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Interventions
La cité Versailles montre également un intérêt patrimonial car ce projet conclut les propos théoriques et les idées mises en œuvre dans l’ensemble des projets, réalisés ou théoriques, de Robert Courtois antérieurs à cette réalisation. On note parmi les grands enjeux qu’il a toujours cherché à mettre en avant : La rationalisation de l’architecture par le plan, par l’usage des matériaux, par la composition souvent tramée et suivant une logique constructive La présence restreinte d’éléments répétitifs pour permettre aux logements de profiter d’une surface optimisée et à des coûts moins importants La composition d’un ensemble marqué par la répétition et l’unité fédérée par les espaces extérieurs souvent en intérieur d’ilots La continuité dans l’écriture de plusieurs ensembles malgré leurs différences volumétriques ou compositionnelles La répétition de différents modules pour composer un ensemble L’illustration de la nécessité de densification de la ville par des ensembles plus imposants comparés au quartier actuel
Interventions réalisées de 2000 à 2020
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L’état sanitaire de la cité sociale « Versailles » est en assez bon état général. Ce bâtiment, néanmoins construit il y a plus de 40 ans, a nécessité plusieurs interventions d’entretien, de remises aux normes et d’améliorations. Ces actions sont reprises dans la liste ci-dessous, effectuée par le Logement Bruxellois. Celle-ci est classées par zones. Phase 1 : 2000, remplacement de couverture de toiture 2001, modernisation des chaufferies 2004, remplacement de chaudières 2005, remplacement des menuiseries extérieures 2005, remplacement des châssis extérieurs des blocs A, B, C et D 2006, remplacement des châssis extérieurs des blocs E, F et G 2013, travaux de sécurisation 2013, sécurisation des portes de garages 2018, remplacement des portes des caves Phase 2 : 2000, remplacement des joints souples de l’enveloppe 2001, modernisation des chaufferies 2006, transformation du bloc K dans le cadre d’un changement d’affectation 2007, remplacement des menuiseries extérieures 2007, remplacement de la couverture et isolation 2013, travaux de sécurisation 2013, sécurisation des portes de garages 2015, mise en conformité incendie 2018, remplacement des portes des caves
Phase 3 : 2000, remplacement de la couverture de toiture 2000, mise en peinture des cages d’escaliers et des sorties de secours 2000, remplacement des éclairages de secours 2001, modernisation des chaufferies 2001, remplacement des joints en façade et hydrofugation 2001, entretien et rénovation des ascenseurs 2002, remplacement des revêtements de sol 2003, pose d’un système de télé surveillance 2003, pose d’un système de détection incendie 2003, pose de système d’accès par badges 2005, création d’un local polyvalent au niveau des abords 2005, mise en peinture des enduits communs 2012, sécurisation des garages 2013, travaux de sécurisation et remplacement des portes d’entrée 2013, sécurisation des portes de garages 2015, remplacement des étanchéités de toiture, des joints souples en façade et hydrofugation 2018, mise en conformité de l’électricité 2019, coating et réparation des marches des escaliers de secours
Phase 4 : 2011, remplacement de l’étanchéité de toiture 2013, travaux de sécurisation 2019, remplacement du revêtement de sol en lino sur les paliers communs 2019, remplacement des chaudières individuelles
Espaces extérieurs : 2013, fourniture de rochers et de signalisation
13 LE LOGEMENT BRUXELLOIS, Rapport d’analyse des offres, marché de services multi-complexes 0032_ MS_AP_02, 2020, 23 pages En septembre 2019, un concours est lancé – par la société gestionnaire du complexe : le Logement Bruxellois – ayant pour objet : « La mission complète d’étude et de suivi des travaux de rénovation, isolation des enveloppes extérieures, installation d’un système de ventilation et rénovation de certains composants architecturaux et techniques intérieurs d’un ensemble de complexes de logements sociaux »13. La remise finale devait s’effectuer avant mai 2020. Etant donné la situation à laquelle le dépôt des travaux a eu lieu (confinement suite à la crise du Covid-19), la présentation des projets s’est faite virtuellement par un PowerPoint pré-enregistré. J’ai donc eu l’opportunité de pouvoir visionner ces exposés. Ces documents ont été un support très riche pour compléter mon analyse personnelle avec celle des agences d’architecture et la vision qu’elles peuvent avoir quant à la modification nécessaire d’un tel projet. Les équipes étaient composées d’architectes, d’ingénieurs en stabilité et d’ingénieurs en techniques spéciales. Elles ont toutes eu accès à l’analyse sociologique (précédemment résumée) et disent s’en être servis pour comprendre les manquements du projet ainsi que les attentes des habitants. La demande du concours concernait la phase 4 du complexe Versailles. Les trois équipes sélectionnées pour la rénovation du complexe sont représentées par les bureaux FORMa*, Trait Architects et Pierre Blondel Architectes. Cette partie sera composée d’un résumé des trois propositions choisies et d’une synthèse des problèmes et des opportunités constatés qui devront faire l’objet d’une attention particulière lors de la rénovation.
Constat L’ensemble de logements sociaux est composé de façades qui manquent d’identité. L’appropriation n’est que très peu possible. Le complexe apparait comme un grand ensemble sans structure dans lequel il est difficile de se repérer et de s’orienter. Ce projet brun est perçu comme monotone, oppressant et imposant. Enjeux L’idée de cette équipe est de mettre en place des tonalités distinctes pour chaque unité et donner ainsi la possibilité aux usagers d’identifier les différents volumes. Proposition La solution proposée est d’utiliser la céramique colorée sur la hauteur des pans de murs pleins pour créer des points de repère dans le site. La couleur est également employée au niveau des soubassements pour distinguer les différents volumes depuis la hauteur d’homme. Le reste de la façade est recouvert d’un isolant fixé sur la façade d’origine et recouvert de crépi blanc. Les garde-corps sont supprimés à cause de leur non-compatibilité avec l’emballement de la façade et pour leur non-conformité. Ils sont remplacés par des barreaudages verticaux. Au niveau de l’espace public, le bureau propose de requalifier les espaces verts, pour qu’ils puissent être plus appropriables par les habitants, par un épanchement de prairie, culture et un bosquet du nord au sud.
Constat Cette équipe se repose sur l’analyse sociologique pour avancer le fait qu’il existe une nécessité de pouvoir aimer son quartier et s’identifier positivement à celui-ci. L’analyse de ce bureau a révélé une architecture monotone et fonctionnaliste qui manque d’identité et d’espaces d’échanges. L’échelle est considérée comme imposante. L’intérieur d’ilot est à améliorer et les abords non qualifiés également. La voiture est perçue comme étant omniprésente sur le site. Enjeux L’intention est de redéfinir une nouvelle image pour le complexe en utilisant peu pour changer beaucoup au niveau de la perception. Proposition L’utilisation de la brique émaillée blanche est envisagée pour une nouvelle virginité d’une grande simplicité et le côté brillant pour le dynamisme. Cette couleur sera appliquée partout pour la cohérence mais nuancée par différentes teintes qui seront données aux bâtiments pour les différencier. Cette teinte sera différente que l’on se trouve en intérieur ou en extérieur d’ilot. Les entrées feront l’objet d’un traitement particulier, elles seront marquées par des auvents, de nouveaux aménagements extérieurs connexes et un traitement des balcons au-dessus de ces entrées sérigraphié sur les 3 faces. Les balcons seront également modifiés dans leur structure puisque l’existant sera supprimé pour être remplacé par un balcon préfabriqué qui apporte une meilleure sécurité, une surface plus grande et l’inclusion de végétation. Au niveau communautaire, des espaces d’échange et de sociabilisation seront aménagés devant les halls d’entrée.
Constat Basé sur l’étude sociologique, cette équipe avance le repli, le refus et la difficulté d’investissement des usagers. Elle note tout de même un certain attachement au quartier et au site malgré les attitudes négatives liées à la pauvreté des espaces intermédiaires et la monotonie des façades. L’espace vert est analysé comme difficile à lire, on ne perçoit pas ce qui est privé, public et où sont les limites. Un constat est aussi fait sur la composition de l’architecture, qui comme les façades, est vécu comme monotone. On retrouve le même plan, les mêmes balcons, les mêmes fenêtres et une composition uniforme. Le constat est d’autant plus dur à accepter que ces entités répétées ont des relations différentes avec leur contexte. Leur rapport au parc, aux voiries publiques, au sol, à la déclivité, aux espaces extérieurs sont différents. Enjeux La volonté de cette équipe est de rendre la différenciation des entités plus importante pour favoriser l’appropriation. Proposition Il est proposé que chaque appartement au RDC profite d’un jardin privé. Cette démarche aiderait à clarifier les espaces ouverts en mettant à distance l’espace public du pied des immeubles. L’espace ouvert sera redéfini en espace public à l’extérieur de l’ensemble et en espace collectif en centre d’ilot. Pour le bâti, il est prévu de diminuer la monotonie et d’augmenter l’appropriation en donnant la possibilité de reconnaître les immeubles comme étant chacun unique. Cette différenciation se fera par le renforcement des relations avec leur contexte. Ainsi, chaque bâtiment fait l’objet d’une demande spécifique. Un travail est prévu sur les balcons, éléments omniprésents en façade, dont la modification permettra la différenciation. Les balcons existants seront inclus dans l’enveloppe du bâtiment et de nouveaux balcons indépendants seront mis en place aux endroits nécessaires. Les halls d’entrée feront également l’objet d’une attention particulière pour leur donner une apparence spécifique, plus d’espace et une nuance pour chaque entrée.
©Pierre Blondel Architectes
©Pierre Blondel Architectes
©Pierre Blondel Architectes
Synthèse Les trois équipes ont mis en avant les problèmes et les opportunités suivants : Monotonie des façades Manque d’identité du lieu Difficulté pour s’orienter Répétition des appartements Manque d’appropriation des lieux Pauvreté des espaces extérieurs et confusion des statuts Uniformité Non différenciation des bâtiments Echelle du bâti imposant Emprise importante de la voiture Etat sanitaire général assez bon Présence de grands espaces extérieurs potentiellement très intéressants
Conclusion
L’analyse de ces propositions renforce le fait qu’une rénovation du lieu est nécessaire, pour des raisons d’état sanitaire mais également pour des raisons sociales. Prochainement, une réunion est envisagée entre le Logement Bruxellois et les trois équipes participant à la rénovation du complexe pour discuter de la cohérence des interventions et des projets de chacun. Cet échange et les modifications induites sur les projets seront déterminants pour l’avenir de cette réalisation de Robert Courtois. Il serait alors indispensable que les modifications tiennent compte de l’intérêt architectural, urbanistique et patrimonial évident de cette œuvre qui se trouve être une des plus importantes et des plus représentatives du travail de l’architecte.