70 ANS D’HISTOIRE DU VIETNAM 1945-2015
ETAT D’URGENCE
BUDGET ACVG
Décembre 2015-Janvier 2016 - N° 820 - 5 €
Pour 2016, faisons le vœu que se rassemblent tous ceux qui veulent en finir avec ce vieux monde pour offrir une autre vie aux futures générations
Une inacceptable réunion néonazie à Nantes Dès que l’information a été connue de la direction départementale de l’ARAC de Loire Atlantique, son président Jean-Claude Salomon a interpellé et exigé du Préfet et de la mairie de Nantes, l’interdiction de cette initiative. Il est en effet inacceptable que dans notre pays, des associations qui se réclament de l’héritage néonazi, puissent tenir des réunions en France. Le déroulé de l’affaire montre une certaine complaisance à leur égard. En effet le préfet aurait dû prendre l’initiative d’interdire la manifestation. Nous sommes dans un pays qui a proclamé les droits de l’Homme, qui les armes à la main, a combattu l’envahisseur allemand et les forces fascistes pendant la dernière guerre mondiale. C’est l’honneur de la France, c’est l’honneur de notre Nation. Alors quand des fascistes ukrainiens, issus des groupes nazis de 1940 viennent tenir conférence en France, toute complaisance est déshonorante, toute complaisance est inacceptable. Toute com-
plaisance ne pourrait qu’avoir un sens politique au moment où l’on veut faire croire que l’extrême droite change de visage. Rien n’est dû au hasard et nos camarades de Loire Atlantique ont eu raison de réagir, d’interpeller madame le Maire de Nantes, le Préfet et de nombreuses associations politiques, syndicales et de mémoire. Il est regrettable qu’avec l’ARAC, si peu d’association ai eu le courage et la détermination de mener cette bataille pour interdire la conférence – la presse « presse océan » et « Ouest France » ont réagi et c’est tout à leur honneur. Alors, soyons vigilants, cette initiative n’est pas isolée, quoi que l’on nous raconte « le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde » Berthold Brecht. En ce qui nous concerne nous ne cesserons d’être vigilants et d’appeler à l’action. Il faut du courage certes, mais l’avenir de la France et des générations futures en dépend. La rédaction
Déclaration du Bureau Départemental 44
Non à la rencontre fasciste à Nantes le 16 janvier 2016 Samedi 16 janvier 2016 à Nantes, une rencontre est organisée en présence d’un ancien criminel de guerre volontaire du bataillon Azov et avec la participation d’un volontaire français de ce même bataillon (héritier du parti nazi Svodoba) qui a assassiné 1 500 000 civils soviétiques pendant la guerre de 39-45. Le bataillon Azov est la version actuelle de la division de Waffen SS Das Reich, de triste mémoire. Cette dernière a répandu la terreur en France – Oradour sur Glane et les pendaisons de Tulle – et sur le front de l’Est, en commettant des actes de pure barbarie. Il est inconcevable qu’une telle initiative à caractère fasciste ait lieu dans notre ville. Un des participants à cette conférence est un volontaire français de cet escadron de la mort. Il y va de l’image de la Ville de Nantes, Nantes une des 5 communes Compagnon de la Libération. Cette rencontre a été annoncée dans la presse, ce n’est plus une affaire privée. L’invitation à la rencontre “conférence’’ à elle seule, par son sigle l’ancien logo du parti nazi Svodoba, fait l’apologie du nazisme, elle tombe sous le coup de la loi. L’ARAC est intervenue auprès de la Préfecture et de la Mairie pour que la loi soit appliquée. L’ARAC, qui a toujours combattu le fascisme, en 1934, en 39 – 45, comme aujourd’hui, condamne avec la plus grande fermeté cette initiative, au nom de la mémoire des victimes du nazisme et à notre attachement à la défense des valeurs républicaines, et considère que la Préfecture et la Ville de Nantes ne doivent pas autoriser cette rencontre du 16 janvier 2016. Le 4 janvier 2016 L’ARAC RESTE VIGILANTE PAS DE RENCONTRE FASCISTE À NANTES 2-
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
En Ukraine, une jeune fille salue un volontaire du régiment Azov qui, selon Amnesty International, a commis des crimes de guerre. © AFP
Shimon Samuels, directeur des relations internationales du Centre Simon-Wiesenthal, dans un courrier à la mairie de Nantes demande : « Interdisez la réunion de sympathisants du bataillon Azov, suspecté d’être d’obédience néonazie et de recruter de jeunes Français. Ce danger pour la jeunesse de France n’a d’égal que celui du recrutement à l’EI. Nantes ne doit servir de zone de transit ni pour le Donets ni pour le Damas. »
Exécution en Ukraine : le bataillon Azov crucifie et brule vif un prisonnier pro-russe Dans un communiqué, le bataillon Azov menace les séparatistes prorusses et le gouvernement russe d’autres exécutions. A noter qu’une dizaine de français, issus majoritairement du bloc identitaire de Toulouse, combattent actuellement dans le bataillon Azov dont l’ex-para Gaston Besson, ancien dirigeant du DPS (Département Protection Sécurité), le service d’ordre du Front National. 26 avril 2015 Cybercommet En 2014, dans un rapport de l’ONU, le groupe a été accusé de violation des droits de l’homme ainsi que de pillage et de détention arbitraire. En 2015, le Congrès américain a délibérément bloqué toute fourniture à ce bataillon le qualifiant de « groupuscule néonazi ».
ÉDITO LE RÉVEIL
SOMMAIRE Actualités Une inacceptable réunion néonazie à Nantes ............................. 2 Liberté et République en danger ................................................. 4 Neuf mois de prison ferme contre d’anciens salariés de Goodyear ....................................... 4 Nexter, une usine d’armement .................................................... 5 Airbus invente l’industrie d’armement apolitique ...................... 5 Alstom - General Electric ........................................................... 6 Etat d’urgence ............................................................................. 7 Comment accentuer les inégalités ............................................. 8 International Turquie : Quand l’Europe ferme les yeux sur les actes d’ERDOGAN ......................................................... 9 Arabie Saoudite : Ryad provoque Téhéran ............................... 10 Erdogan vote Hitler ................................................................... 11 Lu dans le Parisien Aujourd’hui en France : La France très très prudente ...................................................... 11 Etats-Unis : Les prédateurs de l’espace ....................................12 Vos droits Laïcité, démocratie .................................................................... 21 Le Secrétaire d’Etat qui s’appuie sur… le vide !...................... 22 Budget 2016 des ACVG ............................................................ 23 OPEX, victimes des attentats terroristes ................................... 24 ONACVG .................................................................................. 24 Quand parlent les cendres ......................................................... 25 Vie de l’ARAC Vie des comités ......................................................................... 26 à 31 Nos peines ................................................................................... 30
Pétition P. 32
P. 13 . D O S S I E R
70 ANS D’HISTOIRE DU VIETNAM 1945-2015 Ce numéro contient un encart jeté + enveloppe T
www.le-reveil-des-combattants.fr LE RÉVEIL DES COMBATTANTS Fondé en 1931 par Henri-Barbusse Mensuel de l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre. Commission paritaire n° 0713-A 06545 ISSN N° 0751-6215 • Édité par les Éditions du Réveil des Combattants • SARL au capital de 45 734,41 € - Siret : 572 052 991 000 39 2, place du Méridien - 94807 Villejuif cedex Tél. 01 42 11 11 12 Fax. 01 42 11 11 10 reveil-des-combattants@wanadoo.fr
• Tirage : 60 000 exemplaires • Gérant Directeur de la publication : Raphaël Vahé • Directeur délégué - Rédacteur en chef : Patrick Staat • Comité de Rédaction : Brigitte Canévêt, Hervé Corzani, Jean-Pierre Delahaye, André Fillère, Laurence Gorain • Service photos : Jean- Claude Fèvre • Administratrice : Annick Chevalier • Conception graphique - Impression : RIVET PRESSE EDITION - 24 rue Claude-Henri-Gorceix, 87022 Limoges cedex 9
PENSER DEMAIN SANS COMPLAISANCE, AVOIR LE COURAGE DE S’OPPOSER A L’INJUSTICE
C
omment combattre le chômage quand le gouvernement continue à brader les entreprises nationales (EDF 4 100 emplois en moins, AIR France 1 000 départs, etc.), quand il laisse le patron d’Airbus annoncer qu’il est prêt à délocaliser ? Les patrons délocalisent, l’Etat brade les entreprises, multiplie les cadeaux au patronat et fait porter la responsabilité sur les salariés et le code du Travail. Pour combattre le chômage, il faut augmenter le pouvoir d’achat. Le redécoupage du territoire, par le gouvernement, n’a pas pour vocation de faire des économies, d’améliorer la situation des Français. Mais de dégager des millions d’euros pour continuer à servir le patronat alors que l’on connaît l’échec du CICE qui a coûté 50 milliards à l’Etat. Ce redécoupage aura pour conséquence la suppression de milliers d’emplois dans la fonction publique, qui seront assumés par les élus locaux et non par le gouvernement qui en est à l’initiative. Cela éloignera les Français des lieux de décisions dont dépend une grande partie de leur quotidien, cela tournera le dos à la conception de la démocratie héritée de la Révolution Française. Toutes ces raisons n’ont qu’un but, transférer encore plus d’argent public vers les tenants du CAC 40. La mondialisation, prétexte à plus de profit, cache la réorganisation mondiale du capitalisme. M Mais pour réaliser ces objectifs, il faut museler toute rrésistance, toute volonté revendicative, c’est le but dde l’état d’urgence : rassemblements interdits, peine dde prison pour les salariés de Goodyear. Il n’est pas iinnocent de vouloir l’inscrire dans la constitution si cce n’est des arrières pensés. C C’est la même démarche, museler les peuples, qui cconduit la commission européenne à relancer la cconstitution d’une armée européenne avec 2 objectifs, le 1er l’intervention militaire dans les endroits du globe où il faut défendre l’intérêt du capitalisme, mais le 2e est tout aussi grave, car il s’agit de maintenir l’ordre dans les pays de la communauté européenne. En clair, mater toutes tentatives de protestation, de manifestations, d’empêcher toute souveraineté populaire de s’exprimer. Pour 2016, faisons le vœu que se rassemblent tous ceux qui veulent en finir avec ce vieux monde pour construire une terre où chacun pourra vivre et s’épanouir. Ensemble, nous serons plus forts pour offrir une vie meilleure aux futures générations. Patrick Staat LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
-3
LE RÉVEIL ACTUALITÉS
Liberté et République en danger Après les massacres de janvier et de novembre 2015, le Président de la République et son gouvernement ont demandé à l’Assemblée Nationale et au Sénat de confirmer l’état d’urgence qu’ils avaient décrété auparavant. La situation dramatique créée par ces attentats exigeait certes des dispositions de sécurité mais les lois en vigueur de la République les prévoient, d’autant qu’elles sont complétées par la loi renseignements et des chapitres de la loi Macron. Il suffisait donc de leur mise en application.
Hors la loi d’urgence qui n’était pas nécessaire et les modifications de la constitution envisagées, notamment pour les binationaux révèlent d’éventuelles interventions et dispositions qui méritent d’être soulignées car elles sont gravissimes pour la vie démocratique de notre pays. Leur mise en œuvre serait liberticide. Les heures graves de l’occupation nazie et du gouvernement de collaboration avec celle-ci nous incitent à réagir et à résister. Ainsi les craintes que nous avons exprimées le 16 novembre dernier se
trouvent aujourd’hui confirmées par les condamnations infligées aux travailleurs de Goodyear. C’est en effet toujours les mêmes causes qui provoquent les mêmes résultats, à partir de faits qui méritent sanction on édicte une ou des lois dont les objectifs mettent en cause la vie démocratique et notamment les travailleurs dans la légitimité de leurs revendications et de leurs luttes. Le Secrétariat National de l’ARAC Villejuif le 15.01.2016
Neuf mois de prison ferme contre d’anciens salariés de Goodyear : une condamnation scandaleuse 8 salariés de Goodyear sont condamnés à 24 mois de prison dont 9 mois fermes avec 5 années de mise à l’épreuve pour avoir pris à partie deux dirigeants retenus contre leur gré, mais sans « atteinte à [leur] intégrité physique », comme l’affirment les prévenus eux-mêmes. La direction avait pourtant retiré sa plainte, mais le message d’intimidation du gouvernement à l’égard des syndicalistes et des salarié-e-s est clair : se taire, courber l’échine, se résigner… Ce gouvernement donne une fois de plus des gages au patronat afin que celui-ci amplifie sa politique dévastatrice en termes d’emplois et des conquis sociaux. Cette décision politique gouvernementale insufflée à des magistrats aux ordres est scandaleuse ! Les salarié-e-s se sont battu-e-s durant sept longues années pour tenter de contrer la décision patronale inique de fermer l’usine et de licencier les salarié-e-s. Tout ça pour augmenter, une nouvelle fois, les dividendes des actionnaires… Aujourd’hui, la majorité des ouvriers n’a pas retrouvé de travail. Mais cette 4-
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
violence-là n’est pas condamnable pour le gouvernement et la justice. « C’est un jugement hallucinant », a réagi Fiodor Rilov, l’avocat des salariés, qui met également en cause l’exécutif : « Ça participe d’une répression grandissante à l’égard des syndicalistes qui se battent contre la fermeture de leur usine. Et je ne peux pas croire que le parquet, qui avait réclamé de la prison ferme, ait élaboré son réquisitoire en dehors de tout cadre fixé par le gouvernement ». Un verdict qui, selon lui, « va désormais peser comme une épée de Damoclès sur tous les salariés qui aujourd’hui se battent pour sauver leur entreprise ». Et de prédire une grande mobilisation pour le procès en appel, « à laquelle François Hollande aura à assister en tant Président ». Dans un communiqué publié, la CGT Goodyear d’Amiens-Nord qualifie, elle, ce jugement d’« arme avec laquelle Hollande, Valls, Taubira et l’ensemble du gouvernement ont décidé d’intimider tous les salariés qui se battent pour leurs droits et leurs emplois. Le but est de faire peur aux syndicalistes pour
qu’ils cessent de se battre pendant que le gouvernement prépare la suppression de la moitié du Code du travail ». La pétition est à votre disposition page 32 de ce numéro. Le Secrétariat et des membres du Bureau National de l’ARAC ont déjà signé cette pétition
ACTUALITÉS LE RÉVEIL
De qui se moque-t-on ? Encore un joyau français offert aux Allemands en catimini
Nexter, une usine d’armement Des armes, des clients douteux, des profits et une privatisation bien discrète L’année 2015 a été une année record pour l’industrie de l’armement en France, et ceci grâce aux exportations dans les pays du Moyen Orient, Arabie Saoudite, Qatar… des pays où la démocratie est quelque peu malmenée et dont les liaisons avec l’Etat Islamique sont, pour le moins, suspectes. Nexter est une entreprise française, héritière des anciennes manufactures et arsenaux, détenue à 100 % par l’Etat français, par le biais de sa holding GIAT Industrie. Créée en 2006, dans le cadre d’un plan de restructuration, Nexter s’est développée par l’acquisition d’entreprises et des implantations à l’étranger, auprès de ses meilleurs clients, Arabie Saoudite et Emirats Arabes Unis. Depuis sa création, ses ventes n’ont cessé de progresser, dégageant de bons résultats, représentant 11 % du chiffre
d’affaires en 2014. Jusqu’en fin d’année 2015, les résultats revenaient dans le giron de l’Etat et les ventes d’armes étaient sous contrôle des Pouvoirs Publics. Or en pleine période de deuil liée aux tragiques évènements du 13 novembre, un décret privatisant Nexter a été publié, signifiant ainsi l’abandon de la souveraineté nationale sur les ventes d’armes. Ce décret était la résultante d’une année de préparation d’un rapprochement de Nexter avec une société allemande KMW, détenue par la famille Bode Wegmann. Depuis le 1er janvier 2016, Nexter est filiale de Newco, Holding domiciliée au Pays Bas et dont les actionnaires seront, à parité, l’Etat français et la famille Bode Wegmann La réduction du contrôle de l’Etat et
la recherche du profit maximum ne risquent-elles pas de rentrer en contradiction avec la volonté affichée de lutter contre le terrorisme ? SOURCES : Commission de la défense nationale et des forces armées : rapport du 14 janvier 2015 JORF n° 0266 du 17 novembre 2015 page 21418 Journal les Echos du 1/7/2014 Communiqué de presse du 29 juillet 2015 Article La Tribune du 29/7/2015 Magazine américain défense nexw TOP 100 for 2015
L’Europe pille la France de ses richesses. Le PDG allemand Tom Enders* n’a que faire des emplois d’Airbus en France et pour cause…
Airbus invente l’industrie d’armement apolitique Après avoir délibérément dés-européanisé le nom de son groupe, l’exEADS, le PDG d’Airbus reste fidèle à ses convictions. Au sujet de la vente prévue des activités liées à l’électronique de défense d’Airbus, Tom Enders déclare être indifférent à la nationalité de l’acquéreur, puisque seul le prix compte... « Si nous vendons quelque chose, je dois en obtenir le meilleur prix possible », a-t-il dit dans un entretien au
Frankfurter Allgemeine Zeitung. En prenant le soin de préciser qu’il procède ainsi, en considérant même les offres hors Europe, « contrairement à certaines recommandations venant de la sphère politique ». Après tout, il est temps de chasser cette idée fantaisiste selon laquelle l’industrie de défense aurait quelque chose à voir, Dieu nous en garde, avec la (géo)politique… Seul problème : celui qui se proclame pionnier de cette
nouvelle vision est à la tête d’une société dépositaire, entre autres, de l’une des clés de la dissuasion (notamment
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
-5
LE RÉVEIL ACTUALITÉS
les missiles à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d’engin). Et qu’il vient de mettre la main, à travers ce qui ressemble fort à une gabegie politico-industrielle, sur Ariane 6, la prochaine fusée européenne. C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier l’approche « apolitique » et « apatride » de Tom Enders. Une approche manifestement partagé par le grand « stratège » du groupe, le français Marwan Lahoud. Lors de son audition à l’Assemblée nationale en mai dernier, celui-ci tenait à souligner la chute des budgets de défense en Eu-
rope et le déplacement du centre de gravité des activités aéronautiques. D’où ce qu’il nomme « le grand écart » : « Si 90 % de notre effectif est employé en Europe de l’Ouest, principalement en France, en Allemagne, en Espagne et au Royaume Uni, notre chiffre d’affaires est pour plus de 70 % réalisé hors de ces quatre pays ». Or, dans la tête des dirigeants-gestionnaires d’Airbus, qui dit argent dit aussi loyauté… Dans cet esprit, Marwan Lahoud n’a pas manqué de lancer un avertissement à peine voilée : « J’ajoute que l’activité ‘défense’
nous ancre en Europe ; si elle devait disparaître ou être réduite à la portion congrue, nous n’aurions plus besoin de rester »… Hajnalka Vincze Analyste indépendante en politique de défense et de sécurité * Tom ENDERS – patron allemand d’Airbus Group – a été sacré « patron le plus performant du CAC 40 ». Il est membre également du comité de direction du groupe Bilderberg. Et président d’une association allemande de l’industrie aérospatiale visant à promouvoir le dialogue entre les Etats-Unis et l’Allemagne
Hollande, et son plan d’urgence pour l’emploi, encore des promesses
Alstom - General Electric : les suppressions de postes, c’est maintenant L’Américain General Electric (GE) a annoncé qu’il allait supprimer 6.500 emplois en Europe, parmi lesquels 765 en France, dans les activités énergie d’Alstom dont il a finalisé le rachat en novembre 2015. Encore de belles promesses qui partent en fumée... Les dirigeants du géant américain General Electric (GE) ont gentiment attendu la fin de la séquence des régionales pour l’annoncer officiellement : ils s’apprêtent à supprimer près de 800 postes en France, la plupart dans la banlieue parisienne. L’annonce, faite le 13 janvier, n’est pas vraiment une surprise, des bruits de couloirs faisant état depuis plusieurs mois d’un plan massif de licenciements prévu chez Alstom, dont la prestigieuse branche Energie a été rachetée l’an dernier pour une bouchée de pain par GE. Reste qu’au moment de ce rachat, le groupe avait promis de ne pas supprimer d’emplois, et même d’en créer… Alors au gouvernement, où on a tant défendu la solution américaine dans le dossier Alstom, on a longtemps temporisé sur le sujet. Rien n’est encore «définitif «, éludaient en substance cet été le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, 6-
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
et son homologue à l’Environnement, Ségolène Royal. Emmanuel Macron brandissait même, quelques mois plus tôt depuis Belfort, ancien site emblématique d’Alstom, un objectif «zéro licenciement». On remarquera d’ailleurs que le site de Belfort a soigneusement été épargné par les coupes… Alors même que le dégraissage, en France, a déjà discrètement commencé, comme le révélait le Canard Enchaîné en novembre. Entre 2014 et fin 2015, 1.000 postes, sur un total de 18.000 en France, ont en effet déjà été touchés. Auxquels s’ajoutent désormais les 765 emplois voués à disparaître annoncés le 13 janvier. Quand GE a racheté la branche Energie d’Alstom, au-delà des questions de stratégie et de compétitivité, l’Américain avait fait de belles promesses s’engageant précisément à créer 1.000 postes répartis un peu partout dans le pays. Promesse assise de surcroît sur des pénalités financières prévues si elle n’était pas tenue. Mais malgré les vagues annonces réitérées en décembre sur ces 1.000 créations d’emplois, rien de concret ne se profile à ce jour. Pis, selon une source proche du dossier une partie de ces emplois —
plusieurs centaines — n’est en réalité que de «l’internalisation». Autrement dit, de l’intégration de postes déjà existants, par exemple en sous-traitance, comme dans le secteur turbine à gaz de... Belfort. Autant dire que le ciel du président Hollande, qui a fait de l’emploi non seulement une priorité, mais «une urgence» en 2016 (pour la France et pour sa propre réélection), s’assombrit. L’ancien PDG d’Alstom, à l’origine de l’opération de rachat, se porte quant à lui comme un charme. En complément de la retraite chapeau de 10 millions d’euros qu’il percevra dès le 1er février lorsqu’il quittera ses fonctions, Patrick Kron pourra jouir en plus d’une prime de 4 millions…
ACTUALITÉS LE RÉVEIL
Etat d’urgence : des juges administratifs appellent à la prudence Nous, juges administratifs, tenus au devoir de réserve, ne prenons que très rarement la parole publiquement. Si nous franchissons ce pas, aujourd’hui et exceptionnellement, alors que le projet de loi de révision constitutionnelle visant à inscrire l’état d’urgence dans la Constitution vient d’être adopté en Conseil des ministres, c’est parce que nous avons pu mesurer les dangers pour les fondements même de notre Etat de droit de décisions prises dans l’émotion des attentats du 13 novembre. La loi du 20 novembre 2015 prolongeant l’état d’urgence a considérablement élargi la portée des dispositions de la loi du 3 avril 1955. Cela a été abondamment souligné et commenté. Au-delà des mesures exceptionnelles qu’il permet de prendre, une des conséquences de l’état d’urgence est le transfert de compétences de l’autorité judiciaire dans un cadre répressif vers l’administration à titre préventif. C’est la raison pour laquelle le juge administratif peut être saisi, a posteriori, par les personnes concernées. Notre tâche devrait être alors de veiller à la proportionnalité de ces mesures, à l’équilibre entre ordre public et libertés publiques. Mais ce rôle ne doit pas faire naître de trop grandes attentes : le juge administratif n’est, avec le juge judiciaire, le garant de l’Etat de droit que pour autant que les lois l’y autorisent. Lorsque la loi, comme c’est le cas de celle portant application de l’état d’urgence, instaure un état d’exception dont la nature est d’éclipser des pans entiers de l’ordre constitutionnel normal et permet de déroger à nos principaux engagements internationaux, en particulier la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le pouvoir du juge est limité : il doit seulement vérifier si les mesures
exceptionnelles autorisées par l’état d’urgence pouvaient être prises à l’encontre des personnes concernées. Ce pouvoir, les sept ordonnances rendues le 11 décembre 2015 par le Conseil d’État ne l’ont pas, à notre sens, suffisamment renforcé… En théorie, le Conseil d’Etat a reconnu au juge administratif, notamment dans le cadre des procédures d’urgence, le pouvoir de contrôler les décisions prises dans le cadre de l’état d’urgence ; il lui a aussi permis de prendre toute mesure utile pour assurer la sauvegarde de la liberté fondamentale à laquelle le ministre de l’intérieur ou le préfet auraient porté atteinte. Mais, en pratique, son contrôle est demeuré assez circonscrit. Ces affaires sont connues. Des militants écologistes avaient été assignés à résidence car l’administration craignait qu’ils ne projettent des actions constitutives de troubles à l’ordre public durant la tenue de la COP 21. Le Conseil d’État, sans aller jusqu’à contrôler si l’administration ne prenait par là que des mesures nécessaires, adaptées et strictement proportion-
nées au but poursuivi, a estimé que de telles mesures pouvaient être prises à l’encontre de personnes dont les actions hypothétiques étaient pourtant sans rapport avec les actes terroristes, dès lors qu’un lien, même indirect, pouvait être établi : la mobilisation des forces de l’ordre pour canaliser le militantisme écologique radical risquait de les détourner de la lutte contre le terrorisme. … C’est ainsi qu’imperceptiblement, l’équilibre entre ordre public et libertés publiques se déplace. Et nous nous retrouvons, juges administratifs, dotés d’une responsabilité accrue sans avoir véritablement les moyens de l’assumer. C’est pourquoi il nous paraît extrêmement dangereux de constitutionnaliser hâtivement l’état d’urgence, sans avoir préalablement tiré pleinement les leçons de cette première expérience, en termes de dangers pour les libertés comme d’efficacité pour la sécurité. Notre Constitution ne fait pas qu’organiser les pouvoirs au sein de la République française. Elle définit éga-
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
-7
LE RÉVEIL ACTUALITÉS
lement les limites de ces pouvoirs et protège les libertés fondamentales. Les temps sont troublés et tout indique que les menaces à l’ordre public seront durables. Nous tous, juges et citoyens, avons une responsabilité collective entre deux choix : la tentation sécuritaire et l’état d’urgence permanent d’un côté, et un État de droit fort du respect des libertés fondamentales de l’autre. Le risque est réel que nous inscrivions de manière durable et difficilement réversible la réponse que nous aurons choisie sans
en mesurer véritablement les conséquences. Cela mérite en tous cas un débat large et organisé, avec le recul nécessaire, qui dépasse l’enceinte du seul Parlement et associe toutes les parties dont le rôle est de veiller à la protection des libertés publiques et des droits fondamentaux. Dans ce débat, nous, juges administratifs, qui devrons appliquer aux requêtes qui nous seront soumises le cadre juridique ainsi tracé, souhaitons faire entendre notre voix et témoigner de notre expérience.
Imaginons un instant que des forces autoritaires viennent à accéder aux fonctions suprêmes. Voulons-nous vraiment laisser en leurs mains un tel outil, avec, pour seule borne, un juge administratif aux pouvoirs restreints ? N.B : Nous sommes une dizaine de juges administratifs à avoir souhaité nous exprimer par le biais d’une tribune. Anonymement, car nous sortons de notre devoir de réserve et risquons par là des sanctions disciplinaires.
Comment accentuer les inégalités : Temps de travail : un rapport milite pour les bienfaits des 37 heures sans compensation Selon un rapport sénatorial (janvier 2016), augmenter la durée légale du travail de deux heures par semaine, soit 37 heures au lieu de 35, sans compensation salariale, serait équivalent à une baisse du coût du travail de l’ordre de 3 %. Faire évoluer les règles du temps de travail (durée légale, majoration des heures supplémentaires) constitue « un levier important de renforcement de la compétitivité des entreprises » et du « potentiel de croissance », estime le rapporteur général de la commission des Finances du Sénat Albéric de Montgolfier (Les Républicains). Quatre scenarii sont envisagés : une hausse de la durée du travail sans
compensation salariale, une suppression de la majoration pour les heures supplémentaires, un report du seuil de déclenchement des heures supplémentaires (par exemple au-delà de 36 heures travaillées et non plus 35), enfin une diminution de la majoration pour heures supplémentaires. Passer à 37 heures par semaine reviendrait à une baisse du coût du travail de l’ordre de 3 %, correspondant à une hausse de la part de la valeur ajoutée revenant aux entreprises d’un montant de 22 milliards d’euros. Selon Albéric de Montgolfier, cela représenterait « un vrai choc de compétitivité » équivalent à celui attendu du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’em-
ploi (CICE) et « sans dégradation des finances publiques ». Toutefois, les salariés qui effectuent des heures supplémentaires perdraient en moyenne 630 euros nets par an. En ce qui concerne la fonction publique, passer à 36 heures permettrait d’économiser deux milliards d’euros, du fait d’une baisse des effectifs de 77 000 emplois environ. Et si l’augmentation de la durée légale était portée à 37,5 heures hebdomadaires, soit la durée déclarée par l’ensemble des actifs, selon l’Insee, les économies s’élèveraient à 5 milliards pour les trois fonctions publiques (Etat, hospitalière, territoriale).
Commentaires de la Rédaction « Un plan d’urgence pour l’emploi », voilà comment patronat et gouvernement veulent encore nous berner au prétexte de lutter contre le chômage. Les voilà repartis pour une campagne d’intox « sur les freins à l’embauche » et « la peur du patronat d’embaucher ». 2014 : grâce au crédit d’impôt compétitivité et au pacte de responsabilité (50 milliards d’allégements de cotisations et d’impôts pour les entreprises), le gouvernement et le patronat nous garantissaient la création d’un million d’emplois. 2015 : Loi Macron : avec le travail du dimanche, la dérèglementation d’activités, forcément des emplois seraient créés… Le bilan de ces années de « lutte contre le chômage » : 1 million de chômeurs de plus.
8-
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
INTERNATIONAL LE RÉVEIL
Turquie
Quand l’Europe ferme les yeux sur les actes d’ERDOGAN Alerte : Kurdes en danger - Le gouvernement turc poursuit depuis la mi-décembre des « opérations spéciales » contre le peuple kurde et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), dans le sud-est du pays. Dans certaines villes sous couvre-feu et sous blocus des forces de l’ordre, le bilan des victimes civiles est très lourd. L’ONG Human Rights Watch a publié un rapport sévère sur « l’usage disproportionné de la force » par les autorités d’Ankara. Selon la presse et de nombreux observateurs, on assiste à de véritables scènes de guerre à l’Est de la Turquie
comme il n’y en avait pas eu depuis la rupture du cessez-le-feu, en août 2015. Ces images sont visibles dans certains médias turcs et sur les réseaux sociaux. Dans le district de Sirnak, à quelques pas des frontières irakiennes et syriennes, les villes de Cizre et Silopi, considérées comme des bastions du PKK, sont depuis début décembre sous couvre-feu et sous blocus de l’armée,
tout comme la ville de Nusaybin et le quartier historique de Sur, dans la grande ville à majorité kurde de Diyarbakir. A Cizre, l’avocat Nusirevan Elçi, président du barreau de Sirnak, joint par des journalistes a témoigné : « Les gens sont abandonnés à leur propre mort. Nous ne pouvons même pas emmener nos blessés à l’hôpital. Les forces de l’ordre tirent à l’artille-
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
-9
LE RÉVEIL INTERNATIONAL
Une violence inouïe
rie et à l’arme automatique en permanence. » (…) « il n’y a plus d’eau, et lorsqu’un point de distribution d’eau potable a été mis en place, on a tiré sur un jeune homme qui s’y rendait, il a perdu son bras. Une ou deux épiceries seraient encore ouvertes, mais personne n’ose y aller. Tout le monde a peur, mais nous sommes bloqués ici. » Dans ce contexte de guerre civile, au moins 200 000 personnes auraient fui les zones de combat, selon les ONG locales.
Dans certaines de ces zones, les Kurdes avaient mis en place des « comités d’autogestion », revendiquant l’autonomie sur leur territoire. Inacceptable pour Ankara, qui a relancé les opérations « antiterroristes » contre le PKK, avec une violence inouïe. Selon l’armée, des centaines de « rebelles » auraient été tués depuis le début des dernières opérations. Appuyés par des armes lourdes et des véhicules blindés, plus de 10 000 militaires et policiers sont mobilisés. Le vice-premier ministre turc, Yalcin Cadogan, a assuré le 23 décembre que les opérations se poursuivraient « jusqu’au retour de l’ordre public ». Quant au maître d’Ankara, allié de l’Otan, Erdogan, à qui les démocraties européennes s’apprêtent à ouvrir les portes de l’UE il n’a pas hésité à af-
firmer : « Vous serez anéantis dans les tranchées que vous avez creusées. » Selon le correspondant du quotidien l’Humanité, « ce sont d’abord les populations du sud-est de la Turquie, c’est-à-dire essentiellement les Kurdes, qui font les frais de cette terrible politique, qui n’est pas sans rappeler les heures sombres de l’empire ottoman et du génocide opéré contre les Arméniens ». Il y a urgence ! Le silence assourdissant des chancelleries doit cesser, l’Europe, la France ne peuvent détourner les yeux plus longtemps sous peine de complicité avec les assassins du peuple kurde.
J.-P. Delahaye
Arabie Saoudite
Ryad provoque Téhéran Début janvier, « la justice saoudienne » a fait exécuter 47 personnes. Parmi les condamnés à mort, l’imam chiite Nimr Al-Nimr, considéré par les Saoudiens comme un « terroriste ». Une véritable provocation… La minorité chiite saoudienne vit dans l’est du royaume, berceau de l’orthodoxie sunnite. Installée dans les régions pétrolifères, elle représente 10 à 15 % de la population saoudienne. Depuis longtemps elle fait l’objet de discriminations systématiques de la part de Ryad. Nimr Al-Nimr était une figure de la résistance chiite en Arabie saoudite. Agé de 56 ans, ce religieux s’était distingué à plusieurs reprises dans la contestation du régime et quelques prêches jugés provocateurs. En 2012, Nimr Al-Nimr s’était par exemple réjoui de la mort du prince héritier Nayef. Selon le quotidien du soir Le Monde, le cheikh était considéré comme radical par rapport à d’autres leaders chiites. Il avait été arrêté par les autorités saoudiennes en 2012, puis condamné à mort en 2014 pour « sédition, désobéissance au souverain 10 - LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
et port d’armes » par un tribunal de Riyad spécialisé dans les affaires de terrorisme. L’exécution de Nimr Al-Nimr ne doit rien au hasard, « c’est une provocation saoudienne » a confié récemment un diplomate français au Parisien. Un avis partagé par de nombreux observateurs et journalistes de la région. L’Arabie saoudite a décidé de mettre à exécution la condamnation du cheikh Al-Nimrud en ce début d’année pour envoyer un message fort à l’Iran, pays à majorité chiite », a expliqué Amade Kan, professeur de sociologie politique à l’université Paris-VII, dans les colonnes d’Aujourd’hui en France. « L’Arabie saoudite se sent menacée par le retour de l’Iran parmi la communauté internationale. Le rapprochement entre Téhéran et Washington ou la récente invitation de l’Iran à la conférence
de Vienne sur la Syrie dérangent les Saoudiens, qui avaient réussi à devenir l’allié privilégié des Américains dans la région », détaille-t-elle.
Rupture des relations diplomatiques A la suite de cette exécution, des chiites ont manifesté en Irak, au Pakistan, au Liban, mais surtout en Iran. Le chargé d’affaires saoudien à Téhéran a été convoqué au ministère iranien des Affaires étrangères. L’ambassade de l’Arabie saoudite à Téhéran a été incendiée lors d’une manifestation. Le porte-parole de la diplomatie iranienne, Hossein Jaber Ansari, accuse, en outre, l’Arabie saoudite d’aggraver « les tensions et les affrontements » dans la région. « L’Arabie saoudite voit non seulement ses intérêts mais aussi son existence dans la poursuite
INTERNATIONAL LE RÉVEIL
des tensions et des affrontements, et essaie de régler ses problèmes intérieurs en les exportant vers l’extérieur », a-t-il ajouté. Ryad a rompu les relations diplomatiques avec Téhéran. Les alliés de l’Arabie saoudite ont rapidement suivi. Un jour après la
rupture, le Soudan a fait de même, le Bahrein également… Les Emirats arabes unis ont, eux, rappelé leur ambassadeur à Téhéran et réduit le nombre de diplomates iraniens aux Emirats. L’exécution du dignitaire chiite risque
d’avoir des conséquences graves dans une région déjà sous pression, d’autant que les alliés et amis de l’Arabie saoudite, USA, France, etc. (voir article ci-dessous) ne semblent pas autrement décidés à ramener Ryad à la raison. J.-P. Delahaye
Erdogan vote Hitler
Le président turc, qui veut à tout prix étendre ses pouvoirs, a cité l’Allemagne nazie comme un exemple de régime présidentiel efficace. Devant des journalistes, le 31 dé-
cembre, Erdogan, qui se rêve en nouveau Sultan, a évoqué l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler pour défendre le système présidentiel fort qu’il veut instaurer en Turquie. « Dans un système unitaire [comme la Turquie] un système présidentiel peut parfaitement exister. Il y a actuellement des exemples dans le monde et aussi des exemples dans l’histoire. Vous en verrez l’exemple dans l’Allemagne d’Hitler », a-t-il déclaré à la presse de retour d’une visite de travail dans la très démocratique Arabie saoudite. Rien d’étonnant de la part d’un chef de gou-
vernement qui fait bombarder une partie de sa population, a fait jeter au cachot une vingtaine de maires de villes kurdes, emprisonne les journalistes, bâillonne les médias, menace de lever l’immunité parlementaire les députés de l’opposition comme Selahattin Démitras poursuivi pour « crime constitutionnels » après avoir parlé d’autonomie pour les régions kurdes. Au fait, pour entrer dans l’Union européenne ne faut-il pas respecter certaines règles élémentaires en matière de droits de l’homme et de liberté ? J.-P. D.
Lu dans le Parisien Aujourd’hui en France
La France très très prudente… Prompte à rappeler qu’elle est la patrie des droits de l’homme, la France s’est pourtant bien gardée de condamner l’attitude de l’Arabie saoudite après l’exécution de 47 personnes (dont beaucoup au sabre. Pas un mot de François Hollande. Juste un timide communiqué du Quai d’Orsay appelant « les responsables de la région à tout faire pour éviter l’exacerbation des tensions sectaires et religieuses ». Bref, pas de quoi fouetter un dromadaire. Si certains hommes politiques — à droite comme à gauche — demandent régulièrement au chef de l’Etat de revoir ses alliances au Moyen-Orient, il y a fort peu de chances qu’ils soient écoutés. D’abord parce que la monarchie saoudienne reste le premier pays exporta-
teur de pétrole, l’or noir dont les EtatsUnis et surtout les pays européens sont toujours aussi dépendants. Ensuite parce que l’Arabie saoudite — comme le Qatar — a dépensé des milliards dans des fonds souverains qui ont eux-mêmes investi dans des compagnies occidentales, donc françaises. Enfin, les dirigeants wahhabites sont devenus ces dernières années des clients très importants pour l’industrie d’armement tricolore qui ne s’est jamais aussi bien portée qu’en 2015. Lorsqu’ils n’achètent pas pour eux des avions, des bateaux ou des tanks français, les pays du Golfe financent leurs alliés sunnites qui ont moins de moyens qu’eux. Ainsi, l’année dernière, l’Egypte a pu s’offrir 24 chasseurs Rafale et les deux Mistral que la
France devait initialement vendre aux Russes grâce aux pétrodollars saoudiens. Difficile, dans ces conditions, pour Paris de faire la fine bouche et de se montrer trop critique vis-à-vis de Riyad... F. G.
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
- 11
LE RÉVEIL INTERNATIONAL
Etats-Unis
Les prédateurs de l’espace En signant le « Space Act », Obama donne le feu vert à une future colonisation de l’espace. Les multinationales américaines se frottent les mains. Le saviez-vous ? Quelques jours avant l’ouverture de la COP21, Barack Obama a signé une loi, le « Space Act », autorisant les entreprises privées américaines à exploiter la Lune et tous les corps célestes. Ce texte, qui ouvre la voie à la colonisation de l’espace, autorise les multinationales US ou tout autre « aventurier », comme au bon vieux temps de la conquête de l’Ouest, à s’approprier ce qui jusqu’alors nous paraissait être un bien commun de l’humanité. Non, ce n’est pas de la fiction ni le synopsis d’un énième épisode de Star-Wars ! Désormais, en toute légalité (?), un Américain peut demander et obtenir une licence pour aller forer et ramener de l’espace des minerais, du gaz, de l’eau ou de l’hélium 3 - on en trouve sur la lune - pour la fission nucléaire par exemple. Comment en est-on arrivé là ? Dans l’émission « Histoire du monde », diffusée le 30 novembre dernier sur France Inter, le journaliste Anthony Bellanger avance deux hypothèses. Selon lui, à l’occasion du passage de l’astéroïde 2011 UW-158, à « proximité » de la Terre, les scientifiques ont découvert qu’il s’agissait d’un véritable trésor volant. Son cœur serait composé de platine. Les économistes, ensuite, ont fait le calcul et estimé sa valeur à 5 000 milliards d’euros, deux fois la richesse produite par la France en une année. Avouez que ce serait ballot de laisser filer un tel magot sans rien faire ! La deuxième raison qui aurait poussé les États-Unis à promulguer cette loi viendrait de la concurrence de l’Europe spatiale et du succès des chercheurs européens en novembre 2014. Après plus de 10 ans de voyage, la sonde Rosetta se posait sur la comète 12 - LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
67P/Tchourioumov-Guerassimenko. Un exploit qui, d’un coup, éclipsait les énormes moyens déployés par la Nasa pour déposer des appareils photos sur roues sur Mars. Si l’on peut poser une sonde, pourquoi pas dans l’avenir, même lointain, des engins mécaniques d’exploitation des minerais ?
En violation du droit international Rue89 et le site Slate rapportent que l’adoption de ce texte a été largement saluée par des sociétés minières désireuses de se lancer dans l’exploitation des astéroïdes. Dans les starting-blocks depuis de nombreuses années, le secteur privé américain a, en effet, accueilli la nouvelle avec enthousiasme. Les entreprises comme Deep Space Industries et Planetary Resources (financées entre autres par Larry Page et Eric Schmidt, fondateur et PDG de Google), décidément toujours dans les bons coups, estiment que les premiers tests et envois de satellites débuteront dès 2017. Deep Space Industries qualifie cette loi de « point de départ d’une économie post-terrienne ». Habile manière de qualifier l’ouverture d’un marché au potentiel infini et à la régulation inexistante ! Est-ce légal ? Les États-Unis, sans rien ne demander à personne, ont-ils le droit de commercialiser l’espace ? À
qui appartient-il ? Peut-on s’approprier des ressources dont on n’est pas propriétaire ?, s’interrogeait le journaliste, Rémi Sulmon, sur RTL le 4 décembre dernier. En fait, des règles ont été édictées et nul n’est autorisé à s’en affranchir. En 1967, un principe a été établi. En pleine période de guerre froide et de conquête spatiale, les dirigeants de l’ex Union soviétique et des États-Unis ont signé un « traité de l’espace » qui a posé un principe : « l’espace n’appartient à personne ». En 1979, il y a eu un « Moon agrément », un « Accord sur la Lune » à l’ONU que Washington a cette fois refusé de signer. Celui-ci stipulait que nul ne peut se déclarer propriétaire d’un corps céleste. Donc les juristes de l’espace sont formels : le Space Act signé par Obama viole le droit international établi. L’histoire retiendra peut-être qu’une semaine avant le début de la COP21, rassemblement de la dernière chance où les gouvernants du monde, la main sur le cœur, on prétendu s’engager à trouver des solutions à une crise environnementale largement provoquée par les excès du libéralisme, les EtatsUnis auront fait passer une loi pour projeter jusque dans l’espace cette logique assassine. J.-P. Delahaye
LE CAHIER MÉMOIRE N° 820 DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
ÉDITO Par Paul Markidès
La République démocratique du Vietnam a 70 ans : 1945-2015 La République démocratique du Vietnam se construisit par de longues et douloureuses étapes. Patiemment, durant des dizaines d’années, le peuple vietnamien a fait face aux épreuves que lui ont imposées les forces colonialistes, particulièrement la France et les Etats-Unis. Les souffrances qui furent imposées aux hommes, femmes, personnes âgées, enfants de ce pays ont contraint nombre d’entre eux jusqu’au sacrifice suprême, souvent
dans des conditions absolument horribles. Et pourtant, ce peuple courageux, éprouvé a toujours maîtrisé toute rancune, attentif qu’il fut aux informations que lui ont toujours livrées les dirigeants qu’il se donnait sur les responsables des agressions qui lui ont été infligées. Le premier d’entre eux étant le président Hô Chi Minh, un homme dont la modestie n’eut d’égal que son dévouement à son peuple et à son pays.
Édité par le Réveil des combattants - 2 place du Méridien - 94807 Villejuif - Tél. 01 42 11 11 12
Peuple exemplaire, dirigeants exemplaires, le Vietnam a su trouver les moyens de conquérir son indépendance et faire respecter sa dignité en maîtrisant les lourdes épreuves qui lui ont été imposées. Sa souveraineté a donc été acquise de haute lutte. C’est un exemple qu’il est utile de méditer aujourd’hui dans la situation que nous connaissons dans notre pays et dans l’Union européenne où la souveraineté nationale des peuples est mise en cause.
LE RÉVEIL DOSSIER LE RÉVEIL DOSSIER
Les Vietnamiens, un peu d’histoire1 Installés dès l’aube de l’histoire dans le delta du Tonkin, les Vietnamiens ont progressé le long du ruban des plaines littorales jusqu’à la Cochinchine, sans disputer le haut pays voisin à ses occupants. Car c’est un peuple foncièrement attaché à son habitat de rizières, à son genre de vie traditionnel, redoutant les montagnes et la forêt, ainsi que le paludisme qui y sévit. En raison de la forte densité démographique de ces plaines, les Vietnamiens représentent 85 % de la population de l’Etat du Vietnam, au nord comme au sud. L’Histoire de l’occupation du sol explique d’importantes différences régionales dans la densité du peuplement, les structures sociales et les conditions économiques. Il y a un Vietnam ancien, qui est d’abord le delta du
Tonkin et qui se prolonge dans le ruban des plaines littorales (région de Hué, ancienne capitale impériale). La densité démographique y est extrêmement forte (plus de 1 000 kilomètres carrés au Tonkin). On y trouve une société typiquement vietnamienne, qui a ses propres commerçants et artisans, qui ne laisse guère de place aux allogènes. La vie économique est conditionnée par le phénomène de surpeuplement. A ce Vietnam ancien s’oppose la Cochinchine, qui est formée par le delta du Mékong. C’est une aire d’occupation beaucoup plus tardive. Les Vietnamiens ont commencé à s’y installer au XVIIe siècle ; mais la véritable mise en valeur du pays, qui exigeait un grand travail de maîtrise de l’eau, s’est réalisée sous le régime colonial français. Peuplée
surtout depuis le XIXe siècle, la Cochinchine a une densité démographique plus faible, des exploitations agricoles beaucoup plus étendues qu’au Vietnam du Nord. Constituée par immigration, sa société a accueilli de nombreux Chinois, qui contrôlent le commerce et la plupart des industries. Ceux-ci sont peut-être 1,5 million ; mais il est difficile de les dénombrer, car il y a beaucoup de mariages sino-vietnamiens, dont les enfants ont automatiquement la nationalité vietnamienne depuis 1956. Les différences entre le Nord et le Sud n’empêchent pas de reconnaître la profonde unité du peuple vietnamien, qui s’affirme dans une civilisation de filiation chinoise. La société traditionnelle est caractérisée par une vie communale très développée, impliquant la solidarité étroite et très vivante de tous les habitants dans un ensemble de services collectifs (police, surveillance nocturne, prestations diverses et manifestations religieuses). Sur une toile de fond animiste, la vie religieuse est dominée comme en Chine par le culte des ancêtres ; parmi les systèmes de pensée importés de Chine, le bouddhisme Mahâyâna tient une place assez large, mais sans jouer le rôle de religion nationale ; et il est significatif que la plus grande fête est celle du Têt, fête du nouvel an chinois. Cependant le Vietnam du Sud montre une plus grande diversité que le Nord… Le Sud compte plusieurs minorités religieuses importantes : caodaïstes (1,5 million), secte Hoa Ho (1 million), catholiques (plus de 1 million).
1. Extraits de « l’Asie méridionale » de Jacques Dupuis. Editions des Presses universitaires de France 1969.
14 - LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
DOSSIER LE RÉVEIL DOSSIER LE RÉVEIL
Contexte historique Alain Ruscio, historien * En 1945 s’était ouverte une nouvelle étape de la vie du Vietnam. Hô Chi Minh, rentré clandestinement dans son pays en 1941 après 30 années de vie de révolutionnaire errant, y avait fondé un mouvement, le Viet Nam Doc Lap Dong Minh, appelé plus tard par abréviation Viet Minh. Après l’effondrement du régime vichyste en Indochine (mars 1945), puis la reddition japonaise (août), Hô Chi Minh et les maquisards Viet Minh, portés par un vaste mouvement populaire, avaient saisi l’occasion favorable, concept cher aux révolutionnaires vietnamiens1. Hô Chi Minh avait solennellement proclamé l’indépendance et donné naissance à la République démocratique du Vietnam (RDV) (2 septembre 1945). L’Etat vietnamien d’aujourd’hui en est l’émancipation directe. La France nouvelle, issue de la Résistance, allait-elle accepter cette évolution ? Un temps, on le crut. Les accords du 6 mars 1946, puis le voyage officiel de Hô Chi Minh (juillet-septembre) en France, furent des moments d’espoir. Vite déçus par le bellicisme, en Indochine, de l’amiral Thierry d’Argenlieu, porté à bout de bras, à Paris, par les ministres de droite, au premier rang desquels Georges Bidault, et certains socialistes, dont le ministre de la France d’outre-mer2, Marius Moutet. Le bombardement de Haiphong par la flotte française, en novembre 1946, faisant des centaines, peut-être des milliers, de morts dans la population civile vietnamienne, marque de fait le début de la guerre d’Indochine. Le 19 décembre, le Viet Minh réplique. Le gouvernement vietnamien prend le maquis. Qui, en cet hiver 1946, peut croire
un instant que l’armée vietnamienne, faite de bric et de broc, mal équipée (les armes sont essentiellement celles prises aux Français vichystes, aux Japonais, auxquelles il faut ajouter des achats à des trafiquants), peu encadrée (hors le génial Vo Nguyen Giap, mais qui n’a alors aucune expérience), va résister longtemps au Corps expéditionnaire français ? Il faut bien essayer de s’imaginer les conditions dans lesquelles vont vivre les maquis Viet Minh à cette époque. En un mot : l’isolat total. Quelques milliers de miliciens (même pas encore des soldats) au milieu d’un océan d’hostilités. Sur leur flanc sud, l’armée française, alors dominatrice, les traque. Au nord, les nationalistes chinois bloquent la frontière. Diplomatiquement ? On ne dira jamais assez combien la diplomatie soviétique, alors, est passée à côté des réalités asiatiques. La RDV, proclamée en septembre 1945, ne sera reconnue par Moscou qu’en janvier 1950 (voir infra), et encore, après la République populaire de Chine, proclamée en octobre 1949. En France, les difficultés de la vie quotidienne, après l’euphorie de la Libération, la reconstruction, accaparent les esprits. Dans la vie politique internationale, les questions européennes sont massivement les plus importantes. Il faut le dire : durant deux années, en 1947 et 1948, ce petit conflit3 du bout du monde n’a pas été observé, encore moins compris. L’Humanité proteste, mais la lutte contre la sale guerre n’est pas encore une priorité. Le tournant survient courant 1949. C’est à l’initiative de Maurice Thorez que la question vietnamienne devient un
des axes de la politique du PCF, une des composantes à part entière de la lutte générale pour la paix. Sur le terrain, un événement considérable survient. Il ne se passe que trois mois contre la proclamation de la RP de Chine (octobre 1949) et l’arrivée sur la frontière sino-vietnamienne de l’armée rouge chinoise (décembre). Militairement, cela permettra à l’armée populaire vietnamienne de respirer, d’être approvisionnée pour commencer à lutter à armes égales avec les Français. Et on sait que les premiers succès ne tarderont pas. Politiquement, cette jonction est marquante : entre la frontière RFA/RDA et le fond des maquis Viet Minh, il y a une sorte de continuum, inspiré par les mêmes principes idéologiques. Humainement, il y a une autre conséquence : il est désormais possible de se rendre, au prix certes du franchissement de mille obstacles, en zone Viet Minh. * Extrait du texte d’introduction au livre de Léo Figuères Je reviens du Vietnam libre. Editions Le Temps des Cerises. Avril 2015. 1. Pierre Brocheux, L’occasion favorable 1940-1945. Les forces politiques vietnamiennes pendant la Seconde Guerre mondiale, in Paul Isoart (dir.), L’Indochine française 1940-1945. Paris, PUF, 1982, p. 169. 2. Nouvelle appellation du ministère des Colonies. Mais les locaux – et l’esprit des dirigeants – étaient restés les mêmes. 3. Par rapport, évidemment, aux grands affrontements de 1950 (bataille des frontières) et de 1954 (Diên Biên Phu).
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
- 15
LE RÉVEIL DOSSIER LE RÉVEIL DOSSIER
La Révolution d’août 1945 et la création de la République démocratique du Vietnam1 Le 16 août, un Congrès populaire national fut convoqué au Tan Trao (province de Tuyen Quand). Il rassembla soixante représentants de toutes les nationalités et de diverses tendances politiques. Il nomma un Comité national de libération du Vietnam, gouvernement provisoire de la République démocratique du Vietnam, qui allait naître, présidé par Hô Chi Minh. Hô Chi Minh lança un appel à l’insurrection générale : « Chers compatriotes, Il y a quatre ans, je vous ai appelés à l’union, car l’union fait la force, et la force, c’est la clef de la conquête de l’indépendance et de la liberté. Actuellement les troupes japonaises se sont désagrégées. Le mouvement pour le salut national gagne tout le pays. La Ligue pour l’indépendance du Vietnam (Viet Minh) compte des millions d’adhérents de toutes les couches sociales, intellectuels, paysans, ouvriers, commerçants, soldats, et de toutes les nationalités Tho, Nung, Muong, Man. Dans ses rangs, nos compatriotes jeunes et vieux, hommes et femmes vont coude à coude, sans distinction de confession religieuse ou de fortune. La Ligue a convoqué récemment le Congrès national du peuple et celui-ci a élu le Comité de libération nationale pour diriger tout le pays dans sa lutte acharnée pour l’indépendance. C’est là un grand pas en avant dans l’histoire de la lutte menée par notre peuple depuis près d’un siècle pour sa libération. L’heure décisive pour les destinées de notre peuple a sonné. Debout compatriotes, libérons-nous par nos propres forces. De nombreux
peuples opprimés dans le monde entier rivalisent d’ardeur dans la lutte pour leur indépendance. Nous ne saurions rester en retard. Marchons vaillamment de l’avant sous le drapeau du Viet-minh. » La révolution d’août fut possible grâce à la minutieuse préparation du mouvement politique et de l’insurrection armée faite par le Parti communiste sous la direction du président Hô Chi Minh. Elle avait été rendue possible aussi par la sûreté et la rapidité de l’analyse qui avait été faite de la situation mondiale et du rapport de forces qui s’établit momentanément au Vietnam. Après la capitulation du Japon, le 11 août 1945, et pour un temps très court, le Vietnam se trouvait débarrassé à la fois des colonialistes français et des fascistes japonais. Les Japonais, qui venaient de capituler, ne pouvaient plus maintenir leur domination sur leurs conquêtes, en particulier sur le Vietnam. Quant aux Français qui sortaient des camps de concentration japonais et qui n’avaient plus confiance en l’appareil colonial, ils ne pouvaient pas rétablir tout de suite leur ancienne domination. Les Alliés, de leur côté, Anglais et hommes de Tchang Kai Chek, derrière lesquels se trouvaient les Etats-Unis, n’étaient pas sur place pour s’imposer au Vietnam. Pour quelques semaines, les différentes forces impérialistes avides de dominer l’Indochine étaient éliminées ; le moment de prendre le pouvoir était venu. Ainsi le succès de la Révolution d’août fut-il foudroyant. L’insurrection triompha à Hanoi le
16 - LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
19 août 1945, à Hué le 23 août, à Saigon le 25. Le 2 septembre 1945, le Gouvernement provisoire de la République démocratique du Vietnam se présenta à Hanoi devant 500 000 personnes réunies en un meeting monstre. Pour la première fois depuis soixante ans le Vietnam était de nouveau libre et indépendant. Pour la première fois de son histoire il était dirigé par un gouvernement populaire. C’était Hô Chi Minh qui, du haut de la tribune de la place Ba Dinh, annonçait la nouvelle au peuple vietnamien, au monde entier. 1. Extraits de Hô Chi Minh, notre camarade, de Léo Figuères et Charles Fourniau. Editions sociales, 1970.
1945-1969 Le rôle déterminant du Président Hô Chi Minh Le 2 septembre 1945, en proclamant le Vietnam indépendant, Hô Chi Minh achève d’identifier son existence à celle de son peuple. Désormais sa biographie se confond totalement avec l’histoire de la République démocratique du Vietnam. Comme il ne saurait être question ici de raconter un quart de siècle,
DOSSIER LE RÉVEIL DOSSIER LE RÉVEIL particulièrement chargé de luttes, de la vie du peuple vietnamien, nous nous contenterons de donner quelques points de repère. Devenu le dirigeant du premier Etat populaire du Vietnam indépendant, le président Hô Chi Minh eut à conduire son peuple pendant vingt-quatre ans au travers de problèmes encore jamais posés : il eut successivement à assurer l’une des toutes premières victoires de l’émancipation d’un peuple colonisé après la Seconde Guerre mondiale, à régler les problèmes qui en découlaient vis-à-vis de l’ancienne puissance colonisatrice, à diriger la plus importante des guerres de libération nationale de cette période, à guider la construction du socialisme et en sautant l’étape capitaliste, enfin à affronter le déchaînement massif de la puissance de l’impérialisme américain. La responsabilité suprême pour la solution d’un seul de chacun de ces problèmes suffirait à assurer la gloire d’un homme d’Etat. Le président Hô eut à les résoudre tous, dans les conditions les plus difficiles, et chaque fois la victoire que remporta le peuple vietnamien porte la marque de l’oncle Hô. Charles Fourniau
1947-1954 La première Résistance Quand le président Hô et son gouvernement quittèrent Hanoi en décembre 1946, la disproportion apparente des forces eence était énorme. D’un côté un corps xpéditionnaire bien armé, rodé par plusieurs années de guerre, disposant des techniques modernes, d’une aviation, de tout l’appareil colonial ramené ; de l’autre ce gouvernement du maquis, sans capitale, sans armées, sans armes même ou presque. Au cours de l’année 1947 les forces colonialistes crurent possible de s’emparer du président Hô et de ses ministres par quelque coup de main audacieux, ou une opération parachutée et de régler ainsi rapidement les problèmes de l’Indochine. Sept ans après c’était Diên Biên Phu, le corps expéditionnaire battu en bataille rangée, l’écroulement de tout le système politique monté par le gouvernement français, et finalement les Accords de Genève et l’évacuation du Vietnam par les troupes françaises. Comment s’explique pareil paradoxe ? Par la mise en œuvre des méthodes de lutte que depuis vingt ans l’oncle Hô enseignait à son parti et à son peuple. La guerre de longue durée entreprise par le peuple vietnamien mettait en action toutes les formes de combat : – Lutte sur le plan économique, pour gagner la bataille du riz, pour imposer la monnaie nationale contre la piastre coloniale, pour créer un embryon d’industrie dans la jungle ; – Lutte sur le plan intellectuel, pour poursuivre la bataille contre l’analphabétisme, pour maintenir tous les ordres d’en-
seignement, y compris l’enseignement supérieur, pour promouvoir une culture nationale, populaire, exaltant les énergies du peuple ; – Lutte sur le plan politique, pour souder le peuple autour du Front vietminh, pour l’engager tout entier dans le combat ; – Lutte sur le plan militaire où la stratégie vietnamienne sut créer une méthode de lutte, en adaptant aux conditions du Vietnam tout l’héritage des guerres nationales et de libération de notre siècle et de la tradition du pays. – Lutte sur plan diplomatique, en faisant appel avec confiance au peuple du pays agresseur, en l’occurrence au peuple français que l’oncle Hô connaissait et aimait, et en laissant toujours ouvertes les possibilités de négociations sérieuses, c’està-dire sur la base de la reconnaissance de l’indépendance nationale. Dans chacun de ces domaines l’apport du président Hô fut à la fois considérable, au dire de tous ses collaborateurs, et modeste : nul écrit théorique, mais de brèves exhortations sur tel ou tel point concret. Surtout, au travers de cette longue épreuve, l’oncle Hô incarna totalement aux yeux du monde et aux yeux de son propre peuple le Vietnam combattant et indomptable. Malgré l’acharnement de l’impérialisme français et la brutalité de ses méthodes (c’est de Lattre qui employa le premier le napalm en Indochine), malgré l’intervention de plus en plus déterminante, à partir de 1950, de l’impérialisme américain appuyant et relayant l’impérialisme français, le peuple
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
- 17
LE RÉVEIL DOSSIER LE RÉVEIL DOSSIER
Hô Chi Minh et Paul Vaillant-Couturier (à sa gauche), lors du XVIIIe congrès de la section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), à Tours, en décembre.
vietnamien remporta en 1954 une éclatante victoire. Cette victoire trouve son origine dans l’aide irremplaçable des pays socialistes, dans l’appui de la classe ouvrière française qui, sous la direction du Parti communiste, arriva – au prix de sacrifices (Henri Martin, Raymonde Dien, etc.) – à entraîner la majorité du peuple français
contre la « sale guerre » ; enfin et surtout, dans les propres qualités de courage et d’intelligence du peuple vietnamien, en premier lieu grâce à la direction du Parti des travailleurs du Vietnam qui a pris la suite du glorieux Parti communiste indochinois ayant à sa tête le président Hô Chi Minh. Charles Fourniau
Histoire d’une paix sabotée Histoire d’une paix manquée, a-t-on dit. En fait, histoire d’une paix sabotée systématiquement par les éléments les plus obstinés du colonialisme français, malgré les efforts énormes déployés par le président Hô Chi Minh pour essayer de sauver cette paix, nécessaire au jeune Etat indépendant. Projeté de la clandestinité et du maquis au pouvoir, le Président trouvait la situation la plus difficile qui se puisse imaginer : le pays se relevait à peine d’une des plus terribles famines de son histoire, le gouvernement devait tout mettre sur pied : appareil d’Etat, finances, armée ; les cadres quali-
fiés étaient rares, le pays analphabète. Sur le plan politique grouillaient les intrigues de groupes vendus aux Japonais, à Tchang Kai Chek, etc. Enfin les Alliés avaient décidé de faire occuper le Vietnam – pour désarmer les Japonais – par les Anglais au sud du 16e parallèle, par les troupes de Tchang Kai Chek au nord ; et là-dessus venaient se superposer les intrigues de plusieurs services français qui entendaient reprendre pied en Indochine. Rarement homme d’Etat eut à déployer autant de sang-froid, d’habilité, de courage. A l’appel du Président, tout le pays fit un double effort, couronné de
18 - LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
succès, pour vaincre l’analphabétisme. L’autorité du gouvernement se consolida. En même temps une difficile partie s’engageait sur le plan diplomatique pour garantir l’indépendance réelle du pays et maintenir la paix. Il fallait à la fois se débarrasser des hordes de Tchang Kai Chek qui pillaient le pays et empêcher que ne s’étendent les combats qui avaient commencé au Sud, provoqués par le débarquement de forces françaises dès septembre 1945, en contradiction avec les accords internationaux et la réalité du Vietnam indépendant. Le président Hô Chi Minh osa engager la négociation avec les représentants français, envoyés par l’ex-puissance coloniale, qui n’avait pas renoncé à ses visées de domination. Et ce furent les Accords du 6 mars 1946 : les Chinois de Tchang Kai Chek quittaient le Vietnam, la France reconnaissait l’indépendance du Vietnam, la RDV acceptait de faire partie de la Fédération Indochinoise et de l’Union Française, et de « recevoir amicalement l’armée française lorsque, conformément aux accords internationaux, elle relèvera les troupes chinoises ». Cette « Convention préliminaire » devait être suivie d’un traité définitif et complet. C’est à cette fin que fut réunie la Conférence de Fontainebleau, dans l’été 1946. Le président Hô Chi Minh lui-
DOSSIER LE RÉVEIL DOSSIER LE RÉVEIL même conduisait la délégation vietnamienne, ce qui l’amena à séjourner une nouvelle fois, la dernière, dans notre pays. Mais les hommes du colonialisme et de la guerre firent tout pour empêcher le succès de la discussion. Le moine amiral Thierry d’Argenlieu créa, de toute pièce un « Etat cochinchinois » fantoche, mutilant ainsi le Vietnam d’environ un tiers de son territoire. Des généraux, comme Valluy, multiplièrent les provocations, les politiques comme Bidault entravèrent les conversations diplomatiques. Le 14 septembre, le président Hô Chi Minh ne put signer qu’un précaire modus vivendi, ultime tentative de sa part pour conjurer la rupture voulue par le clan colonialiste. Puis il rentra au Vietnam. En novembre, les forces françaises déclenchaient la monstrueuse provocation de Haiphong, faisant six mille morts en un seul bombardement contre cette ville ouverte. En décembre 1946, la bataille s’engageait dans Hanoi : c’était la guerre généralisée. Dans son appel à la Résistance nationale, du 20 décembre 1946, le président Hô Chi Minh écrit : « Par amour de la paix nous avons fait des concessions. Mais plus nous en faisons, plus les colonialistes français en profitent pour empiéter à tout prix notre pays. Non. Plutôt tout sacrifier que perdre notre pays, que retomber dans l’esclavage. Compatriotes, debout… » Comme en 1945, le Vietnam tout entier répondit à l’appel de l’oncle Hô. Après avoir été le subtil politique, le diplomate adroit et cherchant le compromis pacifique jusqu’à l’extrême limite possible, le président Hô Chi Minh allait redevenir, pour plus de sept ans, le maquisard, âme de la résistance de son peuple. Charles Fourniau
Henri Martin face aux juges statues1 La France libérée, de nombreux résistants ont accepté de s’engager dans l’armée pour aller finir la guerre contre le fascisme en Extrême-Orient, libérer les peuples d’Indochine du joug japonais. Notre camarade Henri Martin était de ceux-là. Mais arrivé sur place, il découvre que les soldats et marins français sont utilisés pour rétablir la colonisation, alors que les dirigeants vietnamiens, sous la conduite d’Hô Chi Minh, négocient l’indépendance du Vietnam dans le cadre de l’Union française. Il proteste alors avec d’autres soldats et marins (il est quartier-maître) et demande la rupture de son contrat. De retour en France, mais toujours mobilisé, il poursuit son action pour la paix en Indochine et, arrêté, il doit faire face au tribunal maritime de Toulon qui le condamne à 16 mois de détention à la prison maritime de ce port, puis il est transféré à Brest d’où il est présenté au tribunal militaire. Nous vous livrons ici des extraits des déclarations d’Henri Martin lors des séances de ce tribunal dont les juges gardaient souvent le silence. « Henri Martin : Quand on aime la liberté, on l’aime pour tous les peuples… Il martèle ses phrases, et même les officiers qui se promènent dans les couloirs à la hauteur de l’étage et passent la tête par l’ouverture de la verrière peuvent l’entendre. Une quarantaine de personnes ont pris place dans la salle. Il paraît que dehors, les événements se précipitent. Sur toutes les routes qui convergent vers le tribunal, les CRS ont formé des barrages.
Beaucoup de Brestois, partis dès le matin avec leurs enfants et leur déjeuner, s’installent dans l’herbe à proximité des grilles. Ah ! on ne veut pas les laisser entrer ? Eh bien, ils assisteront au procès tout de même. Ni une ni deux : on apporte un haut-parleur et ceux qui sont munis d’un laissez-passer font la navette et viennent donner les comptes rendus des débats. Au bout d’un moment les CRS comprennent que l’ordre de non-publicité vient de se voir tourné. En avant ! Ils foncent, raflent le haut-parleur, matraquent tout le monde, y compris les femmes et les gosses, refoulent tout le monde. Mieux encore : arrivent des avocats de Brest désireux d’assister aux débats de ce procès célèbre. Ils se présentent, leur robe d’avocat sur le bras, leur carte d’avocat à la main : on leur refuse l’accès de la salle. Mieux encore : les témoins cités par la défense viennent aux grilles, munis de la citation qui leur a été régulièrement délivrée : on les oblige à entrer au poste de garde. On leur retire leur carte
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
- 19
LE RÉVEIL DOSSIER LE RÉVEIL DOSSIER d’identité. Sous prétexte de « territoire militaire », on les munit d’un laissez-passer spécial… Henri Martin : Vous comprenez, j’avais juré de poursuivre la lutte pour la liberté, mais pas contre la liberté… Tous les jours je comprenais un peu plus que nous n’étions pas venus là pour libérer le peuple, mais pour lui mettre des chaînes toutes neuves. Elles ont beau être neuves, c’est pas meilleur… Oh ! il est venu un Ministre… Il est resté vingt-quatre heures à Hanoï, et puis il est reparti… Depuis ce temps-là, on se fait casser la figure… Et on doit dire qu’on est content… Mais pas ceux dont les fils ont été tués ! Pas ceux dont les fils sont là-bas ! Alors je ne me suis pas senti comme pendant l’occupation. Rester à ne rien faire, ma conscience ne me le permettait pas… En tant que militaires, nous avons le droit de vote. Nous avons le droit de nous exprimer comme n’importe quel citoyen. En nous interdisant de lire certains journaux, c’est exactement comme si on nous supprimait le droit de vote… C’est un combat terrible que mène Henri Martin. Il le sent. Le feu lui monte aux joues. Il hausse le ton. Toute son attitude dit : « Quoi qu’il arrive, vous aurez au moins entendu ça… » Henri Martin : Pendant l’occupation, je cherchais à entraîner le plus possible de jeunes dans la lutte contre l’occupant. S’ils avaient été tués, je n’aurais pas eu de remords. Par contre, j’aurais eu honte de laisser tuer des jeunes qui partaient, ne sachant pas ce qui les attendait. Les meilleurs de 45 sont tombés là-bas. Pourquoi ? Pour la défense nationale ? La défense nationale se fait sur le sol de la nation… Et en 194546, les Vietnamiens n’étaient guère armés. Mais maintenant !
Des milliards de dépensés, des dizaines de Français et de Vietnamiens qui tombent tous les jours. Pourquoi ? Pourquoi ? Si j’étais resté inactif, je n’aurais pas fait mon devoir de Français. Cette guerre est contraire à l’intérêt de la France. Tant qu’elle ne cessera pas, je crierai qu’il faut l’arrêter et traiter ! Le greffier commence à lire le premier tract. Quand il arrive à la phrase : « Le véritable honneur pour l’armée de la République, c’est de ne pas se salir plus longtemps en luttant contre la liberté du peuple vietnamien », la salle n’y tient plus et applaudit. Le Président furieux se lève en bousculant sa chaise et hurle : « Faites évacuer la salle !... La salle proteste. Le Président agite frénétiquement ses manches et se rue vers la porte, suivi à distance par les juges, en hurlant : « Quand la salle sera vide, vous viendrez me le dire ! » On fait évacuer la salle. L’audience reprend dans la salle vide. Le Président se hâte d’ordonner la lecture d’un nouveau tract. Me Vienney : Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous ne sommes pas ici sur un territoire militaire. Nous sommes devant un tribunal qui rend la justice. On empêche le peuple d’entrer ? Mais les débats doivent être publics ! Nous protestons. Nous déclarons que la publicité des débats n’est pas assurée. Vous rendez la justice au nom du peuple. La moindre des choses est que le peuple soit présent à vos audiences. Nous demandons que l’accès de la salle soit libre. Que l’on fasse rentrer ceux qu’on a expulsés ! Me Scarbonchi adjoint de Me Vienney : J’ajoute que des forces de police occupent toutes les issues et qu’il y a là un ensemble de mesures concertées et préméditées pour faire régner une at-
20 - LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
mosphère de violence autour du tribunal. Petit silence. Le Président : Bon, bon. Faites rouvrir la salle… Faites rentrer… Martin reprend la parole. Durant tout l’après-midi, la porte s’ouvrira de temps en temps pour laisser entrer… un auditeur. Un par un. Vers le soir, elle n’est même pas à moitié pleine ! Henri Martin : Si. Mon idée principale est contenue dans le tract qui commence comme ça : « Marins, votons pour la paix ». Le tract disait : « Une occasion vous est offerte de protester contre cette guerre »… Il s’agissait d’un vote, d’une prise de conscience. C’était l’occasion de montrer que les marins n’étaient pas d’accord avec cette guerre. Sur l’Arromanches, quand ils ont su qu’ils allaient partir pour l’Indochine, ils se sont croisés les bras, manifestant par là qu’ils n’étaient pas d’accord avec ce départ. Ils ont débrayé. On les a consignés, mais ils n’ont pas été poursuivis… Mais ils avaient montré qu’ils le veulent bien… » Il faut montrer que ce n’est pas vrai, que les marins partent parce qu’ils y sont obligés, mais qu’ils sont contre. Il faut faire comprendre aux gens qu’ils doivent réclamer le retour du corps expéditionnaire. » 1. Extrait de l’ouvrage d’Hélène Parmelin : Matricule 2078 (Affaire Henri Martin). Les Editeurs français réunis.
VOS DROITS LE RÉVEIL
Laïcité, démocratie Il y a quelques jours, nous commémorions l’assassinat des membres de la rédaction de Charlie Hebdo. Charb, Wolinski, Honoré, Tignous, Cabu et les autres ont été tués parce qu’ils ont caricaturé un prophète. Autrement dit, ils ont été punis pour avoir blasphémé. Le blasphème est un discours ou un acte jugé insultant envers ce qui est considéré comme sacré par les religions. Ainsi, la tuerie du 7 janvier 2015 est la réfutation sanglante du principe de laïcité. Aucune République laïque ne saurait reconnaître le délit de blasphème qui n’est « scandaleux qu’aux yeux de celui qui vénère la réalité blasphémée » (Pierre Bayle). Pourtant, dès le 15 janvier 2015, pas plus de 7 jours après le massacre, le pape François Ier déclarait en substance que la liberté d’expression devait s’exercer dans la limite du respect, en illustrant son propos comme suit : « Si un grand ami parle mal de ma mère, il peut s’attendre à un coup de poing, et c’est normal. », plus loin la papauté ajoute : « On ne peut provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision. » Les périls que connaît notre mode de vivre-ensemble, dont la laïcité est un pilier, vient aussi de là. Les voix ont été nombreuses pour condamner les assassinats de Charlie Hebdo mais tout aussi nombreuses pour appeler au « respect » des croyances. Aucune idée ne peut prétendre à être respectée et aucun groupe ne peut revendiquer le respect de ses convictions. Il n’y a, par exemple, aucun lieu de penser qu’un culte mérite plus de respect qu’une conviction politique ; devrions-nous alors, au nom du « respect », cesser toute moquerie, toute caricature, toute critique politique ? Où s’arrête le respect ? Nul ne peut le dire. C’est bien pour cela que c’est une remise en cause frontale de la liberté d’ex-
pression et de la liberté de pensée. Le seul respect que nous connaissons est celui des individus. En 1904, Jaurès écrivait de la laïcité dans les colonnes de l’Humanité : « Elle respecte, elle assure l’entière et nécessaire liberté de toutes les consciences, de toutes les croyances, de tous les cultes, mais elle ne fait d’aucun dogme la règle et le fondement de la vie sociale. » En conséquence, la laïcité et la démocratie sont identiques. Les libéraux, pour leur part, entretiennent une relation opportuniste avec les religions, quand celles-ci ne se confinent pas à la sphère privée. Karl Marx, déjà en 1843, analysait la capacité des religions à maintenir l’ordre social ce qui le conduisait à affirmer : « La critique du ciel se transforme en critique de la terre, la critique de la religion en critique du droit, la critique de la théologie en critique de la politique. » Nicolas Sarkozy ne s’y trompe pas, en 2004 il écrivait dans son livre La République, les religions, l’espérance : « Partout
en France, et dans les banlieues plus encore, qui concentrent toutes les désespérances, il est bien préférable que des jeunes puissent espérer spirituellement… » C’est sur la base d’une telle conception de la vie sociale que le même Nicolas Sarkozy défendait l’idée d’une « laïcité ouverte ». Une idée défendue aussi par une partie de la gauche comme Bernard Cazeneuve qui prêchait une « laïcité inclusive », il y a quelques mois, en juin 2015. Dans les deux cas, nous ne sommes pas confrontés à un laxisme mais à l’affirmation positive d’un projet politique. En tant que citoyen défendre la laïcité c’est défendre la démocratie. En tant que progressiste, défendre la laïcité c’est lutter pour la transformation de la société, contre l’ordre établi, contre les inégalités qui pourrissent la société. Quentin Corzani Coordinateur du dossier laïcité Dans la revue du Projet n° 52
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
- 21
LE RÉVEIL VOS DROITS
Le Secrétaire d’Etat qui s’appuie sur… le vide ! M. Todeschini, Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants, vient d’adresser une lettre aux Associations nationales d’ACVG dans laquelle il les invite à proposer des candidatures au renouvellement du Conseil d’administration de l’ONACVG qui sera désigné le 1er février 2016. Dès les premiers paragraphes, il s’emploie à définir et préciser le rôle et les missions de ce Conseil d’administration « notamment la prise en compte de la dernière génération de combattants », les OPEX. Et de poursuivre : « Il peut à cet effet s’appuyer sur (…) il gère enfin 8 maisons de retraite, 9écoles de reconversion professionnelle (…) et un centre de pré orientation… ». Des outils indispensables quand on sait que les AC Afrique du Nord atteignent les 80 ans et l’âge des maisons de retraite de l’ONAC, tandis que le souci primordial des OPEX en fin de contrat est l’emploi, la réinsertion sociale, la réinsertion professionnelle.
Sauf que… la phrase citée ci-dessus du Secrétaire d’Etat se termine par : « …dont le transfert à d’autres établissements public du secteur médico-social a été décidé ». En clair, le C.A. de l’ONAC « s’appuiera » sur du vide, le transfert ayant été voté par décision unilatérale du gouvernement (amendement 514 du 12 novembre dernier). Les OPEX n’auront pas droit aux ERP de l’ONAC. ➢ S’appuyer sur le vide… est une notion nouvelle sans doute, mais « cassegueule » à coup sûr. Il est vrai que ce gouvernement et ce Président de la République élus sur un programme social de gauche ne sont plus à une contradic-
tion près en pratiquant une politique de droite au service du patronat. Et au bout de la course, c’est le vide qui les attend. Sauf qu’il nous aura englouti avant et que ce ne sont pas ces messieurs qui payent la note aujourd’hui ni les pots cassés de demain ! Quant aux « intérêts matériels et moraux des ressortissants de l’Office » qu’évoque au final le courrier du Secrétaire d’Etat, les OPEX attendent aujourd’hui que soient pris en compte leur accession à l’emploi, au logement, à la réinsertion professionnelle, bref leur dignité et non que le gouvernement ne leur « transfère » le vide ! Est-ce vraiment trop demander ?
Pour que votre univers reste lumineux s ENTRETIEN D’IMMEUBLES s REMISE EN ÉTAT s TOUS DÉBARRAS s NETTOYAGE PARKING s NETTOYAGE VITRES
Entreprise de Propreté et de Services
56, rue Louis Blanc s 75010 PARIS s Tél. : 01 46 07 53 17 s Fax : 01 42 05 97 88 s Email : scotnet@scotnet.fr 22 - LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
VOS DROITS LE RÉVEIL
Budget 2016 des ACVG La majorité sénatoriale adopte les crédits votés par l’Assemblée nationale Le 3 novembre dernier, au terme d’une séance de nuit aussi brève que morne, la majorité des sénateurs (à l’exception du groupe communiste et républicain) a voté les crédits du projet de budget 2016 des ACVG, déjà adoptés par l’Assemblée nationale. Sans passion, mais très satisfaits – sauf le sénateur Dominique Watrin : enfin un esprit critique ! – les rapporteurs Marc Laménie et Jean-Baptiste Lamoyne, puis les sénateurs Christian Namy, Alain Néri (député critique à l’Assemblée nationale… devenu flatteur à la Haute Assemblée : « Vous êtes le Ministre des engagements tenus (…), des priorités dans un esprit de justice et d’équité (…), vous êtes juste… » (On croit rêver, non ?), Jean-Claude Requier, Pascal Allizard, Alain Marc et Jean-Marie Morisset, tous – la main sur le cœur – n’ont que des mots doux pour féliciter le Ministre. Etonnez-vous qu’après cela M. Todeschini ne rayonne et ne ronronne pas sur les « lauriers » ainsi tressés en son honneur ! ➢ Au point même de « se prendre parfois les pieds dans le tapis » en annonçant que la valeur du point PMI venait de passer de 13,50 euros à 14 euros «, alors qu’elle était à 13,97 (page 37 du compte rendu analytique officiel. Jeudi 3 décembre 2016). Bien sûr, 50 centimes d’euros en plus… c’est plus « riche » que seulement 3 centimes de « rallonge » de 13,97 à 14. Il annonce également que le code des PMI sera ratifié par le Parlement d’ici fin 2016… Chiche ? Il « oublie » simplement de préciser qu’il soumettra aux votes une simple loi d’habilitation permettant au gouvernement de régir le code PMI par ordonnances hors de toutes consultations du parlement. Quelle belle démocratie !!! Pour le reste, il demeure fermement
ancré sur l’austérité. Aux sénateurs qui évoquent timidement la revalorisation du point PMI (« il faudrait y penser » dit M. Néri, « on aurait aimé » dit M. Requier), le Secrétaire d’Etat répond « niet » : « une hausse d’un point coûterait 145 millions d’euros en année pleine, ce qui est impensable dans le contexte actuel ». Et il renvoie en touche le sénateur Jean-Marie Morisset évoquant Clemenceau le 20 novembre 1917, clamant à l’Assemblée nationale : « Ils ont des droits sur nous (…) Nous leur devons tout sans aucune réserve ». Eh bien si, et la réserve est de taille, à la hauteur des cadeaux financiers fait par le gouvernement aux grands patrons du MEDEF et de la Finances, ainsi que l’a souligné le sénateur PCF Dominique Watrin interpellant le Secrétaire d’Etat : « Il manque 130 millions sur 2015… comparez-les avec les 165 millions d’euros faits gratuitement en cadeau avec le CICE à Auchan ! » ➢ Des inquiétudes, ils en ont – certes – les sénateurs… Pour la pérennité des services départementaux de l’ONAC, pour la JDC trop brève, à laquelle ils préféreraient un service civique ouverts aux 18-26 ans, mixte, rémunéré et comptant dans la retraite (Dominique Watrin), le suivi des syndromes post-traumatiques (« où en est-on ? » demande Pascal Allizard, « pas assez de prise en charge dans la durée », ajoute Jean-Marie Morisset), etc. Le Secrétaire d’Etat Todeschini reste de marbre : Pas d’inquiétudes, tout
va bien à bord… L’ONAC n’a rien à craindre ; le gouvernement a déposé un amendement sur le transfert de 17 EHPAD (Ecole de réinsertion professionnelle et Maisons de retraite de l’ONAC). En 2016, « l’ONAC devra se recentrer sur son cœur de métier ». (Formule à la mode utilisée aujourd’hui pour justifier tous les abandons et toutes les remises en causes gouvernementales). Et nous qui pensions bêtement que les maisons de retraite ONAC pour les ACVG, que les ERP pour la réinsertion professionnelle des OPEX étaient « le cœur de métier de l’ONAC » en cette année 2016, centenaire de leur création ! Quelle naïveté… ➢ Alors rideau sur la suite : Les amendements présentés sont refusés par le gouvernement et retirés. Et, pour faire bonne mesure, même la présentation d’un rapport dressant le bilan de la nouvelle formule d’aide sociale de l’ONAC (qui pourtant inquiète les sénateurs), mesure exigée par l’Assemblée nationale… est SUPPRIMÉE ! Pas de vagues surtout ; M. Todeschini est reparti en paix, la main sur le cœur. Quant aux ACVG, il leur reste à « retrousser leurs manches » dès janvier et tout au long de 2016, s’ils veulent que les crédits budgétaires 2017 prennent réellement et concrètement en compte leurs droits à réparations imperceptibles et que la Dette de la Nation à leur égard soit vraiment « au cœur du métier » du gouvernement.
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
- 23
LE RÉVEIL VOS DROITS
OPEX, victimes des attentats terroristes, Quels soins aux blessures psychiques ? A l’initiative de l’ONAC Essonne, nos camarades Jacqueline Thabeault-Alcandre (avocate), Bernard W. Sigg (psychanalyste) et André Fillère (Vice-Président National Honoraire) – tous trois spécialistes des questions et problèmes liés aux psychotramatismes de guerre PTSD – ont animé un large débat auquel ont participé plus de 60 personnes venus de multiples horizons en l’Ecole de Réinsertion professionnelle de l’ONAC « Malleterre » à Soisy-sur-Seine. Trois bases de départ avaient été retenues, à savoir : le rapport parlementaire consacré à la prise en charge des blessés, la circulaire de l’ONAC sur l’accompagnement des blessés, le rôle de l’ONAC et son action sur l’ensemble de ces questions. Tour à tour, un débat large, nourri et passionnant s’est instauré à partir de l’exposé de B. Sigg (« qu’est-ce qu’un psychotraumatisme ?), puis celui de JTA (« quel droit à réparation ? » et enfin l’exposé du directeur de l’ONAC 91, François Eschenbach quant au détail des mesures annoncées par l’ONAC, André Fillère animant les échanges à partir de ses expériences de terrain.
➢ Fait remarquable, l’unanimité des dirigeants associatifs les plus divers – découvrant pour certains, la réalité du problème des stress – quant au retard pris en France en matière de suivi, notamment en cas de résurgences différées que sont ces blessures psychiques de guerre. Idem quant au caractère de santé nationale que revêt ce problème qui ne concerne pas seulement les militaires mais toutes les victimes de stress dû aux accidents de la circulation, du travail, des catastrophes naturelles, etc. ➢ Constat fut fait des limites du rapport sur le suivi des blessés en matière de suivi psychique, au plan des OPEX sortis de l’Armée (y compris pour leur dignité, l’emploi, le logement, la reconversion et la réinsertion professionnelle, etc), quant aux possibilités réelles des services départementaux de l’ONAC de leur apporter une aide concrète réelle et – enfin – la dénonciation du refus officiel de prendre en compte les propositions faites par l’ARAC et appuyées sur la réalité positive des centre de soins américains des « Vets Centers ». A partir des travaux de l’ARAC, ceux de la commission officielle de 1985 à 1992, des 4 colloques organisés,
des documents que sont « Le dossier pourpre » et « les Laissés pour comptes des guerres modernes », ces débats ont montré un large consensus qui devrait permettre de développer un front d’actions diversifiées se fixant pour objectif la création d’un véritable réseau (associant les familles des victimes) capable d’assurer un suivi permanent des victimes de stress en cas de résurgence différée. André Fillère
ONACVG Le gouvernement passe en force et marginalise les administrateurs ! Sans aucune information préalable envers les Associations d’ACVG et encore moins les membres du Conseil d’administration de l’ONACVG, le gouvernement a présenté et fait voter le 12 novembre dernier par les députés un amendement N° II-54, dépouillant l’ONACVG d’une partie de son patrimoine (les Ecoles de réinsertion professionnelle et les Maisons de retraite ACVG), amputant de la moitié de ses personnels (plus de 700 agents) et pillant son fonds de réserve (40 millions d’euros). Soucieux de clore une opération s’avérant plus difficile qu’il ne le prévoyait, le gouvernement a décidé de « passer 24 - LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
en force » et de marginaliser les administrateurs de l’ONACVG dont le Conseil d’administration est poussé en
touche face à une décision autoritaire dont il est écarté. 1) « Les biens immobiliers et mobi-
VOS DROITS LE RÉVEIL
liers appartenant aux Ecoles de reconversion professionnelle relevant de l’ONACVG (…) sont transférés en pleine propriété à l’EPNAK (établissement public national Antoine Koenigwater)… par décret (…) au plus tard le 31 décembre 2016. » 2) « Les biens immobiliers et mobiliers appartenant à chacun des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes relevant de l’ONACVG peuvent être transférés en pleine propriété aux établissements publics nationaux de santé ou médico-sociaux (…) au plus tard le 31 décembre 2017. » 3) « Les transferts prévus (…) se font à titre gratuit et ne donnent lieu à aucune indemnité à perception de droits, impôts ou taxes (…), aucun versement d’honoraires (…) ni un versement prévu à l’article 879 du code général des impôts. »
➢ En outre, l’ONACVG doit contribuer – sur ses fonds de roulement propre – à la remise aux normes des établissements ainsi qu’au rétablissement de leur équilibre financier. En clair, l’ONAC fait cadeau de 75 millions d’euros (valeur des ERP, Maisons de retraite, terrains, etc.) et va débourser 40 millions supplémentaires de remises aux normes, soit 115 millions d’euros (appartenant en fait aux Anciens Combattants et Victimes de Guerre !), royal cadeau à des repreneurs sans le sou… disent-ils !!! On brade, on paye en plus et, dans la foulée, on « pousse en touche » le Conseil d’administration de l’ONACVG dont les administrateurs n’ont plus qu’à se taire, le gouvernement ayant imposé dans sa loi de finances des mesures qu’il finalisera par décret. Un véritable coup de force et un déni
de la démocratie. Tel est le cadeau de noël/1er janvier 2016 que trouveront dans leur hotte les nouveaux administrateurs que le gouvernement s’apprête à nommer. De quoi s’interroger dans leur tête quant au rôle qu’ils pourront jouer, aux responsabilités qu’ils pourront prendre… ➢ André Fillère, administrateur sortant – ou ne faudrait-il pas plutôt écrire « sorti » ? – a protesté vivement et dénoncé fermement ce coup de force dans un courrier adressé à M. Todeschini (Secrétaire d’Etat en charge des AC) et à Mme Rose-Marie Antoine (directrice générale de l’ONACVG). N’hésitez pas – Ami(e) s lecteurs et lectrices – à relayer cette protestation et à amplifier cette dénonciation en direction des Association d’ACVG, des élus, des préfets, de la presse et de la population.
Quand parlent les cendres Elle est là, sobre, à deux mètres de nous, serrant dans ses bras un œuf blanc, une urne funéraire, les cendres de son père qu’elle berce comme il l’a peut-être bercée hier. Elle, Catherine Founty, comédienne toute en retenue, émouvante, portant la parole de Barbara Bouley, fille d’un Ancien Combattant en Algérie. Elle fait parler les cendres pour comprendre comment – après un enfer ramené de la guerre, comment après les jours assaillis par les spectres – comment ce père a « dégenté » : colère, mutisme, coup de folie, coups de gueule, éclatement de la famille. Avec les cendres de ce père qui vient de mourir, qui a choisi de laisser la mort l’emporter sur le délire psychique de la blessure de guerre, avec les cendres de ce père elle nous dit, à travers ses yeux de petite fille… Elle nous dit l’horreur de cette guerre, elle nous dit l’horreur que beaucoup portent encore en eux, au retour, elle nous dit
la cruauté d’un syndrome post-traumatique différé (PTSD), elle nous dit le désarroi des familles impuissantes, laissées à la dérive… A mots couverts, murmurés, elle nous dit toutes nos raisons d’agir pour aider ces blessés, leurs familles à se soigner ensemble, à s’en sortir ensemble. Nous étions là, avec Bernard Sigg, pour faire écho à ce bouleversement, le nôtre et celui des gens qui nous accompagnaient. En parler avec eux, Ancien d’Algérie pour certains, jeunes et moins jeunes confrontés à cette voix des cendres, celle du père de Barbara Bouley mais aussi celles – terriblement présentes d’actualité – des hommes et des femmes retour d’OPEX et, depuis celles des hommes et des femmes survivants des attentats du 13 novembre à Paris, celles de leurs familles. Et rien de concret, de tangible, de réellement efficace à offrir pour soigner cette blessure immédiate ou qui ressurgira demain, après-demain,
plus tard. Nous sommes ressortis plus que jamais convaincus, persuadés de la nécessité de poursuivre l’action de l’ARAC – entamée il y a plus de 40 années – l’action que les gouvernements successifs refusent de prendre en compte dans sa démarche fondamentale. : la création de véritables réseaux de soins gratuits de proximité, accueillant victimes du PTSP avec leurs familles, avec des psychanalystes et des travailleurs sociaux spécialement formés, avec le concours d’Anciens Combattants, de Victimes de Guerre, de victimes du terrorisme et de leurs familles. Dans PTSD, il y a « différé », et en France rien ou si peu n’existe au présent et pour l’avenir. Rien depuis la circulaire de 1992 ou presque. Alors l’ARAC poursuit le combat. André Fillère Spectacle présenté à Arcueil (94), Espace « Anis Gras » le lieu de l’autre. Une initiative à soutenir.
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
- 25
LE RÉVEIL VIE DE L’ARAC
Balaruc les Bains (34) La médaille de Bronze de l’ORMCM à Richard ADELINO Le 20 novembre dernier en présence de M. CATALA, adjoint au maire, Maurice MORENO, président départemental remettait la médaille de bronze de l’Office Républicain des Mérites Civiques et Militaires à Richard Adelino, membre de l’ARAC depuis les années 1947/48. A 18 ans en 1942, il s’est engagé dans les FFI et a poursuivi la guerre dans le 81e RI créé dans l’Hérault par le général De Lattre. Agé de 90 ans, il est resté un homme d’engagement et de solidarité, embauché par la Mobil de Frontignan, il adhère à la CGT et au PCF, il est alors de tous les combats locaux pour le mieux-être de tous, pour la paix. Il fut champion d’haltérophilie de l’Hérault puis du Languedoc et pendant plus de 35 ans, il a été animateur-responsable de l’Association d’Haltérophilie de Frontignan, ce qui lui a valu de recevoir la Médaille de la Jeunesse et des sports. Il a reçu aussi la médaille de la Croix Rouge comme donneur de sang régulier. D’où la conclusion du président Moréno « Richard, nous sommes tous fiers de toi, tu es un homme véritable ».
DORDOGNE (24)
Roger THEBAULT,
C’est avec tristesse que nous avons appris cet été 2015 le décès de notre camarade et ami Roger Ranoux. Il a été longtemps président de la fédération départementale du Comité d’Honneur de l’ARAC Dordogne et plus tard jusqu’à maintenant vice-président de notre association. Très Roger Ranoux et Yves Guéna - le 25/11/2008 à Périgueux écouté et très apprécié de tous et toutes. Nous garderons le Roger le souvenir d’un grand défenseur de la résistance et du devoir de mémoire. Une cérémonie d’hommage a eu lieu le 13 juillet dernier. L’ARAC, aux côtés de son président Départemental de la Dordogne. En mémoire du décès de Bertrand à l’âge de 49 ans, fils de Jean-Paul Lachaux et de son épouse. Une cérémonie de recueillement a eu lieu le 12 septembre 2015. L’ARAC, avec ses adhérents, camarades et ami(e)s se sont associés à la famille et aux proches dans ces douloureux moments en leur apportant notre soutien.
un résistant d’Ille-etVilaine nous a quittés
Thourotte (60) Lors des cérémonies du 11 novembre 2015, Claude Duhaubout, Président de la section de l’ARAC Thourotte a reçu la médaille de Chevalier dans l’Ordre National du Mérite des mains de son parrain André Coffin, Président Départemental de l’ARAC Oise. Toutes nos félicitations.
26 - LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
Roger Thébault (89 ans) était adhérent de l’ARAC depuis 1946, Membre du Comité directeur, membre du Comité d’honneur de notre département ; il était également membre de l’ANACR. Lors de ses obsèques civiles le 5 décembre, dans la petite ville de Tremblay (35) Jean Chaplet au nom de l’ARAC a prononcé notre dernier hommage. Ce résistant n’avait pas encore 17 ans en novembre 1943, lorsqu’au sein d’un groupe FTP 1943, il participa à de multiples actions contre l’ennemi. Ce groupe transportait des explosifs, posait des mines, ce qui entraîna le détournement de convois de l’occupant nazi et la destruction de 52 camions. Engagé volontaire le 8 août 1944, au sein du 3e Bataillon de marche FFI d’Ille et Vilaine, il combattit sur le front de l’Atlantique notamment dans la poche de Saint-Nazaire. De nombreuses distinctions militaires lui avaient été remises dont la Croix de combattant volontaire de la Résistance. Ardent défenseur de l’Ecole publique, René Thébault avait été nommé Chevalier puis Officier de l’ordre des Palmes académiques. Comme nous l’avons rappelé : « La mémoire de notre ami Roger THEBAULT appelle toutes les générations à agir pour la Liberté, l’Egalité, la Fraternité.
VIE DE L’ARAC LE RÉVEIL
Aniane (34) Réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple Le 17e rassemblement d’Aniane pour la réhabilitation collective des 639 fusillés pour l’exemple (1914-1918) avait lieu deux jours après les attentats barbares perpétrés à Paris, victimes innocentes d’un fanatisme religieux généré par une politique colonialiste déjà dénoncée par Jaurès en 1912 se superposait à celle des jeunes soldats français condamnés injustement à mort pour conforter une politique de guerre menée au nom de la fameuse Union Sacrée de 1914. Plus de 200 personnes, déterminées à réaffirmer leur volonté de paix, s’étaient regroupées devant le monument pacifiste aux morts. Parmi les personnalités on notait la présence des Maires d’Aniane et de St Guilhem le Désert, d’une délégation du Conseil municipal des jeunes
d’Aniane, de Serge Pagès et Pierre Clec’h du Bureau national de l’ARAC et président respectif des Fédérations du Gard et de l’Aude ainsi que les organisateurs MM Jacques Boyer de la Libre Pensée, Alain Visseq du Groupe laïque Victor Hugo, et Cubells du mouvement de la Paix. Madame Oullié, militante pacifiste, évoqua la figure d’un jeune résidant dans un foyer de rééducation, qui s’était engagé en septembre 1914, il était repris pour la 3e fois par la gendarmerie qui le recherchait pour désertion. Il fut exécuté alors que manifestement il aurait dû être réformé. Le Maire d’Aniane, M. Salasc déclara que son conseil municipal prendrait la décision de graver le nom de ce jeune sur le monument de la ville.
Ottange-Villerupt (57)
Les représentants des associations organisatrices s’attachèrent à donner un sens renforcé à cette journée au lendemain de la tuerie barbare de Paris : poursuivre de façon encore plus déterminée notre lutte pour la paix et la justice sociale ; Maurice Moréno, président de l’ARAC-34, après avoir montré comment entre 1914 et 1918 le pouvoir militaire (Joffre et Pétain), avec la complicité du pouvoir politique (Clémenceau, Painlevé) a ouvertement nié les principes républicains en instaurant des tribunaux d’exception qui ne pouvaient se fonder que sur l’arbitraire et l’injustice, notre devoir est non seulement de « faire guerre à la guerre » mais aussi de défendre les valeurs de la République.
Le gagnant de la voiture est : Franck BERGER du Puy de Dôme Ils ont gagné 1 bon cadeau à 50 €
Le 6 septembre 2015, l’ARAC a participé avec ses drapeaux au 71e anniversaire de la libération du camp de Thil en Meurthe et Moselle, et en hommage aux femmes russes déportées qui fabriquaient des V1 dans les galeries de la mine, une cinquantaine d’entre elles se sont échappées avec l’aide des villageois du secteur, et sont entrées dans le maquis pour les aider aux sabotages, cinquante de leurs camarades n’ont pas eu cette chance et sont mortes ensevelie sous les roches de la mine et des mauvais traitements. (Voir notre Réveil n° 818 d’octobre 2015). Le 11 octobre était la journée de la mémoire mosellane à Bitche il y avait plus de trois cents drapeaux dont cinq de l’ARAC, trois de Yutz et deux d’Ottange-Villerupt, il y avait également Monsieur Jean Marc Todeschini, secrétaire d’état aux anciens Combattants. Le 11 novembre après les manifestations patriotiques nous avons fait notre repas annuel avec 75 convives.
Gérard POLONIO Rémy DENHAUT Gilbert FILLION André BECAMEL Catherine CHATELET Dominique LE PAN Michel LAGARDE Claude LANCHEC Jean FABREGUE Christian JERONNE Paul BONVALLET Jean-Claude CHEVRIER Guy ROQUES Bernard GUERET Gaëtan DAVIS Jean TROUCHAUD Jean NADJAR Daniel ETIENNE Roland HERNAULT Henri PITIOT
dépt 2 3 6 7 13 22 24 29 30 34 38 42 47 58 72 77 84 91 93 94
Numéro 14 899 83 110 58 663 24 562 98 191 121 687 10 234 64 706 102 639 97 905 25 756 26 928 116 230 86 277 126 642 71 091 20 403 118 881 138 727 78 455
Merci à tous ceux qui, cette année encore ont contribué avec la tombola du Réveil à l’existence de notre journal. On ne dira jamais assez combien la bataille pour l’information fait partie du combat pour la démocratie. Comment concevoir la construction des prises de conscience, des actions, des nouvelles générations, sans la possibilité de communiquer et de s’approprier l’histoire, la mémoire d’une Nation, d’un pays. C’est le rôle de notre journal, de contribuer à cette intelligence collective, en construction permanente. La Rédaction
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
- 27
LE RÉVEIL VIE DE L’ARAC
ARAC FENAIN – SOMAIN (59) Du 9 au 13 novembre 2015, dans le cadre du collectif 14-18 à Fenain, nous avons organisé une exposition. Le 9 novembre, jour du vernissage, en présence de M. JeanJacques Candelier – député maire –, de Mme Arlette Dupilet – maire de Fenain – et d’une nombreuse assistance, nous avons pu admirer : - L’art dans les tranchées (objets travaillés par les Poilus) – collection personnelle de M. Laurent Paul-Constant de l’ARAC de Somain (plus de 400 objets) - Exposition de l’ARAC « La grande guerre » - Les animaux pendant la grande guerre - Exposition de peintures et toiles sur Fenain avant 1914 et de poilus (peintres locaux). Nous avons, durant 3 jours, reçu les enfants du CE2 et CM2 des trois écoles de Fenain. Nous avons commémoré le 11 novembre 2015 à Somain, Fenain, Escaudain, avec toujours la participation active des enfants
ARAC FENAIN (59)
ARAC Vaucluse (84) Le 7e rassemblement vauclusien pour la réhabilitation des Fusillés pour l’exemple, organisé par l’ARAC, la Ligue des droits de l’Homme, et la Libre Pensée s’est tenue le 11 novembre 2015. Plus d’une soixantaine de citoyennes et citoyens se sont retrouvés rue A. Blanc (Avignon), un lieu choisi en hommage au député internationaliste du Vaucluse qui fut une des figures emblématiques du combat contre les crédits de guerre et pour la paix immédiate pendant la 1re mondiale. La Provence, la Marseillaise, le Dauphiné Libéré, France Télévision et France Bleu Vaucluse ont couvert l’évènement.
L’ARAC de Fenain a participé au Forum des associations. Exposition sur Barbusse, vente d’objets de l’ARAC (t-shirt, affiches, etc.) et du Village de Van Canh.
FONTENOY (02) Hommage aux Poilus Leymarie et Bersot fusillés pour l’exemple en 1914 Samedi 14 novembre à Fontenoy, Pierre Jarret, de la Ligue d’enseignement de l’Aisne, Nicolas Aurigny, présidente de la Libre pensée, et Jean-Noël Grébert, président départemental de l’ARAC, ont rendu hommage à deux Poilus fusillés pour l’exemple : Léonard Leymarie et Lucien Bersot. Une stèle est érigée en Après le dépôt de gerbes sur la stèle, les parleur mémoire, près du stade de football, ticipants ont entonné la chanson de Craonne, là où ils ont été tués par des balles franhymne de désespoir des Poilus sacrifiés. Un çaises, et au pied de Vingré où les solchant puni de peine de mort dans les tranchées. dats étaient envoyés à l’abattoir. Dès août 1914, des dizaines de soldats furent fusillés pour l’exemple. Léonard Leymarie, soldat du 305e Régiment d’infanterie, a été fusillé le 12 décembre 1914, au bord de l’Aisne gelée. Accusée de mutilation volontaire parce qu’il était blessé la main, il n’a cessé de clamer son innocence. Lucien Bersot, soldat du 60e Régiment d’infanterie. Refusant le 11 février 1915 de porter un pantalon maculé pris sur un mort, est d’abord sanctionné par huit jours de prison. Mais le lieutenant-colonel transforme ce refus d’obéissance en « refus d’obéissance en présence de l’ennemi ». Il est fusillé le 13 février 1915 à cent mètres du château de Fontenoy. En France, il y a eu 639 fusillés pour l’exemple. Quarante ont été réhabilités entre les deux guerres. « Il en reste 600 dont il faut laver l’opprobre », reprend Nicole Aurigny. Pour Leymarie, on a cru que le président Hollande, originaire de Corrèze comme lui, interviendrait. Mais l’armée fait tout pour qu’on ne remette pas en question les jugements miliaires. » 28 - LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
Georges Doussin, Président de l’ARAC
ARAC FENAIN (59) L’ARAC de Fenain (59) a participé au marché de noël : vente de vin chaud, chocolat, gaufres, objets artisanaux du Vietnam, distribution du prospectus du village de Van Canh.
BELEU (02)
En marge des commémorations du 11 novembre, le président départemental de l’ARAC de l’Aisne, JeanNoël Grébert, a récompensé JeanClaude Maurice et Gilbert Baron de la médaille d’honneur de l’ARAC. Le magistrat Philippe Montaron, a reçu quant à lui la Croix de Guerre 14-18.
VIE DE L’ARAC LE RÉVEIL
Isère (38)
L’ARAC Isère a tenu son Assemblée Générale le 17 octobre dernier en présence de Jacques Verrier secrétaire national et de nombreux élus. Le Président départemental, Robert Maeder, dans son rapport de bienvenue a remercié les nombreux participants de leur présence et les élus pour l’aide apportée aux sections. Les rapports moral et financier ont été adoptés à l’unanimité. Jacques Verrier, dans son discours de clôture, a salué le travail effectué par l’équipe départementale pour le travail accompli et perpétuer le souvenir des disparus, développer le travail de mémoire. A l’issue de cette réunion, Michel Hamon a reçu la médaille de bronze de l’ORMCM remise par Monsieur Pras, directeur départemental de l’ONAC. L’Assemblée Générale décide la présentation de l’exposition 14/18 de l’ARAC pour 2017. Le maire de Seyssins-Pariset est d’accord pour l’accueillir.
ARAC Montescourt Lizerolles (02) A l’Assemblée Générale de ARAC (de Montescourt Lizerolles) Républicaine, Citoyenne et Gardienne de la Mémoire de la Déportation nous avons fait un bilan d’activités. Notre activité regroupe à l’intention des ACVG, le travail de mémoire, la défense des valeurs républicaines. 19 dossiers d’aides financières aboutis auprès de l’ONAC de Laon 12 Expositions Centenaire Grande Guerre 1914/1918 Notre vigilance est permanente. L’ARAC informe les veuves qu’elle se tient à leur disposition pour valorisation de leurs droits. Présence aux cérémonies commémoratives : 19 Mars 1962, Journée Nationale de la Déportation, 8 Mai 1945,14 Juillet et 11 Novembre L’ARAC de Montescourt Lizerolles est désormais gardienne du Drapeau Départemental de la FNDIRP et assure la sortie de ce drapeau à chaque cérémonie En bref, une ARAC de Montescourt Lizerolles en bonne santé !
La mémoire aux Ulis, passerelle entre 14-18, les OPEX et les attentats A l’initiative de l’ARAC des Ulis (91) une exposition réalisée en coordination avec l’ARAC de Massy et l’Institut d’Histoire de Gometz-le-Chatel – a mis l’accent sur les faits saillants de 1915. Invité au vernissage le 30 novembre dernier, André Fillère (à la demande des organisateurs) a souligné combien la mémoire pouvait servir de passerelle entre le passé et le présent. De Freud et des psychotraumatismes de guerre aux OPEX rentant stressés, jusqu’aux victimes des attentats du 13 novembre et leurs familles, se tisse une situation de fait douloureuse et tragique soulignant l’absence quasi-totale de structures de proximité pour la prise en charge de syndromes différés. Au terme de ce débat, l’ARAC des Ulis a décidé de prolonger son effort de passage de mémoire en consacrant une nouvelle expo en 2016, autour du « Feu, journal d’une escouade », prix Goncourt 1916 attribué à Henri Barbusse (fondateur de l’ARAC), ainsi qu’une conférence-débat sur les psychotraumatisme de guerre.
Romainville – 11 novembre 2015 Mettant en œuvre le Parcours de découverte « Mémoire-Histoire » défini en commun en juin dernier entre le collège Gustave Courbet, la section de l’ARAC, la municipalité et l’association des Amis d’Henri Barbusse, c’est avec le concours de quatre élèves de 3e de ce collège, ayant préparé en classe leurs interventions, que notre camarade Paul Markidès, en tant que président de la section de l’ARAC, s’exprima lors de la cérémonie officielle du 11 novembre à Romainville. La nombreuse assistance leur manifesta nettement son approbation et certaines personnes de l’assistance soulignèrent qu’elles appréciaient de voir et d’entendre chaque année lors de cette cérémonie, des jeunes manifester ainsi leur intérêt pour notre Histoire.
Comité de l’Essonne (91) Grand merci à nos camarades de l’Essonne. En janvier 2015, le département nous avait prêté 4 000 €. Ils viennent de transformer ce prêt en don. Dans la situation difficile que traversent les associations, mais également l’ARAC, la Mutuelle et toutes les branches de nos activités, cette décision vient à point nommé.
LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
- 29
LE RÉVEIL VIE DE L’ARAC
Le Réveil des Combattants adresse aux familles et aux amis de nos camarades décédés ses sincères condoléances.
Nos peines ■ AIN (01) Bourg en Bresse : Maurice SEIGNEMARTIN, AC 39-45. Genissiat : Julien DUCRET, AC TOE, Indochine ■ ALLIER (03) St-Pourçain sur Sioule : Maurice BIDET, 77 ans, AC ATM, vice-président de la section, membre du comité départemental, porte-drapeau de la section Lafeline. ■ BOUCHES-DU-RHONE (13) Lambesc : Gilbert CONVERCET, AC ATM. Yves CONVERCET, combattant pour la Paix. Le Merlan : Marcel CARRENO, AC ATM Rognac : Jean BREMOND, AC ATM. Claude JOUMOND, AC ATM. Vellutini : Fernand ANGLESSY, AC ATM. ■ DROME (26) Serves sur Rhône : René RIVAREL, AC ATM, trésorier de la section.
Disponible aussi pour Androïd
30 - LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
■ ILLE-ET-VILAINE (35) Rennes : Roger THEBAULT, 89 ans, Résistant, engagé à 17 ans dans les FTP puis rejoignit le 3e Bataillon des FFI d’Ille-et-Vilaine. Croix de Combattant Volontaire de la Résistance. Officier des Palmes Académiques. Membre du Comité d’honneur d’Ille-et-Vilaine. ■ LOIRE ATLANTIQUE (44) St Jacques : Damien GRENON, 90 ans, Résistant, AC 39-45. André LE CORRE, 81 ans, AC ATM. ■ LOIRET (45) Fleury les Aubrais : Mme Jacqueline DAUPHIN, 80 ans, combattante pour la paix.
■ NORD (59) Solre le château : Michel HOUZET, 84 ans, AC ATM. ■ SAVOIE (73) Bellentre : Gilbert VILLIEN, AC ATM.
■ HAUTE-SAVOIE (74) Thonon les Bains : François BORDET, 92 ans, AC Volontaire 39-45. Gilbert PACHOUD, 95 ans, Résistant, blessé de guerre. ■ TARN (81) Albi : Jacques BOYER, AC ATM. ■ VAUCLUSE (84) Lagnes : Maurice FOIS, Résistant. ■ ESSONNE (91) Les Ulis : Hubert COUDANE, 91 ans, Résistant, FTPF, président d’honneur de l’ARAC Essonne. Massy : Daniel VAN HAUTE, combattant pour la Paix. ■ SEINE ST DENIS (93) Le Blanc Mesnil : Marcel NELATON, AC 39-45. ■ VAL DE MARNE (94) Villejuif : Roland LENGRAND, AC ATM. Marcel TREVISAN, AC ATM.
VIE DE L’ARAC LE RÉVEIL
GIRONDE (33) BUREAU DEPARTEMENTAL le 18 novembre 2015 Minute de silence et de recueillement en ouverture de séance, exprimant profonde émotion et indignation devant les actes barbares des attentats, et en même temps, solidarité et soutien aux victimes et leurs familles. Sur la base des valeurs de l’ARAC, s’est exprimé aussi la volonté de ne pas baisser la tête et de résister. Pour cela l’ARAC de la Gironde apportera sa pierre, modeste, à la recherche d’une solution de Paix durable en organisant à Bordeaux en MARS 2016, une « RENCONTRE/DEBAT », aussi large que possible, sur ces thèmes de la PAIX et non pas la Guerre, les Armes et Défense Nationale, les réfugiés en Europe…
Loire-Atlantique (44)
Le 22 décembre 2015, un rassemblement a eu lieu à Nantes devant la Préfecture sur le thème « Sortir de l’état d’urgence » pour dénoncer les atteintes portées à la démocratie et contre sa prolongation. L’ARAC 44 était présente avec son drapeau. Le message national a été distribué au public et aux policiers barrant l’accès au bâtiment. Une discussion s’est engagée avec le représentant du Préfet qui a refusé de recevoir une délégation.
Un mulâtre cubain Maire de Paris Et Ministre de la République Né en novembre 1836 à La Havane (Cuba) dans une famille de « mulâtres libres », Severiano de Heredia arriva à Paris en 1845. Après des études à « Louis le grand » il entame une carrière de poète et de critique littéraire et – en 1870 – se lance dans une carrière politique. En 1873, il est élu au Conseil Municipal de Paris (pour le quartier des Ternes) dans le camp de la majorité républicaine radicale. C’est le seul « Homme de couleur » au Conseil. En 1879, il devient – à 42 ans – Président du Conseil de Paris, l’équivalent de maire. Il le demeurera 6 mois (c’était l’usage, à l’époque, de rotation sophistiquée) puis deviendra ministre des travaux publics. Décédé en 1901, il fut complètement ignoré de la République. En inaugurant une rue « Severianno de Heredia » dans le 17e arrondissement de Paris, Anne Hidalgo (la maire actuelle) a déclaré notamment « il a été oublié parce que noir… Renié et relégué parmi les oubliés de l’Histoire… victime de méfaits du racisme et du colonialisme. La République a été son tremplin, le colonialisme son tombeau ». Sortons-le de cet oubli criminel avec le livre de Paul Estrade. « Severiano de Heradia, ce mulâtre cubain que Paris fit maire et la République Ministre » (Editions Indes savantes – prix : 21 euros)
Vivre ! Obstinément Comment un jeune lycéen antifasciste, refuse en 1940 la défaite de la France et la collaboration pétainiste, reste de plain-pied dans la résistance, aboutit à un service de renseignement. Dénoncé, arrêté par la milice en septembre 1943, remis à la Gestapo. Durant 18 mois à Buchenwald, Jean Boré connaîtra l’horreur quotidienne des déportés. Il trouvera sa place dans l’organisation clandestine et participera à la libération du camp sous la responsabilité de Marcel Paul avec lequel il se liera d’une amitié forte, y compris après la déportation. Une histoire, une vie, un exemple, avec beaucoup d’autres qui a porté l’honneur de notre pays profané, vendu, avili. Une histoire d’un homme véritable permis d’autres qui a su être à la hauteur de ces moments particulièrement douloureux de notre histoire, un livre à mettre entre toutes les mains, d’abord des jeunes, particulièrement aujourd’hui où des crabes noirs ressurgissent et tentent de faire accepter par notre peuple des discours, des idées, de haines, de divisions et d’exclusion. Hervé Corzani LE RÉVEIL - N° 820 - DÉCEMBRE 2015-JANVIER 2016
- 31
ARAC ASSOCIATION RÉPUBLICAINE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE, DES COMBATTANTS POUR L’AMITIÉ, LA SOLIDARITÉ, LA MÉMOIRE, L’ANTIFASCISME ET LA PAIX
Adressée à François Hollande 55 rue du Fbg St Honoré – 75008 PARIS (dispensé de timbrage)
L’APPEL DES GOODYEAR CGT GOODYEAR AMIENS NORD Pour la première fois depuis un demi-siècle un gouvernement a demandé que soit requis des peines de prison ferme contre des syndicalistes pour avoir participé avec les salariés à des actions en vue d’empêcher la fermeture de leur usine. En même temps qu’ils préparent la suppression dans quelques mois de plus 1 000 articles du Code du travail, Hollande, Valls et Macron ont décidé de déclencher une répression sans précédent des syndicalistes qui luttent dans les entreprises. Avec les 8 condamnés de GOODYEAR l’exécutif veut faire un exemple. Le gouvernement affiche sa volonté de mettre les Procureurs et les forces de polices aux services des grands groupes pour briser toute résistance à la destruction des emplois et de l’industrie. Evidemment les militants de terrain en général et ceux de la CGT en particulier sont les plus touchés. C’est pourquoi nous en appelons à l’ensemble des salariés, aux militants, aux syndicats d’entreprises, unions locales, départementales, régionales, fédérations ou simples salariés solidaires, pour qu’ensemble nous fassions la démonstration de notre force. Nous pouvons être des millions à faire reculer Hollande, Valls et Macron en commençant par leur imposer l’arrêt des poursuites contre les 8 de GOODYEAR et en organisant le plus grand rassemblement solidaire en prévision de l’appel. « Avec le Secrétariat National de l’ARAC », je signe l’appel Nous Sommes Tous Des Goodyear
Nom
Prénom
Nom
Prénom