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TEXTILES D’AFRIQUE ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ

musée industriel de la Corderie Vallois


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L’IMPRESSION Les étoffes imprimées de manière artisanale semblent les productions africaines les moins connues. Bien qu’elles soient peu répandues, elles sont particulièrement intéressantes pour leur réappropriation de matériaux industriels.

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L’ADINKRA

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Le seul procédé d’impression d’origine ouest africaine paraît être celui de l’adinkra. Son histoire révèle son origine abron et sa diffusion chez le peuple ashanti. Son mode de fabrication, la symbolique de ses motifs et la variété de ses supports reflètent un ancrage culturel très marqué mais aussi en pleine mutation. L’HISTOIRE

La préparation de l’aduru, la matière noire à base d’écorce qui sert au tracé des motifs d’adinkra. 2 ●

L’artisan commence par tracer avec un peigne des lignes horizontales sur du basin de couleur étalé sur une estrade molletonnée.

Cette technique originaire de Côte-d’Ivoire a été élaborée au début du XIXe siècle par le chef abron des Gyaman, appelé Nana Kwadwo Adinkra. Sa puissance et son orgueil l’amenèrent à défier le roi ashanti Osséi Bonsu en copiant son trône, c’est-à-dire le tabouret

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Des lignes verticales viennent croiser perpendiculairement les lignes horizontales, pour former des cases.

royal. Il rétorqua en lui déclarant la guerre. Nana Kwadwo Adinkra partit au combat en arborant son étoffe éponyme, et fut tué. Son fils fut capturé, et pendant son service à la cour du roi ashanti, il transmit la méthode de décoration textile de son père. Aujourd’hui, l’adinkra est porté par les populations ivoiriennes du groupe akan qui l’appellent « adingra », mais c’est surtout

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Dans chaque case, Oteng Boafo imprime un motif à l’aide d’un tampon. Il combine trois dessins différents : fofoo, symbole de jalousie ; dwannimen, symbole de force cachée, et asaase tokuro, le fin fond de la terre.

parmi les Ashanti du Ghana que son rôle et sa production se sont 5 ●

étendus. En lien avec le contexte funeste de sa transmission, ou de par sa signification étymologique (adinkra signifiant « dire adieu »), l’adinkra s’est imposé comme un tissu de deuil, revêtu lors de funérailles. LES ÉTAPES DU TRAVAIL La décoration des adinkra est un travail masculin, parce qu’il est effectué dans une posture accroupie jugée indécente pour les femmes. Le tissu à imprimer est étalé sur une longue estrade recouverte d’un molleton. L’adinkra se caractérise par ses motifs noirs, réalisés à partir des écorces d’un palétuvier appelé localement badie. Une fois chauffées, celles-ci se transforment en une matière épaisse, visqueuse et brillante comme le goudron, dénommée aduru.

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Une fois qu’une partie de l’étoffe a été imprimée, l’artisan déplace le tissu pour continuer son ouvrage sur la partie vierge.


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Les étapes de réalisation de l’adinkra dans l’atelier d’Oteng Boafo à Ntonso. Ghana.

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L’emplacement des motifs imprimés est ordonné par le tracé

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préalable de plusieurs grandes rayures. Il s’agit de lignes pa-

Adinkrahene : le chef des adinkra.

rallèles exécutées à l’aide d’un peigne aux dents espacées d’un centimètre. Certains adinkra sont organisés par de simples rayures longitudinales, et d’autres par des cases. Les tracés quadrillés sont parfois effectués en binômes. Le premier artisan

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Donno ntoaso : le double tambour. 3 ●

réalise les lignes parallèles sur une partie du tissu équivalente

Gye Nyame : symbole de l’omnipotence de Dieu.

à la longueur de balayage de son bras, et pendant qu’il les pro-

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longe sur la droite, un autre artisan commence à faire les lignes

Ntesie-mate masie : symbole de sagesse et de connaissance.

verticales sur cette partie rayée. L’impression se fait à l’aide de petits tampons découpés dans de la calebasse. Cette cucurbitacée de forme sphérique ne donne pas des tampons à base plate, et l’artisan les enfonce dans le support molletonné en les faisant légèrement pivoter pour transférer la totalité du dessin.

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Sumsum : l’âme. 6 ●

Afena : symbole de bravoure. 7 ●

Akoma ntoaso : symbole d’accord mutuel. 8 ●

Kodee mmowerewa : les serres de l’aigle.

LA SYMBOLIQUE DES MOTIFS Les représentations des motifs d’adinkra s’inspirent d’événements, d’animaux, d’objets et de plantes. Leur signification les élève au rang de symboles. Le Professeur Ablade Glover a recensé soixante motifs récur-

Tampons d’adinkra découpés dans des morceaux de calebasse.

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Nsaa : symbole de qualité et de valeur. 10 ●

rents dans les années 1970. Ce répertoire constitue une base

Osrane ne nsoromma : symbole de fidélité.

très intéressante pour étudier la production actuelle, qui se ca-

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duction de ces idéogrammes ; leur déclinaison dans des varia-

Sankofa : on peut toujours revenir sur ses actions et réparer ses erreurs.

tions et des déformations légères ; la créativité, qui se traduit

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par l’invention de nouveaux tampons.

Sepow : symbole d’anticipation et de protection.

ractérise par trois aspects : la continuité, c’est-à-dire la repro-

Ce phénomène est révélateur de la place de l’artisan à qui l’on transmet un savoir depuis des générations, et qui n’est pas seulement un relais mais aussi un acteur, un créateur qui participe, à travers son savoir-faire, à proposer sa vision du monde, sa part de sagesse. La fierté de l’artisan s’accroît lorsque ses motifs sont copiés par d’autres, et deviennent incorporés à part entière dans le glossaire collectif des symboles d’adinkra. Un adinkra peut combiner un ou plusieurs motifs. Il ne semble

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Osrane : symbole de patience. 14 ●

Pa gya : symbolise la guerre.


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pas y avoir de règle stricte dans le choix de leur association. En revanche, deux tampons présentent un usage particulier. Le motif de cercles concentriques « adinkrahene » est considéré comme « le roi de l’adinkra ». C’est le seul tampon dont l’impression sur le tissu vierge précède et guide le tracé des lignes reliant les motifs. « Donno ntoaso », le double tamtam, est toujours aligné entre

Adinkra sur simple toile. Le motif circulaire de l’adinkrahene sert à ordonner le tracé des lignes. 2 ●

Adinkra sur simple toile. 3 ●

de frise présente une fonction organisatrice.

Adinkra sur basin rouge. Le rouge constitue une couleur de deuil chez les populations ashanti.

Il y a en fait trois catégories de tampons : l’adinkrahene qui est le

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deux bandes rayées, dans les adinkra à grandes cases. Ce motif

seul à organiser totalement la disposition de l’adinkra, les tampons de frise qui rythment les adinkra à grandes cases, et enfin les motifs allégoriques qui forment le message de l’adinkra. Ces symboles expriment la sagesse du peuple ashanti. UNE VARIÉTÉ DE SUPPORTS Si les motifs de l’adinkra lui confèrent une richesse symbolique,

Adinkra imprimé de manière artisanale sur une étoffe industrielle de deuil de l’usine GTMC. 5 ●

Adinkra sur toile simple teinte, décorée de broderies de soie de type nwummu inkué. 6 ●

Les toiles tissées de manière artisanale présentent des motifs

Adinkra sur basin avec décorations tissées. L’impression noire sur tissu noir joue sur les contrastes du mat et du brillant.

bicolores en damier à dominante noire, réalisés en fil de coton

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industriel.

Adinkra sur toile blanche avec décorations tissées.

la diversité de ses supports exprime son grand dynamisme. Il existe aujourd’hui quatre catégories d’étoffes imprimées.

Les étoffes industrielles rassemblent trois types de tissu. – Les toiles simples sont les plus anciennement utilisées. Les Ashanti ont rapidement délaissé les cotonnades écrues en fil artisanal pour travailler sur des draps d’importation. La Adinkra imprimé sur un tissage à carreaux.

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production contemporaine poursuit l’usage de ces écrus, qui sont souvent teints avant l’impression. – Le basin voit sa popularité se transmettre parmi le groupe akan. Ses effets damassés procurent une touche un peu luxueuse et moderne, et accentuent le côté brillant de l’impression de l’aduru. – Les étoffes industrielles imprimées avec des motifs funéraires, qui sont sur-imprimées par les artisans, illustrent le renforcement, par l’acte de l’artisan et le symbolisme des motifs,

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Détail de broderie de soie de type nwummu inkué.


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du message d’accompagnement du défunt. Les étoffes rythmées de décorations à base de fil sont structurées en six larges bandes de tissu reliées par un effet brodé ou tissé. – Les décorations brodées dites « nwummu inkué » sont exécutées en rayonne. On les retrouve dans d’autres étoffes de deuil non imprimées, et leur combinaison avec l’impression de symboles d’adinkra présente un effet redondant. – Les décorations tissées rayées apparaissent comme une imitation du travail de broderie, et offrent une qualité moindre. Le tissage, assez lâche et toujours identique, contraste avec la qualité et la variété des nwummu inkué. LES COULEURS DES SUPPORTS Les couleurs des supports d’adinkra témoignent de l’extension de son usage. Certes, les teintes dominantes sont toujours les tons rouges, marron et noirs attachés à la perte douloureuse d’un proche. Cependant, les fonds blancs s’adressent à un contexte élargi, pour remercier Dieu. De façon traditionnelle, les Ashanti portaient du blanc lors de funérailles d’une personne âgée, à qui Dieu avait accordé une longue vie. Aujourd’hui, le port du blanc est également étendu à l’assistance d’un mariage ou d’autres événements heureux. Le développement d’adinkra dans d’autres couleurs (bleu turquoise, rose fuchsia…) reflète son utilisation dans une sphère grandissante d’événements sociaux. L’adinkra s’est développé sur des cotonnades artisanales et ce support a été abandonné avec l’usage de matériaux industriels qui ont permis d’explorer de manière complexe le vêtement de deuil, mais aussi de l’étendre à un contexte commémoratif plus large. À travers toutes ces adaptations, l’aduru, le pigment qui sert à imprimer les symboles demeure un produit d’origine végétale et locale. L’autre forme d’impression, la sérigraphie, n’a jamais utilisé que du basin et de la peinture industrielle.

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Le motif Gye Nyame : symbole d’omnipotence de Dieu. 2 ●

Le motif kodee mmowerewa : les serres de l’aigle. 3 ●

Le motif donno ntoaso : le double tamtam.


Les motifs sont imprimĂŠs dans de grandes cases dĂŠlimitĂŠes par des lignes et des frises du motif donno ntoaso.


TEXTILES D’AFRIQUE ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ De Anne Grosfiley Les étoffes imprimées de manière artisanale semblent les productions africaines les moins connues. Bien qu’elles soient peu répandues, elles sont particulièrement intéressantes pour leur réappropriation de

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matériaux industriels.


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