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Nos pompiers en Californie

Par Ann-Julie Lévesque

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À l’automne dernier, alors que la Californie était ravagée par des feux de forêt d’ampleur phénoménale, les pompiers québécois de la SOPFEU ont été sollicités pour apporter de l’aide à leurs homologues américains. C’est le cas de trois étudiants de la faculté, soit David Normandeau, étudiant de 3e année en opérations forestières, Jeanne BellavanceMorin et Frédéric Brunet, tous deux étudiants de 3e année en aménagement et environnement forestiers. Ces incroyables pompiers ont accepté de partager leur expérience inédite avec le Jaseur Boréal, pour notre plus grand plaisir.

1. Comment s’est présentée l’opportunité d’aller combattre les feux de forêt en

Californie ?

DAVID En étant pompier forestier au sein de la SOPFEU, lorsque des provinces ou des pays extérieurs demandent de l’aide, le Québec répond à ces demandes selon sa disponibilité. Cette année, lorsque la Californie a demandé de l’aide, la saison des feux du Québec était terminée et nous avons donc eu la possibilité de donner notre disponibilité pour un éventuel départ. Deux départs ont finalement eu lieu. Pour ma part, j’ai eu la chance d’être sur le deuxième départ, car j’étais en voyage lors du premier.

2. À quoi ressemblait la situation à votre arrivée (nombre d’effectifs, ressources déployées, ampleur du feu, etc.)?

DAVID Un départ dans une autre province se fait en sections de 20 pompiers. Le deuxième départ était le jeudi 17 septembre et en direction de Plumas National Forest. Le feu était à 30 % contrôlé, il restait donc encore plusieurs secteurs en activité et beaucoup de travail à faire. Nous restions en « bulle » à proximité des camps montés pour lutter contre le feu. Nous avions chacun nos tentes et une roulotte pour nous laver. Le feu a été considéré comme contenu uniquement le 3 décembre 2020 avec un total de 129 000 ha brûlés.

JEANNE ET FRÉDÉRIC Frédéric et moi avons pris part au premier envoi de pompiers canadiens en Californie; 60 Québécois ont été envoyés lors de ce départ. À ce moment-là, les ressources américaines travaillaient déjà depuis de longs mois et étaient exténuées. L’été 2020 a été le plus dévastateur de l’histoire contemporaine des États-Unis au niveau des feux de forêt; 1,7 million d’hectares ont été brûlés, soit environ 1000 fois la superficie du campus de l’Université Laval. Cinq des plus gros feux jamais documentés ont eu lieu cet été en Californie. Frédéric et moi avons travaillé sur le North Complex Fire dans le nord de l’État. Celui-ci a brûlé 129 068 hectares et a fait 16 morts, devenant ainsi le feu le plus mortel de la saison.

3. Comment s’est déroulé votre quotidien lors de cette mission ?

DAVID En commençant par un accueil digne de films tenant fidélité aux Américains, nous avons eu deux jours de formation où nous avons vu comment utiliser les techniques de combat des incendies de la région et quelles étaient les mesures d’urgence telles que l’utilisation du « Fire Shelter ». Les journées commençaient par un déjeuner à 5h30 le matin, suivi d’un briefing sur les conditions et responsabilités de la journée. Une fois le briefing écouté, nous partions sur la partie du feu qui nous était attitrée. Notre rôle variait entre patrouille, nettoyage en bordure des lignes d’arrêt mécanisées, extinction finale de secteur et support pour les équipes de brûlage (Hotshots).

Vers 18h nous revenions à notre campement pour souper et finalement retourner dans nos tentes pour être prêts pour le lendemain. La moyenne du nombre d’heures par jour était de 13h.

JEANNE ET FRÉDÉRIC Un campement temporaire avait été mis sur pied à Quincy pour les pompiers canadiens pour limiter les contacts avec les pompiers américains dû à la covid. Le réveil avait lieu vers 5h, pour avoir le temps de déjeuner et démonter nos tentes avant le briefing matinal de 6h. Nous partions ensuite vers notre section de travail du feu. Une de nos tâches principales sur le feu était l’extinction de points chauds à l’aide d’outils manuels. Nous avons aussi éclairci certaines portions de forêt pour permettre un futur brûlage contrôlé réalisé par les « hotshots » américains, soit les équipes de pompiers les plus expérimentées. Certaines maisons ont aussi été préparées pour l’arrivée du feu pour limiter les dommages sur cellesci. Le combustible (arbustes, meubles de jardin, décorations en bois, etc) entourant la maison était éloigné de celle-ci pour limiter l’intensité de l’incendie à proximité de la maison. Le retour vers le campement se faisait vers 6h. Nos soirées étaient consacrées à la préparation du matériel pour le lendemain ainsi que douches, bouffe, dodo tôt! Ainsi de suite pendant 14 jours!

4. Quel a été votre meilleur moment lors de cette expérience ?

DAVID L’un de nos secteurs lorsque nous aidions les Hotshots pour faire un brûlage sécuritaire était directement sur la Pacific Crest trail, un sentier très connu qui était de toute beauté. Triste à voir brûler, mais le spectacle et l’ambiance étaient uniques.

JEANNE ET FRÉDÉRIC C’était sans doute lorsque nous travaillions sur de la préparation de brûlage avec un handcrew américain qui provenait de l’Oregon. C’était super intéressant d’en apprendre sur leurs techniques de travail, mais surtout de simplement pouvoir échanger avec eux. On était souvent isolés des Américains étant donné la pandémie, alors les rares occasions qu’on a pu parler aux Américains étaient les meilleurs moments lors du voyage. DAVID L’expérience était incroyable du début à la fin. Un moment tannant était lors de notre 2e journée sur le feu lorsque les Hotshots avaient grand besoin de notre aide pour continuer un brûlage et où nous avons dû partir à 18h30, car sinon nous allions dépasser nos heures convenues par la SOPFEU. Nous avions l’impression d’abandonner l’équipe américaine qui était encore loin de terminer sa journée. Nous avons immédiatement vu que les conditions de travail des pompiers forestiers aux États-Unis étaient différentes des nôtres, nous qui étions présents en tant que support. Des équipes étaient 24h/24h sur les feux.

JEANNE ET FRÉDÉRIC Pour ma part, la plus grande difficulté a surtout été de constater l’ampleur de l’impact des feux de forêt chez nos voisins du sud. Au Québec, on est surtout habitués de voir de l’épinette noire brûlée, alors que les feux sont souvent situés en zones peu habitées. Ce n’est pas du tout la réalité en Californie, alors que ceux-ci impactent grandement la vie des gens de la communauté. Le feu sur lequel nous travaillions a détruit plus de 2400 maisons et a tué 16 personnes à lui seul.

6. Quelques photos à nous partager ?

@ David

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@ Jeanne et Frédéric @ Jeanne et Frédéric @ Jeanne et Frédéric

@ Jeanne et Frédéric

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