[Les cahiers de L'ADAPT ] Prendre soin

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Les cahiers de L’ADAPT #177 - 2e semestre 2015

Prendre Soin

L’ADAPT - Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées


L'ADAPT

en chiffres Dans le cadre de ses activités sanitaires, sociales et médico-sociales, L’ADAPT prodigue soins et rééducation et propose orientation, formation et aide à l’insertion professionnelle à chacun de ses bénéficiaires.

14 000

personnes accueillies.

2 300

La mission qu’elle mène depuis plus de 85 ans : accompagner la personne handicapée dans son combat ordinaire, celui de sa vie quotidienne, pour que tous, nous puissions “Vivre ensemble, égaux et différents”.

salariés dont

10,31%

de travailleurs handicapés.

scolariser

former

établissements ou services médico-sociaux accompagnent 1 125 personnes.

établissements et services accueillent 645 enfants.

sites géographiques, dispensent des formations spécialisées en établissements médicosociaux à 3 050 stagiaires et des actions de droit commun à 4 080 personnes.

27

En 2014, L’ADAPT a organisé la 18ème édition de la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées, des forums emploi/handicap, des Jobdatings© et des Handicafés© permettant 48 200 rencontres entre personnes handicapées en recherche d'emploi et recruteurs.

1 671 24

accompagner

11

soigner

insérer

établissements de soins de suite et de réadaptation rééduquent 4 250 patients.

structures de travail protégé (7 ESAT et 16 ESAT Hors-lesmurs) permettent à 800 personnes de travailler.

10

23

20

adhérents

postes d’administrateurs

Le Réseau des Réussites est le réseau des bénévoles qui accompagnent des demandeurs d’emploi dans leur recherche :

35

Comités des Réussites,

350

parrains bénévoles,

560

personnes parrainées

1997 : Création de la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées 2003 : Organisation des Etats généraux de la citoyenneté des personnes handicapées 2004 : Création des Jobdatings© et des Trophées handicap et citoyenneté 2007 : Création des Handicafés© 2009 : Conférence “La place du secteur associatif dans la conception des politiques sanitaires et sociales” lors des 80 ans de L'ADAPT 2011 : Lancement du projet associatif de L'ADAPT 2011-2015 : “Vivre ensemble, égaux et différents” 2011 : Colloque “Emploi et handicap : la question d'une seule semaine ?” à l’occasion de la 15e Semaine pour l’emploi des personnes handicapées 2013 : 1ère rencontre du réseau européen des partenaires engagés au Parlement européen de Bruxelles 2014 : O rganisation de la première journée nationale CIDPH et lancement de l’opération grand public autour de l’image et du handicap, “Ouverture de champ”

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{ SOMMAIRE

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L’ADAPT EN CHIFFRES

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ÉDITORIAL DE BRUNO POLLEZ, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION « PRENDRE SOIN »

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TRIBUNE DE SÉGOLÈNE NEUVILLE

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TRIBUNE DE MARTINE CARRILLON-COUVREUR

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PRENDRE SOIN : DU « CURE » AU « CARE »

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PROJET PERSONNALISÉ : DES ALÉAS À LA PRISE DE RISQUES

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EMPOWERMENT : RÉHABILITER SON POUVOIR D’AGIR

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ÉDUCATION À LA SANTÉ : MIEUX PRENDRE SOIN DE SOI

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CONTINUITÉ ET SÉCURISATION DES PARCOURS : ÉVITER LES RUPTURES, FLUIDIFIER LES PARCOURS

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REMERCIEMENTS

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SIGLES UTILISÉS

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{ ÉDITORIAL

Bruno Pollez { Administrateur, président de la Commission mixte « Prendre Soin »

Prendre soin : soigner et accompagner « À L'ADAPT, NOUS SOMMES TOUS DES ACTEURS DU PRENDRE SOIN. »

« Prendre Soin » : à la suite de Suzanne Fouché, être attentif à ce que chaque personne qui chemine avec nous à L’ADAPT puisse atteindre les conditions lui permettant de vivre pleinement. C’est d’abord l’écouter, l’entendre, la respecter dans sa subjectivité, dans sa singularité. Elle seule connaît ses aspirations. Lui donner toute sa dimension de sujet. C’est la rendre belle et capable à ses yeux, promouvoir sa confiance en elle, son pouvoir d’avancer. On appelle cela l’empowerment. C’est, avec elle, définir les objectifs et les modalités du projet (qu’il s’agisse du projet de soins, du projet médico-social ou du projet de vie), le réévaluer et le réorienter autant que nécessaire, en respectant son droit à l’erreur. C’est savoir trouver et mobiliser toutes les ressources nécessaires au service de ce projet, professionnelles ou bénévoles, accepter la prise de risques, innover. Partager une interdisciplinarité bien concertée, chacun apportant ses compétences propres au service du projet co-défini avec la personne.

N.B. : je tiens à exprimer mes remerciements les plus chaleureux à Mesdames et Messieurs les membres de la commission plénière « Prendre Soin » et de chacun des quatre groupes de travail thématiques, ainsi qu’à tous les acteurs de L’ADAPT qui contribuent à cette dynamique, notamment par des présentations effectuées lors des Journées annuelles Prendre Soin et au sein du siège.

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C’est ne jamais perdre de vue la finalité : non pas seulement l’objectif d’étape, mais l’épanouissement personnel, social, professionnel, citoyen ; inscrire chaque action dans un parcours. Œuvrer à atténuer les ruptures, à permettre la fluidité de ce parcours au travers des différentes étapes. C’est viser son autonomie et non sa dépendance à l'égard des « sachants » : l’indispensable éducation lui apporte les connaissances et compétences nécessaires, de façon à ce que les étayages puissent s’effacer autant que possible. C’est enfin nous retirer et évaluer notre action pour améliorer nos pratiques et rester disponibles, en secours éventuel ou pour étudier toute nouvelle demande.

Prendre soin, cela veut dire aussi avoir le souci de faire bien, le questionnement éthique permanent. Bien sûr d’abord être attentif à ne pas nuire, mais rechercher à être foncièrement utile et bénéfique pour la personne soignée et accompagnée. Pour le médecin de réadaptation que je suis, le service d’une personne qui connaît une situation de handicap et fait appel à L’ADAPT a au moins trois dimensions : 1. Amoindrir le handicap, grâce à la mise en œuvre des compétences pluridisciplinaires pouvant réduire les déficiences analytiques, compenser les incapacités fonctionnelles, lutter contre les désavantages de situation, accroître la confiance en soi ; 2. Mobiliser avec elle les réponses de société pour compenser les conséquences du handicap ; de façon sous-jacente, militer, s’engager pour poursuivre l’amélioration de ces réponses vers une société encore plus juste, plus inclusive, une plus grande égalité des chances ; 3. Accompagner la dimension existentielle, l’élaboration et la concrétisation d’un projet de vie investi, porteur de sens, susceptible de générer l’épanouissement recherché, être attentif au bien-être réellement vécu. Ceci évoque la notion de Santé. À notre époque (dont l’épidémiologie est marquée par les maladies chroniques, le handicap et la dépendance), on peut en actualiser la définition établie par l’OMS en 1946 : non seulement la lutte contre les maladies ou les « infirmités », mais aussi le « bien-être physique, mental, social » même s’il persiste une maladie ou une infirmité. C’est d’ailleurs cette acception du mot Santé qui est entendue dans l’intitulé des ARS, puisqu’elles sont tutelles à la fois du sanitaire et du médicosocial. À L’ADAPT, si riche de sa formidable palette sanitaire, médico-sociale, sociale, associative, nous sommes tous des acteurs de Santé, tous des acteurs du Prendre Soin !


{ TRIBUNE

Ségolène Neuville { Secrétaire d'état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion auprès de la ministre des affaires sociales

Les enjeux spécifiques du Prendre Soin pour les personnes handicapées et les pouvoirs publics La notion du Prendre Soin est très importante et s’articule autour de quatre enjeux très concrets dans la vie et le parcours des personnes en situation de handicap et de leurs proches. Il s’agit en premier lieu de construire avec la personne et ses proches les réponses à ses besoins et ses attentes, ce qui nécessite que les pratiques et les outils permettant de le faire puissent se développer plus encore. C’est aussi s’intéresser à la façon dont des réponses adaptées et globales sont proposées pour répondre aux besoins évalués et aux attentes exprimées, garantissant la pleine participation sociale et l’inclusion des personnes. Ces réponses sont donc essentiellement à développer sous la forme de services d’accompagnement permettant d’être scolarisé, d’accéder à une formation, de vivre chez soi, d’être en bonne santé, d’accéder à un emploi et de s’y maintenir, de pouvoir accéder aux dispositifs de droit commun en général. C’est également s’intéresser à la qualité de ces réponses inclusives, dans une volonté permanente de progresser en qualité de service rendu. Enfin, c’est garantir la continuité et l’adaptation permanente des réponses proposées dans la durée. Ces quatre enjeux sont au cœur des politiques publiques, des réformes en cours et de mon action. Les orientations fixées par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap (CNH), le 11 décembre 2014, l’indiquent clairement.

Le socle des orientations fixées lors de la CNH et de l’ensemble de la politique du handicap est bien l’application de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées et de la loi du 11 février 2005. C’est dans ce contexte que le Prendre Soin prend tout son sens, en contribuant à garantir la pleine participation et l’inclusion des personnes handicapées. C’est le sens de mon action politique : faire du « vivre ensemble » la condition constitutive du Prendre Soin. Pour y parvenir, les chantiers sont nombreux. Il y a notamment la mise en œuvre des préconisations du rapport « Zéro sans solution », qui se décline désormais dans le cadre de la feuille de route « une réponse accompagnée pour tous ». Il y a aussi la réforme en cours de la tarification des établissements et services médico-sociaux, qui vise à établir les référentiels de besoins et de prestations qui permettront de valoriser la qualité attendue dans l’accompagnement des personnes. Ce sont aussi les mesures de la CNH pour améliorer l’accès aux soins des personnes handicapées. Il faut également s’appuyer sur les référentiels et recommandations existants (HAS, ANESM), car le Prendre Soin est indissociable d’une culture de la bientraitance et d’éthique dans l’accompagnement. La détermination du gouvernement est donc entière pour faire progresser cette philosophie du Prendre Soin. C’est aussi agir pour modifier le regard porté sur le handicap dans notre société, car le Prendre Soin est la traduction concrète de la solidarité.

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{ TRIBUNE

Martine Carrillon-Couvreur { Députée de la Nièvre et présidente du CNCPH

Prendre soin des personnes handicapées, une obligation nationale ! La politique du « care », inaugurée aux États-Unis, fait-elle émergence en France pour accompagner les personnes en situation de handicap ? Aujourd’hui, les politiques en faveur de l’égalité et de l’inclusion, déployées sur l’ensemble du territoire français, trouveraient leur origine dans un mouvement international beaucoup plus important qu’on voudrait bien nous le laisser croire. La Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, signée à New York en 2007 et ratifiée par la France en 2010, pose bien une nouvelle ligne directrice d’action de nos structures d’accueil, d’accompagnement ou d’intervention à domicile, afin de parvenir à ce que chaque personne puisse devenir un citoyen pleinement accompli. Prendre soin des personnes, avoir une attention ou une écoute continue et régulière, doit faire partie de l’éthique d’action des associations, ainsi que des établissements et services médico-sociaux. Cette ligne de conduite n’est pas récente. Elle n’a pas émergé sous l’égide de l’ONU ou des différentes instances internationales comme le Conseil de l’Europe, mais elle a été amplifiée par ces textes

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internationaux, qui ont su imposer aux États membres un nouveau regard sur les politiques publiques. C’est ainsi que la citoyenneté et la participation des personnes ont été portées comme principale ambition par celles et ceux qui agissent aux côtés des personnes en situation de handicap, afin de les accompagner dans leur conquête de l’autonomie, de les encourager dans leur quotidien, de les restaurer dans leurs droits. C’est bien l’ambition première de ces chartes internationales que de décliner et de rappeler les libertés fondamentales à l’instar de l’accès aux soins, la liberté d’expression, le droit à la participation, le droit au travail, le droit à l’éducation, pour ne citer que ceux-ci. L’ADAPT s’efforce tous les jours de mettre en œuvre le respect de ces droits fondamentaux, en agissant pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Par ses actions, par les initiatives innovantes qu’elle porte, par l’éthique de ses professionnels et de ses membres, elle contribue à ce que chaque personne puisse participer pleinement à la vie de notre cité.


PRENDRE SOIN : DU « CURE » AU « CARE » De cette expression découlent à la fois une reconnaissance de la personne comme sujet et une éthique de l’accompagnement que L’ADAPT souhaite défendre et promouvoir au quotidien. Pendant trop longtemps, le handicap a été abordé principalement sous l'angle de la déficience, et la personne handicapée envisagée comme un ensemble de symptômes à soigner, d'incapacités à corriger ou à contourner. À cette vision correspondait une réponse des professionnels centrée sur le soin plutôt que sur l'accompagnement, le « cure » plutôt que le « care ». Mais les années récentes ont vu nos représentations collectives se modifier considérablement ; c'est ce dont témoigne notamment l'évolution du vocabulaire, les « malades » devenant par exemple des « usagers de soin », ou la « prise en charge » devenant « l’accompagnement ». Cette nouvelle approche de la personne est le produit d’une histoire qui a renouvelé profondément notre perception du handicap, et plus largement notre conception de la santé et notre philosophie du soin. Une reconnaissance croissante des droits des patients, l’assimilation du modèle social du handicap, la compréhension de la dimension multidimensionnelle du handicap, ainsi qu'une modification de nos besoins collectifs en termes de santé ont tous les quatre joué des rôles convergents dans cette prise de conscience. [...]

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Une réalité humaine et multidimensionnelle

[...]

Les patients en marche Dans différents champs de la santé, des voix se sont élevées et des mouvements sociaux ont émergé pour revendiquer plus de reconnaissance sociale et remettre en question la toutepuissance de l'autorité médicale. Face à des jugements moraux sur leurs conditions, ces « mouvements de malades » (usagers de drogues, malades du sida, personnes en situation de handicap physique ou mental) ont ainsi lutté contre la discrimination et la stigmatisation. Face aux savoirs experts, ils ont exigé la valorisation de leur parole et la reconnaissance de savoirs alternatifs sur leurs pathologies ou leur handicap. Contre une forme de « paternalisme thérapeutique » qui consistait à séparer, tout en les hiérarchisant, les soignants et les objets du soin, les « sachants » d’un côté et les personnes réduites à un ensemble de symptômes de l'autre, les malades d'hier ont milité pour un rééquilibrage de la relation thérapeutique. Contre l'asymétrie statutaire entre des « aidants » et des « aidés », ils ont constitué des groupes d'auto-support et des formes d'entraide plus horizontales. C'est de cet activisme thérapeutique et de cette démocratie sanitaire encore en gestation que sont nés de nouveaux principes, qui aujourd'hui doivent guider tous les professionnels de santé. Droit au consentement libre et éclairé, reconnaissance de formes d'expertise spécifique de la personne et impérieuse nécessité d'associer cette dernière aux décisions la concernant au premier chef sont quelquesuns des grands principes qui doivent aujourd'hui poser le cadre éthique de nos missions.

Cette reconnaissance croissante du droit des personnes d’exprimer leur choix et d'être pleinement entendues lorsqu'elles le font est nécessaire pour des raisons aussi bien médicales que citoyennes. « Soigner, ce n'est pas réduire la personne à un recueil de faits et de plaintes, de données biologiques ou psychologiques, c'est entendre le récit que la personne fait émerger de l'expérience qu'elle est en train de vivre. C'est écouter, dialoguer, ne rien figer, mais permettre à ce récit de se transformer », nous rappelle Jean-Claude Ameisen, médecin et membre du Conseil Consultatif National d’Éthique à propos de l’émergence d’une nouvelle « médecine narrative ». En effet, écouter la parole des usagers, c'est à la fois les respecter comme des sujets de droits, les reconnaître comme les acteurs principaux de leurs vie et bien-être, mais aussi les réinscrire dans une singularité et une complexité qu'une médecine trop impersonnelle aurait tendance à gommer. Un patient est toujours autre chose et plus qu'un patient ; le bien-être toujours autre chose et plus que l'absence de maladie ou de symptômes. Un usager, c'est avant tout une personne en prise avec des difficultés multiples dans les différentes dimensions de sa vie. Ces épreuves, qui nous sont communes à tous, sont d'autant plus difficiles à surmonter en présence de handicaps, c'est pourquoi elles requièrent parfois des formes d'accompagnement spécifiques. Du fait de la diversité de ses missions, L'ADAPT est particulièrement bien placée pour appréhender le bien-être de la personne handicapée dans sa globalité et pour proposer une multiplicité d'outils concourant au Prendre Soin. Qu'il s'agisse de rééducation ou de prévention, d'insertion professionnelle ou de vie familiale, de participation citoyenne, d'accessibilité ou bien d'accès aux loisirs, prendre soin des usagers déborde en effet très largement la question strictement médicale.

Deux éditions des journées Prendre Soin L’organisation des premières journées Prendre Soin, en 2013, répondait à un double objectif pour L’ADAPT. D’une part, faire un bilan du service global rendu aux personnes dans le cadre de ses dispositifs d’accompagnement. D’autre part, s’acculturer collectivement au concept de Prendre Soin par le partage d’expériences déjà mises en place et vécues au quotidien au sein de ses structures. Cette mise en commun, en plus des informations et pratiques qu’elle a permis de donner à voir et diffuser, a été pour les participants l’occasion d’un réel renforcement du sentiment d’appartenance à L’ADAPT autour de valeurs partagées. À l’issue de ces

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premières journées, il est apparu évident qu’il fallait réitérer l’expérience l’année suivante et en faire un des rendez-vous réguliers de l’association. Le travail mis en place au sein de la commission mixte « Prendre Soin » a été structuré en 4 thématiques, identifiées comme prioritaires, chacune portée par un groupe de travail, et autour desquelles se sont construites les journées de 2014. Ateliers et interventions ont ponctué cette deuxième édition, qui a également permis de confronter nos réflexions et nos pratiques à d’autres associations du champ médical ou médico-social (France Alzheimer, ABEJ Solidarité, CFHE).


{ PRENDRE SOIN : DU « CURE » AU « CARE » Au temps des pathologies chroniques Cette idée d'accompagnement global prend une importance toute particulière aujourd'hui, au-delà même du champ du handicap. En effet, nous sommes actuellement les témoins d’un virage épidémiologique sans précédent à l'échelle mondiale, caractérisé par le développement des affections de longue durée et des problématiques de dépendance. Conséquences de l'allongement de la durée de la vie et des progrès médicaux, ces pathologies chroniques s'inscrivent dans le temps long, incluant un amont (prévention) comme un aval (suivi des maladies, prévention tertiaire des récidives). Comme c'est le cas pour le handicap, elles obligent à réfléchir plus que jamais en termes de parcours de soin et impliquent l'intervention d'une multitude de professionnels, sanitaires, médico-sociaux et sociaux. Les pathologies chroniques impliquent également de mettre plus l'accent sur la prévention ainsi que sur l'hygiène de vie au sens large. Plus que jamais, donc, les usagers de santé d'aujourd'hui sont des personnes à envisager dans leurs habitudes de vie et à accompagner dans leurs parcours. Cette nouvelle préoccupation des politiques publiques, notamment traduite par la réunion récente des tutelles médicale et médico-sociale dans les Agences régionales de santé, conforte une approche transdisciplinaire que L'ADAPT défend de longue date. [...]

INTERVIEW

Prendre soin ou le respect de la liberté

BRUNO GAURIER, CFHE

La question du handicap pose inévitablement celle de la dépendance et de l'asymétrie entre " aidants " et " aidés ", même dans la relation la plus bienveillante a priori. De cette asymétrie de situation peuvent naître de nombreuses dérives et abus de pouvoir auxquels il faut être particulièrement attentifs ; de la personne en fauteuil roulant qu’on " aide " sans la consulter à la personne réputée dépendante intellectuellement qu'on aura trop vite fait de mettre sous tutelle ou curatelle par facilité. Pourtant, comme nous le rappelle avec force la CIDPH, il faut considérer la personne handicapée d’abord

et avant tout comme un individu et un sujet de droit à part entière, et seulement dans un second temps par le biais de son incapacité. L’article 19 de la Convention consacre notamment son droit à l’autonomie, à la liberté de choix et à la pleine jouissance de ces droits sur la base de l’égalité avec les autres. Prendre soin des personnes implique de respecter cette liberté fondamentale et de s’interroger au quotidien sur nos pratiques, dans les institutions comme en dehors. C’est la condition pour que cette asymétrie ne se transforme pas en inégalité. LES CAHIERS DE L'ADAPT #177

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Mettre les besoins de la personne au cœur de l’accompagnement

[...]

Un cadre juridique et éthique L’Organisation mondiale de la santé définit dès 1946 la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité ». En cela, elle élargit considérablement les représentations du soin, ainsi que le périmètre de compétence possible des professionnels de santé, en incluant des dimensions jusqu'alors considérées comme périphériques, ou du moins ne relevant pas à proprement parler de la sphère de la santé. Cette définition de l'OMS prend acte d'une conception élargie de la santé à laquelle L'ADAPT est particulièrement attachée. La Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) de 2006 offre également de précieux outils pour penser la question du Prendre Soin. Sans proposer une définition juridiquement contraignante du handicap aux États signataires, la CIDPH reconnaît néanmoins à la personne en situation de handicap un ensemble de droits ayant trait à la santé et au bien-être dans leurs acceptions les plus larges. Tandis que son article 25 entérine notamment un « droit à jouir du meilleur état de santé possible », d'autres articles consacrant les principes d'égalité et de non discrimination (art. 5), d'autonomie, d'inclusion, de représentation et de liberté de choix (art.19), ou bien de reconnaissance de la personnalité juridique en tout lieu (art. 12) ne peuvent pas être négligés dans notre manière d'envisager nos pratiques d'accompagnement.

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Si l’accès à tous ces droits n’a pas encore trouvé toutes ses traductions dans la vie quotidienne des personnes en situation de handicap, il n’en reste pas moins un indispensable horizon régulateur pour tous les professionnels travaillant dans le champ du handicap. Prendre Soin n’est pas qu’une idée ou une pétition de principes, c’est avant tout un ensemble de pratiques quotidiennes pour répondre au plus près aux besoins et demandes des personnes que nous accompagnons. Au plus près signifie donner la parole et être à l'écoute des besoins des personnes telles qu'elles les formulent, sans présumer par avance des problèmes qu'elles rencontrent. Faire une place au vécu subjectif du handicap permet notamment de constater qu'il y a parfois une différence de taille entre la définition d'un problème ou d'un obstacle tel qu'il est perçu par la personne et tel qu'il est perçu par les professionnels. Ainsi par exemple en est-il de la dépendance aux aidants, qui peut être définie comme un problème majeur par l'individu concerné, tandis qu'elle est parfois minimisée par l’institution. Au plus près signifie également refuser la standardisation des pratiques et accepter qu'une organisation souple réponde de manière plus personnalisée à la diversité et l'unicité des situations empiriques rencontrées par les usagers. À cette approche flexible et personnalisée s'adosse un souci constant d'évaluer le service global apporté aux personnes en termes de qualité de vie. Réfléchir en termes de service global et de qualité de vie implique de ne segmenter ni les besoins ni les compétences. Travailler en équipe pluridisciplinaire et en plate-forme est de ce point de vue un atout : en mettant à profit la complémentarité de nos métiers et la synergie de nos savoir-faire, en organisant des relais pour limiter les ruptures de parcours, en mobilisant les acteurs et ressources pertinents à chaque étape, L'ADAPT s'efforce de répondre au plus près aux attentes de ses usagers.


{ PRENDRE SOIN : DU « CURE » AU « CARE »

Favoriser l’auto-détermination

L’ADAPT : 85 ans de Prendre Soin Dès sa création il y a 85 ans par Suzanne Fouché, L’ADAPT a eu pour ambition d’apporter une réponse globale à la moindre participation sociale des personnes handicapées, marginalisées par le stigmate ou mises à l’écart pour des raisons de soin. Cette ambition passait notamment par l’insertion professionnelle, avec cette idée très novatrice que l’épanouissement des personnes handicapées ne pouvait se limiter au soin luimême, mais passait nécessairement par une meilleure qualité de vie, un épanouissement à la fois social, professionnel, familial et citoyen. Pour ainsi dire constitutive de son ADN associatif, cette démarche du Prendre Soin anime aujourd’hui plus que jamais L’ADAPT, son réseau de professionnels et de bénévoles. Association gestionnaire d’établissements, mais également association citoyenne de défense et de promotion des droits, elle est riche d’une pluralité de secteurs d’activité (médical, médico-social), de publics (tous types de handicaps et tous âges) mais aussi de compétences professionnelles. Par son histoire comme par son positionnement, L’ADAPT est particulièrement bien outillée pour répondre à la transversalité de ces enjeux. Cette richesse plurielle de l’association est propice au travail collaboratif en réseau, une approche devenue une nécessité aujourd’hui pour limiter les ruptures de parcours encore trop fréquentes dans les vies et itinéraires des personnes en situation de handicap.

Prendre soin de populations fragilisées ou vulnérables est une grande responsabilité, ce qui implique en retour de grands devoirs. Du côté des professionnels existe trop souvent la tentation d’instaurer par facilité, sous couvert de raisons « pratiques » ou « organisationnelles », des modes de prise de décision qui réduisent le libre-arbitre des usagers à la portion congrue ou inhibent leurs capacités d'initiative. Sans vigilance des professionnels, la situation de dépendance, lorsqu'elle existe, court en effet constamment le risque d'un autoentretien. De ce point de vue, décréter la liberté de choix ou le droit à l'autonomie de manière abstraite, sans raisonner sur le cadre dans lequel ils seront les plus à même de se déployer et de devenir substantiels, n'a pas grand sens. À l'image du handicap lui-même, le potentiel d'action des individus résulte de l'interaction avec un contexte particulier. C'est pourquoi il faut sans cesse encourager la prise d'initiative, renoncer à décider à la place des personnes et ne pas limiter a priori le champ des possibles. Laisser les personnes porter les démarches, ne pas présumer a priori des capacités ou des incapacités, accepter le changement d'avis ou le droit à l'erreur sont autant de manières quotidiennes d'offrir un cadre propice à l’auto-détermination et à l'empowerment.

Promouvoir une culture du Prendre Soin Quelles sont les justes postures à adopter par les tiers-aidants ? Comment être réellement soutenant ? Comment articuler des formes de dépendance à des pratiques d'empowerment ? L'ADAPT réfléchit constamment à ses propres pratiques et a mis en place des espaces de réflexion et d'échanges sur ces questions. C'est par exemple le sens de la création de la commission mixte « Prendre soin », organisée autour de quatre axes thématiques (« projet personnalisé et prise de risque », « empowerment et pairémulation© », « éducation à la santé », « continuité et sécurisation des parcours »). C'est également l'objet des journées Prendre Soin : mettre en avant les initiatives, profiter mutuellement de nos expériences, permettre à cette culture du Prendre Soin de s'enraciner profondément à tous les niveaux de l'association afin de se traduire effectivement dans les postures des professionnels. Les implications sont vastes, pour ces derniers comme pour les personnes reçues. De par son histoire et son positionnement transversal dans le champ du handicap, L'ADAPT porte depuis plusieurs années déjà cette ambition à la fois politique et éthique : celle de défendre les droits des individus et de prendre soin des personnes handicapées dans tous les domaines de leur vie sociale et personnelle. L'ADAPT est aujourd'hui confortée dans sa démarche, qui trouve un écho plus large dans une société où la dépendance et les affections de longue durée deviennent des enjeux majeurs de santé publique. Elle continuera donc de s’engager plus que jamais pour ce qui est, au fond, tout un projet de société. LES CAHIERS DE L'ADAPT #177

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{ REGARDS CROISÉS

Q : Vous accompagnez des publics différents (personne accidentée de la vie, malade d’Alzheimer, monde hospitalier), que signifie pour vous le Prendre Soin ? R.R. : Pour prendre soin, il faut d’abord accueillir : accueillir la personne comme elle est, avec ce qu’elle vit, sans jugement. Il faut l’accueillir même si son horizon et ses attentes ne sont pas toujours clairs ; même, et peut-être surtout, si elle ne peut pas se projeter dans l’avenir du fait de ses vicissitudes personnelles, qu’il s’agisse de travail, de santé ou de logement. Il faut commencer par accepter la personne pour pouvoir l’accompagner vers un bien-être maximum. Mais, pour paraphraser le spécialiste d’éthique Patrick Verspieren, accompagner la personne ce n’est ni la précéder, ni lui indiquer la route ou la direction à prendre, et encore moins lui imposer un itinéraire. C’est l’accompagner à son rythme et à partir de ce qu’elle est. B. H. : Notre mission consiste à prendre soin des aidants et des proches de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Car ce n’est pas rien d’accompagner quelqu’un avec Alzheimer ; c’est parfois 24h sur 24 pendant des années. Si les aidants ne prennent pas soin d’eux-mêmes et ne se font pas aider, ce qui n’est généralement pas un réflexe pour eux, cela peut mener à l’épuisement. C’est pourquoi nous proposons aux familles des lieux d’écoute (groupes de parole, entretiens individuels), des solutions de répit (accueil de jour, vacances) et des formations avec des psy bénévoles. Ces formations aident les proches à trouver la bonne attitude vis-à-vis de la personne malade, mais aussi à adopter un juste positionnement et une meilleure connaissance d’eux-mêmes et de leurs capacités. En aidant les proches et les aidants, ces services bénéficient également indirectement aux personnes atteintes d’Alzheimer en termes de qualité de vie.

ROLANDE RIBEAUCOURT, Directrice du pôle santé de l'ABEJ Solidarité

C. C. : Prendre soin des personnes renvoie à une attitude bien plus large que la simple question de la « prise en charge », qu’elle soit médicale ou médico-sociale. C’est en réalité tout ce qui concourt à la restauration du sujet. Par exemple, certains professionnels déplorent que les usagers leur posent de plus en plus de questions. Plutôt que de s’en inquiéter, ils devraient comprendre que cette information aide les personnes à maîtriser ce qui leur arrive. L’intervention des professionnels doit aujourd’hui guider la compréhension et accompagner les usagers afin qu’ils prennent contrôle de la situation, plutôt que de n’être que les objets d’une maladie. Cette restauration du sujet passe aussi par la continuité des parcours, ce qui implique un fonctionnement en équipe et des modes coopératifs plutôt que du travail en îlot et par spécialisation.

BRIGITTE HUON, Vice-présidente de France Alzheimer et maladies apparentées

CLAIRE COMPAGNON, Inspectrice générale des affaires sociales en Conseil des ministres, auteure de L'An II de la démocratie sanitaire

Groupes de travail thématiques de la commission « Prendre Soin » et animateurs

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1. Continuité et sécurisation des parcours

Jean-Marc André et Bruno Pollez

2. Éducation et accompagnement à la santé

Thierry Awner

3. Empowerment et émulation entre pairs

Frédéric Mesnil

4. Projet personnalisé, objectifs et prises de risques

Claire Chesseret et Edwige Richer


PROJET PERSONNALISÉ : DES ALÉAS À LA PRISE DE RISQUES Un groupe de travail de L'ADAPT s'est attaché en 2014 à mieux définir le processus concret d'accompagnement à l'élaboration et à la formulation du projet de vie, ainsi que des ajustements parfois nécessaires lorsque des circonstances personnelles ou environnementales font bouger les lignes. Le groupe s’est intéressé en particulier aux questions récurrentes auxquelles sont régulièrement confrontées les équipes dans le travail d’accompagnement. Comment tenir compte des aléas de parcours ? Comment et jusqu’où intégrer l’entourage ? Jusqu’où aller dans la prise de risques ?

Projet personnalisé et aléas La co-élaboration du projet personnalisé est un processus devant se baser sur des fondations solides afin d’aboutir au résultat souhaité. Il faut tout d’abord bien prendre en compte tous les éléments et les rendre accessibles à la personne, sans quoi le projet peut porter en lui des fragilités sur lesquelles les impondérables (que l'on aura tâché d'identifier en amont) auront plus d'impact. Pour le groupe de travail, il existe trois sources principales d’aléas à prendre en compte dès le départ. Le premier d'entre eux concerne les facteurs personnels. On entend par là une pathologie / maladie non stabilisée, la présence d’une addiction ou de troubles du comportement importants. Dans de tels cas, il est peut-être prématuré de se projeter dans l'avenir ou risquer de confronter la personne à une situation d'échec qui la démotiverait. Mieux vaut entamer le parcours en mettant de son côté toutes les chances d'atteindre son ambition.

Projet personnalisé : Les pratiques de L'ADAPT Un groupe de travail composé de 15 salariés de L’ADAPT s'est concentré en 2014 sur la thématique « projet personnalisé, objectifs et prises de risques ». Il a élaboré un questionnaire à destination des professionnels de L’ADAPT, qui a recueilli près de 150 réponses. Pour 80 % des répondants, l'avis et le consentement des personnes accueillies pour un projet personnalisé sont des prérequis. Le projet, rédigé et signé par la personne, est recueilli lors d’un entretien individuel par le référent ou par l’équipe pluridisciplinaire. Tous reconnaissent que l’adhésion de l’entourage est indispensable à la réussite du projet. En cas de freins, des entretiens plus nombreux et/ou réguliers sont proposés. En cas d’aléas, l’équipe se réunit pour réajuster, amender le plan d'actions et mettre en place un accompagnement plus spécifique. Concernant la prise de risques, la moitié des « sondés » la considèrent comme inévitable et souhaitable. Seule limite, la mise en danger physique ou psychique de la personne accompagnée. 60% des professionnels interrogés regrette cependant l’absence de soutien de leur hiérarchie et l’absence de procédure en cas de prise de risques.

Le projet individualisé n’est donc pas forcément une fin en soi. Il peut n’être qu’un appui, une procédure, venant en soutien à l’équipe pluridisciplinaire comme à la personne. Son évolution n’est ni régulière ni linéaire. Le principe du droit de retrait ou droit au retour doit être clairement énoncé et l'on doit se donner les moyens de le permettre. Si les objectifs sont très ambitieux, on peut proposer des étapes intermédiaires, plus modestes, qui permettront à la personne de faire sa propre expérience et de mesurer un peu mieux le chemin à parcourir. Pour cela, il est utile de tester le projet en situation écologique, dans le concret. Stage ou activité bénévole peuvent être mobilisés pour se confronter aux difficultés réelles ou supposées. Mais avant, il est évidemment utile de sécuriser les conditions d'accueil... Si difficulté il y a, le projet devra être retravaillé de façon dynamique, les choses ont progressé, la difficulté a été identifiée et un retour en arrière peut s'avérer nécessaire pour mieux réussir ensuite. Seules vigilances pour les professionnels : maintenir le lien pour éviter les ruptures et faire comprendre que la remise en cause du projet n’est pas forcement un échec et n'arrête pas la dynamique. [...] LES CAHIERS DE L'ADAPT #177

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Le deuxième aléa à prendre en compte est celui de l’environnement familial. Si l’entourage n’est pas coopérant, voire s’oppose au projet, ce dernier a toutes les chances d'échouer ou d'être mis à mal. « Toute l’énergie des professionnels se concentre alors sur le maintien du dialogue et la négociation. Il n’est pas utile d’insister sur les points de résistances, mais on peut utilement dissocier les interventions, une partie de l'équipe dialoguant avec la famille, une autre se focalisant sur la personne », propose Claire Chesseret, psychologue clinicienne en CRP et pilote du groupe. Le troisième aléa concerne l’équipe de soins proprement dite, qui peut être limitée dans ses savoirs techniques, ou ne pas être en mesure d’assurer parfaitement la veille nécessaire à la bonne réalisation du projet. L'équipe doit tisser des liens avec la MDPH ou les structures qui orientent, afin de raccourcir les délais d'admissions. Il est alors indispensable de travailler en réseau, de diversifier les ressources mobilisables pour choisir la solution la plus adaptée. Il peut aussi arriver que la relation entre la personne et le référent soit tendue. La présence d'un tiers co-référent, qu'il fasse partie du service ou non, peut s'avérer utile. Enfin, avoir une trace écrite des différentes étapes du parcours permet de constater la progression du projet et pose des repères dans le temps.

TÉMOIGNAGE

“Aujourd'hui, je trace ma route” ARNAUD PIVETEAU, 36 ans.

« À la suite d’un accident de voiture et de deux mois de coma, j’ai effectué ma rééducation au Château Rauzé pendant dix mois. Au départ j'étais inerte, quasi végétatif. J’étais devenu un bébé, intubé, de 45 kilos. Malgré les séquelles (pas de vision à droite et troubles de l'attention) j'ai réappris à parler, à manger, à me laver, à refaire mon lit. Après un séjour au centre de SaintJean d'Angely, j’ai fait un stage thérapeutique en boulangerie (mon métier d’avant l’accident) afin de me confronter à ma vie de traumatisé crânien ; mais ce travail était trop dur, et j’ai P14

dû renoncer. Puis j'ai ensuite rejoint l'UEROS de Mériadeck. Après quatre ans et demi de bénévolat, j’ai effectué une réinsertion en ESAT à L'ADAPT/Richelieu pendant sept ans. Regrettant l’absence de passerelle vers une vie professionnelle ‘‘normale ’’, j’ai quitté le CAT. Je me suis alors débrouillé seul. Le sport est devenu important dans ma vie (musculation, tir à l’arc en déficient visuel, course à pied). J’ai pu faire mes expériences, tout en étant en sécurité. Aujourd’hui, je trace ma route, aidé par mes parents et les tierces personnes qui me permettent de gérer ma vie d’adulte. »

La place des familles Une fois le projet élaboré sur de bonnes bases, l’environnement familial va jouer un grand rôle. L’âge de la personne est un facteur déterminant pour solliciter ou non l’entourage. Deux approches semblent se dégager avec, bien sûr, des marges d’adaptation à chaque situation rencontrée : la première approche est celle d’une collaboration active de la famille autour du projet. La famille devient un relais pour travailler l’autonomie et un soutien au traitement et à la prise en charge thérapeutique. Une pratique usuelle dans la filière sanitaire. Autre option, celle d’une prise en compte du fonctionnement familial, des relations intrafamiliales et d’un soutien à la famille quant à l’impact du handicap. Il existe par exemple des groupes de parole dédiés aux familles, « où elles parlent un peu de leur proche mais surtout de leurs propres difficultés », souligne Claire Chesseret. Les services d’accompagnement médico-social sont familiers de cette approche, qui permet de mieux comprendre les enjeux de l’intervention de personnes extérieures pour la famille et l’adulte ou l’enfant. Cela implique d’intégrer l’entourage dès l’élaboration du projet individualisé, pour que l’accompagnement soit cohérent avec la réalité familiale de la personne. Pour répondre à ce besoin, certaines équipes se sont formées à la systémie, qui part du principe que le travail avec la famille est indissociable de celui de l’accompagnement. D’autres services se sont dotés de professionnels qualifiés dans les entretiens et suivis familiaux, dans une logique d’accompagnement global de la personne et de son environnement. Ces compétences s'avèrent précieuses lorsque, comme cela est arrivé, un jeune homme marié, accompagné dans un projet de formation, montre des signes avant-coureurs de décompensation. Les professionnels ont donc organisé des rencontres avec sa formatrice et avec son épouse, ce qui leur a permis de mieux comprendre que le projet se révélait un peu trop ambitieux et que ce jeune homme n'était pas complètement prêt pour cette formation. Ainsi, « la catastrophe que serait pour lui un échec » a pu être évitée par un ajustement de l’accompagnement qui s'est porté sur un volet plus social. [...]


{ PROJET PERSONNALISÉ : DES ALÉAS À LA PRISE DE RISQUES

INTERVIEW

La prise de risques intervient dès l'admission

MONTAINE THOMASSET, chef de service de LOGIS, Logements groupés individuels avec service.

Qu’est-ce que le service « LOGIS » ? C’est une alternative à l’hébergement en institution ou au domicile familial pour des adultes parisiens cérébrolésés. L’association Aurore gère depuis 2012 un immeuble de 13 studios. Les résidents s’acquittent d’une redevance (loyer + charges). Ils mutualisent une partie de leur PCH, l’équivalent de 3 heures par jour, soit 92 heures par mois, permettant de fournir un accompagnement 24 heures sur 24, 365 jours par an. Qui sont les résidents ? Il s’agit de personnes, autant d’hommes que de femmes, ayant le désir et la capacité de vivre seul(e), étape cruciale de leur projet de vie. Ils souffrent de troubles cognitifs importants et parfois de troubles du

comportement. Une équipe sur place (un chef de service, deux travailleurs sociaux et quatre aides médicopsychologiques) assure une prestation médico-sociale et offre une sécurité aux résidents. Il n’y a pas de contrôle et de surveillance des entrées et sorties, même s’il est demandé aux résidents de signaler leurs horaires de sorties et de retours. Quid de la prise de risques ? Elle se situe dès l’admission : c’est le premier logement autonome depuis l’accident. Nous prévoyons toujours une période d’essai d’un mois, renouvelable. Se retrouver seul peut être très bénéfique ou se révéler anxiogène ou trop compliqué.

TÉMOIGNAGE

“Nous avons surmonté nos résistances”

AUDREY STERVINOU, ergothérapeute au SAMSAH de L'ADAPT/Gironde. « Une personne vivant en maison collective depuis 2007, avec une présence 24h/24, demande dès 2010 à modifier son projet de vie. Malgré son aphasie, ses difficultés d’élocution et de compréhension, ses troubles de comportement dus à sa frustration et son périmètre de marche restreint, elle souhaite vivre avec son amie, qui deviendrait à la fois sa tutrice et son auxiliaire de vie. L'équipe pluridiciplinaire est réticente, plus particulièrement le staff médical. Elle veut être sûre que l'usager n'est pas « sous influence » et que l'argent n'est pas le motif de ce choix de la part de l'amie. Le peu d'autonomie (aide à la toilette nécessaire) est, lui aussi, inquiétant.

La demande renouvelée en 2011 entraîne des discussions successives avec l'amie et l'usager (ensemble et individuellement). L'équipe, réalisant que l'argent n'est pas le moteur du projet, décide de l'accompagner " sans jugement et en sécurité ". Seul bémol, l'amie ne pourra pas être à la fois tutrice et tierce personne. Une assistance extérieure sur des plages horaires adaptées est donc mise en place en 3 mois. Nous avions beaucoup de résistances, mais aujourd'hui il vit avec son amie et dispose de deux semaines de vacances seul. Il a gagné en autonomie, et cette expérience nous amène à renouveler l'expérience avec une deuxième personne. » LES CAHIERS DE L'ADAPT #177

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La prise de risques, côté pile et côté face Reste que, quel que soit le projet, il implique une certaine prise de risques, assumée non seulement par la personne, l'équipe, mais aussi par l’entourage, qui doit négocier avec ses peurs. Une jeune femme avec une lésion cérébrale acquise a exprimé le besoin de plus d’autonomie pour venir seule, par les transports en commun, au CAJ. Elle s’est heurtée à l’inquiétude de ses parents car son accident s’était produit dans les transports. Il s’est agi de collaborer avec la famille, de sécuriser le trajet et, par étapes, d’amener la personne à gérer son parcours seule. Pour les professionnels interrogés par le groupe via un questionnaire (voir encadré), la prise de risques semble avoir deux visages, l’un sombre, l’autre plus optimiste ! Côté obscur, elle est assimilée à l’échec du projet et au sentiment de responsabilité du professionnel vis-à-vis de cet échec. Le professionnel apparaît alors comme très isolé face à la prise de risques. De plus, émerge la question de l’action à entreprendre quand la « commande » est très précise et que les réalités de l’accompagnement ne permettent pas d’y répondre. La prise de risques est alors vécue comme négative, car elle met à mal le professionnel et met en jeu son sentiment de responsabilité visà-vis de l’échec. Dans ces cas-là, ce qui demeure primordial, c’est de partir des attentes de la personne, et de faire dialoguer ces attentes avec les préconisations des professionnels. Il faut

être capable d’accompagner une personne dans un projet dont on estime qu'il n'aboutira pas. Il est inutile de vouloir barrer la route à certaines personnes, il s'agit d'exprimer ses réserves et d'arriver à pondérer le point de vue de l’équipe. Plus positive, la prise de risques est envisagée comme intégrée au travail du professionnel, inhérente à l’accompagnement. Elle permet d’exprimer sa créativité, en construisant des dispositifs innovants, ou en adaptant à la situation des outils déjà existants. Par exemple, l’utilisation du MCRO (Mesure canadienne de rendement occupationnel), une échelle d’autoévaluation conçue pour les enfants, a pu être adaptée aux adultes. Elle permet d’évaluer les difficultés de la personne sous forme de représentations graphiques qui deviennent alors un support pour la parole et participent à la co-construction du projet personnalisé. Cette prise de risques « positive » se nourrit naturellement du travail et de la réflexion en équipe, qui réclament écoute et confiance réciproques. Des notions qui ne se décrètent pas. La formation et l’accompagnement des professionnels apparaissent alors comme nécessaires pour permettre une bonne communication. « Il faut être capable de prendre du recul vis-à-vis de la situation de la personne, de renforcer son identité professionnelle et de pouvoir s’appuyer sur un cadre institutionnel clair et suffisamment souple pour s’autoriser quelques marges d’expérimentation », résument les membres du groupe de travail.

Témoignages croisés : Accepter le lâcher-prise

ÉMILIE CAIVEAU, ergothérapeute référente de projet au SAMSAH de L'ADAPT/Gironde à Bordeaux. AMÉLIE BLOIS, accompagnée par L’ADAPT.

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Amélie: J'étais en maison collective. J'ai rencontré mon copain. Et j'ai voulu vivre avec lui. Mais au départ je ne pouvais y aller que le week-end du vendredi soir au dimanche soir. Émilie : Amélie avait besoin d’un accompagnement 24h/24, en raison de troubles cognitifs et comportementaux et de ses antécédents d’épilepsie. Nous étions inquiets, car le samedi matin elle devait rester seule chez son ami. Amélie : Un dimanche j'ai refusé de rentrer à la maison collective, je voulais vivre avec mon homme, faire ma vie comme une personne normale et ne pas avoir

quelqu’un d’extérieur qui vienne chez moi. Il a fallu que je montre que j’en étais capable. Émilie : Les aides nous paraissaient indispensables, même si Amélie les refusait. Nous avons vite réagi pour remettre en place un passage d'aide humaine quotidien. On a fait dans le « plus » avant de réduire vers le « moins » au bout de quelques mois, quand l’équipe d’auxiliaires de vie s’est stabilisée. Notre autre inquiétude était que le couple sortait le soir et allait boire quelques verres. Il nous a fallu effectuer beaucoup de sensibilisation, pour leur faire comprendre le risque que représentaient ces sorties nocturnes.

Amélie : Au début c’était difficile d’avoir quelqu’un chez soi, mais je me suis rendu compte qu’il était nécessaire d’avoir quelqu’un qui m’aide, pour, par exemple, gérer mon argent. Sinon je touchais l’argent le lundi et dès le mardi il n’y en avait plus. Ce n’est pas facile d’accepter d’avoir besoin d’aide. Ils ne doivent pas faire les efforts à notre place. On doit se planter pour s’apercevoir qu’on a besoin d'aide. Émilie : Nous avons pris conscience qu'Amélie était prête. Nous avons compris qu’il était parfois difficile pour les professionnels de lâcher prise : à savoir jusqu’où aller dans la prise de risques et quelle sécurité mettre en place.


EMPOWERMENT :

RÉHABILITER SON POUVOIR D'AGIR Promouvoir des conditions favorables à la prise d'initiative et à l'autonomie optimale des personnes accueillies est une démarche essentielle pour que ces dernières deviennent des acteurs à part entière de leur vie et les moteurs premiers du changement. Né dans le contexte des luttes sociales aux États-Unis au début du XXe siècle, puis des luttes des minorités pour la reconnaissance de leurs droits, le concept d’empowerment a aujourd'hui trouvé sa place dans le champ du handicap. Il désigne un processus de maximisation de son potentiel et de ses ressources par un individu ou par un groupe et vise un développement de l'autonomie et du pouvoir d'agir. Gagner en confiance, renforcer l'estime de soi, affirmer son pouvoir d'action et de transformation de sa vie... autant de choses qui prennent une importance toute particulière dans le cas de personnes fragilisées par les épreuves et parfois assignées à des formes de dépendance pensées à tort comme inévitables par elles-mêmes, ainsi que par leur entourage ou les professionnels. Santé, choix professionnels, vie familiale, inclusion citoyenne... ce sont tous les domaines de la vie qui peuvent se trouver impactés positivement par cette dynamique d'émancipation personnelle, pour peu que celle-ci soit encouragée. Car aucune capacité n'existe sans un environnement favorable. C'est pourquoi renforcer le pilotage de leur parcours par les individus eux-mêmes est un principe éthique fort sur lequel s'appuie chacune des missions et des actions de L'ADAPT. « Fais ce que tu peux avec les moyens que tu as », déclarait déjà Suzanne Fouché au début du siècle dernier. C'est dans cette droite ligne que s'inscrivent la plupart des pratiques d'empowerment existant aujourd'hui dans l'association. Cellesci méritent plus que jamais d'être valorisées et développées.

RÉUNIR LES CONDITIONS DU CHANGEMENT Comme tout processus visant à l’émancipation de l’individu, l’empowerment requiert certaines conditions pour pouvoir se déployer, au premier rang desquelles le désir et la motivation de la personne à s’y engager. D'autres critères, comme les capacités psychiques ou cognitives, l'acceptation et la prise en compte de son propre handicap ou le niveau de confiance en soi constitueront également, selon les cas, des freins ou des atouts pour la personne concernée. De même que le contexte (institutionnel, réglementaire ou bien familial) pourra encourager ou, au contraire, inhiber l’initiative et l’action. Aussi s'agira-t-il pour la personne de choisir le bon moment, autrement dit de se sentir prête, car c’est à cette condition qu’elle sera le mieux à même de se servir de son expérience de vie, de s’autoriser à expérimenter et d’identifier des stratégies d’action pour atteindre [...] l’objectif qu’elle a défini. LES CAHIERS DE L'ADAPT #177

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[...]

Tout un processus... Avant de pouvoir s’engager dans l’action ou de décider de la stratégie à mettre en place, la personne doit déjà avoir pris conscience en amont de sa capacité à prendre des décisions, à formuler des souhaits et à déterminer des objectifs. Ici, l’échange et la collaboration avec des tiers-aidants (professionnels, entourage personnel, pair-émulateurs) permettront d’encourager la confiance dans son potentiel, de consolider le sentiment de légitimité à faire ses propres choix et, bien sûr, de soutenir les initiatives. Les différentes étapes du processus (cf. schéma) peuvent être plus ou moins longues et imbriquées les unes dans les autres selon la situation et l’histoire des personnes. En outre, leur enchaînement n’est ni mécanique ni immuable, ce qui n’empêche en rien de reprendre le processus à tout moment.

Evaluer le niveau de satisfaction

Atteindre une nouvelle conscience de sa réalité

S’engager dans l’action

Développer les conditions requises (autonomie, environnement)

Décider de l’action à mener

Développer une conscience de sa capacité à prendre des décisions

Avoir un désir de changement, un souhait déterminé

Développer une conscience de sa réalité (propre & contexte)

INTERVIEW

Les enjeux de l’empowerment

TÉMOIGNAGE

ÈVE GARDIEN, sociologue, maître de conférences à l’université Rennes 2

L’empowerment est un concept avec une histoire complexe et une multitude d’usages. Mais quelle que soit la définition que l’on en retient, il renvoie à un processus qui tend vers plus de capacité et de pouvoir d’action pour un individu ou pour un groupe. L’empowerment a partie liée avec les questions de pouvoir, de reconnaissance, d’estime de soi et de consolidation du sentiment de « légitimité à » (à dire, à choisir, à faire). C’est un processus dynamique qui engage à la fois la personne et son environnement, les deux étant toujours étroitement imbriqués : de même qu’on ne « s’empowermente » pas seul, on « n’empowermente » pas quelqu’un... Derrière la P18

question de l’empowerment se dessinent deux enjeux essentiels. D’une part celui d’une meilleure qualité de vie, qui passe en partie par le fait de développer son potentiel d’action et d’avoir davantage prise sur son environnement. D’autre part, l’enjeu de la participation à la société, par le fait d’être en relation, de donner un sens à sa vie, d’être un acteur à part entière. L’empowerment nécessite des postures professionnelles spécifiques, fondées sur l’aspiration et les besoins des personnes. Il peut en outre se nourrir du transfert de savoirs expérientiels, comme par exemple, dans le cas de l’émulation entre pairs.

“Gagner la liberté de choisir, d’essayer et de réussir...”

GÉRALDINE BAUDOUIN, ancienne stagiaire du centre de L'ADAPT de Saint-Saturnin. « Quand on vous dit à 38 ans ‘‘ vous êtes malade ’’, on a le sentiment que des portes se ferment. Au début, j’étais résignée et me suis dit “ bon, je vais être secrétaire ”, même si ça ne correspondait pas à mes envies. Mais les professionnels de L’ADAPT m’ont laissé faire, m'ont encouragée à explorer différentes possibilités, à faire mes choix toute seule. J’ai voulu suivre une formation d’agent d’entretien du bâtiment, un projet un peu fou parce que ça voulait dire être une femme dans un métier d’homme, qui plus est

sur un travail très manuel. Mais ils ont su me rassurer sur le fait que ce n’était pas incompatible avec mon handicap. Aujourd’hui, j’ai fini la formation et j’exerce ce nouveau métier que j'aime, ce qui me rend très heureuse et me permet d’oublier la maladie. Quand on sait qui on est, ce qu’on vaut et qu’on arrive à décider ce qu’on veut, alors rien ne nous arrête ! Aujourd’hui, j’aimerais bien intervenir en pré-orientation pour aider d’autres gens à être des combattants et les contaminer avec cette bonne énergie. »


{ L’EMPOWERMENT : RÉHABILITER SON POUVOIR D'AGIR

L’entraide mutuelle Le processus d’empowerment est une dynamique qui engage à la fois l’individu et son environnement. Le soutien entre pairs jouera ici un rôle de facilitation que les professionnels ont tout intérêt à encourager. Ayant vécu des situations analogues, les pairs disposent d’une crédibilité particulière, un capital confiance associé à leur expérience par le vécu. Ils incarnent en outre, par leur trajectoire et leurs réussites, une preuve par l’exemple qui ouvre des perspectives, élargit le spectre des possibles et peut donner espoir et confiance aux personnes accueillies. Il existe de multiples formes ou appellations pour ce soutien et cette aide entre pairs, des plus spontanées et informelles aux plus standardisées, avec ou sans la présence de tiers (professionnels, personne ressource, entourage). À titre d'exemple, on parlera de « support mutuel » ou « d’entraide mutuelle » pour désigner des groupes se retrouvant pour échanger sur leurs expériences. Les notions de « pairaccompagnement » ou de « pair-émulation » renverront quant à elles à des pratiques d’accompagnement par des pairs ayant souvent suivi une formation. Le concept de « pair-aidance », issu du champ de la santé mentale fera, lui, référence à des personnes ayant atteint une capacité à vivre au quotidien avec leur handicap et recrutées à ce titre au sein des structures institutionnelles. Si les formes d’entraide mutuelle diffèrent, le principe fondamental reste le même et a fait ses preuves. Certaines questions sur les contours du cadre d’intervention restent néanmoins aujourd’hui en suspens, notamment concernant l’enjeu de la formation des pairs et de leur éventuelle professionnalisation. [...] INTERVIEW

La pairémulation©

JEAN-LUC SIMON, président du Groupement français des personnes handicapées.

La pairémulation désigne, selon le GFPH, « la transmission de l’expérience par les personnes handicapées autonomes, pour les personnes handicapées en recherche de plus d’autonomie, avec le but de renforcer la conscience des personnes handicapées sur leurs possibilités, leurs droits et leurs devoirs ». Fort de son vécu du handicap et de l’expérience qu’il a pu accumuler dans son parcours de vie, le pairémulateur va partager les solutions qu’il a lui-même trouvées et mises en place, inspirant ainsi celui ou celle avec qui il est en contact.

Comment, par exemple, dans le cas du handicap moteur ou sensoriel, se libérer des contraintes imposées par la déficience ou par l’environnement ? Comment surmonter les obstacles ou les contourner, comment identifier les aides techniques ou humaines appropriées et surtout, pouvoir garder le contrôle sur cette aide ? Pairémulateur, c’est à la fois plus et moins qu’une profession : c’est une fonction sociale de défricheur et une activité citoyenne et militante qui profite à tous.

LES CAHIERS DE L'ADAPT #177

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INTERVIEW

La personne ressource

DOMINIQUE TABAC, éducateur et personne ressource aux Papillons blancs d’Épernay

[...]

Faire bouger les postures, une intention partagée Favoriser l’empowerment implique de faire évoluer les postures tant des professionnels que des personnes accueillies. Du côté des professionnels, c’est toute une nouvelle culture de l’accompagnement qu’il convient d’instaurer et d’encourager : une posture dite « en creux », que la sociologue Ève Gardien décrit comme le fait d’être à la disposition des personnes handicapées pour qu’elles s’organisent et prennent leurs décisions, de leur apporter des moyens, mais sans prendre aucune décision à leur place. Ne pas présumer une incapacité et ne pas favoriser des phénomènes de dépendance sont dès lors essentiels pour que la personne révèle toutes ses capacités. C'est ce qu'explique Brice, un ancien stagiaire de l'UEROS de Lyon : « C'est un processus qui vient de soi, qui s'étaye sur la confiance en soi et celle accordée par les autres. L'équipe de L'ADAPT me disait “ c'est vous qui décidez ”. Alors il faut se lancer pour reprendre les rênes, ne plus laisser décider à sa place ». Les « personnes ressources ou facilitantes » doivent entretenir une attitude de coopération maximale au quotidien, ce qui ne signifie pas pour autant de renoncer à sa place ni à certaines missions d’éducation, en particuliers vis-à-vis des mineurs. En définitive, le processus d’empowerment nécessite, en même temps qu’il révèle, les interactions qui lient usagers et professionnels. Comme le résume Marie-Hélène Bacqué (sociologue et urbaniste), cette relation repose « sur une collaboration, une alliance dans une réciprocité d’efforts, d’idées, de ressources et de respect ».

La personne ressource est à la fois une fonction et un type de posture. La fonction consiste à faciliter l’autoreprésentation dans des situations comme la prise de parole, les recours juridiques ou bien l’accès au vote notamment. Toutes ces choses entrent dans les attributions de la personne ressource pour laquelle, précisons-le, il n’y a pas de formation ou de référentiel métier aujourd’hui en France. Plus généralement, être une personne ressource correspond à une posture particulière dans la relation à la personne en situation de handicap. C’est une

TÉMOIGNAGES

“Être pair-aidant, cela ne s’apprend pas... et pourtant... ”

BRICE NEGRI,

CATHERINE SABLIÈRE,

en internat à Cambrai.

ancienne stagiaire, bénévole à Lyon.

« Grâce à mon expérience, je me sens prêt à être tuteur, en aidant les nouveaux à prendre le rythme. Je suis passé par la même chose, j’ai avancé et maintenant je peux transmettre, notamment en posant les bonnes questions pour que l’autre ‘‘ s’autocorrige ’’. On ne naît pas pair-aidant, ça dépend de son caractère, de son vécu et de sa maturité. C’est quelque chose de spontané, pas un métier. »

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posture d’accompagnement faite à la fois de retrait et de soutien. Cette idée doit animer tous les professionnels dans le champ du handicap aujourd’hui, afin d’encourager l’auto-détermination des besoins, qu’il s’agisse de santé, de choix de lieu de vie ou d’accès aux loisirs. Dans la pratique, les professionnels décident encore trop souvent à la place des personnes, raison pour laquelle les Papillons blancs Épernay proposent notamment une formation à destination des professionnels sur le thème des « pratiques inclusives ».

« Quand je suis passée par la pré-orientation, on me sollicitait souvent pour des conseils. Maintenant que je suis bénévole, j’aide pour les démarches, la préparation d’entretiens d’embauche, etc. Je n’ai pas de formation et parfois j’ai peur d’être maladroite sans le savoir, par manque de connaissance. Mais je vois aussi que, de ne pas être professionnelle, ça change la nature des échanges, on me confie plus de choses... Peut-être que des séances d’échange sur nos pratiques entre intervenants aideraient à apaiser ce genre d’inquiétudes. »


ÉDUCATION À LA SANTÉ : MIEUX PRENDRE SOIN DE SOI

Contribuer à améliorer la qualité de vie et l'autonomie des personnes en situation de handicap suppose de prendre en compte leur état de santé physique et psychologique. Comprendre leurs comportements de santé et tenter de les modifier par la transmission de connaissances et de savoirfaire sur la santé est à cet égard primordial.

Certains comportements quotidiens concourent à l'aggravation du handicap ou peuvent faciliter l'apparition de nouvelles maladies, créant par là-même de nouvelles incapacités nuisibles à la qualité de vie. Ainsi en est-il par exemple des pratiques addictives pour les personnes cérébrolésées, des mauvaises pratiques nutritionnelles pour les personnes insulinodépendantes, de l'hygiène corporelle pour les personnes brûlées ou de la prise de poids pour les personnes en situation de handicap physique. Dans ce contexte, l'éducation à la santé consiste à accompagner la personne dans les modifications de ses comportements afin qu'elle puisse atteindre un bien-être maximal au regard de ses projets de vie. L'accompagner, c'est d'une part lui transmettre un certain nombre d'informations, car de nombreux comportements délétères naissent ou se maintiennent par simple méconnaissance des impacts qu'ils peuvent avoir à moyen ou long terme sur la qualité de vie. Mais c'est aussi lui proposer des dispositifs de soutien pour qu'elle puisse s'engager dans une dynamique de reprise en main ou d'autonomisation, que le vécu du handicap a pu temporairement hypothéquer. [...]

De l’éducation thérapeutique à l’éducation à la santé L’éducation thérapeutique s’adresse aux patients pour les aider à vivre au quotidien avec leur maladie ou leur handicap. Leur transmettre des informations médicales pertinentes et leur permettre ainsi de développer une familiarité avec leur handicap, ou d’apprivoiser leur maladie chronique, sont en effet des étapes majeures pour qu’ils puissent se prendre en charge. Ceci rejaillit positivement sur leur qualité de vie et est vecteur d’inclusion sociale. L’éducation à la santé répond quant à elle à un objectif plus transversal, mais non moins important : faire en sorte que les usagers, affectés d’une manière ou d’une autre par des restrictions de capacités, envisagent leur bien-être comme un tout interdépendant (dans lequel le handicap ne constitue qu’une dimension) et sur lequel ils peuvent agir au quotidien. Nutrition, activité physique, hygiène de vie... La conscience de ces interdépendances et l’apprentissage de leviers d’action à mobiliser pour aller mieux sont autant d’outils pour être un acteur de sa vie à part entière. Ne plus être dépossédé de son corps, se le réapproprier comme un projet qui ne se réduit pas au seul handicap, cheminer vers un bien-être choisi, voilà les objectifs de l’éducation à la santé.

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Une approche globale de la santé à l’heure des maladies chroniques Cette éducation à la santé peut prendre des formes variées. En cela c'est bien d'hygiène de vie, au sens le plus général du terme, dont il est question pour L'ADAPT : reprise d'une activité physique, bons choix alimentaires, hygiène corporelle ou même soin vestimentaire sont autant de facteurs qui pourront participer, par exemple, à la remobilisation de personnes parfois fragilisées, atteintes dans leur corps ou rencontrant des difficultés sociales. Pris ensemble, tous ces éléments, parfois perçus à tort comme périphériques, sont pourtant essentiels à la vie en communauté. Ils contribuent en cela aussi à la qualité de vie, atténuant les processus de désinsertion, d'isolement ou de lâcher-prise parfois consécutifs au handicap. La question de l'accompagnement à la santé prend une importance toute particulière dans une société de plus en plus confrontée aux maladies chroniques. Le temps de la maladie, et donc du soin, est de moins en moins circonscrit à un « évènement » isolé, et engage de plus en plus notre quotidien au long cours. Vieillissement de la population, dépendance, pathologies liées à des comportements à risque... Ces différents problèmes accroissent la vulnérabilité des personnes en situation de handicap lorsqu'elles y sont confrontées et rendent plus difficile leur accès au soin. L'éducation et l'accompagnement à la santé sont, de fait, devenus des priorités politiques aujourd'hui, la prévention étant perçue comme un enjeu majeur pour la pérennité de notre système de solidarité. Ceci devrait se traduire notamment dans la nouvelle loi de santé 2015 par un plan national de prévention, dont les objectifs se déclinent à l'échelle locale par le biais des Agences régionales de santé. De nouvelles possibilités de financements émergent ainsi, facilitant le recours à des professionnels externes pour enrichir de nouvelles compétences et les mobiliser lors de projets transversaux ambitieux.

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TÉMOIGNAGE

LÉA LEMOND, 14 ans, a suivi un programme d’éducation à la santé autour du thème de l’obésité. « Le programme a duré quatre mois et on se voyait plusieurs fois par semaine avec la kiné, la coach sportive ou la diététicienne. On a parlé des problèmes de santé que pouvait engendrer l’obésité, des questions d’alimentation et d’exercice physique... On nous a donné beaucoup de conseils sur comment manger équilibré : par exemple on peut manger des choses sucrées mais pas trop souvent, ou bien si un jour on mange un sandwich, c’est mieux d’avoir des légumes à côté, ou alors s’il n’y a pas de légumes on prend des fruits à la place... On avait un carnet pour noter au fur et à mesure ce qu’on mangeait et

après on en reparlait... du coup on mettait les choses en place plus facilement. Il y a des choses que je ne savais pas et que j’ai apprises. Ça m’a été très utile. On avait deux heures de sport ensemble par jour pendant le programme. On nous a expliqué par exemple qu’il fallait faire une heure de sport par jour, en nous montrant des exercices qu’on pourrait refaire après le programme, en nous expliquant qu’on pouvait diviser l’activité en plusieurs tranches de 15 minutes... Après, bien sûr, il faut mettre ça en place et chacun fait son propre chemin. Moi je sais qu’il y a beaucoup de choses que j’ai utilisées depuis. »


Donner un sens à ses pratiques quotidiennes Savoir quoi faire pour sa santé est une chose. Savoir pourquoi on le fait en est une autre. En effet, dans la situation de handicap, la perception que l'on a de soi et de sa santé est capitale pour donner un sens à son action, et donc pouvoir la pérenniser. Les outils de mobilisation vers l'autonomie sont donc variés, à l'instar des différents déterminants qui influencent nos comportements de santé. Ces déterminants sont d'abord liés à la personne elle-même : les facteurs socio-éducatifs et psychologiques (optimisme, sentiment d'isolement), cognitifs (observance des traitements) ou comportementaux (habitudes alimentaires, sédentarité, pratiques addictives) éventuellement modifiés par l'impact d'une pathologie. La notion même d'un « capital santé » que l’on peut faire fructifier à long terme ou, au contraire, qu’on aura tendance à dilapider, n'aura pas la même signification selon la perception que l'on a de ses pratiques, de sa santé ou même de sa philosophie de vie au sens large.

De ce point de vue, chaque âge de la vie amène avec lui des attentes, des types de conduite, des niveaux de compréhension et de responsabilité ou d'autonomie différenciés. L'environnement dans lequel évolue la personne aura également un impact majeur. Son environnement physique tout d'abord, comme son lieu de domicile ou bien son niveau de ressources financières, impacteront ses possibilités d'accès à la santé (proximité et coût d'activité de loisirs, qualité de l'alimentation). Mais également son environnement socioculturel, puisque ses cultures (familiale, religieuse ou sociale) influenceront de manière notable ses rythmes de vie, sa conception de la vie affective ou même le rapport général qu'elle entretient à son corps. [...]

INTERVIEW

THIERRY AWNER, animateur du groupe Éducation à la santé de la Commission mixte « Prendre Soin ».

Lorsqu’il a commencé à se réunir et à mettre en commun l’expérience des différents acteurs de terrain de l’association, le groupe Éducation à la santé a rapidement fait un constat. Tandis que l’éducation thérapeutique était déjà un domaine très structuré, notamment via nos centres de rééducation, ce n’était pas encore le cas de l’éducation à la santé, malgré l’existence d’initiatives innovantes. Mais celles-ci étaient souvent individuelles, reposant surtout

sur les intérêts et initiatives personnels de quelques-uns. Il manquait donc des outils, des procédés de formalisation de projets et des équipes structurées pour pouvoir développer et pérenniser ces activités au sein de L’ADAPT. Créer ces outils et pouvoir les faire connaître au sein de l’association, notamment lors des journées Prendre soin, a donc rapidement été pour nous un objectif prioritaire. Ceci, afin que les différents professionnels puissent s’en inspirer, se les

réapproprier et les réutiliser au sein des établissements. Aujourd’hui, si l’éducation thérapeutique continue bien sûr de se développer – avec par exemple plusieurs programmes élaborés récemment, qui doivent être labellisés dans l’année – l’éducation à la santé commence elle aussi à vraiment imprégner notre culture associative et y trouver sa place.

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Un travail collaboratif et transdisciplinaire Enfin, un déterminant majeur de l'éducation à la santé est la dynamique relationnelle instaurée entre la personne handicapée et les professionnels qui l'accompagnent. Les mondes du patient et des soignants doivent ainsi pouvoir se rejoindre pour poser les bases durables du soin de soi. Ceci implique, pour les professionnels de L’ADAPT, de mobiliser des compétences multiples : techniques d'enseignement, d'écoute active, sollicitation de l'expression de la personne, utilisation des arts, des loisirs ou du sport sont autant de vecteurs de transmission de l'éducation à la santé. Ils impliquent un travail transdisciplinaire, par exemple dans la construction de programmes et d'ateliers collectifs n'engageant pas que les seuls soignants. C'est pourquoi l'utilisation de ressources et partenaires extérieurs est si précieuse au travail de L'ADAPT. Ainsi, des supports éducatifs et des recommandations de bonnes pratiques fournis par l'INPES, les IREPS, la HAS ou l'ANESM sont mis à profit par l'association pour mettre en place des programmes adaptés. Leur élaboration et leur conduite se font aussi en mobilisant l'expertise d'autres acteurs de terrain, qui accompagnent les professionnels de L'ADAPT : socio-esthéticiennes ou professeurs d'actvité physique, associations travaillant sur la problématique de l'addiction (ANPAA) ou de la vie sexuelle et affective (ADES), assistantes sociales de la CARSAT intervenant sur l'aspect social de la santé à moindre coût... C'est grâce à la synergie de tous ces savoir-faire que L'ADAPT entend participer activement à la transmission d'une culture du soin de soi à tous ses usagers, et promouvoir avec eux une approche durable de la santé.

La santé dans nos placards En 2014, s’inspirant de l'expérience de L'ADAPT/ Essonne, les établissements d’Île-de-France ont décidé d’organiser une journée Santé territoriale sur le thème de « la santé dans nos placards ». Fédérant autour d'un thème les personnes accompagnées pour faire un bilan de leur situation dans une dynamique interactive, la journée vise à leur donner les clés qui contribueront à leur bienêtre. Ainsi, le 9 octobre, tous les établissements franciliens ont appréhendé chaque pièce du logement et le contenu du placard qui s'y trouve afin d'initier les bons réflexes. Connaître les aliments de tous les jours et leurs bienfaits, conserver correctement les aliments, utiliser les bons produits d'entretien, se relaxer pour trouver le sommeil, éviter l'automédication, sont des exemples de problématiques abordées.

INTERVIEW

Notre partenariat avec L’ADAPT

VÉRONIQUE MATIP et MARIE-CLAUDE VAUJOUR, assistantes de service social à la CARSAT Rhône-Alpes

Le partenariat que nous avons engagé avec L’ADAPT se concentre sur les deux axes principaux des missions de l’action sociale CARSAT : « l’accès aux droits et aux soins », « la prévention du risque de désinsertion professionnelle liée à la maladie ». Nous nous adressons à un public qui connaît peu le service social de l’Assurance Maladie et vient de fait, rarement jusqu’à nous. Nous le rencontrons grâce à L’ADAPT. Concrètement, notre partenariat s’articule autour d’une coconstruction d’un programme transversal appelé « La santé dans tous ses états », qui décline plusieurs ateliers quatre fois par an. P24

Tout commence par un atelier d’information et d’échanges autour de la prise en compte de la santé dans sa définition la plus large, surtout centré sur la perception des usagers : « qu’est-ce qu’être en bonne santé pour vous ? ». L’atelier suivant vise à favoriser l’accès aux droits et aux soins, notamment pour les personnes ayant peu de ressources financières. « Comment obtenir et choisir une mutuelle ? », « comment trouver des médecins ne pratiquant pas le dépassement d’honoraire ? », « comment utiliser les ressources internet de l’assurance maladie et pour quoi faire ? » sont quelques

questions abordées dans cet atelier. Enfin, nous organisons des ateliers socio-esthétiques et de conseil en image pour travailler sur le soin, la présentation et la valorisation de soi afin de rester intégré dans un espace social et/ou professionnel. Après plus d’un an, nous remarquons que l’impact de ces ateliers est significatif grâce au souci des intervenants de partir du besoin du participant. L’atelier est perçu comme une réponse à la perte d’estime de soi (parfois concomitante à la survenue du handicap) et un soutien dans les projets de reclassement ou d’insertion professionnelle.


CONTINUITÉ ET SÉCURISATION DES PARCOURS : ÉVITER LES RUPTURES, FLUIDIFIER LES PARCOURS Le groupe « Continuité et sécurisation des parcours » a axé ses travaux sur l’identification, voulue aussi exhaustive que possible, des risques de rupture de parcours dans les trajectoires des personnes avec un handicap, que le handicap soit de naissance ou, cas le plus fréquent, qu’il soit acquis au cours de la vie. Pour chaque situation identifiée, le groupe a recherché les réponses existantes ou à imaginer pour sécuriser les parcours de chacun, en particulier lors de moments-clés. Il en ressort notamment des modalités d’articulation ou d’accompagnement originales, un besoin de coordination plus important entre les différents acteurs et dispositifs, la nécessité d’une meilleure connaissance mutuelle inter-secteurs et de coopérations actives. La méthode du groupe de travail a été basée sur l’avancée chronologique des parcours de vie, étudiant donc d’abord les situations marquées par l'existence d’un handicap dès le début de la vie et abordant, chemin faisant, la situation des personnes devenant handicapées en cours de vie. Certaines propositions sont rappelées ici.

Accompagner l’annonce du handicap Que le handicap soit de naissance ou qu’il survienne au cours de la vie, l’accompagnement à l’annonce du diagnostic médical manque parfois. Ainsi, quand il apparaît au début de la vie, « les parents sortant de l’hôpital sont encore trop souvent désemparés, ne sachant vers qui se tourner » rappelle Bruno Pollez, président de la commission « Prendre soin » de L’ADAPT. La formation des acteurs du sanitaire sur les dispositifs d’accompagnement existants est essentielle pour ne pas laisser les personnes et les proches sans perspective ni orientation. D’une manière générale, la formation initiale et continue des médecins aux enjeux du handicap et particulièrement aux diverses offres du secteur médico-social, demeure à enrichir.

Optimiser le parcours scolaire Quand un enfant est en difficulté en milieu scolaire ordinaire (trouble des apprentissages, perturbation du comportement, dyslexie, dyscalculie, dyspraxie), il faut vite s’écarter d’un parcours d’échec, par le dépistage et l’identification d’un besoin particulier d’accompagnement et mobiliser les réponses adaptées. Là encore, des praticiens spécialisés (orthophonistes, psychologues),

un réseau de santé (là où il existe), le recours au secteur médicosocial, la notion de référent handicap dans les établissements scolaires peuvent éviter la poursuite de voies génératrices d’échec. La formation des professionnels de l’Éducation nationale et des auxiliaires de vie scolaire est un préalable nécessaire. Optimiser le parcours scolaire, c’est aussi établir des passerelles entre la scolarité en milieu spécialisé et la scolarité en milieu ordinaire. Les SESSAD et de nombreux établissements portent cette préoccupation de décloisonnement social.

De l’enfant à l’adulte : une transition à bien négocier sur de nombreux plans Pour l’adolescent handicapé, l’entrée dans le monde adulte est marquée par des ruptures sur tous les plans : sanitaire, médicosocial, social, administratif. Le suivi sanitaire riche et organisé pendant toutes les premières années risque d’être interrompu ou appauvri par le passage de la médecine pédiatrique à la médecine adulte à 16 ans, le relais n’étant pas toujours effectif, le suivi spécifique nécessaire, parfois pluridisciplinaire, se dissipant. Parmi les solutions, citons par exemple cette consultation de transition effective préconisée par la Société française de médecine physique et de réadaptation, la mise en œuvre d’un accompagnement pour l'accès aux soins type SAMSAH, ou encore l'instauration effective d'un dossier médical personnalisé informatisé pour les personnes aux besoins de santé spécifiques, de façon à permettre une continuité de l’information qui fait trop souvent défaut. En ce qui concerne les transitions médico-sociales (changement de statut MDPH et de réponses médico-sociales entre 18 et 20 ans), l’absence de solution médico-sociale adaptée à l’âge impose pour certains le recours à l’amendement Creton (maintien dans un établissement pour enfants jusqu’à l’âge de 24 ans). Cette même période fait émerger une pluralité de questions, sociales, professionnelles, familiales : différences d’approches entre les parents et l’équipe médico-sociale, notamment en ce qui concerne l’émancipation du jeune adulte, formation professionnelle, transition entre formation et accès à l’emploi, logement autonome, etc. Des perspectives sont à explorer et à renforcer : ULIS Pro, SESSAD Pro, SAS Pro, SAVS socio-professionnel, ESAT Hors-les-murs pour jeunes, emploi accompagné, CRP, double ou triple orientation MDPH, École des parents, École de la vie autonome... [...] LES CAHIERS DE L'ADAPT #177

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Handicap acquis : travailler la continuité du projet de soins, les relais, les articulations, les « tuilages » Qu’il s’agisse de la découverte d’une maladie invalidante (maladie neurologique paralysante progressive par exemple) ou de la survenue d’un accident (traumatisme crânien, rupture de la moelle épinière ou encore AVC –première cause de handicap acquis), l’entrée dans le handicap survenant au cours de la vie commence souvent par un temps d’hospitalisation. La première rupture de parcours intervient lors de la sortie du monde hospitalier. « En dépit des missions assignées aux services de soins de suite et de réadaptation (SSR), la dynamique de réadaptation, et plus encore la réinsertion des personnes qui gardent des déficiences lourdes, sont difficiles à mener depuis l’intérieur des centres de rééducation », explique Bruno Pollez. Il y a souvent un mauvais transfert dans la « vraie vie » des acquis réalisés pendant le temps SSR, ce qui aboutit à un handicap vécu plus important que ce qui était imaginé. Ce risque de régression fonctionnelle par mauvais transfert des acquis est par exemple renforcé par le fait que, en ville, il n’existe pas d’ergothérapeute soignant (approche complémentaire très utile en réadaptation fonctionnelle concrète et situationnelle) et que la psychothérapie de soutien à la reconstruction du projet de vie n’est pas prise en charge par la Sécurité sociale. Au moment où l’étayage psycho-fonctionnel effectué par le centre de rééducation s’estompe, il n’y a en situation réelle ni toute la pluridisciplinarité nécessaire à la lutte contre le handicap, ni la concertation sanitaire et sociale nécessaire. Cette évolution délétère peut se produire aussi sur le plan sanitaire, « une éducation insuffisante de la personne devenue paraplégique peut entraîner l’apparition d’escarres » explique Bruno Pollez, mais aussi sur le plan psychologique, « il existe des dépressions réactionnelles » rappelle Jean-Marc André, directeur territorial de L’ADAPT/Sud RhôneAlpes Méditerranée : « lors du retour à domicile, on se retrouve moins entouré et la conscience du handicap devient plus aiguë ». Cela peut aboutir à une décompensation de la personne et/ou à l’épuisement des proches-aidants qui ont, eux aussi, besoin d'être accompagnés dans un vrai travail de réadaptation et de relais social. Au-delà même de la réorganisation des charges, dans les cas extrêmes de lésion cérébrale grave, c’est parfois un parent à la personnalité transformée qui revient à la maison, pouvant présenter des troubles du comportement. C’est tout le système familial qui est déstabilisé, précarisé, et qu’il faut accompagner de façon active. Enfin, « il y a encore trop de latence dans l’articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social via la porte d’entrée qu’est la MDPH », ajoute Bruno Pollez. Et le décloisonnement passe aussi par une meilleure articulation avec les MDPH. Par exemple, un bon transfert des informations nécessaires par des dossiers « GEVA compatibles ». Pour toutes ces difficultés de transfert dans la vraie vie des acquis faits en SSR, il est nécessaire de travailler au tuilage des différentes étapes. À cet égard, les « équipes mobiles », qu’elles

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soient sanitaires (SSR Hors-les-murs, apportant momentanément au domicile des compétences de réadaptation qui y manquent, en concertation avec les acteurs libéraux ; ou équipe « Comète » participant à la « démarche précoce d’insertion professionnelle ») ou médico-sociales (SAMSAH) sont précieuses. « La difficulté est aujourd’hui d’ordre administratif et réglementaire. Pourtant au final cette ressource mobile évite des interventions plus lourdes, en permettant qu’il y ait une continuité du projet de soins établi en SSR, mais également du projet de vie », explicite Jean-Marc André. De même, le principe des plateformes multi-services sanitaires et médico-sociaux ambulatoires, « dans lesquelles on crée du lien entre les acteurs pour optimiser la réadaptation de la personne et de ses proches » selon Bruno Pollez, va dans le bon sens ; une solution que la richesse plurisectorielle de L’ADAPT favorise naturellement. Il est indispensable aussi d’accompagner les personnes dans leur réalité, par une concertation interdisciplinaire active avec les acteurs locaux lors de la phase de réadaptation. « Nous obtenons une plus grande efficacité sur le secteur où nous connaissons bien les différents intervenants sanitaires de ville, sociaux, associatifs...» confirme Jean-Marc André.

TÉMOIGNAGE

“Adolescents : anticiper les ruptures dues à l’âge”

BRUNO LEDRU, chef des services socio-éducatif et SASSPro à Cambrai. « Pour favoriser l’inclusion, nous privilégions les classes d'IEM externalisées au sein de l'Éducation nationale, avec un soutien pour éviter que la souffrance de l’apprentissage ne s'ajoute à la souffrance du handicap. Après 16 ans, trois choix sont possibles : une formation qualifiante, BAC pro par exemple, une orientation vers un ESAT avec des stages et un temps d’immersion avec un ergothérapeute pour valider les capacités de travail. Pour les autres, nous proposons une préparation à la vie sociale : apprendre à vivre dans le lieu choisi (FAM, CAJ ou domicile). L’objectif est qu’il n’y ait aucun jeune sans solution après sa sortie de L’ADAPT/Nord.

Il faut préparer la sortie très en amont. Les jeunes handicapés qui sortent des dispositifs à 20 ans doivent être capables de gérer beaucoup d’administratif, ce qu’on ne demande pas aux étudiants de 20 ans sans handicap. D’autre part l’inclusion coince, car il n’y a pas de culture commune entre le droit commun (dont l’Éducation nationale), le sanitaire et le médico-social. Pour pallier cela, nous avons créé un comité d’inclusion pour que chaque acteur prenne conscience des exigences et des contraintes des autres (transport, accueil en permanence, sanctions et confrontations aux règles, rôle des AVS...). »


{ CONTINUITÉ ET SÉCURISATION DES PARCOURS : ÉVITER LES RUPTURES, FLUIDIFIER LES PARCOURS

Chaque professionnel autour du patient peut apporter des informations utiles pour aider à sa progression. « Une aidesoignante ou une auxiliaire de vie qui intervient auprès d’une personne au quotidien dans son cadre de vie détient une mine d’informations importantes pour le kiné ou l’orthophoniste qui rééduque le patient, et inversement », assure Jean-Marc André. Cela suppose donc des échanges et des rencontres régulières, qui n’existent pas. Optimiser la réadaptation fonctionnelle suppose de travailler aussi dans le réel, hors des murs hospitaliers et même parfois dès la rééducation. « Pour une personne cérébrolésée la planification peut devenir plus difficile. Confectionner un repas, par exemple, implique de dresser une liste, d’organiser son parcours de courses, de cuisiner. Cet entraînement doit également se faire en situation réelle, ce que l’on appelle la situation écologique », explique Bruno Pollez.

Emploi Après la survenue du handicap, la prévention de la désinsertion professionnelle doit être active mais une formation peut être nécessaire pour engager un nouveau parcours professionnel. Malgré l’existence des CPO et CRP, l’accès à la formation et à la qualification peut rester malaisé pour les personnes ayant besoin d’une reconversion professionnelle, sans parler de l’accès à l’emploi ensuite. Réorientation professionnelle parfois difficile, offre de rééducation professionnelle limitée et mal répartie sur le territoire, accès difficile aux instituts de formation de droit commun, rendent la construction du parcours chaotique. Même si l’accès à la réadaptation professionnelle double les chances de retrouver un travail, les difficultés perdurent pour les personnes les plus éloignées de l’emploi faute d’accompagnement vers et dans l’emploi (emploi accompagné à développer par exemple). De même, qu’il s’agisse d’un handicap de naissance ou acquis au cours de la vie, les ESAT, dont la vocation initiale était de permettre l’accès au milieu ordinaire, peinent à remplir leur mission. Face à toutes ces situations, L’ADAPT a conçu des innovations, comme la FOAD (en CPO et en CRP), le développement des ESAT Hors-les-murs, le système de parcours croisés (voir encadré page suivante). Ici encore, le fonctionnement en plate-forme multimodales (ESAT/SAVS/CRP/ CAJ) est intéressant. Et l’accompagnement actif des bénévoles du Réseau des Réussites est déterminant.

Permettre l’évolution de la situation sociale par un parcours évolutif avec droit à l’erreur Une rupture dans le parcours de vie peut aussi être liée à un manque de souplesse ou de maillage autour de la personne. Ainsi pourrait-il en être d’une personne qui conserve de lourdes séquelles d’un traumatisme crânien, aux progrès prolongés dans le temps : il y a longtemps, par exemple, que l’équipe de Cénac a permis une fluidité du parcours de réinsertion sociale en créant des appartements thérapeutiques intégrés, avant un passage éventuel en petit habitat collectif mutualisé (les « maisons des 4 »), puis une autonomisation du logement en ville accompagné par un SAMSAH... De même, il faut pouvoir permettre à un résident de FAM, qui en a acquis l’aptitude et le souhaite, de vivre lui aussi une tentative d’insertion par un logement individuel. Encore faut-il reconnaître le droit à l’erreur et la possibilité de réintégrer le FAM en cas de besoin. « Au-delà de la révision du statut MDPH nécessaire pour cette expérience, cela suppose une gestion particulière des places du FAM en lien avec les autorités de tutelle », précise Bruno Pollez. [...]

INTERVIEW

Articulation SSR/MS : travailler en amont

JEAN-MARC ANDRÉ, directeur territorial Sud Rhône-Alpes/Méditerranée

Même si en rééducation, on est le plus souvent concentré sur la phase de limitation des séquelles, c’est dès cette phase de récupération qu’il faut réfléchir au projet de vie, à l’environnement, à la vie sociale, mais aussi à la culture, au sport et au logement, afin que les personnes ne soient pas laissées seules au moment du retour à domicile. L’entourage doit aussi être impliqué. Nous concentrons la rééducation en fonction des objectifs du patient : si l'objectif est le retour au travail, nous axons la rééducation sur ce point

particulier. Si l'objectif est au contraire d’accéder à une vie sportive ou sociale, on travaillera avec les kinés en fonction du sport choisi. On teste ensuite le retour à domicile d’abord un week-end, puis tous les week-ends et enfin une semaine complète. Autre idée forte, la personne doit prendre en compte le fait que l'accompagnement ne sera que temporaire, le temps que les objectifs soient atteints. L’aide est un appui qu’il faut utiliser pour gagner en autonomie.

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Évolution de l’état de santé et avancée en âge La situation de handicap est aussi influencée par l’évolution de l’état de santé, qu’il s’agisse de la progression d’une maladie invalidante inexorable (sclérose latérale amyotrophique, chorée de Huntington...) ou plus communément de l’avancée en âge, souvent marquée par un vieillissement anticipé. Les mesures sociales compensatrices du handicap doivent être révisées pour être adaptées aux besoins sanitaires et sociaux évolutifs de la personne, sans susciter un déracinement, comme le préconise le Rapport Gohet. Certaines déficiences à l’origine de handicaps imposent un suivi spécifique spécialisé (exemple du polyhandicap). La difficulté d’accès aux soins des personnes handicapées, sur les plans tant préventifs que curatifs, est une thématique importante en France, dans les suites du Rapport Jacob. Des conventions de partenariat se mettent en place entre acteurs du sanitaire et acteurs du médico-social, qui sont aussi l’occasion d’acculturations réciproques. L’amélioration de l’accès aux spécialités ou aux offres hospitalières est actuellement une dynamique nationale. L’avancée en âge risque, elle aussi, d’entraîner des ruptures qu’il faut savoir éviter. « Des personnes handicapées vieillissent précocement, pour des raisons bien identifiées selon les déficiences et dans les différentes familles de handicap, explique le Dr Pollez. Alors qu’elles sont encore à un âge de vie active, elles perdent progressivement leur capacité à travailler en ESAT ou à vivre en foyer. Or la place d’une personne quinquagénaire atteinte de trisomie 21 n’est pas dans un EHPAD, mais dans le lieu de vie qu'elle aura choisi avec des moyens additionnels, comme par exemple un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ». Pour faire face à cette situation, des unités de vie pour les personnes handicapées vieillissantes sont également mises en place. Enfin, il y a les fins de vie, les éventuels questionnements bioéthiques quant aux engagements dans des mesures de suppléance de fonctions vitales (Loi Léonetti), et aussi le développement nécessaire de l’accès aux soins palliatifs, conformément à l’étude de l’Observatoire national de la fin de vie. Des réponses se développent, comme l’accès des services d’HAD (hospitalisation à domicile) dans ces substituts de logement que sont les établissements médico-sociaux, permettant davantage aux personnes de pouvoir finir leur vie dans des conditions dignes, apaisées, entourées de leurs proches familles et des équipes qui les accompagnent. Dans la dynamique impulsée par le Rapport Piveteau, « Zéro sans solution », L’ADAPT doit continuer à œuvrer de façon imaginative pour des « parcours » fluides, sans blocage ni ruptures, au service de l’épanouissement et du bien-être physique, mental et social des personnes qu’elle accompagne ! P28

INTERVIEW

Parcours croisés : Ouvrir le champ des possibles

CYRIL BARRANCO, directeur du Centre AFPA Caen/IFS Région Basse-Normandie

Le principe du parcours croisé, proposé par L’AFPA Basse-Normandie et L’ADAPT, est d’intégrer les stagiaires (avec RQTH ndlr) dans des formations de droit commun. Au départ, en 2003, il ne s’agissait que d’un partenariat concernant des formations en électricité. Mais au vu du taux de certification équivalant au droit commun, et d’un taux d’insertion professionnelle identique entre stagiaires handicapés et valides, l’ensemble des formations AFPA (passées de 5 à 50, ndlr) s’est ouvert dès 20092010 aux parcours CRP. Les usagers du CRP se forment

en adaptant le temps de formation et en organisant leur accompagnement médicosocial. En plus de la partie pédagogique, la convention prévoit qu’une quinzaine de lits (hébergement et restauration sur place) soit réservée aux stagiaires de L’ADAPT. Cette offre permet aux bénéficiaires de se former au plus près de chez eux, non seulement à Caen, mais aussi à Coutances, Cherbourg ou Alençon. Cette proximité permet une meilleure sécurisation des parcours, dans le bassin de vie, et la formation de droit commun offre une meilleure intégration.

EMA 91 : accompagner les personnes « sans solution » L’équipe Mobile d’Accompagnement 91 est un dispositif expérimental situé dans l’Essonne, dédié aux personnes en situation de handicap « sans solution adaptée ». « Actuellement, nous accompagnons 61 personnes, dont l’orientation MDPH n’est pas mise en place et qui se retrouvent à domicile sans prise en charge » explique Farah Ayari, la coordinatrice neuropsychologue d’EMA 91. Une action menée par L’ADAPT après un appel à projet de l'ARS qui s'inscrit dans le droit fil du rapport Piveteau « Zéro sans solution ». Saisie par des professionnels, EMA 91 cherche à « évaluer ce qui fait frein à la mise en place de la solution adaptée et collabore avec les différents professionnels déjà présents dans le parcours de la personne. Les explications sont multifactorielles » assure Farah Ayari. Certaines familles sont en grande précarité et ont du mal à s’orienter, d’autres ont des besoins qui ont évolué, d’autres enfin sont sur liste d'attente par manque de place. Les jeunes âgés de 12 à 18 ans avec troubles envahissants du développement (TED) représentent la majorité du public accompagné par EMA 91.


{ REMERCIEMENTS

Un grand merci aux membres de la comission « Prendre Soin » et à tous les participants aux groupes de travail pour leur contribution aux travaux de L’ADAPT. Pour leur participation à ce numéro des Cahiers de L’ADAPT, nous tenons à remercier plus particulièrement : Jean-Marc André, directeur de L’ADAPT/Drôme-Ardèche et directeur territorial de L’ADAPT/Sud Rhône-Alpes/Méditerranée

Frédéric Mesnil, psychomotricien coordinateur du SAMSAH de L’ADAPT/Rhône

Thierry Awner, animateur du groupe Éducation à la santé de la Commission mixte « Prendre soin », directeur adjoint du SSRP Cambrai.

Ségolène Neuville, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, auprès de la ministre des affaires sociales

Cyril Barranco, directeur du centre AFPA Caen/Ifs – Basse-Normandie Émilie Caiveau, ergothérapeute référente de projet au SAMSAH de L'ADAPT/Gironde Martine Carrillon-Couvreur, députée de la Nièvre et présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées Claire Chesseret, psychologue clinicienne au CRP de L’ADAPT/Val-d’Oise Claire Compagnon, inspectrice générale des affaires sociales en Conseil des ministres, auteure de L’An II de la démocratie sanitaire Ève Gardien, sociologue, maître de conférences à l’université Rennes 2 Bruno Gaurier, Conseiller politique auprès du président du Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes Brigitte Huon, vice-présidente de France Alzheimer et maladies apparentées Bruno Ledru, chef des services socio-éducatif et SASS Pro à Cambrai Véronique Matip, assistante de service sociale à la CARSAT Rhône-Alpes

Bruno Pollez, président de la commission « Prendre soin » et administrateur à L’ADAPT Rolande Ribeaucourt, directrice du pôle santé à l’ABEJ solidarité Edwige Richer, médecin MPR, chef de service au centre de rééducation de L’ADAPT/Gironde à Cénac Jean-Luc Simon, président du Groupement français des personnes handicapées Audrey Stervinou, ergothérapeute au SAMSAH de L'ADAPT/Gironde Dominique Tabac, éducateur et personne ressource aux Papillons blancs d’Épernay Montaine Thomasset, chef de service de LOGIS Marie-Claude Vaujour, assistante de service sociale à la CARSAT Rhône-Alpes Et les personnes accompagnées par L’ADAPT qui ont témoigné dans ces pages : Géraldine Baudouin, Amélie Blois, Léa Lemond, Brice Negri, Arnaud Piveteau, Catherine Sablière.

LES CAHIERS DE L'ADAPT #177

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{ SIGLES UTILISÉS

ABEJ

Association baptiste pour l’entraide et la jeunesse

ADES

Association départementale d’éducation pour la santé

AFPA

Association nationale pour la formation professionnelle des adultes

ANESM

Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux

ANPAA

Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie

ARS

Agence régionale de santé

AVS

Auxiliaire de vie scolaire

CAJ

Centre d’accueil de jour

CARSAT Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail

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CAT

Centre d’aide par le travail

CCNE

Comité consultatif national d’éthique

CFHE

Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes

CIDPH

Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées

CNCPH

Conseil national consultatif des personnes handicapées

CNH

Conférence nationale du handicap

CPO

Centre de pré-orientation

CRP

Centre de rééducation professionnelle

EHPAD

Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

EMA

Équipe mobile d’accompagnement

ESAT

Établissement et service d’aide par le travail

FAM

Foyer d’accueil médicalisé

FOAD

Formation ouverte et/ou à distance

GEVA

Guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées

GFPH

Groupement français des personnes handicapées

HAD

Hospitalisation à domicile

HAS

Haute autorité de santé

IEM

Institut d’éducation motrice

INPES

Institut national de prévention et d’éducation pour la santé


{ SIGLES UTILISÉS

IREPS

Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé

LOGIS

Logements groupés individuels avec service

MCRO

Mesure canadienne de rendement occupationnel

MDPH

Maison départementale des personnes handicapées

MS Médico-social OMS

Organisation mondiale de la santé

PCH

Prestation de compensation du handicap

RQTH

Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé

SAMSAH Service d’accompagnement médico-social pour adulte handicapé SAS

Section d’adaptation spécialisée

SASS Pro Service d’accompagnement scolaire, social et professionnel SAVS

Service d’accompagnement à la vie sociale

SESSAD Services d’éducation spéciale et de soins à domicile SSIAD

Service de soins infirmiers à domicile

SSR

Soins de suite et de réadaptation

TC

Traumatisme crânien

TED

Troubles envahissants du développement

UEROS

Unité d’évaluation, de réentraînement et d’orientation sociale et professionnelle

ULIS

Unité localisée pour l’inclusion scolaire

Les cahiers de L’ADAPT N° 177 - 2 semestre 2015 e

L'ADAPT Siège Tour Essor - 14 rue Scandicci 93508 Pantin Cedex

Directeur de la publication : Emmanuel Constans Rédacteur en chef : Bruno Pollez et Valérie Paparelle Coordination éditoriale : Cyrielle Claverie Coordination maquette : Mickaël Pourtier Comité éditorial : Comission mixte « Prendre soin » et les quatre groupes de travail thématiques Rédaction : Christophe Courau, Arnaud Lerch Mise en page : Commu-Nico Impression : Chauveau imprimerie

Commission paritaire : n°52-562 Parution trimestrielle : ISSN 0182-5437 Dépôt légal : 2e semestre 2015 Crédits photos : Gilles Thiercelin, Cédric Uebersax, L’ADAPT.


L’ADAPT Siège social Tour Essor, 14 rue Scandicci, 93508 Pantin Cedex Tél. : 01 48 10 12 45 / Fax : 01 48 10 12 44 contact@ladapt.net


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