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INTRODUCTION
Photos prises dans l’appartement témoin au Havre. L’appartement fût décoré par le designer René Gabriel à partir de meubles produits en série. 1 2
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.1 Source Arte : Le Sable, Enquête sur une disparition, Film de Denis delestrac, 2013
.2 Annexe pages 14 à 19 : Article Le Monde _ Par Laetitia Van eecKhout, 2019
Ô Grattes ciels
De béton et de verre A l’humeur morose. Ils me regardent de haut, Je ne ressens pas le mépris, J’ai presque de la peine, Ils ont l’air seul et triste.
« Mieux, l’urbanisme, déguisé comme un faux médecin de Molière en guérisseur urbain, ne serait-il pas en fait le plus grand ennemi de la ville ? Ne serait-il pas qu’un tranquillisant social, voire une simple bonne intention ? Les architectes ne seraient-ils pas les grands ennemis de la nature ? L’urbanisme, comme la technologie, comme l’espace vert, ne serait-il pas simplement un mythe progressiste destiné à faire avaler d’amères réalités ? [...] le lecteur comprendra très vite que les erreurs monumentales, que nous dénoncerons sont moins celles de l’architecture comme monument, que de la société qui a permis le développement de cette architecture, de cet urbanisme. »
« La grande ville est l’adéquation de l’urbanisme et du centralisme comme signe du pouvoir. Le désurbanisme, au contraire, serait le signe d’une vraie démocratisation. » Plus loin, il montre que le « travail en miettes » génère « l’espace en miettes » et que les deux empêchent tout être humain d’habiter (là, il se réfère aussi bien à Bachelard qu’à Heidegger pour expliquer que loger ne suffit pas à rendre les gens heureux, qu’ils réclament une « poétique »), que le « grand ensemble » tout comme le mouroir des maisons de retraite sont indignes, que les bidonvilles sont souvent plus habitables dans l’anarchie même de leur édification que la tour de l’urbanisme fonctionnel, qui entasse ses habitants ; que l’urbanisation démultiplie les pollutions qui non seulement saccagent la nature mais développent de pathologies jusqu’alors inédites, et de citer Paul Ricoeur qui écrit dans Christianisme social (n°7-8, 1970) : « Il est parfaitement possible qu’une croissance illimitée viole les lois que nous ne connaissons pas, franchisse des seuils de tolérance que nous ignorons... La mythologie productiviste est-elle inscrite directement dans le socialisme et commune à tous les régimes connus ? Si, un jour, on doit être amené à poser sérieusement la question de la limitation de la production, il n’est pas indifférent que ce problème soit pris en charge par une société soucieuse des besoins réels des hommes... La civilisation industrielle débouche peut-être sur une problématique de limitation de ses énergies et de ses pouvoirs... Ne peut-on envisager que l’homme postindustriel reposera, dans un contexte de civilisation tout à fait nouveau, les vieux problèmes de la limitation du désir qui furent ceux de la sagesse antique ? » Il démontre en quoi l’urbanisme de la ville productiviste détruit la ville, il récuse le zoning, la destruction des centres par la fermeture des commerces, le tout-automobile, les erreurs de la Charte d’Athènes, les « idées périmées de Le Corbusier », la « ville passéiste » comme Brasilia, « l’escroquerie des espaces verts », le bétonnage touristique (à la fois l’opération Languedoc-Roussillon que les stations de sports d’hiver), « l’épouvantail Delouvrier » (du nom du technocrate à l’origine des « cinq villes nouvelles » de la région parisienne), l’embourgeoisement de la capitale, etc. Il appelle les citoyens à prendre en main leur destin urbain, que toute erreur architecturale et urbanistique « porte atteinte à leur santé physique et morale, à l’avenir de leurs enfants, à ‘leurs droits’ ».
L’Âme (latin anima, souffle, vie)
. Siège de l’activité psychique et des états de conscience de quelqu’un, ensemble des dispositions intellectuelles, morales, affectives qui forment son individualité, son moi profond ; esprit, intellect, cœur, conscience. . Ce qui donne à quelque chose son originalité, ce qui l’anime et fait qu’il touche la sensibilité.
Tout au long de ce mémoire, je vais tenter de questionner les atmosphères dans lesquels nous vivons afin d’intégrer un processus créatif qui mène à l’émerveillement et à un retour à la simplicité. Ces réflexions vont s’accompagner d’une critique face à l’uniformisation et l’excès de la standardisation dans le bâtiment.
Face à ce phénomène, c’est le sentiment d’une architecture froide et lisse que je ressens, à qui on ne laisse pas l’occasion de vivre. C’est une architecture née de matières que l’on contraint par ses multiples transformations sans même prendre le temps de les comprendre. Les limites de la ‘mythologie productivite’, comme cite le journaliste Thierry Paquot à travers le livre de Paul Ricoeur, Christianisme social (n°7-8, 1970), en sont en partie la cause. Et cela participe à « l’uniformité lugubre du ‘‘ style international ’’ » cite le célèbre designerarchitecte Gaetano Pesce.
« Ils construisent des barres d’immeubles monolithiques et fabriquent des objets en série standardisée. Les mêmes besoins, les mêmes matériaux, les mêmes formes s’imposent partout dans le monde. C’est le naufrage de l’idéal du Bauhaus. ».1
Pour moi cela a un impact dans notre inconscience individuelle et collective. Ces immeubles sont construits d’une façon où tout est caché comme s’ils étaient superficiels. Le fonctionnel semble régner afin de ne pas perdre de temps dans des choses futiles, et tout doit être parfait pour le confort humain qui ne souhaite ni entendre ni le bruit de sa hotte, ni de sa chasse d’eau. En effet, nous semblons nous balader en permanence dans l’incompréhension de ce qui nous entoure.
Et si au contraire, nous pouvons lire ce qui se cache sous un faux plafond par exemple, cela nous interloquerait davantage qu’une face blanche. La machine à habiter.2 nous laisserait alors moins passif, nous prendrons alors le temps de regarder et de se questionner. C’est important à mon sens, car de la compréhension découle la tolérance et le respect de ce qui nous entoure.
J’appuie ce propos avec mon expérience personnel où j’ai grandi toute mon enfance dans une ancienne ferme, avec des parents qui ont toujours essayé de se débrouiller pour faire les choses eux même. J’ai appris à manger avec ce qu’il y avait dans le potager, à vivre avec les saisons et à m’ennuyer pendant de longs moments à contempler la nature. C’est une expérience donnante-donnante, où l’on compose avec son environnement et où l’on fini par se sentir apaisé et en harmonie. Je le ressens aussi chez les autres habitants du village, contrairement à l’ambiance générale qui peut se dégage « chez les citadins ». En ville, ce rapport à la nature est bien sûr moins présent, les humains se sont beaucoup détacher de ces notions de simplicité où ce sont les nombreuses structures en parpaing et béton qui ont pris le relais. Mais notre rapport à l’espace a beau être différent, ce n’est pas forcément un problème s’il n’est pas négligé.
C’est donc sur ce point que j’aimerais intervenir et aider dans mon métier, en offrant et en partageant aux personnes qui vivent dans des espaces qui semblent vidé d’âme, une interprétation de l’imprévisibilité de la nature, du mouvement des arbres et de la lumière qui traverse une canopée. Modifier les perceptions de l’espace c’est quelque part modifier sa perception de la vie. Cela ne soignera pas tous les maux de la société, mais j’espère qu’elle y participera.
.1 Source
.2 «