Rapport de Projet de Fin d'Etudes en architecture - Son refuge en partage

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SON REFUGE EN PARTAGE FAVORISER L’HÉBERGEMENT CITOYEN À GRANDE-SYNTHE Stadelmann Laure Rapport de Projet de Fin d’Études École Nationale Supérieure d’Architecture Paris - Val de Seine Sous la direction de : Catherine Rannou et Marc Dillet



« Certains intervenants officiels ne voulurent pas saisir ce qui se tramait ici, s’acharnant à ne pas reconnaître que Calais n’est pas une commune paisible française débordée par un afflux extérieur et croyant qu’on pourrait traiter ce flux comme on règle les conséquences d’une inondation ou d’un embouteillage le jour d’un départ en vacances, mais une localité investieet métamorphosée par la mondialité. » - Michel Lussault, Hyper - lieux, p.147




Son refuge en partage

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Table des matieres AVANT - PROPOS

8

INTRODUCTION

10

PARTIE I.

DIAGNOSTIC DE LA VILLE DE GRANDE-SYNTHE

12

Migration et (non)accueil

14

A. a.

Les routes migratoires : un entonoir vers le Royaume Uni

14

b.

L’Europe de tous les obstacles

16

c.

La frontière anglaise en France

18

d.

Grande-Synthe : ville hospitalière ?

22

Ville nouvelle en transition

30

a.

Histoire de la formation de Grande-Synthe : Un parc de logements daté et inadapté

b.

Politique de renouvellement urbain : La destruction comme seule réponse donnée.

c.

Engagement écologique : La reconstruction teintée de vert

Une population locale fragilisée

42

a.

Chômage et pauvreté

42

b.

Repli et préjugés

44

2.

3.

30 36 38


Table des matieres

PARTIE II.

7

LA DÉMARCHE DE PROJET

48

Ech 1 : La ville

50

a.

Le centre d’hébergement : s’emparer d’opportunités foncières

50

b.

L’accès aux équipements de la ville : Un premier pas vers la fin de l’ « encampement »

58

Ech 2 : Les quartiers

60

a.

Répondre au besoin « Se rassembler»

60

b.

Des pavillons parmi les pavillons

64

c.

Les greffes sur les tours

66

Ech 3 : Les logements

78

a.

L’hébergement citoyen : entre légalité et légitimité à agir

78

b.

Les terrains d’interventions

82

c.

Les scénarios d’accueil

84

1.

2.

3.

CONCLUSION

88

BIBLIOGRAPHIE

90

ANNEXES

92


Son refuge en partage

8

Avant propos Août 2016, Grande-Synthe.

L’équipe se rejoint sur le parking du camping. On attend les derniers retardataires. Le réveil est difficile, les discussions entre bénévoles ont durées jusque tard dans la nuit, il fallait décompresser ... Au complet. Il est temps de se répartir dans les voitures. Certains iront à Calais, d’autres à Grande-Synthe. Les petites routes de campagnes, puis l’autoroute. Au loin, les cheminées crachent de leurs fumées et donnent au paysage une coloration grisâtre. Sortie 54, et le camp juste derrière. Pas de contrôle aujourd’hui.

Les autres bénévoles nous ont devancés de quelques minutes. Il faut se répartir les tâches : le nettoyage du camp pour les plus courageux, la permanence aux cuisines, la coupe du bois, la tenue du free shop ou du tea time, la navette ... Pour moi ce sera atelier ce matin, il faut réparer tant bien que mal les toits qui prennent l’eau. Le camp est encore endormi, personne dans les allées. Pour eux aussi, la nuit a dû être longue. Éprouvante surtout ... Un jeune papa cherche à faire changer la pile de sa lampe. Elle est en panne et son bébé a peur le soir. Je reconnais son visage. La veille, sa femme me confiait la surveillance du bébé dans le women center alors qu’elle préparait le dîner. Il était né quelques jours plus tôt à l’hôpital de Grande-Synthe et était déjà de retour au camp.

Bientôt, les enfants viennent nous tourner autour. Ils cherchent une occupation en


Avant propos

attendant l’ouverture de l’atelier vélo dans l’après-midi. Mon jeune acolyte m’a rejoint également. Je suis heureuse de revoir ses grands yeux verts mais un peu déçue aussi. Sa présence à mes côtés marque l’échec de la tentative de passage de la veille. On ne se comprend pas et pourtant, la complicité est bien là : comme tous les adultes et les enfants du camp, il me prend pour un « bambino », ce qui fait tomber sa timidité habituelle.

Le food truck ouvre ses portes, il est temps d’aller déjeuner. C’est l’occasion de retrouver les autres bénévoles. L’après-midi, il faudra faire la navette entre le camp et le supermarché. La musique kurde bat son plein dans l’habitacle ! Deux jeunes hommes tentent de m’apprendre quelques mots et rient à chacune de mes tentatives.

A la nuit tombée, il est temps de rejoindre nos bungalows au camping ... Demain, le même rituel recommencera, inlassablement.

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10

Introduction J’ai abordé ce Projet de Fin d’Études avec le choix mûrement réfléchi d’un sujet dont j’avais déjà conscience de la complexité : l’accueil des migrants dans le Nord de la France. La situation de ce territoire m’interpellait spécifiquement, justement pour sa complexité. La présence des migrants en ces lieux ne découle pas d’un choix. Celui ci s’est porté ailleurs, sur le Royaume Uni, et c’est un concours de « circonstances » qui les a menés là où ils se trouvent. Je voulais comprendre comment l’architecture, statique dans sa première définition, pouvait accompagner ce passage, ce mouvement.

Mon choix de terrain s’est très rapidement tourné vers la ville de Grande-Synthe, découverte en même temps que Calais pendant l’été 2016 dans le cadre de missions de bénévolats. Il s’est construit là une volonté politique qui va à l’encontre de ce qu’y s’est développé ailleurs dans la région, une politique qui prône l’accueil face à la répression. Ce choix m’assurait donc de trouver une oreille attentive au cours de mes recherches et cela a effectivement été le cas.

Le sujet s’est par la suite naturellement resserré sur la thématique de l’hébergement citoyen qui semblait jusque là assez peu abordée par les architectes et qui me permettait de soulever des enjeux allant au delà de ceux de l’accueil, comme je l’explique dans la suite du rapport. Cela m’aura notamment permis de tourner ma réflexion sur la rénovation énergétique

et la densification de parcs de logements datés des années 1970’. Le projet produit se veut alors


Introduction

être d’une portée plus large que celle de Grande-Synthe en cherchant à toucher du doigt une réflexion sur le devenir des grands ensembles et des quartiers pavillonnaires en France.

Il s’agira alors de replacer la question de l’habiter au centre de la reflexion à l’heure où, sous prétexte d’une réponse à l’urgence, l’hébergement est devenu la norme pour les personnes en situation de précarité et alors que « l’hébergement dépossède l’être humain d’une de ses libertés les plus essentielles : celle d’habiter » (Joffroy, P.). Il s’agit de redonner aux migrants leurs capacité d’appropriation de leurs lieux de résidences : pouvoir vivre en couple, recevoir, fumer, ...

Ce projet représente pour moi la seconde partie de l’aboutissement d’un travail mené sur deux ans. Je le perçois comme une mise en application pratiques des enseignements que j’ai cherché à accumuler pendant mon année de césure, puis tout au long de ma dernière année de master. Ce sujet m’est assurément chère et nourrira à n’en point douter ma future carrière professionnelle.

11



PARTIE 1. Diagnostic Je commencerai par identifier les acteurs en présence sur le territoire de Grande-Synthe et auxquels le projet cherche à s’adresser. J’identifierai ainsi les enjeux auxquels il me semble primordial de donner une réponse dans le projet dont la démarche sera présentée par la suite.


Son refuge en partage

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1. Migration et (non) accueil a.

les Routes migratoires : un entonnoir vers le Royaume Uni

Pourquoi l’Angleterre ?

- Une grande part des migrants sont issus de pays anglophones ou parlent couramment Anglais. Connaître la langue de leur pays d’accueil doit faciliter leur intégration. - Beaucoup cherchent à rejoindre sur place des proches

Depuis le printemps 2014, on assiste à une

intensification des mouvements migratoires, des pays du Sud vers ceux du Nord, due, d’une part à une multiplication et une intensification des conflits (Irak, Syrie, Afghanistan, Nigéria, Soudan), et d’autre part au

qui pourront leur apporter une forme de solidarité.

durcissement de certains régimes politiques (Erythrée,

- La législation du travail est plus souple en Angleterre

Ethiopie). Des routes migratoires apparaissent alors

qu’ailleurs en Europe. - A l’international, la nation anglaise est réputée être plus accueillante que les autres nations européennes,

en Europe, dont certaines pour rejoindre le Rouyaume Uni, qui reste pour beaucoup un Eldorado.

notamment face à la nation Française considérée comme peu accueillante, voire raciste. Cette dernière prône

un

modèle

d’intégration

souvent

qualifié

d’assimilation, qui passe par un rejet total de toute forme de communautarisme ; tandis que celui-ci est historiquement beaucoup plus toléré, voir encouragé dans la culture Anglaise.

Pourquoi pas la France ? - Le délais d’accès au travail est long. - La police française est réputée comme étant très répressive et violente. - Les demandes d’Asiles sont administrativement complexes et fastidieuses, et le taux d’accord plus faible qu’ailleurs. La france affiche en effet l’un des taux d’accord de demandes d’asiles les plus faibles de l’Union Européenne alors même que les demandes y sont moins nombreuses qu’ailleurs. - La nation française est perçue à l’international comme peu accueillante, voir raciste.

La France quant à elle, attire moins. En effet,

en 2016, les demandes d’asiles déposées en France étaient dix fois moins nombreuses qu’au Royaume Uni.


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

15

Les mouvements migratoires Sud - Nord

PAYS DE DÉPART PAYS TRAVERSÉS DESTINATION ESPÉRÉE PARCOURS FRONTIÈRE DE L’ESPACE SHENGEN


Son refuge en partage

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b. L’Europe de tous les obstacles

Pour ces migrants qui tentent un passage vers le Royaume Uni, les obstacles sont

nombreux. Les premiers sont les obstcales naturels : on estime à environ 3 100 le nombre de migrants morts ou disparus en mer méditerannée en 2017. La traversée depuis la côte Lybienne que les migrants tentent de fuire à tout prix serait la plus dangereuse et meutrière, en raison de la longueur de la traversée et de la précarité des embarcations.

Les migrants doivent aussi affronter une politique européenne, qui d’une façon générale,

est hostile à leur venue. Ainsi, au sein même de l’espace Schengen, défini comme un espace de libre circulation, des contrôles aux frontières ont été instaurés en raison de la crise migratoire (actuellement : Allemagne, Autriche, Danemark, Suède) ou pour faire face à la menace terroriste (France). Les accords de Schengen stipulent en effet que leurs vingt-six pays signataires ont la possibilité de temporairement 1 rétablir les contrôles à leurs frontières nationales en cas de menace pour l’ordre public ou la sécurité. En France, ces contrôles d’identités avaient été rétablis en novembre 2015, au lendemain des attentats parisiens, puis prolongés à plusieurs reprises.

1

30 jours à 6 mois, voir 2 ans en cas de défaillance d’un Etat à contrôler ses frontières extérieures.


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

Les mouvements migratoires en Europe (carte mise a jour) FRONTIÈRES INTÉRIEURES DE L’ESPACE SCHENGEN MURS, CLÔTURES, BARRAGES FRONTIÈRE DE L’ESPACE SCHENGEN ZONES DE DANGER ESPACE SCHENGEN AUTRES PAYS DE L’UE CANDIDATS À L’ESPACE SCHENGEN CAMPS D’ENFERMEMENT

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c. La frontiere anglaise en France

Depuis la fin des années 1990, le nord de la France représente une zone d’attente pour

les migrants souhaitant rejoindre l’Angleterre et les contrôles sont particulièrement renforcés depuis les accords du Touquet de 2003 (pour plus de précision, voir le mémoire, p.19). Or, la région n’a pas échappé à la croissance des mouvements migratoires à partir de 2014. Ainsi, alors que Calais comptait entre 200 à 500 migrants en permanence sur son territoire entre 2010 et 2014, on estime que ce nombre atteint les 2 000 à 2 500 cette année là et 10 000 l’année suivante.

Dans ce territoire, comme ailleurs en France, la politique d’invisibilisation menée par les

pouvoirs publics vise à maintenir dans la précarité ceux que l’on considère comme « indésirables » (Michel Agier)

(pour plus de précision, voir le mémoire, p.21).

Les campements se font et se défont en

Les dispositifs d’accueil en France - CAES

Centre d’Accueil et d’Examen des Situations

permanence,

au

gré

des

démantèlements. Ce territoire aura notamment vu émerger la « new

Il s’agit des premiers centres auxquels les migrants ont parfois accès après

jungle » / « jungle » de Calais, d’une

l’évacutation d’un campement. L’hébergement est proposé le temps d’un

durée et d’une ampleur inédite en

examen de la sitatuation administrative de chacun. - CAO

Centre d’Accueil et d’Orientation

France puisqu’elle aura accueilli

Si les migrants accepte l’examen de leurs situations, ils sont réorientés vers

jusqu’à 10 000 personnes pendant

ces centres le temps d’entamer les démarches pour une demande d’asile. Ils

un peu plus d’un an et demi entre

ont été créés après les grandes expulsions de campements à Calais et Paris en 2016. - CADA

Centre d’Acceuil pour Demandeur d’Asile

Ces centres sont accessibles uen fois une demande d’asile déposée ou obtenue. - PRADHA

mars 2015 et octobre 2016.

Dés

lors,

les

dispositifs

d’accueil mis en place sont rares Prog. d’Acceuil et d’hébergement des Demandeurs d’Asile

Ces centres accueillent les demandeurs d’asile en attente d’enregistrement. - Centre de « dispositif de préparation au retour » Les migrants y son surveillés avant leur expulsion vers leurs pays d’origines ou un autre pays d’Europe dans le cadre de la procédure Dublin.

et inadaptés à ce que la situation réclamerait (voir ci contre). En effet, des dispositifs se sont développés en France pour la mise à l’abri de migrants souhaitant engager des

démarches de demandes d’asiles dans le pays. S’ils ne sont pas assez nombreux, ils ont au moins le mérite d’exister. En revanche, l’État ne prévoit rien dans la région pour les migrants


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

Longuenese 15 places

St martin les Tatinghem 30 à 50 pers

19

grande Synthe

Haumont - 21 places Louvroil - 4 places Rousies - 50 places

200 à 400 pers

STEENVORDE 30 pers

Calais

bailleul

700 à 800 pers

85 places

Troisvaux 75 places CAMPEMENTS INFORMELS CAES CAO

Angres 30 pers

Quernes 30 à 40 pers

Douai - 31 places Sin le nonble - 20 places Cantin - 50 places lambres-Lez-Douai - 10 places Croisilles 75 places

PRINCIPALES VILLES LIMITES DE L’ESPACE SHENGEN TUNNEL SOUS LA MANCHE

Les campements du Nord de la France


Son refuge en partage

20

qui demeurent bloqués à la frontière le temps de leur passage au Royaume Uni. Ceux là sont condamnés à voguer d’un campement à l’autre, au gré des expulsions. Une distinction est donc faite entre des « bons » migrants souhaitant s’engager dans une démarche de demande d’asile et de « mauvais migrants » que l’on cherchera à maintenir dans le précarité ou expulser.

Deux villes en particulier sont touchées par ces forts mouvements migratoires : Calais et

Grande-Synthe sur les territoires desquelles se trouvent encore actuellement encore entre 300 et 500 migrants et qui ont « accueillis » respectivement jusqu’à environ 12000 et 1500 migrants. Dans cette dernière s’est développée une volonté politique forte, qui va à l’encontre de celles affichées par les autres autorités de la région. Ainsi, le maire de Grande-Synthe, Damien Carême, prône l’accueil face à la maire de Calais Natacha Bouchart, qui multiplie quant à elle la mise en place de dispositifs dissuasifs (le mur de grillage surmonté de barbelés qui ceinture la côte) et répressifs

Pourquoi Grande Synthe ? - Des rumeurs de passage facilité : une station service où les camions ne partance pour l'Angleterre s'arrêtent régulièrement. - Une communauté kurde en formation. - Une municipalité à la réputation plus accueillante qu'ailleurs.

(la forte présence policière) sur son territoire. C’est pour cette raison que j’ai choisi de travailler sur la ville de Grande-Synthe pour mon Projet de Fin d’Études.


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

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Son refuge en partage

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d.

Grande Synthe – Ville hospitaliere ?

Carte d'identite de Grande-synthe : Région :

Hauts-de-France

Département :

Nord

Arrondissement : Dunkerque

Depuis 2006, la ville voit arriver des migrants

en grand nombre sur son territoire. Les associations s’organisent rapidement pour offrir une première aide à ceux installés dans le bois du Basroch, alors qualifié

Intrecom. :

Communauté urbaine de Dunkerque

par les médias de « pire campement du monde ».

Mairie :

D. Carême (EEELV (2014-2020)

Superficie :

21,44 km²

A partir de 2015, à l’image de ce qu’il se passe

Population :

23 634 hab

Densité : 1 102 hab./km²

ailleurs dans la région, la population du campement augmente fortement et rapidement, jusqu’à atteindre 2 500 personnes à l’été 2015, soit plus d’un dixième

de la population locale. Les conditions de vie précaires deviennent désastreuses sur ce terrain enclavé, boisé et boueux.

Le maire Damien Carême prend alors l’initiative de mandater Médecins Sans

Frontières (MSF) pour construire un camp humanitaire sur un terrain loué par la mairie 2. Celle ci, accompagnée de la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD) investissent 500 000 euros tandis que l’ONG investi quant à elle 2,7 millions. Le camp de La Linière voit le jour début mars 2016 pour héberger 1 500 personnes, et ce sans avoir attendu l’aval de l’État. En effet, le préfet du Nord émet à l’époque un avis négatif que Damien Carême décide de ne pas prendre en compte 3, estimant insupportable l’idée que des personnes puisent vivre à la rue sur son territoire. Lors de notre entretien, Olivier Caremelle (directeur de cabinet du maire à Grande-Synthe) soulève à quel point cette décision a pu représenter un risque politique pour le maire : « Damien a pris une décision absolument irréelle. Moi les journalistes me demandent « est ce que vous auriez fait la même chose», je dis «franchement, je ne sais pas, certainement que non». Moi je suis élu aussi, prendre le risque politique qu’il a pris en décembre de dire «on va construire un camp» ... » (Voir Annexe 1).

Le camp est au départ géré par Utopia 56, une toute jeune association bretonne créée

2

La mairie loue un terrain situé derrière les halles industrielle d’une ancienne coopérative de transformation du lin, entre l’autoroute A16 et les voies ferrées. Le jour de l’ouverture du camp, le prefet avait par ailleurs ordonné d’interrompre le déménagement du Basroch vers La Linière en faisant venir une commission de sécurité. Celle ci, réunissant des pompiers, des policiers et le maire, avait émis un avis défavorable des deux premiers côté. Mais Damien Carême avait décidé de ne pas le prendre en compte et de maintenir le déménagement comme prévu, en assumant toute responsabilité en cas de problème.

3


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

L’INDUSTRIE USINOR

L’arrivée de l’usine créer des emplois dont une partie sont pourvus par des migrants d’Afrique du Nord.

1955

La population du campement du Basroch commence à augmenter rapidement.

LE CAMP BRÛLE

Le 11 AVRIL, le camp brûle, les familles sont provisoirement hébergés dans les gymnases de la ville.

1954 1955 2003 2004

2006

POPULATION CROISSANTE

23

LES PREMIERS MIGRANTS AU BASROCH

Les premiers migrants désireux de rejoindre l’Angleterre s’installe dans le bois du Basroch.

2015 2016

OUVERTURE DU CAMP DE LA LINIÈRE Du 7 AU 9 MARS, les migrants du campement du Basroch ‘‘déménagent’’ dans le camp de La Linière.

2017 2016

LES MIGRANTS INVESTISSENT LE PUYTHOUCK Un nouveau campement apparaît rapidement dans la réserve naturelle du Puythouck.


Son refuge en partage

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par Yann Manzi, responsable de la gestion des campings dans des festivals comme Les Vieilles Charrues en Bretagne. Après deux mois d’existence, le 7 mai, l’État fini par prendre le contrôle du camp dont il a combattu la création. Bernard Cazeneuve (ministre de l’Intérieur) et Emmanuelle Cosse (ministre du Logement) signe une convention tripartite avec Damien Carême et l’Association de Lutte contre l’Exclusion (Afeji), qui devient officiellement gestionnaire du lieu. L’État s’engage alors à assurer les frais de fonctionnement du camp (9,90 euros par migrant et par jour) et à la fermeture du camp via la déconstruction progressive des cabanes, encore propriété de MSF. Cette décision, précipitée selon Utopia 56 pousse l’association a se désengager du camp, de même que la décision qui leur est imposée en juillet 2016 de restreindre son accès aux « femmes seules avec enfants, familles et personnes présentant des problèmes de santé significatifs » 4, excluant les femmes et les hommes seuls. Dés septembre, le camp est exclusivement géré par l’Afeji, aidée par des associations locales.

En octobre 2016, au moment du démantèlement définitif de la « jungle » de Calais, une

partie de la population qui y réside est transférée à Grande-Synthe et la population du camp de La Linière explose. Quasiment exclusivement composé de kurdes irakiens à l’origine, il faut désormais loger tant bien que mal des afghans qui arrivent en grand nombre en son sein. Les cuisines communautaires sont alors investie dans ce sens et des tensions liées au surnombre apparaissent. Le camp est détruit par les flammes en une nuit en avril 2017, après un peu plus d’un an d’existence seulement.

Les jours suivants, les migrants sont logés dans des gymnases de la ville avant de finir

par investir le parc du Puythouck, a proximité de La Linière. Les associations s’organisent pour rapidement apporter une aide humanitaire rudimentaire notamment pour la distribution de repas. Malgré les demandes répétés de la mairie, l’État refuse de s’investir dans l’accueil, réduisant son intervention à une proposition de départ en Centres d’Accueil et d’Orientation (CAO) chaque jour.

Le 12 décembre 2017, la ville décide de réquisitionner un gymnase pour faire face à

la trêve hivernale. Une convention entre l’État et la mairie est signée jusqu’au 31 mars avant d’être renouvelée. 300 à 400 migrants s’y réfugient tandis qu’une cinquantaine d’autres restent au Puythouck. Le 24 mai 2018, une évacuation du gymnase est ordonnée, des bus accompagnent

4 Courrier adressé aux responsables associatifs par Damien Carême le 8 juillet 2016. http://www.utopia56.com


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

25

4

Le�gYmNaSe

1

Le�bAsRoCh

Le�pUyThOuCk 3

La�lInIeRe 2 Les camps et campements successifs a Grande-Synthe


Son refuge en partage

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1.

Le campement du Basroch

2.

Le camp de la Liniere


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

3.

Le campement du puythouck

4.

L’hebergement en gymnase

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Son refuge en partage

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les migrants vers six CAO ou Centres d’Accueil et d’Examen des Situations (CAES) dans les départements du Nord, du Pas de calais et de l’Oise - Éric Étienne, Sous-préfet de Dunkerque : « Dans l’esprit de ce qu’avait déclaré le président de la République, « personne contraint de dormir dehors », ces personnes ont été mises à l’abris. Aujourd’hui, les conditions climatiques ne le justifient plus. » 5.

En septembre 2017, une première évacuation vers des CAO avait déjà eu lieu pour les

557 personnes réfugiées au Puythouck. Quelques semaines plus tard, le campement s’était reformé. On peut alors présager qu’il en sera de même cette fois ci ... Il semble alors nécessaire de construire un accueil sur ce territoire, fortement et en permanence touché par les mouvements migratoires depuis une dizaine d’année.

Le Projet : Problematique 1 QUI ?

Les migrants

QUOI ?

Construire un accueil adapté à la situation spécifique des migrants

dans la ville de Grande-Synthe, épuisés par leurs périples et leurs tentatives de passages quotidiennes.

5

AFP. « Nouvelle évacuation de migrants à Grande-Synthe, 400 personnes vers des structures d’hébergement ». Boursorama [en ligne], 10.02.2015.


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

29

ROYAUME UNI PORT AIRE D’AUTOROUTE

CENTRE DE DÉTENTION

CAMPEMENT Le�pRoJeT ReFuGe HAZBROUCK CALAIS Objectif du projet vis a vis des migrants


Son refuge en partage

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2. Ville nouvelle en transition a.

HISTOIRE DE LA FORMATION DE GRANDE-SYNTHE : Un parc de logements daté et inadapté

Le village de fermes Sentinas naît au IXe siècle pour alimenter la ville de Dunkerque et

Mardyck en céréales et légumes. Devenue Grande-Synthe, la ville sort indemne de la première guerre mondiale mais est détruite pendant la seconde (en une nuit de septembre 1944). Une fois venue l’heure de la reconstruction, les débris des édifices passés, les champs minés et l’eau salée rendent difficiles les travaux, qui commencent alors sans garder aucune trace des fondations ancestrales. Un peu plus de dix ans après la fin de la guerre, en 1958, l’entreprise sidérurgique Usinor (ensuite rachetée par Arcelor Mittal) fait son arrivée à Grande-Synthe pour profiter du front de mer, accessible par de gros bateaux, et facilement aménageable. Elle emploie alors 15 000 personnes contre 3 000 aujourd’hui avec Arcelor Mittal (Hanappe, C., 2017, p.173). La ville perd alors complètement son accès à la mer et l’urbanisation est accélérée pour accueillir les nouveaux ouvriers, dont certains sont issus de l’immigration (Europe de l’Est, pays méditerranéens). Comme de nombreuses villes en France, Grande-Synthe est alors qualifiée de « ville champignon » : les expropriations s’enchaînent, faisant disparaître les cultures céréalières et maraîchères subsistantes. Sa population est multipliée par 10 entre 1962 et 1982 pour atteindre les 26 000 habitants.

Construite comme une ville nouvelle, Grande-Synthe a pu représenter un catalogue

des constructions typiques des années 1960 – 1970 : « L’urbanisme y est assez particulier, marqué par une inspiration étasunienne et anglo saxonne des années 1960 […] former un musée de toutes les inventions architecturales des quarante dernières années. » (Hanappe, C. 2017, p.173). Ainsi, on trouvait par exemple jusque récemment un ensemble typique de l’architecture de Renaudie, tel qu’on peut en trouver également à Ivry (voir photos, p. 32). De même, les quartiers pavillonnaires représentent 64 % du territoire Grande-Synthois, lorsqu’ils en représentent 57 % à l’échelle nationale.


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

31

VIIe VIe IXe

BATAILLES EN FLANDRES

14 JUIN : La ville change trois fois de nationalité (Espagnole le matin, française le midi, Anglaise l’après-midi).

1648

Xe

SENTINAS : édification d’un village de fermes entourées de champs pour alimenter Dunkerque et Madryck en céréales et légumes.

XIe XVIIe XVIIIe XIXe

1662 : Louis XIV rachète la ville aux anglais, elle entre dans le territoire de Dunkerque. 1870 : Epidémie de cholera importée par bateau à Dunkerque.

XXe 1910

1914 - 1918 : Grande-Synthe sert de «camp retranché» pour évacuer les blessés. Les côtés sablonneuses servent de pistes d’atterrissage pour amener les nouvelles troupes du Commonwealth.

1920

1923 : Arrivée de l’électricité dans le village. 1930

LE VILLAGE EST DETRUIT

Les allemands se replient sur Dunkerque. 15 SEPT : Le village est évacué de force dans la nuit puis détruit.

DE NOUVEAUX EQUIPEMENTS

Stade Jean-Deconninck, église Saint Jacques, Gare de triage

1944 1955

1940

1945 : Venue du Général de Gaulle qui accorde la croix de guerre au village. Les champs minés, l’eau salée et les débris des édifices passés 1950 rendent la reconstruction difficile. Elle commence sans aucune trace de fondation ancestrale.

USINOR

L’usine sidérurgique Usinor s’installe à Grande-Synthe pour profiter du front de mer accessible par de gros bateaux et aménageable. La ville perd son accès à la mer.

1965

1970

1968 : 12 000 habitants

« Ville champignon » : Les expropriations s’enchaînent faisant disparaître les cultures céréalières et maraîchères. Les HLM sortent de terre et font se côtoyer les Grande-Synthois et les nouveaux arrivants d’Europe de l’Est et du Nord, et des pays méditerranéens.


32

Son refuge en partage


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

Les ensembles Renaudie a Ivry et Grande-Synthe : Un type deploye sur plusieurs territoires

33


34

Son refuge en partage

La presence de l’industrie : une rupture avec le front de mer

Vue sur le quartier pavillonnaire du Courghain, la polyclinique et les grands ensembles


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

35

Le centre commercial

Vue sur l’hotel de ville et les grands ensembles aujourd’hui disparus


Son refuge en partage

36

b. POLITIQUE DE RENOUVELLEMENT URBAIN :

Pourtant, les traces de cet urbanisme se font aujourd’hui un peu plus rares, notamment

La destruction comme seule réponse donnée

en ce qui concerne les grands ensembles, puisque le maire mène depuis une vingtaine d’année une ambitieuse et massive politique de renouvellement urbain, qui avait déjà été amorcée au début des années 1980 par son père René Carême. La ville affiche aujourd’hui une envie de renouveau pour adapter son parc de logements aux « exigences de qualité de vie et de confort des habitants » 6.

La ville a notamment bénéficié d’une aide de l’Agence Nationale pour le Renouvellement

Urbain (ANRU) en 2004 pour les quartiers du Courghain et de l’îlot des peintres dans le quartier Europe. Jusqu’ici, la déconstruction / reconstruction a très nettement été privilégiée face à la réhabilitation pas toujours de façon très justifiée. Ainsi, l’architecte-conseil de l’État, Bernard Paris, dans son témoignage sur la rénovation urbaine dans le Nord, écrit à propos du quartier du Courghain où se trouvait l’ensemble de Renaudie détruit : « Je rappelle que le projet urbain pouvait se développer en conservant l’ensemble construit par Jean Renaudie, sans remise en cause des principes envisagés sur les terrains périphériques. Le seul obstacle était que le maire trouvait que ce n’était pas beau. […] Ce qui est choquant, […] c’est le fait que les partenaires nationaux du Comité d’Engagement de l’ANRU aient décidé de financer une opération contre nature. Contre la qualité du site, contre l’économie publique, contre le bon sens et la dimension patrimoniale ! » (Paris, B., p. 40-41). Le projet avait été piloté par Philippe Mermet de l’Agence d’urbanisme du Dunkerquois (Agur) Et avait réclamé 252 démolitions (notamment de la dalle piétonnière de 15 000 m² qui constituait le cœur du quartier) et 266 constructions pour un total de 5 millions d’euros.

6 https://www.anru.fr/fre/Actualites/PNRU/Grande-Synthe-Quartier-de-l-ilot-des-Peintres


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

37

Revenu moyen : 15 700 € Logement social HLM : 87 % Propriétaires : 8 % Ancienneté du logement : 1964 Densité : 28 log./ha (GSY : 4 log./ha)

Europe Revenu moyen : 25 100 € Logement social HLM : 50 % Propriétaires : 43 % Densité : 11 log./ha (GSY : 4 log./ha)

MAJORITÉ DE GRANDS ENSEMBLES

Courghain QUARTIERS PAVILLONNAIRES QUI COTOIENT LES PETITS COLLECTIFS AUJOURD’HUI

Les Quartiers touches par l’Anru


Son refuge en partage

38

c.

ENGAGEMENT eCOLOGIQUE :

La reconstruction teintée de vert

Influencé par le « mouvement de transition » lancé au Royaume Uni en 2007 par le professeur en permaculture Rob Hopkins, Damien Carême cherche depuis une dizaine d’années à faire de Grande-Synthe une « ville durable » 7. Il s’agit de faire prendre conscience aux habitants des conséquences que pourraient avoir les changements climatiques sur leurs vies et de la nécessité de s’y préparer. Damien carême est par ailleurs le Délégué à la transformation écologique et sociale, à l’environnement, à l’énergie et aux transports de la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD).

Ainsi, la mairie affiche clairement son désir de voir se renouer un « lien fort avec le sol, la terre » 8 en développant des projets paysagers ambitieux notamment à travers l’aménagement de la réserve naturelle du Puythouck. Aujourd’hui, Grande-Synthe compte 127 m² d’espaces verts par habitants, soit quatre fois plus que la moyenne nationale. Elle a ainsi été désignée Première capitale française de la biodiversité en 2010. Par ailleurs, plus de la moitié de l’énergie consommée dans la ville est renouvelable et issue de l’énergie solaire, éolienne, et de « gaz verts » obtenus grâce à la méthanisation des déchets ménagers.

Enfin, le renouvellement urbain n’échappe pas à cet engagement écologique puisque les constructions faites dans le cadre de l’aide accordée par l’ANRU affichent toutes des labels environnementaux : « Le PRU du quartier de l’îlot des Peintres s’inscrit dans le vaste programme de rénovation engagé à Grande-Synthe, centré sur la diversité de l’offre de logements, une revalorisation du cadre de vie et la PRISE EN COMPTE AFFIRMÉE DES CONTRAINTES ENVIRONNEMENTALES associée à la mise en œuvre d’une démarche HQE [Haute Qualité Environnementale]. » 9.

7 https://www.ville-grande-synthe.fr 8 Ibid 9 https://www.anru.fr


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

RENÉ CARÊME MAIRE VERT ?

Le nouveau maire s’engage dans une urbanisation plus respectueuse du cadre naturel.

1971

Le quartier de Dunkerque Albeck est rattaché à GrandeSynthe. La ville passe à 25 000 habitants

1970 1971 1972 1973

1975

L’ALBECK EST RATTACHÉE

39

UN URBANISME PLUS RESPECTUEUX DE L’ENVIRONNEMENT

La population augmente rapidement (15 000 habitants) et la ville s’étend au sud de l’axe routier Calais-Dunkerque. Les quartiers du Moulin et du Courghain se développe de façon plus respectureuse de l’environnement, les watergangs se multiplient et 130 ha sont plantés par les écoliers de la ville au Puythouck.

1981 1982

On commence à détruire les HLM construits 20 ans plus tôt grâce à un finacement gouvernemental « Développement des quartiers ».

1983 1988

1990

VERGER PÉDAGOGIQUE

Aménagement d’un verger pédagogique regroupant 160 variétés locales au Puythouck

2005

2010

Prix national de l’Arbre pour la seconde fois après 1992

CAPITALE FRANÇAISE DE LA BIODIVERSITÉ

La ville reçoit ce label pour : - La gestion différenciée des espaces verts, - Le traitement sans produit phytosanitaires, - Les 172 m² d’espaces verts /hab - Pas d’espace vert à moins de 300m d’un ilot d’habitation, - La plus grande réserve naturelle régionale (Puythouck et Edembourg).


Son refuge en partage

40

Le Projet : Problematique 2 QUI ?

La ville de Grande-Synthe

QUOI ?

Répondre au désir de renouvellement de la ville exprimé par la mairie,

mais le faire de façon moins coûteuse et moins brutale pour les habitants que jusqu’à présent, en privilégiant la réhabilitation face à la destruction. Prévoir la densification du parc de logement, notamment des quartiers pavillonnaires qui le réclament, souvent considérés comme des masses figées intouchables (voir ci contre). Il s’agira alors d’assumer l’héritage des années 1960’ - 70’, de l’adapter et d’en réveler les potentiels d’évolution. L’urbanisme Grande-Synthois n’étant qu’un reflet parmi d’autres de cette époque, la reflexion menée ici se voudra être d’une portée plus large que celle de cette ville.


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

41

Privilegier la densification, porurqoi ? La France fait aujourd’hui face à une pénurie de logements. Alors que le besoin actuel estimé est de 500 000 logements construits par an, on ne parvient à en construire que 350 000 ce qui

correspond à un déficit de 30 %.

La construction semble donc nécessaire.

Mais dans le même temps, on observe un desserrement des ménages : alors qu’un ménage était constitué de 2,7 membres en 1984, il ne l’était plus que de 2,3 en 2006 et le sera de 2,1 en

2030.

Parallèlement, les logements sont

de plus en plus grands et de plus en plus coûteux alors même que le pouvoir d’achat des français

recule.

Dans le contexte, la densification semble être

une solution idéale pour répondre à la pénurie de logements : diviser et densifier les logements existants permettrait de s’adapter aux nouveaux modes de vie, de baisser le coût des logements et ainsi d’augmenter le pouvoir d’achat des individus. Elle permettrait par ailleurs de préserver les terres agricoles que, l’urbanisme a tendance à grignoter, et d’assurer une intensité urbaine.

Guilpain Laureline, Loyer Simon Jean, Rapin Aurore, Schaeffer Tiemo, Stablon Jérôme, S(t)imulation pavillonnaire, Ecole d’architecture de la ville et des territoires à Marne-la-Vallée, 2014, 208 p.


Son refuge en partage

42

3. Une population locale fragilisee a. Chomage et pauvrete La population Grande-Synthoise est très fragilisée. La ville affiche notamment un taux de chômage avoisinant les 30% (29,2% en 2014 selon l’INSEE), soit plus de trois fois la moyenne nationale qui tourne autour des 8 - 9 % (8,4% en février 2018). Le taux de pauvreté de la ville est quant à lui deux fois supérieur à la moyenne nationale qui avoisine les 14% (INSEE) : il atteignait les 28,6% en 2014 (INSEE), plaçant presque un tiers des foyers en dessous du seuil de pauvreté. La même année, le revenu médian était de 15 151,4 € par personne (médiane du revenu disponible

GRANDE SYNTHE

FRANCE

par unité de consommation.

Pour autant, les habitants et la mairie ne se laisse pas abattre puisque les initiatives citoyennes et associatives se multiplient pour améliorer le quotidien de chacun (voir ci-contre). Grande-Synthe est devenue un laboratoire d’initiatives sociales et écologiques.

28,6 % PAUVRETÉ 29,2 % CHÔMAGE

10,4 % CHÔMAGE


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

43

« l’universite populaire » : l’ « Atelier » La mairie de Grande-Synthe a financé la création d’une université populaire installée dans une prototype de « maisons écologique » dessinée par l’agence Bill Dunster Architects, également auteur de l’écovillage Beddington Zero Energy Development (BedZED) au Sud de Londres. Elle héberge une grande part des activités de l’ « Atelier » : des écrivains publics bénévoles aident les habitants à remplir leurs dossiers ou remplir un courrier, des jardiniers viennent chercher des conseils ou des semences dans le jardin pilote (qui alimente aussi en graines les jardins populaires de la ville), des habitants viennent apprendre à concevoir leurs produits ménagers, viennent voir des projections ou des conférences-débats, ... Jusqu’à 400 personnes participent aux cafés-citoyens où les idées et savoirs faire s’échangent à tout va.

L’universite populaire - photographie personnelle, mars 2018


Son refuge en partage

44

b.

repli et prejuges

En octobre 2017, je me rends à nouveau à Grande-Synthe pour commencer une analyse de la ville. Je passe alors une après-midi au supermarché du coin, le seul lieu de la ville où je suis susceptible de croiser à la fois des Grande-Synthois et des migrants du campement du Puyhouck.

Je cherche à interroger les habitants sur leur volonté de voir un accueil se construire au sein de leur ville. J'emploie alors une méthode inspirée de celle décrite par Yona Friedman dans son livre L'architecture de Survie. Je demande aux habitants de placer sur une feuille des étiquettes symbolisant les lieux qu'ils pourraient trouver près de chez eux, en glissant parmi elles une étiquette indiquant « accueil de migrants » : - « Chez vous » - Maison de quartier - École - Commerces - Parc - Marché - Aire de sport - Espaces culturels - Accueil de migrants

Je ne les informe pas tout de suite du but de mon séjour à Grande-Synthe pour ne pas prendre le risque de me voir refuser un entretien par un habitant qui serait réticent à l'accueil. Je rencontre ainsi des habitants aux opinions très hétérogènes sur la question. Certains sont réticents, d'autres plutôt favorable à l'accueil, certains le sont même beaucoup (voir ci contre). Je ne réalise évidemment pas assez d'entretiens pour en détacher une tendance globale. Mais ces échanges me permettent tout de même de m’apercevoir que beaucoup d'habitants sont très peu au courant de la présence des migrants dans leur ville. Beaucoup ne savent pas que la destruction du camp n'a pas mis fin aux arrivées et que 300 à 400 migrants se trouvent encore dans la réserve du Puythouck à proximité immédiate du supermarché d’où je mène les entretiens.


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

Anissa

MaIsOn�dE QuArTiEr

« Il y a des architectes, des PDG [...] Le problème c’est que les gens pensent tout de suite qu’ils n’ont rien, qu’ils sont venus pour «gratter» alors que non. »

MaIsOn�dE ChEz�vOuS QuArTiEr

EcOlE

38 ans, mariée, trois filles, femme au foyer, Bac +5, a toujours habité GSY Pas d’interaction avec les migrants N’a pas connaissance du campement

EsPaCeS CuLtUrElS

AcCuEiL De� MaIsOn�dE MiGrAnTs ChEz�vOuS QuArTiEr

EcOlE MaRcHe

AcCuEiL De� MiGrAnTs ChEz�vOuS

EcOlE

AcCuEiL De� MiGrAnTs

MaRcHe MaRcHe

Paulette 80 ans, retraitée, habite GSY depuis 1967 Pas d’interaction avec les migrants N’a pas connaissance du campement « ça coûte cher à la ville. »

CoMmErCeS EcOlE CoMmErCeS

MaIsOn�dE QuArTiEr MaIsOn�dE ChEz�vOuS QuArTiEr

PaRc MaIsOn�dE ChEz�vOuS QuArTiEr

EcOlE

« - Vous seriez près à vous engager d’une façon ou d’une autre si un accueil était reconstruit ? - Si j’ai du temps oui. »

EsPaCeS PaRcCoMmErCeS CuLtUrElS PaRc CoMmErCeS AiRe�dE SpOrT PaRc

AiRe�dE SpOrT AiRe�dE SpOrT

MaRcHe MaRcHe EsPaCeS CuLtUrElS

PaRc

EsPaCeS AcCuEiL CuLtUrElS De� MiGrAnTs

AiRe�dE SpOrT

AcCuEiL De� MiGrAnTs

AiRe�dE SpOrT

AiRe�dE SpOrT

29 ans, célibataire, soudeur, habite GSY depuis 2011 Ancien membre de Salam Vague connaissance du campement

EsPaCeS CuLtUrElS

EsPaCeS MaRcHe PaRc AcCuEiL De�CuLtUrElS AiRe�dE ChEz�vOuS MiGrAnTs SpOrT

EcOlE CoMmErCeS

Claude

CoMmErCeS

45

EsPaCeS CuLtUrElS EsPaCeS EcOlE CuLtUrElS MaIsOn�dE EsPaCeS EcOlE QuArTiEr CuLtUrElS

AiRe�dE SpOrT

AcCuEiL De� MiGrAnTs AiRe�dE SpOrT AcCuEiL De� MiGrAnTs PaRc

CoMmErCeS ChEz�vOuS CoMmErCeS MaRcHe ChEz�vOuS CoMmErCeS

MaRcHe AcCuEiL De� ChEz�vOuS MaIsOn�dE MiGrAnTs PaRc EcOlE QuArTiEr Trois resultats d’entretiens avec des habitants MaRcHe MaIsOn�dE PaRc QuArTiEr


Son refuge en partage

46

Le Projet : Problematique 3 QUI ?

Les habitants de Grande-Synthe

QUOI ?

Le projet s’attachera à ne pas nier la réalité sociale du territoire dans

lequel il s’implante : La population Grande-Synthoise étant elle même grandement fragilisée, le projet veillera à bénéficier également à cette population en faisant en sorte que ce qui profite aux migrants leur profite également partiellement ou totalement.

L’ « encampement » des migrants participent au renforcement de préjugés

autour de ces derniers mais aussi autour des Grande-Synthois. Le projet se fixe alors pour objectif de provoquer les rencontres entre les uns et les uns pour opérer une démystification. Pour autant, il veillera à ne jamais forcer les interractions mais de simplement en offrir la possibilité, puisque celles-ci doivent rester un choix. « S’essayer à une autre manière de considérer les mouvements démographiques et les rapports entre groupes humains dont la mitoyenneté doit être pensée et régulée. » (Lussault, M., p. 147).


Partie 1. Diagnostic de la ville de Grande-Synthe

47



PARTIE 2. DEMARCHE Le projet se développe sur trois échelles de projets imbriquées : - Ech 1 : La ville - Ech 2 : Les quartiers - Ech 3 : Les logements

Je présenterai ici les échelles selon cet ordre, pour aller du plus général vers le plus particulier. Par ailleurs, le plus gros du projet a été développé à la troisième échelle, celle des logements.


Son refuge en partage

50

1.

Ech 1 : La ville

a. Le centre d'hebergement : s’emparer d’opportunite foncieres Le droit à l’accueil inconditionnel fixé dans le « Code de l’action sociale et des familles » (CASF) réglemente l’accueil et la prise en charge dans les structures d’urgence de « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale ». Le texte prévoit leur « accès à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ». Ainsi, toute personne en situation de détresse, quelle que soit son origine et la régularité de son séjour doit pouvoir bénéficier d’une prise en charge inconditionnelle et immédiate dans une structure d’urgence. Le code fixe par ailleurs les prestations auxquelles les personnes hébergées doivent avoir accès, à savoir : « le gîte, le couvert et l’hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale […] et une orientation ‘’vers tout professionnel ou structure susceptible d’apporter l’aide justifiée par son état » (art. L.345-2-2 CASF).

Lors d'un entretien mené en mars dernier, Olivier Caremelle, le directeur de cabinet du maire de Grande-Synthe, me fait part de l'envie de la ville de voir se développer sur son territoire un tel centre d'hébergement d’urgence. Je propose ici sa mise en place dans l'une des quatre friches industrielles ou agricoles identifiées ci

Les friches identifiees

contre. Celles ci représentent des opportunités

- La ferme Codron La ferme appartenait jusque récemment à une famille de cultivateurs bien connue des Grande-Synthois puisque l'un de ses membres, Jules Codron a siégé à la tête de

foncières dont le projet propose de tirer partie pour des questions de coût et de temps.

la ville entre 1919 et 1945. Elle a été depuis revendue au groupe Immochan qui développe un projet commercial sur le Puythouck. - La sécherie Ringo

Les bâtiments appartiennent à un

propriétaire privé et la mairie dit ne pas avoir les moyens de les L’ancienne sécherie à chicorée

appartient à la CUD et est vouée à la destruction. Elle tient encore debout grâce à la résistance de ses voisins. - La coopérative de lin

sont mis en place actuellement en France, intègrent très rarement les citoyens autrement

acquérir. - La sécherie Canis

Cependant, ces centres, tels qu'ils

Les

entrepôts

de

l'ancienne

coopérative de lin ont été racheté par le groupe Grand Frais qui souhaite y implanter un nouveau magasin.

que par le bénévolat. Les interactions entre migrants et citoyens sont donc limités et le phénomène d' « encampement » persiste, même si les conditions de vie en leur sein sont moins précaires que dans les campements par


Partie 2. demarche de projet

51

La�sEcHeRiE CaNiS

La�sEcHeRiE RiNgO La�fErMe�cOdRoN

La�lInIeRe Les friches industriels de grande-synthe


Son refuge en partage

52

lesquels les migrants sont souvent passés auparavant. Il me semblait donc que la mise en place d'un centre d'hébergement classique ne satisferait pas la volonté que le projet affiche depuis le départ de provoquer des interactions entre les migrants et les Grande-Synthois.

Par ailleurs, comme expliqué précédemment, le projet s'était aussi fixé comme objectif de satisfaire les besoins des migrants et les exigences de la ville, mais également les attentes des habitants. Il nous semblait alors que la mise en place d'un centre d'hébergement classique ne satisferait que les deux premiers publics.

Enfin, de nombreux architectes se sont déjà emparés de cette question du centre d'hébergement en France, notamment au sein de bâtiments existants (je présente ici brièvement quelques exemples que j'ai eu la chance de visiter en région parisienne pendant mon année de césure, entre septembre 2016 et septembre 2017). Il me paraissait alors plus intéressant pédagogiquement parlant de m'intéresser à une forme d'accueil complémentaire et très peu étudiée par les architectes jusqu'ici : l'hébergement citoyen.


Partie 2. demarche de projet

53

Migrants

Ville

Le�cEnTrE d’hEbErGeMeNt

Le centre d’hebergement : une premiere convergence d’interet

ROYAUME UNI PORT AIRE D’AUTOROUTE

CENTRE DE DÉTENTION

CAMPEMENT Le�pRoJeT ReFuGe

CeNtRe�d’HeBeRgEmEnT HAZBROUCK CALAIS

Objectif global du projet vis a vis des migrants


54

Son refuge en partage

Centre d'Hebergement d'urgence « Promesse de l'aube », Paris AIR Architectures, Moon architecte, 2016 200 places, 2780 m², 3 900 000 €, Aurore Le centre est installé sur une parcelle de 200 m de long par 12 m de large à la lisière du bois de Boulogne et face à des immeubles résidentiels. Le permis précaire n'étant valable que 3 ans, le bâtiment a été conçu selon un principe fort de modularité, entièrement démontable, déplaçable et re-montable. Des modules préfabriqués en ossature bois sont posés sur un tablier métallique et des plots de répartition qui permettront une naturalisation du site imposée à la fin du projet. Une déclinaison de trois teinte de bois en façade et des différences de hauteurs permettent de casser la linéarité du projet.


Partie 2. demarche de projet

55

Centre de mise a l'abri temporaire, Paris (Porte de la Chapelle) Julien Beller et Hans Walter Müller (la « bulle ») 400 places, 5000 m², 7 000 000 €, Emmaüs Solidarité / Utopia 56 Le centre était voué à accueillir des hommes « primo arrivants » pour 5 à 10 jours et réorienter vers des CAO, des CASA ou des CHUM les « dublinés ». Le centre, dessiné par l’architecte Julien Beller (le camp a été réalisé en un temps record. L’architecte a été contacté en juillet pour une livraison en octobre 2016), se décompose en deux unités principales : L'orientation dans la « bulle » gonflable et l’accueil de nuit dans la halle désaffectée de la SNCF, à l'origine destinés à la démolition et que la Ville de paris a mis à disposition à Emmaüs Solidarité pour 18 mois. Les espaces de vie sont décomposés en huit quartiers pour 50 personnes avec chacun 12 chambres, un bloc accueil, un bloc sanitaire et un bloc réfectoire. Ils prennent la forme d'unités isolées démontables et transportables dans la halle qui n’a en elle-même pas été isolée.


56

Son refuge en partage

Centre d'hebergement d'urgence, Ivry Atelier Rita, Janvier 2017 400 places, Emmaüs Solidarité L'ensemble se trouve sur l'emprise de l'ancienne usine des Eaux de Paris. L'architecte a décidé d'y construire une plate-forme sur pilotis en béton et d'y déposer 210 modules préfabriqués en bois (Ossabois) qui accueillent les chambres et les salles de bains. Cette technique de construction a permis une grande rapidité d’exécution (moins de 5 mois de chantier) et rend le projet entièrement démontable et réutilisable ailleurs. L'ensemble est divisé en six quartiers de 67 personnes, qui bénéficient tous de salles de bains communes et d'une yourte pour les espaces communs de repas et d'enseignement. Les espaces extérieurs sont hiérarchisés (du plus public pour l'axe de desserte, au plus privé pour les seuils de logements), procurant une réelle impression d'urbanité au projet. Le centre est lauréat du prix de la Première Œuvre 2017.


Partie 2. demarche de projet

57


Son refuge en partage

58

b. L'acces aux equipements de la ville :

Un premier pas pour mettre fin à « l'encampement »

Aujourd'hui, les déplacements des migrants dans la ville se limitent très clairement à des allers retours entre les campements et le supermarché. Cela participe au phénomène que Michel Agier d' « encampement » (Agier, M.) de cette population.

Tournois de Football En été 2016, lors de mon bénévolat dans le camp de La Linière,

Pour limiter ce phénomène, au moment du camp de La Linière, des partenariats avaient

l'équipe bénévole d'Utopia 56 organise un tournois de football

été mis en place avec certaines des écoles et

pour les migrants du camp. Le stade Jean Deconninck prête des

ceryains des équipements sportifs dont la ville

tenues, du matériel et ses locaux. Un entraîneur local bénévole participe aussi à l’événement. Ce simple moment permet aux

regorge. En effet, en 1971, l'équipe municipale

migrants de sortir du camp et de s'extirper de leur quotidien en

menée par le maire de l'époque René Carême

son sein. Leurs sourires les trahissent.

(le père de Damien Carême) avait lancé une importante politique volontariste pour doter la

ville d'équipements sociaux et culturels avec pour devise : « partage de l'avoir, du savoir et du pouvoir ». Il avait alors fait doubler la taxe professionnelle qu'Usinor payait à la ville (elle représente aujourd'hui 90% des revenus de la ville) pour engager une ambitieuse politique publique.

Dans ce projet, on propose alors de redonner l'accès aux équipements et services de la ville aux migrants qu'elle accueille. On considère alors comme acquise la mise en place de la carte d'identité locale que Damien Carême désire voir apparaître à Grande-Synthe. Les transports en commun, actuellement gratuits le week-end dans toute la communauté urbaine de Dunkerque, le seront prochainement toute

La carte d'identite municipale : un modele New Yorkais

la semaine, ce qui devrait aussi faciliter l'accès à ces équipements et services : « C’est une

En 2015, le maire Bill de Blasio, lance une carte d'identité

mesure pour l’environnement, mais aussi

municipale pour New York. Il s'agit de reconnaître l'existence

pour les gens qui n’ont pas les moyens de se

et le rôle des sans papiers et sans domiciles fixes (SDF). Ce simple document leur donne accès aux équipements de la ville, leur permet de postuler à des offres d'emplois, d'obtenir un bail, d'ouvrir un compte bancaire … Le dispositif remporte un fort succès.

payer une voiture » (Patrice Vergriete, maire de Dunkerque) (Libert, M.).


Partie 2. demarche de projet

59

Les enfants a l’ecole Une quartantaine d’enfants du camps de la Linière étaient scolarisés tous les après-midi (les tentatives de passage la nuit fatiguaient les enfants le matin) dans trois écoles et un collège de la ville. L’Académie de Lille avait alord débloquéé deux postes d’enseignants et proposé une formation à l’ensamble de l’équipe éducative ppur favoriser leur inclusion.

StAdE JeAn�dUcOnNiNcK cOlLeGe�dU MoUlIn EcOlE CuRiE

eCoLe�jUlIe�dAuBiE

cEnTrE CoMmErCiAl

EcOlE FeRrEr

StAtIoN SeRvIcE

les relations des campse a la ville


Son refuge en partage

60

2.

Ech 2 : Les quartiers

a.

repondre au besoin de « se rassembler »

L’étude faite de la « jungle » de Calais avait notamment fait ressortir un besoin de rassemblement auxquels les migrants avaient cherchés à répondre par la mise en place d’ « espaces de vie » (voir mémoire). A cette

Les sociedades basques En voyage au Pays Basque en janvier 2018, je découvre le principe de fonctionnement des sociedades. Celle que je découvre est une

échelle, il s’agit avant tout de répondre à ce besoin pour les migrants qui sont hébergés chez l’habitant et qui n’auront pas tous la

salle de quelques dizaines de m², équipée d’une cuisine et située

possibilité de recevoir dans ce cadre (voir

au cœur d’un ensemble de logements collectifs. Les habitants du

échelle suivante).

quartier peuvent la réserver et y recevoir du monde en échange d’une petite somme de l’ordre de 3,50€ par personne invitée (1€) pour l’utilisation des locaux et la rémunération du service d’entretien (2,50 €). Quelques aliments de bases et bouteilles de vins sont disponibles dans les locaux mais traditionnellement, la nourriture est apportée par les convives eux mêmes.

Il s’agira alors de mettre en place des petits équipements en cœur de quartiers qui, outre la réponse à ce besoin exprimé par les migrants, permettront aussi de répondre à une

éventuelle demande des habitants du quartier de pouvoir recevoir en dehors de leurs logements, dont la taille est parfois limitée. Les espaces imaginés seront le plus simple possible pour permettre leur appropriation aisée. Car outre cette première nécessité, ils seront aussi un moyen de provoquer les interactions entre les migrants et Grande-Synthois : ces espaces devront rendre possible leurs rencontres et leurs activités communes éventuelles. Directement inspirés des sociedades basques, ils ne seront constitués que d’une cuisine et d’une salle de taille généreuse, simplement équipées de tables et d’assises.

Ces petits équipements viennent se greffer à un existant qui est très incertain tant sociologiquement que spatialement. D’ici quelques années, les migrants pourraient ne plus être présents sur la ville, les logements existants pourraient faire l’objet d’une politique de renouvellement urbain qui les aura fait disparaître … Le projet est globalement empreint d’une forte incertitude de laquelle découle certains choix architecturaux. Ainsi, les espaces générés en cœur de quartiers seront imaginés de façon à être entièrement démontables et déplaçables grâce


Partie 2. demarche de projet

61

LeS EqUiPeMeNtS

Migrants

Habitants

Ville

Le�cEnTrE d’hEbErGeMeNt


Son refuge en partage

62

à un système modulaire et léger (ossature métallique légère). Ils représenteront alors un capital pour l’association qui en sera propriétaire et la

Les maisons de quartiers Grande-Synthoise

taille des modules sera imaginée de façon à

A une autre échelle, la ville a mis en place dans chaque quartier

en attendant leur reconstruction éventuelle.

des Maisons de Quartiers : « Les Maisons de Quartiers de la

être stockable facilement dans d’autres locaux

ville, ont pour vocation d’accueillir tous les publics en vue de développer le lien social, la solidarité, et soutenir les initiatives des habitants en faveur d’actions collectives et participatives, dans un esprit de convivialité et de partage.

Pour autant, le projet s’attachera à ne pas affirmer ce caractère démontable

Implantés sur chacun des 5 quartiers, Albeck/Anciens Jardiniers,

en façade. Ces espaces s’implanteront en

Europe, Courghain, St Jacques et Moulin/Deux-Synthe, ces

effet dans des quartiers majoritairement

équipements de proximité accueillent tout au long de l’année les jeunes et moins jeunes autour de services et d’activités variés qui se veulent à la fois solidaires et intergénérationnels. Les Grand-Synthois sont aussi invités à fréquenter une autre maison que celle du quartier où ils résident selon les activités qu’ils

construits selon des modes de constructions traditionnelles de maçonnerie et renvoient ainsi des images habituelles et rassurantes pour les

recherchent ! »[...] que chaque habitant ait la possibilité d’être un

habitants. Il s’agira alors de ne pas s’inscrire

acteur à part entière de sa vie sur la commune, que ce soit via

en rupture avec cet imaginaire commun mais

sa participation aux animations proposées par les équipes, ou en s’inscrivant lui-même dans une démarche participative en proposant des actions ou des projets [...]. »

de plutôt en prendre la mesure et produire des projets bien ancrés dans leurs quartiers.

En mars 2017, je me rends à Grande-Synthe pour identifier les sites sur lesquels travailler et récupérer auprès du service administratif des archives des plans existants, comme bases sur lesquels travailler. Le projet prévoit des interventions sur deux types de quartiers représentatifs du paysage urbain global Grande – Synthois : LES QUARTIERS PAVILLONNAIRES et LES GRANDS ENSEMBLES.


Partie 2. demarche de projet

63

LeS GrAnDs�eNsEmBlEs

Le�pEtIt�cOlLeCtIf� qUaRtIeR PaViLlOnNaIrE

Le�qUaRtIeR PaViLlOnNaOrE Les quartiers sur lesquels le projet intervient


Son refuge en partage

64

b. Des pavillons parmi les pavillons Le projet intervient sur deux quartiers pavillonnaires distincts. Dans le premier, le projet

prévoit l’implantation de cinq petits équipements neufs en cœur d’îlot. Dans le deuxième cas, il s’agira de réhabiliter un espace, à l’origine dessinée comme une salle partagée, dans le même esprit que celle imaginée dans le cadre du projet 1, mais qui a ensuite été transformée en garages. Le projet d’origine n’était constitué que d’un simple espace libre, sans équipement. Le projet prévoit quant à lui l’installation d’équipements de cuisines pour faciliter son appropriation par les habitants.

1.

Le lotissement pavillonnaire : ensemble de 103 maisons individuelles Architecte :

Tambute-Fayeton architecte

Promoteur : Promogim Date de constru : 1974 (dépôt de permis de construire) Quartier :

1

Le Courghain centre


Partie 2. demarche de projet

65

Le petit collectif au sein d’un quartier pavillonnaire Architecte :

Tambute-Fayeton architecte

Promoteur : Promogim 100

500

Date de constru : 1974 (dépôt de permis de construire) Quartier :

Le Courghain centre

2.


Son refuge en partage

66

c. Les greffes sur les tours A l’origine constitué de cinq tours dont deux ont été détruites dans les années 1980,

l’ensemble choisi a déjà fait l’objet d’une première opération de renouvellement urbain dans le cadre de l’ANRU en 2010. Alors que le quartier du Courghain a été complètement remanié dans ce cadre, les projets pour l’îlot des peintres ont été stoppés en court de route par manque de moyens. Les quatre barres Toulouse-Lautrec, Millet, Le Nain et Gauguin (333 logements) au sud du terrain ont alors été détruites pour reconstruire un nouveau parc d’habitation constitué d’îlots labellisés Bâtiments Basse Consommation (BBC) : des collectifs en R+3 à 49 %, de villas urbaines en R+2 à 35 % et de maisons individuelles à 16 % 2. Les trois restantes devaient être détruites dans le cadre de l’ANRU 2, mais le projet a été remis en cause pour des raisons économiques.

Le projet propose alors la réhabilitation de ces tours. J’ai pris le parti d’agrandir les logements existants par des extensions de façades qui permettent aussi d’opérer une rénovation énergétique. En plus de ces espaces supplémentaires, les habitants pourront profiter s’ils le souhaitent, d’une parcelle des jardins potagers nouvellement installés au pieds de leurs tours. Il s’agit de redonner aux habitants cet espace libre important, qui, comme dans de nombreux grands ensembles, est actuellement peu fréquenté. On parie sur le fait que la qualification de cet espace en facilitera l’appropriation. Les équipements évoqués précédemment seront quant à eux greffés aux rez de chaussées des tours.

Quand l’ennui gagne le camp ... Lors de ma mission de bénévolat dans le camp de Grande-

Un équipement supplémentaire De retour à Grande-Synthe en cotobre

Synthe, je constate que les migrants souffrent beaucoup de

2017, j’interroge quelques migrants sur leurs

l’ennui pendant la journée. Certains cherchent alors à s’investir

besoins fondamentaux. J’établis une liste de

dans la vie du camp, notamment à l’atelier pour réparer les abris qui prennent l’eau un peu partout sur le camp.

besoins en étudiant la pyramide de Maslow et le cercle de Stevenson, deux schémas qui identifient les besoins fondamentaux de

l’homme. Je cherche à les retranscrire selon des mots simples pour me faire comprendre en anglais : Manger et boire, divertissements, travailler, prendre une douche, avoir des interactions sociales, se sentir en sécurité, sortir du camp, recevoir des conseils.

2 https://www.anru.fr/


Partie 2. demarche de projet

67

1971

4

- 197

1966 1961

Etat d’origine

04 - 20 90 2001 19 2001 2000 1988

9

- 198

2010

2016 2010

14

- 20

Destructions 2010

15

- 20

2001 2016 2014 ON

RENOVATI

2009

RENOVATI

ON

2010

RESERVE

CIERE

FON

Etat actuel


68

Son refuge en partage

Destructuion (AnRU) des barres au sud du site


Partie 2. demarche de projet

69

Les nouveaux immeubles de logements construits a leur place


Entree de la tour «La Tour»

Vue sur les façades sud ouest de deux tours

70

Son refuge en partage


Le garage et une tour en arriere plan

Le soubassement d’une tour

Partie 2. demarche de projet 71


72

Son refuge en partage

Destructuion (AnRU) des barres au sud du site


Partie 2. demarche de projet

73

Destructuion (AnRU) des barres au sud du site


Son refuge en partage

74

Les personnes que j’interroge, comme la plupart des migrants 3 sont des jeunes hommes seuls. Certains ont commencé des études dans leurs pays d’origines et n’ont pas pu les achever, d’autres les ont achevés mais n’ont pas eu le temps de travailler … Ils placent donc tous dans les premières cases leur désir d’apprendre et se former. Il me paraissait alors nécessaire d’inclure dans le projet des espaces de formation, d’apprentissage, et de travail.

Les jardins partages a Grande-Synthe Grande-Synthe multiplie déjà les expériences dans ce domaine,

En plus des espaces greffés en rez de chaussée des tours, le projet prévoit donc

des jardins communautaires ont été mis en places dans plusieurs

la mise en place de jardins partagés ouverts

quartiers. La ville a par ailleurs confié à une association locale, La

aux habitants de la ville et aux migrants (ceux

Forêt qui se Mange, un terrain de 5 300 m² pour la plantation d’arbres fruitiers. L’association propose à ses adhérents de venir y pratiquer la culture maraîchère sans allocation de parcelle.

accueillis dans le centre et ceux accueillis chez l’habitant) qui souhaiteront s’y investir, en sachant que le jardinage est très ancré

dans la culture kurde. Ces jardins auront pour vocation d’alimenter, au moins en partie, le nouvel équipement créé : un restaurant solidaire.

La monnaie temps des grands voisins Certains résidents du site des Grands Voisins aidaient parfois

Les migrants accueillis sur la ville pourront venir cultiver au sein des potagers

l’équipe à la gestion du site : rammassage des verres, tenue de

et cuisiner au sein du restaurant. Ils seront

barbecues pour des évènements ... Ils étaient alors rémunérés

rémunérés grâce à une monnaie locale, sur

grâce à une monnaie locale en fonction du temps travaillé et avec laquelle ils pouvaient acquérir des plats, des boissons ou des vêtements sur le reste du site.

le modèle de celle développée aux GrandsVoisins, à Paris. Il s’agit d’une proposition pour institutionnaliser une économie parallèle qui se

met systématiquement en place dans les campements. Il s’agit aussi d’une façon se valoriser le travaille et les savoirs-faire culinaires de ces personnes qui pour beaucoup, perdent de la confiance en leurs capacités au cours de leurs périples.

A travers ce restaurant, on parie sur le fait que le partage de la culture culinaire de chacun pourra favoriser une prise de contact, un rapprochement entre les Grande-Synthois et les migrants. Ce restaurant s’attachera alors à favoriser les interactions entre les deux publics en veillant à ne jamais les forcer. Il prévoit ainsi la possibilité d’une interaction indirecte et une autre

3

En 2018, 60 % des migrants arrivés en méditerranées sont des hommes selon le Haut Commissariat aux Nations Unies pour les Refugiés (UNHCR) : http://unhcr.org


BESOIN DE RECONNAISSANCE

Sentiment d’être utile, d’avoir de la valeur. Reconnaissance d’une identité et d’une individualité.

BESOIN D’APPARTENANCE

Être écouté, regardé, compris, aimé. Appartenance à un groupe.

Partie 2. demarche de projet

BESOIN DE SÉCURITÉ

75

Protection physique et morale. Nécessité de determiner les composantes de cette sécurité. Notion de confiance.

BESOIN PHYSIOLOGIQUES

Besoins liés à la survie. Faim, soif, sexualité.

MOBILIT É

BESOIN DE REALISAITION

BESOIN DE RECONNAISSANCE

Sentiment d’être utile, d’avoir de la valeur. Reconnaissance d’une identité et d’une individualité.

ION NUTRIT

RECONNAIS SANC E

Développer ses valeurs, compétences, connaissances. Affirmation, réalisation des potentitalités.

ADA PT

CE REN

ON ATI

CO HÉ

AUTRES

BESOIN D’APPARTENANCE

HYGIÈN

E

R ÉF L E XI O

Être écouté, regardé, compris, aimé. Appartenance à un groupe.

N

GE

Besoins liés à la survie. Faim, soif, sexualité.

RECONNAIS SANC E

ION NUTRIT HYGIÈN

Date de constru : 1971 - 1974

AFFEC

ES

TI O N

BES OIN

S PH

A UTRES

YS

Quartier : Europe É

O

ÉCH

GE

IQU

ES

BES

INS500 PHS YCHIQ U

RIT

N

AN

IQU

SÉC

U

A UTRES

Les tours dans les grands ensembles

E

R ÉF L E XI O

100

TI O N

HYS

La pyramide de maslow et le cercle de Stevenson

ADA PT

CE REN

ES

SP BES OIN

ON ATI

CO HÉ

AFFEC

MOBILIT É

AUTRES

YCHIQ U

É

O

ÉCH

AN

BESOIN PHYSIOLOGIQUES

PHS

RIT

IN S

ES

BES

BESOIN DE SÉCURITÉ

Protection physique et morale. Nécessité de determiner les composantes de cette sécurité. Notion de confiance.

SÉC

U

3.


76

« Au lieu d’attendre, apprendre a jardiner » Die Gatnerei, Raumlabor. Entretien Anne Laure Gestering. En milieu de S9, je prends connaissance du projet Die Gatnerei,

Son refuge en partage

plus directe (voir schema).

Les équipements décrits à cette

développé quelques années plus tôt par Raumlabor à Berlin. Je

échelle de travail seront les premiers éléments

contacte Anne-Laure Gestering, une jeune architecte française,

mis en place dans les deux quartiers

enseignante à la Haute Ecole d’Art et de Design (HEAD) de Genève et qui était à l’époque en charge du projet. Je réalise un entretien

pavillonnaires. Ils résonneront comme une

téléphonique informel.

annonce d’un changement possible dans les

Le projet s’est développé sur le cimetière en face de l’ancien

quartiers concernés. Leurs chantiers sont

aéroport désaffecté Tempelhof à Berlin. En 2015, la mairie met à disposition de Raumlabor l’ancienne maison du tailleur de

perçus comme des moments festifs qui

pierre. Les architectes décident rapidement d’en faire un accueil

réuniront des habitants et migrants volontaires,

de jour pour les réfugiés qui arrivent en nombre important sur le territoire allemand. En plus des cours de langue dispensés le

désireux d’apprendre des techniques simples

matin aux réfugiés hébergés dans les environs, le projet prévoir

d’autoconstruction. Ces techniques pourront

des workshops de construction et de jardinage dans l’après midi.

ensuite être réemployées par les habitants

Pour les membres de Raumlabor, il s’agit de renvoyer une image symboliquement forte, qui pourrait marquer les esprits : quelque chose qui pousse, qui prend racine, comme une métaphore du parcours que les réfugiés devront emprunter en Allemagne. Le pragmatisme des réfugiés rattrape répidement l’équipe qui prévoyait à l’origine de ne produire que des fleurs le long d’un chemin très emprunté par les berlinois : ils ne comprennent pas l’intérêt de travailler toute la journée pour produire des choses qu’ils ne pourraient même pas manger. Le projet se tourne alors vers la production potagère, de la menthe en particulier dans la mesure où cette plante est ancrée dans de nombreuses cultures. Anne-Laure Gestering me confie que les workshops n’éateient pas toujours très suivis et que si cela était à refaire, il faudrait prendre le temps de faire comprendre aux réfugiés ce qui était bénéfique pour eux dans ce projet, au quotidien et au delà. Je l’interroge sur la réception du projet par les berlinois du quartier. Elle me répond que l’élan bénévole suscité autour du projet a été considérable. Des aires de jardinages ouvertes avaient été mises en place pour faire se rencontrer les deux publics et ainsi lutter contre tous les à priori qui gravitaient autour des uns et des autres.

ayant manifestés un désir d’accueillir dans leurs logements (voir échelle suivante).


Partie 2. demarche de projet

77

Les Comptoirs : le restaurant solidaire des Grands-Voisins Au cours de mon année de césure, je travaille pendant 6 mois en tant que serveuse dans l’équipe de Yes We Camp, l’association qui gère l’accueil du public au sein des Grands Voisins. Je travaille notamment comme responsable du restaurant ouvert en avril 2017 : Les Comptoirs. Les associations Yes We Camp et Aurore avaient alors investies du temps, de l’énergie et de l’argent dans un projet destiné à prendre fin 6 mois plus tard, en pariant entre autre sur le fait qu’il participerait à mieux intégrer les résidents à la vie du site en leur laissant tenir les rênes des cuisines. Cette expérience inédite aura permis à nombre d’entre eux de reprendre confiance en leurs capacités. Au terme du projet, certains avaient décidés de monter leurs propres entreprises de traiteurs et d’y engager leurs camarades. Ainsi, Ghada, participante au projet initial a ouvert son restaurant au sein de la deuxième édition des Grands-Voisins.

Jardins potag ers Mai!n d’oeuvre

HaBiTaNt�3

mIgRaNt�3

La salle du resta urant produits

HaBiTaNt�2

AsSoCiAtIoN

mIgRaNt�2

Cuisine

Monnaie temps

produits

Les cuisines commu nauta ires

HaBiTaNt�1

mIgRaNt�1

Schema des echanges entre migranst et habitants au sein du nouvel equipement


Son refuge en partage

78

3. Ech 3 : Les logements

a. L’hebergement citoyen : entre legalite et legitimite a agir L’hébergement citoyen pour les étrangers en situations régulières est encouragé aujourd’hui en France. En 2016, au moment où la France s’était engagée à accueillir 30 000 réfugiés dans le cadre d’accords européens, Emmanuelle Cosse, alors ministre du logement, lançait un appel à projet pour « l’expérimentation de dispositifs d’hébergement de réfugiés chez les particuliers ». Il s’agissait de prévoir l’accueil de 1300 réfugiés au sein de familles bénévoles pour compléter les places prévues en CAO et dans les logements vacants. Le gouvernement s’engageait alors à verser 1500 € / an / personne hébergée aux associations. Onze associations réparties sur le territoire étaient alors retenues pour héberger 1361 réfugiés au total.

L’aide au séjour d’étrangers en situations irrégulières est en revanche beaucoup moins encouragée en France. Le « Code de l’entrée

etranger en situation irreguliere

et du séjour des étrangers et du droit d’asile »

Statut juridique qualifiant un étranger présent sur le territoire

aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou

national d’un État en étant dépourvu de titre de séjour en règle.

(CESEDA) indique que « Toute personne qui

Cela peut faire suite à plusieurs situations : après l’entrée de façon

tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le

clandestine sur le territoire national, après l’expiration de la durée

séjour irréguliers, d’un étranger en France sera

de validité d’un titre de séjour, la naissance de parents étrangers sur le territoire national sans demande de naturalisation, ou plus rarement après une dénationalisation.

punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 Euros. ».

Mais en 2002, Emmanuelle Valls, alors ministre de l’intérieur faisait inscrire dans la loi le texte suivant : « [...] ne peut donner lieu à des poursuites pénales [...] l’aide au séjour irrégulier d’un étranger [...] De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte » - Art 622 – 4. Aide à l’entrée et au séjour irréguliers

Un flou juridique plane alors quant à la légalité de l’hébergement citoyen de personnes


Partie 2. demarche de projet

79

Pays de Lorient métropole lillois LACK Singa 50 hébergés La sauvegarde du Nord 50 hébergés AMiens Apremis 25 hébergés

Ile de France Samu social de Paris Singa Groupe sos 436 hébergés Seine et marne Horizon 77 70 hébergés

Indre et Loire Entre’ aide Ouvrière 50 hébergés

France Federation de l’entraide protestante 200 hébergés

Yvelines La pierre blanche 40 hébergés

Perpignan Solidarité pyrénées 50 hébergés

Rhone Forum réfugié cosi Singa Le mas 90 hébergés

Les associations retenues dans le cadre de l’appel a projet initie en 2016


Son refuge en partage

80

en situations irrégulières. En effet, il n’est donné nul part ailleurs une quelconque précision concernant les termes « danger », « intégrité physique » par exemple… Dés lors, le débat se pose plutôt en terme de légitimité à agir. Certains considérerons que dormir dans la rue représente un « danger » remettant en cause l’ « intégrité physique » des personnes et justifieront ainsi des actions que d’autres qualifieront d’illégales dans la mesure où elles faciliteraient le séjour irrégulier des personnes concernées.

L’hébergement de personnes en situations régulières s’organise donc assez librement tandis que celui des personnes en situations irrégulières restent assez marginales et moins affichées. Ainsi, malgré mes tentatives auprès des associations Singa et Utopia 56, je ne parviendrai pas à obtenir d’entretiens de familles bénévoles par leur intermédiaire, celles-ci souhaitant garder l’anonymat.


Partie 2. demarche de projet

81

SInga : Birgit, Dje, Emeline, Charlotte, Tim, Pauline accueillent Xhuljano

Singa : Xavier et Christophe accueillent Bridget


Son refuge en partage

82

b. Les terrains d’interventions Cette part du projet, la plus importante, vise avant tout à s’interroger sur ce que l’envie

d’accueillir peut générer en termes d’espaces, à l’échelle du logement. Elle s’attache directement à l’unité d’habitation, dans trois types de logements : INDIVIDUEL, INTERMÉDIAIRE ET COLLECTIF. Ces logements existants sont ceux des quartiers sur lesquels la reflexion s’est portée à l’échelle précédente.

Le projet développé ici s’adresse : -

A des migrants exprimant le désir de prendre une pause de quelques mois dans

leurs parcours migratoires, et ainsi engager une réflexion sur ce qu’ils souhaitent faire ensuite. En effet, face au nombre de tentatives de passages qui échouent et au temps bloqué à la frontière franco-anglaise, de nombreux migrants se voient actuellement contraints de remettre en cause leur projet initial de rejoindre le Royaume Uni. Il s’agit de leur offrir la possibilité d’y réfléchir calmement, dans de bonnes conditions d’accueil. -

A des Grande-Synthois souhaitant s’engager dans une démarche d’accueil sur

plusieurs mois. Le projet prévoit un temps de résilience qui permettra la réappropriation des espaces générés au moment de l’accueil.

Dans les deux cas, l’accueil découle alors d’une initiative personnelle sincère. Avec ce projet, on parie donc sur le fait que la solidarité privée pourra pallier à un manque d’investissement du public dans le domaine de l’accueil. Pour autant, on veillera à ce que le projet ne facilite pas un retrait encore plus fort de l’État face à ces questions. On cherchera à l’impliquer à travers la mise en place d’un schéma économique qui prévoit des subventions de sa part. Pour les obtenir, le projet devra être couplé à une rénovation énergétique de l’ensemble du logement concerné.


Partie 2. demarche de projet

83

L’habitat individuel Architecte :

G4 architectes

Date :

1976 (dépôt de PC)

Quartier :

Le Courghain extérieur

Surface :

100 m²

L’habitat intermediaire Architecte :

3.

2.

Tambute-Fayeton architecte

Promoteur : Promogim Date :

1974 (dépôt de PC)

Quartier :

Le Courghain centre

Surface :

78,66 m²

L’habitat collectif Date :

1971-1974

Quartier : Europe Surface :

75 m²

3.


Son refuge en partage

84

c. Les scenarios d’accueil La démarche de projet a d’abord consisté à la mise en place de scénarios d’accueils

FICTIFS mais REALISTES.

Ces scénarios se veulent être le reflet de situations plausibles dans le contexte social actuel. Ils se décomposent en trois temps : -

LE TEMPS 0

qui correspond à la SITUATION ACTUELLE

-

LE TEMPS 1

qui correspond à L’ACCUEIL

Il s’agit d’intégrer ou de greffer à l’existant des dispositifs spatiaux favorisant un bon accueil des migrants au sein de logements existants et de familles constituées. -

LE TEMPS 2

qui correspond à LA RÉSILIENCE ...

... des transformations ou extensions générées au moment de l’accueil. Les projets générés pourront ainsi à terme bénéficier exclusivement aux habitants qui pourront en changer la destinée. Il s’agira alors éventuellement de permettre la densification d’un tissu qui en a possiblement besoin.

Le projet s’attache à représenter des profils les plus diversifiés possibles, tant du côté des accueillants, que des accueillis.

LES ACCUEILLANTS

LES ACCUEILLIS

1

Un père célibataire avec un enfant

1

Un couple et une femme âgée

2

Un couple de retraités

2

Un couple qui attend un enfant

3

Un jeune couple

3

Une jeune famille avec deux enfants

4

Une famille avec deux enfants

4

Un mineur isolé

5

Deux familles voisines amies

5

Deux hommes seuls, amis

6

Une femme célibataire

6

Une jeune femme seule

A chaque scénario est associée une fiche, une charte inspirée de celles mises en place par l’association Singa actuellement en France. Cette charte, remplie par les personnes


Partie 2. demarche de projet

85

ROYAUME UNI PORT AIRE D’AUTOROUTE

CENTRE DE DÉTENTION

CAMPEMENT Le�pRoJeT ReFuGe

CeNtRe�d’HeBeRgEmEnT HAZBROUCK CALAIS

Objetcif du projet

0. AUJOURD'HUI

+

Accueillant(s) : Un homme séparé avec un petit garçon. La maison lui paraît maintenant bien vide sans sa compagne et les enfants de celle-ci.

1.

L'ACCUEIL

Accueilli(s) : Un couple sans enfant accompagné d’une femme âgée (la mère veuve de l’homme). La femme âgée peut garder un œil sur l’enfant quand il rentre de l’école et que son père est encore au travail. Le garage dont la famille n’a pas l’utilité est transformée en chambre pour la femme âgée. Le couple s’installe dans une extension nouvellement créée au dessus.

2. LA RÉSILIENCE Le garçon a bien grandit. Il souhaite prendre un peu d’indépendance mais n’en a pas les moyens. Un studio est installé en rez-de-chaussée. Son père a du mal à joindre les deux bouts et aurait besoin de revenus supplémentaires. L’extension créée est transformée en studio à louer.

Exemple d’un scenario d’accueil a implanter dans le logement individuel


Son refuge en partage

86

accueillantes, servira à identifier le degré d’intimité que ceux ci souhaitent préserver. Ces degrés impactent ensuite directement les dispositifs spatiaux mis en place.

La population accueillie à Grande-Synthe étant historiquement en très grande majorité

d’origine kurde irakienne, le projet veillera à développer une intention particulière aux usages en s’adaptant aux modes de vies propres à cette culture.


Partie 2. demarche de projet

87

PRESENCE

- Présence autorisée de l’accueilli dans l’habitation en cas d’absence de l’accueillant ? - Possibilité de recevoir du monde ? Sans la présence de l’accueillant ? - Si oui, quelles pièces sont accessibles ? - L’accueilli peut-il s’absenter sans prévenir l’accueillant ? - L’accueilli possède-t-il une clef de l’habitation ?

HORAIRES

- L’accueilli est-il autorisé à faire du bruit en dehors des horaires normaux du foyer ? - Les accueillants souhaitent-ils partager une salle de bain ?

PARTIES COMMUNES - Toutes - - - -

les pièces sont-elles accessibles par l’accueilli ? Cuisine ? Salon ? Chambres ? Salles de bains ?

- Tous les équipements sont-ils accessibles par l’accueilli ? - Frigo ? - Placards / ustensiles de cuisine ? - Machine à laver le linge ? - TV / Chaine hi-fi ? - Bibliothèque ? - Ordinateur ? - Téléphone ? - Placards à vêtements ?

REPAS

- Les repas sont-ils pris en commun ? - Horaires auxquels il est souhaitable de cuisiner ? - Autorisation de manger dans son espace personnel ? La charte de l’accueil : evaluer le degre d’intimite souhaite



Conclusion partielle Ce projet vise avant tout à prévoir un accueil autre que celui qui est réservé aux migrants de passage en France aujourd’hui. Mais il cherche aussi à tirer partie d’un convergence d’intérêt : l’accueil devient un prétexte pour faciliter la rénovation énergétique de logements anciens et leur adaptation à des modes de vie émergeants qui ne leur correspondent plus. Il cherche à proposer des projets sur mesure, qui s’adapte aux besoins et envies de chacun, et s’attache ainsi à prouver qu’une densification des tissus urbains des années 1970’ est possible. Il se fixe alors comme mot d’ordre l’amélioration du quotidien de chacun et la création de lien social.

LeS EqUiPeMeNtS

Migrants

Habitants

La�rEsIlIeNcE Ville

Le�cEnTrE d’hEbErGeMeNt


Son refuge en partage

90

Bibliographie 1. Livres •

Agier, M. (2013). Campement urbain : du Refuge nait le ghetto. Paris : Manuels Payot. 133 p.

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Friedman, Y. (2016). L’architecture de survie : une philosophie de la pauvreté. L’éclat poche. 2013 p.

Lussault, M. (2017). Hyper-lieux : les nouvelles géographies de la mondialisation. Paris : Seuil. 305 p.

Guilpain Laureline, Loyer Simon Jean, Rapin Aurore, Schaeffer Tiemo, Stablon Jérôme, S(t)imulation

passager clandestin. 152 p.

pavillonnaire, Ecole d’architecture de la ville et des territoires à Marne-la-Vallée, 2014, 208 p.

2. Articles •

3.

Joffroy, P. « Loger le pauvre, l’immigré, le demandeur d’asile ». D’a, n°251 – mars 2017.

Presse en ligne •

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Baumard, Maryline. « L’Etat reprend le camp de migrants de Grande-Synthe pour mieux le fermer ». Le Monde [en ligne], 30.05.2016. Disponible sur : <https://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2016/05/30/ l-etat-reprend-le-camp-de-migrants-de-grande-synthe-pour-mieux-le-fermer_4928643_1654200.html> (consulté le 30.05.2018).

« Grande-Synthe : l’État s’engage dans le financement du camp de migrants de la Linière ». La Voix du Nord [en ligne], 12.04.2016. Disponible sur : <http://www.lavoixdunord.fr/archive/recup/region/grande-synthe-l-etat-sengage-dans-le-financement-du-ia17b47594n3441798> (consulté le 30.05.2018).

Loreal, Annick. « Grande-Synthe : 55 millions d’euros pour transformer le Courghain ». Le moniteur [en ligne], 25.06.2004. Disponible sur : <https://www.lemoniteur.fr/articles/grande-synthe-55-millions-d-euros-pourtransformer-le-courghain-266855> (consulté le 11.06.2018).

Gautreau, Emilie. « Expliquez-nous... Les dispositifs d’hébergement des migrants en France ». France tv info [en ligne], 31.05.2018. Disponible sur : <https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/expliquez-nous/expliquez-nousles-dispositifs-d-hebergement-des-migrants-en-france_2754069.html> (consulté le 08.06.2018).

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BIBLIOGRAPHIE

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Annexe


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Entretien avec Olivier Caremelle Directeur de cabinet, mairie de Grande-Synthe, 14 mars 2018 - Ces 300 personnes aujourd’hui sur la ville sont accueillis dans une salle, un gymnase municipal. C’est un gros gymnase qui n’est pas voué à accueillir autant de monde. D’ailleurs quand on a signé la convention avec le sous préfet, on avait estimé les besoins à une centaine de personnes. Parce que début décembre il faisait très froid et il n’y avait plus personne au Puythouck donc on estimait une centaine de place d’accueil possible. On a réuni les associations pour leur dire «ne distribuez plus de nourriture, de tente, quoique ce soit sur site, mais venez à la salle pour permettre aux gens de faire le cheminement et d’être mieux accueillis au chaud dans celle ci». On n’a pas tenu très longtemps à 100 puisque les gens qui étaient invisibles ont trouvé le chemin de la salle. Donc très rapidement on est passé à 15, 200 et là on est à peu près à 300. Avec des compositions toujours de même nature : plutôt kurdes d’Irak, des Afghans, un peu de Pakistanais. Et pour la composition familiale : le gros des troupes sont des hommes seuls plutôt jeunes ; et des familles composées, on a à peu près personnes qui composent des familles qu’on a mis dans une pièce à part ; et on a un troisième lieu à l’intérieur de la salle, pour s’occuper de personnes qui ne devraient pas être sous notre couvert, qu’on appelle les mineurs non accompagnés. C’est variable, on peut en avoir 20, on peu en avoir 40 ... Donc là on a sollicité par écrit une nouvelle fois le département pour qu’il y ait une évaluation et une prise en charge. Elle est compliquée pour eux parce que ça coûte chère, qu’il y a du monde, que pour l’instant ils sont à Grande-Synthe et que ne se passe pas trop mal, donc autant les laisser là bas dans un premier temps. - Vous savez en moyenne combien de temps ces personnes restent à Grande-Synthe ? - Normalement nous quand on leur a dit qu’ils pouvaient rentrer dans la salle, on leur e a dit «votre temps de repos, de «loisir», d’accès à la salle, ça pourrait être 5 jours». Mais personne ne peut les contraindre à partir donc il y a des gens qui sont aujourd’hui dans la salle depuis début décembre, depuis maintenant quasiment 3 mois. Il y a des gens qui viennent d’arriver. Hier on a fait entrer quasiment 70 personnes. Au arrivées sont compensés les départ, il y a des départs. C’est pas énorme, hier je crois qu’il y a eu 22 personnes qui sont partis en CAO. Parce que dans notre esprit, la salle devait permettre en fait aux personnes de se reposer, de réfléchir et de partir soit en CAO, ou en CAES pour que leur situation administrative soit étudiée et qu’ils puissent faire valoir leur droit peut être à l’Asile éventuellement. En tout cas qu’ils soient mieux accueillis que dans un bois ou dans une salle de sport, qui reste une salle de sport ! Donc c’est quand même plutôt spartiate, même s’ils ont accès à l’eau, à la nourriture, aux soins ou à l’information. Normalement, on la rendrait fin Mars. Aujourd’hui on est le 14. Le préfet a appelé le maire avant hier, on aura peut être une petite prolongation parce que nous on voit l’intérêt de garder une salle. Parce qu’au regard de la situation, l’État ne veut pas de La Linière, ne veut pas du retour d’un camp à La Linière, et le maire ne veut pas d’implantation au Puythouck. Donc s’il y a une sorte de deal qui passe ni Linière, ni Puythouck ... A un moment donné, il faut trouver une solution. La solution temporaire c’est la salle. Sauf que la salle, c’est une salle municipale, c’est une salle de sport, pour les collégiens, pour la population Grande-Synthoise. Alors c’est vrai qu’on a beaucoup de salles donc on pourrait s’en priver pour l’éternité ... Donc on est en discussion avec l’État, cette après-midi on va voir comment le sous préfet se positionne. Mais l’idée de refaire un camp à La Linière est je ne dirais pas abandonnée mais plutôt laissée de côté pour l’instant. L’idée d’organiser une halte de jour au Puythouck comme on l’avait fait avec l’État, est plutôt abandonnée parce qu’on n’y tient pas du tout et l’idée de Damien Carême, d’organiser un accueil au titre d’une «halte migrants» ou d’un CAO, quelque soit l’appellation, est toujours dans l’air. On vient d’écrire au président de la République une nouvelle fois pour lui dire que les intentions de la ville de Grande-Synthe c’était toujours de travailler avec les partenaires associatif et l’État pour organiser un accueil d’urgence pour les réfugiés qui passeraient en transit sur la ville. Parce qu’il n’y a aucune personnes qui veut s’implanter à GrandeSynthe, ni à calais d’ailleurs, ils veulent passer en Angleterre. Donc le maire dit «moi je n’ai pas de soucis avec ça si c’est contenu, si on arrive à avoir une offre de qualité (sans que ce soit un hôtel 5 étoiles) qui permette aux gens de s’asseoir, se reposer, réfléchir quelques jours, aller quelques semaines tout au plus, quitte à revenir après en arrière : à Paris ou ailleurs, quitte à revenir pourquoi pas dans leurs pays d’origine parce qu’ils estimeraient que leur place n’est pas en France, parce que leur pays serait en voix d’apaisement, ou parce qu’ils auraient vocation à passer légalement, partir en Belgique ou en Allemagne. Pour l’instant c’est à feu rouge écarlate. - Je travaille sur l’hébergement citoyen pour ce diplôme comme vous avez pu le voir. Est ce que vous avez eu écho de personnes qui voudraient accueillir ? - Il y a des associations qui accueillent aujourd’hui à Grande-Synthe. Elles ne sont pas nombreuses et elles ne le claironnent pas. Ce sont des membres d’associations qui accueillent, pas forcément des associations en tant que telles. Je pense à DROP par exemple, je pense à peut être Emmaüs qui doit avoir un réseau de bénévoles actifs là dessus. C’est organisé sans l’être tout à fait et ce n’est pas non plus de l’accueil qui dure trop longtemps. Mais il y a de l’accueil citoyen sur le Dunkerquois en général et sur Grande-Synthe aussi, oui bien sûr. Mais qui est une forme complémentaire de ce que la ville peut faire.


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Mais nous on est toujours en relations forcément avec l’État pour avoir une action complète sur la présence des réfugiés mais aussi des gens qui ont un statut un peu plus compliqué. Je pense aux passeurs. Nous on n’a pas vocation à faire plaisir aux passeurs et à les engraisser sur le dos des réfugiés. Le sort des réfugiés nous intéresse, celui des passeurs aussi mais plutôt pour les héberger sous une autre forme si vous voyez ce que je veux dire (rires). D’ailleurs il y a des arrestations régulières de passeurs, évidement à Calais, à Grande-Synthe. Voilà donc là on est un peu dans le mornage entre deux eaux. Je pense que la réponse de l’État va être claire. L’État dira «on ne veut pas de La Linière, on comprend que vous ne vouliez pas du Puythouck, mais on ne souhaite pas avoir un CAO à Grande-Synthe». Parce qu’ils ont peur d’un point de fixation, ils ont peur d’un point qui permettrait de faire venir d’autres personnes sur le chemin de Calais. Nous on a théorisé ça, parce que Collomb nous l’a dit en septembre : l’Etat est en train de faire une ligne de démarcation protégeant le littoral, la bande littoral (en tout cas celle qui est la notre : Calais, et Dunkerque). Elle n’a pas vocation à recevoir de CAO ni de CAES. Ça ne veut pas dire qu’il ne peut y avoir d’accueil négocié. C’est le cas notamment à Calais, l’État peut très bien demander à La Vie Active de mettre un accueil d’urgence temporaire. Ils ont faire revenir des conteneurs du CAP pour Calais. On s’est mis d’accord nous pour les temps hivernaux, pour un accueil dans une salle, mais ce n’est pas un CAO. Vous voyez, la symbolique du statut et de la reconnaissance, politiquement, pour eux c’est redoutable. Vous aviez perçu ces nuances là ? L’État veut bien travailler avec le maire de Gande-Synthe, ce n’est pas un soucis. Localement il n’y a pas d’incident vous voyez, il n’y a pas de déclaration de presse tapageuse, les réfugiés n’agressent pas les Grande-Synthois donc ça se passe «bien». Mais c’est vrai qu’on jour avec les lignes nous même et le préfet aussi quelque part. Après comment ça s’organise dans la durée, dans le temps ... Prolonger la salle, ce n’est pas un problème, la garder pour l’éternité, ça le sera. C’est normal qu’une ville doive faire ça, même si le maire le fait avec envie volontiers pour éviter d’autres problématiques. - Est ce que vous avez cherché à créer du lien, des interactions entre les Grande-Synthois et les migrants ? - On n’a pas cherché à les faire parce qu’elles se sont produites un peu naturellement à l’origine, dés les premières présences, massives des réfugiés, notamment en septembre 2015 au Basroch (quelques centaines puis quelques milliers en définitive : presque trois milles). Donc il y a des gens qui ont exprimés une hostilité mais qui n’était pas de l’agressivité mal placée, c’était de la peur du nombre, de l’étranger. Ça, ça peut être déconstruit assez rapidement : le maire a écrit, a expliqué la stratégie, comment on allait pouvoir (avec l’État notamment, mais aussi avec les associations), trouver des solutions. Ça a été la réponse du camp de La Linière. Et après il y a des gens qui de manière volontaire sont venus sur les sites (le Basroch, La Linière, le Puythouck, la salle aujourd’hui) pour aider, s’occuper des personnes qui étaient là et qui le sont encore aujourd’hui. Après ce que nous on a pu susciter de mieux, c’était sur deux volets par rapport au camp de La Linière et l’on fait encore un peu récemment sur la salle : c’était sur le volet culturel et sur le volet éducatif. Sur le volet éducatif parce qu’on a pris attache auprès du ministre de l’époque, Najat Vallaud Balkacem, via le recteur et le directeur académique pour leur dire qu’il y a avait des envie, des projets (parce que les gens étaient là non pas pour l’éternité mais ua moins pour quelques semaines voir quelques mois), de leur donner une accroche éducative. ET on a ouvert dans trois écoles de la ville, des places intégrées, pour les enfants de réfugiés. On a organisé les transports, et l’éducation a mis des moyens. les parents qui étaient inquiets le sont devenus beaucoup moins par la suite. Ça a très bien marché. Après on a eu une deuxième accroche, plus culturelle. Sur le camp, il y avait un foisonnement culturel, mais très diverse. Si vous avez été sur le camp vous le savez. Ça pouvait être des actions éducatives dans ce qu’on a appelé le centre récréatif qui a été bâti par les anglais presque au fond du camp, et des actions après qui ramenaient ponctuellement les réfugiés du camp vers la ville. Parce que le camp n’était pas simplement posé à la périphérie de la ville, il était accroché à la ville, même s’il était un peu à la périphérie, dans des espaces un peu marginaux entre la voix ferrée et la voix autoroutière. Les gens sortaient un peu quand même du camp puisqu’il était libre d’accès. Ce qui d’ailleurs a été une vrai contrainte par la suite puisque une des raisons pour lesquelles le camp a péri, a brûlé c’est parce qu’il était totalement libre d’accès et qu’à un moment donné les afghans sont arrivés après le démantèlement de Calais entre octobre et décembre 2016, et par la suite. - Vous pouvez m’en dire plus sur le centre récréatif dont vous m’avez parlé ? - Quand on a bâti le camp avec MSF, les associations anglaises sont arrivées assez rapidement en lien avec MSF pour construire des bâtiments complémentaires que j’ai moi découvert le 7 et 8 mars [2016], date de l’ouverture du camp. Et quand je me suis approché de près des bâtiments, j’ai discuté avec les associations anglaises qui m’ont dit «on va bâtir une école». Je leur avait répondu «vous ne bâtirez pas d’école puisqu’il n’y aura pas d’école dans le camp». On ne voulait pas faire un nouveau quartier de relégation avec le camp, c’était un lieu humanitaire. Par contre on était extrêmement favorable à construire des interractiosn avec le reste de la ville pour déconstruire les peurs, avec l’école, avec l’école de musique, la culture, le palais du littoral. Donc on a dit tout de suite qu’il y aurait peut être dans ces bâtiments qui’on construisait une action éducative, péri-éducative ou culturelle, mais ilm n’y aura pas d’école en soit [quand je me rends sur le camp de La Linière en août 2016, les bénévoles appellent bien ce lieu «école»], ce ne sera pas une reproduction de la «jungle» de Calais, de l’école ... je ne sais plus comment on l’appelait


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- ... du chemin des dunes. - Oui voilà. On le fera autrement, on est encore maître chez nous. Il y a une générosité qui fait que ces bâtiments ont été construits et financés par les anglais. Il ont fait autre chose, ils ont construit aussi ces fameuses cuisines communautaires, une par «pallier», par «sas». Il y en avait 5 de mémoire sur le camp. Elles permettaient une «appropriation» des lieux et de retrouver de l’autonomie. Parce qu’on s’est aperçus très vite que les gens étaient en perte d’autonomie et qu’ils attendaient tout : des couvertures, du pétrole, l’accès à l’information, qu’on vienne les aider ... Donc il y avait une perte presque totale d’autonomie et les cuisines devaient permettre aux gens de retrouver peut être goût à leurs propres cuisine à leurs propres cuisines, à leurs propres saveurs, en se refaisant eux même de la cuisine. Je rappelle que ces cuisines communautaires on été prises ... Je ne vais pas dire d’assaut parce que le terme n’est pas bon ... Mais ont été prises par les afghans pour en faire des dortoirs et que l’incendie du camp est lié à cette appropriation des cuisines et au fait que les gens qui y avaient de manière trop massive, à un moment donné ont revendiqués d’habiter dans des chalets qui n’existaient plus. Il y a eu une compétition dans le camp entre les deux communautés mais qui était liée au fait que les uns avaient des chalets / shelters et que les autres vivaient dans les cuisines communautaires, les dortoirs. - J’ai une question plus technique. Pour continuer à avancer, je cherche des logements sur lesquels intervenir. J’aimerais intervenir sur des logements qui sont assez anciens, qui seraient à réhabiliter et voir s’il y a des extensions possibles pour l’accueil ou pas. Je voulais savoir si vous aviez des projets en cours ou des envies de réhabilitation sur la ville ? - Pour les réfugiés ? - Ou pas, des logements qui sont anciens et qui sont à réhabiliter. - On a l’ANRU 2 qui va arriver là dans les tours Le jeune notamment. Mais une partie va être détruite et une partie va être réhabilitée. Après elles sont en plein centre ville. Donc la vraie question pour nous, c’est est ce qu’on doit faire comme à Arras, avec France Terre d’Asile et ..., loger, pas des centaines, mais quelques dizaines de réfugiés dans le champ diffus, réhabilité ou pas ? C’est une question. Pour l’instant on ne l’a jamais fait. C’est une question qu’on s’est déjà posés avec Cyrille [Hanappe] et avec les troupes qu’il a fait venir sur la ville. Ou alors c’est d’avoir des réponses plus globales qu’on a commencé à esquisser avant même que le Basroch arrive, c’était de faire une Halte migrant [«la maison des migrants» ?]. Mais à construire, à imaginer avec un volume de places et d’accès relativement limité. On avait dit à l’époque entre 50 et 100 personnes au grand max parce que les flux étaient résiduels. Bon aujourd’hui on voit bien que la jauge est plus autour de ce que l’on a dit au début de notre conversation, entre 100, 200 personnes. Mais ça suppose de trouver un terrain et de construire un projet, et peut être aussi d’avoir un aval ou pas de l’État. - Et le logement diffus, vous en parlez ? Est ce que c’est une solution que vous envisagez ? - Oui, on regarde, on en parle entre nous, entre le maire, moi ... On a fait des réunions avec l’équipe d’architectes. Mais pour l’instant on reste dans une situation d’urgence donc ces préconisations là, on les a en tête mais dans une période où ce serait peut être un peu plus calme, apaisé, où on n’aurait pas à répondre à l’urgence. Là on est en fin de période hivernale. Il a fallut protéger les gens, on a quand même des femmes, des enfants, en bas âge, on a quand même du monde. Donc voilà on n’en est pas à savoir comment on peut faire des plans sur la comète pour dire : on va prendre des logements, on va loger, on va imaginer ... Là, on n’a pas le temps de le faire. On est dans l’urgence absolue. Les discussions aujourd’hui, portent sur la nature d’une forme même pas d’hébergement, d’accueil temporaire, hyper temporaire sur la ville, avec l’État et le préfet. Avec le fait que le maire demande à ce qu’il y ait une réponse construite sur Grande-Synthe. C’est la deuxième partie de la réponse à votre question. Qui ferait que dans 3 mois, dans 6 mois, on n’ait plus seulement un gymnase (parce que ça reste un gymnase), mais qu’on aurait le temps d’avoir une réponse commune : associations, Etat, mairie, pour l’accueil de réfugiés de transit par exemple, ou de réfugiés qui auraient la vocation à s’intégrer dans notre région par exemple. Je prends l’exemple d’étudiants notamment qui aujourd’hui sont hébergés par la ville. Effectivement on a un appartement, on a loué un appartement, on a trois réfugiés qui avaient pris l’engagement de suivre des cours à l’université du Littoral, à L’UCAU, pour retrouver une capacité à reprendre des études telles qu’ils es avaient menées chez eux. Aujourd’hui, sur les trois, il y en a deux qui ne sont plus à l’UCAU. C’est compliqué, ils sont en voix d’être dublinés donc ils se ... je ne dirais pas qu’ils se cachent ... Mais ils ont des difficultés à sortir de l’appartement parce qu’ils ont peur d’être arrêtés, d’être mis en centre de rétention et dublinés vers l’Italie ou la Norvège ... Si jamais à un moment donné dans 6 mois, dans 1 an, on avait vocation à mettre quelques réfugiés dans le diffus, on pourrait le faire. Après il faut voir sous quelle forme : qui est compétant, qui paye, comment se fait l’acceptation, ... ? Là la première hypothèse c’est d’abord peut être trouver une halte migrants, un accueil qui puisse être géré avec ce que l’on sait faire maintenant, parce qu’on a une vraie expertise. On a quand même des personnalités qui y travaillent, qui sont dans la sale aujourd’hui. Après on n’a vocation non plus à financer à demeure tout cela, c’est l’État qui doit être en


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responsabilité de le faire. Donc pour l’instant, la ligne du gouvernement Collomb c’est «moi vivant, jamais». Pour être brutal, c’est comme ça. Et il est quand même assez brutal (rires). [...] Nous ce que l’on ne souhaite pas c’est que les gens soient en errance sur la ville. Qu’ils soit au Puythouck, ou comme on l’a vécu à la fin du camp avec l’incendie, en train de naviguer d’un espace à un autre, sous des ponts, sous des voûtes ... S’il y a des gens qui aujourd’hui sont obligés de vivre dehors, on aura une réponse. La plus minimaliste, c’est celle qu’on fait aujorud’hui, c’est le gymnase. La réponse maximale, ce sera une structure d’hébergement négociée avec l’Etat qui permettra d’accueillir les gens qui seraient dehors, au titre de l’exil ou pas d’ailleurs. Il n’y a pas de Grande-Synthois qui vit dehors. Les gens sont pris en charge. Donc ça c’est la ligne de conduite, après c’est lié aux flux. à 50 on passe, à 100 on passe, à 200 on passe, à 300 on passe, après c’est compliqué. Après le rendez vous avec Collomb le 18 septembre, le 19 septembre, le préfet est arrivé avec 450 places disponibles [en CAO]. On s’est donnés rendez vous au Puythouck, je suis arrivée tôt le matin puisqu’ils avaient juste oubliés de nous prévenir qu’ils allaient faire une mise à l’abri. Et quand le préfet m’a accueilli sur le parking du Puthouck, il m’a dit « M. Caremelle, il n’y a aucun problème, j’ai les bus, j’ai les places, on va libérer le Puythouck, on va mettre les gens à l’abri ». Aucun problème. Jusqu’à 15h30. à 15h30, les 450 places étaient prises parce qu’au bout de la journée, il y avait 600 personnes à placer. Le préfet de région me demande à un moment donné de mettre à disposition, soit à gymnase, soit des nuits d’hôtel. C’est quand même incroyable. J’ai dit « non, on n’a pas de gymnase à mettre à disposition », on était en pleine rentrée scolaire ... Des nuits d’hotel, dire qu’on a rien fait ce serait faux, on a fait un petit peu. Et j’ai demandé au maire d’ouvrir un espace au Puythouck qui est le notre, le Centre Culturel Populaire, qui avait déjà accueilli plusieurs fois des réfugiés pour quelques nuits et on a pris le temps après de proposer, via l’État, une mise à l’abri en CAO quelques jours plus tard. Mais bon, si vous voulez, à un moment donné, c’est quand même un peu compliqué. C’est pas Damien Carême qui fait venir les réfugiés à Grande-Synthe, contrairement à la légende urbaine des uns et des autres. On ne dit pas « venez chez nous, vous verrez, l’herbe est fraîche, les nuits sont humides, il fait froid l’hiver et vous allez mal vivre chez nous, il n’y a aucune problème ». Ce n’est pas du tout le discours ambiant mais à partir du moment où on constate qu’il y a une présence ... Il ne faut pas non plus inverser le schéma, c’est pas qu’on fait un lieu qu’ils viennent, c’est parce qu’ils viennent qu’on fait un lieu. - Oui, la théorie de «l’appel d’air» ... - Oui, oui, on l’a tous les jours, toutes les semaines en sous préfecture. Là, la tentation du préfet ce sera de solder la salle et de dire «elle n’a plus d’utilité à priori, on vz prendre un de temps, l’aménager». [...] Mais la tentation ce sera de dire : il ne faut pas que ce soit à La Linière, on est d’accord pour qu’il n’y ait plus personne au Puythouck, on ne veut plus qu’il y ait de salle, on ne veut plus qu’il y ait de réfugiés. A la limite pourquoi pas mais s’il viennent qu’est ce que fait ? Silence radio, on les met en CAO. Mais «ce n’est pas notre boulot, c’est le votre». Nous on ne souhaite pas que les gens dorment dehors, que les gens s’étendent au grand vent sur la ville . Pour le moment on n’a pas de problème, les Grande-Synthois sont plutôt dans l’acceptation, mais dans des limites de raison, ce qui est tout à fait normal. Donc vous avez vous identifié des sites qui potentiellement pourraient s’y prêter ?! - Oui, qui, je le sais ne vous appartiennent pas forcément ... - La ferme Codron ça a été acheté par Immochan. Il y a un projet d’envergure pour réquilibrer Auchan. La chicoré il y a un projet aussi. La secherie Ringo, c’est un privé qui va bientôt vendre. L’usine Carell Fouché, c’est Petite Synthe, c’est Dunkerque. Et La Linière, on a déjà donné ... - Pareil pour La Linière, c’est un propriétaire privé ?! - Le camp de la Linière ou le site industriel ? - Oui, je parlais du site industriel. - La site industriel a été racheté par un privé, Grand Frais. C’est un peu curieux je trouve vu l’emplacement mais ils ont acheté pour faire un magasin. Tout ce qui suit après l’ancienne entrée du camp et les bâtiments administratifs (l’ancienne hôpital, etc), ça reste un propriétaire et on est en location de cette partie là. Et tout ce qui est derrière c’est la propriété de la ville. Le camp en dur, était sur un terrain communal. D’ailleurs les sanitaires et les douches sont encore présentes sur place. On a toujours cette carte de La Linière. En face il y a le Puythouck que l’on veut absolument récupérer. Là il y a des actions de nettoyage du site parce qu’il reste encore des tentes, des détritus ... Donc on essaye de le nettoyer régulièrement. Il y a beaucoup moins de monde, il reste une petite trentaine de personne aujourd’hui. Et après il y a 300 personnes dans la salle. Donc notre crainte c’est que la préfecture vienne dans une semaine ou dans 15 jours, disent «on met les gens à l’abri», c’est bien. Ils proposent des places en CAO de manière volontaire, et que ces gens repartent des CAO pour revenir quasi


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immédiatement sur la ville. Et si on n’a plus la salle, on sait très bien où ils vont aller. Donc pour l’instant nous on dit «que vous vouliez desaturer la salle, on l’entend ; que vous ayez des places en CAO on l’entend ; mais donnez nous quand même des garantis que les gens ne reviennent pas s’installer au Puythouck.». Évidemment ils sont dans l’impossibilité de nous le garantir. Après il y a des départs, il y a des départs organisés par l’État, une dizaine par jours ; et il y a les départs volontaires des réfugiés, vers Calais, la Belgique ... Ils n’attendent pas que l’État les prenne en charge. Ils se reposent et ils tracent leur route vers Calais pour passer en Angleterre et ils y arrivent. Voilà la situation. [...] - Ce qu’on nous demande en diplôme, dans mon école en tout cas, c’est une première partie d’identification d’un territoire, avec ses problématiques et les potentiels pour y répondre. La phase que j’engage maintenant est beaucoup plus concrète. Il va falloir proposer des solutions et on s’est mis d’accord avec mes professeurs pour que je travaille sur l’hébergement citoyen. parce que ce dont vous parlez, la halte etc, c’est des choses auxquels d’autres architectes ont déjà pensés et donc l’idée c’est de faire autre chose. - Pour l’hébergement citoyen il faudrait que je vous donne des contacts d’associations. [...] L’objet, c’est plutôt l’objet architectural ? - Oui mais pour mettre en place des solutions il faut que j’ai un minimum d’informations sur l’hébergement citoyen en général, sur ce que cela réclame. [...] En fait il y a peu de friche ici, quasi pas, mis à part ceux que vous avez identifié. Il y avait beaucoup de tours, des barres ... Mais avec l’ANRU 1 et 2 quasi tout est tombé. Il reste quelques tours à côté mais plus grande chose. Le reste de la ville a été réhabilité, transformé. Les logements on les a, on est plus sur la capacité à dire «est ce qu’on peut permettre des réservations de logements pour le exilés ou les réfugiés dans le diffus. Moi je pense qu’on peut le faire, mais pas de manière incommensurable, pas 300. D’ailleurs les trois étudiants, j’ai été les voir il y a 15 jours. J’étais pas inquiet mais j’ai été voir quand même parce que c’est nous qui payons le loyer. Je savais qu’ils étaient un peu en difficulté, lié à leur dublinage. L’appartement est tenu. Personne ne se plains. Les propriétaires ou les locataires plutôt des tours, ne savent même pas que c’est des réfugiés. Et l’appartement à l’intérieur est tenu. Mais pourquoi cela présenterait un risque, alors qu’ils ont tout intérêt à faire que cela se passe bien. Donc voilà, pour l’instant on est plutôt dans cette démarche là, avec des populations qui sont quand même toujours kurde iraniennes ou irakiennes. On n’a pas non plus tout le spectre des réfugiés. Je ne dis pas que ça aide mais c’est quand même plus facile. Il y a quand même une homogénéité presque culturelle. Ça veut dire aussi qu’il y a une filière. Il y a quelqu’un, ou plusieurs personne qui dit vous allez là bas, le chemin est là et il y a une croix à un moment donné sur Grande-Synthe, comme lieu de passage, point d’arrêt. - Vous savez comment ils essayent de passe d’ailleurs d’ici ou pas ? - Peu. Camions, voitures .. L’imagination est telle que tout est possible. Ils tentent tout, prennent plein de risques pour passer. J’ai vu un préfet un jour qui me disait : le sécurisation des grands ports français est impossible, pour une raison simple, c’est que l’on ne peut pas contrôler tous les ports français et tous les flux de transports. Le maximum de contrôle que l’on peut faire des les ports français, c’est en gros, un véhicule sur deux. C’est incroyable, quel aveu. Donc ça veut dire que ça passe, tous les jours. Alors évidemment quand l’État décide de densifier, d’armer la frontière, de sécuriser de «mettre le paquet» comme on dit, ça ne passe presque plus. Dés qu’ils desserrent l’étreinte, et c’est impossible d’avoir une étreinte aussi forte du 1er janvier au 31 décembre, et bien soit on attend et l’engorgement se fait à Calais, à Grande-Synthe et ailleurs. Et quand c’est plus fluide parce qu’il y a peut être des raisons à rendre la frontière plus fluide à un moment donné de chaque côté. J’ai fait un colloque éducatif à Brest. Je prends mon train Brest Lille, je monte dedans, il n’y avait que des réfugiés et moi. Je dis au contrôleur : «vous me contrôlez et pas les gens». Il se marre et me dit «bah non c’est des réfugiés», je lui dit «mais ils vont où», «bah ils remontent, ils vont à Paris, à Lille, à Grande-Synthe ... ». Il me dit ça à moi! [rire]. Je téléphone à Damien et je fais «écoute, je suis dans un train, je suis seule avec 30 réfugiés autour de moi». Vrai. Dans le train on en voit, ils arrivent à la gare de Dunkerque. Et puis des fois de là ils prennent le taxi pour le gymnase. Moi j’ai déjà vu des gens rejoindre le camp du Basroch en taxi. [...] Après le suivi des gens, on ne l’a pas. On ne sait pas qui ils sont. On en a une évocation de qui ils sotn via leurs


Son refuge en partage

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origines .. Mais après leur devenir on ne sait pas. Comme pour le camp, quand ils partaient on se disait « tiens le chalet 23, il n’y a plus personne. », «bah ils sont où ? », « bah on n’en sait rien, il sont certainement passés. Ou pas. ».Cela créé aussi de la frustration, parce que les attachements qu’il y a pu avori parfois avec le personnel municipal, les associations ... Si des fois, on a eu des sms, des photos avec des grands sourires et les gens étaient passés de l’autre côté. Après on a aussi le témoignage de gens qui sotn passés de l’autre côté et qui veulent absolument revenir parce qu’ils disent qu’en Angleterre c’est pas terrible. Oui, on a ça aussi. [...] On a quand même réussi ici à faire quelque chose d’incroyable. Pas parce qu’on est les plus beaux, les meilleurs, mais parce que Damien a pris un décision absolument irréelle. Moi les journalistes me demandent «est ce que vous auriez fait la même chose», je dis «franchement, je ne sais pas, certainement que non». Moi je suis élu aussi, prendre le risque politique qu’il a pris en décembre de dire «on va construire un camp» ... Ma réaction, je lui ai dit «tu es un grand malade, tu prends un risque terrible pour d’abord». - Oui, et en même temps c’est une bonne leçon ... - Oui, tout à fait. Moi ça m’a un peu vacciné. Je suis prof d’histoire de formation donc, comparer n’est pas terrible, mais ça me faisait penser à l’histoire de la seconde guerre mondiale où on était sommé d’obéir à n’importe quel ordre, n’importe qu’elle loi, parce que la loi c’était le juste. Donc là, je ne dis pas que les lois en France sont injustes et je ne veux pas faire de parallèle, mais on a pris le risque d’être dans l’illégalité ou la marginalité en disant «vous ne nous donnez pas l’autorisation de faire, ok, je prends la responsabilité, je le fais». Je dis toujours, j’aurais mis 100 élus dans une pièce, je leur aurais posé la même question qu’on a posé à Damien, je suis sure que les 100 auraient dit «non, ce n’est pas problème. Il sont chez moi mais c’est à l’État de venir». Il a posé un geste, qui a une reconnaissance, une portée, sur le questionnement de la légalité. On a eu un atelier à la convention, sur la différence entre la légitimité à agir et la légalité ... - Mais ce que j’ai retenu de la convention aussi, c’est que l’État n’agit pas sous couvert de « c’est l’opinion publique qui veut ça », les électeurs ... Alors que, ce que je trouve intéressant à Grande-Synthe, c’est que vous avez justement prouvé que non. Puisque finalement les citoyens sont toujours derrière vous, derrière la mairie ?! - Oui, après ils ne sont pas à 100 % derrière nous. - Oui bien sur mais quand même ... - Oui, c’est vrai que les indicateurs politiques, on les connait pour les élections. Les élections régionales, présidentielles ... Les résultats du FN par exemple ici étaient peut être pas minorées mais il n’a pas explosé comme ailleurs. Moi j’avais dit à Damien «Tu verras, on va se faire découper en rondelle». Même si, vous le voyez, mon téléphone ne sonne pas, je n’ai pas de pétition, pas d’émeute ... J’ai plus de soucis avec les rythmes scolaires qu’avec les réfugiés ! Je vais le dire au sous préfet cet après midi, ça va lui faire plaisir. La population Grande-Synthoise est aussi particulière, c’est aussi l’histoire de la ville ... - Oui, mais c’est l’histoire de beaucoup de villes en France en soit ...


Annexes

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