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La censure en France - Palestine Alain Gresh Directeur du journal en ligne OrientXXI.info
Ce qui est intéressant dans le fonctionnement de la censure en France, et plus largement en Europe, c’est qu’elle dit rarement son nom. C’est pour cela que la censure qui m’a frappé est à la fois intéressante, mais est un cas plutôt rare. Le samedi 6 août, en pleine attaque israélienne contre Gaza, je suis appelé par la chaîne d’information en continu BFM-TV pour intervenir le lendemain. J’accepte et nous fixons une heure pour l’interview. L’entretien dure environ cinq minutes, se passe très bien avec la journaliste. Je développe deux idées : une, factuelle, c’est Israël qui a déclenché l’attaque avant qu’aucune roquette n’ai été tirée par le Jihad islamique ; deuxièmement que la situation de blocus de Gaza, d’occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est ne peut déboucher que sur des violences, dont Israël, en refusant d’appliquer les résolutions de l’ONU porte la seule responsabilité. Entretemps, j’ai été appelé par BFM pour une second entretien le lundi 8 août à 11h. En fin d’après-midi du 7, je me rends compte que, après avoir été diffusé, mon entretien n’est plus disponible sur le site de BFM. Le mardi matin, BFM me fait savoir que mon second entretien a été décommandé, entre-temps le cessez-le-feu à Gaza a été annoncé. Je m’étonne auprès de la rédaction à la fois de la disparition de mon premier entretien et de l’annulation du second, mais je ne reçois que de vagues réponses. En quelques heures, l’information fait le tour des médias sociaux et le buzz. Plusieurs journaux m’interrogent sur ce qui s’est passé. Le quotidien Libération publie une enquête dans sa lettre Checknews du 8 aoûti. « Frappes sur Gaza: pourquoi BFMTV a-t-elle supprimé une interview dans laquelle Alain Gresh met en cause Israël? ». Ils ont interrogé la direction de BFM qui a fait la réponse suivante : « Si cet extrait spécifique a été retiré, c’est «pour éviter toute manipulation» car il «était tronqué, pas entier», explique auprès de CheckNews François Raineteau, directeur de la communication d’Altice France, le groupe propriétaire du quinzième canal de la TNT. Une explication également livrée (au mot près) par le directeur général de la chaîne, Marc-Olivier Fogiel, au site Puremédias. La chaîne, qui publie régulièrement des bouts d’interviews sur son site, n’a pas été en mesure de citer d’autres cas de suppression visant à éviter des manipulations. » Et n’a surtout pas expliqué de quelle manipulation il s’agissait. Suite à la tempête médiatique suscité par cette censure, BFM m’a à nouveau interviewé le 9 août sur les cessez-le-feu à Gaza. Rappelons que BFM est la propriété de Patrick Drahi, « Israélien de cœur et de nationalité »ii, qui a obtenu la diffusion en France de la chaine israélienne francophone I-24News. Je tiens à souligner que cette forme de censure est exceptionnelle. Car, sur la question de Palestine elle s’exerce de manière plus subtile et elle se présente rarement de manière aussi « nue ». Elle s’exerce par le tri entre les invités. On a le choix entre les porte-paroles divers israéliens – durant les dernières attaques contre Gaza, un ancien porte-parole de l’armée israélienne, présenté par BFMTV comme un simple « habitants de Tel-Aviv » a relayé les points de vue officiels de Tel-Aviv. Nous pouvons aussi entendre ceux qui « regrettent les violences », mais affirment qu’Israël à « le droit de se défendre ». Vous entendrez aussi ceux qui continuent à croire aux accords d’Oslo, à « la solution des deux États », et à la nécessité de « combattre les extrémistes des deux bords ». Et, en France particulièrement, toute condamnation du sionisme est présentée comme une forme d’antisémitisme. On a assisté en France, depuis les années 2000, à un tournant dans les médias. Alors que ceux-ci avaient évolué dans les années 1970 et 1980, soutenant le droit à l’autodétermination des Palestiniens et la nécessité de négocier avec l’OLP (qu’Israël et les États-Unis dénonçaient comme terroriste), ils ont transformé leur point de vue : désormais la Palestine est compris à travers la grille de « guerre contre le terrorisme » et du « péril islamiste ». Cela reflète d’ailleurs la position des gouvernements européens, notamment français, qui s’est aligné depuis les années 2000 sur Israël. De Gaulle et les positions courageuses de la France dans les années 1970 et 1980 sont désormais oubliées.
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Pour revenir sur mon cas personnel, cela fait des années que je n’ai pas été invité à BFMTV ni dans aucune chaîne d’information continue. Ni à m’exprimer dans les médias principaux. Je travaille sur la question palestinienne depuis des décennies, j’ai publié des centaines d’articles et une bonne demi-douzaine de livres sur le sujet. Il me semble que je
dispose d’une certaine légitimité pour parler de la Palestine. Bien sûr, il ne s’agit pas de donner un seul point de vue, mais d’accepter qu’il y a des analystes, des militants, des journalistes qui pensent que la racine des guerres remonter à l’occupation de la Palestine, à l’expulsion de sa population en 1948-1950 et 1967, au caractère colonial du mouvement sioniste, caractère colonial dont il se réclamait avec fierté avant que la colonisation ne devienne un mot négatif. Une dernière remarque concerne la place des réseaux sociaux. La mobilisation autour de la censure a montré qu’il est possible de contrer la censure, de faire prévaloir une conception pluraliste de l’information. L’expérience du média en ligne OrientXXI.info le confirme. Et je peux remercier BFMTV car, grâce à cette censure, j’ai gagné 2 300 followers sur twitter @alaingresh
Cascade du Bois de Boulogne (75) 21 août 2022
16 août 1944, 35 jeunes Résistants de la région parisienne sont fusillés près de la Cascade du Bois de Boulogne. Ils sont tombés dans un piège tendu par la Gestapo avec un agent double infiltré dans la Résistance. La victoire est proche mais la barbarie nazie est encore vivante. Les exécutés s’ajouteront à la longue liste des martyrs. Ils appartenaient à différents mouvements et malheureusement le besoin d’armes pour combattre les a conduits dans ce traquenard. 21 août 2022, comme tous les ans, la commémoration se déroule sur les lieux mêmes de l’exécution. Comment ne pas être impressionné par la solennité de l’hommage ? La multitude des gerbes déposées montre une volonté de mémoire vivante pour ces jeunes martyrs issus de milieux sociaux et philosophiques divers. Après un exposé historique introductif fait par Guy Krivopisco, conservateur du Musée de la Résistance Nationale, sont intervenus successivement des élus du 16e arrondissement, de Boulogne-Billancourt, Brice Rasbaste, maire de Chelles (77) dont 17 jeunes martyrs sont originaires, puis Laurence Patrice, adjointe au maire de Paris, déléguée à la mémoire combattante. Tous ont insisté sur le caractère indispensable du travail de mémoire sur la Résistance face aux menaces qui pèsent sur la démocratie et la Paix en Europe et dans le monde.
Plusieurs intervenants ont tenu à rendre hommage au regretté Robert Créange qui fut le coordinateur pendant des décennies de cette cérémonie. Une délégation de l’ARAC avec Raphaël Vahé, Président, Jean-Luc Colin, membre du Bureau National, Véronique Capus, trésorière départementale 92, Me François Kaldor du comité de Libération parisien s’était joint à notre délégation.
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