Une ambiance singulière

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UNE AMBIANCE SINGULIÈRE

Mémoire d’un brouillon ordonné

Lim’Art - Ynov Campus

Année 2021 - 2022

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Quelle place pour une ambiance singulière dans un espace contraint par sa monotonie ?

Victoire Girardeau

Mémoire de mastère Architecture d’intérieur

Lim’Art - Ynov Campus

Année 2021 - 2022

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PROBLÉMATIQUE

Lexique

P. 5

Préface P. 7

Introduction

1. Standardisation P. 8 à 11

2. Critique urbaine avec Michel Ragon P. 13

3. Critique personnelle de l’architecture uniforme P. 14 et 15

Chapitres

Ballade Intellectuelle

1. La poétique de l’espace . Gaston Bachelard P. 16 à 18

2. Améniser, explorer les sens . Thierry Paquot P. 19 et 20

3. Anthropologie et matière . Antoine Picon P. 21 et 23

4. Le concept d’ambiance . Bruce Bégout P. 24 et 25

5. Dépasser la fonction . Louis Khan P. 26 et 28

6. Nature et espace temps . Aldo rossi & Duncan lewis P. 29 à 35

7. La main de l’homme . aTAU, domaine de Chatressac P. 36 et 37

8. Design et émerveillement . Ettore sottsass P. 38 à 40

Conclusion

P. 41 et 42 Bibliographie P. 44

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SOMMAIRE

Anthropologie : « L’anthropologie est une science, située à l’articulation entre les différentes sciences humaines et naturelles, qui étudie l’être humain et les groupes humains sous tous leurs aspects, à la fois physiques et culturels.

Architecture bioclimatique : « L’architecture bioclimatique est une discipline de l’architecture dont l’objectif est de tirer parti des conditions d’un site et de son environnement. Cette architecture s’adapte aux caractéristiques et particularités propres au lieu d’implantation : son climat, sa géographie et sa géomorphologie. »

- Wikipédia

Architecture vernaculaire : « Architecture d’une inspiration populaire qui a développé, et développe ses caractéristiques propres dans une région spécifique où souvent elle utilise les matériaux locaux, des façons de faire et des formes traditionnelles. » - François Varin

Arte povera : « Être un artiste Arte Povera, c’est adopter un comportement qui consiste à défier l’industrie culturelle et plus largement la société de consommation, selon une stratégie pensée sur le modèle de la guérilla. »

Ce mouvement artistique crée à partir de matériaux à portée de main. » - Médiation Centre Pompidou

Bauhaus : C’est une école née en Allemagne au lendemain de la Première Guerre mondiale, lors de la naissance de la République de Weimar. Puis elle ferme définitivement durant la montée du nazisme. Les différents artistes, designers et architectes qui ont côtoyé cette périodes ont crée un mouvement cherchant à mêler l’artisanat à la nouvelle aire industrielle.

Chantier participatif : C’est chantier collaboratif où il y a un échange de connaissances et de savoir-faire de façon. C’est un évènement durant lequel plusieurs personnes se retrouvent pour travailler ensemble, bénévolement.

Frugalité : Être frugal, c’est se satisfaire de peu en vivant d’une manière très simple.

Tiers paysage : « Concept créé par le paysagiste français Gilles Clément, afin de désigner l’ensemble des espaces qui, négligés ou inexploités par l’homme, présentent davantage de richesses naturelles sur le plan de la biodiversité que les espaces sylvicoles et agricoles. » - Wikipédia

Gilles Clément publie son livre Manifeste pour le Tiers paysage en 2004.

Topophilie : « La topophilie est le lien affectif entre les gens et le lieu, l’environnement. » - Yi-Fu Tuan

RT 2020 : C’est la réglementation thermique (RT) qui est applicable à toutes les constructions neuves depuis 2022.

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LEXIQUE
6 UNE AMBIANCE SINGULIÈRE

Monotonie (grec monotonia)

Caractère de ce qui est uniforme dans son déroulement, dépourvu d’imprévu.

Ce mémoire a pour objectif de questionner les atmosphères et les ambiances dans lesquelles nous vivons, ainsi que les notions d’émerveillement, de sobriété et d’équilibre entre différents éléments. Rédigé sous forme de chapitres comme un livre, j’ai souhaité me placer comme narrateur et créer une ballade architecturale et intellectuelle qui explore des concepts à travers la matière, la lumière et l’imprévisibilité.

J’ai commencé ces réflexions il y a deux ans lors de mon Diplôme National d’Art (DNA) lorsque s’est agrandi mon regard sur l’impact du bâti dans le monde. Mes études ont été motivées et influencées par des projets comme ceux de Bellastock, une coopérative d’architecture qui a développé une expertise pionnière en France sur le réemploi. L’objet de mon diplôme Le Grain du Réel.1 interrogeait alors déjà l’approche sensible de l’espace par la matière, et plus précisément sa façon d’interagir avec nos sens, tout en intégrant un processus de création qui se situe à la frontière de l’Arte Povera et de l’architecture vernaculaire.

.1 Annexe pages 4 à 9 : Extrait de diplôme, Le Grain du Réel, Victoire girardeau, 2020

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PRÉFACE
Crntl Victoire Girardeau Août 2022

Standardisation et rationalité

A la suite de la crise économique et à l’inflation d’après-guerre, de nombreux territoires ont été confronté à un modèle économique où il fallait reconstruire vite et pas cher. En urbanisme, la pénurie de logements conduit à la construction de grands ensembles immobiliers. Dans les années 1920, l’exaltation de l’individu qui caractérisait l’esthétique expressionniste est remplacée par un idéal de standardisation : les singularités sont effacées au profit d’un recours à des modèles, des types normés, des formes simples reproduites en série.

Durant cette même période, l’école du Bauhaus fait son apparition. Ce mouvement a posé les bases de la réflexion sur l’architecture moderne, notamment du style international. Cet idéal défendait de faire référence aux styles du passé, et l’ornemental considéré comme superflu a laissé place au minimalisme. Il s’agissait de reconstruire des bâtiments et des objets du quotidien, abordables, fonctionnels et esthétiques, mais aussi de repenser le fonctionnement de la société en se servant des composantes industrielles et technologiques de la nouvelle société de l’époque. L’héritage des designers qui l’ont traversés reste admirable. L’idée de fusion entre les arts plastiques, l’artisanat et l’industrie est une grande source d’inspiration et cela ne s’arrête pas à la fermeture définitive de l’école..1

Une figure humaine anonyme, sans visage, aux bras mécanisés, peuple ce décor vide et figé.

Huile sur toile

George Grosz

Ohne Titel

1920

.1 Annexe pages 10 à 12 : L’objet non standard, réflexions sur les nouveaux paradigmes de la conception et de la production.

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9 INTRODUCTION

Construire simplement et de façon standardisée, c’est aussi le modèle que l’architecte d’origine belge, Auguste Perret a adopté pour la reconstruction du centre du Havre, détruite à 90% après la Seconde Guerre Mondiale. La réédification de la ville comprenait plus de 12 000 logements et de nombreux bâtiments civils, commerciaux, administratifs ou religieux (1945 - 1964).

Tout a été conçu sur le principe d’un squelette avec une structure apparente en poteau, poutre et dalle pour être efficace à la mise en oeuvre. Mais A. Perret ne lésine pas totalement sur l’esthétisme non plus en faisant appel aux nobles colonnes historiques, aux corniches et aux portes fenêtres. Il fait aussi un clin d’oeil et à l’architecture Haussmannienne avec des balcons qui font le tour des logements, des fenêtres carrées pour les lieux de stockage et l’entre sol réservé aux boutiques. Et le point central de ces immeubles reste le béton, qu’il soit lavé, bouchardé, coloré, etc. Les finitions sont pensées et réalisées avec soin comme nous pouvons le voir sur les photos 1 et 2 page 9.

Enfin, au-delà de l’enjeu économique et esthétique, l’architecte pense aux enjeux sociétaux. Tout comme le Corbusier, il adopte un plan libre avec un seul élément porteur dans l’appartement, des cloisons amovibles, des rangements dans les murs. L’espace, la lumière et le calme doivent être présents ; pour cela les bâtiments ne sont pas tous à la même hauteur, et d’ailleurs il n’y a pas de hiérarchie par étage, mais plutôt par îlots. Et tout le monde à le droit à l’eau, l’électricité, chauffage à air pulsé et à un survitrage. Même encore aujourd’hui ceux qui vivent ici sont très satisfaits à part pour le bruit que dégagent éventuellement les gaines techniques. ...

Alors qu’Auguste Perret m’a un peu réconforté cet été durant ma balade au Havre avec ces bâtiments standardisés, je continue de les remettre en question. Car le travail de ce maître penseur n’est pas le même que celui des prometteurs qui construisent à tout va encore aujourd’hui en s’appuyant sur des modèles qui ne sont plus viables en vue du contexte environnemental.

Tout comme le modèle que nous a laissé le Bauhaus, celui-ci à également ses limites et ses vices. Le style international, les murs rideaux, le béton et la peinture blanche sont omniprésents alors que chaque territoire à des ressources différentes et une topographie quasi unique. De plus, nous ne pouvons plus se permettre de penser l’architecture sur cette simple vision, surtout lorsque nous savons désormais que le sable est devenu la 2e ressource la plus demandée, responsable d’érosion spectaculaire, entre autre.1 et que le secteur du bâtiment produit 46 millions de tonnes de déchets par année en France..2

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INTRODUCTION

Photos prises dans l’appartement témoin au Havre. L’appartement fût décoré par le designer René Gabriel à partir de meubles produits en série. 1 2

.1 Source Arte : Le Sable, Enquête sur une disparition, Film de Denis delestrac, 2013

.2 Annexe pages 14 à 19 : Article Le Monde _ Par Laetitia Van eecKhout, 2019

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Ô Grattes ciels

De béton et de verre A l’humeur morose. Ils me regardent de haut, Je ne ressens pas le mépris, J’ai presque de la peine, Ils ont l’air seul et triste.

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© cartefinancement.com

« Mieux, l’urbanisme, déguisé comme un faux médecin de Molière en guérisseur urbain, ne serait-il pas en fait le plus grand ennemi de la ville ? Ne serait-il pas qu’un tranquillisant social, voire une simple bonne intention ? Les architectes ne seraient-ils pas les grands ennemis de la nature ? L’urbanisme, comme la technologie, comme l’espace vert, ne serait-il pas simplement un mythe progressiste destiné à faire avaler d’amères réalités ? [...] le lecteur comprendra très vite que les erreurs monumentales, que nous dénoncerons sont moins celles de l’architecture comme monument, que de la société qui a permis le développement de cette architecture, de cet urbanisme. »

« La grande ville est l’adéquation de l’urbanisme et du centralisme comme signe du pouvoir. Le désurbanisme, au contraire, serait le signe d’une vraie démocratisation. » Plus loin, il montre que le « travail en miettes » génère « l’espace en miettes » et que les deux empêchent tout être humain d’habiter (là, il se réfère aussi bien à Bachelard qu’à Heidegger pour expliquer que loger ne suffit pas à rendre les gens heureux, qu’ils réclament une « poétique »), que le « grand ensemble » tout comme le mouroir des maisons de retraite sont indignes, que les bidonvilles sont souvent plus habitables dans l’anarchie même de leur édification que la tour de l’urbanisme fonctionnel, qui entasse ses habitants ; que l’urbanisation démultiplie les pollutions qui non seulement saccagent la nature mais développent de pathologies jusqu’alors inédites, et de citer Paul Ricoeur qui écrit dans Christianisme social (n°7-8, 1970) : « Il est parfaitement possible qu’une croissance illimitée viole les lois que nous ne connaissons pas, franchisse des seuils de tolérance que nous ignorons... La mythologie productiviste est-elle inscrite directement dans le socialisme et commune à tous les régimes connus ? Si, un jour, on doit être amené à poser sérieusement la question de la limitation de la production, il n’est pas indifférent que ce problème soit pris en charge par une société soucieuse des besoins réels des hommes... La civilisation industrielle débouche peut-être sur une problématique de limitation de ses énergies et de ses pouvoirs... Ne peut-on envisager que l’homme postindustriel reposera, dans un contexte de civilisation tout à fait nouveau, les vieux problèmes de la limitation du désir qui furent ceux de la sagesse antique ? » Il démontre en quoi l’urbanisme de la ville productiviste détruit la ville, il récuse le zoning, la destruction des centres par la fermeture des commerces, le tout-automobile, les erreurs de la Charte d’Athènes, les « idées périmées de Le Corbusier », la « ville passéiste » comme Brasilia, « l’escroquerie des espaces verts », le bétonnage touristique (à la fois l’opération Languedoc-Roussillon que les stations de sports d’hiver), « l’épouvantail Delouvrier » (du nom du technocrate à l’origine des « cinq villes nouvelles » de la région parisienne), l’embourgeoisement de la capitale, etc. Il appelle les citoyens à prendre en main leur destin urbain, que toute erreur architecturale et urbanistique « porte atteinte à leur santé physique et morale, à l’avenir de leurs enfants, à ‘leurs droits’ ».

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INTRODUCTION
[...]
.1
Source : article sur Topophile.net, Michel Ragon, artisan de son existence 2/2 par Thierry Paquot, 2021 Extrait du livre « les Erreurs monumentales » 1971.1

L’Âme (latin anima, souffle, vie)

. Siège de l’activité psychique et des états de conscience de quelqu’un, ensemble des dispositions intellectuelles, morales, affectives qui forment son individualité, son moi profond ; esprit, intellect, cœur, conscience. . Ce qui donne à quelque chose son originalité, ce qui l’anime et fait qu’il touche la sensibilité.

Tout au long de ce mémoire, je vais tenter de questionner les atmosphères dans lesquels nous vivons afin d’intégrer un processus créatif qui mène à l’émerveillement et à un retour à la simplicité. Ces réflexions vont s’accompagner d’une critique face à l’uniformisation et l’excès de la standardisation dans le bâtiment.

Face à ce phénomène, c’est le sentiment d’une architecture froide et lisse que je ressens, à qui on ne laisse pas l’occasion de vivre. C’est une architecture née de matières que l’on contraint par ses multiples transformations sans même prendre le temps de les comprendre. Les limites de la ‘mythologie productivite’, comme cite le journaliste Thierry Paquot à travers le livre de Paul Ricoeur, Christianisme social (n°7-8, 1970), en sont en partie la cause. Et cela participe à « l’uniformité lugubre du ‘‘ style international ’’ » cite le célèbre designerarchitecte Gaetano Pesce.

« Ils construisent des barres d’immeubles monolithiques et fabriquent des objets en série standardisée. Les mêmes besoins, les mêmes matériaux, les mêmes formes s’imposent partout dans le monde. C’est le naufrage de l’idéal du Bauhaus. ».1

Pour moi cela a un impact dans notre inconscience individuelle et collective. Ces immeubles sont construits d’une façon où tout est caché comme s’ils étaient superficiels. Le fonctionnel semble régner afin de ne pas perdre de temps dans des choses futiles, et tout doit être parfait pour le confort humain qui ne souhaite ni entendre ni le bruit de sa hotte, ni de sa chasse d’eau. En effet, nous semblons nous balader en permanence dans l’incompréhension de ce qui nous entoure.

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SINGULIÈRE
Larousse

Et si au contraire, nous pouvons lire ce qui se cache sous un faux plafond par exemple, cela nous interloquerait davantage qu’une face blanche. La machine à habiter.2 nous laisserait alors moins passif, nous prendrons alors le temps de regarder et de se questionner. C’est important à mon sens, car de la compréhension découle la tolérance et le respect de ce qui nous entoure.

J’appuie ce propos avec mon expérience personnel où j’ai grandi toute mon enfance dans une ancienne ferme, avec des parents qui ont toujours essayé de se débrouiller pour faire les choses eux même. J’ai appris à manger avec ce qu’il y avait dans le potager, à vivre avec les saisons et à m’ennuyer pendant de longs moments à contempler la nature. C’est une expérience donnante-donnante, où l’on compose avec son environnement et où l’on fini par se sentir apaisé et en harmonie. Je le ressens aussi chez les autres habitants du village, contrairement à l’ambiance générale qui peut se dégage « chez les citadins ». En ville, ce rapport à la nature est bien sûr moins présent, les humains se sont beaucoup détacher de ces notions de simplicité où ce sont les nombreuses structures en parpaing et béton qui ont pris le relais. Mais notre rapport à l’espace a beau être différent, ce n’est pas forcément un problème s’il n’est pas négligé.

C’est donc sur ce point que j’aimerais intervenir et aider dans mon métier, en offrant et en partageant aux personnes qui vivent dans des espaces qui semblent vidé d’âme, une interprétation de l’imprévisibilité de la nature, du mouvement des arbres et de la lumière qui traverse une canopée. Modifier les perceptions de l’espace c’est quelque part modifier sa perception de la vie. Cela ne soignera pas tous les maux de la société, mais j’espère qu’elle y participera.

.1 Source

.2 «

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: Abécédaire Gaetano Pesce rédigé par Philippe garnier après 1 an d’entretien avec l’architecte-designer et artiste en 2016 La machine à habiter » : C’est le terme employé par Le Corbusier pour désigner ses immeubles d’habitat.
INTRODUCTION

UNE AMBIANCE SINGULIÈRE

Informel [sans][forme]

Ce qui n’est pas soumis à des règles strictes, officielles. Ce qui n’est pas organisé de manière officielle. Synonymes : décontracté, déstructuré, imprévu Contraires : formel, rigide, codifié

CHAPITRE 1

La poétique de l’espace, Gaston Bachelard, 1957

Je pense qu’il faut savoir se déconnecter du réel et se laisser porter par non ce que l’on voit, mais ce que l’on peut percevoir. Et non par ce que l’on entend mot par mot, mais plutôt par les sons qui résonnent dans son ensemble. Il ne faut pas non plus avoir peur de se laisser tomber dans un monde qui n’est pas le notre et tout réinventer, imaginer, puis se laisser bercer. Pour moi, c’est cela l’image poétique ; comment nôtre imaginaire singulier réinterprète ce qui l’entoure. Et c’est ce qui nous permet de se différencier un peu des uns des autres en tant qu’être humain.

Dans l’introduction, l’auteur compare notre âme à celle d’un bâtiment qui serait construit sur plusieurs époques avec différentes techniques. Ce qui est plaisant, car une bâtisse se doit d’avoir, elle aussi, une âme propre à elle-même, caractériser par ses modes de constructions et son environnement. Et se laisser imaginer que tout comme nous, son âme évoluera au fil du temps et par ses différentes énergies qui l’ont habités.

« On le voit dès maintenant, les images de la maison marchent dans les deux sens : elles sont en nous autant que nous sommes en elles. [...] N’habite avec intensité que celui qui a su se blottir. » - page 19 - En tant qu’architecte c’est une notion que je ne prendrai pas à la légère. Tout le monde devrait avoir un endroit où l’on se sent en sécurité et où nous aimons rêvasser. Que cela au-dessus d’un radiateur collé à la fenêtre, ou bien dans une vielle rocking chair.

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La maison de la cave au grenier, le sens de la hutte

« La maison abrite la rêverie, la maison protège le rêveur, la maison nous permet de rêver en paix. Il n’y a pas que les pensées et les expériences qui sanctionnent les valeurs humaines. A la rêverie appartiennent des valeurs qui marquent l’homme en sa profondeur. La rêverie a même un privilège d’auto-valorisation. Elle jouit directement de son être. » - page 26 - Gaston Bachelard explique que la maison maintient l’homme à travers les orages de la vie. Elle est corps et âme. Elle est le premier monde de l’être humain. Avant d’être « jeté au monde », l’homme est déposé dans le berceau de la maison.

L’écrivain distingue la maison imaginée comme un être vertical qui s’élève. Et la maison imaginée comme un être concentré, qui nous appelle à une conscience de centralité.

« Vers le toit toutes les pensées sont claires. Dans le grenier, on voit à nu, avec plaisir, la forte ossature des charpentes. On participe à la solide géométrie du charpentier. La cave on lui trouvera sans doute des utilités. On la rationalisera en énumérant ses commodités. Mais elle est d’abord l’être obscur de la maison, l’être qui participe aux puissances souterraines. En y rêvant, on s’accorde à l’irrationalité des profondeurs.

Dans notre civilisation, on ne va plus à la cave un bougeoir à la main. Mais l’inconscient ne se civilise pas. C’est vrai, qui ne s’imagine pas un drame dès qu’il descend à la cave dans le noir ?

Le réel et le rêve ici ne font qu’un contrairement aux appartements parisiens. En ville, les drames que l’on s’imagine ne sont plus liés à notre habitat, mais plutôt à la vie extérieure sortie d’un polar américain, avec le retentissement des sirènes ou d’un klaxon. En s’appuyant sur d’autres écrivains, Gaston B. parle de boîtes sans verticalité, vide de rêverie. « Le numéro de la rue, le chiffre de l’étage fixent la localisation de notre ‘trou conventionnel’, mais notre demeure n’a ni espace autour d’elle ni verticalité en elle. [...]

Les édifices n’ont à la ville qu’une hauteur extérieure. Les ascenseurs détruisent les héroïsmes de l’escalier. On n’a guère de mérite d’habiter près du ciel. Et le chez-soi n’est plus qu’une simple horizontalité. Au manque de valeurs intimes de verticalité, il faut adjoindre le manque de cosmicité de la maison des grandes villes. Les maisons n’y sont plus dans la nature. Les rapports de la demeure et de l’espace y deviennent factices. Tout y est machine et la vie intime y fuit de toute part. « Les rues sont comme des tuyaux ou sont aspirés les hommes » - page 42

« les automobiles ronflent, que le roulement des camions me fait maudire ma destinée de citadin, je trouve un apaisement à vivre les métaphore de l’océan. » - page 43

17 CHAP 1 . LA
POÉTIQUE DE L’ESPACE

Si je compare cette vision à mon expérience personnelle lors de ma vie à Paris, contrairement à la vie que j’ai mené dans une plus petite ville, en campagne, ou au bord de l’océan, moi aussi je maudis cela en permanence. Mais bien sûr, cela peut être également une question d’habitude. Et beaucoup rêve d’un espace petit, à taille humaine, où tout est près de lui, où tout l’habitat et la vie extérieure vit et bouge avec lui. Et à sa façon, la ville contient une atmosphère poétique, elle est mystique et imprévisible, elle nous bouscule.

Revenons à la maison imaginée comme un être concentré. Pour parler de cette « théorie » l’auteur prend comme exemple la hutte. Cet habitat nous fait dire que nul n’a besoin d’être riche et d’avoir une belle maison pour se sentir à l’aise chez lui, en paix avec son âme, pour rêvasser tranquillement. Déconnectée de presque tout, la hutte selon lui, permet de rêver encore plus grand. En effet, nos yeux et notre cerveau ne sont pas embrouillés d’images superflues comme la publicité. Dans cet univers-là, tout y est presque pur et il y a tout à s’imaginer.

Si je dois retenir quelque chose de ce livre, d’un point de vue de designer-architecte, je pense qu’il est primordial de comprendre à quel client-rêveur, nous avons à faire. Et si je dois garder une citation pour conclure ça sera celle-ci ;

« La rêverie est la plus grande des libertés que l’être humain a entre ses mains. »

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UNE AMBIANCE SINGULIÈRE

CHAPITRE 2

Améniser, Thierry Paquot, 2021.1

Toujours à la quête de singularité pour surfer sur l’informel. C’est à présent à travers le texte de Thierry Paquot, Améniser, puis par le dialogue de la table ronde entre Laurent Baridon, Valérie Nègre et Antoine Picon que j’aimerai vous emmener afin de s’éloigner un peu de cette dimension sensible, répondant à des émotions personnelles, pour aller vers une dimension plus anthropologique, scientifique et philosophique.

«[...] je propose d’inventer un verbe, qui manque à notre langue : le verbe « améniser ». Que signifie-t-il ? Rendre amène — c’est-à-dire aimable, agréable, hospitalière — la ville et tout particulièrement ses rues. Celle-ci sont les antichambres des logements.

« Stimulons les six sens (l’ouïe, la vue, l’odorat, le goût, le toucher et le mouvement) avec de subtils ménagements (du verbe ménager qui signifie « prendre soin »), tout en cultivant l’imprévu, la turbulence, la transgression. Les élu·e·s manquent cruellement d’audace et d’inventivité, adoptent les modèles standards, au lieu de privilégier le cas par cas, le sur-mesure, le fait-avec les habitants, petits et grands ! L’intervention des artistes est d’une valeur sans prix : tags, graffiti, installations, mimes, théâtre de rue, etc. Elle démultiplie les usages de la rue et les singularise. Tout diagnostic urbain et paysager réclame des approches inédites d’observation et de restitution, telles les cartographies sensibles et chronotopiques des lieux urbains selon leurs usages temporalisés et genrés. Oui, améniser est un verbe qui manque... »

Alors que cet extrait de texte exprime et recherche comment nous pouvons trouver du bien être dans notre environnement urbain, il en va de même pour l’architecture et l’architecture d’intérieur. Accompagné du commentaire sur la poétique de l’espace, je vais appuyer cette vision avec le mot singularité qui est pour moi essentiel ; caractère exceptionnel de ce qui se distingue (en bien ou en mal). En effet, nous sommes à la fois tous les mêmes en tant qu’être humain et à la fois tous différents. Nous appartenons tous à une communauté, à un mouvement de penser, nous développons tous une identité, et chaque pierre ou fleur déposer sur notre chemin au cours de notre vie nous rendent de plus en plus unique, il faut juste prendre le temps de s’en apercevoir.

19 CHAP 2 . AMÉNISER, EXPLORER LES SENS
.1 Extrait de texte de la revue Topophile, Les mots et les choses, Améniser, Thierry Paquot, 2021

Et si à l’inverse, ces architectures monotones, uniformes et non stimulantes pour nos sens, nous poussaient à se voir comme des personnes ordinaires et banales dans un environnement médiocre et sans âme ? De cela, j’ai peur que cette bulle inconsciente que nous nous créons en vivant et en traversant ces lieux, nous pousse à être déconnecté du monde qui nous entoure et nous apporte que mélancolie et amertume.

Entourés d’espaces conçus de matières en constante évolution, notre environnement et nous même les humains y sont influencés. C’est ce que nous allons explorer ensuite en traversant le monde contemporain à l’aide d’Antoine Picon, ingénieur de formation, architecte et historien des sciences et de l’art, directeur de recherches à l’École nationale des Ponts et Chaussées et Professeur d’histoire et d’architectures des technologies à Harvard. Ses recherches sont portées sur l’histoire des technologies architecturales et urbaines du XVIIIe siècle à nos jours.

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UNE AMBIANCE SINGULIÈRE

CHAPITRE 3

Anthropologie et matière, table ronde avec Antoine Picon.1

L'anthropologie consiste à étudier l'humain du passé comme du présent, sous tous ses aspects. Le mot vient du grec anthropos (humain) et logia (étude).

« En fait, insistent-ils, lorsque nous rencontrons de la matière, ‘‘c’est de la matière en mouvement, en flux, en variation’’, d’où il résulte que ‘‘cette matière-flux ne peut être que survie’’. Les artisans et praticiens qui prolongent ce flux sont les itinérants, les voyageurs qui cherchent à faire l’épreuve de la granularité du devenir du monde et à plier ce devenir à des fins évolutives qu’il faut penser comme des ‘‘intuitions en acte’’ ».

Difficile de parler d’anthropologie et d’architecture sans citer le Britannique Tim Ingold. Valérie Nègre qui entreprend la table ronde dit que ce dernier insiste dans ces écrits à ce que l’on distingue dans l’objet, la forme et la matière. Et qu’un déséquilibre entre les deux termes au profit de la forme, s’est établi depuis la renaissance. On observe de nombreux artistes concevoir la forme pour ensuite l’appliquer à la matière. Or pour T. Ingold l’architecture est une affaire d’esprit et oppose donc ce modèle, à un modèle artisanal. Car les artisans, eux ne cherchent pas à imposer des formes préconçues à une matière inertes, et ils se laissent porter par des expériences tactiles et sensorielles. Ici le processus créatif à davantage son importance que la pensée du produit fini. Penser la matière à part de la forme pose le défaut de ne pas refléter la diversité des pratiques. Il faudrait avant toute chose regarder ce que la matière permet d’expliquer et ce qu’elle formalise. Par exemple, Louis Khan interroge dans les années 70 ce que veut la brique, et celui-ci répond pour la brique : « Je veux un arc ». Toujours dans l’idée selon laquelle il incombe au créateur de donner la forme que les matériaux utilisés veulent prendre plutôt que de leur imposer .

« C’est le propre du désir de l’artisan que de voir ce que les matériaux peuvent faire, à la différence du désir des scientifiques qui visent à savoir ce qu’ils sont. ».3

.1 Festival de l’histoire de l’art, Pour une anthropologie des matériaux de l’architecture. La table ronde se donne pour objectif de déterminer les contours d’une approche des valeurs attachées aux matériaux par les hommes qui pensent, font et utilisent les édifices. Intervenants : Laurent Baridon, Valérie nègre, Antoine Picon, 2018.

.2.3 Extrait du livre pages 69 et 80, Faire anthropologie, archéologie, art et architecture, Tim ingold, 2017

21 CHAP 3 . ANTHROPOLOGIE ET MATIÈRE

Durant les années 90, l’ordinateur comme instrument, révolutionne le domaine de la conception et modifie beaucoup de choses en architecture. Avec le numérique, nous pouvons à présent de façon très précise, comprendre le comportement des matériaux et de comment il est possible de l’infléchir. On sait maintenant faire du verre isolant et structurel par exemple. L’époque où nous dessinons des arrangements de forme et de structure a laissé place à l’innovation puisque nous sommes désormais capables de dessiner les matériaux en fonction des usages qu’on leur destine.

Antoine Picon qui a pris la suite de la discussion nous avance qu’il n’y a pas de dématérialisation pour autant. Au contraire, le jeu sur les matériaux est une chose de plus en plus importante en architecture. Aujourd’hui, tout comme avec les vêtements d’ailleurs, les effets de surface, les effets de grain et de texture prennent davantage de place. On peut parler d’un certain retour de l’ornement, lui qui avait laissé sa place au minimalisme.

Notre monde contemporain s’est aussi dirigé vers des formes plus fluides, que le cerveau humain aurait eu du mal à comprendre et à dessiner sans outils numériques, dans lequel les effets de peau et de surface sont très présents. Prenons les exemples des architectes Frank Gherry et Zaha Hadid. Le rapport aux matériaux y est central puisque c’est le vêtement que l’on perçoit en tout premier lieu. Mais, aux apparences tape à l’oeil et superficielles, c’est à se demander si la soif de l’innovation et de l’exploit n’apparait pas comme une domination sur l’environnement et si, leurs oeuvres, qui sont sans aucun doute des prouesses techniques, ne sont pas dus à une conception imposée de façon arbitraire de l’extérieur. Prenant personnellement le parti pris de l’économie de matière plutôt que de l’objet bijou qui en met plein la vue.

A vrai dire, ces démarches sont très contradictoires durant notre période actuelle de transition. On peut avoir un rapport démiurgique avec la matière, cela signifie que l’humain se situe comme un dieu pouvant tout créer comme bon lui semble avec l’aide de la science, de la biochimie, des machines numériques, etc. De l’autre côté, ce n’est donc pas toujours ce qui faudrait faire promulgue Antoine Picon. Il serait plus sage d’accompagner et de révéler la matière comme Tim Ingold et de nombreux autres architectes le défendent.

Autre paradoxe qui est avancé est celui de l’imprimante 3D, produit de la civilisation numérique qui a réussi à séparer l’information du matériau, elle lui est complètement extérieure. Alors qu’à l’inverse, on pense que la matière devrait être sa propre information.

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UNE AMBIANCE SINGULIÈRE

Ce sont deux courants qui s’opposent avec une passerelle possible entre les deux. D’après A. Picon c’est ce que Lars Spuybroek, concepteur qui utilise énormément les ordinateurs, souhaite et dit à travers son livre Sympathy of things. Il dit lui, être très proche de ces positions avec l’idée de dessiner en osmose avec la matière au lieu de la violenter ou de la dominer.

Tous ces débats renouent avec l’opposition entre l’artiste, l’homme et l’artisan qui serait plus en synergie. Le monde numérique nous confronte à ces questions que l’on ne sait pas encore régler, entre matière inerte dans laquelle on impose de l’information et matière animée qui est à elle-même sa propre information.

Derrière tout cela, c’est notre rapport à la matière et au monde physique qui est en train de muter. La façon dont nous nous confrontons à la matière est une certaine interprétation de nous même et de comment nous comprenons le monde. A travers ses multiples recherches, Antoine Picon avance que les anthropologues reconnaissent que lorsque l’on travaille la matière, l’on travaille également sur soi et on se construit en tant que sujet. Et il conclut cette table ronde en émetant que l’interface entre le monde matériel et l’humain est ce que l’on appelle la nature. Et que ces inventions participent à la création d’une nouvelle nature.

« Dans cette tension, entre l’attraction des espoirs et des rêves et le frein des contraintes physiques (et non pas dans l’opposition entre réflexion savante et exécution mécanique) se noue la relation entre le concevoir [design] et le faire [making]. C’est précisément au point où l’imagination se frotte aux aspérités de la matière, et où les forces de l’ambition doivent se mesurer à la dure réalité du monde, que l’existence humaine est vécue. ».1

23 CHAP 3 . ANTHROPOLOGIE ET MATIÈRE
.1 Extrait du livre pages 165, Faire anthropologie, archéologie, art et architecture, Tim ingold, 2017 Centre culturel de Bakou, Azerbaïdjan par Zaha Hadid (Julien Garcia/AFP) Zaha Hadid Architects Morpheus hotel at City of Dream Macao

CHAPITRE 4

Le concept d’ambiance, Bruce Bégout, 2020

Après avoir exploré différents processus créatifs et les dimensions sensibles que l’architecture peut rencontrer au cours de sa vie, nous allons à présent tenter de questionner les ambiances, ou du moins les atmosphères émises par la matière, la lumière, les couleurs et les formes dans un espace donné.

« L’ambiance forme le dôme invisible sous lequel se déroulent toutes nos expériences ».

Nous allons avant toute chose essayer de comprendre ce qu’est une ambiance et une atmosphère à travers l’essai philosophique Le concept d’ambiance rédigé par Bruce Bégout (Page 17) qui affirme que l’ambiance comporte une nuance plus affective que l’atmosphère.

« Ce n’est pas la simple atmosphère sensible que l’on perçoit et qui nous touche esthétiquement à travers sa dimension médiale (air, son, lumière, etc.), mais l’ambiance comme situation affective qui ouvre et rend possible notre expérience du monde et qui ne peut laisser, au premier stade, advenir la simple dimension perceptive-objectivante pour projeter l’individu au cœur même de la tonalité qui vibre autour de lui.

C’est la raison pour laquelle ce n’est pas le monde de l’art et des situations esthétiques qui nous sert ici de cadre d’analyse, mais celui du monde quotidien, où les ambiances se succèdent les unes les autres sans que, habituellement, les personnes les perçoivent comme des atmosphères sensibles et esthétiques. Bref, la primordialité affective de l’ambiance, qui implique la participation immédiate des sujets pris en elle, supplante la simple dimension sensorielle et perceptive de l’atmosphère, laquelle requiert une mise à distance pour sa saisie esthétique. En outre, la notion d’ambiance a l’insigne avantage de ne pas être métaphorique. Alors que l’atmosphère désigne d’abord un élément physique, puis, par transposition de sens d’un domaine de la réalité à un autre, le sentiment particulier d’une situation, l’ambiance renvoie directement à la dimension tonale de l’expérience. Elle échappe ainsi aux présupposés lourds de conséquences qui, comme ceux de la distinction traditionnelle entre le physique et le psychique, grèvent la notion d’atmosphère. »

L’atmosphère peut être dégagée par l’énergie de flux humain qui possède le lieu « connue et inconnue, sentie et ignoré ». Quant à l’ambiance, elle ne peut être subjective ou objective, elle se tient au-delà de cette distinction et lui échappe.

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UNE AMBIANCE SINGULIÈRE

De ce qui lui échappe à sa définition peut être dû à l’énergie spirituelle qui traverse l’espace, mais également influencé par cette notion d’anthropologie des matières et de comment le lieu est considéré dans son environnement avec harmonie. Bruce Bégout parle alors dans le livre d’éco-phénomélogie. C’est-à-dire considérer un phénomène à partir de son insertion dans un environnement donné. C’est de cette idée que née la topophilie, un terme cité par Gaston Bachelard dans La Poétique de l’espace, mais aussi repris par la revue Topophile.

« Aucun lieu ne se contente d’être un banal réceptacle, un dépôt, un décor. Il agit et réagit, en cela il entre en interrelations avec les humains et le vivant qui y séjournent. »

Je pense qu’en étant alors plus attentif et plus topophile, tout en intégrant une notion de frugalité, c’est-à-dire de créer avec peu et de manière simple, puis, être entre le penser et le faire, nous pouvons toucher le domaine d’ambiance de façon positive.

Il n’y a pas de solution et de démarche unique à suivre. C’est le processus créatif guidé par une suite logique d’évènement en corrélation avec l’environnement qui en emmènera une de luimême. Louis Khan appelle ce phénomène, l’ordre, que nous allons ensuite explorer. Ainsi, cela participe à faire naître une singularité et une authenticité dans chaque projet. Tout est intrinsèquement lié. L’architecture étant une importante passerelle par ses fonctions (abriter, protéger, servir...) se doit d’être en cohérence et dans la continuité entre l’extérieur, monde physique, matière et forme. Et nous qui la faisons.

25 CHAP 4 . LE CONCEPT D’AMBIANCE

CHAPITRE 5

Dépasser la fonction

« Le projet doit suivre de tout près cette volonté

C’est pourquoi un cheval à rayures n’est pas un zèbre.

Avant que la gare de chemin de fer soit un bâtiment elle veut être une rue elle grandit à partir des besoins de la rue à partir de l’ordre du mouvement

Des voies sur différents niveaux qui se rencontrent sous une verrière.

Dans la nature - le pourquoi

Dans l’ordre - le quoi

Dans le projet - le comment

Le principe formel émerge des éléments structuraux qui lui sont inhérents.

[...] l’ordre est intangible

C’est un niveau de conscience créatrice qui s’élève toujours plus

Plus l’ordre est élevé, plus il y a de diversité dans le projet »

« L’ordre est l’incarnation des lois de la Nature ». Chaque matériau et chaque objet architectural appartient à un ordre. L’arc appartient à l’ordre de la brique (qui ne peut travailler qu’en compression). L’ordre du mur implique un espace différent de celui de la colonne. Il s’agit toujours de découvrir ce qui fonde l’intégrité des choses et la complémentarité de leurs « parties inséparables ». En principe, les ordres ne se mélangent pas, ou alors cette rencontre est pensée comme un événement : « quelquefois on demande au tirant en béton d’aider l’arc en brique, et celui-ci est bien content ! » Ainsi naît un ordre composite. »

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UNE AMBIANCE SINGULIÈRE
[...]
Extrait du livre pages 20, 21et 24, Silence et Lumière, Louis Khan, 1996

« L’intégration est la voie de la nature. Nous pouvons apprendre de la nature. La façon dont un espace est servi par la lumière, l'air et le calme s'incarne dans le concept d'ordre de l'espace qui mène à l'intégration de ces services. »

Page 39, Silence et Lumière, Louis Kahn

L’architecture contemporaine regroupe diverses pratiques et théories. Pour les modernes comme Tadao Ando et Louis Khan l’architecture doit dépasser la simple réponse à une fonction. Elle doit trouver d’autres fins que de répondre à des besoins : fonction, confort, pratique. Il doit y avoir un esprit d’ordre, une unité d’intention.

Louis Khan est l’un des architectes qui sait manier les différents éléments, en trouvant un équilibre pour constituer une atmosphère particulière. Et dans cet idée d’anthropologie des matières jusqu’à la réalisation architecturale singulière Louis Khan, lui, par de l’ordre. Cet architecte n’est pas vraiment post moderne ni vraiment moderne, mais il est inclassable. Il pense l’esprit divin comme unité, d’où le nom de ce projet.

« Un bâtiment de qualité doit selon moi commencer par le non mesurable, passer par des moyens mesurables dans le projet et à la fin être non mesurable ». C’est-à-dire qu’à la conception, il y a d’abord l’idée d’espace et de sensation, de l’ordre de l’intuition, ensuite il faut mettre cette idée en œuvre, la confrontée à la réalité. Et à la fin, on retrouve une expérience qui se passe dans l’édifice qu’on ne peut pas mesurer, le ressenti qui nous traverse à travers l’œuvre. Cela nous faire un peu revenir à l’intuition du début.

27 CHAP 5 . DÉPASSER LA FONCTION
28 UNE AMBIANCE SINGULIÈRE
Église unitarienne de Rochester, Louis Kahn, New York, 1959 - 1969 © archilio.fr

CHAP 5 . DÉPASSER LA FONCTION

« Le soleil n’a jamais sû de combien il était grand avant de touché un bâtiment. »

Église unitarienne de Rochester, Louis Kahn, New York, 1959 - 1969

La forme même de ce bâtiment, l’église ne se révèle pas tout de suite, les façades sont le centre de ce projet, les verticales donnent de la hauteur. L. Kahn est également fasciné par la lumière et a été en partie influencé par les Grecs. Il pense que le travaille de l’architecte est de révéler la lumière, « La lumière est créatrice d’un matériau et le matériau ainsi crée, projette une ombre et l’ombre appartient à la lumière. »

Ici les matériaux utilisés sont bruts ; la brique, un matériau unique avec des surfaces vitrées qui donne un effet de masse dans ses édifices. Louis K. affirme un rapport à la terre très fort (jusqu’à 60 cm d’épaisseur pour les murs). Il utilise aussi le béton pour l’intérieur, les cloisons et des éléments de menuiseries et mobiliers en bois pour apporter un peu de chaleur et d’élégance. Il nous propose un retour vers l’ancien notamment par les formes qu’il donne aux bâtiments ; plan centré, composition architecturale très classique avec une symétrie. Ce côté est renforcé par l’utilisation de matériaux anciens et modernes.

L’ambiance créée ici est singulière et que l’esthétisme plaise ou non, elle mène à la contemplation et à la réflexion.

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CHAPITRE 6

Nature et espace temps

La relation au temps en architecture est aussi un point non négligeable. Que cela soit au début de la conception, à savoir combien il est important de prendre le temps de poser la réflexion qui aura ensuite un grand impact sur la suite du projet ; du chantier, à sa naissance et jusqu’à sa mort. Mais il y a également la notion du temps en relation directe avec les saisons, et comment le bâti en lui-même vit et bouge à travers ses utilisateurs.

Prenons le Cimetière de San Cataldo imaginé par Aldo Rossi à Modène (1971 -1978).

Cet architecte, plus intellectuel que du chantier, recherchait une expression architecturale intemporelle avec une conception du temps assez personnelle. Selon lui, l’architecture est censée révéler ses deux dimensions du temps. Elle ne bouge pas au milieu de quelque chose qui bouge.

Le bâtiment va montrer les variations de la météo autour de lui et prendre des dimensions oniriques. Puis imbriquer sa mémoire personnelle et collective. A. Rossi a un détachement par rapport au projet de base et au projet fini, les problèmes de chantier, les modifications qu’amène la réalité ne le dérange pas, bien au contraire, cela fait partie de la vie du bâtiment.

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UNE AMBIANCE SINGULIÈRE
© Romain Courtemanche

Ses planches pour préparer son projet ressemblent à des compositions graphiques, rien n’est figé, ce sont des dessins, pas des plans. Il s’est implanté à côté d’un ancien cimetière en refaisant un espace similaire. Il a également travaillé la lumière, notamment avec la tour centrale du cimetière ; surprenante de l’intérieur, car on ne s’imagine pas à ce résultat de l’extérieur. Et on peut s’apercevoir que l’aspect du bâtiment et de la toiture change avec le ciel. A. Rossi a construit son bâtiment pouvant être modifié et pouvant évoluer au fil du temps. Ce contemporain n’a pas utilisé des matériaux nobles pour ce projet, et considère que son oeuvre architecturale, quelque part, ne lui appartient pas, d’ailleurs, il ne finit même pas ses bâtiments.

Le cimetière construit comme un squelette avec une dimension onirique opère un travail de mémoire. Ce dernier rappelle ce que peut être la poétique de l’espace par Gaston Bachelard et l’ambiance que cela peut générer par les énergies qui habitent le lieu rempli d’histoire. Avec certaines croyances spirituelles, nous pouvons nous dire qu’il est intéressant d’interpréter et d’imbriquer au nouveau projet, le passé d’un lieu. Pour le projet de ce Cimetière, il faut savoir que juste avant, l’architecte a eu un grave accident de moto où ses os se sont brisés, et donc il a eu une perception de la fragilité de sa structure en plus de cela.

31 CHAP 6 . NATURE ET ESPACE TEMPS
© Romain Courtemanche

« L'architecture est constituée comme le paysage ; de couches, de strates, d'épidermes dont il faut souder la mémoire, Retrouver cette mémoire et les failles qui la nourrissent, conduit l'architecte à concevoir chaque projet dans un mouvement de déploiement, de fluidité, ininterrompu entre son ancrage dans un site précis et sa réalité constructive. »

J’aimerais démontrer par cet autre architecte qu’est Duncan Lewis l’importance de la temporalité, de laisser le temps au projet de vivre, d’évoluer et de s’installer. Celui-ci défend aussi certaines valeurs comme le fait d’être dans l’action, dans le faire, de montrer sur les chantiers que nous sommes volontaires en tant qu’architecte. Puis, de donner une certaine sobriété aux projets afin de laisser place à l’imagination des futurs occupants.

Les Gites ruraux de Jupilles sont un hameau de sept logements de vacances. Duncan Lewis adopte l’idée du manteau de façade qui améliore l’inertie et le charme du bâtiment. Au fil des saisons, ce projet évolue, les feuilles tombent et laissent davantage de place à la lumière. Tout comme le prochain exemple que nous allons voir, cet endroit a mis un peu de temps avant d’être aussi magique, puisqu’il fallait laisser le temps aux arbres de prendre place. Mais cela en valait bien la peine.

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UNE AMBIANCE SINGULIÈRE
© Duncan Lewis
33 CHAP 6 . NATURE ET ESPACE TEMPS
Intérieur du gite de Jupilles © Duncan Lewis

La nature est belle et bien présente chez Duncan Lewis car pour lui le paysage est un constituant essentiel de l’architecture contemporaine. Sur les images ci-dessous, nous pouvons apprécier la relation entre l’intérieur et l’extérieur qui ne font qu’un. C’était d’ailleurs l’objectif voulu de vouloir estomper les limites du bâtiment à l’aide de la végétation. Au départ maintenu par des tuteurs, l’enveloppe végétale a absorber peu à peu le bâti en créant de nouvelles pièces au niveau des jardins et des terrasses.

La végétation pousse partout, peut être indépendante de nous en nous demandons pas trop d’entretien et a d’immense vertu, alors pourquoi ne pas lui donner plus d’importance dans les lotissements et dans les villes.

La nature est vivante et mouvante, elle joue avec le temps et la lumière qui la traverse. Le bruit des feuilles dans le vent et les gouttes de pluie qui s’abattent contre une vitre sont comme une émanation poétique de la vie.

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UNE AMBIANCE SINGULIÈRE
Projet la cité de Mulhouse © Duncan Lewis

En 2003, dans un quartier de Mulhouse, une réflexion sur le logement social s’est exprimée. L’origine du projet était de démontrer qu’il était possible de réaliser quelque chose de merveilleux, accessible à tous dans un cadre économique ordinaire, tout en considérant les contraintes liées aux réglementations HLM et en cherchant des solutions acceptables par touts les corps de métier : maître d’oeuvre (architectes), maître d’ouvrage (sociétés HLM), administration et politiques. Le but était également de rattraper l’écart existant entre les voeux exprimés par les habitants et la production « normalisée » du logement social. Le coût global a été 6,22M d’euro, pour un coût moyen de 900 euros hors taxe au m².

Ce projet de 60 logements s’inscrit dans une friche industrielle et a été découpé en 5 lots différents. Chacun a été conçu par une équipe différente ; AJN : Jean Nouvel, Shigeru Ban et Jean de Gastines, Anne Lacaton et Jean Philippe Vassal, Mathieu Poitevin et Pascal Reynaud et Duncan Lewis et Hervé Potin + Block vu en amont.

C’est bon de savoir que si nous prenons en compte tous les facteurs pour rendre les gens contents et à l’aise dans leur nouveau milieu, alors ils seront en harmonie avec leur environnement. Un équilibre se crée et chacun, nature et humain se rend l’appareil..1

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CHAP 6 . NATURE ET ESPACE TEMPS
.1 Annexe page 13 : Lettre de remerciement adressé à Duncan Lewis et ses compères suite à ce dernier projet. © Duncan Lewis

CHAPITRE 7

La main de l’homme

Rendre les gens heureux, c’est aussi l’objectif de l’agence ATAU. J’ai rencontré cette équipe multidisciplinaire, composée d’architectes, artisans (maçon, charpentier) et animateurs culturels, lors de mon dernier chantier participatif cet été en Charente-Maritime, à Chaillevette. Et plus précisément dans le domaine de Chatressac, un ancien domaine de capitaine de navires du XVIIIe siècle en presqu’île d’Arvert.

« Nous ne sommes pas simplement dans une démarche de restauration du patrimoine ou d’écologie mais tentons de frayer un chemin dans l’art de bâtir, vivant et accessible : la rencontre de l’homme et de la matière forge des personnes pouvant s’épanouir pleinement dans leur métier, et participe à la beauté et l’harmonie des lieux de vie, ce qui contribue au bien-être des habitants et des utilisateurs. » - ATAU

J’ai accompagné cette équipe durant une semaine en vivant à leur rythme et en apprenant de leur savoir-faire. Les longues discussions que nous avons eues nous mettait d’accord sur l’enjeu d’être dans le faire lorsque nous sommes architectes et de donner toute sa grandeur à l’artisanat pour plus de poésie et de beauté. D’ailleurs à chaque fois que nous travaillons la matière les uns et les autres, c’est tous nos sens tactiles qui parlent à travers nous, c’est avec passion que nous venons malaxer la terre et caresser le bois. N’y voyez rien de sexuel. Mais c’est une sensation drôlement difficile à transmettre par les mots. Disons que nous pouvons comparer cela à de la cuisine préparée avec amour, à la fois subtile, généreuse et accompagnée d’une belle présentation, elle réveillera et émerveillera les papilles des convives de façon, presque orgasmique.

Cette beauté que nous cherchons à transmettre à travers la main de l’homme prend également un tournant thérapeutique. C’est ce que l’agence ATAU a souhaité développer avec l’association Domino pour le projet Hospitalité de la Beauté près de Toulouse, à Mestre Gouny. C’est une demeure d’acceuil alternative, un lieu d’accompagnement dans un domaine agroécologique avec un foyer artistique, pour des personnes en situation de fragilité psychologique, de handicap mental ou social, et pour tous. « Sa spécificité est de proposer une expérience de beauté, chemin d’unification qui permet à toute personne de manifester son unicité, de se découvrir capable de création, de toucher à la sacralité de l’existence. Elle invite à un déplacement, à retrouver la grâce de l’émerveillement, à puiser aux vertus de la simplicité, à éprouver la richesse de la rencontre. » cite l’association. Le projet rejoint ce qui a été dit en amont, où le fait de prendre soin de soi, des autres et de la nature crée de l’harmonie et poétise la vie. Selon le rapport de l’OMS en 2019, l’intérêt thérapeutique des arts est reconnu pour les maladies mentales. Ils constituent un complément aux soins habituels, dont ils améliorent l’efficacité.

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UNE AMBIANCE SINGULIÈRE

« Vous êtes des bâtisseurs, de ceux qui construisent au-delà d’eux-mêmes et pour le devenir de tous. »

C. G. animatrice professionnelle, parlant de l’agence ATAU

La rénovation du site de Mestre Gouny se fait dans le respect des traditions avec le choix d’une architecture belle et sobre. Les travaux utilisent des ressources locales et partent de l’existant comme la fabrication de briques en terre crue à partir du sol argileux du terrain. Ce sont plusieurs années d’installation et de préparation qui ont permis de prendre en compte le développement durable ; la croissance a pris le temps de s’ajuster au rythme de la vie et des personnes en mettant en place l’expérience de construction, alliant création, accueil et formation. Les espaces communiquent entre eux, il y a une respiration entre l’intérieur et l’extérieur, avec de larges ouvertures et terrasses. La ligne architecturale repose sur des espaces lisibles, reliés par une circulation claire et ponctuée par les actes de la vie quotidienne. Chaque lieu a une mission particulière : lieux paisibles qui reposent et unifient, espaces de relation, pièces de travail spacieuses conçues comme des ateliers partagés.

Ce type d’endroit est plus que le bienvenu dans notre société actuelle avec l’augmentation des états anxieux et dépressifs. Loin de l’effervescence et des bruits de la ville, il permet à chacun de s’initier aux méthodes culturales selon les principes de la permaculture. Il va de soi que ce rapport à la nature questionnée tout le long de ce mémoire permet de répondre aux enjeux actuels où les ressources se font de plus en plus rares et où chaque parcelle de terrain prend de plus en plus de valeur. Il est, je crois essentiel aujourd’hui, d’aller vers plus d’autonomie, que chacun ayant un bout de balcon et de terrain puisse prendre le temps de cultiver ce qu’il peut.

Ce type d’initiative s’est déjà produit à Cuba, la Havane pour faire face à une économie de la pénurie. Cela a démontré la capacité de résilience alimentaire d’une métropole mondiale, tout en constituant un cas d’école pour un développement durable inventé, expérimenté et éprouvé sous la pression de la nécessité. Cette dynamique se traduit par plusieurs organoponicos (organoponico en espagnol, vient du grec « organo », relatif au vivant, et « ponos »), une agriculture urbaine organisée. Les parcelles sont surélevées par rapport au sol afin d’autoriser la culture sur terrain pollué. Cette culture fait désormais partie de leur système économique et le partage des ressources a fait apparaitre de l’hospitalité et de la solidarité. Il y a également des cafétérias familiales qui représentent le système d’entrepreneuriat et le modèle économique le plus rependu de la ville. Cela soulève la question de faire communauté et permet l’insertion professionnelle.

Pourquoi faire compliqué quand nous pouvons faire les choses simplement.

37 CHAP 7 . LA MAIN DE L’HOMME

CHAPITRE 8

Design et émerveillement

Dans la vision du modernisme, la forme suit la fonction et donc le design, quelque part soumis à cette règle disparait et tout se ressemble. Le groupe Memphis a ainsi décidé dans les années 80 de prendre le contre-pied et libère les formes avec une approche ludique. Le décor et l’ornement deviennent alors structurel. Ettorre Sotsass qui a fondé ce mouvement mêle cosmiquement le design d’objet aux éléments architecturaux et picturales. Le tout ne fait qu’un, c’est gai et magique. Opposé au rationalisme, il ne cesse de revendiquer une expérience émotionnelle des objets.

Pour cet artiste, « Tout est design, c’est une fatalité. » Cette volonté de transformer la société et de faire advenir un monde meilleur est le coeur utopique du design. Cependant, quelle est notre définition du mot meilleur ? Améliorer le confort des humains au risque de passer dans un design d’assister est-ce nous servir sur le long terme ? Avec comme exemple la domotique ; quel est le poid en termes de production pour atteindre cet objectif, et quel pourrait être le retournement de situation sur nos modes de vie à long terme ? La notion de design est alors subtil, et nous pouvons à présent la retrouver dans tous les domaines ; art culinaire, automobile, médecine, sociologie, etc.

C’est là tout l’enjeu de prendre le parti d’être designer, il faut être perpétuellement dans différents paradoxes où rien est laissé au hasard, car tout va de soi dans les intentions et les choix guidés par « L’ordre intangible ». Et c’est comme si en tant que tel nous ne devions pas oublier où se trouve notre place, puisque nous devons savoir prendre part au jeu sans en être le maître.

J’aime prendre l’exemple de l’expérience émotionnelle que l’on peut lire et vivre dans un pub authantique où le superflu devient décoratif et l’âme du lieu. Là où les nouveaux bars à l’architecture d’intérieur tendances ont tout à leur envier. Car oui, je préfère un bar aux toilettes gribouillées, aux murs remplis de stickers à un bar où tout a été calculé, où chaque chose doit être à sa place et où le semblant d’émotion singulière n’est inspiré que par Pinterest. L’ambiance y est plus décontractée parce que les personnes sont là pour un objectif commun qui est de faire la fête tout en vivant avec l’espace sans y être soumis. Peut-être y vais-je un peu fort, mais ce que je veux dire, c’est qu’il est essentiel bien que difficile, de faire la part des choses lorsque nous sommes bordées de bonnes intentions et pensant créer des lieux uniques avec notre seule vision de créateur.

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UNE AMBIANCE SINGULIÈRE

Ettore Sottsass et son Large Aphrodisiac Vase en céramique émaillée et socle en bois, pièce unique, 1966 (Friedman Benda). © AD magazine

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Memphis – Collection Milano © designmuseum
CHAP 8 . DESIGN ET ÉMERVEILLEMENT

Mais revenons à la notion d’émerveillement qui pour moi est la recherche ultime d’un travail de designer, architecte ou artiste. On remarque souvent que la couleur est omniprésente dans cette quête. Cela est synonyme de gaité et d’esprit enfantin qui trouve le bonheur dans les choses simples de la vie. Beaucoup aujourd’hui ont peur de la couleur, que cela soit en architecture d’intérieur comme pour les tenues vestimentaires. Mais que c’est triste de ne pas prendre de risque et de ne pas apprendre à jouer avec elles. Nous avons la capacité d’en apercevoir une affinité, de créer autant de mélange que nous le souhaitons, la couleur est comme la touche d’acidité dans un plat, elle a autant sa place que le reste.

J’aimerais pouvoir mettre à l’honneur et faire un clin d’oeil en cette fin de mémoire aux villes du Mexique, aux artistes du fauvisme comme Henri Matisse ou bien à Gaetano Pesce et Ricardo Bofill, des architectes et designers avec l’âme d’un enfant qui n’ont jamais cessé de rêver et de nous faire rêver.

40 UNE
AMBIANCE SINGULIÈRE

Ce mémoire a pour objectif de questionner les atmosphères et les ambiances dans lesquelles nous vivons, ainsi que les notions d’émerveillement, de sobriété et d’équilibre entre différents éléments. Tout cela dans l’idée de comprendre comment il serait possible de contourner les espaces monotones que nous retrouvons dans les grandes tours de béton et de verre, ainsi que dans les lotissements uniformes et dépourvu de poésie.

Après avoir exploré différentes approches sensibles de l’espace, nous pouvons constater que c’est au final le processus créatif qui émane de lui-même une singularité. Mais pour se faire, il doit prendre en considération la globalité de son environnement et répondre à un ordre. Il s’agirait de considérer la matière avec laquelle les formes vont s’élever pour dessiner l’espace et de créer des jeux graphiques dans lesquels la lumière serait révélée. Aussi, nous avons souvent évoqué la notion d’équilibre, dont sa définition est ; la recherche de juste proportion entre des choses opposées, pour un état de stabilité ou d’harmonie qui en résulte. Elle peut s’expérimenter à travers la répartition des lignes, des masses, des pleins et des vides avec un agencement harmonieux, des proportions, symétrique. Cet équilibre se situe également au centre entre l’homme et la nature, le naturel et l’artificiel, l’ancien et le nouveau, puis, entre le confort et ce qui est vital. Cette balance va contribuer aux choix qui seront établis durant le processus créatif. Enfin, l’air, le son, la lumière, la chaleur, l’odeur, qui sont des « médias sensibles », n’ont pas de limites spatiales. Elles sont mobiles, diffuses et diaphanes (imprévisibles). Cela participe à l’émanation d’une atmosphère, et les jeux de formes et de matière, dictent l’espace où se trouvent les différentes ambiances.

Maintenant essayons d’appliquer les différents principes vus en amont dans le mémoire à un cas. Imaginons un projet de rénovation d’une maison des années 90 située dans un lotissement séparée de ses voisins d’une clôture verte. Celle-ci est constituée d’un crépis fade, de volets et porte d’entrée en pvc, avec devant, un pot de fleur qui se bat en duel avec un buisson. Au-delà de son esthétisme nonchalant, la maison peu lumineuse comporte quelques problèmes d’isolation et est assez énergivore. Pour commencer, il serait intéressant de repenser l’arrivée de la rue, jusqu’à la maison tout en revoyant les limites séparatives très formatées. Puis de mettre l’accent sur l’importance de la relation entre les espaces intérieurs et extérieurs étant encore inexploités, en les dynamisant et en amorçant une biodiversité par un tiers paysage. Travailler sur les délimitations n’est pas anodin puisque clôturer conditionne l’esprit à la méfiance et à une fausse intimité.

41 CONCLUSION

« Il faut casser les codes de l’organisation de l’espace intérieur, car il a une forte influence sur la capacité de chacun à entrer en contact ou non avec son environnement. Cela implique de donner une grande place à la mobilité, il faut ouvrir les espaces. Leur donner une perméabilité entre l’intérieur et l’extérieur. On pourrait arrêter de construire des murs par exemple. Tout l’inverse de ce qu’on nous communique avec la maison cocon surprotectrice, qui nous empêche de voir l’extérieur, et d’interagir avec nos voisins. Ce qui a pour conséquence de commencer à nous faire douter des autres. ».1

Il serait ensuite essentiel de résoudre les problèmes de santé liée au bâtiment après diagnostic et de se diriger vers une architecture bioclimatique, répondant aux normes RT 2020. Puis, vient le moment où nous pouvons s’amuser sur l’intérieur en redessinant une circulation plus adaptée aux modes de vie, mais aussi sur plan assez libre qui pourra évoluer au fil du temps. De créer de nouvelles ouvertures, de choisir les matériaux de revêtement, ect. selon le budget. Mais dans des soucis d’économie, les transformations seront limitées, la rénovation restera frugale notamment pour limiter le gaspillage des ressources. Les meubles et objets décoratifs seront conservées, mais tout de même triés et disposés d’une autre façon. De plus, tout cela appartient aux clients, c’est important qu’ils continuent de s’approprier les lieux et de faire évoluer les choses personnellement.

La recherche d’harmonie et de fantaisie ne sera pas une mission des plus simples mais le challenge est très excitant. Et cela le deviendra davantage si c’est toute une partie du lotissement sur laquelle il faudra travailler, en prenant en compte l’urbanisme et la connexion entre les différents espaces.

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UNE AMBIANCE SINGULIÈRE
.1 La vision du cocon et de la maison de 2050 par Matali crasset, 2015
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Bachelard Gaston, La Poétique de l’espace, Presses Universitaires de France, 1957

Bégout Bruce, Le concept d’ambiance, éd. Seuil, 2020

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https://www.duncan-lewis.com/ et http://archicommun.free.fr/mulhouse/dossier.pdf

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Paquot Thierry, Les mots et les choses, Améniser, Extrait de texte de la revue Topophile, 2021

Paquot Thierry, Michel Ragon, artisan de son existence 2/2, Extrait de texte de la revue Topophile, 2021

Picon Antoine, Baridon Laurent, nègre Valérie, Pour une anthropologie des matériaux de l’architecture, Festival de l’histoire de l’art, 2018

Van Eeckhout Laetitia, Bâtiment : comment faire du déchet une ressource, avec Bellastock, Article Le Monde, 2019

Autres sources :

Couchot Benjamin, Histoire de l’architecture et du paysage, Esad Orléans, 2019

Salmon Laurence, Cours de design, Esad Orléans, 2020

Exposition, Allemagne, Années 1920, Nouvelle Objectivité, August Sander, Centre Pompidou 2022

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BIBLIOGRAPHIE

Typographies utilisées : Baskerville et Avenir

© photo de couverture : screen d’une carte géoportail et modification par Photosho

Victoire Girardeau

Mémoire d’un brouillon ordonné

« Ils construisent des barres d’immeubles monolithiques et fabriquent des objets en série standardisée. Les mêmes besoins, les mêmes matériaux, les mêmes formes s’imposent partout dans le monde. C’est le naufrage de l’idéal du Bauhaus. »

- Gaetano Pesce
Lim’Art - Ynov Campus Année 2021 - 2022

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