit dans la technique une pos-
s’exercer pendant près de deux ans avant
sibilité d’avenir pour sa profession, tout en
d’être capable de fabriquer de A à Z un
soulignant que cette opinion n’engage que
Sa formatrice, Claudia Neuburger, détentrice d’un diplôme
bijou relativement simple. « Il faut peut-être
lui : « Je pense que les programmes CNC et
fédéral de maître bijoutière, experte aux examens et enseignante
une dizaine d’années d’expérience pour tout
CAO et les imprimantes 3D gagneront en
à l’Ecole d’art visuel de Berne, renchérit : « On se fait beaucoup
maîtriser comme on le souhaiterait. Avant
importance dans notre branche également.
d’illusions sur ce métier, le romantisme nous fait y voir une
cela, il faut accepter ses propres limites,
Les bijoutiers devront s’y mettre ». Dans
source de réalisation de soi et de créativité, mais ces aspects
même si l’on sait que le résultat pourrait
quelques années, on fera peut-être les pro-
sont secondaires. C’est un métier avant tout technique, qui exige
être meilleur », poursuit-il avec une matu-
jets de bijou d’abord à l’ordinateur et seu-
beaucoup de patience, de persévérance et d’huile de coude ».
rité étonnante. Il dit ne pas être frustré pour
lement la réalisation à la main. « Chaque
La patience, justement : Joshua, 19 ans, n’en avait pas parti-
autant : « C’est plutôt le perfectionniste en
bijoutier doit décider quelle voie emprun-
culièrement. « En fait, je ne suis pas patient de nature, mais dès
moi qui souffre, mais je ne suis de loin pas
ter : traditionnelle, moderne ou artistique ».
que je suis à mon poste de travail, tout change », explique-t-il. Ce
le seul bijoutier dans ce cas ».
Joshua voit son avenir dans le style mo-
qui ne l’empêche pas d’entrer dans de grandes colères lorsqu’il
Ce que Joshua préfère, c’est pouvoir
derne, et les techniques 3D l’attirent par-
abîme un bijou presque fini, sur lequel il vient de travailler durant
créer une pièce aussi parfaite que possible
ticulièrement. Il ne pense pas pour autant
des heures ou même des jours, simplement parce qu’il n’a pas
sans devoir faire de compromis sur le ma-
faire une maturité professionnelle, lui
pris le temps de faire les choses tranquillement : « Dans ces cas,
tériel et la durée d’élaboration – pour un
qui était déjà content d’avoir terminé sa
on ne peut s’en vouloir qu’à soi-même ».
client évidemment disposé à en payer le
scolarité obligatoire. Il envisage plutôt de
prix.
se perfectionner à l’école d’orfèvrerie de
ACCEPTER SES PROPRES LIMITES Pour rendre la formation financièrement supportable pour les entreprises, les apprentis ne s’exercent que sur du laiton des mois durant. Mais des malheurs peuvent aussi arriver par la
Pforzheim, en Allemagne.
DIVERSITÉ DES GESTES ET DES MATÉRIAUX La clientèle de l’orfèvrerie de Claudia Neuburger, Punctum Aureum, dans la
BIJOUTIER CFC – Le métier créatif de rêve par excellence ? Peut-être, mais aussi un métier exigeant beaucoup de persévérance et énormément de patience, en plus d’une grande habileté manuelle. Ce n’est qu’à ces conditions qu’esthétique et créativité sont au rendez-vous.
vieille ville de Berne, étant en grande partie féminine, mais très variée, le travail l’est aussi : outre les pièces à créer, il y a les bijoux à réparer et ceux à modifier. C’est cette diversité que Joshua apprécie particulièrement dans son métier, en plus de la
La formatrice Claudia Neuburger veille à ce que Joshua Ritler apprenne toutes les techniques de base. L’informatique jouera toutefois un rôle croissant à l’avenir.
gamme presque infinie de matériaux, de pierres, et de possibilités de les utiliser. Au départ très attiré par le graphisme, il est
JOSHUA :
”
C’EST VRAIMENT UN MÉTIER MANUEL.
Joshua Ritler doit acquérir non seulement beaucoup de savoirfaire, mais aussi une bonne dose de patience : « L’orfèvrerie est un métier technique, qui exige beaucoup de persévérance et d’huile de coude. »
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Habileté manuelle, bonne motricité fine - Goût pour la technique - Créativité, goût esthétique - Capacité de se représenter les objets en trois dimensions - Bonne vision (le port de lunettes n’est pas un problème) - Patience, minutie et persévérance
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Un jour par semaine à l’école professionnelle - Un cours interentreprises par an
fin de formation) - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant de bonnes notes - Perfectionnement : examen professionnel fédéral supérieur EPS de maître bijoutier, école supérieure (en design de produit, p.ex.)
37
d’apprentissage à 2 semaines en
Artisanat 1/2014
(qui va de 7 semaines en début
GRAVEUSE CFC – Peu de professions ont été autant transformées par l’informatique que la gravure, ce qui n’empêche ce métier artisanal très ancien d’avoir conservé ses racines.
Artisanat 1/2014
sonnel, d’autant plus que notre métier
vée en Suisse il y a dix ans, Laura s’y sent
convient bien aux femmes. Nous devrions
parfaitement intégrée.
davantage nous adresser à elles. » Ce gra-
Beat Heidersberger, son formateur,
veur de 47 ans, qui a passé sa maîtrise en
dirige un petit atelier fondé en 1995. Il y
Allemagne, juge « certainement suffisant »
occupe, derrière le Musée d’art du can-
le niveau des formations proposées en
ton d’Argovie, un auxiliaire à temps plein,
Suisse. Il trouve certes logique qu’elles ne
un à temps partiel et une apprentie. Au
produisent pas de nouvel Albrecht Dürer,
moment de la création de l’atelier, le mé-
mais estime que les jeunes y reçoivent une
LAURA : ” I
tier de graveur était sur le point d’être
bonne base. « Ensuite, chacun peut se spé-
totalement transformé par les avancées
cialiser s’il le désire. On peut s’assurer un
technologiques et les nouveaux domaines
bel avenir avec cette activité, même en fai-
de travail. « Les graveuses laser, CNC, et
sant des gravures classiques. »
qu’elle a fait comme photographe professionnelle, une filière qui
claires pour des raisons de traçabilité. Les
s’était révélé être une impasse pour elle (ce à quoi la photographie
implants dentaires, sur lesquels un code
numérique n’était pas étrangère). Elle a découvert la gravure lors
est gravé, en sont un bon exemple. Les
d’un cours préparatoire, et ça a été le coup de foudre. « Je me suis
prescriptions de sécurité obligent aussi les
immédiatement rendu compte que presque tout me plaisait dans
fabricants de câblages et de prises de cou-
la gravure », se souvient la jeune Colombienne.
rant destinés aux grandes infrastructures
pantographes ont mis sens dessus des-
Laura partage cet optimisme. Elle veut
sous notre petit monde plutôt tranquille.
rester fidèle au métier de ses rêves, même
De nouveaux domaines se sont aussi
si le temps béni des tables de gravure à
ouverts au graveur. La gravure classique
l’ancienne, des binoculaires et des loupes
sur coupes et channes en étain est de-
à serre-tête est en grande partie révolu.
venue secondaire, laissant la place à de
« Pour moi, l’important est que la créativité
nouvelles activités, surtout pour l’indus-
ne soit pas muselée et que la variété ne
l faut parfois faire plusieurs essais pour trouver la bonne voie,
trie. De nombreux produits, en particulier
disparaisse pas sous une production de
estime Laura. Cette jeune femme de 23 ans, en dernière année
dans le domaine de la technique médicale,
masse privée d’âme. »
d’apprentissage, dit avoir déjà oublié depuis longtemps le stage
doivent maintenant indiquer des origines
LA DEUXIÈME FOIS A ÉTÉ LA BONNE.
38
(« géniale de simplicité et d’élégance »). Arri-
tels que les aréoports à marquer leurs pro-
HABILETÉ MANUELLE ET TECHNIQUE
duits.
Ce que Laura apprécie le plus dans son métier, c’est la combinaison entre le travail manuel créatif et le recours à la technique moderne (ordinateurs, appareils lasers et machines à graver 3D
S’ADRESSER DAVANTAGE AUX JEUNES FEMMES
notamment). « Les appareils exécutent maintenant la plupart des
Ce maître d’apprentissage dévoué
travaux en série, et nous disposons donc de bien plus de temps
(« ce métier si beau et si ancien ne doit
pour la création ». Cette activité artistique, justement, reste bien
pas disparaître ») ne regrette pas le passé,
présente, car on grave encore des objets et des bijoux (motifs
même s’il n’apprécie pas plus que tant
décoratifs, ex libris, paraphes et logos). Il arrive souvent que l’on
de devoir sans cesse faire de nouveaux
recoure à des outillages de frappe (poinçons), à des moules ou à
investissements. A son avis, les avantages
des pochoirs originaux. « La plupart du temps, nous travaillons
l’emportent néanmoins. « Un graveur a
en fonction des vœux des clients, ce qui nous donne souvent une
maintenant en général plus de débouchés
grande liberté. L’idéal, c’est quand nous pouvons développer un
qu’autrefois ». Ce natif de Bâle espère par
projet avec le commanditaire », souligne la jeune femme dans le
conséquent qu’il y aura à nouveau plus
dialecte argovien le plus pur. Ce n’est certainement pas tout à
de places d’apprentissage sur le marché.
fait un hasard si sa police de caractères préférée est l’Helvetica
« Ce serait dommage de manquer de per-
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Scolarité obligatoire achevée - Bonnes aptitudes pour le dessin et le calcul - Habileté manuelle et sens de la technique - Goût pour le travail sur ordinateur - Autonomie
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Un jour par semaine à l’école professionnelle - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant de bonnes notes - Modules de formation continue
39
Allemagne seulement)
Artisanat 1/2014
- Examen de maîtrise (possible en
Laura se réjouit que les appareils exécutent les travaux en série, ce qui laisse bien plus de temps pour la création. Beat Heidersberger, son patron et formateur, veille à ce qu’elle apprenne à fond les diverses techniques.
J
qu’il suit à Lenzburg, en Argovie, ne lui
ces connaissances et de cette expérience dans un avenir
semblent plus si redoutables. Il n’a d’ail-
Grâce à sa diversité, l’armurerie n’a
proche », explique Gilles Dufaux. L’apprenti de 19 ans doit en effet
leurs pas le choix : il n’y a pas d’école spé-
pas à craindre les crises. Il n’en reste pas
être à la hauteur des attentes : dans quelques années, il entrera
cialisée en Suisse romande.
moins que, ces dernières années, le recru-
au service de l’entreprise familiale de Granges-Paccot, reprenant
tement de la relève n’a pas fonctionné à
UN FORMATEUR QUI A LE GOÛT DE LA NOUVEAUTÉ
le flambeau de son père Pierre-Alain qui partira à la retraite. Une décision importante que le jeune homme assume avec plaisir : « Ce
Artisanat 1/2014
la perfection. Comme l’armée souffre elle aussi d’une pénurie de spécialistes, une
métier me plaît, j’aime beaucoup tirer et l’ambiance au sein de
Si les connaissances que Gilles doit
nouvelle formation combinée, proposée
l’équipe est super », avoue ce tireur au pistolet (10 et 25 mètres),
acquérir sont si vastes, c’est notamment
dès cet été, a été créée pour combler les
qui fait déjà partie des cadres de la relève suisse.
parce que Daniel Wyss est son maître
lacunes. Les apprentis pourront se former
formateur. Dans la branche, forte d’une
tant dans les entreprises dirigées par un
centaine d’entreprises, cet entrepreneur
maître-armurier que dans les ateliers mi-
L’initiation de Gilles Dufaux au monde de l’armurerie a été
de Berthoud (Berne) a une réputation de
litaires de Meiringen. L’inventeur Daniel
minutieusement planifiée : il a commencé par suivre une forma-
perfectionniste et de passionné. Ses inven-
Wyss ne pouvait pas manquer de fêter
tion de mécanicien de production avant de s’embarquer dans
tions et ses produits fabriqués sur mesure
cette nouveauté en y ajoutant la sienne : il
un apprentissage supplémentaire d’armurier d’une durée de
l’ont d’ailleurs rendu célèbre au-delà des
formera pour la première fois une femme.
deux ans. Le programme des cours est impressionnant : travail
frontières suisses. La dernière création
« Je ne vois aucune raison de réserver l’ar-
du métal et du bois, optique, balistique, électrotechnique, sys-
sortie du cerveau de Daniel Wyss, qui ne
murerie aux hommes. »
tèmes de commande, anglais technique et même service client (en
chasse pourtant pas, est un engin pour
Les préjugés et les attaques ne sont
magasin ou dans la salle de tir de 100 m de l’entreprise). Sans
donner le coup de grâce au gibier qui,
rien de nouveau pour Daniel Wyss, et
compter les nombreuses connaissances spécialisées qu’il faut
grâce à son calibre inférieur, n’endom-
Gilles Dufaux en sait aussi long sur le
acquérir pour réaliser des réparations. Le Fribourgeois prend
mage pas la chair. Il place également haut
sujet. « Nous ne pourrons pas convertir les
cette réalité avec philosophie : « Je rempilerai peut-être pour une
la barre dans le domaine sportif : pour le
fervents opposants à la chasse, mais nous
année supplémentaire, car le programme
légendaire pistolet SIG 210, il a conçu
espérons parvenir à une sorte d’armistice,
des cours est aussi vaste qu’exigeant. » Ce
son « système petit-calibre modèle Wyss »,
car nous respectons leur position. » Il es-
qui ne l’empêche pas de prendre goût au
dont la réputation n’est plus à faire dans
time que le débat avec ceux qui veulent
travail, surtout à ses aspects manuels.
les milieux spécialisés et dont il fabrique
interdire par principe toutes les armes à
« On parvient tout à coup à des résultats
chaque année une cinquantaine d’exem-
feu est plus difficile. « Il faut qu’ils com-
concrets. Par exemple, réaliser une crosse
plaires. Pour les projets compliqués, Da-
prennent que ce n’est pas le fusil ou le pis-
en bois sans faire d’erreur, c’est gratifiant. »
niel Wyss s’appuie sur un collaborateur
tolet qui pose problème, mais la personne
Il ajoute qu’il ne cesse de faire des progrès
répondant au nom d’ordinateur, chargé de
qui a le doigt sur la détente. »
en allemand, de sorte que les cours blocs
transformer ses idées en images en trois
UN ENSEIGNEMENT EXIGEANT
40
RECRUTER DAVANTAGE
e veux apprendre le plus possible, car j’aurai besoin de
GILLES : IL N’Y A PAS DE PLACE POUR LES DINGUES DES ARMES DANS CE MÉTIER.
”
ARMURIER CFC – Le tir est une passion et une nécessité en Suisse, avec notre armée de milice. Et les soldats ne sont pas les seuls à demander des armes de qualité équipées dans les règles de l’art : les tireurs sportifs et les nombreux chasseurs en recherchent aussi.
dimensions. Les prototypes sont fabriqués dans son atelier, qui emploie un armurier et deux apprentis. « Une démarche de longue haleine », reconnaît le patron. « Mais vraiment passionnante », réplique Gilles. Ce dernier n’apprécie par ailleurs guère qu’on lui demande s’il est fasciné par les armes à feu. « Dans ce métier, il n’y a pas de place pour les dingues des armes, il est certes idéal pour vivre une passion contrôlée, mais pas pour s’adonner à des excès. » Gilles Dufaux sait maintenant que l’armurerie est une profession très complexe, où la technique l’emporte sur le tir.
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Goût pour la technique et habileté manuelle - Précision dans le travail - Grand sens des responsabilités - Calme et assurance dans les gestes
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Un jour à un jour et demi par semaine à l’école professionnelle (avec les polymécaniciens) - Cours blocs spécialisés à Lenzburg (de 8 à 10 jours d’apprentissage) - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle pour les apprentis ayant
41
de bonnes notes
Artisanat 1/2014
en 3e et 4e année
Le jeune Fribourgeois peut s’estimer heureux de faire son apprentissage à Berthoud chez Daniel Wyss, considéré par ses collègues comme le grand passionné de la branche.
TECHNOLOGUE EN TEXTILE CFC, ORIENTATION PRODUCTION ET TECHNOLOGIE DES CÂBLES – Comptant parmi les plus anciens métiers au monde, la fabrication de cordes n’a rien perdu de sa fascination, en dépit des progrès techniques qui l’ont totalement transformée.
hésité à postuler lorsqu’elle a vu l’offre
tiale. « Les apprentis font ensuite les meil-
d’emploi dans la presse. Aujourd’hui, la
leurs employés, ils connaissent l’entreprise
profession porte le titre de « technologue
presque mieux que leurs chefs. J’aimerais
en textile CFC, orientation Production et
garder chez nous le plus grand nombre
technologie des câbles », mais, lorsque sa
possible d’anciens apprentis ». Il ajoute que
formatrice, Daniela Studer, a commencé
la souplesse et l’ouverture des jeunes sont
son apprentissage en 2001, elle n’était en-
des éléments précieux, car le quotidien de
core que « cordière ». Tant l’apprentie que la
l’entreprise a évolué parfois très vite et son
maîtresse d’apprentissage sont d’authen-
cœur de métier d’autrefois, la production
JANA :
tiques « pionnières », car elles sont les deux
de cordes, est relégué à un deuxième plan.
premières femmes à avoir voulu faire cette
« Qui aurait pensé que, en à peine trois
formation en Suisse. L’épouse du patron
ans, les filets anti-chutes pour le bâtiment
exceptée, Daniela a même été la première
représenteraient 30 % de notre chiffre d’af-
femme dans les effectifs autrefois 100 %
faires, et que nous ne nous bornerions pas à les produire, mais en assumerions aussi
DANS UN BUREAU, JE SERAIS TOTALEMENT PERDUE.
42
Artisanat 1/2014
Q
”
la location et l’entretien ? Et qui aurait cru que nous allions acquérir assez de compétences dans les places de jeu pour que des personnalités nous en commandent pour
uand elle guide le visiteur dans les dédales de la fabrique
masculins de Berger, alors que la parité
leur progéniture et que nous réalisions
de câbles Berger de Laupersdorf, Jana donne l’impression
est maintenant atteinte. « La direction s’est
de belles commandes à l’exportation ? » Il
de faire le tour du propriétaire – alors qu’elle est une apprentie de
vite aperçue que les femmes font preuve
se félicite que le courage de diversifier la
17 ans seulement –, tant elle s’identifie à « son » entreprise et met
de la même dextérité dans cette branche
production et la recherche constante de
du cœur à l’ouvrage. Tour à tour, elle loue les qualités du polypro-
et qu’elles rivalisent ainsi parfaitement
pylène (« meilleur que le chanvre, léger, imperméable et flottable »),
avec leurs collègues masculins », explique
de tresser des câbles extrêmement longs.
avons actuellement un assortiment ten-
détaille les avantages des fibres naturelles que sont le sisal, le
Daniela qui, à 29 ans, dirige le départe-
Toutefois, c’est à la réalisation de com-
dance qui s’adresse à une vaste clientèle.
jute et le coton, et précise non sans fierté que les musiciens du
ment Confection. Des propos confirmés
mandes de grande envergure que va sa
Nos produits sont souvent des pièces
carnaval de Bâle attachent leurs tambours avec des cordes spé-
par Jana : « Ici, les femmes sont considé-
préférence. « Pouvoir exécuter toute seule
uniques, pour lesquelles nous pouvons
ciales « labellisées Berger ». Et elle mentionne comme si de rien
rées à l’égal des hommes, nous tirons tous
une commande, comme la livraison d’une
demander un prix intéressant », précise le
n’était que des cowboys amateurs suisses ne jurent que par les
à la même corde, dans la même direction ».
corde d’alpage, me remplit de satisfaction.
patron, avant de conclure : « Notre branche
Peu importe que, le soir, mes doigts soient
a de l’avenir, à condition qu’elle évolue et
engourdis à force de faire des nœuds »,
que nous laissions «libre cours» à notre
déclare Jana d’un ton qui trahit sa fierté.
relève ». À cet égard, il attend beaucoup de
lassos de Laupersdorf. « Les cordes doivent être tendres : les fibres artificielles ne conviennent pas et nous optons pour le chanvre ». Jana paie de sa personne : elle est dévouée corps et âme à
HAUTE TECHNOLOGIE À ZOFINGUE
créneaux aient porté leurs fruits : « Nous
son métier. Et elle a la chance de travailler dans une entreprise
La future professionnelle accorde
Cette Soleuroise aime aussi bien les cours
la nouvelle formation de deux ans sanc-
qui, à l’ère de la mondialisation et des progrès techniques vertigi-
autant d’importance à l’ambiance de tra-
théoriques, qui lui prennent un ou deux
tionnée par une attestation de formation
neux, continue à fonctionner « à l’ancienne » : les patrons mettent
vail qu’à la diversité de ses tâches quo-
jours par semaine en début d’apprentis-
professionnelle (AFP), qui sera proposée
la main à la pâte plutôt que dans la caisse, les 20 membres du
tidiennes. « Dans un bureau, je serais
sage. Quant aux cours interentreprises,
pour la première fois en 2015.
personnel travaillent dans une ambiance sereine et familiale
totalement perdue, j’ai besoin de travail-
dont certains ont lieu à Münchberg, en Ba-
À 17 ans, Jana Nützi ne songe pas par-
et les employé-e-s peuvent s’épanouir en suivant des cours de
ler avec mes mains et d’être en contact
vière, ils constituent pour elle un moment
ticulièrement à ce qu’elle fera après son
perfectionnement.
direct avec les produits que je fabrique ».
fort de l’apprentissage.
apprentissage. Elle pense d’abord rester
Elle estime être une apprentie privilé-
DES FEMMES ET DES HOMMES À ÉGALITÉ
giée, car elle est affectée tant à la produc-
fidèle à son métier et à la fabrique Berger.
L’INCONTOURNABLE FORMATION
Apprentie de deuxième année, Jana Nützi vient de Neuendorf,
tion mécanisée qu’à la confection. Jana
un autre village du canton de Soleure où l’entreprise avait son
est fascinée en particulier par l’usine de
Oswald Berger, qui dirige l’entreprise
siège avant de s’établir à Laupersdorf. Elle connaissait la fabrique
Zofingue, où la société Berger a une cor-
avec son frère Simon, est un ardent défen-
pour y avoir travaillé pendant les vacances et elle n’a donc guère
derie de 130 mètres de long, qui permet
seur de la formation professionnelle ini-
« Le perfectionnement professionnel vient de lui-même dans une profession comme la mienne, où il y aura toujours des nouveautés ».
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Scolarité obligatoire achevée - Habileté manuelle et sens technique - Précision dans le travail - Patience et persévérance
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Trois ans de formation initiale - 1,5 jour par semaine (au plus) à l’école professionnelle - Un jour de cours spécifiques par mois - Possibilité d’obtenir la maturité professionnelle
43
de bonnes notes
Artisanat 1/2014
pour les apprentis ayant
Vivre sur une corde raide : Jana Nützi n’a pas besoin de filet de secours pour sa formation. Deux femmes méritant le titre de « pionnière » dans la fabrication de cordes : Jana Nützi et sa formatrice Daniela Studer ont été les premières apprenties de la branche.
I
l n’est pas nécessaire d’être un funambule, mais les personnes
car elles sont capables de s’adapter à la
aux aspects non techniques des remontées
sujettes au vertige ne seraient assurément pas dans leur élé-
situation, même en cas de grand vent ou
mécaniques, et surtout au contact avec la
de chute de neige.
clientèle : vente de billets, renseignements
ment », prévient Cedric Aellig. Ce Bernois âgé de 20 ans se hâte de démentir l’image héroïque de garçons intrépides sautant de
Cedric suit actuellement sa deuxième
et accompagnement des trajets. « Cette for-
pylône en pylône tels des Tarzans des Alpes. « Selon le travail,
formation. Après un apprentissage de fer-
mation plus courte convient aussi comme
nous passons de 60 à 80 % de notre temps à l’air libre, contrôlant
blantier « tout à fait satisfaisant », il a vu à
deuxième formation pour les personnes qui
les pylônes parfois perchés très haut et les galets qui s’y trouvent.
la télévision un reportage sur la nouvelle
préfèrent travailler à temps partiel », pré-
La plupart du temps, nous ne nous livrons pas à des parties d’es-
formation initiale dans le domaine des
cise Nägeli avec conviction, avant d’ajouter
calade, mais y avons accès à partir de la nacelle de transport de
remontées mécaniques et a tout de suite
qu’elle constitue également une mesure
marchandises. Nous sommes correctement assurés et travaillons
été conquis. Les remontées mécaniques
importante en vue d’améliorer le service
toujours à deux ». Un peu avare de ses mots, cet apprenti habitant
de Meiringen l’ont reçu les bras ouverts.
fourni aux hôtes des stations. « L’image de
la vallée de la Kander signale que ces activités ont surtout lieu en
Avec son premier apprentissage technique
la branche des transports à câble n’est
mai et en novembre, durant les révisions usuelles. « Les urgences
en poche, il ne lui faut que trois ans au
malheureusement pas des meilleures. Ces
sont réellement une exception, car le soin apporté à l’entretien
lieu de quatre pour « payer les galons » de
deux formations pourraient corriger le tir,
les réduit au minimum ».
sa formation, dont les principales matières
parce qu’elles garantissent le profession-
sont les techniques de transport à câble,
nalisme requis », espère Nägeli.
44
Artisanat 1/2014
LA SÉCURITÉ D’ABORD
la mécanique, l’hydraulique et l’électricité.
DE BONNES PERSPECTIVES
Le travail peut toutefois être très délicat, surtout en cas de
La formation théorique est dispensée lors
tempête, une situation qui n’est pas rare dans les remontées mé-
de semaines de cours-blocs qui ont lieu
Cedric Aellig sait parfaitement que la
caniques de la région de Meiringen-Halsiberg où Cedric fait son
à Sion pour les Romands et au centre de
fin de l’apprentissage n’est que le « début
apprentissage, car le foehn y souffle souvent en violentes rafales.
formation des Remontées mécaniques de
d’un perfectionnement professionnel qui
« Il incombe au technicien responsable de décider si les remontées
Suisse à Meiringen pour les Alémaniques.
ne finira jamais ». En effet, les titulaires du
mécaniques peuvent fonctionner. Là aussi, c’est la sécurité des personnes qui est prioritaire », souligne Stefan Nägeli, 35 ans et formateur de Cedric. Ce sous-chef d’exploitation de la société des
CFC ont l’embarras du choix parmi une
L’ATTRAIT DE LA FORMATION AVEC ATTESTATION
vaste gamme de cours au centre de formation de Meiringen (pour les services de
remontées mécaniques estime que « des accidents ne peuvent
La formation duale de spécialiste des
pistes et de sauvetage, p.ex.) et peuvent
se produire que si des erreurs ont été commises au préalable ».
remontées mécaniques, sanctionnée par
opter pour le titre de spécialiste des ins-
Et les personnes bien formées font en général moins d’erreurs,
un certificat fédéral de capacité, est un
tallations de transport à câble (examen
apprentissage récent, puisqu’il ne date que
professionnel avec brevet fédéral) et de
de 2006. Quelques femmes, pas beaucoup
manager de remontées mécaniques (exa-
à vrai dire, figurent aussi parmi les ap-
men professionnel supérieur). Stefan Nä-
prentis. Stefan Nägeli est convaincu que
geli juge les débouchés très bons : « Plus
la part des femmes va encore augmenter
de 1700 entreprises suisses de remontées
un peu, même « si ce métier est fait pour
mécaniques s’intéressent aux diplômés.
des femmes entreprenantes, mais pas pour
Des perspectives intéressantes existent
des dames ». Les personnes qui n’appré-
aussi à l’étranger, surtout aux États-Unis
cient pas vraiment le contact rude avec la
et au Canada. La pénurie de mécatroni-
nature peuvent opter pour la filière d’em-
ciens est à peu près universelle, car ils
ployé-e de remontées mécaniques AFP qui
sont aussi très appréciés des fabricants de
dure deux ans et donne droit à l’attestation
transport à câble ». Autant dire qu’il sou-
fédérale de formation professionnelle. Ce
haite que Cedric reste à Meiringen : « La
métier accorde davantage d’importance
relève que nous formons nous est particu-
MÉCATRONICIEN DE REMONTÉES MÉCANIQUES CFC – Que serait la Suisse touristique sans remontées mécaniques ? Et sans les spécialistes qualifiés qui en garantissent la sécurité et accueillent cha leureusement les usagers ?
CEDRIC :
LES GENS BIEN FORMÉS FONT MOINS D’ERREURS.
lièrement chère ». Pour l’instant, le jeune
”
La sécurité est toujours prioritaire dans les travaux d’entretien. Cedric Aellig ne peut toutefois se dérober à quelques exercices de haute voltige.
homme préfère ne pas se prononcer. « En tout cas, je n’irai pas en Corée du Nord », promet-il en souriant.
CAPACITÉS NÉCESSAIRES - Scolarité obligatoire achevée (au moins niveau intermédiaire) - Bon niveau en mathématiques et en physique - Sens technique - Forme physique et résistance
DÉROULEMENT DE LA FORMATION - Quatre ans de formation initiale - Cours-bloc à Sion - Plusieurs cours inter entreprises par année - Possibilité d’obtenir la pour les apprentis ayant de bonnes notes - Formation continue
45
supérieure
Artisanat 1/2014
maturité professionnelle
Les mécatroniciens ont de bons débouchés en Suisse et à l’étranger : ces spécialistes sont demandés partout.
LE MUSÉE DE L’HABITAT RURAL, HAUT LIEU DE LA TRANSMISSION DU SAVOIRFAIRE ARTISANAL « Tirer les leçons du passé, comprendre le présent, préparer le futur », telle est l’une des idées maîtresses de la nouvelle stratégie du Musée de l’habitat rural Ballenberg, où depuis bien des années, des artisans font revivre dans leurs ateliers une trentaine de métiers artisanaux pratiquement disparus. Cette vocation a atteint son point culminant en 2013, avec un thème annuel – « Vivre et découvrir l’artisanat ! » – qui a permis aux visiteurs de mettre la main à la pâte. La même année, le Musée et le Centre de cours ont aussi porté le Centre de compétences de l’artisanat
46
Artisanat 1/2014
Séance de lancement à Aarberg : en janvier 2014, les apprentis établissent des plans concrets pour les SwissSkills Berne 2014.
PASSER DE SAVOIR À SAVOIRFAIRE : LES TRADITIONS ARTISANALES À L’HONNEUR AU CENTRE DE COURS BALLENBERG
traditionnel sur les fonds baptismaux, concrétisant leur passion pour l’artisanat, y compris dans ses modalités contemporaines, puisque le thème de l’année 2014
données constituée à l’occasion de l’étude
en suscitant l’intérêt pour l’artisanat et
s’intitule « L’artisanat – aujourd’hui ». A
qui a été réalisée sur l’artisanat tradition-
la satisfaction qu’il procure. Conscients
cette occasion, le Musée Ballenberg ne se
nel. Nous développerons et compléterons
que l’artisanat est aussi une attitude, nous
contente pas de transmettre un savoir-
cette base jusqu’en 2015. L’Office fédéral
avons, en collaboration avec l’Union suisse
faire artisanal dans ses expositions, ses
de la culture apporte aussi son soutien à
des arts et métiers (usam), l’Institut fédéral
démonstrations de métiers ancestraux et
Depuis 1996, le Centre de cours Bal-
d’autres projets de divulgation de l’artisa-
des hautes études en formation profession-
ses activités participatives, mais invite
lenberg a organisé 2500 cours, transmet-
nat traditionnel : mentionnons les cours
nelle EHB IFFP IUFFP, le Musée de l’habi-
aussi de jeunes professionnels à y présen-
tant la passion de l’artisanat à plus de
intergénérationnels qui invitent grands et
tat rural Ballenberg et les organisations
ter leur art. Du 23 au 29 juin, le Musée de
25 000 personnes. En plus de ces forma-
petits à « mettre la main à la pâte », mais
professionnelles (Communauté d’intérêts
l’habitat rural Ballenberg accueille ainsi
tions, qui se tiennent dans le bâtiment
aussi les colloques pour les artisans et ar-
des facteurs d’instruments de musique
des apprentis des métiers à faibles effec-
construit à cette fin ou dans le Musée de
tisanes souhaitant développer leurs com-
CIFIM, Interessengemeinschaft Korbflech-
tifs qui représenteront leur profession lors
l’habitat rural attenant, il mène à bien de
pétences pédagogiques.
terei IGK, Interessengemeinschaft Kunst
des SwissSkills Berne 2014. Personne ne
nombreux autres projets de médiation
Par ailleurs, le Centre de cours remet
handwerk Holz IGKH, Verband Schweizer
l’ignore, l’enthousiasme est contagieux et
culturelle et de documentation dans le
tous les deux ans le « Prix Jumelles », en
Bildhauer- und Steinmetzmeister VSBS),
ces futurs pros sauront transmettre leur
cadre du Centre de compétences de l’arti-
collaboration avec la Fondation Jumelles,
œuvré à plusieurs projets en vue de la
passion de l’artisanat aux visiteurs. Qui
sanat traditionnel.
qui récompense l’artisanat de qualité et les
célébration des SwissSkills Berne 14. La
sait si l’une ou l’autre des têtes blondes qui
La Suisse a ratifié en 2008 la Conven-
compétences en matière de transmission
publication Artisanat est l’un de ces pro-
les admireront n’épousera pas plus tard
tion pour la sauvegarde du patrimoine
du savoir-faire. En outre, nous sommes
jets et c’est non sans fierté que nous vous
une profession artisanale ?
culturel immatériel de l’UNESCO conclue
chargés de fournir informations et conseils
la présentons. Vingt et un portraits de per-
en 2003, dont sont issues les listes des
à toute personne intéressée à l’examen pro-
sonnes en formation, tous bien différents
traditions vivantes. L’artisanat tradition-
fessionnel supérieur d’artisan/e en conser-
les uns des autres, vous montreront que
nel y occupe une place de choix. Sur
vation des monuments historiques BF.
l’artisanat est promis à un bel avenir.
mandat de l’Office fédéral de la culture,
Nous voulons inciter au changement
nous avons repris et publié la base de
et donner de nouvelles perspectives, tout
Daniela Christen, responsable du Centre de compétences de l’artisanat traditionnel
Beatrice Tobler, responsable de l’exposition et de la collection du Musée de l’habitat rural de Suisse Ballenberg
Artisan/e du bois CFC, orientations - tournage sur bois - boissellerie Tonnelier/ère CFC Vannier créateur/vannière créatrice CFC Sculpteur/Sculptrice sur bois CFC IG KunstHandwerk Holz Untersteckholzstr. 40 4900 Langenthal 062 923 14 52 ig@kunsthandwerk-holz.ch www.kunsthandwerk-holz.ch Luthier/Luthière École suisse de lutherie de Brienz Oberdorfstrasse 94 3855 Brienz 033 951 18 61 info@geigenbauschule.ch www.geigenbauschule.ch Facteur/factrice d‘instruments de musique CFC, orientations - Facture d’instruments à vent - Réparation d‘instruments à vent - Facture de pianos - Facture d‘orgues - Facture de tuyaux d‘orgues Communauté d’intérêts des facteurs d’instruments de musique CIFIM c/o Elin Office AG Amthausgasse 3 3011 Berne 031 313 20 00 info@igmib.ch www.igmib.ch
Créateur/Créatrice de tissu CFC Union pour le tissage artisanal UTA Müseggstrasse 10 8915 Hausen am Albis info@textilforum.ch www.igw-uta.ch Créateur/Créatrice de vêtements CFC, domaine spécifique vêtements en fourrure SwissFur – Association professionnelle suisse de la fourrure Dr. Markus Hugentobler Kapellenstrasse 14, Case postale 5236 3001 Berne 031 390 99 00 secretary@swissfur.ch www.swissfur.ch Artisan/e du cuir et du textile CFC, orientations - véhicules et technique - maroquinerie - sport équestre IG LETEX Case postale 6252 Dagmersellen 062 756 49 43 info@ig-letex.ch www.ig-letex.ch Maréchal/e-ferrant/e CFC Union Suisse du Métal Centre de formation Chräjeninsel 2 3270 Aarberg 032 391 99 44 flt@smu.ch www.smu.ch
Bijoutier/ère CFC Association Suisse des magasins spécialisés en Horlogerie et Bijouterie ASHB Schmiedenplatz 5, Case postale 258 3000 Berne 7 031 329 20 72 info@zvsgu.ch www.detail.ch
Les organisations suivantes ont parrainé le projet « L’avenir de l’artisanat traditionnel » pour un montant d’au moins CHF 500 (état au 15.03.14) :
Graveur/euse CFC Union Suisse des Graveurs 8000 Zurich info@graveurverband.ch www.graveurverband.ch
- Seilerei Berger GmbH, 4712 Laupersdorf
- KWO Kraftwerke Oberhasli AG, 3862 Innertkirchen - BodenSchweiz Verband Bodenbelagsfachgeschäfte, 5036 Oberentfelden - Jakob AG, 3555 Trubschachen - Meister & Cie AG, 3415 Hasle-Rüegsau
- TVS Textilverband Schweiz, 8022 Zürich - Geflechtfabrik Tressa AG, 5612 Villmergen - Gebr. Thomann AG, 4253 Liesberg - Altmann Casting AG, 2563 Ipsach
Armurier/ière CFC Association Suisse des Armuriers et Négociants spécialisés en armes Rütschelengasse 7 3400 Berthoud 034 422 12 20 wysswaffen@bluewin.ch www.sbv-asa.ch Technologue en textile CFC, orientation production et technologie des câbles FTS Fédération Textile Suisse Fürstenlandstrasse 142 Case postale 352 9014 Saint-Gall 071 274 90 90 stgallen@swisstextiles.ch www.swisstextiles.ch Mécatronicien/ne de remontées mécaniques CFC Employé/e de remontées mécaniques AFP Centre de formation RMS Zeughausstrasse 19 3860 Meiringen 033 972 40 00 centre-de-formation@remonteesmecaniques.ch www.remontees-mecaniques.ch
- Artsupport GmbH, 8153 Rümlang - Eichenberger AG, 5734 Reinach
Les organisations suivantes ont soutenu le projet « L’avenir de l’artisanat traditionnel » en versant une contribution d’au moins CHF 500 (état au 15.03.14) : - Standortmarketing und Regionalentwicklung Region Haslital Brienz, Gemeinden: Brienz, Brienzwiler, Guttannen, Hasliberg, Hofstetten, Innertkirchen, Meiringen, Schattenhalb, Schwanden, Oberried - Mügeli Metalltechnik AG, 2575 Täuffelen
L’équipe du projet « L’avenir de l’artisanat traditionnel » comprenait les personnes suivantes : - Walter Leist (président CIFIM) : direction du projet - Pepito Zwahlen (représentant IGK et IGKH) : coordination de l’exposition SwissSkills - Eliane Spycher (directrice CIFIM) : administration du projet - Monika Brandenberg Schmid (représentante VSBS) : finances - Christine Davatz (vice-directrice usam) : lancement du projet/ assistance - Hans-Heini Winterberger (responsable de projet EHB IFFP IUFFP) : suivi/animation des séances - Daniela Christen (Centre de compétences de l’artisanat traditionnel) : documentation/séances à Ballenberg
Artisanat 1/2014
Aimeriez-vous en savoir plus sur l’un d’eux ? Vous trouverez des informations complémentaires à l’adresse www.orientation.ch ou directement auprès des institutions suivantes :
Sculpteur/sculptrice sur pierre CFC Verband Schweizer Bildhauer- und Steinmetzmeister VSBS Birkenweg 38, 3123 Belp 031 819 08 20 vsbs@vsbs.ch www.vsbs.ch
47
CES MÉTIERS VOUS INTÉRESSENT ?
Berne 2014
1er championnat suisse des métiers 17 – 21.09.2014
SWISSSKILLS BERNE 2014 Les SwissSkills Berne 2014, les premiers championnats suisses des métiers, se tiendront du 17 au 21 septembre 2014 à Berne.
48
Artisanat 1/2014
Lors de ces championnats, 80 métiers seront en compétition et 60 autres se présenteront sous d’autres formes. Les « métiers à faibles effectifs » seront de la partie : il s’agit de professions variées, novatrices et attirantes, qui comptent moins de 80 apprentis, toutes années confondues. Ces petits métiers transmettent et préservent un grand savoirfaire, indispensable aux arts et métiers suisses et à la diversité culturelle de notre pays. Les associations professionnelles, l’Union suisse des arts et métiers usam, l’Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle EHB IFFP IUFFP, le Musée de l’habitat rural Ballenberg et le Centre de cours Ballenberg veulent les soutenir et faire connaître les nombreuses possibilités de formation proposées. Souhaitez-vous en savoir plus sur ces métiers ? Venez nous rendre visite lors des SwissSkills Berne 2014, dans la halle 1.1, à BERNEXPO. Nous nous ferons un plaisir de vous recevoir.
LE PROJET « L’AVENIR DE L’ARTISANAT TRADITIONNEL » EST SOUTENU PAR
Heures d’ouverture Jeudi 18 sept. 2014 Vendredi 19 sept. 2014 Samedi 20 sept. 2014 Dimanche 21 sept. 2014
9 – 18 9 – 18 9 – 18 9 – 17
heures heures heures heures