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Championne d’europe, les entreprises françaises versent 44,3 milliards d’euros à leurs actionnaires ������������������������������������������������������������������������
d’austérité budgétaire avec un contrôle de la dépense publique ». « La revalorisation est nécessaire mais ce n’est pas la seule piste et surtout pas la seule solution. C’est ne pas comprendre les ressorts de la dégradation de l’attractivité du métier », développe Max Brisson. « Il faut que l’on retrouve du sens dans notre métier », explique Sophie Vénétitay. « La période ‘Jean-Michel Blanquer’ a été très négative pour les enseignants », selon Pierre Ouzoulias. « Le salaire n’a pas changé mais en plus, Jean-Michel Blanquer a noyé les enseignants sous des circulaires, les normes y compris sur la façon de tenir le crayon ». « La dégradation des conditions de travail est aussi un frein aux vocations », se désole Max Brisson. « Manquer d’enseignants c’est aussi grave que de manquer de gaz cet hiver », s’inquiète Pierre Ouzoulias. « Dans un pays confronté à la plus grande crise à laquelle il doit faire face, la crise climatique, la situation actuelle est catastrophique. Car on a besoin d’un haut niveau de connaissance et de formation. Et structurellement on ne peut pas y faire face. »
Source : Public Sénat – extraits – M. Spitzberg – 23/08/22
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La crise profite à certains. Les entreprises françaises augmentent de 32,7 % leurs dividendes versés à leurs actionnaires au deuxième trimestre de 2022 au titre de l’année 2021. De quoi placer le pays en tête du secteur en Europe.
Selon l’étude de la société de gestion Janus Henderson, rendue publique le 24/08, les entreprises françaises ont versé 44,3 milliards d’euros (47 milliards de dollars) à leurs actionnaires au deuxième trimestre 2022, soit plus d’un quart des dividendes européens. Un chiffre en hausse de 32,7 % par rapport à 2021, en France (+28,7 % au niveau européen).
Ce chiffre faramineux s’explique par une année 2021 exceptionnelle marquée par une reprise très forte après la crise du Covid-19. « Les entreprises françaises continuent de normaliser leurs versements aux actionnaires après la pandémie, et la croissance des bénéfices a également été solide. Avec 44,3 milliards d’euros versés au deuxième trimestre, les dividendes français ont atteint un nouveau record en euros, bien que l’évolution des taux de change n’ait pas permis de battre le record en dollars [48,9 milliards au deuxième trimestre 2019 et 47,2 au deuxième trimestre 2018, ndlr] », note Charles-Henri Herrmann, directeur du développement France & Distribution BeNeLux de Janus Henderson.
Cette manne ira principalement dans la poche des plus riches. En 2019, rappelait France Stratégie dans son 3e rapport d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital : « 62 % [des dividendes] ont été reçus par 39 000 foyers (0,1% des foyers), dont 31 % par 3900 foyers (0,01% des foyers) ». Une micro niche d’ultra-riches largement choyée par la politique d’Emmanuel Macron.
Dans le détail, « Airbus et LVMH ont le plus contribué à la croissance des dividendes français, note Janus Henderson. Le premier a rétabli son dividende après une interruption de deux ans, tandis que le second a bénéficié d’une rentabilité accrue ». Pour mémoire, les entreprises françaises qui touchaient les aides publiques pendant la pandémie ne devaient pas verser de dividendes. De même, les banques avaient dû renoncer à en verser sur demande de la BCE. Elles se rattrapent amplement puisque le secteur des services financiers est l’un des principaux moteurs de la croissance des dividendes avec les constructeurs automobiles, le secteur pétrolier
Le monde entier est dans la même dynamique. 95 % des entreprises européennes ont ainsi augmenté ou maintenu leurs dividendes. Le deuxième trimestre est le point culminant des versements des dividendes de l’année précédente sur le Vieux Continent. Mais la tendance est bien mondiale. Les dividendes trimestriels ont atteint le montant record de 544,8 milliards de dollars soit une hausse de 11,3 %. Même la société de gestion d’actifs semble surprise de ce résultat supérieur à ses prévisions. « Il est étonnant de constater que, malgré les énormes
perturbations économiques causées par la pandémie, les dividendes mondiaux sont désormais supérieurs au niveau record qu’ils avaient atteint avant la pandémie » Elle prévoit dorénavant 1.560 milliards de dollars de dividendes au total en 2022, soit une croissance globale de 5,8 %. Toutefois, Janus Henderson ne s’attend pas à des taux de croissance aussi importants pour l’avenir. « La croissance des dividendes devrait être plus modérée l’année prochaine compte tenu des perspectives économiques actuelles », écrit Ben Lofthouse, responsable de l’équipe Global Equity Income. Pas de panique pour autant, « rien ne permet de penser que les dividendes mondiaux ne pourront maintenir à long terme le taux de croissance annuel de 5 à 6% auquel nous nous sommes habitués », précise-t-il. Ouf, il restera des bénéfices à taxer.
Source : LIBERATION – O. Monod – 24/08/22
Ardoise magique
Attribuer toutes les difficultés du moment à un motif unique était déjà une pratique de la Rome antique. À l’époque, Caton l’Ancien achevait chacun de ses réquisitoires, quel qu’en soit l’objet, en réclamant que Carthage soit détruite. Plus récemment, en 1984, la télévision publique confia à l’acteur Yves Montand l’animation d’une émission, « Vive la crise ! », destinée à faire comprendre aux Français que tous leurs tracas découlaient de l’État-providence. Une purge sociale servirait donc de remède universel. Puis le terrorisme est devenu la hantise quotidienne, la nouvelle ardoise magique qui permettait d’effacer le reste. Dans l’heure qui suivit les attentats du 11 septembre 2001, des fonctionnaires britanniques reçurent d’ailleurs ce message de la conseillère d’un ministre : « C’est un très bon jour pour passer en douce toutes les mesures que nous devons prendre. » Il suffirait de les attribuer à la « guerre contre le terrorisme », y compris bien entendu quand elles n’avaient aucun rapport avec Oussama Ben Laden. Tournez manège, désormais en Russie chacun des problèmes existants provient forcément des manigances de l’Occident. Pendant qu’en Occident c’est toujours « la faute à Moscou ».
Ainsi de la chute du niveau de vie. Le président Joseph Biden attribue sans se lasser à la « taxe de Poutine » sur l’alimentation et l’énergie la forte reprise de l’inflation aux États-Unis. Son homologue Emmanuel Macron prétend lui aussi que les difficultés actuelles de ses compatriotes les plus pauvres s’expliquent par une « économie de guerre ». Mais, dans ce cas, cela fait quarante ans que les Français ne connaissent plus la paix. Car la fin de l’indexation des salaires sur les prix remonte à 1982, lorsque François Mitterrand et son ministre Jacques Delors offrirent aux entreprises privées le cadeau le plus gigantesque qu’elles avaient jamais reçu de l’État. Aucun arbre de Noël ne fut en revanche dressé depuis pour les salariés, dont le pouvoir d’achat s’est trouvé durablement amputé. À l’époque, pourtant, l’Ukraine et la Russie constituaient encore un même pays, et M. Poutine n’avait toujours pas quitté sa ville natale de Leningrad… L’« économie de guerre » ne fera en somme que prolonger et accélérer l’appauvrissement des plus pauvres alors même que les profits du CAC 40 (160 milliards d’euros en 2021) viennent de pulvériser un record historique établi il y a quinze ans. Bref tout a changé, sauf la hiérarchie mondiale entre dividende et salaire. Et la détermination des gouvernants de privilégier le premier (lire « Le Comité de salut privé »). Oligarques de tous les pays…
L’ardoise magique fonctionne aussi pour l’écologie. Relance de la production de charbon, sacrifice du fret ferroviaire, fracturation hydraulique, pollutions numériques, débauche publicitaire des joailliers dans la presse et sur les murs : en ces domaines aussi, la vie continue. Là encore « à cause de Poutine » ? L’État offrira donc des ventilateurs et des bouteilles d’eau aux plus pauvres, des remises sur l’essence à ceux qui ne font pas leurs courses à vélo. Les « mesures d’urgence » se succèdent ; les mesures urgentes attendront.